01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html |
A001000143 |
La prædication evangelique a tousjours præcedé l'Escriture: c'est son propre de faire croire, et de l'escriture d'ayder la memoire. |
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A001000161 |
Les deux autres sortes de scandales s'appellent scandales passifz, mays les uns, scandales passifz ab extrinseco, les autres, ab intrinseco: car entre les personnes qui sont scandalizëes, les unes le sont par les mauvaises actions d'autruy, et sont celles qui reçoivent le scandale actif, mettans leur volonté en butte aux scandaleux; les autres le sont par leur propre malice, qui, n'ayans point d'occasion d'ailleurs, s'en bastissent et forgent en leur propre cerveau, et se scandalizent eux mesmes d'un scandale [8] qui est tout de leur creu. |
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A001000162 |
Nostre Seigneur donques, ni sa sainte Parole, ne nous scandalize point, mays nous nous scandalizons nous mesmes en luy: qui est la propre façon de parler en ce faict, que luy mesme enseigne, disant: Bienheureux qui ne sera point scandalizé en moy. |
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A001000162 |
Que sil se trouve des gens qui veuillent dire le contraire, il ne leur restera plus sinon de maudire leur Sauveur par [10] sa propre parolle: Malheur par qui vient le scandale. |
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A001000163 |
Ceux donques qui se scandalizent en elle ont tout le tort et toute la faute; leur scandale n'a point d'autre sujet que leur propre malice, qui les va chatouillant pour les faire rire en leurs iniquités.. |
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A001000170 |
Ceste necessité, pourtant, quil y a au monde d'y voir des scandales, ne doit point servir d'excuse a qui par sa mauvayse vie les donne, ou qui les reçoit de la main du scandaleux, ni a celuy [7] qui de sa propre malice les va recherchant et procurant a soy mesme. |
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A001000172 |
Le Filz de Dieu estoit venu pour paix et benediction, et non pas pour malheur aux hommes; sinon que quelque enragé osast rejetter sur Nostre Seig r sa sainte parole: V æ homini illi per quem scandalum veniet, et le voulut condamner par sa loy propre a estre jette en mer la pierr'au col. |
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A001000251 |
L'immediate mission se faict lhors que Dieu commande luymesme, et baille charge sans l'entremise de l'ordinayre authorité quil a mis es prælatz et pasteurs de l'Eglise, comme fut envoyé S t Pierre, et les Apostres, qui receurent de la [23] propre bouche de N. S. ce commandement: Alles par tout le monde, et præches l'Evangile a toute creature, et celle de Moyse vers Pharao et le peuple d'Israel. |
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A001000276 |
Que si jamais elles n'ont prævalu ni prævaudront, la vocation extraordinaire ny est pas necessaire pour l'abolir: car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extraordinaires? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soymesme, et l'a cimentee de son sang propre.. |
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A001000301 |
celuy de la triomphante remplira le ciel, non la terre seulement, et ne s'eslevera pas au tems des autres royaumes, comme porte l'interpretation de Daniel, mais apres la consommation du siecle; joint que d'estre taillé de la montaigne sans œuvre manuelle appartient a la generation temporelle de Nostre Seigneur, selon laquelle il a esté conceu au ventre de la Vierge, engendré de sa propre substance sans œuvre humayne, par la seule benediction du Saint Esprit. |
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A001000309 |
C'est le propre de l'Eglise de faire la vraÿe prædication [45] de la Parole de Dieu, la vraye administration des Sacremens; et tout cela est il pas visible? comme donques veut on que le sujet soit invisible?. |
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A001000315 |
2 nt, il faut considerer que tant l'interieur que l'exterieur de l'Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement; car l'interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l'exterieur de sa propre nature est corporel, mays parce quil tend et vise a l'interieur spirituel on l'apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l'esprit, quoy quilz fussent corporelz; et quoy qu'une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public, comme [les] juges, on l'apelle publique.. |
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A001000329 |
Ceux ausquelz on les retient ne sont ilz pas mauvais et reprouvés? ains cela est propre aux reprouvés que leurs pechés soyent retenuz, et l'ordinaire des esleuz quilz leur soyent pardonnés: or, que ceux ausquelz saint Pierre avoit pouvoir de les retenir ou pardonner fussent en l'Eglise, il appert; car de ceux qui ne sont en l'Eglise il n'appartient qu'a Dieu seul d'en juger; ceux, donques, desquelz saint Pierre devoit juger n'estoyent pas hors de l'Eglise mays dedans, quoy quil en deut avoir de reprouvés.. |
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A001000334 |
Mays quand auroys je faict, si je voulois entasser icy les noms de tant d'Evesques et prælatz lesquelz, apres avoir estés legitimement colloqués en cest office et dignité, sont decheuz de leur premiere grace, et sont mortz hæretiques? Qui vit jamays rien de si saint pour un simple prestre qu'Origene, de si docte, si chaste, si charitable? Il ni a celuy qui puysse lire ce qu'en escrit Vincent le Lyrinois, l'un des plus polys et doctes escrivains ecclesiastiques, et fayre consideration de sa damnable viellesse apres une si admirable et sainte vie, qui ne soit tout esmeu de compassion, de voir ce grand et valoureux nocher, apres tant de tempestes passëes, apres tant et de si riches traffiques quil avoit faict avec les Hebreux, Arabes, Chaldeens, Grecz et Latins, revenant plein d'honneur et de richesses spirituelles, fayre naufrage et se perdre au port de sa propre sepulture. |
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A001000335 |
Ne sont ce pas tout autant de suffisantes preuves que non seulement les esleuz mais encores les reprouvés sont en l'Eglise? Il faut donq fermer la porte de nostre propre jugement a toutes sortes d'opinions, et a ce propos encores, avec [54] ceste non jamais asses considerëe proposition: Il y en a beaucoup d'apellés, mais peu de choysis. |
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A001000369 |
Saint Pol se plaint aux Philippiens que chacun recherchoit son propre interet et commodité, neantmoins, a la fin de l'Epistre, il confesse quil y en avoit plusieurs gens de bien de part et d'autre. |
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A001000524 |
Que reste il donques, sinon qu'en ces paroles et actions nous reconnoissions une douce invitation a une sousmission et obeissance volontaire, vers ceux auxquels d'ailleurs nous n'avons point d'obligation? ne nous appuyans point tant peu soit il sur nostre propre volonté et jugement, selon l'advis du Sage, mais nous rendans sujetz et esclaves a Dieu et aux hommes, pour l'amour de Dieu. |
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A001000536 |
Qui obscurcira jamais la gloire de tant de religieux de tous Ordres et de tant de prestres seculiers qui, laissans volontairement leur patrie, ou pour mieux dire leur propre monde, se sont [exposés] au vent et a la maree pour accoster les gens du Nouveau Monde, a fin de les conduire a la vraye foy et les esclairer de la lumiere evangelique? qui, sans autre appointement que d'une vive confiance en la providence de Dieu, sans autre attente que de travaux, misere et martyre, sans autres pretentions que de l'honneur de Dieu et du salut des ames, ont couru parmi les cannibales, Canariens, negres, Bresiliens, Moluchiens, Japonnois et autres estrangeres nations, et s'y sont confinés, se bannissans eux mesmes de leurs propres pays terrestres, affin que ces pauvres peuples ne fussent bannis du Paradis celeste. |
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A001000546 |
Le nom de Religion est commun a l'eglise des Juifz et des Chrestiens, a l'ancienne Loy et a la nouvelle; le nom de Catholique c'est le propre de l'Eglise de Nostre Seigneur; le nom de reformee est un blaspheme contre Nostre Seigneur, qui a si bien formé et sanctifié son Eglise en son sang, qu'elle ne devoit jamais subir autre forme que d' espouse toute belle, de colomne et fermeté de verité. |
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A001000683 |
Mays je pers le tems; ceste dispute seroit propre contre les libertins, nous sommes a mon advis d'accord en ce point. |
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A001000715 |
Mays l'Eglise mesme, comme se peut elle resoudre qu'un Livre soit canonique?.. car elle n'est plus conduite par nouvelles revelations, mays par les anciennes apostoliques, esquelles ell'a l'infallibilité d'interpretation; que si les Anciens n'ont pas eu revelation de l'authorité d'un Livre, comme donques la peut elle sçavoir?.. Elle considere le tesmoignage de l'antiquité, la conformité que ce Livre a avec les autres ja receuz, et le commun goust [156] que le peuple Chrestien y prend: car, comm'on peut connoistre quell'est la propre viande et prouffitable des animaux quand on les y voit prendre goust et s'y nourrir saynement, ainsy quand l'Eglise voit que le peuple Chrestien savoure volontiers un Livre pour canonique, et y faict son prouffit, elle peut connoistre que c'est une pasture propre et saine aux espritz chrestiens; et comme, quand on veut sçavoir si un vin est de mesme creu qu'un autre, l'on les apparie, regardant si la couleur, l'odeur et le goust est pareil en tous deux, ainsy quand l'Eglise a bien consideré un Livre avoir le goust, l'odeur et la couleur, la sainteté du stile, de la doctrine et des misteres, semblable aux autres canoniques, et que d'ailleurs ell'a le tesmoignage de plusieurs bons et irreprochables tesmoins de l'antiquité, elle peut declairer le Livre pour frere germain des autres canoniques. |
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A001000727 |
C'est le propre de l'heresie et non de l'Eglise de proufiter ainsy de mal en pis; mays de ceci ailleurs.. |
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A001000764 |
Affin que les religionnaires de ce tems desreglassent du tout ceste premiere et tressainte Regle de nostre foy, ilz ne se sont pas contentés de raccourcir et defaire de tant de belles pieces, mays l'ont contournee et détournee chacun a sa poste, et [au lieu] d'adjuster leur sçavoir a ceste regle, ilz l'ont reglëe elle mesme a l'esquerre de leur propre suffisance, ou petite ou grande. |
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A001000771 |
Que sil en va ainsy des versions latines, combien est grand le mespris et prophanation qui s'est faict es versions françoises, alemandes, polonnoises et autres langues: et neanmoins voicy un des plus pregnans artifices que l'ennemi du Christianisme et d'unité ait employé en nostr'aage pour attirer les peuples a ses cordelles; il connoissoit la curiosité des hommes, et combien chacun prise son jugement propre, et partant il a induict tous les sectaires a traduire les Saintes Escritures, chacun en la langue de la province ou il se cantonne, et a maintenir ceste non jamais ouÿe opinion, que chacun estoit capable d'entendre les Escritures, que tous les devoyent lire, et que les offices publiques se devoyent celebrer et chanter en la langue vulgaire de chaque province.. |
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A001000781 |
Reste le 38 estat, duquel encores une partie l'entend; le reste, pour vray, si on ne parle le propre barragouin de leur contrëe, a grand peyne pourroit il entendre le simple recit des Escritures. |
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A001000796 |
Epistre, que és Epistres de saint Pol il y a certains traictz difficiles, que les ignorans et remuans depravent, comme le reste de l'Escriture, a leur propre malheur. |
