01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html |
A001000163 |
Or j'ay dict que leur scandale est purement ou presque purement passif..... Car on sçait bien que l'occasion de leur division et escart quilz pretendent avoir, c'est l'erreur, l'ignorance, l'idolatrie, quilz disent estr'en l'Eglise laquelle ilz ont abandonnee; et d'ailleur c'est chose toute certaine que l'Eglise en son cors general ne peut estre scandaleuse et est inscandalisable, comme son Espoux, qui luy communique par grace et assistence particuliere ce qui luy est naturel en proprieté: car en estant le chef il addresse ses pas au droit chemin, l'Eglise c'est son cors mistique, et par ce il prend a soy l'honneur et le mespris qui luy est faict; dont on ne peut dire quelle donne, prenne ou reçoive aucun scandale. |
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A001000170 |
Ceste necessité, pourtant, quil y a au monde d'y voir des scandales, ne doit point servir d'excuse a qui par sa mauvayse vie les donne, ou qui les reçoit de la main du scandaleux, ni a celuy [7] qui de sa propre malice les va recherchant et procurant a soy mesme. |
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A001000172 |
Confessons donques que personne d'entre nous autres hommes n'est offencé que de soy mesme; c'est ce que j'entreprens de persuader icy a force de raysons. |
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A001000275 |
que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech. |
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A001000310 |
Ne sçait on pas que les douze Patriarches, enfans du bon Jacob, furent la source vive de l'eglise d'Israel; et quand leur pere les eut assemblé devant soy pour les benir, on les voyoit, on s'entrevoyoit entr'eux. |
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A001000342 |
Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race. |
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A001000425 |
Jamais vous ne trouveres que toutes les parties de quelque notable et grande province se soient employëes a se gouverner soy mesme, mays falloit, faut et faudra que ou un homme seul, ou un seul cors d'hommes residens en quelque lieu, ou une seule ville, ou quelque petite portion d'une province, aye gouverné le reste de la province, si la province estoit grande. |
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A001000458 |
Il ne se peut donques faire que la vraye Eglise soit en dissention ou division de creance et doctrine, car Dieu n'en seroit plus autheur ni espoux, et, comme royaume divisé en soy mesme, elle periroit. |
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A001000458 |
Tout aussi tost que Dieu prend un peuple a soy, comme il a faict l'Eglise, il luy donne l'unité de cœur et de chemin. |
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A001000524 |
Ne sont ce pas des perpetuelles repliques et expositions de ceste tant douce leçon, Apprenes de moy que je suis debonnaire et humble de courage? et de ceste autre, Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy mesme, qu'il prenne sa croix tous les jours, et qu'il me suive? Qui garde les commandemens il renonce asses a soy mesme pour estre sauvé, c'est bien asses s'humilier pour estre exalté, mais d'ailleurs il reste une autre obeissance, humilité et renoncement de soy mesme, auquel l'exemple et les enseignemens de Nostre Seigneur nous invitent. |
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A001000525 |
Ces exemples et enseignemens si signalés de pauvreté, chasteté, abnegation de soy mesme, a qui ont ilz esté laissés? a l'Eglise. |
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A001000525 |
Et de faict, les Escritures et exemples qui sont en icelles ne sont que pour nostre utilité et instruction; l'Eglise donques devoit prattiquer et mettre en œuvre ces si saintz advis de son Espoux, autrement c'eust esté en vain et pour neant qu'on les luy eust laissés et proposés: aussi les a elle bien sceu prendre pour soy et en faire son prouffit, et voicy dequoy.. |
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A001000527 |
Qui ne sçait combien sont admirables les rapportz que faict Philon le Juif de la vie des premiers Chrestiens en Alexandrie, au livre intitulé De vita supplicum, ou Traitté de saint Marc et ses disciples? comme tesmoignent Eusebe, Nicephore, saint Hierosme et, entre autres, Epiphane qui dict que Philon escrivant des Jesseens il parloit des Chrestiens, qui pour quelque tems apres l'Ascension de Nostre Seigneur, pendant que saint Marc preschoit en Egypte, furent ainsy appellés, ou a cause de Jessé, de la race duquel fut Nostre Seigneur, ou a cause du nom de Jesus, nom de leur Maistre et qu'ilz avoient tousjours en bouche: or, qui verra les livres de Philon, connoistra en ces Jesseens et therapeutes, guerisseurs ou serviteurs, une tres parfaicte renonciation de soy mesme, de sa chair et de ses biens. |
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A001000529 |
Nostre Seigneur a faict coucher en ses Escritures ces advertissemens et conseilz de chasteté, pauvreté et obeissance, il les a prattiqués et faict prattiquer en son Eglise naissante; toute l'Escriture et [117] toute la vie de Nostre Seigneur n'estoit qu'une instruction pour l'Eglise, l'Eglise donques devoit en faire son prouffit, ce devoit donques estre un des exercices de l'Eglise que ceste chasteté, pauvreté et obeissance ou renoncement de soy mesme; item, l'Eglise a tousjours faict cest exercice en tous tems et en toutes saisons, c'est donques une de ses proprietés: mays a quel propos tant d'exhortations si elles n'eussent deu estre prattiquees? La vraye Eglise donques doit reluire en la perfection de la vie Chrestienne; non ja que chacun en l'Eglise soit obligé de la suivre, il suffit qu'elle se trouve en quelques membres et parties signalees, affin que rien ne soit escrit ni conseillé en vain, et que l'Eglise se serve de toutes les pieces de la Sainte Escriture.. |
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A001000715 |
Si ces Livres ne furent pas des le commencement indubitables en l'Eglise, comm'est ce que le tems leur peut acquerir cest'authorité? Pour vray, l'Eglise ne sçauroit rendre un Livre canonique sil ne l'estoit, mays l'Eglise peut bien declairer qu'un Livr'est canonique qui n'estoit pas tenu pour tel d'un chacun, et ainsi le mettr'en credt parmi le Christianisme, nom pas changeant la substance du Livre, qui de soy estoit canonique, mays changeant la persuasion des Chrestiens, la rendant tres asseurëe de ce dont elle ne l'estoit pas. |
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A001000753 |
Vous dires peut estre que Luther se trompe, il en dira tout autant de vous; a qui croire? Luther se moque de l'Ecclesiaste, il tient Job pour fable; luy opposeres vous vostre persuasion? il vous opposera la sienne: ainsy cest esprit, se combattant soy mesme, ne vous laissera autre resolution que de vous bien opiniastrer de part et d'autre.. |
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A001000756 |
Qui est le couteau avec lequel on a faict tant de retranchemens? l'opinion de ces inspirations particulieres; qu'est ce qui faict si hardis vos reformeurs a racler, l'un ceste piece, l'autre celle la, et l'autre un'autre? le pretexte de ces interieures persuasions de l'esprit, qui les rend sauverains, chacun chez soy, au jugement de la validité ou invalidité des Escrittures. |
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A001000764 |
L'Eglise avoit generalement receu, il y a plus de mill'ans, la version latine que l'Eglise Catholique produit, saint Hierosme, tant sçavant homme, en estoit l'autheur ou le correcteur; quand voicy en nostr'aage s'eslever un espais brouillart [176] de l'esprit de tournoyement, lequel a tellement esblouy ces regrateurs de vielles opinions qui ont couru cy devant, que chacun a voulu tourner, qui d'un costé qui d'autre, et chacun au biais de son jugement, ceste sainte sacrëe Escriture de Dieu: en quoy, qui ne voit la prophanation de ce vase sacré de la sainte lettre, dans laquelle se conservoit le precieux basme de la doctrine Evangelique? Car, n'eust ce pas esté prophaner l'Arche de l'alliance, si quelqu'un eust voulu maintenir qu'un chacun la pouvoit prendre, la porter chez soy et la demonter toute et depecer, puys luy bailler telle forme quil eust voulu, pourveu quil y eust quelque apparence d'Arche? et qu'est ce autre chose soustenir que l'on peut prendre les Escritures, les tourner et accommoder chacun selon sa suffisance? Et neanmoins, des lors qu'on asseure que l'edition ordinaire de l'Eglise est si difforme quil la faut rebastir tout a neuf, et qu'un homme particulier y met la main et commence ce train, la porte est ouverte a la temerité: car si Luther l'ose faire, et pourquoy non Erasme? et si Erasme, pourquoy non Calvin ou Melancthon? pourquoy non Henricus [177] Mercerus, Sebastien Castalio, Beze, et le reste du monde? pourveu qu'on sache quelques vers de Pindare, et quatre ou cinq motz d'Hebreu, au pres de quelques bons Tresors de l'une et l'autre langue. |
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A001000859 |
Il y a neanmoins tresgrande difference entre les premieres Regles et celle cy; car la premiere Regle, qui est la Parole de Dieu, est Regle infallible de soy mesme, et tres suffisante pour regler tous les entendemens du monde, la seconde n'est pas proprement Regle de soymesme, mays seulement entant qu'elle applique la premiere, et qu'elle nous propose la droitture contenue en la Parole sainte: ainsy qu'on dict les loix estre une regle des causes civiles; le juge ne l'est pas de soy mesme, puysque son jugement est obligé au reglement de la loy, neantmoins il est, et peut tresbien estre appellé, regle, par ce que l'application des loix estant sujette a varieté, quand il l'a une fois faicte il faut s'y arrester. |
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A001000874 |
Attendite, dict saint Pol, vobis et universo gregi; mays qui doit fayre cecy, de penser a soy et pour le cors general? in quo vos posuit Spiritus Sanctus Episcopos [213] regere Ecclesiam Dei: il appartient aux pasteurs de prouvoir de saine doctrine aux brebis.. |
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A001000988 |
Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie: car le peuple envoya bien Phinees, grand Prestre et superieur, aux enfans de Ruben et de Gad; le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz pour parler a Nostre Seigneur, et toutefois il les estimoit plus que soy mesme; et S t Pierre se trouvant au conseil y consentit, et authorisa sa mission propre.. |
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A001001434 |
Son ascension me faict monter a ceste foy; car si son cors penetre, s'esleve par sa seule volonté, et se place sans place a la dextre du Pere, pourquoy ne sera il encor ça bas ou bon luy semble, sans y occuper autre place qu'a sa volonté? Ce qu' il sied a la dextre du Pere, me monstre que tout luy est sousmis, le ciel, la terre, les distances, les lieux et les dimensions: ce que de la il viendra juger les vivans et les morts, me pousse a la creance de l'illimitation de sa gloire, et que partant sa gloire n'est pas attachëe au lieu, mays ou quil soit il la porte avec soy; dont au tressaint Sacrement il y est sans laysser sa gloire ni ses perfections. |
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A001001458 |
Les ministres ne veulent combattre qu'avec l'Escriture, je le veux; ilz ne veulent de l'Escriture que les parties qu'il leur plaict, je m'y accorde: au bout de tout cela, je dis que la creance de l'Eglise Catholique l'emporte de tous pris, qu'elle a plus de passages pour soy que l'opinion contraire, et ceux qu'elle a, plus clairs, purs et simples, plus raysonnablement interpretés, mieux [346] concluans et sortables. |
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A001001488 |
Et c'est a ce propos que saint Augustin: Unde tanta vis aquæ, ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo? non quia dicitur, sed quia creditur; c'est a dire, les paroles de soy, estant proferees sans aucune intention ou creance, n'ont point de vertu, mays estans dites en vertu et creance, et selon l'intention generale [360] de l'Eglise, elles font cest effect salutaire. |
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A001001488 |
Pareillement, Nostre Seigneur ne dict pas qu'on die ces paroles, Ego te baptizo, simplement, mays commanda que toute l'action du Baptesme se fist in nomine Patris; si que il ne suffit pas qu'on die, in nomine Patris, mays faut que le lavement ou aspersion mesme se face in nomine Patris, et que ceste authorité anime et ravigore non seulement la parole, mays toute l'action du Sacrement, laquelle de soy n'auroit point de surnaturelle vertu. |
02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html |
A002000098 |
La Croix aussi estoit de soy toute couverte d'ignominie, et signe infortuné de malediction; mays des lhors que Pilate, estant indubitablement touché d'en haut, comme a remarqué saint Ambroise, eut mis sur icelle l'inscription sacree, Jesus Nazarenus Rex Judæorum, elle fut rendue toute sainte et venerable par ce tiltre asseuré de son annoblissement. |
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A002000188 |
que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech. Je vous prie, penses a ce trait. |
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A002000225 |
Ne sçait on pas que les douze Patriarches, enfans du bon Jacob, furent la source vive de l'eglise d'Israel; et quand leur pere les eut assemblé devant soy pour les benir, on les voyoit, on s'entrevoyoit entr'eux. |
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A002000243 |
Qui ne sçait que la Croix a esté le sceptre de Jésus Christ, dont il est escrit en Esaye, Duquel la principauté est sur son espaule? car tout ainsy que la clef de David fut mise sur l'espaule d'Eliakim filz d'Elcias, pour le mettre en possession de son Pontificat, Nostre Seigneur aussi print sa Croix sur son espaule, lhors que chassant le prince du monde, prenant possession de son Pontificat et de sa Royauté, il attira toutes choses a soy: comme interpretent saint Cyprien au Livre second contre les Juifz, et saint Hierosme au Commentaire, et Julius Firmicus Maternus, qui vivoit environ le tems de Constantin le Grand, au livre De mysteriis profanarum religionum, cap. XXII, et plusieurs autres des Anciens; quoy que Calvin sur ce passage, sans authorité ni rayson, se moque de cette interpretation, l'appellant frivole. |
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A002000246 |
Or, Nostre Seigneur prenant a soy cest instrument et en estant le dernier possesseur, il luy a levé toute l'ignominie, la lavant en son propre sang, dont il l'appelle sa Croix et se surnomme Crucifix. |
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A002000253 |
» Accordes, je vous prie, cest homme avec soy mesme. Pour prevenir, dit-il, l'idolatrie, Dieu veut la Croix de son Filz estre cachee; par la marque de la Croix toutes deceptions des diables sont chassees: la Croix abolit l'idolatrie; la Croix est cause de l'idolatrie. |
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A002000254 |
Jesus Christ proteste que si un jour il est eslevé en haut il tirera toutes choses a soy, et le prince du monde sera chassé; et vous voules que l'eschelle de son exaltation ait deprimé et abattu son honneur et service. |
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A002000286 |
Or, que le bois de la Croix represente la Passion de Nostre Seigneur, la chose est de soy trop claire: l'infaillible rapport que la Croix a au Crucifix ne peut moins operer que ceste representation. |
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A002000324 |
S'abandonne soy mesme et luy quitte ses droitz?. |
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A002000332 |
Et saint Gregoire le Grand, Livre troisiesme de ses Epistres, en la trente cinquiesme parle de l'huile de la sainte Croix, lequel en touchant guerissoit; et Bede tesmoigne que c'estoit un huile qui sortait de soy mesme du bois de la Croix. |
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A002000357 |
Icy la sainte Croix, a soy tient accouplés. |
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A002000468 |
Je remarque que le traitteur a tort de contredire en ceci a la commune opinion, qui porte que le Serpent estoit eslevé sur un bois traversier, sans avoir ni rayson ni authorité pour soy; et qu'au contraire, il est raysonnable que saint Justin le Martyr soit preferé en cest endroit, lequel, en l'Apologie pour les Chrestiens, recitant ceste histoire, tesmoigne que Moyse eslevant le Serpent le dressa en forme de croix. |
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A002000495 |
Car, dressant la guerre contre Maxence, il commença (comme il est vraysemblable) a douter a part soy quel evenement auroit ceste guerre, et quel secours il pourroit appeller, dont estant en ce souci il regarda par vision le signe resplendissant de la Croix au ciel; et les Anges assistans pres de luy, ja tout esbloui de la vision, luy dirent: En ceci, o Constantin, tu vaincras. |
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A002000505 |
L'interpretation qu'on y veut apporter, de dire que lhors apparoistra le signe du Filz de l'homme, c'est a dire le Filz de l'homme mesme, qui par sa majesté se fera regarder de toutes partz comme une enseigne, est trop forcee et estiree; on voit a l'œil qu'elle ne sort pas ni ne coule des motz et paroles de l'Escriture, mais d'un prejugé auquel on veut accommoder les saintes paroles; c'est une conception qui ne suit pas l'Escriture, mais qui la veut tirer apres soy. |
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A002000526 |
Or saint Cyrille, pour luy faire response, fait un beau denombrement des principaux articles de nostre foy, et puys adjouste: « Le Bois salutaire nous fait souvenir de toutes ces choses, et nous advise de penser que, comme dit saint Paul, ainsy qu' un est mort pour tous, ainsy faut-il que les vivans ne vivent plus a soy, mays a Celuy qui est mort et ressuscité. » Le traitteur mesme produit en ceste sorte ce passage de saint Cyrille, confessant que la croix que les Chrestiens mettoyent devant leurs maysons estoit la marque et l'enseigne publique de Jesus Christ; confession bien contraire a ce qu'il avoit dit, que la Passion de Nostre Seigneur estoit irrepresentable.. |
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A002000563 |
Mais des-lhors que l'Eglise fut delivree des tyrannies, on vit la Croix par tout celebree « es maysons, es places, es solitudes, [134] es chemins, es montaignes, es vallees, en la mer, es navires, es isles, es lictz, es vestemens, es armes, aux chambres et couches nuptiales, es banquetz, es vases d'argent et d'or, es margarites, es peintures des murailles, es cors des animaux malades, es cors possedés par les diables, es guerres, en paix, es jours, es nuitz, es assemblees des delicatz mondains, es rangz des moynes, tant chacun va a l'envy d'avoir ce don admirable pour soy. |
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A002000582 |
Eusebe tesmoigne qu'avant que Constantin donnast la bataille contre Licinius, il se retira hors le camp au tabernacle ou pavillon de la Croix avec quelque nombre des plus devotz qu'il trouva pres de soy, et ce pour prier Dieu et se recommander a sa misericorde, ce qu'il avoit accoustumé de faire en toutes semblables occasions. |
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A002000582 |
Sozomene, d'autre part, escrit que ce grand Empereur avoit fait faire un pavillon ou tabernacle en guise d'une eglise ou chapelle qu'il portoit tous-jours avec soy quand il alloit a la guerre, affin que tant luy que l'armee eust un lieu sacré auquel on loüast Dieu, on le priast et on peust recevoir les sacrés misteres, car les prestres (sacerdotes) et diacres suivoyent tous-jours ce tabernacle a ceste intention. |
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A002000688 |
Le roy Oswald, devant que combattre contre les barbares, dressa une grande croix de bois, et s'estant mis a genoux avec toute son armee, obtint de Dieu la victoire qu'il eut sur le champ; despuys, grand nombre de miracles se firent en ce lieu la, plusieurs mesme venoyent prendre des petites buches du bois de ceste croix, lesquelles ilz plongeoyent dans l'eau qu'ilz faisoyent boire aux hommes et animaux malades, et soudain ilz estoyent gueris; Bothelmus, religieux [174] d'Hagulstadt, s'estant brisé et rompu le bras, appliqua sur soy certaine racleure de ce bois et tout incontinent il fut gueri: Bede le Venerable est mon autheur. |
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A002000689 |
Ainsy saint Chrysostome raconte que de son tems on marquoit de la Croix les maysons, les navires, les chemins, les lictz, les cors des animaux malades, et ceux qui estoyent possedés du diable, « tant chacun tire a soy, » dit-il, « ce don admirable. |