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A001000830 |
Nous appelions donques Tradition Apostolique la doctrine, soit de la foy soit des mœurs, que Nostre Seigneur a enseignëe de sa propre bouche ou par la bouche des Apostres; laquelle n'estant point escritte es Livres canoniques, a esté ci devant conservëe jusqu'a nous comme passant de main en main, par continuelle succession de l'Eglise: en un mot, c'est la Parole de Dieu vivant, imprimëe non sur le papier mais dans le cœur de l'Eglise seulement. |
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A001000856 |
Saint Hilaire dict tresbien: De intelligentia hæresis est, non de Scriptura, et sensus, non sermo, fit crimen; et saint Augustin: Non aliunde natæ sunt hæreses nisi dum Scripturæ bonæ intelliguntur non bene, et quod in eis non bene intelligitur etiam temere et audacter asseritur. C'est le vray jeu de Michol, de couvrir une statue faitte a poste dans le lict, des habitz de David; qui regarde cela pense avoir veu David, mays il s'abuse, David ny est pas: l'heresie couvre au lict de son cerveau la statue de sa propre opinion des habitz de la Sainte Escritture; qui voit ceste doctrine pense avoir veu la sainte Parole de Dieu, mays il se trompe, elle ny est point, les motz y sont mays non l'intelligence. |
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A001000865 |
S'il faut courir fortune d'errer, qui n'aymera mieux la courir a la suite de sa propre fantasie, que de s'esclaver a celle de Calvin ou Luther? chacun donnera liberté a sa cervelle de courir a l'abandon ça et la, par les opinions tant diverses soyent elles, et de vray, peut estre rencontrera il aussy tost la verité qu'un autre. |
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A001000922 |
Je sçai bien quil imposa nom aux deux freres Jan et Jaques, Boanerges, enfans de tonnerre, mays ni ce nom n'est point nom de superieurité ou commandement, ains d'obeissance, ni propre ou particulier, mays commun a deux; ni ne semble pas quil leur fut permanent, puysque jamais ilz n'en sont appellés despuys, mays que ce fut plus tost un tiltre de louange, a cause de l'excellence de leur prædication. |
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A001000924 |
Mays nous n'equivoquons point icy; car ce n'est qu'un mesme mot, et pris sous la mesme signification, quand Nostre Seigneur a dict a Simon, Tu es Pierre, et quand il a dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise: et ce mot de pierre n'estoit pas un nom propre d'homme, mays seulement il fut approprié a Simon Bar Jona; ce que vous entendres bien mieux si on le prend au langage auquel Nostre Seigneur le dict. |
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A001000924 |
Or, je vous prie, quelle apparence y a il que Nostre Seigneur eust faict ceste grande præface, Beatus es Simon Bar Jona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est; et ego dico tibi, pour ne dire autre sinon, quia tu es Petrus, puys, changeant tout a coup de propos, il allast parler d'autre chose? Et puys, quand il dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ne voyes vous pas quil parle notoirement de la pierre delaquelle il avoit parlé præcedemment? et de quell'autre pierre avoit il parlé que de Simon, au quel il avoit dict, Tu es Pierre? Mays voicy tout l'equivoque qui peut faire scrupule a vos imaginations; c'est que peut estre penses vous que comme Pierre est maintenant un nom propre d'homme, il le fut aussy alhors, et que Petrus ne soit pas la mesme chose que petra, et que, partant, nous passions la signification de Pierre a la pierre, par equivocque du masculin au feminin. |
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A001000971 |
Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie; car le peuple envoya bien Phinëes, grand Præstre et superieur, aux enfans de Ruben et Gad, et le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz quil estimoit plus que luy mesme; et saint Pierre se trouvant au conseil luy mesme, il y consentit et authorisa sa mission propre.. |
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A001000988 |
Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie: car le peuple envoya bien Phinees, grand Prestre et superieur, aux enfans de Ruben et de Gad; le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz pour parler a Nostre Seigneur, et toutefois il les estimoit plus que soy mesme; et S t Pierre se trouvant au conseil y consentit, et authorisa sa mission propre.. |
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A001001341 |
Je vous prie, si en l'ombre il y avoit des illuminations de doctrine et des perfections de verité en la poitrine du Prestre, pour en repaistre et raffermir le peuple, qu'est ce que nostre grand Prestre n'aura pas? de nous, dis je, qui sommes au jour et au soleil levé? Le grand Prestre ancien n'estoit que vicaire et lieutenant de Nostre Seigneur, nomplus que le nostre, mays il semble quil præsidoit a la nuict, par ses illuminations, et le nostre præside au jour, par ses instructions; ministeriellement tous deux, et par la lumiere du Soleil de justice, lequel, bien quil soit levé, est neanmoins voilé a nos yeux par nostre propre mortalité, car le voir face a face ordinairement [307] n'appartient qu'a ceux qui sont delivrés du cors qui se corrompt.. |
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A001001344 |
Mays qui ne sçait que tous les anciens hæretiques taschoyent a se faire avouer par le Pape; tesmoins les Montanistes ou Cataphryges, qui deceurent tellement le Pape Zephyrin (sil faut croire a Tertullien, nomplus celuy d'autrefois mays devenu hæretique en son faict propre) quil lascha des lettres de reunion en leur faveur, lesquelles neantmoins il revoca promptement par l'advis de Praxeas. |
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A001001410 |
.. Item, nos sens ne se trompent pas sur leur propre object quand l'application est bien faitte, et nostre experience prise a part, simple et nüe, ne peut estre deceüe: ce sont propositions de la philosophie, qui ont ceste rayson bien asseurëe, c'est que Dieu est autheur de nos sens, et les dresse, comme saint ouvrier et infallible, a leur propre fin et but; ce sont certes premiers principes, que ceux qui les leveroyent nous leveroyent tout discours et rayson. |
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A001001410 |
Mon œil se peut tromper, jugeant une chose plus grande qu'elle n'est; mays la grandeur n'est pas le propre object de mon œil, car il est commun au toucher et a la main: et se peut tromper, estimant le mouvement estre ou il n'est point, comme ceux qui navigent le long de la rive voient, ce leur semble, les arbres et tours se remuer; mays le mouvement n'est pas propre object de la veüe, le toucher y a part encores: il se peut encores tromper si l'application n'est pas pure; car, sil y a du verre vert ou rouge en l'entredeux, il pensera vert ou rouge ce qui ne le sera pas.. |
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A001001412 |
L'experience donques et la connoissance des sens est tres veritable, mays les discours que nous en tirons nous trahissent: hors de la, qui combat la connoissance des sens et la propre experience, combat la rayson et la renverse, car le fondement de tout discours depend de la connoissance des sens et de l'experience. |
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A001001412 |
Or, combien vos ministres ayent combattu l'experience, la connoissance des sens et la rayson naturelle, je vous le feray paroistre tout maintenant, pourveu que vous mesmes ne veuilles combattre vostre propre jugement. |
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A001001418 |
Quand Luther, en la præface de l' Assertion des articles condamnés par Leon, dict que « l'Escriture est tres aysëe, intelligible et claire a chacun », et que chacun y peut connoistre la verité, et discerner entre les sectes et opinions quelle est la vraye, quelle est la fausse, dites, je vous prie, combat il pas la propre experience de tout le monde? et quand vous aves creu ceste sottise, connoisses vous pas tout ouvertement le contraire? Je ne sache homme si versé qui osast jurer, sil a point de conscience, quil sçait le vray sens, je ne dis pas de toute l'Escriture, mays de quelque partie d'icelle; et si, n'ay je jamais veu homme entre vous qui entende le sens d'un chapitre tout entier.. |
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A001001520 |
Restera que le liseur laisse a part les bericles de sa propre passion, pense attentivement au merite de nos probations, et se jette aux pieds de la divine Bonté, criant en toute humilité avec David, Da mihi intellectum et scrutabor legem tuam, et custodiam illam in toto corde meo, et lhors je ne doute point qu'il ne revienne au giron de sa grande Mere, l'Eglise Catholique.. |
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A001001565 |
L'adversaire sera nostre propre conscience, qui combat tousjours contre nous et pour nous, c'est a dire, qu'il resiste tousjours a nos mauvaises inclinations et a nostre viel Adam pour nostre salut, comme exposent saint Ambroise, Bede, saint Augustin, saint Gregoire et saint Bernard, en divers lieux. |
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A001001602 |
Tous les sus nomez assurent estre de la propre main ou de la composition de ce grand Evesque de Genaive, et mesme ils assurent luy en avoir ouy prescher une partie lors quil convertit le pais de Gex et de Chablays.. |
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A001001667 |
Nous, Pierre François Jaÿ, Docteur en Theologie, Chantre et Chanoine de l'eglise Cathedrale de S t Pierre de Geneve, Vicaire general et Official de Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Charles Auguste de Sales, Evesque et Prince de Geneve, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douze cayers, tant gros que petits, avoir bien recogneu iceux avoir esté escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François de Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, de tres heureuse et louable memoire; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poinctz de controverses contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'authorité de nostre Sainçt Pere le Pape, comme [394] Vicaire de Nostre Sauveur et successeur de sainct Pierre. |
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A001001677 |
Nous, Jean Claude Jarsellat Bébin, Docteur es Droicts, Chanoine de l'église Cathedrale S t Pierre de Geneve, Officiai a la partie de France de l'Evesché, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petits, et avoir bien recogneu iceux avoir estés escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poincts de controverses contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'authorité de nostre Sainct Pere le Pape. |
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A001001687 |
Attestons encor avoir veu trois autres cayers escritz par autre main que la siene, a la reserve de trois pages par nous reconues avoir esté escriptes par la propre main du dict François De Sales, lesquelz cayers traictent aussy de semblables controverses contre les heretiques. |
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A001001687 |
En foy de quoy nous avons soubsigné la presente attestation de nostre propre main, avec apposition de nostre seel ordinaire.. |
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A001001687 |
Nous, Don Charles François Chastenoux, Docteur en Theologie, Prevost des Reverends Peres Barnabittes fondés en la ville de Thonon dans la Duché de Chablais, Attestons, a tous qu'il appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petitz, et avoir bien reconuz iceux avoir estés escritz de la propre main et caractere de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, dans lesquelz cayers est traicté de [395] plusieurs poinctz de controverse contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'auctorité de nostre Sainct Pere le Pape. |