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A002000692 |
Hé pour Dieu, nos anciens Peres, arboristes spirituelz, nous descrivent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remede de nos maux, et sur tout des diableries et enchantemens; ilz nous font foy de plusieurs [179] asseurees experiences et preuves qu'ilz en ont faites: pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espece et sorte que celles qui firent jadis miracle? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et proprieté puysqu'elles sont de mesme forme et figure? Si ce n'est pas a tout propos et indifféremment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armees qu'en celle de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain Medecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expedient de l'appliquer a tel effect; mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de representer la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy. |
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A002000708 |
Me sçauroit-on monstrer qu'il faille avoir en honneur et respect le Dimanche et le tenir pour saint plus que le Jeudi? Item l'Eucharistie, si elle n'est autre qu'une simple commemoration de la Passion, comme presupposent les Reformés: on trouvera bien qu'il faut [192] s'esprouver soy mesme et ne la manger pas indignement, mais qu'il y faille aucun honneur exterieur, ou me le monstrera-on? Et pourquoy, je vous prie, aura-on plus de credit a brusler et briser les croix, les appeller idoles et sieges du diable, qu'a les dresser, honnorer et appeller saintes, pretieuses, triomphantes? car si cecy n'est escrit cela l'est encor moins. |
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A002000722 |
Quand Dieu, pour faire connoistre a ces belistres qu'il faut porter honneur a l'image pour l'honneur de celuy qu'elle represente, prenant l'injure a soy, la vengeance s'en ensuivit quant et quant: ilz sont tout a coup espris [203] de rage et se ruent les uns sur les autres pour se deschirer, dont l'un meurt sur la place, les autres sont menés sur le Rhosne vers Lyon pour chercher remede a ceste fureur qui les brusloit et desfaisoit en eux mesmes. |
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A002000737 |
Or je dis ainsy: que le signe de la Croix de soy-mesme n'a aucune force, ni vertu, ni qualité qui merite aucun honneur, et partant je confesse « que Dieu n'opere point par seules figures ou characteres, » comme dit le traitteur, et qu' « és choses naturelles la vertu procede [213] de l'essence et qualité d'icelles, és supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ou figure; » mays je sçai aussi que Dieu, employant sa vertu miraculeuse, se sert bien souvent des signes, ceremonies, figures et caracteres, sans pourtant attacher son pouvoir a ces choses la. Moyse touchant la pierre avec sa verge, Helisee frappant sur l'eau avec le manteau d'Helie, les malades s'appliquans l'ombre de saint Pierre, les mouchoirs de saint Paul ou la robbe de Nostre Seigneur, les Apostres oignans d'huile plusieurs malades (choses qui n'estoyent aucunement commandees), que faisoyent-ilz autre que des pures ceremonies, lesquelles n'avoyent aucune naturelle vigueur et neanmoins estoyent employees pour des effectz admirables? Faudroit-il dire pour cela que la vertu de Dieu fut clouee et attachee a ces ceremonies? Au contraire, la vertu de Dieu, qui employe tant de sortes de signes et ceremonies, monstre par la qu'elle n'est attachee a aucun signe ni ceremonie.. |
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A002000739 |
Et bien que de soy il importe peu que l'on face la croix avec plus ou moins de doigtz, si se doit-on ranger a la façon commune des Catholiques, pour ne sembler condescendre a certains heretiques Jacobites et Armeniens, dont les [216] premiers, protestans ne croire la Trinité, et les secondz, ne croire qu'une seule nature en Jesus Christ, font le signe de la Croix avec un seul doigt. |
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A002000777 |
Les fumees et traces ne retirent pas le bon chien de la queste, mais l'y eschauffent et animent; ainsy esventant en la Croix, en la Creche, au Sepulchre, les passees et alleures de mon Sauveur, tant plus suis-je esmeu et affectionné a ceste benite recherche, il me tire par la apres soy comme par l'odeur de ses onguens. |
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A002000785 |
Mays puysque le Sauveur, dira peut estre l'huguenot, benissant ses Apostres, n'usa point du signe de la Croix, pourquoy est-ce que vous l'employes? Pour vray, je ne sçai si le Sauveur fit ce signe, car l'Escriture qui ne l'asseure pas ne le nie pas aussi; si sçai-je bien que le Crucifix mesme, benissant, n'a pas eu besoin d'user du signe de la Croix, car qu'a-il besoin de s'invoquer soy mesme, ou protester que la benediction vient de luy? Au demeurant, [238] le signe de la Croix estoit asses es mains de Nostre Seigneur sans qu'il fist aucun mouvement. |
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A002000786 |
La mere de saint Gregoire Nazianzene, estant malade, ne pouvoit aucunement manger, si qu'elle couroit grande fortune de mourir faute de nourriture; or voicy comme le mesme saint Gregoire recite qu'elle fut secourue et nourrie: « Il luy sembla, » dit-il, « que je venois a elle de nuit avec un panier, et que je la paissois de pains tres blancz, benis et signés selon ma façon ordinaire, et qu'ainsy elle estoit guerie et avoit reprins ses forces; et ceste vision de nuit fut suivie de la verité, car des lhors elle revint a soy et conceut une meilleure esperance, comme on reconneut evidemment. |
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A002000787 |
Cependant l'Empereur, taschant tousjours plus a l'advancement de ce dessein, le tems estant venu de faire monstre aux soldatz et les payer, il fit apporter pres de soy et de ces idoles du feu et de l'encens, et faisoit commander aux soldatz qui recevoyent leur paye de jetter de l'encens sur le feu, comme si c'eust esté une ordinaire ceremonie [242] militaire entre les Romains. |
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A002000788 |
Tesmoin saint Gregoire de Tours, en la gracieuse histoire qu'il escrit d'un prestre heretique qui voulant prévenir, non seulement a benir mais encor a manger, un bon prestre Catholique Romain (car le mot y est) qui estoit en mesme table, et l'ayant en effect prevenu au premier, second et troisiesme plat qu'on apporta sur table, au quatriesme en fin, l'ayant signé (l'humeur de son heresie ne portoit pas de rejetter le signe de la Croix comme fait celle des reformeurs), mettant le premier morceau en bouche il le trouva si chaud qu'il en creva, faisant un grand bruit, qui bailla occasion au nostre de dire, Periit memoria hujus cum sonitu, et a celuy qui les avoit chez soy, tous deux, de se faire Catholique sur le champ. |
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A002000795 |
» Saint Clement dit que les premiers prelatz du Christianisme, venans a l'autel, se signoyent de la Croix: « Donques l'evesque priant a part soy avec les prestres, mettant une robbe splendide ou reluisante, et demeurant debout vers l'autel, se signant au front du trophee de la Croix, qu'il die: La grace de Dieu tout puissant, et la charité de Nostre Seigneur Jesus Christ, et la communication du Saint Esprit soit avec tous vous. |
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A002000926 |
Si que l'adoration estant la supreme sorte d'honneur, elle est particulierement propre a la supreme excellence de Dieu; et si bien elle peut estre attribuee aux creatures, c'est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque evidente circonstance, on ne reduit la signification du mot d'adoration a l'honneur des creatures, elle panchera tous-jours [320] a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot equivoque ou qui signifie deux diverses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation, est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse: analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato. |
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A002000944 |
Mays Dieu, qui n'est capable d'autre excellence que de l'independante, n'est capable d'autre adoration que de l'independante; la maniere d'avoir la perfection avec dependance et d'ailleurs que de soy, est trop basse et vile pour Dieu, et beaucoup plus la maniere de l'avoir par imputation ou relation; ces menus honneurs ne sont pas sortables pour une excellence infinie.. |
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A002000944 |
Ou elle l'aura en soy, mays non pas de soy, comme ont plusieurs hommes et les Anges, qui ont reellement en eux les bontés et vertus pour lesquelles on les honnore, mays ilz ne les ont pas d'eux mesmes, ains par la grace de Dieu; et partant, l'honneur qui leur est deu est a la verité absolu, mays non pas supreme ni independant, ains subalterne et dependant, car, comme ilz tiennent leur excellence de Dieu, aussi l'honneur qu'on leur fait a rayson d'icelle doit estre rapporté a Dieu: de ceste sorte d'adoration n'est capable que la creature intelligente et vertueuse, car autre que celle-la ne peut avoir la vertu en soy, qui est l'excellence pour laquelle on honnore. |
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A002000944 |
Ou la chose adorable n'aura reellement, ni de soy ni en soy, l'excellence pour laquelle on adore, mays seulement par une certaine imputation et relation, a cause de l'alliance, appartenance, ressemblance, proportion et rapport qu'elle a avec la chose qui en soy mesme a l'excellence et bonté; et lhors l'adoration deuë aux choses pour ce respect est appellee respective, rapportee ou relative: de laquelle sont capables toutes les creatures, tant raysonnables qu'autres, hormis les miserables damnés, qui n'ont autre rapport qu'a la misere, laquelle offusque en eux tout ce qui y peut estre demeuré de leurs naturelles facultés. |
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A002000944 |
Ou la chose que nous adorons a l'excellence, pour laquelle nous adorons, en soy mesme et de soy mesme, et l'adoration absolue et independante, souveraine et supreme luy sera deuë: c'est Dieu seul qui est capable [329] de cest honneur, parce qu'il est seul en soy, de soy et par soy mesme excellent, ains l'excellence mesme. |
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A002000945 |
L'honneur absolu subalterne n'est que pour les creatures intelligentes, lesquelles seules ont en soy la vertu [330] qui requiert l'honneur absolu, mais elles ne l'ont pas de soy, et partant il est subalterne. |
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A002000945 |
L'honneur, donques, souverain et supreme est deu a Dieu, non seulement pour la perfection infinie qui est en luy, mais encor pour la maniere avec laquelle il l'a, car il l'a de soy mesme et par soy mesme. |
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A002000964 |
Il est neanmoins imparfait et relatif, d'autant qu'il n'a pas Dieu pour son objet entant que Dieu se considere en soy mesme ou en sa propre nature, mais seulement entant qu'il est representé et reconneu en ses appartenances et dependances, par la relation et rapport qu'elles ont a sa divine Majesté. |
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A002001059 |
Ce fut a ceste consideration que le glorieux Prince des Apostres, saint Pierre, estant cloué sur la croix, disoit au peuple: « Cestuy-ci est le bois de vie, auquel le Seigneur Jesus estant relevé tira toutes choses a soy, cestuy-ci est l'arbre de vie auquel fut crucifié le cors du Seigneur Sauveur »; ainsy qu'Abdias Babylonien [348] recite (si le tiltre du livre ne ment) au Livre premier du Combat Apostolique. |
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A002001068 |
Les images des Cherubins, lions, vaches, pommes-graines, palmes, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la semblance de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Jesus Christ l'image de Cesar, et il ne la rejette point; l'Eglise a eu de tous tems l'image de la Croix, ainsy que j'ay monstré au second Livre; par nature, on fait la similitude de soy mesme aux yeux des regardans, en l'air, en l'eau, au verre, et la peinture est un don de Dieu et de nature. |
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A002001353 |
Animoit les rochers, et tiroit apres soy. |
03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html |
A003000308 |
De la douceur envers soy-mesme - Chap. |
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A003000346 |
Cela fait, pour la conduire plus avant, je luy monstre deux grans moyens de s'unir de plus en plus a sa divine Majesté: l'usage des Sacremens par lesquelz ce bon Dieu vient a nous, et la sainte oraison par laquelle il nous tire a soy; et en ceci j'employe la seconde Partie. |
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A003000346 |
Et finalement, en la cinquiesme Partie, je la fay un peu retirer a part soy pour se rafraischir, reprendre haleine et reparer ses forces, affin qu'elle puisse par apres plus heureusement gaigner païs et s'avancer en la vie devote.. |
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A003000538 |
Consideres la majesté avec laquelle le souverain Juge comparoistra, environné de tous les Anges et Saintz, ayant devant soy sa Croix plus reluisante que le soleil, enseigne de grace pour les bons, et de rigueur pour les mauvais.. |
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A003000542 |
Consideres la sentence contraire des bons: Venes, dit le Juge; ah, c'est le mot aggreable de salut par lequel Dieu nous tire a soy et nous reçoit dans le giron de sa bonté; benis de mon Pere: o chere benediction, qui comprend toute benediction! possedés le royaume qui vous est preparé des la constitution du monde. |
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A003000618 |
Du costé droit, voyes Jesus Christ crucifié, qui, avec un amour cordial, prie pour ces pauvres endiablés, aflin qu'ilz sortent de cette tyrannie, et qui les appelle a soy; voyes une grande troupe de devotz qui sont autour de luy avec leurs Anges. |
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A003000710 |
Un homme qui auroit receu dans un vaisseau de belle porcelaine, quelque liqueur de grand prix pour l'apporter dans sa mayson, il iroit doucement, ne regardant point a costé, mais tantost devant soy, de peur de heurter a quelque pierre ou faire quelque mauvais pas, tantost a son vase pour voir s'il panche point. |
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A003000713 |
Emmi les affections et resolutions, il est bon d'user de colloque, et parler tantost a Nostre Seigneur, tantost aux Anges et aux personnes representees aux mysteres, aux Saintz et a soy-mesme, a son cœur, aux pecheurs et mesme aux creatures insensibles, comme l'on voit que David fait en ses Pseaumes, et les autres Saintz, en leurs meditations et oraysons.. |
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A003000775 |
Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices a part soy comme l'on fait aux confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire [103] en particulier, si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bienfaitz avec nos freres et prochains.. |
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A003000805 |
La lyonne qui a esté accostee du leopard va vistement se laver pour oster la puanteur que cette accointance luy a laissee, affin que le lyon venant n'en soit point offensé et irrité: l'ame qui a consenti au peche doit avoir horreur de soy mesme, et se nettoyer au plus tost, pour le respect qu'elle doit porter aux yeux de sa divine Majesté qui la regarde. |
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A003000835 |
La musique, tant aggreable de soy mesme, est importune en un deuil, dit le Proverbe. |
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A003000835 |
Le roy des abeilles ne se met point aux champs qu'il ne soit environné de tout son petit peuple, et la charité n'entre jamais dans un cœur qu'elle n'y loge avec soy tout le train des autres vertus, les exerçant et mettant en besoigne ainsy qu'un capitaine fait ses soldatz; mais elle ne les met pas en œuvre ni tout a coup, ni egalement, ni en tous tems, ni en tous lieux. |
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A003000839 |
Euloge Alexandrin, désirant faire quelque service particulier a Dieu, et n'ayant pas asses de force ni pour embrasser la vie solitaire ni pour se ranger sous l'obeissance d'un autre, retira chez soy un miserable tout perdu et gasté de ladrerie pour exercer en iceluy la charité et mortification; ce que pour faire plus dignement, il fit vœu de l'honnorer, traitter et servir comme un valet feroit son maistre et seigneur. |
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A003000840 |
Tobie s'exerçoit en la charité d'ensevelir les defunctz; sainte Elizabeth, toute grande princesse qu'elle estoit, aymoit sur tout l'abjection de soy mesme; sainte Catherine de Gennes, estant devenue vefve, se dedia au service de l'hospital. |
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A003000882 |
La vraye humilité ne fait pas semblant de l'estre et ne dit gueres de paroles d'humilité, car elle ne desire pas seulement de cacher les autres vertus, mais encor et principalement elle souhaitte de se cacher soy mesme; et s'il luy estoit loysible de mentir, de feindre, ou de scandaliser le prochain, elle produiroit des actions d'arrogance et de fierté, affin de se receler sous icelles et y vivre du tout inconneuë et a couvert.. |
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A003000884 |
Le superbe qui se fie en soy mesme a bien occasion de n'oser rien entreprendre; mais l'humble est d'autant plus courageux qu'il se reconnoist plus impuissant: et a mesure qu'il s'estime chetif il devient plus hardi parce qu'il a toute sa confiance en Dieu, qui se plait a magnifier sa toute puissance en nostre infirmité, et eslever sa misericorde sur nostre misere. |
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A003000886 |
Que si quelques grans serviteurs de Dieu ont fait semblant d'estre folz pour se rendre plus abjectz devant le monde, il les faut admirer et non pas imiter; car ilz ont eu des motifz pour passer a cet exces qui leur ont esté si particuliers et extraordinaires, que personne n'en doit tirer aucune consequence pour soy. |
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A003000900 |
Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d'elles mesmes ne sont pas beaucoup prisables, servent neanmoins de beaucoup, non seulement pour les embellir, mais aussi pour conserver les fruitz tandis qu'ilz sont encor tendres; ainsy la bonne renommee, qui de soy mesme n'est pas une chose fort desirable, ne laisse pas d'estre tres utile, non seulement pour l'ornement de nostre vie, mais aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des vertus encor tendres et foibles: l'obligation de maintenir nostre reputation et d'estre telz que l'on nous estime, force un courage genereux, d'une puissante et douce violence. |
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A003000911 |
Ainsy, tandis que la rayson regne et exerce paisiblement les chastimens, corrections et reprehensions, quoy que ce soit rigoureusement et exactement, chacun l'ayme et l'appreuve; mais quand elle conduit avec soy l'ire, la cholere et le courroux, qui sont, dit saint Augustin, ses soldatz, elle se rend plus effroyable qu'amiable et son propre cœur en demeure tous-jours foulé et maltraitté. |
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A003000912 |
Mais comment la repousseray je, me dires vous? Il faut, ma Philothee, qu'au premier ressentiment que vous en aures, vous ramassies promptement vos forces, non point brusquement ni impetueusement, mais doucement et neanmoins serieusement; car, comme on void es audiences de plusieurs senatz et parlemens, que les huissiers crians: Paix la, font plus de bruit que ceux qu'ilz veulent faire taire, aussi il arrive maintesfois que voulans avec impetuosité reprimer nostre cholere, nous excitons plus de trouble en nostre cœur qu'elle n'avoit pas fait, et le cœur estant ainsy troublé ne peut plus estre maistre de soy mesme.. |
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A003000918 |
En quoy font une grande faute plusieurs qui, s'estans mis en cholere, se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre despités; car par ce moyen ilz tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere: et si bien il semble que la seconde cholere ruine la premiere, si est ce neanmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere, a la premiere occasion qui s'en presentera; outre que ces choleres, despitz et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent a l'orgueil et n'ont origine que de l'amour propre, qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaitz.. |
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A003000956 |
A ce propos, je vous represente le mot que l'ancien Pere Jean Cassian rapporte comme sorti de la bouche du grand saint Basile, qui, parlant de soy mesme, dit un [182] jour: «Je ne sçay que c'est que des femmes, et ne suis pourtant pas vierge. |
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A003000974 |
Mays il faut donq que ce soit un soin plus grand et solide que celuy que les mondains ont de leurs biens, car ilz ne s'embesoignent [188] que pour l'amour d'eux mesmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu: or, comme l'amour de soy mesme est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour luy est plein de trouble, de chagrin, d'inquietude; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procede, quoy que ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux. |
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A003000993 |
L'amour tient le premier rang entre les passions de l'ame: c'est le roy de tous les mouvemens du cœur, il convertit tout le reste a soy et nous rend telz que ce qu'il ayme. |
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A003001007 |
Le noyer nuit grandement aux vignes et aux champs esquelz il est planté, parce qu'estant si grand, il attire tout le suc de la terre, qui ne peut par apres suffire a nourrir le reste des plantes; ses feuillages sont si touffus qu'ilz font un ombrage grand et espais, et en fin il attire les passans a soy, qui, pour abattre son fruit, gastent et foulent tout autour. |
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A003001052 |
Cet homme voit que souvent il tombe lourdement au peché de luxure: le reproche interieur vient contre sa conscience avec l'espee au poing pour l'outre-percer d'une sainte crainte; et soudain son cœur revenant a soy: ah, felonne chair, dit-il, ah, cors desloyal, tu m'as trahi; et le voyla incontinent a grans coups sur cette chair, a des jeusnes immoderés, a des disciplines demesurees, a des haires insupportables. |
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A003001057 |
Il faut aymer le prochain comme soy mesme: pour monstrer qu'on l'ayme, il ne faut pas fuir d'estre avec luy, et pour tesmoigner qu'on s'ayme soy mesme, on doit demeurer en soy mesme quand on y est. |
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A003001063 |
Mais tous-jours, outre la solitude mentale a laquelle vous vous pouves retirer emmi les plus grandes conversations, ainsy que j'ay dit ci dessus, vous deves aymer la solitude locale et reelle, non pas pour aller es desertz, [224] comme sainte Marie Egyptienne, saint Paul, saint Anthoine, Arsenius et les autres Peres solitaires, mais pour estre quelque peu en vostre chambre, en vostre jardin et ailleurs, ou plus a souhait vous puissies retirer vostre esprit en vostre cœur, et recreer vostre ame par des bonnes cogitations et saintes pensees, ou par un peu de bonne lecture, a l'exemple de ce grand Evesque Nazianzene qui, parlant de soy mesme, «Je me pourmenois,» dit-il, «moy mesme avec moy mesme sur le soleil couchant, et passois le tems sur le rivage de la mer; car j'ay accoustumé d'user de cette recreation pour me relascher et secouer un peu des ennuis ordinaires;» et la dessus il discourt de la bonne pensee qu'il fit, que je vous ay recitee ailleurs. |
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A003001086 |
C'est chose egalement necessaire pour n'estre point jugés, de ne point juger les autres et de se juger soy mesme; car, comme Nostre Seigneur nous defend l'un, l'Apostre nous ordonne l'autre disant: Si nous nous jugions nous mesmes, nous ne serions point jugés. Mais, o Dieu, nous faysons tout au contraire; car ce qui nous est defendu nous ne cessons de le faire, jugeans a tout propos le prochain, et ce qui nous est commandé, qui est de nous juger nous mesmes, nous ne le faysons jamais.. |
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A003001086 |
O que les jugemens temeraires sont desaggreables a Dieu! Les jugemens des enfans des hommes sont temeraires parce qu'ilz ne sont pas juges les uns des autres, et jugeans [232] ilz usurpent l'office de Nostre Seigneur; ilz sont temeraires parce que la principale malice du peché depend de l'intention et conseil du cœur, qui est le secret des tenebres pour nous; ilz sont temeraires parce qu'un chacun a asses a faire a se juger soy mesme, sans entreprendre de juger son prochain. |
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A003001087 |
Il y a des cœurs aigres, amers et aspres de leur nature, qui rendent pareillement aigre et amer tout ce qu'ilz reçoivent et convertissent, comme dit le Prophete, le jugement en absynthe, ne jugeans jamais du prochain qu'avec toute rigueur et aspreté: ceux ci ont grandement besoin de tomber entre les mains d'un bon medecin spirituel, car cette amertume de cœur leur estant naturelle, elle est malaysee a vaincre; et bien qu'en soy elle ne soit pas peché, ains seulement une imperfection, elle est neanmoins dangereuse, parce qu'elle introduit et fait regner en l'ame le jugement temeraire et la mesdisance. |
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A003001092 |
Si quelque œil malin eust veu Jacob quand il baysa Rachel aupres du puits, ou qu'il eust veu Rebecca accepter des brasseletz et pendans d'oreille d'Eliezer, homme inconneu en ce païs-la, il eust sans doute mal pensé de ces deux exemplaires de chasteté, mais sans rayson et fondement; car quand une action est de soy mesme indifferente, c'est un soupçon temeraire d'en tirer une mauvaise consequence, sinon que plusieurs circonstances donnent force a l'argument. |
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A003001098 |
Le jugement temeraire produit l'inquietude, le mespris du prochain, l'orgueil et complaisance de soy mesme et cent autres effectz tres pernicieux, entre lesquelz la mesdisance tient des premiers rangs, comme la, vraye peste des conversations. |
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A003001101 |
La mesdisance dite par forme de gausserie est encores plus cruelle que toutes; car, comme la ciguë n'est pas de soy un venin fort pressant, ains asses lent et auquel on peut aysement remedier, mais estant pris avec le vin il est irremediable, ainsy la mesdisance qui de soy passerait legerement par une oreille et sortiroit par l'autre, comme l'on dit, s'arreste fermement en la cervelle des escoutans quand elle est presentee dedans quelque mot subtil et joyeux. |
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A003001101 |
Ne voyes-vous pas l'artifice? Celuy qui veut tirer a l'arc tire tant qu'il peut la fleche a soy, mais ce n'est que pour la darder plus puissamment: il semble que ceux ci retirent leur mesdisance a eux, mais ce n'est que pour la descocher plus fermement, affin qu'elle penetre plus avant dedans les cœurs des escoutans. |
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A003001108 |
Rappellés a soy le mesdisant par quelque douce maniere; dites quelque autre bien de la personne offensee si vous le sçaves. |
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A003001120 |
C'est un vice, sans doute, que d'estre si rigoureux, agreste et sauvage qu'on ne veuille prendre pour soy ni permettre aux autres aucune sorte de recreation.. |
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A003001122 |
Les jeux esquelz le gain sert de prix et recompense a l'habilité et industrie du cors ou de l'esprit, comme les jeux de la paume, ballon, paillemaille, les courses a la bague, les eschecz, les tables, ce sont recreations de soy mesme bonnes et loysibles. |
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A003001133 |
On les fait de nuit, et parmi les tenebres et obscurités il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux et vicieux, en un sujet qui de soy mesme est fort susceptible du mal; on y fait des grandes veilles, apres [249] lesquelles on perd les matinees des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles: en un mot, c'est tous-jours folie de changer le jour a la nuit, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres a des folastreries. |
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A003001247 |
Ce qui dura fort longuement, jusques a tant qu'un jour Nostre Seigneur luy apparut, et elle luy dit: «Ou esties-vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur estoit plein de tant de tenebres et d'ordures?» A quoy il respondit: «J'estois dedans ton cœur, ma fille.» «Et comment,» repliqua-elle, «habities-vous dedans mon cœur, dans lequel il y avoit tant de vilenies? habites-vous donq en des lieux si deshonnestes?» Et Nostre Seigneur luy dit: «Dis-moy, ces tiennes sales cogitations de ton cœur te donnoyent-elles playsir ou tristesse, amertume ou delectation?» Et elle dit: «Extreme amertume et tristesse.» Et luy repliqua: «Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensees qui estoyent autour de ta volonté et ne pouvoyent l'expugner l'eussent sans doute surmontee et seroyent [298] entrees dedans, eussent esté receuës avec playsir par ton liberal arbitre, et ainsy eussent donné la mort a ton ame; mais parce que j'estois dedans, je mettois ce desplaysir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se refusoit tant qu'il pouvoit a la tentation, et ne pouvant pas tant qu'il vouloit, il en sentoit un plus grand desplaysir et une plus grande haine contre icelle et contre soy mesme, et ainsy ces peynes estoyent un grand merite et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force.». |
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A003001280 |
C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant es petites qu'es grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mesmes, il est aussi un plus souverain remede contre tous vices; et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir a ce rendes-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé il s'accoisera en ce grand remede, lequel outre cela est si espouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent a ce divin amour, il cesse de nous en faire.. |
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A003001294 |
L'inquietude est le plus grand mal qui arrive en l'ame, excepté le peché; car, comme les seditions et troubles interieurs d'une republique la ruinent entierement et l'empeschent qu'elle ne puisse resister a l'estranger, ainsy nostre cœur estant troublé et inquieté en soy mesme perd la force de maintenir les vertus qu'il avoit acquises, et quant et quant le moyen de resister aux tentations de l'ennemi, lequel fait alhors toutes sortes d'effortz pour pescher, comme l'on dit, en eau trouble.. |
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A003001317 |
Or, sur cela, qu'est ce que ne fit pas Saul pour tesmoigner que son [318] cœur estoit amolly envers David? il le nomma son enfant, il se mit a pleurer tout haut, a le loüer, a confesser sa debonnaireté, a prier Dieu pour luy, a presager sa future grandeur et a luy recommander la posterité qu'il devoit laisser apres soy. |
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A003001339 |
Il [329] arrive maintesfois, ma Philothee, que l'ame se voyant au beau printems des consolations spirituelles s'amuse tant a les amasser et succer, qu'en l'abondance de ces douces delices elle fait beaucoup moins de bonnes œuvres, et qu'au contraire, parmi les aspretés et sterilités spirituelles, a mesure qu'elle se void privee des sentimens aggreables de devotion, elle en multiplie d'autant plus les œuvres solides, et abonde en la generation interieure des vrayes vertus, de patience, humilité, abjection de soy mesme, resignation, et abnegation de son amour propre.. |
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A003001395 |
Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soy mesme: que diront les Anges si je pense a telle chose? que non pas: que diront les hommes?. |
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A003001435 |
Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu et ne le peut haïr en soy mesme.. |
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A003001710 |
Considerez la majesté avec laquelle le souverain Juge comparoistra, environné de tous les Anges et Saincts, ayant devant soy sa Croix plus reluisante que le Soleil, enseigne de grace pour les bons, et de rigueur pour les mauvais.. |
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A003001714 |
Considerez la sentence contraire des bons: Venez, dit le Juge, (ah c'est le mot agreable de salut par lequel Dieu nous tire à soy, et nous reçoit dans le giron de sa bonté) benis de mon Pere: ô chere benediction, qui comprend toute benediction! possedez le Royaume qui vous est preparé, dés la constitution du monde: ô Dieu, quelle grace? car ce Royaume n'aura jamais fin.. |
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A003001794 |
Du costé droit voyez Jesus Christ crucifié, qui avec un amour cordial prie pour ces pauvres endiablez, affin qu'ils sortent de cette tirannie, et qui les appelle à soy. |
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A003001845 |
Emmy les affections et resolutions, il est bon d'user de colloque, et parler tantost à nostre Seigneur, tantost aux Anges, et aux personnes representees au mystere, aux Saints, à soy mesme, à son cœur, aux pecheurs, et mesmes aux creatures insensibles, comme l'on void que David fait en ses Pseaumes, et les autres Saincts en leurs meditations, et oraisons.. |
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A003001904 |
Un homme qui auroit receu dans un vaisseau de belle porcelegne quelque liqueur de grand prix [68*] pour l'apporter dans sa maison, il iroit doucement ne regardant point à costé: mais tantost devant soy, de peur de heurter à quelque pierre, ou faire quelque mauvais pas, tantost à son vase pour voir s'il panche point; vous en devez faire de mesme. |
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A003001949 |
Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices à part soy, comme l'on fait aux Confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire en particulier; si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bien-faits avec nos freres et prochains.. |
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A003001963 |
L'ame qui a consenty au peché doit avoir horreur de soy mesme, et se nettoyer au plustost pour le respect qu'elle doit porter aux yeux de sa divine Majesté qui la regarde. |
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A003002036 |
Or comme l'amour de soy-mesme est un amour violant, turbulent, empressé; aussi le travail et le soin qu'on a pour luy des biens du monde, est tout plein de trouble, de chagrin, d'inquietude. |
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A003002063 |
Il faut aymer le prochain comme soy-mesme. |
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A003002063 |
Pour monstrer qu'on l'aime, il ne faut pas [109*] fuïr d'estre avec luy; et pour tesmoigner qu'on s'aime soy-mesme, il se faut plaire avec soy-mesme, quand on y est: or on y est quand on est seul. |
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A003002093 |
R'appellez à soy le mesdisant par quelque douce maniere: dittes quelques autres biens de la personne offencée, si vous le sçavez.. |
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A003002104 |
C'est un vice sans doute que d'estre si rigoureux, agreste, et sauvage, qu'on ne vueille prendre pour soy, ny permettre aux autres aucune sorte de recreation.. |
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A003002106 |
Les jeux, esquels le gain sert de prix et recompense à l'habilité et [118*] industrie du corps ou de l'esprit, comme les jeux de la paume, balon, palemaille: les courses a la bague, les eschets, les tables, ce sont recreations de soy-mesme bonnes et loysibles. |
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A003002110 |
Il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux, [119*] et vicieux en un sujet qui de soy-mesme est fort susceptible du mal. |
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A003002131 |
Il convertit tout le reste à soy, et nous rend tels que ce qu'il aime. |
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A003002169 |
Car comme les seditions, et troubles interieurs d'une Republique la ruynent entierement, et l'empeschent qu'elle ne puisse resister à l'estranger; ainsi nostre cœur, estant troublé, et inquieté en soy-mesme, perd la force de maintenir les vertus qu'il avoit acquises, et quant et quant le moyen de resister aux tentations de l'ennemy, lequel fait alors toutes sortes d'effort pour pescher, comme l'on dit, en eau trouble.. |
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A003002231 |
Le jeune homme duquel parle S. Hierosme, qui couché et attaché sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraits des impudiques femmes qui s'estoient couchées avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit il pas sentir d'estranges esmotions charnelles? ses sens ne devoient ils pas estre saisis de la delectation, et son imagination extremement occupée de ceste presence des objets voluptueux? sans doute; et neantmoins parmi tant de troubles, emmy un si terrible orage de tentations, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu, que sa volonté qui sent tout autour de soy tant de voluptez n'y consent toutefois nullement: puis que son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son corps à son commandement, sinon la langue, il se la coupa avec les dents, et la cracha sur le visage de ces vilaines ames qui tourmentoient la sienne plus cruellement par la volupté, que les borreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens.. |
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A003002232 |
Et comment, repliqua-elle, habitiés-vous dedans mon cœur dans lequel il y avoit tant de vilenies? habités vous donques en des lieux si deshonnestes? Et nostre Seigneur luy dit: Dy moy, ces tiennes salles cogitations de ton cœur te donnoient-elles plaisir ou tristesse, amertume ou delectation? Et elle dit: Extreme amertume et tristesse: et il luy repliqua: Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensées qui estoient au tour de ta volonté et ne pouvoient l'expugner, l'eussent sans doute surmontée et seroient entrées dedans, et eussent esté recettes avec plaisir par le libre arbitre, et ainsi eussent donné la mort à ton ame: mais parce que j'estois dedans, je mettois ce deplaisir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se reffusoit tant qu'il pouvoit à la tentation: et ne pouvant pas tant qu'il vouloit il en sentoit un plus grand deplaisir, et une plus grande hayne contre icelle et contre soy-mesme: et ainsi ces peines estoient un grand merite, et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force.. |
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A003002261 |
Que si vous me croyez, vous ne vous opiniastrerez pas à faire des actions de la vertu contraire à la tentation que vous sentez, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle: mais apres en avoir fait une, si vous avez eu le loisir de recognoistre la tentation, avec un simple retour de vostre cœur, et mouvement de vostre esprit, comme par maniere de diversion, vous ferez une action d'amour à l'endroit de Dieu, et irez baiser en esprit Jesus Christ crucifié: car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, il est aussi un souverain remede contre tous vices: et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a, mais simplement se sentant troublé il s'acoisera en ce grand remede.. |
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A003002279 |
Outre ce que ces choleres, despits et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent à la superbe et orgueil, et n'ont origine que de l'amour propre qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaits. |
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A003002355 |
Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soy-mesme, Que diront les Anges si je pense à telle chose? que non pas, Que diront les hommes?. |
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A003002397 |
Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu, et ne le peut hayr en soy-mesme: voyez vostre cœur comme il est genereux; et que comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, mais elles s'arrestent seulement sur les fleurs; ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir. |
04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A004000096 |
Chapitre XII. De la souveraine louange que Dieu se donne a soy mesme, et de l'exercice de bienveuillance que nous faisons en icelle. |
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A004000108 |
Chapitre XI. Suite du discours des divers degrés de la sainte quietude, et d'une excellente abnegation de soy mesme qu'on y prattique quelquefois. |
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A004000196 |