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A001001714 |
Je reconnois que la plus grande partie dudit traité est escrit de la propre main dudit Serviteur de Dieu, et l'autre partie de la main du Sieur George Roland, ou de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu. |
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A001001714 |
Je reconnois que le 4 e cayet est tout entier escrit de sa main, qui contient 16 feuillets, c'est a dire, 32 pages; je reconnois que les 5 feuilles detacheez qui suivent apres ledit 4 me caiet sont toutes escrittes de la propre main du Serviteur de Dieu. |
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A001001714 |
Le 7 e cayer, ou il y a 9 feuillets et demy escrits, c'est a dire, 18 pages et demies, est de la mesme main du Sieur George Roland; et le dernier cayer, qui contient 16 feuillets, est tout escrit de la main de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu, à la reserve des trois dernieres pages, qui sont de [397] la propre main du Serviteur de Dieu, et en la 15 e page, a la marge, en la 9 e ligne, parlant du Concile de Carthage, ledit Serviteur de Dieu adjouste de sa main: « qui fut il y a environ 1200 ans, et auquel se trouva Saint Augustin, comme recite Prosper in Chron. |
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A001001714 |
Les deux premieres feuilles separeez, et tout le premier caiet et contenant 11 feuilles ou 22 feuilletz, et pareillement le second caiet contenant 6 feuilles ou 12 feuilletz, sont de la propre main du Serviteur de Dieu: comm'aussy les huict premiers feuillets du 3 e caiet, c'est a dire, les 16 premieres pages dudit caiet; mais la 17 e, 18 e, 19 e et 20 e page du mesme cayet sont d'une main estrangere, mais en quelques endroits ils sont corrigés de la propre main dudit Serviteur de Dieu, ce qui fait connoistre qu'il les a dicté; la 21 e, 22 e et 23 e, et 4 lignes et demies de la 24 e page, sont encor de la propre main du Serviteur de Dieu. |
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A001001733 |
En effet, entre autres papiers tres-authentiques, il s'y rencontra quelques cahiers, petit in folio, tous escrits de la propre main dudit Saint François de Sales, et d'autres de main estrangere, mais corrigez et annotez par luy, par lesquels cayers il fut reconnu que c'estoit des traittez de controverse, composés par ce grand Saint au temps de sa Mission dans le Chablais, et qu'il distribuoit par feuilles aux peuples, apres que les magistrats heretiques leur eurent fait deffence d'aller aux predications du Papiste Romain; lequel traitté fut inseré entre les Actes dudit procez et produit dans ladite partie de la compulsation, pour que la Cour de Rome y eust tel égard que de raison, comme un ouvrage tres-excellant pour la deffense de la Sainte Eglise Romaine. |
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A001001733 |
La compulsation et production en estant faite, il fut jugé à propos d'en envoyer l'original à nostre Saint Pere le Pape Alexandre VII, aprés toutes fois en avoir fait attester et reconnoistre la verité du caractere, par personnes celebres, et contemporains dudit Saint François de Sales, qui furent: le sieur de Blancheville, Premier President du Senat de Chambery, ledit Seigneur Charles Auguste de Sales, son neveu, les sieurs Jay et Bébin, Officiaux et Grands Vicaires de [399] l'Evesché de Genéve, et autres; et il est tres-vray qu'il fut reconnu estre de la composition et propre écriture dudit Saint François de Sales. |
02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html |
A002000124 |
L'honneur et gloire ne logent pas parmi les creatures pour y sejourner et vivre, mays seulement par maniere de passage: leur propre domicile c'est la divinité, comme aussi c'est le lieu de leur naissance. |
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A002000124 |
Les creatures intelligentes le font en leur propre personne; tout le reste le fait par l'entremise des intelligences, comme par leurs procureurs. |
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A002000124 |
Les eaux, qui toutes sortent de la mer, ne cessent de ruisseller et flotter jusques a tant qu'elles [5] s'aillent abismer dans leur propre origine. |
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A002000131 |
1. L'hommage ou honneur souverain, absolu et premier, vise immediatement a Dieu, et luy doit estre porté a droit fil; il n'a point d'autre propre objet que Dieu, ni Dieu ne peut estre purement et simplement objet d'autre honneur que de celuy la, pour la proportion que l'honneur et son objet doivent avoir ensemble. |
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A002000157 |
» C'est le blaspheme de Calvin qui dit que Jesus Christ eut crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu; car a la verité aucune peyne ne peut estre infinie, ni aucun ne peut boire la couppe de l'ire de Dieu, pendant qu'il est asseuré de son salut et de la bienveuillance de Dieu. |
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A002000189 |
Que si jamais elles n'ont prævalu ni prævaudront, la vocation extraordinaire ny est pas necessaire pour l'abolir: car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extraordinaires? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soymesme, et l'a cimentee de son sang propre.. |
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A002000216 |
celuy de la triomphante remplira le ciel, non la terre seulement, et ne s'eslevera pas au tems des autres royaumes, comme porte l'interpretation de Daniel, mais apres la consommation du siecle; joint que d'estre taillé de la montaigne sans œuvre manuelle appartient a la generation temporelle de Nostre Seigneur, selon laquelle il a esté conceu au ventre de la Vierge, engendré de sa propre substance sans œuvre humayne, par la seule benediction du Saint Esprit. |
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A002000224 |
C'est le propre de l'Eglise de faire la vraÿe prædication [45] de la Parole de Dieu, la vraÿe administration des Sacremens; et tout cela est il pas visible? comme donques veut on que le sujet soit invisible?. |
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A002000230 |
2 nt, il faut considerer que tant l'interieur que l'exterieur de l'Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement; car l'interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l'exterieur de sa propre nature est corporel, mays parce quil tend et vise a l'interieur spirituel on l'apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l'esprit, quoy quilz fussent corporelz; et quoy qu'une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public, comme [les] juges, on l'apelle publique.. |
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A002000232 |
Que ce traitteur donq cesse de dire que nous attribuons a la Croix la [49] vertu qui est propre a Dieu: car la vertu propre a Dieu luy est essentielle, la vertu de la Croix luy est assistante; Dieu est agissant en sa vertu propre, la Croix n'opere qu'en la vertu de Dieu; Dieu est le premier autheur et mouvant, la Croix n'est que son instrument et outil. |
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A002000246 |
Or, Nostre Seigneur prenant a soy cest instrument et en estant le dernier possesseur, il luy a levé toute l'ignominie, la lavant en son propre sang, dont il l'appelle sa Croix et se surnomme Crucifix. |
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A002000246 |
on l'enferreroit par son dire propre, quand il loue infiniment la mort, les passions et les souffrances de Nostre Seigneur, et a rayson; mays si les propres douleurs et afflictions sont aymables et louables, pourquoy rejettera-on les instrumentz d'icelles, s'il n'y a autre mal en eux que d'avoir esté instrumentz? Le filz ne peut avoir en horreur le gibbet de son pere, s'il a en honneur la mort et souffrance d'iceluy; pourquoy rejetteroit-il les outilz de ce qu'il honnore? 2. |
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A002000281 |
comme d'un saint et propre moyen pour honnorer Jesus Christ crucifié. |
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A002000284 |
Et est encores inepte, ce traitteur, s'il veut dire que les souffrances mesmes sont infinies, par ce que boire l'ire de Dieu et estre abandonné d'iceluy est un mal infini; il semble neanmoins que ce soit son intention, [77] quand il dit que le Sauveur a beu la couppe de l'ire de Dieu, et met entre les articles de la Passion la descente aux enfers, ce que sans doute il rapporte a la crainte que Calvin attribue a Jesus Christ, disant qu' « il eut peur et crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu. |
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A002000293 |
Elle manda encores a l'Empereur une piece de la Croix, « laquelle incontinent qu'il eut reçeuë, estimant que la ville ou elle seroit gardee seroit maintenue saine et sauve, il l'enferma dedans sa propre statue, laquelle fut colloquee a Constantinople, en la place nommee de Constantin, sur une grande colomne faitte de pierre de porphire. |
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A002000340 |
Nous avons veu que l'Empereur Constantin en mit une dans sa propre statue en un lieu fort honnorable de Constantinople, comme une sainte defense de toute la ville. |
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A002000482 |
Or ceste image, comme il apparut par la relation qu'en fit le Chrestien auquel elle estoit, en presence de l'Evesque du lieu, avoit esté faitte de la main propre de Nicodeme qui la laissa a Gamaliel, Gamaliel a saint Jacques, saint Jacques a saint Simeon, Simeon a Zachee, et ainsy de main a main elle demeura en Hierusalem jusques au tems de la destruction de ladite ville, qu'elle fut transportee au royaume d'Agrippa, ou se retirerent les Chrestiens de Hierusalem par ce qu'Agrippa estoit sous la protection des Romains. |
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A002000495 |
Laquelle chose Eusebe, surnommé Pamphile, asseure avoir ouÿe de la bouche propre de l'Empereur qui l'affirmoit par serment, a sçavoir, qu'environ midi, le soleil commençant un peu a decliner, tant l'Empereur mesme que les gens d'armes qui estoyent avec luy avoyent veu le signe de la Croix resplendissant au ciel, formé de la splendeur d'une lumiere, auquel estoit ceste inscription: Surmonte par ceci. |
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A002000495 |
On dit encores que Jesus Christ mesme luy apparut et luy monstra la figure de la Croix, et mesme luy commanda qu'il en fist faire une semblable, et qu'il en usast comme d'une ayde en l'administration de la guerre et comme d'un instrument propre pour obtenir victoire. |
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A002000506 |
Or combien soit grand l'honneur qui revient de ceci [124] a la Croix, il n'y a celuy qui en puisse douter; tant parce qu'elle est appellee signe du Filz de l'homme, et que les enseignes, armoiries, signes, estendartz des princes et roys sont tres honnorables et respectables, comme tesmoigne Sozomene, et avant luy Tertullien, et l'experience mesme nous le monstre; qu'aussi parce que, comme remarquent doctement les Anciens, elle consolera les bons, estant le signe de leur salut, et espouvantera les mauvais, comme fait l'estendart d'un roy vainqueur lhors qu'il est arboré sur les murailles d'une ville rebelle; et encor d'autant qu'elle sera comme le trophee du Roy celeste, mis au plus haut du Temple de l'univers, et sera claire et lumineuse lhors que la lumiere mesme s'obscurcira en sa propre source; comme tesmoignent saint Cyrille, Hypolite le Martyr, et saint Ephrem qui dit qu'elle paroistra et sera produitte devant le Roy comme le sceptre et verge de sa majesté.. |
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A002000572 |
» C'est le tesmoignage de saint Augustin, car jaçoit que ce sermon ne fust pas de saint Augustin, comme respond le traitteur (chose certes tres mal aysee a prouver contre le propre tiltre et inscription), si est-ce que ce point ici est de saint Augustin, car il dit tout le mesme en ses Traittés sur saint Jean qui sont indubitablement siens. |