Si le bien est consideré en soy, selon sa naturelle bonté, il excite l'amour, premiere et principale passion; si le bien est regardé comme absent, il nous provoque au desir; si, estant desiré, on estime de le pouvoir obtenir, on entre en esperance; si on pense de ne le pouvoir pas obtenir, on sent le desespoir; mais quand on le possede comme present, il nous donne la joye. |
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A004000211 |
Pour cela, ilz nioyent sur tout que l'homme sage peust jamais avoir aucune tristesse, d'autant qu'elle ne regarde que le mal survenu, et que rien n'advient en mal a l'homme sage, puisque nul n'est jamais offencé que par soy mesme, selon leur maxime. |
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A004000229 |
Disons ainsy: le bien empoigne, saisit et lie le cœur par la complaysance, mays par l'amour il le tire, conduit et amene a soy; par la complaysance il le fait sortir, mays par l'amour il luy fait faire le chemin et le voyage; la complaysance c'est le resveil du cœur, mays l'amour en est l'action; la complaysance le fait lever, mays l'amour le fait marcher; le cœur estend ses [42] aisles par la complaysance, mais l'amour est son vol. L'amour donques, a parler distinctement et precisement, n'est autre chose que le mouvement, escoulement et avancement du cœur envers le bien.. |
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A004000256 |
Les philosophes anciens ont reconneu qu'il y avoit deux sortes d'extases, dont l'une nous portoit au dessus de nous mesmes, et l'autre nous ravaloit au dessous de nous mesmes: comme s'ilz eussent voulu dire que l'homme estoit d'une nature moyenne entre les Anges et les bestes, participant de la nature angelique en sa partie intellectuelle et de la nature bestiale en sa partie sensitive; et que neanmoins il pouvoit, par l'exercice de sa vie et par un continuel soin de soy mesme, s'oster et deloger de cette moyenne condition; d'autant que, s'appliquant et exerçant beaucoup aux actions intellectuelles, il se rendoit plus semblable aux Anges qu'il ne l'estoit aux bestes; que s'il s'appliquoit beaucoup aux actions sensuelles, il descendoit de sa moyenne condition et s'approchoit de celle des bestes: et parce que l'extase n'est autre chose que la sortie qu'on fait de soy mesme, de quel costé que l'on en sorte on est vrayement en extase. |
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A004000257 |
Or, a mesure que l'extase est plus grande, ou au dessus de nous ou au dessous de nous, plus elle empesche nostre ame de retourner a soy mesme et de faire les operations contraires a l'extase en laquelle elle est. |
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A004000258 |
Maintenant je dis que, quand l'ame prattique l'amour par les actions sensuelles et qui la portent au dessous de soy, il est impossible qu'elle n'affoiblisse d'autant [58] plus l'exercice de l'amour superieur; de sorte que, tant s'en faut que l'amour vray et essentiel soit aydé et conservé par l'union a laquelle l'amour sensuel tend, qu'au contraire il s'affoiblit, se dissipe et perit par icelle. |
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A004000270 |
En quoy il tesmoigne deux volontés: l'une inferieure, par laquelle il se faschoit de l'envoyer, l'autre superieure, par laquelle il se resolut de l'envoyer; car le discours pour lequel il se faschoit de l'envoyer, estoit fondé sur le playsir qu'il sentoit de l'avoir aupres de soy et le desplaysir qui luy revenoit de la separation d'iceluy, qui sont des fondemens perceptibles et sensibles; mais la resolution qu'il print de l'envoyer estoit fondee sur une rayson de l'estat de sa famille, pour la prevoyance de la necessité future et approchante. |
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A004000272 |
Or, ce n'est pas pourtant a dire qu'il y ait en l'homme deux ames, ou deux natures, comme pensoient les Manicheens: «Non,» dit saint Augustin, livre huitiesme de ses Confessions, chapitre dixiesme, «ains la volonté, allechee par divers attraitz, esmeüe par diverses raysons, semble estre divisee en soy mesme, tandis qu'elle est tiree de deux costés, jusques a ce que prenant parti selon sa liberté, elle suit ou l'un ou l'autre;» car alhors la plus puissante volonté surmonte, et gaignant le dessus, ne laisse a l'ame que le ressentiment du mal que le debat luy a fait, que nous appelions contrecœur.. |
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A004000273 |
Et ne faut pas dire qu'il souffrit seulement selon le cors, ni mesme selon l'ame entant qu'elle estoit sensible, ou, qui est la mesme chose, selon le sens; car luy mesme atteste, qu'avant qu'il souffrit aucun tourment exterieur, ni mesme qu'il vit les bourreaux aupres de soy, son ame estoit triste jusques-a la mort. |
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A004000300 |
L'homme se connoist et s'ayme soy mesme par des actes produitz et exprimés de son entendement et de sa volonté, qui procedans de l'entendement et de la volonté distingués l'un de l'autre, restent neanmoins et demeurent inseparablement unis en l'ame et es facultés desquelles ilz procedent. |
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A004000301 |
Mais, outre cette convenance de similitude, il y a une correspondance nompareille entre Dieu et l'homme pour leur reciproque perfection; non que Dieu puisse recevoir aucune perfection de l'homme, mais parce que, comme l'homme ne peut estre perfectionné que par la divine Bonté, aussi la divine Bonté ne peut bonnement si bien exercer sa perfection hors de soy qu'a l'endroit de nostre humanité: l'une a grand besoin et grande capacité de recevoir du bien, et l'autre a grande abondance et grande inclination pour en donner. |
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A004000302 |
Ainsy, Theotime, nostre defaillance a besoin de l'abondance divine par disette et necessité, mays l'affluence divine n'a besoin de nostre indigence que par excellence de perfection et bonté: bonté qui neanmoins ne devient pas meilleure en se communiquant, car elle n'acquiert rien en se respandant hors de soy, au contraire elle donne; mays nostre indigence demeureroit manquante et miserable si l'abondance de la bonté ne la secouroit.. |
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A004000302 |
Le vin nouveau bouillonne et s'eschauffe en soy mesme par la force de sa bonté, et ne se peut contenir dans les tonneaux, mais vos mammelles sont encores meilleures, elles pressent vostre poitrine par des eslans continuelz, poussant leur laict qui redonde, comme requerant d'estre deschargees: et pour attirer les enfans de vostre cœur a les venir tetter, elles respandent une odeur attrayante plus que toutes les senteurs des parfums. |
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A004000323 |
L'inclination donques d'aymer Dieu sur toutes choses, que nous avons par nature, ne demeure pas pour neant dans nos cœurs: car, quant a Dieu, il s'en sert comme d'une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer a soy, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque façon attachés nos cœurs, comme des petitz oyseaux, par un filet par lequel il nous puisse tirer quand il plaist a sa misericorde d'avoir pitié de nous; et quant a nous, elle nous est un indice et memorial de nostre premier Principe et Createur, a l'amour duquel elle nous incite, nous donnant un secret advertissement que nous appartenons a sa divine Bonté. |
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A004000324 |
Certes, l'honnorable inclination que Dieu a mise en nos ames, fait connoistre a nos amis et a nos ennemis que non seulement nous avons esté a nostre Createur, mais encor que, si bien il nous a laissés et laschés a la merci de nostre franc arbitre, neanmoins nous luy appartenons, et il s'est reservé le droit de nous reprendre a soy pour nous sauver, selon que sa sainte et suave Providence le requerra. |
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A004000335 |
Ainsy la manne estoit une seule viande, laquelle comprenant en soy le goust et la vertu de toutes les autres viandes, on eut peu dire qu'elle avoit le goust du citron, du melon, du raisin, de la prune et de la poire; mais on eut encor plus veritablement dit qu'elle n'avoit pas tous ces goustz, ains un seul goust qui estoit le sien propre, lequel neanmoins contenoit en son unité tout ce qui pouvoit estre d'aggreable et desirable en toute la diversité des autres goustz; comme l'herbe dodecatheos, «laquelle,» ce dit Pline, «guerissant de toutes, maladies,» n'est ni rhubarbe, ni sené, ni rose, ni betoine, ni buglosse, ains un seul simple qui en l'unique simplicité de sa proprieté a autant de force que tous les autres medicamens ensemble. |
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A004000359 |
Ce grand Roy donq, sçachant par l'inspiration celeste que la republique tient a la religion comme le cors a l'ame, et la religion a la republique comme l'ame au cors, il disposa a part soy de toutes les parties requises tant a l'establissement de la religion qu'a celuy de la republique. |
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A004000360 |
Mais il ne s'arresta pas la, Theotime; car apres avoir fait son projet et deliberé en soy mesme des moyens propres pour en venir a bout, venant a la prattique, il crea tous les officiers selon qu'il avoit disposé, et, par un bon gouvernement, il fit faire toutes les provisions requises a leur entretenement et a l'execution de leurs charges: de sorte qu'ayant la connoissance de l'art de bien regner, il executa la disposition qu'il avoit fait a [95] part soy pour la creation de divers officiers, et mit en effect sa providence par le bon gouvernement dont il usa; et par ainsy, son art de regner, qui consistoit en la disposition et en la providence ou prouvoyance, fut prattiqué par la creation des officiers et par le gouvernement et bonne conduite. |
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A004000360 |
Or, ayant ainsy disposé et fait estat a part soy de toutes les parties principales requises a son royaume, il vint a l'acte de la providence, et fit conte en son esprit de tout ce qui estoit requis pour edifier le Temple, pour entretenir les officiers sacrés, les ministres et magistratz royaux et les gens de guerre dont il avoit fait le projet; et se resolut d'envoyer a Hiram pour avoir les bois necessaires, de faire commerce au Peru, en Ophir, et, en somme, de prendre tous les moyens convenables pour avoir toutes les choses requises pour l'entretenement et bonne conduite de son entreprise. |
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A004000361 |
Puis, en cette mesme eternité, il prouveut et fît estat a part soy de tous les moyens requis aux hommes et aux Anges pour parvenir a la fin a laquelle il les avoit destinés, et fit ainsy l'acte de sa providence; et sans s'arrester la, pour effectuer sa disposition il a reellement creé les Anges et les hommes, et pour effectuer sa providence il a fourni et fournit par son gouvernement tout ce qui est necessaire aux creatures raysonnables pour parvenir a la gloire: si que, pour le dire en un mot, la providence souveraine n'est autre chose que l'acte par lequel Dieu veut fournir [96] aux hommes et aux Anges les moyens necessaires ou utiles pour parvenir a leur fin. |
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A004000369 |
Dieu conneut eternellement qu'il pouvoit faire une quantité innumerable de creatures, en diverses perfections et qualités, ausquelles il se pourroit communiquer; et considerant qu'entre toutes les façons de se communiquer il n'y avoit rien de si excellent que de se joindre a quelque nature creée, en telle sorte que la creature fust comme entee et inseree en la Divinité, pour ne faire avec elle qu'une seule personne, son infinie bonté, qui de soy mesme et par soy mesme est portee a la communication, se resolut et determina d'en faire une de cette maniere; affin que, comme eternellement il y a une communication essentielle en Dieu, par laquelle le Pere communique toute son infinie et [99] indivisible Divinité au Filz en le produisant, et le Pere et le Filz ensemble, produisans le Saint Esprit luy communiquent aussi leur propre unique Divinité, de mesme cette souveraine Douceur fust aussi communiquee si parfaittement hors de soy a une creature, que la nature creée et la Divinité, gardant une chacune leurs proprietés, fussent neanmoins tellement unies ensemble qu'elles ne fussent qu'une mesme personne.. |
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A004000405 |
Or, comme vous voyes, Theotime, ce n'a pas esté par aucun merite des œuvres que nous eussions fait, mais selon sa misericorde qu'il nous a sauvés, par cette charité ancienne, ains eternelle, qui a esmeu sa divine Providence de nous attirer a soy. |
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A004000426 |
Je sçay qu'il parloit ainsy de soy mesme par humilité, mais il croyoit pourtant estre une vraye verité qu'une grace egale, faitte avec une pareille misericorde, puisse estre plus utilement employee par l'un des pecheurs que par l'autre. |
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A004000441 |
Helas, Theotime, le pauvre Pachome, quoy que de bon naturel, dormoit pour lhors dans la couche de son infidelité; et voyla que tout a coup, Dieu se treuve a la porte de son cœur, et par le bon exemple de ces Chrestiens, comme par une douce voix, il l'appelle, l'esveille et luy donne le premier sentiment de la chaleur vitale de son amour; car a peyne eut-il ouï parler, comme je viens de dire, de l'aymable loy du Sauveur, que tout rempli d'une nouvelle lumiere et consolation interieure, se retirant a part et ayant quelque tems pensé en soy mesme, il haussa les mains au ciel, et avec un profond souspir il se print a dire: «Seigneur Dieu, qui avés fait le ciel et la terre, si vous daignés jetter vos yeux sur ma bassesse et sur ma peyne et me donner connoissance de vostre Divinité, je vous prometz de vous servir, et d'obeir toute ma vie a vos commandemens.» Depuis cette priere et promesse, l'amour du vray bien et de la pieté prit un tel accroissement en luy, qu'il ne cessoit point de prattiquer mille et mille exercices de vertu.. |
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A004000442 |
C'est pourquoy Pachome se secoue des divertissemens, pour avec plus d'attention et de facilité recueillir et savourer la grace receüe, se retirant a part pour y penser; puis il estend son cœur et ses mains au ciel, ou l'inspiration l'attire, et commençant a desployer les aysles de ses affections, voletant entre la desfiance de soy mesme et la confiance en Dieu, il entonne d'un air humblement amoureux le cantique de sa conversion, par lequel il tesmoigne d'abord que des-ja il connoist un seul Dieu, Createur du ciel et de la terre; mais il connoist aussi qu'il ne le connoist pas encor asses pour le bien servir, et partant, il supplie qu'une plus grande connoissance luy soit donnee, affin qu'il puisse par icelle parvenir au parfait service de sa divine Majesté.. |
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A004000443 |
Cependant voyes, je vous prie, Theotime, comme Dieu va doucement renforçant peu a peu la grace de son inspiration dedans les cœurs qui consentent, les tirant apres soy comme de degré en degré sur cette eschelle de Jacob. |
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A004000479 |
L'amour que nous prattiquons en l'esperance, Theotime, va certes a Dieu, mays il retourne a nous; il a son regard en la divine Bonté, mays il a de l'esgard a nostre utilité; il tend a cette supreme perfection, mays il pretend nostre satisfaction: c'est a dire, il ne nous porte pas en Dieu parce que Dieu est souverainement bon en soy mesme, mais parce qu'il est souverainement bon envers nous mesmes; ou, comme vous voyes, il y a du nostre et du nous mesme; et partant, cet amour est voirement amour, mais amour de convoitise et interessé. |
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A004000515 |
Dites-moy, de grace: c'est la proprieté de l'aymant de tirer a soy le fer et de se joindre a luy; mays ne voyons-nous pas que le fer touché de l'aymant, sans avoir ni l'aymant ni sa nature, ains seulement sa vertu et qualité attrayante, ne laisse pas de tirer et s'unir un autre fer? Ainsy la parfaite repentance, touchee du motif de l'amour sans avoir la propre action de l'amour, ne laisse pas d'en avoir la vertu et la qualité, c'est a dire le mouvement d'union pour rejoindre et reunir nos cœurs a la volonté divine. |
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A004000515 |
Il arrive mesme parfois que la repentance, quoy que parfaite, ne contient pas en soy la propre action de l'amour, ains seulement la vertu et proprieté d'iceluy. |
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A004000525 |
Ainsy donq, pour conclure ce point, l'ame prevenue de la grace, sentant les premiers attraitz et consentant a leur douceur, comme revenant a soy apres une si longue pasmayson, elle commence a souspirer ces paroles: Helas, o mon cher Espoux, mon ami, tires moy, je vous prie, et me prenes par dessous le bras, car je ne puis autrement aller; mais si vous me tires, nous courrons: vous, en m'aydant par l'odeur de vos parfums, et moy, correspondant par mon foible consentement et odorant vos suavités qui me renforcent et revigorent toute, jusqu'a ce que le bausme de vostre nom sacré, c'est a dire l'onction salutaire de ma justification soit respandue en moy. |
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A004000559 |
Neanmoins, le mesme amour qui luy donna ce grand assaut de douleur, luy donna quant et quant la force de le soustenir, et il le mit en action pour, avec une promptitude nompareille, remedier au mal de la chere compaigne de sa vie: si que, ouvrant de vistesse un buffet qui estoit la, il prend une eau cordiale infiniment pretieuse, et en ayant rempli sa bouche, il ouvre de force les levres et les dens serrees de cette bienaymee princesse; puis, soufflant et jettant cette pretieuse liqueur qu'il tenoit en sa bouche, dedans celle de sa pauvre pasmee, et espluyant au nez, sur les temples et sur l'endroit du cœur d'icelle le reste de la phiole, il la fit en fin revenir a soy et reprendre sentiment; puis il la releve doucement, et a force de remedes il la revigore et ravive en telle sorte, qu'elle commença a se lever sur pied et se promener tout bellement avec luy; mays non pas toutefois sans son ayde: car il l'alloit relevant et soustenant par dessous le bras, jusques a ce qu'en fin il luy mit un epitheme de si grande vertu et si pretieux sur l'endroit du cœur, que lhors, se sentant tout a fait remise en sa [174] premiere santé, elle marchoit toute seule d'elle mesme, son cher espoux ne la soustenant plus si fort, ains seulement luy tenant doucement sa main droite entre les siennes et son bras droit replié sur le sien et sur sa poitrine. |
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A004000560 |
Mais puisqu'il n'est plus requis qu'il employe son amour a mourir pour nous, quand il void l'ame ainsy precipitee en l'iniquité il accourt pour l'ordinaire a son ayde, et d'une misericorde nompareille entr'ouvre la porte du cœur, par des eslans et remors de conscience qui procedent de plusieurs clartés et apprehensions qu'il a jettees dedans nos espritz, avec des mouvemens salutaires, par le moyen desquelz, comme par des eaux odorantes et vitales, il fait revenir l'ame a soy et la remet en des bons [175] sentimens. |
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A004000664 |
Il verra, donq clairement, cet entendement, la connoissance infinie que de toute eternité le Pere a eue de sa propre beauté, et pour laquelle exprimer en soy mesme il prononça et dit eternellement le mot, le Verbe, ou la parole et diction tres unique et tres infinie, laquelle comprenant et representant toute la perfection du Pere, ne peut estre qu'un mesme Dieu tres unique avec luy, sans division ni separation. |
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A004000705 |
La manne estoit savouree toute de quicomque la mangeoit, mais differemment neanmoins, selon la diversité des appetitz de ceux qui la prenoyent, et ne fut jamais savouree totalement, car elle avoit plus de differentes saveurs qu'il n'y avoit de varieté de gousts es Israelites: Theotime, nous verrons et savourerons la haut au Ciel toute la Divinité, mais jamais nul des Bienheureux ni tous ensemble ne la verront ou savoureront totalement; cette infinité divine aura tous-jours infiniment plus d'excellences que nous ne sçaurions avoir de suffisance et de capacité, et nous aurons un contentement indicible de connoistre, qu'apres avoir assouvi tout le desir de nostre cœur et rempli pleynement sa capacité en la jouissance du bien infini, qui est Dieu, neanmoins il restera encor en cette infinité des infinies perfections a voir, a jouïr et posseder, que sa divine Majesté entend et void, elle seule se comprenant soy mesme.. |
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A004000733 |
Quand donq nous n'usons pas de la charité qui est en nous, c'est a dire quand nous n'employons pas nostre esprit aux exercices de l'amour sacré, ains que le tenans diverti a quelque autre occupation, ou que paresseux en soy mesme il se tient inutile et negligent, alhors, Theotime, il peut estre touché de quelque object mauvais, et surpris de quelque tentation; et bien que l'habitude de la charité en mesme tems soit au fond de nostre ame et qu'elle face son office, nous inclinant a rejetter la suggestion mauvaise, si est-ce qu'elle ne nous presse pas ni nous porte a l'action de la resistance, qu'a mesure que nous la secondons, comme les habitudes ont coustume de faire: et partant, nous laissant en nostre liberté, il advient maintefois que le mauvais object ayant jetté bien avant ses attraitz dans nostre cœur, nous nous attachons a luy par une complaysance excessive, laquelle venant a croistre il nous est malaysé de nous en desfaire, et comme des espines, selon que dit Nostre Seigneur, [222] elle suffoque en fin la semence de la grace et dilection celeste. |
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A004000772 |
C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous.. |
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A004000791 |
Or je veux maintenant dire ainsy: quand le saint amour de charité rencontre une ame maniable et qu'il fait quelque long sejour en icelle, il y produit un second amour, qui n'est pas un amour de charité quoy qu'il provienne de la charité, ains c'est un amour humain, lequel neanmoins ressemble tellement la charité, qu'encores que par apres elle perisse en l'ame, il est advis qu'elle y soit tous-jours, d'autant qu'elle y a laissé apres soy cette sienne image et ressemblance qui la represente; en sorte qu'un ignorant s'y tromperoit, ainsy que les oyseaux firent en la peinture des raysins de Zeuxis, qu'ilz cuyderent estre des vrays raysins, tant l'art avoit proprement imité la nature. |
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A004000797 |
Nous avons veu des jeunes gens bien nourris en l'amour de Dieu, qui se detraquans, ont demeuré quelque tems au milieu de leur malheureuse decadence qu'on ne laissoit pas de voir en eux des grandes marques de leur vertu passee, et que, l'habitude acquise du tems de la charité repugnant au vice present, on avoit peyne durant quelques mois de discerner s'ilz estoyent hors de la charité ou non, et s'ilz estoyent vertueux ou vitieux; jusques a ce que le progres faisoit clairement connoistre que ces exercices vertueux ne prenoient pas leur origine de la charité presente, mais de la charité passee, non de l'amour parfait, mais de l'imparfait que la charité avoit laissé apres soy comme marque du logement qu'elle avoit fait en ces ames-la.. |
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A004000798 |
Or cet amour imparfait est bon en soy mesme, Theotime, car estant creature de la sainte charité et comme de son train, il ne se peut qu'il ne soit bon; et d'effect, a servi fidelement la charité tandis qu'elle a sejourné dedans l'ame, et est tous-jours prest de la servir si elle y retournoit. |
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A004000799 |
Toutefois, quoy que cet amour imparfait soit bon en soy, il nous est neanmoins perilleux, pour autant que souvent nous nous contentons de l'avoir luy seul, parce [249] que, ayant plusieurs traitz exterieurs et interieurs de la charité, pensans que ce soit elle mesme que nous avons, nous nous amusons et estimons d'estre saintz, tandis qu'en cette vaine persuasion, les pechés qui nous ont privés de la charité croissent, grossissent et multiplient si fort qu'en fin ilz se rendent maistres de nostre cœur. |
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A004000822 |
Voyés, je vous prie, le cœur de sainte Claire de Montefalco: il prit tant de playsir en la Passion du Sauveur et a mediter la tressainte Trinité, qu'aussi tira-il dedans soy toutes les marques de la Passion et une representation admirable de la Trinité, estant fait comme les choses qu'il aymoit. |
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A004000831 |
Helas, l'ame qui tient par amour son Sauveur entre les bras de ses affections, combien delicieusement sent-elle les parfums des perfections infinies qui se retreuvent en luy, et avec quelle complaysance dit-elle en soy mesme: Ah, voyci que la senteur de mon Dieu est comme la senteur d'un jardin fleurissant! hé, que ses mammelles sont pretieuses, respandans des parfums souverains! Ainsy l'esprit du grand saint Augustin, balançant entre les sacrés contentemens qu'il avoit a considerer d'un costé le mystere de la naissance de son Maistre, et de l'autre part le mystere de la Passion, s'escrioit tout ravi en cette complaysance:. |
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A004000843 |
Qui est plus l'un a l'autre, ou la perle a l'ouïtre, ou l'ouïtre a la perle? La perle est a l'ouïtre qui l'a attiree a soy, mais l'ouïtre est a la perle laquelle luy donne la valeur et l'estime. |
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A004000851 |
La mort mesme ne peut attrister le cœur qui sçait que son souverain amour est vivant; c'est asses pour l'ame qui ayme, que celuy qu'elle ayme plus que soy mesme soit comblé de biens eternelz, puisqu'elle vit plus en celuy qu'elle ayme qu'en celuy qu'elle anime, ains qu'elle ne vit pas elle mesme, mais son Bienaymé vit en elle. |
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A004000899 |
Or l'amant sacré est comme cela: car toutes les facultés de son ame sont autant de tuyaux qu'il a en sa poitrine, pour resonner les cantiques et louanges du Bienaymé; sa devotion, au milieu de toutes, est la langue de son cœur, selon saint Bernard, par laquelle il reçoit la rosee des perfections divines, les sucçant et attirant a soy comme son aliment, par la tressainte complaysance qu'il y prend; et par cette mesme langue de devotion, il fait toutes ses voix d'orayson, de louange, de cantiques, de psalmes, de benedictions, selon le tesmoignage d'une des plus insignes cygales spirituelles qui ait jamais esté ouïe, laquelle chantoit ainsy:. |
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A004000916 |
Le cœur atteint et pressé du desir de louer plus qu'il ne peut la divine Bonté, apres divers effortz sort maintefois de soy mesme pour convier toutes les creatures a le secourir en son dessein; comme nous voyons avoir fait les trois enfans en la fornaise, en cet admirable Cantique de benedictions par lequel ilz excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre a rendre graces a Dieu eternel, en le louant et benissant souverainement. |
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A004000923 |
La complaysance tire les suavités divines dedans le cœur, lequel se remplit si ardemment qu'il en est tout esperdu; mais l'amour de bienveuillance fait sortir nostre cœur de soy mesme et le fait exhaler en vapeurs de parfums delicieux, c'est a dire en toutes sortes de saintes louanges; et ne pouvant neanmoins en tant pousser comme il desireroit: O, dit-il, que toutes les creatures viennent contribuer les fleurs de leurs benedictions, les pommes de leurs actions de graces, de leurs honneurs et de leurs adorations, affin que de toutes pars on sente les odeurs respandues a la gloire de Celuy duquel l'infinie douceur surpasse tout honneur, et que nous ne pouvons jamais bien dignement magnifier.. |
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A004000947 |
Et bien que, au commencement, l'ame amoureuse eut eu quelque sorte de desir de pouvoir asses louer son Dieu, si est-ce que revenant a soy elle proteste qu'elle ne voudroit pas le pouvoir asses louer, ains demeure en une tres humble complaysance, de voir que la divine Bonté est si tres infiniment louable qu'elle ne peut estre suffisamment louee que par sa propre infinité.. |
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A004000947 |
O Dieu, quelle complaysance, quelle joye a l'ame qui ayme, de voir son desir assouvi, puisque son Bien-aymé se loue, benit et magnifie infiniment soy mesme! Mays en cette complaysance naist derechef un nouveau desir de louer, car le cœur voudroit louer cette si digne louange que Dieu se donne a soy mesme, l'en remerciant profondement et rappellant derechef toutes choses a son secours pour venir avec luy glorifier la gloire de Dieu, benir sa benediction infinie, et louer sa louange eternelle: si que, par ce retour et repetition de louange sur louange, il s'engage, entre la complaysance et la bienveuillance, en un tres heureux labyrinthe d'amour, tout abismé en cette immense douceur, louant souverainement la Divinité dequoy elle ne peut estre asses louee que par elle mesme. |
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A004000954 |
Or c'en est de mesme de l'amour des Seraphins et de tous les hommes seraphiques; car il a son repos en son continuel mouvement de complaysance, par lequel il tire Dieu en soy comme se resserrant, et de bienveuillance, par lequel il s'estend et jette tout en Dieu. |
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A004000981 |
Or telle est l'ame devote en la meditation: elle va de mystere en mystere, non point a la volee ni pour se consoler seulement a voir l'admirable beauté de ces divins objectz, mays destinement et a dessein pour treuver des motifs d'amour ou de quelque celeste affection; et les ayans treuvés elle les tire a soy, elle les savoure, elle s'en charge, et les ayans reduitz et colloqués dedans son cœur, elle met a part ce qu'elle void plus propre pour son avancement, faisant en fin des resolutions convenables pour le tems de la tentation. |
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A004000987 |
Voyés la reyne de Saba, Theotime, comme considerant par le menu la sagesse de Salomon en ses responces, en la beauté de sa mayson, en la magnificence de sa table, es logis de ses serviteurs, en l'ordre que tous ceux de sa cour tenoyent pour l'exercice de leurs charges, en leurs vestemens et maintiens, en la [312] multitude des holocaustes qu'ilz offroyent en la mayson du Seigneur, elle demeura toute esprise d'un ardent amour qui convertit sa meditation en contemplation, par laquelle estant toute ravie hors de soy mesme, elle dit plusieurs paroles d'extreme contentement. |
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A004000997 |
Nous aymons extremement les sciences avant que nous les sçachions, dit saint Thomas, «par la seule connoissance confuse et sommaire que nous en avons:» et il faut dire de mesme, que la connoissance de la bonté divine applique nostre volonté a l'amour; mais despuis que la volonté est en train, son amour va de soy mesme croissant par le playsir qu'il sent de s'unir a ce souverain bien. |
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A004000998 |
Il faut neanmoins advoüer que la volonté attiree par la delectation qu'elle sent en son object, est bien plus fortement portee a s'unir avec luy quand l'entendement de son costé luy en propose excellemment la bonté, car elle y est alhors tiree et poussee tout ensemble; [317] poussee par la connoissance, tiree par la delectation: si que la science n'est point de soy mesme contraire, ains est fort utile a la devotion, et si elles sont jointes ensemble elles s'entr'aydent admirablement, quoy qu'il arrive fort souvent que, par nostre misere, la science empesche la naissance de la devotion, d'autant que la science enfle et enorgueillit, et l'orgueil, qui est contraire a toute vertu, est la ruine totale de la devotion. |
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A004001015 |
[324] Or manger, c'est mediter, car en meditant on masche, tournant ça et la la viande spirituelle entre les dens de la consideration, pour l'esmier, froisser et digerer, ce qui se fait avec quelque peyne; boire, c'est contempler, et cela se fait sans peyne ni resistance, avec playsir et coulamment; mais s'enivrer, c'est contempler si souvent et si ardemment, qu'on soit tout hors de soy mesme pour estre tout en Dieu. |
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A004001020 |
Celuy, dit la bienheureuse Mere Therese de Jesus, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement se fait comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes se retirent au dedans d'elles mesmes quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, ains il nous advient quand il plait a Dieu de nous faire cette grace.. |
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A004001021 |
Car tout ainsy qu'un nouvel esseim ou jetton de mousches a miel, lhors qu'il veut fuir et changer païs, est rappellé par le son que l'on fait doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin emmiellé, ou bien encor par la senteur de quelques herbes odorantes, en sorte qu'il s'arreste par l'amorce de ces douceurs et entre dans la ruche qu'on luy a preparee; de mesme Nostre Seigneur, prononçant quelque secrette parole de son amour, ou respandant l'odeur du vin de sa dilection plus delicieuse que le miel, ou bien evaporant les parfums de ses vestemens, c'est a dire quelques sentimens de ses consolations celestes en nos cœurs, et par ce moyen leur faysant sentir sa tres aymable presence, il retire a soy toutes les facultés de nostre ame, lesquelles se ramassent autour de luy et s'arrestent en luy comme en leur object tres desirable. |
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A004001021 |
Rien n'est si naturel au bien que d'unir et attirer a soy les choses qui le peuvent sentir, comme font nos ames, lesquelles tirent tous-jours et se rendent a leur tresor, c'est a dire a ce qu'elles ayment. |
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A004001024 |
Ou vous noteres soigneusement, Theotime, qu'en somme tout ce recueillement se fait par l'amour, qui sentant la presence du Bienaymé par les attraitz qu'il respand au milieu du cœur, ramasse et rapporte toute l'ame vers iceluy par une tres amiable inclination, par un tres doux contournement et par un delicieux repli de toutes les facultés du costé du Bienaymé, qui les attire a soy par la force de sa suavité, avec laquelle il lie et tire les cœurs, comme on tire les cors par les cordes et liens materielz.. |
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A004001025 |
Mays ce doux recueillement de nostre ame en soy mesme ne se fait pas seulement par le sentiment de la presence divine au milieu de nostre cœur, ains en quelle maniere que ce soit que nous nous mettions en cette sacree presence. |
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A004001032 |
Et ce qui est encor plus admirable, c'est que la volonté n'apperçoit point cet ayse et contentement qu'elle reçoit, jouissant insensiblement d'iceluy; d'autant qu'elle ne pense pas a soy, mais a Celuy la presence duquel luy donne ce playsir: comme il arive maintefois que, surpris d'un leger sommeil, nous entr'oyons seulement ce que nos amis disent autour de nous ou ressentons les caresses qu'ilz nous font, presque imperceptiblement, sans sentir que nous sentons.. |
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A004001048 |
L'ame, donq, a qui Dieu donne la sainte quietude amoureuse en l'orayson, se doit abstenir tant qu'elle peut de se regarder soy mesme ni son repos, lequel pour estre gardé ne doit point estre curieusement regardé; car qui l'affectionne trop le perd, et la juste regle de le bien affectionner c'est de ne point l'affecter. |
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A004001064 |
Le cœur du Sauveur, vraye perle orientale, uniquement unique et de prix inestimable, jetté au milieu d'une mer d'aigreurs incomparables au jour de sa Passion, se fondit en soy mesme, se resolut, desfit et escoula en douleur sous l'effort de tant d'angoisses mortelles; mays l'amour, plus fort que la mort, amollit, attendrit et fait fondre les cœurs encor bien plus promptement que toutes les autres passions.. |
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A004001065 |
Et comme l'on void qu'un bornai ou costeau touché des rayons ardens, sort de soy mesme et quitte sa forme pour s'escouler devers l'endroit duquel les rayons le touchent, ainsy l'ame de cette amante s'escoula du costé de la voix de son Bienaymé, sortant d'elle mesme et des limites de son estre naturel pour suivre Celuy qui luy parloit.. |
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A004001066 |
Et comme nous voyons que les nuees espaissies par le vent de midy, se fondant et convertissant en pluie ne peuvent plus demeurer en elles mesmes, ains tumbent et s'escoulent en bas, se meslant si intimement avec la terre qu'elles destrempent qu'elles ne sont plus qu'une mesme chose avec icelle, ainsy l'ame laquelle, quoy qu'amante, demeuroit encor en elle mesme, sort par cet escoulement sacré et fluidité sainte, et se quitte soy mesme, non seulement pour s'unir au Bienaymé, mais pour se mesler toute et se destremper avec luy.. |
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A004001066 |
Mays comme se fait cet escoulement sacré de l'ame en son Bienaymé? Une extreme complaysance de l'amant en la chose aymee produit une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucun pouvoir de demeurer en soy mesme; c'est pourquoy, comme un baume fondu, qui n'a plus de fermeté ni de solidité, elle se laisse aller et escouler en ce qu'elle [345] ayme: elle ne se jette pas par maniere d'eslancement ni elle ne se serre pas par maniere d'union, mais elle se va doucement coulant, comme une chose fluide et liquide, dedans la Divinité qu'elle ayme. |
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A004001072 |
La tristesse, la crainte, l'esperance, la hayne et les autres affections de l'ame n'entrent point dans le cœur que l'amour ne les y tire apres soy. |
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A004001073 |
Mais cela, comme se peut-il faire? On a veu tel jeune homme entrer en conversation, libre, sain et fort gay, qui ne prenant pas garde a soy, sent bien, avant que d'en sortir, que l'amour se servant des regars, des maintiens, des paroles, voire mesme des cheveux d'une imbecille et foible creature, comme d'autant de fleches, aura feru et blessé son chetif cœur en sorte que le voyla tout triste, morne et estonné. |
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A004001075 |
Les premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, parce que le cœur qui sembloit sain, entier et tout a soy mesme tandis qu'il n'aymoit pas, commence, lhors qu'il est atteint d'amour, a se separer et diviser de soy mesme pour se donner a l'objet aymé: or cette division ne se peut faire sans douleur, puisque la douleur n'est autre chose que la division des choses vivantes qui se tiennent l'une a l'autre. |
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A004001081 |
Le pellican fait son nid en terre, dont les serpens viennent souvent piquer ses petitz: or quand cela arrive, le pellican, comme un excellent medecin naturel, de la pointe de son bec blesse de toutes pars ces pauvres poussins, pour avec le sang faire sortir le venin que la morseure des serpens a respandu par tous les endroitz de leurs cors; et pour faire sortir tout le venin il laisse sortir tout le sang, et par consequent il laisse ainsy mourir cette petite trouppe pellicane; mais les voyans mortz il se blesse soy mesme, et respandant son sang sur eux il les vivifie d'une nouvelle et plus pure vie: son amour les a blessés, et soudain par ce mesme amour il se blesse soy mesme. |
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A004001090 |
C'est chose asses conneüe que l'amour humain a la force, non seulement de blesser le cœur, mais de rendre malade le cors jusques a la mort; d'autant que comme la passion et le temperament du cors a beaucoup de pouvoir d'incliner l'ame et la tirer apres soy, aussi les [355] affections de l'ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualités du cors. |
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A004001090 |
Mais outre cela, l'amour, quand il est vehement, porte si impetueusement l'ame en la chose aymee et l'occupe si fortement, qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; si que, pour nourrir cet amour et le seconder, il semble que l'ame abandonne tout autre soin, tout autre exercice et soy mesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, deschiré, nud, deschaux, chetif, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est «pauvre,» parce qu'il fait quitter tout pour la chose aymee; il est « sans mayson,» parce qu'il fait sortir l'ame de son domicile pour suivre tous-jours celuy qui est aymé; il est «chetif,» pasle, maigre et desfait, parce qu'il fait perdre le sommeil, le boire et le manger; il est «nud et deschaux,» parce qu'il fait quitter toutes autres affections pour prendre celles de la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» parce qu'il fait demeurer a descouvert le cœur qui ayme, luy faisant manifester ses passions par des souspirs, plaintes, louanges, soupçons, jalousies; il est tout estendu comme un gueux «aux portes,» parce qu'il fait que l'amant est perpetuellement attentif aux yeux et a la bouche de la chose qu'il ayme, et tous-jours attaché a ses oreilles pour luy parler et mendier des faveurs desquelles il n'est jamais assouvi: or, les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes de l'ame. |