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A002000574 |
Mays ayant monstré le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire: Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres, Chrysostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de leur aage; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy: « Que l'Evesque, consacrant une eglise ou monastere, consacre [143] le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix); ainsy qu'il commence l'edifice mettant un si bon et propre fondement. |
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A002000576 |
» Troisiesmement, je dis que puysqu'on ne peut pas sçavoir le propre et particulier motif de ce Concile, et qu'il n'estoit que provincial et de dix-neuf evesques seulement, il n'est raysonnable de le vouloir rendre [145] opposant au general consentement et a la coustume de l'Eglise ancienne qui recevoit les images aux eglises, comme j'ay prouvé cy devant. |
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A002000657 |
Quand Josué demande au soleil qu'il cesse son mouvement, c'est prier Dieu qu'il l'arreste; quand nous demandons a la Croix qu'elle pardonne aux pecheurs, c'est prier le Crucifié qu'il nous pardonne par sa Passion; et si les paroles semblent mal addressees quant a leur propre signification, elles sont neanmoins redressees par l'intention de ceux qui les proferent, et n'y a aucune messeance, parce que ces façons de parler sont ordinaires, familieres et bien entendues de ceux qui ne sont pas chicaneurs et mal affectionnés.. |
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A002000691 |
Apres ceste response le traitteur nous veut rejetter dessus nostre propre argument en ceste sorte: « La conclusion peut estre faite au contraire, assavoir, si la Croix doit estre adoree pource qu'elle fait miracle, il s'ensuit que la croix qui ne fait pas miracle ne doit estre adoree. |
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A002000692 |
Hé pour Dieu, nos anciens Peres, arboristes spirituelz, nous descrivent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remede de nos maux, et sur tout des diableries et enchantemens; ilz nous font foy de plusieurs [179] asseurees experiences et preuves qu'ilz en ont faites: pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espece et sorte que celles qui firent jadis miracle? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et proprieté puysqu'elles sont de mesme forme et figure? Si ce n'est pas a tout propos et indifféremment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armees qu'en celle de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain Medecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expedient de l'appliquer a tel effect; mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de representer la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy. |
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A002000692 |
Pline et Mathiole nous descrivent une herbe propre contre la peste, la colique, la gravelle, nous voyla a la cultiver pretieusement en nos jardins; peut estre neanmoins que de mille millions de plantes de ceste espece la, il n'y en aura pas trois qui ayent fait les operations que ces autheurs nous en promettent: nous les prisons donq toutes parce qu'estans de mesme sorte et espece que les trois ou quattre qui ont fait operation, elles sont aussi de mesme valeur ou qualité. |
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A002000703 |
Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention. |
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A002000714 |
en ce que l'encens est une offrande propre a Dieu, comme il est aysé a deduire de l'Escriture, et toute l'ancienneté l'a noté sur l'offrande faitte par les roys a Nostre Seigneur, d'or, d'encens et de myrrhe; l'encens, disent-ilz tous, est a Dieu. |
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A002000735 |
Ainsy la vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre a Dieu autant que faire se peut l'honneur qui luy est deu, tire au service de son dessein les actions vertueuses, les dressant toutes a l'honneur de Dieu; elle se sert de la foy, constance, temperance, par le bien croire, le martyre, le jeusne: c'estoyent desja des actions vertueuses et bonnes d'elles mesmes, la religion ne fait que les contourner a sa particuliere intention qui est d'en honnorer Dieu. |
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A002000745 |
Il dit qu'ilz n'en ont pas parlé en l'intention qu'on pretend aujourd'huy: mais s'il entend de l'intention des Catholiques, je luy feray voir le contraire clair comme le soleil; s'il entend de l'intention que les ministres huguenotz imposent aux Catholiques, comme seroit ce que dit le traitteur d'attribuer au seul signe ce qui est propre au Crucifié, je confesse que les Anciens n'y ont pas pensé, c'est une imposture trop malicieuse.. |
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A002000774 |
Je laisse a part la naïfve intelligence de ces parolles de Nostre Seigneur, qui oppose l'adoration en esprit a l'adoration propre aux Juifz, qui estoit presque toute en figures, ombres et ceremonies exterieures, et l'adoration en verité a l'adoration fause, vaine, heretique et schismatique des Samaritains; ce que je fais icy n'a pas besoin de plus long discours.. |
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A002000786 |
Un bon personnage, nommé Joseph, voulant bastir une eglise [240] en la ville de Tiberias, a quoy il avoit besoin d'une grande quantité de chaux, fit faire environ sept fourneaux; les Juifz empeschent par sorceleries que le feu ne se puisse allumer ni ne brusle, ce qu'appercevant Joseph, il prend un vase plein d'eau, et devant tous (car une grande trouppe de Juifz estoyent la a voir ce que feroit ce bon homme), criant fort haut, il fait de sa propre main la Croix sur icelle, et invoquant le nom de Jesus, il dit: « Au nom de Jesus de Nazareth, que mes peres ont crucifié, que vertu soit faitte en ceste eau pour rejetter tout charme et enchantement fait par ces gens. |
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A002000794 |
Ou est-ce donques que le signe de la Croix est plus sortable qu'aux Sacremens, quand ce ne seroit que pour protester que la Passion est la fontaine des eaux salutaires qu'ilz nous communiquent? Les consecrations sont les plus excellentes invocations qui se fassent en l'Eglise: le saint signe, estant un si propre moyen de prier, ne peut estre mieux employé qu'a cest effect; aussi a ce esté une forme ordinaire a l'ancienne Eglise de consacrer avec le signe de la Croix. |
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A002000801 |
Les Israelites avoient commandement de Dieu de faire ce qu'ils ont fait sur leurs surseuils, mais les Chrestiens n'ont point esté commandez de se signer sur le front; aussi en est procedé un erreur tres-pernicieux, né premierement de simplicité, accreu depuis par ignorance, et à present debattu par opiniastreté, d'attribuer au bois de la Croix ce qui est propre au seul Crucifié. |
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A002000805 |
Et ce pendant le traitteur calomnie, disant qu'on attribue au bois de la Croix ce qui est propre au Crucifié, car jamais nous n'y pensasmes ni ne le fismes, comme j'ay monstré cy devant. |
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A002000805 |
IV. En fin je voudrais bien que le traitteur cottast le tems auquel est né l'erreur d'attribuer au bois ce qui est propre au Crucifié. |
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A002000868 |
Voulons-nous estre plus sages que luy, et dire que ces moyens ne sont pas sortables? il luy plait que nous les employions, les voulons-nous rejetter? Or c'est saint Augustin qui est autheur de ce recit, et l'estime tellement propre a la louange de Dieu, qu'il dit tout suivant qu'il avoit fort tancé ceste dame guerie de ce qu'elle n'avoit pas asses publié ce miracle. |
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A002000892 |
Or, si le bien honneste ou la vertu se considere simplement comme bien, il sera aussi simplement et seulement en objet a l'amour; mays si on le considere comme excellent, eminent et superieur, c'est lhors qu'il s'attirera l'honneur comme son propre tribut, lequel a son naturel mouvement au bien honneste sous la consideration particuliere de quelque excellence et eminence: de quelque excellence, dis-je, car, soit que le [306] bien honneste ayt quelque excellence sur celuy qui honnore ou non, il suffit qu'il ayt quelque excellence pour estre un vray sujet de l'honneur. |
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A002000893 |
Et quand j'ay dit, de la bonté de quelqu'un, c'est a dire, de quelque personne, j'ay eu ceste rayson: l'excellence de la bonté, laquelle est le propre objet de l'honneur, n'est sinon la vertu; la vertu ne se trouve sinon es personnes: donques l'honneur ne se rapporte ou mediatement ou immediatement qu'aux personnes, lesquelles sont le sujet lequel est honnoré, et leur vertu le sujet pour lequel elles sont honnorees, objectum quod et objectum quo, disent nos scholastiques. |
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A002000893 |
Non que la vertu ne merite une autre recompense inherente, utile et delectable, mais parce que l'honneur purement et simplement n'a point d'autre objet que la vertu et le vertueux; si qu'estant poussé ailleurs, comme sur les choses inanimees, il n'y fait aucun sejour, mais y passe seulement entant qu'elles appartiennent en quelque sorte a quelque sujet vertueux, ou a la vertu mesme ou en fin il se rend comme dans son propre et naturel domicile. |
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A002000900 |
Mays en laquelle de ces actions consiste la vraye et propre substance de l'adoration? Ce n'est pas en la premiere, car les diables et ceux desquelz parle saint Paul, qui, connoissans Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ains secoüans le joug ont dit, nous ne servirons point, ilz l'ont conneu, mays non pas reconneu. |
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A002000920 |
Le mot d'adorer, d'ou qu'il soit sorti, ne veut dire autre que faire reverence, ou a Dieu ou aux creatures, quoy que le simple vulgaire estime que ce soit un mot propre a l'honneur deu a Dieu. |
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A002000926 |
Si que l'adoration estant la supreme sorte d'honneur, elle est particulierement propre a la supreme excellence de Dieu; et si bien elle peut estre attribuee aux creatures, c'est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque evidente circonstance, on ne reduit la signification du mot d'adoration a l'honneur des creatures, elle panchera tous-jours [320] a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot equivoque ou qui signifie deux diverses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation, est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse: analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato. |
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A002000934 |
Et parce que l'adoration n'est pas encor du tout propre et particuliere pour l'honneur de Dieu, mays peut encor estre employee pour les creatures, il [325] adjouste a l'adoration le mot de latrie, disant: tu serviras a iceluy seul. « Aussi ne dit-il pas, tu adoreras le seul Seigneur ton Dieu, mays ouy bien, tu serviras a iceluy seul, la ou au grec le mot de latrie est employé »; ceste observation est expressement du grand saint Augustin, es Questions sur le Genese. |
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A002000934 |
Puysque la propre et vraye essence de l'adoration reside en la volonté et non en l'exterieure demonstration, la grandeur et petitesse des adorations, et leurs propres differences, se doit estimer selon l'action de la volonté purement et simplement, et non selon l'action de l'entendement, ni selon les reverences exterieures. |