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A004001093 |
O Dieu, Theotime, si l'image d'Abraham [358] eslevant le coup de la mort sur son cher unique pour le sacrifier, image faite par un peintre mortel, eut bien le pouvoir toutefois d'attendrir et faire pleurer le grand saint Gregoire, Evesque de Nisse, toutes les fois qu'il la regardoit, hé, combien fut extreme l'attendrissement du grand saint François, quand il vid l'image de Nostre Seigneur se sacrifiant soy mesme sur la croix! image que non une main mortelle, mais la main maistresse d'un Seraphin celeste avoit tiree et effigiee sur son propre original, representant si vivement et au naturel le divin Roy des Anges, meurtri, blessé, percé, froissé, crucifié.. |
05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A005000055 |
Chapitre XIII. Comme la volonté estant morte a soy, vit purement en la volonté de Dieu. |
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A005000092 |
Chapitre XV. Comme la charité comprend en soy les dons du Saint Esprit. |
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A005000158 |
Or, alhors, Theotime, l'union est parfaitte, laquelle n'estant qu'une ne laisse pas de proceder de la mere et de l'enfant; en sorte neanmoins qu'elle depend toute de la mere, car elle a attiré a soy l'enfant, elle l'a premiere serré entre ses bras et pressé sur sa poitrine, et les forces du poupon ne sont pas si grandes qu'il eust peu se serrer et prendre si fort a sa mere. |
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A005000159 |
Ainsy donq, Theotime, Nostre Seigneur monstrant le tres aymable sein de son divin amour a l'ame devote, il la tire toute a soy, la ramasse, et, par maniere de dire, il replie toutes les puissances d'icelle dans le giron de [6] sa douceur plus que maternelle; puis, bruslant d'amour il serre l'ame, il la joint, la presse et colle sur ses levres de suavité et sur ses delicieuses mammelles, la baysant du sacré bayser de sa bouche et luy faisant savourer ses tetins meilleurs que le vin. |
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A005000160 |
Quand on void une exquise beauté regardee avec grande ardeur, ou une excellente melodie escoutee avec grande attention, ou un rare discours entendu avec grande contention, on dit que cette beauté-la tient collés sur soy les yeux des spectateurs, cette musique tient attachees les aureilles, et que ce discours ravit les cœurs des auditeurs. |
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A005000169 |
Quelquefois nous cooperons, lhors qu'estans tirés nous courons volontier pour seconder la douce force de la bonté qui nous tire et nous serre a soy par son amour.. |
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A005000172 |
Quelquefois l'union se fait par la seule volonté et en la seule volonté, et aucunes fois l'entendement y a sa part, parce que la volonté le tire apres soy et l'applique a son object, luy donnant un playsir special d'estre fiché a le regarder; comme nous voyons que l'amour respand une profonde et speciale attention en nos yeux corporelz pour les arrester a voir ce que nous aymons.. |
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A005000175 |
Et pour monstrer que tous-jours toute l'union se fait par la grace de Dieu, qui nous tire a soy et par ses attraitz esmeut nostre ame et anime le mouvement de nostre union envers luy, elle s'escrie, comme toute impuissante: Tirés moy; mais pour tesmoigner qu'elle ne se laissera pas tirer comme une pierre ou comme un forçat, ains qu'elle cooperera de [13] son costé et meslera son foible mouvement parmi les puissans attraitz de son Amant: nous courrons, dit-elle, a l'odeur de vos parfums. |
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A005000177 |
O Dieu, quel exemple d'union excellente! Il s'estoit joint a nostre nature humaine par grace, comme une vigne a son ormeau, pour la rendre aucunement participante de son fruit; mays voyant que cette union s'estoit desfaite par le peché d'Adam, il fit une union plus serree et pressante en l'Incarnation, par laquelle la nature humaine demeure a jamais jointe en unité de personne a la Divinité; et affin que non seulement la nature humaine, mais tous les hommes peussent s'unir intimement a sa bonté, il institua le Sacrement de la tressainte Eucharistie, auquel un chacun peut participer pour unir son Sauveur a soy mesme, reellement et par maniere de viande. |
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A005000186 |
Or, la bienheureuse Mere Therese dit excellemment, que l'union estant parvenue jusqu'a cette perfection que de nous tenir pris et attachés avec Nostre Seigneur, elle n'est point differente du ravissement, suspension ou pendement d'esprit; mais qu'on l'appelle seulement union, ou suspension, ou pendement, quand elle est courte, et quand elle est longue on l'appelle extase ou ravissement: d'autant qu'en effect, l'ame attachee a son Dieu si fermement et si serree qu'elle n'en puisse pas aysement estre desprise, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; non plus qu'un cors crucifié n'est plus en soy mesme, mais en la croix, et que le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille.. |
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A005000188 |
Ah, Seigneur, puisque vostre cœur m'ayme, que ne me ravit il a soy puisque je le veux bien! Tires moy, et je courray a la suite de vos attraitz, pour me jetter entre vos bras paternelz et n'en bouger jamais es siecles des siecles. |
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A005000192 |
Et bien que les attraitz par lesquelz nous sommes attirés de la part de Dieu soyent admirablement doux, suaves et delicieux, si est-ce qu'a cause de la force que la beauté et bonté divine a pour tirer a soy l'attention et application de l'esprit, il semble que non seulement elle nous esleve, mays qu'elle nous ravit et emporte; comme au contraire, a rayson du tres volontaire consentement et ardent mouvement par lequel l'ame ravie s'escoule apres les attraitz divins, il semble que non seulement elle monte et s'esleve, mais qu'elle se jette et s'eslance hors de soy en la Divinité mesme. |
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A005000192 |
Et c'en est de mesme en la tres infame extase ou abominable ravissement qui arrive a l'ame lhors que, par les amorces des playsirs brutaux, elle est mise hors de sa propre dignité spirituelle et au dessous de sa condition naturelle: car, entant que volontairement elle suit cette malheureuse volupté et se precipite hors de soy mesme, c'est a dire hors de l'estat spirituel, on dit qu'elle est en l'extase sensuelle; mais entant que les [20] appatz et allechemens sensuelz la tirent puissamment et, par maniere de dire, l'entraisnent dans cette basse et vile condition, on dit qu'elle est ravie et emportee hors de soy mesme, parce que ces voluptés bestiales la demettent de l'usage de la rayson et intelligence avec une si furieuse violence que, comme dit l'un des plus grans philosophes, l'homme estant en cet accident semble estre tumbé en epilepsie, tant l'esprit demeure absorbé et comme perdu. |
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A005000192 |
L'extase s'appelle ravissement, d'autant que par icelle Dieu nous attire et esleve a soy; et le ravissement s'appelle extase, entant que par iceluy nous sortons et demeurons hors et au dessus de nous mesmes pour nous unir a Dieu. |
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A005000198 |
De mesme, quant au bien, [22] sa vraye image c'est la lumiere, sur tout en ce que la lumiere recueille, reduit et convertit a soy tout ce qui est (dont le soleil, entre les Grecs, est nommé d'une parole laquelle monstre qu'il fait que toutes choses soyent ramassees et serrees, rassemblant les dispersees, comme la bonté convertit a soy toutes choses), estant non seulement la souveraine unité, mays souverainement unissante, d'autant que toutes choses la desirent comme leur principe, leur conservation et leur derniere fin. |
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A005000198 |
Dieu attire les espritz a soy par sa souveraine beauté et incomprehensible bonté: excellences qui, toutes deux, ne sont neanmoins qu'une supreme Divinité, tres uniquement belle et bonne tout ensemble. |
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A005000198 |
Et quant au beau, parce qu'il attire et rappelle a soy toutes choses, les Grecs l'appellent d'un nom qui est tiré d'une parole qui veut dire appeller. |
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A005000199 |
De maniere qu'en fin il faut conclure avec le grand saint Denis, que «l'amour divin est extatique, ne permettant pas que les amans soyent a eux mesmes, ains a la chose aymee;» a rayson dequoy cet admirable apostre saint Paul, estant en la possession de ce divin amour et fait participant de sa force extatique, d'une bouche divinement inspiree, Je vis, dit-il, non plus moy, mays Jesus Christ vit en moy; ainsy, comme un vray amoureux sorti hors de soy en Dieu, il vivoit non plus sa propre vie, mays la vie de son Bienaymé, comme souverainement aymable.. |
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A005000199 |
Entant qu'elle est belle et claire, elle attire tous les yeux qui ont veüe au monde; entant qu'elle est bonne et qu'elle eschauffe, elle attire a soy tous les appetitz et toutes les inclinations du monde corporel, car elle tire et esleve les exhalations et vapeurs, elle tire et fait sortir les plantes et les animaux de leurs origines, et ne se fait aucune generation a laquelle la chaleur vitale de ce grand luminaire ne contribue. |
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A005000205 |
Mays ce qui est admirable, c'est que son extase passoit si avant qu'il ne sentoit mesme pas quand on luy appliquoit le feu, sinon apres qu'il estoit revenu a soy; et neanmoins, si quelqu'un parloit un peu fort et a voix claire, il l'entendoit comme de loin, et n'avoit aucune respiration. |
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A005000208 |
Ne point desrobber, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jurer en vain, aymer et honnorer son pere, ne point tuer, c'est vivre selon la rayson naturelle de l'homme; mais quitter tous nos biens, aymer la pauvreté, l'appeller et tenir en qualité de tres delicieuse maistresse, tenir les opprobres, mespris, abjections, persecutions, martyres pour des felicités et beatitudes, se contenir dans les termes d'une tres absolue chasteté, et en fin, vivre emmi le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du monde et contre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires resignations, renoncemens et abnegations de nous mesmes, ce n'est pas vivre humainement, [27] mais surhumainement; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au dessus de nous: et parce que nul ne peut sortir en cette façon au dessus de soy mesme si le Pere eternel ne le tire, partant cette sorte de vie doit estre un ravissement continuel et une extase perpetuelle d'action et d'operation.. |
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A005000214 |
Bienheureux sont [30] ceux qui vivent une vie surhumaine, extatique, relevee au dessus d'eux mesmes, quoy qu'ilz ne soyent point ravis au dessus d'eux mesmes en l'orayson! Plusieurs Saintz sont au Ciel, qui jamais ne furent en extase ou ravissement de contemplation; car, combien de Martyrs et grans Saintz et Saintes voyons-nous en l'histoire n'avoir jamais eu en l'orayson autre privilege que celuy de la devotion et ferveur? Mais il n'y eut jamais Saint qui n'ayt eu l'extase et ravissement de la vie et de l'operation, se surmontant soy mesme et ses inclinations naturelles.. |
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A005000214 |
Car, quel bien peut avoir une ame d'estre ravie a Dieu par l'orayson, si en sa conversation et en sa vie elle est ravie des affections terrestres, basses et naturelles? Estre au dessus de soy mesme en l'orayson et au dessous de soy en la vie et operation, estre angelique en la meditation et bestial en la conversation, c'est clocher de part et d'autre, jurer en Dieu et jurer en Melchon, et en somme c'est une vraye marque que telz ravissemens et telles extases ne sont que des amusemens et tromperies du malin esprit. |
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A005000214 |
Quand donques on void une personne qui en l'orayson a des ravissemens par lesquelz elle sort et monte au dessus de soy mesme en Dieu, et neanmoins n'a point d'extase en sa vie, c'est a dire ne fait point une vie relevee et attachee a Dieu, par abnegation des convoytises mondaines et mortification des volontés et inclinations naturelles, par une interieure douceur, simplicité, humilité, et sur tout par une continuelle charité, croyés, Theotime, que tous ses ravissemens sont grandement douteux et perilleux; ce sont ravissemens propres a faire admirer les hommes, mais non pas a les sanctifier. |
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A005000217 |
Or, quicomque est resuscité a cette nouvelle vie du Sauveur, il ne vit plus ni a soy, ni en soy, ni pour soy, ains a son Sauveur, en son Sauveur et pour son Sauveur. |
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A005000221 |
Parlant donq de soy mesme (et il en faut autant dire d'un chacun de nous), La charité, dit-il, de Jesus Christ nous presse. |
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A005000247 |
L'ame attiree puissamment par les suavités divines de son Bienaymé, pour correspondre de son costé a ses doux attraitz, elle s'eslance de force et tant qu'elle peut devers ce desirable Ami attrayant; et ne pouvant tirer son cors apres soy, plustost que de s'arrester avec luy parmi les miseres de cette vie, elle le quitte et se separe, volant seule, comme une belle colombelle, dans le sein delicieux de son celeste Espoux: elle s'eslance en son Bienaymé, et son Bienaymé la tire et ravit a soy; et comme l'espoux quitte pere et mere pour se joindre a sa bienaymee, ainsy cette chaste espouse quitte la chair pour s'unir a son Bienaymé. |
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A005000257 |
Puys, resuscitant avec luy, il va en Emaüs et void tout ce qui se passe entre le Seigneur et les deux disciples; et en fin, revenant sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension, et la, voyant les dernieres marques et vestiges des pieds du divin Sauveur, prosterné sur icelles et les baysant mille et mille fois avec des souspirs d'un amour infini, il commença a retirer a soy toutes les forces de ses affections, comme un archer retire la corde de son arc quand il veut descocher sa fleche; puis se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «O Jesus,» dit il, « mon doux Jesus, je ne sçai plus ou vous chercher et suivre en terre; hé! Jesus, Jesus mon amour, accordes donq a ce cœur qu'il vous suive et s'en aille apres vous la haut.» Et avec ces ardentes paroles il lança quant et quant son ame au Ciel, comme une sacree sagette que, comme divin archer, [47] il tira au blanc de son tres heureux object. |
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A005000258 |
Or un jour, estant extremement affligé d'une maladie qui luy donnoit des vomissemens continuelz, on luy apporta la divine Communion, laquelle n'osant recevoir a cause du danger qu'il y avoit de la rejetter, il supplia son curé de la luy mettre au moins sur la poitrine et le signer avec icelle du signe de la Croix: ce qui fut fait, et en un moment cette poitrine enflammee du saint amour se fendit, et tira dedans soy [48] le celeste aliment dans lequel estoit le Bienaymé, et a mesme tems expira. |
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A005000271 |
Ah non, Theotime, il ne faut pas mettre une impetuosité d'agitation en ce celeste amour du cœur maternel de la Vierge, car l'amour, de soy mesme, est doux, gracieux, paisible et tranquille: que s'il fait quelquefois des assautz, s'il donne des secousses a l'esprit, c'est parce qu'il y treuve de la resistance; mais quand les passages de l'ame luy sont ouvertz sans opposition ni contrarieté, il fait ses progres paisiblement, avec une suavité nompareille. |
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A005000274 |
Et c'est pourquoy, comme le fer s'il estoit quitte de tous empeschemens et mesme de sa pesanteur, seroit attiré fortement, mais doucement et d'une attraction egale, par l'aymant, en sorte neanmoins que l'attraction serait tous-jours plus active et plus forte a mesure que l'un seroit plus pres de l'autre et que le mouvement seroit [56] proche de sa fin, ainsy la tressainte Mere n'ayant rien en soy qui empeschast l'operation du divin amour de son Filz, elle s'unissoit avec iceluy d'une union incomparable, par des extases douces, paysibles et sans effort; extases esquelles la partie sensible ne laissoit pas de faire ses actions, sans donner pour cela aucune incommodité a l'union de l'esprit, comme reciproquement la parfaite application de son esprit ne donnoit pas fort grand divertissement aux sens. |
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A005000274 |
L'aymant, comme chacun sçait, Theotime, tire naturellement a soy le fer par une vertu secrette et tres admirable; mais pourtant, cinq choses empeschent cette operation: 1. |
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A005000283 |
Celuy qui, attiré de la suavité des parfums, entre en la boutique d'un parfumier, en recevant le playsir qu'il prend a sentir ces odeurs il se parfume soy mesme, et au sortir de la il donne part aux autres du playsir qu'il a receu, respandant entr'eux la senteur des parfums qu'il a contractee: avec le playsir que nostre cœur prend en la chose aymee il tire a soy les qualités d'icelle, car la delectation ouvre le cœur comme la tristesse le resserre; dont l'Escriture sacree use souvent du mot de dilater, en lieu de celuy de res-jouir.. |
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A005000299 |
Quand donques nous resistons, Dieu ne contribue rien a nostre desobeissance, ains, laissant nostre volonté en la main de son franc arbitre, il permet qu'elle choisisse le mal; mais quand nous obeissons, Dieu contribue son secours, son inspiration et sa grace: car la permission est une action de la volonté qui de soy mesme est brehaigne, sterile, infeconde, et, par maniere de dire, c'est une action passive qui ne fait rien, ains laisse faire; au contraire, le desir est une [65] action active, feconde, fertile, qui excite, semond et presse. |
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A005000340 |
Au contraire le meschant, des le siecle, c'est a dire tous-jours, a rompu le joug de la loy de Dieu, et a dit: Je ne serviray point; c'est pourquoy Dieu dit qu'il l'a appellé des le ventre de sa mere transgresseur et rebelle; et parlant au roy de Tyr il luy reproche qu'il avoit mis son cœur comme le cœur de Dieu: car l'esprit revolté veut que son cœur soit maistre de soy mesme et que sa propre volonté soit souveraine comme la volonté de Dieu; il ne veut pas que la volonté divine regne sur la sienne, ains veut estre absolu et sans dependance quelcomque. |
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A005000340 |
Puis, expliquant ce nom, il dit que ce sera: ma volonté en icelle; comme s'il disoit qu'entre ceux qui ne sont pas Chrestiens un chacun a sa volonté propre au milieu de son cœur, mays parmi les vrays enfans du Sauveur chacun quittera sa volonté, et n'y aura plus qu'une volonté maistresse, regente et universelle qui animera, gouvernera et dressera toutes les ames, tous les cœurs et toutes les volontés; et le nom d'honneur des Chrestiens ne sera autre chose sinon: la volonté de Dieu en eux; volonté qui regnera sur toutes les volontés et les transformera toutes en soy, de sorte que les volontés des Chrestiens et la volonté de Nostre Seigneur ne soyent plus qu'une seule volonté. |
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A005000347 |
Dieu, au commencement du monde, commanda a la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espece, qui eust aussi sa semence en soy mesme: et ne voyons nous pas par experience que les plantes et fruitz n'ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pepins, qui leur servent de geniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des desirs de faire progres, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de nostre cœur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruitz des saintes œuvres, une chacune selon son genre, et qui ayt les semences des desirs et desseins de tous-jours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pepin de ces desirs, elle n'est pas en la suffisance et maturité. |