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A002000945 |
L'honneur relatif ou rapporté est, en certaine façon, propre et particulier pour les creatures irraysonnables, d'autant qu'elles ne sont capables d'autre honneur, n'estans vertueuses ni d'elles mesmes ni en elles mesmes. |
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A002000956 |
Pourquoy appelle-on l'image de saint Claude, saint Claude, et le cors mort d'iceluy encores, sinon pour la relation et rapport que l'une et l'autre appartenance ont a ce Saint, vivant? De mesme peut-on appeller l'honneur deu au cors et image de ce Saint, du nom de l'honneur deu au Saint mesme, car autant de proportion que l'image ou le cors d'un saint homme a a la personne du saint propre, autant en a l'honneur deu au cors et a l'image d'un saint avec l'honneur qui est deu a la personne d'iceluy. |
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A002000964 |
Ainsy donne-on le pain au pauvre en aumosne, et au prestre en oblation; l'un et l'autre don vise et tend a Dieu, mays differemment: car l'aumosne vise a Dieu comme a sa fin, et a pour son objet le pauvre, l'oblation vise a Dieu comme a son propre objet, quoy qu'elle soit receuë par le prestre.. |
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A002000964 |
Il est neanmoins imparfait et relatif, d'autant qu'il n'a pas Dieu pour son objet entant que Dieu se considere en soy mesme ou en sa propre nature, mais seulement entant qu'il est representé et reconneu en ses appartenances et dependances, par la relation et rapport qu'elles ont a sa divine Majesté. |
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A002000964 |
La reverence que saint Jean portoit aux soliers de Nostre Seigneur, s'estimant indigne de les porter, estoit une sainte affection de latrie, mais de latrie relative, par laquelle il adoroit son Maistre, non en sa propre personne, mais en ceste basse et abjecte appartenance. |
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A002000964 |
Or, l'honneur de la Vierge et des Saintz a pour son objet leur propre excellence, qui se trouve reellement en leurs personnes, et partant il a son propre nom de dulie et hyperdulie, bien qu'il se rapporte par apres a Dieu comme a sa fin et a son principe. |
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A002000964 |
Or, l'honneur subalterne, quoy que absolu et propre, se rapporte a Dieu comme a son principe premier et fin [337] derniere, et non comme a son objet; mais l'honneur relatif se rapporte a Dieu comme a son objet et sujet, dont il est nommé honneur de latrie. |
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A002001057 |
Autres fois on honnore l'ambassadeur en guise du roy, de l'honneur propre au roy, et lhors, a proprement parler, c'est le roy qui est honnoré en son ambassadeur, et non pas l'ambassadeur mesme, parce que proprement l'ambassadeur n'est pas le roy, il tient seulement lieu pour le roy, et le represente par la fiction et supposition que les hommes en font. |
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A002001099 |
renversans, brisans et rompans, de leur propre authorité, les Croix dressees, sans autre examen de la droitte pretention ni du droit pretendu de ceux qui les avoyent eslevees; 4. |
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A002001137 |
Car une partie d'entr'eux, mal gré bon gré le propre tesmoignage que nous avons de nostre conscience, nous veut persuader que nous tenons les Croix pour des divinités et les adorons de lhonneur deu a Dieu tout puyssant. |
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A002001158 |
Il s'ensuit encor que la creature irraysonnable n'estant capable d'aucun honneur puysqu'elle ne peut estre ni vertueuse ni bonteuse, si on l'honnore on ne la doit honnorer pour ce qui est d'elle mesme ni pour son propre estoc, mais comm'appartenance, instrument, signe ou acheminement de la vertu ou du vertueux. |
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A002001178 |
Il y en a d'autres qui ont dit que, par ceste prohibition, autres images ou similitudes n'estoyent defendues sinon celles qui servent de representer Dieu selon la nature de sa Divinité: et je m'y accorde simplement et purement, s'ilz rejettent les images qu'on feroit pour representer la propre forme et essence Divine immediatement; car Dieu estant infini et invisible il ne sçauroit estre representé par les choses visibles immediatement et formellement. |
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A002001178 |
Si donques on dit que le commandement de Dieu rejette les images qui seroyent faittes pour représenter au sens exterieur la Divinité, comme c'est le propre des images de représenter leurs propres objetz, je suys de cest advis-la, laissant neanmoins le bon usage des images qui représentent les apparitions Divines, ou quelque proprieté de sa Divine Majesté par quelque misterieuse et secrette signification. |
03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html |
A003000102 |
Chapitre VI. Que l'humilité nous fait aymer nostre propre abjection. |
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A003000366 |
Le monde voit que les devotz jeusnent, prient et souffrent les injures, servent les malades, donnent aux pauvres, veillent, contraignent leur cholere, suffoquent et estouffent leurs passions, se privent des playsirs sensuelz et font telles et autres sortes d'actions, lesquelles en elles mesmes et de leur propre substance et qualité sont aspres et rigoureuses; mais le monde ne voit pas la devotion interieure et cordiale laquelle rend toutes ces actions aggreables, douces et faciles. |
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A003000408 |
Vous les feres l'une apres l'autre selon que je les ay marquees, n'en prenant qu'une pour chaque jour, laquelle vous feres le matin, s'il est possible, qui est le tems le plus propre pour toutes les actions de l'esprit, et la ruminerés le reste de la journee. |
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A003000621 |
Le Roy crucifié vous appelle par vostre nom propre: Venes, o ma bien aymee, venes affin que je vous couronne.. |
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A003000630 |
Le scorpion qui nous a piqués est veneneux en nous piquant, mais estant reduit en huile c'est un grand medicament contre sa propre piqueure: le peché n'est honteux que quand nous le faisons, mais estant converti en confession et penitence, il est honnorable et salutaire. |
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A003000630 |
Quand vous seres arrivee devant vostre pere spirituel, imaginés-vous d'estre en la montagne de Calvaire sous [57] les pieds de Jesus Christ crucifié, duquel le sang pretieux distille de toutes partz pour vous laver de vos iniquités; car, bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neanmoins le merite de son sang respandu qui arrouse abondamment les penitens autour des confessionnaux. |
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A003000683 |
Mais si le tressaint Sacrement de l'autel estoit present, alhors cette presence seroit reelle et non purement imaginaire; car les especes et apparences du pain seroient comme une tapisserie, derriere laquelle Nostre Seigneur reellement present nous voit et considere, quoy que nous ne le voyons pas en sa propre forme.. |
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A003000693 |
Quelques uns vous diront neanmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale et spirituelle, en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en vostre propre esprit; mais cela est trop subtil pour le commencement, et jusques a ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, Philothee, de vous retenir en la basse vallee que je vous monstre.. |
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A003000852 |
Ma Philothee, il faut avoir bonne opinion de ceux esquelz nous voyons la prattique des vertus, quoy qu'avec imperfection, puisque les Saintz mesmes les ont souvent prattiquees en cette sorte; mays quant a nous, il nous faut avoir soin de nous y exercer, non seulement fidellement, mais prudemment, et a cet effect observer estroittement l'advis du Sage, de ne point nous appuyer sur nostre propre prudence, ains sur celle de ceux que Dieu nous a donnés pour conducteurs.. |
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A003000863 |
Plaignes vous le moins que vous pourres des tortz qui vous seront faitz; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tous-jours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faites point vos plaintes a des personnes aysees a s'indigner et mal penser. |
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A003000871 |
Pour recevoir la grace de Dieu en nos coeurs, il les faut avoir vuides de nostre propre gloire. |
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A003000876 |
Les espritz bien nés ne s'amusent pas a ces menus fatras de rangs, d'honneurs, de salutations; ilz ont d'autres choses a faire: c'est le propre des espritz faineans. |
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A003000884 |
Il faut donq humblement et saintement oser tout ce qui est jugé propre a nostre avancement par ceux qui conduisent nos ames.. |
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A003000884 |
Tout cela n'est qu'artifice et une sorte d'humilité non seulement fause, mais maligne, par laquelle on veut tacitement et subtilement blasmer les choses de Dieu, ou au fin moins, couvrir d'un pretexte d'humilité l'amour propre de son opinion, de son humeur et de sa paresse. |
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A003000890 |
Je passe plus avant et vous dis, Philothee, qu'en tout et par tout vous aymiés vostre propre abjection. |
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A003000890 |
Mais, ce me dires-vous, que veut dire cela: aymés vostre propre abjection? En latin abjection veut dire humilité, et humilité veut dire abjection; si que, quand Nostre Dame en son sacré Cantique dit que, parce que Nostre Seigneur a veu l'humilité de sa servante toutes les generations la diront bienheureuse, elle veut dire que Nostre Seigneur a regardé de bon cœur son abjection, vileté et bassesse, pour la combler de graces et faveurs. |
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A003000900 |
Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela.. |
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A003000911 |
Ainsy, tandis que la rayson regne et exerce paisiblement les chastimens, corrections et reprehensions, quoy que ce soit rigoureusement et exactement, chacun l'ayme et l'appreuve; mais quand elle conduit avec soy l'ire, la cholere et le courroux, qui sont, dit saint Augustin, ses soldatz, elle se rend plus effroyable qu'amiable et son propre cœur en demeure tous-jours foulé et maltraitté. |
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A003000918 |
En quoy font une grande faute plusieurs qui, s'estans mis en cholere, se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre despités; car par ce moyen ilz tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere: et si bien il semble que la seconde cholere ruine la premiere, si est ce neanmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere, a la premiere occasion qui s'en presentera; outre que ces choleres, despitz et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent a l'orgueil et n'ont origine que de l'amour propre, qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaitz.. |
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A003000936 |
Nous appelions obeissance volontaire celle a laquelle nous nous obligeons par nostre propre election, et laquelle ne nous est point imposee par autruy. |
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A003000945 |
Et de vray, tandis que les fruitz sont bien entiers ilz peuvent estre conservés, les uns sur la paille, les autres dedans le sable, et les autres en leur propre feuillage; mais estans une fois entamés, il est presque impossible de les garder que par le miel et le sucre, en confiture: ainsy la chasteté qui n'est point encor blessee ni violee peut estre gardee en plusieurs sortes, mais estant une fois entamee, rien ne la peut conserver [177] qu'une excellente devotion, laquelle, comme j'ay souvent dit, est le vray miel et sucre des espritz.. |
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A003000974 |
Mais prenés garde que l'amour propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on diroit que c'est luy: or, pour empescher qu'il ne vous deçoive, et que ce soin des biens temporelz ne se convertisse en avarice, outre ce que j'ay dit au chapitre precedent, il nous faut prattiquer bien souvent la pauvreté reelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a donnees.. |
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A003000986 |
Le premier est qu'elle ne vous est point arrivee par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre sans qu'il y ait eu aucune concurrence de vostre volonté propre. |
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A003001048 |
Car encor que cette derniere façon de vivre semble plus austere, l'autre neanmoins a plus de resignation, car par icelle on ne renonce pas seulement a son goust, mais encor a son choix; et si, ce n'est pas une petite austerité de tourner son goust a toute main et le tenir sujet aux rencontres, joint que cette sorte de mortification ne paroist point, n'incommode personne, et est uniquement propre pour la vie civile. |
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A003001049 |
La haire matte puissamment le cors; mais son usage n'est pas pour l'ordinaire propre ni aux gens mariés, ni aux delicates complexions, ni a ceux qui ont a supporter d'autres grandes peynes. |
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A003001069 |
Soyes propre, Philothee; qu'il n'y ait rien sur vous de traînant et mal ageancé: c'est un mespris de ceux avec lesquelz on converse d'aller entr'eux en habit desaggreable; mays gardés-vous bien des affaiteries, vanités, curiosités et folastreries. |
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A003001087 |
Aucuns jugent temerairement non point par aigreur mais par orgueil, leur estant advis qu'a mesure qu'ilz depriment l'honneur d'autruy, ilz relevent le leur propre: espritz arrogans et presomptueux, qui s'admirent eux mesmes et se colloquent si haut en leur propre estime qu'ilz voyent tout le reste comme chose petite et basse: Je ne suis pas comme le reste des hommes, disoit ce sot Pharisien.. |
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A003001093 |
En fin, ceux qui ont bien soin de leurs consciences ne sont gueres sujetz au jugement temeraire; car comme les abeilles voyans le brouïllart ou tems nubileux se [237] retirent en leurs ruches a mesnager le miel, ainsy les cogitations des bonnes ames ne sortent pas sur des objetz embrouillés ni parmi les actions nubileuses des prochains: ains, pour en eviter le rencontre, se ramassent dedans le cœur pour y mesnager les bonnes resolutions de leur amendement propre. |
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A003001104 |
S'il se treuve une personne vrayement mesdisante, ne dites pas pour l'excuser qu'elle est libre et franche; une personne manifestement vaine, ne dites pas qu'elle est genereuse et propre; et les privautés dangereuses, ne les appellés [241] pas simplicités ou naifvetés; ne fardes pas la desobeissance du nom de zele, ni l'arrogance du nom de franchise, ni la lasciveté du nom d'amitié. |
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A003001155 |
Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c'est pourtant chose rare de treuver des hommes vrayement raysonnables, d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la rayson, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petitz renardeaux desquelz il est parlé aux Cantiques, demolissent les vignes; car, d'autant qu'ilz sont petitz on n'y prend pas garde, et parce qu'ilz sont en quantité ilz ne laissent pas de beaucoup nuire. |
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A003001174 |
Si on colle deux pieces de sapin ensemble, pourveu que la colle soit fine, l'union en sera si forte qu'on fendroit beaucoup plus tost les pieces es autres endroitz, qu'en l'endroit de leur conjonction; mais Dieu conjoint le mari a la femme en son propre sang, c'est pourquoy cette union est si forte que plustost l'ame se doit separer du cors de l'un et de l'autre, que non pas le mari de la femme. |
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A003001197 |
C'est grand cas, chere Philothee, que le miel si propre et salutaire aux abeilles leur puisse neanmoins estre si nuisible que quelquefois il les rend malades, comme quand elles en mangent trop au printems, car cela leur donne le flux de ventre, et quelquefois il les fait mourir inevitablement, comme quand elles sont emmiellees par le devant de leur teste et de leurs aislerons. |
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A003001293 |
Si l'ame cherche les moyens d'estre delivree de son mal pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité, attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peyne, industrie ou diligence; si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera a la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mays je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit. |
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A003001319 |
La devotion donq ne gist pas en ces tendretés et sensibles affections, qui quelquefois procedent de la nature qui est ainsy molle et susceptible de l'impression qu'on luy veut donner, et quelquefois viennent de l'ennemi qui, pour nous amuser a cela, excite nostre imagination a l'apprehension propre pour telz effectz.. |
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A003001339 |
Il [329] arrive maintesfois, ma Philothee, que l'ame se voyant au beau printems des consolations spirituelles s'amuse tant a les amasser et succer, qu'en l'abondance de ces douces delices elle fait beaucoup moins de bonnes œuvres, et qu'au contraire, parmi les aspretés et sterilités spirituelles, a mesure qu'elle se void privee des sentimens aggreables de devotion, elle en multiplie d'autant plus les œuvres solides, et abonde en la generation interieure des vrayes vertus, de patience, humilité, abjection de soy mesme, resignation, et abnegation de son amour propre.. |
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A003001340 |
C'est donq un grand abus de plusieurs, et notamment des femmes, de croire que le service que nous faisons a Dieu, sans goust, sans tendreté de cœur et sans sentiment soit moins aggreable a sa divine Majesté, puisqu'au contraire nos actions sont comme les roses, lesquelles bien qu'estans fraisches elles ont plus de grace, estans neanmoins seches elles ont plus d'odeur [330] et de force: car tout de mesme, bien que nos œuvres faittes avec tendreté de cœur nous soyent plus aggreables, a nous, dis-je, qui ne regardons qu'a nostre propre delectation, si est-ce qu'estans faittes en secheresse et sterilité, elles ont plus d'odeur et de valeur devant Dieu. |
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A003001349 |
En fin, pour conclusion de cet advertissement qui est si necessaire, je remarque que, comme en toutes choses de mesme en celles cy, nostre bon Dieu et nostre ennemi ont aussi des contraires pretentions: car Dieu nous veut conduire par icelles a une grande pureté de cœur, a un entier renoncement de nostre propre interest en ce qui est de son service, et un parfait despouillement de nous mesmes; mais le malin tasche d'employer [335] ces travaux pour nous faire perdre courage, pour nous faire retourner du costé des playsirs sensuelz, et en fin nous rendre ennuyeux a nous mesmes et aux autres, affin de decrier et diffamer la sainte devotion. |
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A003001357 |
Nostre nature humaine deschoit aysement de ses bonnes affections, a cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous-jours contrebas si elle ne s'esleve souvent en haut a vive force de resolution, ainsy que les oyseaux retombent soudain en terre s'ilz ne multiplient les eslancemens et traitz d'aisles pour se maintenir au vol. Pour cela, chere Philothee, vous aves besoin de reiterer et repeter fort souvent les bons propos que vous aves fait de servir Dieu, de peur que, ne le faysant pas, vous ne retombiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire car les cheutes spirituelles ont cela de propre, qu'elles nous precipitent tous-jours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut a la devotion.. |
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A003001435 |
Consideres la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel connoist non seulement tout ce monde visible, mais connoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis; connoist qu'il y a un Dieu tres souverain, tres bon et ineffable; connoist qu'il y a une eternité, et de plus connoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en [353] Paradis et pour jouir de Dieu eternellement. |
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A003001543 |
Le monde voit que les devots jeusnent, prient, soufrent les injures, servent les malades, donnent aux pauvres, veillent, contreignent leur colere, suffoquent et estouffent leurs passions, se privent des plaisirs sensuels, et font telles et autres sortes d'actions, lesquelles en elles mesmes et de leur propre substance et qualité sont aspres et rigoureuses. |
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A003001580 |
Or pour parvenir à cette apprehension, et contrition, il faut que vous vous exerciez soigneusement aux meditations suyvantes, lesquelles estant bien pratiquées deracineront de vostre cœur moyennant la grace de Dieu, le peché, et les principalles affections du peché: aussi les ay je dressées tout à fait pour cest usage: vous les ferez l'une apres l'autre, selon que je les ay marquées, n'en prenant qu'une pour chasque jour, laquelle vous ferez le matin s'il est possible, qui est le temps le plus propre pour toutes les actions de l'esprit.. |
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A003001797 |
Le Roy crucifié vous appelle par vostre nom propre: venez, ô ma bien aymee, venez à fin que je vous couronne. |
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A003001814 |
Mais si le tressaint Sacrement de l'autel estoit present, allors cette presence seroit reelle, et non purement imaginaire: car les especes et aparences du pain seroient comme une tapisserie dessous laquelle nostre Seigneur estant reellement present, il nous voit, et considere, quoy que nous ne le voyons pas en sa propre forme. |
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A003001821 |
Quelques uns vous diront neantmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale, et spirituelle en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en nostre propre esprit. |
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A003001853 |
Le scorpion qui nous a piquez, est veneneux en nous piquant, mais estant reduit en huile c'est un grand medicament contre sa propre piqueure. |
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A003001854 |
Quand vous serez arrivée devant vostre Pere spirituel, imaginez vous que vous estes en la montagne de Calvaire sous les pieds de Jesus-Christ crucifié, duquel le sang precieux distille de toutes parts pour vous laver de vos iniquitez: car bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neantmoins le merite de ce sang respandu, qui arrouse abondamment les penitens au tour des confessionnaux. |
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A003002000 |
Nous appelions obeissance volontaire, celle à laquelle nous nous obligeons par nostre propre election, et laquelle ne nous est point imposee par autruy. |
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A003002036 |