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A005000356 |
Vous n'estes pas obligé de rechercher celuy qui vous a offencé, car c'est a luy de revenir a soy et venir a vous pour vous donner satisfaction, puisqu'il vous a prevenu par injure et outrage; mays alles neanmoins, Theotime, faites ce que le Sauveur vous conseille, prevenes-le au bien, rendes-luy bien pour mal, jettes sur sa teste et sur son cœur un brasier ardent de tesmoignages de charité, qui le brusle tout et le force de vous aymer. |
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A005000368 |
Saint Alexis, seigneur de tres noble extraction, prattiqua excellemment l'abjection de soy mesme, demeurant dix et sept ans inconneu chez son propre pere a Rome, en qualité de pauvre pelerin.. |
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A005000385 |
Tandis que l'incomparable Simeon Stylite estoit encor novice a Telede, il se rendit impliable a l'advis de ses superieurs qui le vouloyent empescher de prattiquer tant d'estranges rigueurs par lesquelles il sevissoit desordonnement contre soy mesme; si qu'en fin il fut pour cela chassé du monastere, comme peu susceptible de la mortification du cœur et trop addonné a celle du cors. |
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A005000434 |
Mais la doctrine chrestienne, qui est la seule vraye philosophie, a trois principes sur lesquelz elle establit tout son exercice: l'abnegation de soy mesme, qui est bien plus que de s'abstenir des playsirs; porter sa croix, qui est bien plus que de la supporter; suivre Nostre Seigneur, non seulement en ce qui est de renoncer a soy mesme et porter sa croix, mais aussi en ce qui est de la prattique de toutes sortes de bonnes œuvres. |
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A005000514 |
Ce chantre donques, qui chantoit au commencement a Dieu et pour Dieu, chante maintenant plus a soy mesme et pour soy mesme que pour Dieu, et s'il prend playsir a chanter, ce n'est plus tant pour contenter l'aureille de son Dieu que pour contenter la sienne; et d'autant que le cantique de l'amour divin est le plus excellent de tous, il l'ayme aussi davantage, non a cause de l'excellence divine qui y est loüee, mais parce que l'air du chant en est plus delicieux et aggreable.. |
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A005000514 |
Certes, le cœur humain est le vray chantre du cantique de l'amour sacré, et il est luy mesme la harpe et le psalterion: or ce chantre s'escoute soy mesme pour l'ordinaire, et prend un grand playsir d'ouïr la melodie de son cantique; c'est a dire, nostre cœur aymant Dieu savoure les delices de cet amour et prend un contentement nompareil d'aymer un object tant aymable. |
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A005000520 |
Il est malaysé, je le confesse, de regarder longuement et avec playsir la beauté d'un mirouer qu'on [140] ne s'y regarde, ains qu'on ne se playse a s'y regarder soy mesme; mays il y a pourtant de la difference entre le playsir que l'on prend a regarder un mirouer parce qu'il est beau, et l'ayse que l'on a de regarder dans un mirouer parce qu'on s'y void. |
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A005000520 |
Qui est en l'ardeur de l'amour sacré il ne retourne point son cœur sur soy mesme pour regarder ce qu'il fait, ains le tient arresté et occupé en Dieu auquel il applique son amour. |
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A005000535 |
Et cela, d'autant que la merveille de sa delivrance fut si grande qu'elle occupoit son esprit en telle sorte, qu'encor qu'il eust asses de sentiment et de connoissance pour faire ce qu'il faisoit, neanmoins il n'en avoit pas asses pour connoistre qu'il le faisoit reellement et tout de bon: il voyoit bien l'Ange, mais il ne s'appercevoit pas que ce fut d'une vraye et naturelle vision; c'est pourquoy il n'avoit nulle consolation de sa delivrance, jusques a ce qu'en revenant a soy: Maintenant, dit-il, je connois en verité que Dieu a envoyé son Ange, et m'a deslivré de la main d'Herodes et de toute l'attente du peuple Juif. |
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A005000536 |
Or il en est de mesme, Theotime, d'une ame qui est grandement chargee d'ennuis interieurs; car bien qu'elle ait le pouvoir de croire, d'esperer et d'aymer Dieu, et qu'en verité elle le fasse, toutefois elle n'a pas la force de bien discerner si elle croid, espere et cherit son Dieu, d'autant que la detresse l'occupe et accable si fort qu'elle ne peut faire aucun retour sur soy mesme pour voir ce qu'elle fait: et c'est pourquoy il luy est advis qu'elle n'a ni foy, ni esperance, ni charité, ains seulement des fantosmes et inutiles impressions de ces vertus la, qu'elle sent presque sans les sentir, et comme estrangeres, non comme domestiques de son ame. |
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A005000551 |
Mais la volonté qui est morte a soy mesme pour vivre en celle de Dieu, elle est sans aucun vouloir particulier, demeurant non seulement conforme et sujette, mais toute aneantie en elle mesme et convertie en celle de Dieu: comme on diroit d'un petit enfant qui n'a encor point l'usage de sa volonté, pour vouloir ni aymer chose quelcomque que le sein et le visage de sa chere mere; car il ne pense nullement a vouloir estre d'un costé ni d'autre, ni a vouloir autre chose quelcomque sinon d'estre entre les bras de sa mere, avec laquelle il pense estre une mesme chose, et n'est nullement en soucy d'accommoder sa volonté a celle de sa mere, car il ne sent point la sienne et ne cuyde pas d'en avoir une, laissant le soin a sa mere d'aller, de faire et de vouloir ce qu'elle treuvera bon pour luy.. |
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A005000564 |
Or dites moy maintenant, mon ami Theotime, cette fille ne tesmoigna elle pas un amour plus attentif et plus solide envers son pere que si elle eust eu beaucoup de soin de luy demander des remedes a son mal, de regarder comme on luy ouvroit la veyne ou comme le sang couloit, et de luy dire beaucoup de paroles de remerciment? Il n'y a, certes, doute quelcomque en cela; car, si elle eust pensé a soy, qu'eust elle gaigné sinon d'avoir du souci inutile, puisque son pere en avoit asses pour elle? regardant son bras, qu'eust elle fait sinon recevoir de la frayeur? et remerciant son pere, quelle vertu eust elle prattiquee sinon celle de la gratitude? N'a elle pas donq mieux fait de s'occuper toute es demonstrations de son amour filial, infiniment plus aggreable au pere que toute autre vertu? [157]. |
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A005000571 |
L'amour fit tout cela, Theotime: et c'est l'amour aussi qui, entrant en une ame affin de la faire heureusement mourir a soy et revivre a Dieu, la fait despouiller de tous les desirs humains et de l'estime de soy mesme, qui n'est pas moins attachee a l'esprit que la peau a la chair, et la desnue en fin des affections plus aymables, comme sont celles qu'elle avoit aux [160] consolations spirituelles, aux exercices de pieté et a la perfection des vertus, qui sembloyent estre la propre vie de l'ame devote.. |
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A005000611 |
Apelles faysoit mieux une fois qu'autre, il se surmontoit aucunefois soy mesme, car bien qu'il mit ordinairement tout son art et toute son attention a peindre Alexandre le Grand, si est ce qu'il ne l'y mettoit pas tous-jours totalement, ni si entierement qu'il ne luy restast des autres effortz; par lesquelz il n'employoit pas ni un plus grand artifice ni une plus grande affection, mais il l'employoit plus vivement et parfaitement: il appliquoit tous-jours tout son esprit a bien faire ces tableaux d'Alexandre, parce qu'il l'appliquoit sans reserve, mais il l'appliquoit aucunefois plus fortement et plus heureusement. |
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A005000611 |
Theotime, non seulement entre ceux qui ayment Dieu de tout leur cœur il y en a qui l'ayment plus et les autres moins, mais une mesme personne se surpasse maintefois soy mesme en ce souverain exercice de la dilection de Dieu sur toutes choses. |
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A005000612 |
Ains, il n'y a point de doute que David, pris a part, ne fut grandement dissemblable a soy mesme en cet amour; et qu'avec son second cœur, que Dieu crea net et pur en luy, et avec son esprit droit, que Dieu renouvella en ses entrailles par la tressainte pœnitence, il ne chantast beaucoup plus melodieusement le cantique de sa dilection, qu'il n'avoit jamais fait avec son cœur et son esprit premier.. |
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A005000614 |
Il ayme Dieu comme son Dieu, sur toutes choses et plus que soy mesme; il ayme Rachel comme sa femme, sur toutes les autres femmes et comme luy mesme. |
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A005000622 |
Dieu vouloit qu'Adam aymast tendrement Eve, mais non pas aussi si tendrement que pour luy complaire il violast l'ordre que sa divine Majesté luy avoit donné: il n'ayma pas donq une chose superflue ni de soy mesme dangereuse, mais il l'ayma avec superfluité et dangereusement. |
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A005000622 |
L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour. |
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A005000628 |
Si ce n'est qu'Hester qu'Assuerus ayme, pourquoy l'aymera-il plus lhors qu'elle est parfumee et paree que lhors qu'elle est en son habit ordinaire? Si ce n'est que mon Sauveur que j'ayme, pourquoy n'aymeray-je pas autant la montaigne de Calvaire que celle de Tabor, puisqu'il est aussi veritablement en l'une qu'en l'autre? et pourquoy ne diray je pas aussi cordialement en l'une comme en l'autre: Il est bon d'estre icy? J'ayme le Sauveur en Egypte sans aymer l'Egypte; pourquoy ne l'aymeray-je pas au festin de Simon le Lepreux sans aymer le festin? et si je l'ayme entre les blasphemes qu'on respand sur luy sans aymer les blasphemes, pourquoy ne l'aymeray-je pas parfumé de l' unguent pretieux de Magdeleyne sans aymer ni l'unguent ni la senteur? C'est le vray signe que nous n'aymons que Dieu en toutes choses quand nous l'aymons egalement en toutes choses, puisqu'estant tous-jours egal a soy mesme, l'inegalité de nostre amour envers luy ne peut avoir origine que de la consideration de quelque chose qui n'est pas luy. |
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A005000696 |
Sulamite, certes, avoit son coeur tout plein de l'amour celeste de son cher Amant, lequel, quoy qu'il ayt tout, ne se contente pas, mais par une sacree desfiance de jalousie veut encor estre sur le cœur qu'il possede, et le cachetter de soy mesme, affin que rien ne sorte de l'amour qui y est pour luy et que rien n'y entre qui puisse y faire du meslange; car il n'est pas assouvi de l'affection dont l'ame de sa Sulamite est comblee, si elle n'est invariable, toute pure, toute unique pour luy. |
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A005000711 |
Non pas certes que le divin amour, pour vehement qu'il soit, puisse estre excessif en soy mesme ni es mouvemens ou inclinations qu'il donne aux espritz; mays parce qu'il employe a l'execution de ses projetz l'entendement, luy ordonnant de chercher les moyens de les faire reuscir, et la hardiesse ou cholere pour surmonter les difficultés qu'il rencontre, il advient tres souvent que l'entendement propose et fait prendre des voyes trop aspres et violentes, et que la cholere ou audace, estant une fois esmeüe et ne se pouvant contenir dedans les limites de la rayson, emporte le cœur dans le desordre: en sorte que le zele est, par ce moyen, exercé indiscrettement et desreglement, qui le rend mauvais et blasmable. |
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A005000715 |
[220] Carpus, homme eminent en pureté et sainteté de vie, et lequel il y a grande apparence avoir esté Evesque de Candie, en conceut un si grand courroux qu'onques il n'en avoit souffert de tel; et se laissa porter si avant en cette passion que, s'estant levé a la minuit pour prier selon sa coustume, il concluoit a part soy qu'il n'estoit pas raysonnable que les hommes impies vescussent davantage, priant par grande indignation la divine Justice de faire mourir d'un coup de foudre ces deux pecheurs ensemble, le payen seducteur et le Chrestien seduit. |
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A005000732 |
Celuy qui [230] habitoit en soy mesme habite maintenant en nous, et Celuy qui estoit vivant es siecles dans le sein de son Pere eternel fut par apres mortel dans le giron de sa Mere temporelle; Celuy qui vivoit eternellement de sa vie divine vescut temporellement de la vie humaine, et Celuy qui jamais eternellement n'avoit esté que Dieu sera eternellement a jamais encor homme, tant l'amour de l'homme a ravi Dieu et l'a tiré a l'extase!. |
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A005000732 |
Il a esté en extase, non seulement en ce que, comme dit saint Denis, a cause de l'exces de son amoureuse bonté il devient en certaine façon hors de soy mesme, estendant sa providence sur toutes choses et se treuvant en toutes choses; mais aussi en ce que, comme dit saint Paul, il s'est en quelque sorte quitté soy mesme, il s'est vuidé de soy mesme, il s'est espuisé de sa grandeur, de sa gloire, il s'est demis du throsne de son incomprehensible majesté, et, s'il faut ainsy parler, il s'est aneanti soy mesme pour venir a nostre humanité nous remplir de sa Divinité, nous combler de sa bonté, nous eslever a sa dignité et nous donner le divin estre d'enfans de Dieu. |
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A005000732 |
Il nous ayma d'amour de complaysance, car ses delices furent d'estre avec les enfans des hommes et d'attirer l'homme a soy, se rendant homme luy mesme. |
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A005000735 |
Mays, Theotime, gardés bien pourtant de dire que cette mort amoureuse du Sauveur se soit faite par maniere de ravissement; car l'object pour lequel sa charité le porta a la mort n'estoit pas tant aymable qu'il peust ravir a soy cette divine ame, laquelle sortit donq de son cors par maniere d'extase, poussee et lancee par l'affluence et force de l'amour, comme l'on void la myrrhe pousser dehors sa premiere liqueur par sa seule abondance, sans qu'on la presse ni tire aucunement, selon ce que luy mesme disoit, ainsy que nous avons remarqué: Personne ne m'oste ni ravit mon ame, mais je la donne volontairement. |
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A005000753 |
Toutes les œuvres vertueuses d'un cœur ami de Dieu sont dediees a Dieu: car, le cœur qui s'est donné soy mesme, comme n'a-il pas donné tout ce qui depend de luy mesme? qui donne l'arbre sans reserve, ne donne-il pas aussi les feuilles, les fleurs et les fruitz? Le juste fleurira comme la palme, il croistra comme le cedre du Liban. |
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A005000768 |
Un grand general d'armee ayant gaigné une signalee bataille aura sans doute tout l'honneur de la victoire, et non sans cause; car il aura combattu luy mesme en teste de l'armee, pratiquant plusieurs beaux faitz d'armes, et pour le reste il aura disposé l'armee, puis ordonné et commandé tout ce qui aura esté executé: si que il est estimé d'avoir tout fait, ou par soy mesme en combattant de ses propres mains, ou par sa conduite, commandant aux autres. |
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A005000774 |
Ainsy, mon Theotime, si avec une egale charité l'un souffre la mort du martyre, et l'autre la faim du jeusne, qui ne void que le prix de ce jeusne ne sera pas pour cela egal a celuy du martyre? Non, Theotime; car, qui oseroit dire que le martyre en soy mesme ne soit pas plus excellent que le jeusne? Que s'il est plus excellent, la charité survenante ne luy ostant pas l'excellence qu'il a, ains la perfectionnant, luy laissera par consequent les avantages qu'il avoit naturellement sur le jeusne. |
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A005000802 |
Certes, mon Theotime, Dieu a respandu en nos ames les semences de toutes les vertus, lesquelles [263] neanmoins sont tellement couvertes de nostre imperfection et foiblesse qu'elles ne paroissent point, ou fort peu, jusques a ce que la vitale chaleur de la dilection sacree les vienne animer et resusciter, produisant par icelles les actions de toutes les vertus: si que, comme la manne contenoit en soy la varieté des saveurs de toutes les viandes, et en excitoit le goust dans la bouche des Israëlites, ainsy l'amour celeste comprend en soy la diversité des perfections de toutes les vertus, d'une façon si eminente et relevee qu'elle en produit toutes les actions en tems et lieu, selon les occurrences. |
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A005000802 |
Josué avoit les forces de plusieurs soldatz sous soy; mais Samson les avoit en soy, et pouvoit luy seul autant que Josué et plusieurs soldatz avec luy eussent peu tous ensemble. |
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A005000803 |
L'Evesque donne les charges de toutes les fonctions ecclesiastiques: d'ouvrir l'eglise, [264] d'y lire, exorciser, esclairer, prescher, baptizer, sacrifier, communier, absoudre; et luy mesme aussi peut faire et fait tout cela, ayant en soy une vertu eminente qui comprend toutes les autres inferieures. |
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A005000819 |
Aussy, celuy d'entre les Stoïciens et capitaines qui, pour s'estre tué soy mesme en la ville d'Utique affin d'eviter une calamité qu'il estimoit indigne de sa vie, a esté tant loué par les cervelles profanes, fit cette action avec si peu de veritable vertu, que, comme dit saint Augustin, «il ne tesmoigna pas un courage qui voulut eviter la deshonnesteté, mais une ame infirme qui n'eut pas l'asseurance d'attendre l'adversité; car s'il eust estimé chose infame de vivre sous la victoire de Cesar, pourquoy eust il commandé d'esperer en la [270] douceur de Cesar? Comme n'eust-il conseillé a son filz de mourir avec luy,» si la mort estoit meilleure et plus honneste que la vie? Il se tua donq, ou parce qu'il envia a Cesar la gloire qu'il eust eu de luy donner la vie, ou parce qu'il apprehenda la honte de vivre sous un vainqueur qu'il haïssoit: en quoy il peut estre loué d'un gros, et encor, a l'adventure, grand courage, mais non pas d'un sage, vertueux et constant esprit. |
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A005000822 |
Quelle vanité, je vous prie! Estant sur le point de mourir il dit a ses amis qu'il n'avoit peu jusques a l'heure les remercier asses dignement, et que partant il leur vouloit laisser un legat de ce qu'il avoit en soy de plus aggreable et de plus beau, et que s'ilz le gardoyent soigneusement ilz en recevroyent de grandes louanges; adjoustant que ce magnifique legat n'estoit autre chose que «l'image de sa vie.» Voyes-vous, Theotime, comme les abboys de cet homme sont puans de vanité?. |
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A005000825 |
Je veux bien, Theotime, qu'il y eust quelque fermeté de courage en Caton, et que cette fermeté fust louable en soy: mais qui veut se prevaloir de son exemple, il faut que ce soit en un juste et bon sujet; non pas se donnant la mort, mais la souffrant lhors que la vraye vertu le requiert, non pour la vanité de la gloire, mais pour la gloire de la verité: comme il advint a nos Martyrs, qui, avec des courages invincibles, firent tant de miracles de constance et valeur, que les Catons, les Horaces, les Seneques, les Lucreces, les Arries ne meritent certes nulle consideration en comparayson. |
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A005000862 |
de la justice, pour rendre a Dieu, au prochain et a soy mesme ce qu'il est obligé; 3. |
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A005000883 |
Eliezer va, et par inspiration celeste fit choix de la belle et chaste Rebecca, laquelle il amena avec soy; mais cette sage damoyselle quitta Eliezer si tost qu'elle eut rencontré Isaac, et estant introduite en la chambre de Sara, [297] elle demeura son espouse a jamais. |
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A005000884 |
Le brave prince Jonathas, allant a la charge sur les Philistins emmi les tenebres de la nuit, voulut avoir son escuyer avec soy, et ceux qu'il ne tuoit pas, son escuyer les tuoit: et l'amour, en voulant faire quelque entreprise hardie, il ne se sert pas seulement de ses propres motifs, ains aussi des motifs de la crainte servile et mercenaire; et les tentations que l'amour ne desfait pas, la crainte d'estre damné les renverse. |
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A005000885 |
Outre que, comme la peleure d'une pomme, qui est de peu d'estime en soy mesme, sert toutefois grandement a conserver la pomme qu'elle couvre, aussi la crainte servile, qui est de peu de prix en sa propre condition au regard de l'amour, luy est neanmoins grandement utile a sa conservation pendant les hazards de cette vie mortelle. |