Ayons donc soing de la conservation, voire de l'accroissement de nos biens temporels, comme de chose que Dieu veut que nous fassions pour son amour; mais prenons garde que l'amour propre ne nous trompe: car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu, qu'il semble que ce soit luy. |
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A003002049 |
Le premier, c'est qu'elle ne vous est point arrivée par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre, sans qu'il y ayt eu aucune concurrence de vostre volonté propre. |
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A003002059 |
Soyez propre, Philothee, qu'il n'y ait rien sur vous de trainant et maladjencé. |
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A003002088 |
Si l'on parle d'une personne manifestement subjette à la vanité, ne dittes pas qu'elle est genereuse et propre. |
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A003002159 |
Nous ne sommes hommes que par la raison: et c'est pourtant chose rare de trouver des hommes vrayement raisonnables: d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la raison, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites mais dangereuses injustices et iniquitez, qui sont comme les petits renardeaux, desquels il est parlé aux Cantiques, qui demolissent les vignes: parce qu'ils sont petits on n'y prend pas garde, mais parce qu'ils sont en quantité ils ne laissent pas de beaucoup nuire. |
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A003002167 |
Si l'ame cherche les moyens d'estre deslivrée de son mal, pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité; attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peine, industrie ou diligence: si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera à la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mais je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit.. |
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A003002279 |
Outre ce que ces choleres, despits et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent à la superbe et orgueil, et n'ont origine que de l'amour propre qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaits. |
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A003002292 |
Plaignez vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits: car c'est chose certaine, que pour l'ordinaire qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tousjours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faictes point vos plaintes à des personnes aysées à s'indigner et mal penser. |
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A003002309 |
Nostre nature humaine decheoit aysement de ses bonnes affections, à cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous jours contre bas, si elle ne s'esleve souvent en haut à vive force de resolutions; ainsi que les oyseaux retumbent souvent en terre, s'ils ne multiplient les eslancemans et traits d'aisle, pour se maintenir au vol. Pour cela, ma Philothee, vous avés besoin de reïterer et repeter fort souvent les bons propos que vous avés fait de servir Dieu, de peur que ne le [165*] faisant pas vous ne retumbiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire: car les cheutes spirituelles ont cela de propre qu'elles nous precipitent tousjours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut à la devotion. |
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A003002396 |
Considerez la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel cognoist non seulement tout ce monde visible, mais cognoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis, cognoist qu'il y a un Dieu tres-souverain, tres-bon, et ineffable: cognoist qu'il y a [175*] une eternité; et de plus cognoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en Paradis, et pour jouir de Dieu eternellement.. |
04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A004000035 |
Chapitre II. Qu'en Dieu il n'y a qu'un seul acte qui est sa propre Divinité. |
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A004000154 |
Pour cela j'ay donq fort peu escrit, et beaucoup moins mis en lumiere; et pour suivre le conseil et la volonté de mes amis je te diray que c'est, affin que tu n'attribues pas la louange [14] du travail d'autruy a celuy qui n'en merite point du sien propre.. |
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A004000205 |
Mais il y a une liberté en la volonté qui ne se treuve pas en la femme mariee; et c'est que la volonté peut rejetter son amour quand elle veut, appliquant l'entendement aux motifz qui l'en peuvent desgouster et prenant resolution de changer d'objet: car ainsy, pour faire vivre et regner l'amour de Dieu en nous, nous amortissons l'amour propre, et, si nous ne pouvons l'aneantir du tout, au moins nous l'affoiblissons, en sorte que, s'il vit en nous, il n'y regne plus; comme au contraire, nous pouvons, en quittant l'amour sacré, adherer a celuy des creatures, qui est l'infame adultere que le celeste Espoux reproche si souvent aux pecheurs. |
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A004000209 |
Les philosophes et payens ont aymé aucunement Dieu, leurs republiques, la vertu, les sciences; ilz ont haï le vice, esperé les honneurs, desesperé d'eviter la mort ou la calomnie, desiré de sçavoir, voire mesme d'estre bienheureux apres leur mort; se sont enhardis pour surmonter les difficultés qu'il y avoit au pourchas de la vertu, ont craint le blasme, ont fui plusieurs fautes, ont vengé l'injure publique, se sont indignés contre les tyrans, sans aucun propre interest. |
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A004000217 |
Or, entre tous les amours, celuy de Dieu tient le sceptre, et a tellement l'authorité de commander inseparablement unie et propre a sa nature, que s'il n'est le maistre, il cesse d'estre et perit.. |
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A004000218 |
L'amour divin est voyrement le puisné entre toutes les affections du cœur humain; car, comme dit l'Apostre, ce qui est animal est premier, et le spirituel apres; mais ce puisné herite toute l'authorité, et l'amour propre, comme un autre Esaü, est destiné a son service; et non seulement tous les autres mouvemens de l'ame, comme ses freres, l'adorent et luy sont sousmis, mais aussi l'entendement et la volonté, qui luy tiennent lieu de pere et de mere. |
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A004000229 |
Bref, la complaysance est le premier esbranlement ou la premiere esmotion que le bien fait en la volonté; et cette esmotion est suivie du mouvement et escoulement par lequel la volonté s'avance et s'approche de la chose aymee, qui est le vray et propre amour. |
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A004000248 |
Ces unités de cœur, d'ame et d'esprit signifient la perfection de l'amour, qui joint plusieurs ames en une: ainsy est il dit, que l'ame de Jonathas estoit collee a l'ame de David, c'est a dire, comme l'Escriture adjouste, il ayma David comme son ame propre. |
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A004000258 |
Les bœufs de Job labouroyent la terre, tandis que les asnes inutiles paissoyent autour d'eux, mangeans les pasturages deus aux bœufs qui travaillovent: tandis que la partie intellectuelle de nostre ame travaille a l'amour honneste et vertueux, sur quelque objet qui en est digne, il arrive souvent que les sens et facultés de la partie inferieure tendent a l'union qui leur est propre et leur sert de pasture; bien que l'union ne soit deüe qu'au cœur et a l'esprit, qui seul aussi peut produire le vray et substantiel amour.. |
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A004000294 |
Mais le grand saint Denis, comme excellent Docteur de la proprieté des noms divins, parle bien plus avantageusement en faveur du nom d'amour; enseignant que les theologiens, c'est a dire les Apostres et premiers disciples d'iceux (car ce Saint n'avoit point veu d'autres theologiens), [72] pour desabuser le vulgaire et dompter la fantasie d'iceluy, qui prenoit le nom d'amour en sens prophane et charnel, ilz l'ont plus volontier employé es choses divines que celuy de dilection; et quoy qu'ilz estimassent que l'un et l'autre estoit pris pour une mesme chose, «il a toutefois semblé a quelques uns d'entre eux que le nom d'amour estoit plus propre et convenable a Dieu que celuy de dilection; si que le divin Ignace a escrit ces paroles: Mon amour est crucifié.» Ainsy, comme ces anciens theologiens employoient le nom d'amour es choses divines, affin de luy oster l'odeur d'impureté de laquelle il estoit suspect selon l'imagination du monde, de mesme, pour exprimer les affections humaines, ilz ont pris playsir d'user du nom de dilection, comme exempt du soupçon de deshonnesteté; dont quelqu'un d'entr'eux a dit, au rapport de saint Denis: «Ta dilection est entree en mon ame, ainsy que la dilection des femmes.» En fin, le nom d'amour represente plus de ferveur, d'efficace et d'activeté que celuy de dilection; de sorte qu'entre les Latins, dilection est beaucoup moins qu'amour: «Clodius,» dit leur grand Orateur, «me porte dilection, et pour le dire plus excellemment, il m'ayme.» Et partant, le nom d'amour, comme plus excellent, a esté justement donné a la charité, comme au principal et plus eminent de tous les amours: si que pour toutes ces raysons, et parce que je pretendois de parler des actes de la charité plus que de l'habitude d'icelle, j'ay appellé ce petit ouvrage, Traitté de l'Amour de Dieu. |
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A004000294 |
Origene dit en quelque lieu, qu'a son advis, l'Escriture divine voulant empescher que le nom d'amour ne donnast quelque sujet de mauvaise pensee aux espritz infirmes, comme plus propre a signifier une passion charnelle qu'une affection spirituelle, en lieu de ce nom-la d'amour elle a usé de ceux de charité et de dilection, qui sont plus honnestes. |
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A004000334 |
Et pour cela, Dieu respondant par l'Ange au pere de Samson, qui luy demandoit son nom: [88] Pourquoy demandes-tu mon nom, dit-il, qui est admirable? comme s'il vouloit dire: Mon nom peut estre admiré, mais non pas prononcé par les creatures; il doit estre adoré, mais il ne peut estre compris que par moy, qui seul sçay proferer le propre nom par lequel au vray et naifvement j'exprime mon excellence. |
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A004000335 |
Ainsy la manne estoit une seule viande, laquelle comprenant en soy le goust et la vertu de toutes les autres viandes, on eut peu dire qu'elle avoit le goust du citron, du melon, du raisin, de la prune et de la poire; mais on eut encor plus veritablement dit qu'elle n'avoit pas tous ces goustz, ains un seul goust qui estoit le sien propre, lequel neanmoins contenoit en son unité tout ce qui pouvoit estre d'aggreable et desirable en toute la diversité des autres goustz; comme l'herbe dodecatheos, «laquelle,» ce dit Pline, «guerissant de toutes, maladies,» n'est ni rhubarbe, ni sené, ni rose, ni betoine, ni buglosse, ains un seul simple qui en l'unique simplicité de sa proprieté a autant de force que tous les autres medicamens ensemble. |
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A004000341 |
Mays il n'en est pas de mesme en Dieu, car il n'y a en luy qu'une tres simple infinie perfection, et en cette perfection, qu'un seul tres unique et tres pur acte: [90] ains, pour parler plus saintement et sagement, Dieu est une seule, tres souverainement unique et tres uniquement souveraine perfection; et cette perfection est un seul acte tres purement simple et tres simplement pur, lequel n'estant autre chose que la propre essence divine, il est par consequent tous-jours permanent et eternel. |
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A004000369 |