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A005000900 |
O si l'œil pouvoit voir, si l'aureille pouvoit ouïr, ou qu'il peust monter au cœur de l'homme ce que Dieu a preparé a ceux qui le [303] servent, hé, quelle apprehension auroit-on de violer les commandemens divins, de peur de perdre ces recompenses immortelles! quelles larmes, quelz gemissemens jetteroit on quand par le peché on les auroit perdues! Or, cette crainte neanmoins seroit blasmable si elle enfermoit en soy l'exclusion du saint amour; car qui dirait: je ne veux point servir Dieu pour aucun amour que je luy veuille porter, mais seulement pour avoir les recompenses qu'il promet, il ferait un blaspheme, preferant la recompense au Maistre, le bienfait au Bienfacteur, l'heritage au Pere, et son propre proffit a Dieu tout puissant; ainsy que nous avons plus amplement monstré au Livre second.. |
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A005000919 |
S'il m'arrive quelque vayne esperance, je puis resister luy opposant ce juste descouragement: O homme insensé, sur quelz fondemens bastis tu cette esperance? Ne vois tu pas que ce grand auquel tu esperes est aussi pres de la mort que toy mesme? Ne connois tu pas l'instabilité, foiblesse et imbecillité des espritz humains? aujourd'huy, ce cœur duquel tu pretens est a toy; demain, un autre l'emportera pour soy. |
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A005000927 |
On dit qu'il y a un poisson nommé pescheteau, et surnommé diable de mer, qui, esmouvant et poussant ça et la le limon, trouble l'eau tout autour de soy pour se tenir en icelle comme dans l'embusche, des laquelle, soudain qu'il apperçoit les pauvres petitz poissons, il se rüe sur eux, les brigande et les devore; d'ou peut estre est venu le mot de pescher en eau trouble, duquel on use communement. |
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A005000928 |
La tristesse procede aussi d'autres fois de la condition naturelle, quand l'humeur melancholique domine en nous; et celle cy n'est pas voirement vicieuse en soy mesme, mais nostre ennemy pourtant s'en sert grandement pour ourdir et tramer mille tentations en nos ames. |
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A005000950 |
Tel fut saint Augustin quand il s'escria: «O aymer! o marcher! o mourir a soy mesme! o parvenir a Dieu!» Tel saint François, disant: «Que je meure de ton amour,» o l'Ami de mon cœur, «qui as daigné mourir pour mon amour!» Telles sainte Catherine de Gennes et la bienheureuse Mere Therese, quand, comme biches spirituelles, pantelantes et mourantes de la soif du divin amour, elles lançoyent cette voix: Hé, Seigneur, donnés moy cette eau!. |
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A005001019 |
Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu.. |
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A005001027 |
Et tandis, ilz arrivent sur le mont destiné, ou soudain Abraham construit un autel, arrange le bois sur iceluy, lie son Isaac et le colloque sur le bucher; il estend sa main droite, empoigne et tire a soy le glaive, il hausse le bras, et comme il est prest de descharger le coup pour immoler cet enfant, l'Ange crie d'en haut: Abraham, Abraham; qui respond: Me voyci. Et l'Ange luy dit: Ne tue pas l'enfant, c'est asses; maintenant je connois que tu crains Dieu, et n'as pas espargné ton filz pour l'amour de moy. |
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A005001031 |
Que si jamais nostre ame vouloit employer sa liberté contre nos resolutions de servir Dieu eternellement et sans reserve, o alhors, pour Dieu, sacrifions ce franc arbitre, et le faysons mourir a soy affin qu'il vive a Dieu. |
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A005001031 |
Theotime, nostre franc arbitre n'est jamais si franc que quand il est esclave de la volonté de Dieu, comme il n'est jamais si serf que quand il sert a nostre propre volonté: jamais il n'a tant de vie que quand il meurt a soy mesme, et jamais il n'a tant de mort que quand il vit a soy. |
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A005001156 |
Certes, la nature nous enseigne la repentance d'avoir [365] offencé l'ami et nous provoque a luy presenter nostre desplaysir et satisfaction, et a nous humilier, demander pardon, reparer par sousmission et chastiment la faute commise, laquelle contenant tous-jours en soy quelque mespris, nous estimons de reparer lhors que nous acceptons ou faysons quelque punition de nous mesme. |
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A005001186 |
Et comme nous voyons que le vin theriacal ne s'appelle pas theriacal par ce que la theriaque en elle mesme soit meslee avec ce vin, mais seulement par [ce] que la vertu et proprieté de la theriaque y est, et quil la contient et l'a en soy; de mesme la repentance, quand ell'est excellente, ne contient pas tous-jours l'amour en luy mesme et selon son action, mais bien que quelquefois l'amour ne se treuve pas en la repentance selon son action propre, il y est neanmoins tous-jours en sa vertu et proprieté. |
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A005001224 |
Cette attraction que l'amour [fait] de son Dieu a soy est pareille a celle que fait le petit enfant [des mammelles] de sa mere; sinon que les mammelles des meres tarissent et dessechent petit a petit, la ou la fontayne des perfections divines estant inespuisable et infinie ne diminue point, mais demeure tous-jours autant fœconde comme sil ne s'en tiroit rien. |
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A005001233 |
Mes yeux se [sont] presque escoulés, disans: quand me consoleres vous? Bref, le langage d'amour ne consiste pas es paroles, mais es regars, es souspirs, es contenances, voire mesme au silence: c'est pourquoy la theologie mistique ne consiste pas a ouïr parler de Dieu, ni a lire, ni a escrire de Dieu, mais a ouïr parler Dieu, a sentir ses mouvemens, ses inspirations et ses clartés; ni nous ne parlons pas de Dieu seulement, mais a Dieu; c'est a luy a qui on parle de luy, et c'est luy qui parle de soy mesme a nous. |
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A005001240 |
24, qui estoit un animal net et pur, sortoit devers le soir pour mediter, pour prier ou se retirer en Dieu, pour conferer avec Dieu, pour exercer son esprit en Dieu, pous s'aliener de soy mesme; car les plus sçavans interpretes expliquent ainsy ce passage: Parap. |
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A005001251 |
Mays pourtant il arrive souvent que la volonté esmeüe par la connoissance passe plus avant, et par le propre playsir qu'elle ressent d'estre appliquee a son object aymable elle s'avance extremement en l'amour; n'ayant plus besoin pour cela de l'action [de] l'entendement, ains seulement de la force du sentiment qu'ell'a de son bien, duquel l'union l'attire puissamment a soy par la propre jouissance. |
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A005001266 |
63, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement est comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes ci rentrent dedans soy quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, mais seulement quand il plait a Dieu de nous faire cette grace. |
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A005001268 |
Il n'est rien de si naturel au bien que d'unir et attirer a soy. |
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A005001268 |
Nostre ame va ou est son amour et son tresor; que si elle sent son tresor au dedans de soy, elle se ramasse toute en soymesme et retire a soy toutes ses facultés pour le mieux posseder et savourer. |
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A005001269 |
Il ne se peut dire combien alhors l'ame se fasche de sortir hors de soymesme, par ce qu'ell'a au milieu de soy son Bienaymé; c'est pourquoy elle voudroit n'avoir ni des yeux, ni des aureilles, ni les autres sens exterieurs, par lesquels, comme par des portes ouvertes, il semble que les facultés sortent et s'en vont hors de l'ame; elle diroit volontier comme S t Pierre: O qu' il est bon que nous soyons icy; Je tiens Celuy que mon ame ayme, je le tiens et ne le quitteray point.. |
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A005001269 |
Le seul nom de Marie prononcé la fait toute presente; ses [390] facultés estoyent absentes du Sauveur qui luy estoyt present, par ce qu'elle ignoroit sa presence, laquelle soudain quil luy fait entendre, ses facultés retournent et embrassent cette chere presence: cette douce voix rappelle l'ame a soy. |
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A005001269 |
Quel bonheur, Philothee, quelle suavité de sentir Dieu au milieu de son ame! Quand le tressaint Sacrement est dedans nous, et que par la tressainte foy et meditation nous apprehendons vivement la veritable et admirable presence de ce divin Espoux, il nous ramasse fort souvent a soy et retire toutes nos facultés: Revertere, revertere, Sulamitis; il nous attire par le miel de sa sapience comm'un autre Salomon autour de son trosne. |
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A005001270 |
Or ce recueillement, comme vous voyes, se fait par la douceur dont nostre cœur est touché, sentant en quelque sorte la presence de son bien au milieu de soy; c'est pourquoy il se fait doucement, par une aggreable inclination, par un doux retour, par une delicieuse retraitte que le playsir interieur fait faire aux facultés, et ne treuve rien qui l'exprime mieux que la retraitte des abelles qui se fait par la douce amorce [de] l'odeur du vin emmiellé. |
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A005001271 |
C'est cela que quelques uns appellent introversion, c'est a dire retour de l'ame en soymesme et au dedans de soy mesme, y appercevant le S t Esprit qui l'attire insensiblement par des attraitz secretz mais delicieux, dont il appelle ses puissances et les rameyne en dedans comme les repliant sur elles mesme.. |
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A005001279 |
Quelquefois, l'ame estant ainsy toute ramassee en elle mesme, ou [394] devant Dieu, si elle se represente Dieu hors d'elle mesme, ou autour de Dieu, si elle se le represente et le sent dedans soy mesme, ell'entre en une si grande paix, en un repos si tranquille, et ressent un'attention si delicate, si amiable et si douce, quil semble que son attention ne soit presque pas attention, tant ell'est presqu'imperceptible et exercee delicatement. |
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A005001287 |
O Dieu, Philothee, quilz font une grande faute! car ilz troublent volontairement le doux repos que Dieu leur avoit donné, et en lieu de s'occuper en l'amour de Dieu ilz s'occupent en l'amour d'eux mesme; en lieu de se tenir attentifs a Dieu ilz sont attentifz a eux mesmes, et ne se tenant plus a Dieu qui les contentoit, ilz s'attachent au contentement quil leur donne: comme si un esclave que le roy auroit attaché a soy par une chaisne d'or pour le sauver, en lieu de considerer la bonté de ce prince consideroit la valeur de la chaisne. |
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A005001295 |
Car en fin, comme dient tous les Saintz qui ont traitté de cette matiere, c'est la vraye et essentielle extase de l'amour de n'avoir pas sa volonté en soy mesme, mais en la volonté de Dieu, ni n'avoir pas son contentement en soymesme, mais au contentement de Dieu. |
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A005001300 |
Alhors l'union est parfaitte, et celle que l'enfant fait procede de celle de la mere; en sorte que cett'union tant serree et pressee n'est qu'une seule, qui procede de la mere et de l'enfant, mais de l'enfant en telle sorte que tout procede pourtant de la mere: car elle l'a attiré a soy, elle l'a embrassé, elle l'a appliqué a cett'union, elle l'a incité; et les forces de l'enfant sont si foibles quil n'eut sceu se serrer si fort a sa mere si elle ne l'eut serré, si que ce quil fait ressemble plustost un essay d'union qu'une union.. |
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A005001300 |
Imagines vous un enfant (car cette comparayson est toute d'amour pur et doit estre suivie) qui, voyant sa mere assisse, laquelle luy presente son giron et son sein, vient se jetter tout entre ses bras: il se ramasse tout la dans ce sein desirable, dans lequel il plie tout son cors; sa mere, le tenant, le serre et le colle sur sa poitrine, et joint ses levres aux siennes; luy, amorcé de cette caresse par laquelle sa mere l'unit tout a soy, non seulement consent, mays tant quil peut il se serre luy mesme et se presse sur le sein et sur le visage de sa chere mere, et de son costé coopere a cette amoureuse union. |
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A005001301 |
Ainsy, treschere Philothee, N. S. attirant un'ame a soy par l'orayson de recueillement dont nous avons parlé, et ayant ramassé toutes ses puissances sur le sein de sa bonté plus que maternelle, et, par maniere de dire, l'ayant toute repliee devers luy, il la joint, et la serre et colle sur soy et sur son visage. |
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A005001302 |
Quand on void un'exquise beauté regardee avec grand'attention, ou un'excellente melodie escoutee avec ardeur, ou un rare discours entendu avec grande contention, on dit: cette beauté tient collé sur [403] soy les yeux des spectateurs, cette musique tient les aureilles des auditeurs attachees, ce praedicateur ravit les cœurs a soy. |
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A005001306 |
Quelquefois cett'union se fait encor avec l'entendement, qui de plus en plus se serre a Dieu, non pour l'entendre, mais pour estre avec son object, par ce que la volonté le tire apres soy et l'applique a cela, l'amour respandant dans l'entendement ce playsir special d'estre fiché en Dieu; comme nous voyons quil respand une profonde et speciale attention en nos yeux pour regarder fixement ce que nous aymons, quoy que les yeux d'ailleurs eussent d'autres objectz plus aggreables.. |
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A005001311 |
Or l'union de nostre ame a Dieu est lhors en sa perfection quand nous sommes tellement saysis de sa bonté que non seulement elle nous tire a soy, non seulement elle nous joint a soy, non seulement elle nous serre a soy, mais elle nous attache et se prend tellement a nous que nous ne nous en pouvons desprendre. |
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A005001314 |
Ainsy un'ame collee a Dieu n'est plus en soy, mays en Dieu, comme le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille.. |
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A005001314 |
Or la Mere Therese dit excellemment que cett'union estant parvenue jusque a cette perfection que nous venons de dire, elle n'est point differente de l'extase, suspension ou pendement; mais que seulement on l'appelle union ou suspension quand ell'est courte, extase et ravissement quand ell'est longue: car en effect, l'ame attachee a son Dieu, si serré que toutes ses puissances sont employees a cela, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; comm'un cors crucifié n'est plus en soymesme, mais en la croix. |
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A005001315 |
Abismes cette goutte d'eau dedans l'ocean de vostre bonté, affin qu'elle ne soit plus qu'en vous! Puysque vostre cœur m'ayme et me veut pour soy, hé, pourquoy ne me ravit il, puis que je le veux bien? Tires moy, je courray a la suite de vos attraitz, et me jetteray dedans vostre sein paternel pour n'en bouger es siecles des siecles. |
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A005001322 |
Elle commence par une parfaite complaysance que l'amant prend en la chose aymee; cette complaysance engendre une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucune force ni vigueur pour se tenir en elle mesme, ne pouvant plus demeurer en soy ou elle n'a plus aucun'attention ni playsir, ains comm'un baume fondu qui n'a plus aucune subsistence, elle se laisse tout'aller et s'escoule toute en son amant: elle ne se jette pas, ni elle ne se joint pas, ni elle ne se serre pas, mais elle tumbe, par maniere de dire, et flue, comm'une cire fondue, en ce qu'ell'ayme; elle ne peut se soustenir en elle mesme, ains se dissout et se deffait, s'escoulant toute dans le cœur qu'ell'ayme. |
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A005001330 |
Les [414] premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, par ce que le cœur qui sembloit sain et entier et tout a soy mesme tandis quil n'aymoit pas, il commence a recevoir du tourment, a se separer et diviser de soymesme pour se donner a l'objet aymé: or la douleur se fait par la division des choses qui se treuvent l'un'a l'autre et sont unies. |
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A005001340 |
Les cors mesme de ceux qui sont blessés d'amour en demeurent malades, affoiblis et alangouris, comme l'on vid Ammon malade presqu'a mort pour l'amour de Tamar; et c'est chose asses conneüe que l'amour humain a la force non seulement de blesser le cœur, mais de rendre le cors malade jusques a la mort: ce qui se fait par la liayson que l'ame a avec le cors, [d'autant] que comme la passion et le temperament du cors a beaucoup de pouvoir de tirer l'ame a soy, aussi les passions de l'ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualités du cors. |
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A005001353 |
Ainsy Dieu se plaint: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cisternes dissipees qui ne peuvent contenir les eaux. Il nous veut donq tout pour soy, affin que nous vivions, et ne perissions point; qui est un vray amour d'amitié. |
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A005001365 |
C'est pourquoy la jalousie n'est pas peché de soy mesme, bien que, procedant d'un amour imparfait et de chose estimee imparfaite, perissable, sujette a changement, maintefois elle trouble, et cause mille pechés. |
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A005001368 |
L'ame, donq, qui a du zele amoureux, ne peut souffrir en soy aucun'imperfection qu'elle croye estre desagreable a son Bienaymé. |
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A005001371 |
Carpus, homme excellent en pureté et sainteté, et lequel il y a grande apparence avoir esté Evesque de Candie, en eut un tel desplaysir qu'onque en sa vie il n'en avoit souffert de tel; et se laissa porter si avant par [434] cette passion que, s'estant levé selon sa coustume pour prier a la minuit, plein d'un'indignation implacable, il concluoyt a part soy quil n'estoit pas raysonnable que les hommes impies vescussent plus long tems, et sur cela prioit que sans misericorde il fit mourir d'un coup de foudre ces deux hommes ensemble. |
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A005001400 |
Il estoit tellement aliené des sens quil ne sentoit mesme pas quand on le brusloit, ains, apres estre revenu a soy il en souffroit la douleur; et neanmoins si quelqu'un luy parloit un peu fort et a voix claire il l'entendoit comme de loin, et n'avoit nulle respiration.. |
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A005001407 |
Quand donques vous voyes un homme qui a des extases et est hors et dessus soy en l'orayson, et neanmoins il ne l'est pas en sa vie, il vit selon le sens, selon le monde, et n'a point d'exces de pieté, de mortification, de conversation en sa vie: quil ayt tant d'exces quil voudra en l'orayson, telz ravissemens sont grandement perilleux et douteux; ce sont ravissemens qui le peuvent rendre plus admirable, mais non pas plus saint. |
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A005001410 |
Or, quicomque a cette nouvelle vie parfaitement, il ne vit plus ni en soy, ni pour soy, ni a soy, ains il vit en N. S. Estimes, dit s t Paul, que vous estes vrayement morts au peché et vivans a Dieu, en J. C. N. S.. |
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A005001411 |
Et J. C. est vrayement mort pour tous, car il n'est point mort pour soy, mais pour nous.. |
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A005001423 |
Ce qui se fait par maniere de ravissement, lhors que l'ame attiree par son object amoureux, affin de se joindre de plus pres, ne pouvant tirer apres soy le cors, elle s'eslance de son costé et l'object la ravit du sien, en telle sorte qu'elle le quitte; et pour s'unir a son Bienaymé elle quitte sa bienaymee chair, l'amour attirant et tirant aussi durement et fortement l'ame que l'enfer pour la faire tenir separee du cors. |
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A005001433 |
Puys, en sortant comme resuscité avec luy, il va en Emaus avec les deux pelerins, et en fin il retourne sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension; et la, prosterné sur les marques et vestiges des pieds du Sauveur, qui les y laissa imprimees admirablement, il les bayse de sa bouche comme sil eut voulu y coller ses levres; et apres avoir retiré a |