Dieu conneut eternellement qu'il pouvoit faire une quantité innumerable de creatures, en diverses perfections et qualités, ausquelles il se pourroit communiquer; et considerant qu'entre toutes les façons de se communiquer il n'y avoit rien de si excellent que de se joindre a quelque nature creée, en telle sorte que la creature fust comme entee et inseree en la Divinité, pour ne faire avec elle qu'une seule personne, son infinie bonté, qui de soy mesme et par soy mesme est portee a la communication, se resolut et determina d'en faire une de cette maniere; affin que, comme eternellement il y a une communication essentielle en Dieu, par laquelle le Pere communique toute son infinie et [99] indivisible Divinité au Filz en le produisant, et le Pere et le Filz ensemble, produisans le Saint Esprit luy communiquent aussi leur propre unique Divinité, de mesme cette souveraine Douceur fust aussi communiquee si parfaittement hors de soy a une creature, que la nature creée et la Divinité, gardant une chacune leurs proprietés, fussent neanmoins tellement unies ensemble qu'elles ne fussent qu'une mesme personne.. |
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A004000387 |
Et ces ames, en comparayson des autres, sont comme des reynes, tous-jours couronnees de charité, qui tiennent le rang principal en l'amour du Sauveur, apres sa Mere, laquelle est la Reyne des reynes; Reyne, non seulement couronnee d'amour, mays de la perfection de l'amour, et, qui plus est, couronnee de son Filz propre qui est le souverain object de l'amour, puisque les enfans sont la couronne de leurs peres et meres.. |
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A004000407 |
Theotime, les Anges sont comme les oyseaux que, pour leur beauté et rareté, on appelle oyseaux de Paradis, qu'on ne vit jamais en terre que mortz; car ces espritz celestes ne quitterent pas plus tost l'amour divin pour s'attacher a l'amour propre, que soudain ilz tomberent comme mortz, ensevelis es enfers, d'autant que ce que la mort fait es hommes, les separant pour jamais de cette vie mortelle, la cheute le fit es Anges, les separant pour tous-jours de la vie eternelle. |
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A004000416 |
Et il respond, qu'on ne sçauroit dire autre chose, sinon que les uns ont perseveré, par la grace du Createur, en l'amour chaste qu'ilz receurent en leur creation, et les autres, de bons qu'ilz estoient, se rendirent mauvais par leur propre et seule volonté.. |
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A004000417 |
Comme sera-il donq arrivé que quelques uns des Seraphins, voire le premier de tous, selon la plus probable et commune opinion des Anciens, soyent descheus, tandis qu'une multitude innombrable des autres Anges, inferieurs en nature et en grace, ont excellemment et courageusement perseveré? D'ou vient que Lucifer, tant eslevé par nature et sureslevé par grace, est tombé, et que tant d'Anges, moins avantagés, sont demeurés debout en leur fidelité? Certes, ceux qui ont perseveré en doivent toute la louange a Dieu, qui par sa misericorde les a creés et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, a qui peuvent-ilz attribuer leur cheute sinon, comme dit saint Augustin, a leur propre volonté, qui a par sa liberté quitté la grâce divine qui les avoit si doucement prevenus? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer, qui tout ainsy qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, revestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour qui devoit croistre jusques au [120] midy de la gloire eternelle? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous, mais tu as manqué a la grace; Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour, mais tu privas son amour de ta cooperation; Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection. |
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A004000421 |
Quoy que le Saint Esprit, comme une source d'eau vive, aborde de toutes pars nostre cœur pour respandre sa grace en iceluy, toutefois, ne voulant pas qu'elle entre en nous sinon par le libre consentement [121] de nostre volonté, il ne la versera point que selon la mesure de son bon playsir et de nostre propre disposition et cooperation, ainsy que dit le sacré Concile, qui aussi, comme je pense, a cause de la correspondance de nostre consentement avec la grace, appelle la reception d'icelle reception volontaire.. |
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A004000432 |
Le propre lien de la volonté humaine, c'est la volupté et le playsir: «On monstre des noix a un enfant,» dit saint Augustin, «et il est attiré en aymant; il est attiré par le lien, non du cors, mais du cœur.» Voyés donq comme le Pere eternel nous tire: en nous enseignant il nous delecte, non pas en nous imposant aucune necessité; il jette dedans nos cœurs des délectations et playsirs spirituelz, comme des sacrees amorces par lesquelles il nous attire suavement a recevoir et gouster la douceur de sa doctrine.. |
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A004000479 |
Je ne dis pas, toutefois, qu'il revienne tellement a nous, qu'il nous fasse aymer Dieu seulement pour l'amour de nous: o Dieu, nenny; car l'ame qui n'aymeroit Dieu que pour l'amour d'elle mesme, establissant la fin de l'amour qu'elle porte a Dieu en sa propre commodité, helas, elle commettroit un extreme sacrilege. |
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A004000480 |
Car quand je dis: j'ayme Dieu pour moy, c'est comme si je disois: j'ayme avoir Dieu, j'ayme que Dieu soit a moy, qu'il soit mon souverain bien; qui est une sainte [143] affection de l'Espouse celeste, laquelle cent fois proteste par exces de complaysance: Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne, il est a moy et je suis a luy; mais dire: j'ayme Dieu pour l'amour de moy mesme, c'est comme qui diroit: l'amour que je me porte est la fin pour laquelle j'ayme Dieu, en sorte que l'amour de Dieu soit dependant, subalterne et inferieur a l'amour propre que nous avons envers nous mesmes; qui est une impieté nompareille.. |
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A004000481 |
Nous nous aymons ensemblement avec Dieu par cet amour, mays non pas nous preferant ou esgalant a luy en cet amour; l'amour de nous mesmes est meslé avec celuy de Dieu, mays celuy de Dieu surnage; nostre amour propre y entre voirement, mais comme simple motif, et non comme fin principale; nostre interest y tient quelque lieu, mays Dieu y tient le rang principal. |
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A004000515 |
Dites-moy, de grace: c'est la proprieté de l'aymant de tirer a soy le fer et de se joindre a luy; mays ne voyons-nous pas que le fer touché de l'aymant, sans avoir ni l'aymant ni sa nature, ains seulement sa vertu et qualité attrayante, ne laisse pas de tirer et s'unir un autre fer? Ainsy la parfaite repentance, touchee du motif de l'amour sans avoir la propre action de l'amour, ne laisse pas d'en avoir la vertu et la qualité, c'est a dire le mouvement d'union pour rejoindre et reunir nos cœurs a la volonté divine. |
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A004000515 |
Il arrive mesme parfois que la repentance, quoy que parfaite, ne contient pas en soy la propre action de l'amour, ains seulement la vertu et proprieté d'iceluy. |
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A004000515 |
Mais, ce me dires-vous, quelle vertu ou proprieté de l'amour peut avoir la repentance, si elle n'a pas l'action? Theotime, le motif de la parfaite repentance, c'est la bonté de Dieu laquelle il nous desplait d'avoir offencee; or, ce motif n'est motif sinon parce qu'il esmeut et donne le mouvement, mais le mouvement que la bonté divine donne au cœur qui la considere ne peut estre que le mouvement d'amour, c'est a dire d'union: c'est pourquoy la vraye repentance, bien qu'il ne soit pas advis et qu'on ne voye pas la propre action de l'amour, reçoit neanmoins tous-jours le mouvement de l'amour et la qualité unissante d'iceluy, par laquelle elle nous reunit et rejoint a la divine bonté. |
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A004000515 |
Mays quelle difference y a-il, me repliqueres-vous, entre ce mouvement unissant de la penitence et l'action propre de l'amour? Theotime, l'action de l'amour est un mouvement d'union voirement, mais il se fait par complaysance: or, le mouvement d'union qui est en la penitence se fait, non par voye de complaysance, ains de desplaysir, de repentance, de reparation, de reconciliation; entant donq que ce mouvement unit, il a la qualité de l'amour, entant qu'il est amer et douloureux, il a la qualité de la penitence; et, en somme, de sa naturelle condition c'est un vray mouvement de penitence, mais qui a la vertu et qualité unissante de l'amour. |
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A004000516 |
Ainsy le vin theriacal n'est pas appelle theriacal pour contenir la propre substance de la theriaque, car il n'y en a point du tout; mais on le nomme ainsy parce que la plante de la vigne ayant esté detrempee en theriaque, les raisins et le vin qui en sont provenus ont tiré la vertu et l'operation de la theriaque contre toute sorte de venins. |
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A004000517 |
Ni ne faut pas non plus s'estonner que la force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit formé; puisque nous voyons que par la reflexion des rayons du soleil battant sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et propre qualité du feu, s'augmente petit a petit si fort, qu'elle commence a brusler avant qu'elle ayt bonnement produit le feu, ou, au moins, avant que nous l'ayons apperceu. |
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A004000530 |
Il ne cesse de nous faire du bien et rendre toutes sortes de tesmoignages de sa tressainte affection, nous ayant ouvertement revelé tous ses secretz, comme a ses amis confidens; et, pour comble de son saint amoureux commerce avec nous, il s'est rendu nostre propre viande au tressaint Sacrement de l'Eucharistie. |
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A004000550 |
Or je dis que Dieu fait cela, parce que la charité ne produit pas ses [170] accroissemens comme un arbre qui pousse ses rameaux et les fait sortir par sa propre vertu les uns des autres; ains, comme la foy, l'esperance et la charité sont des vertus qui ont leur origine de la Bonté divine, aussi en tirent-elles leur augmentation et perfection, a guise des avettes, lesquelles estant extraittes du miel prennent aussi leur nourriture d'iceluy.. |
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A004000553 |
Or, jamais Dieu n'ayme davantage une ame qui a de la charité, qu'il ne luy en donne aussi davantage; nostre amour envers luy estant le propre et particulier effect de son amour envers nous.. |
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A004000559 |
Helas, cela l'estonna extremement et le fit presque tomber luy mesme a cœur failli de l'autre costé, car il l'aymoit plus que sa propre vie. |
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A004000593 |
Et de fait, selon l'opinion du grand saint Bernard, nous pouvons tous dire en verité apres l'Apostre, que « ni la mort, ni la vie, ni les forces, ni les anges, ni la profondeur, ni la hauteur ne nous pourra jamais separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ: ouy, car nulle creature ne nous peut arracher de ce saint amour, mays nous pouvons nous mesmes seulz le quitter et l'abandonner par nostre propre volonté, hors laquelle il n'y a rien a craindre pour ce regard.». |
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A004000658 |
O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement. |
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A004000659 |
Bonheur infini, Theotime, et lequel ne nous a pas seulement esté promis, mais nous en avons des arres au tressaint Sacrement de l'Eucharistie, festin perpetuel de la grace divine; car en iceluy nous recevons le sang du Sauveur en sa chair et sa chair en son sang, son sang nous estant appliqué par sa chair, sa substance par sa substance, a nostre propre bouche corporelle, affin que nous sachions qu'ainsy nous appliquera-il son essence divine au festin eternel de la gloire. |
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A004000663 |
O saint et divin Esprit, Amour eternel du Pere et du Filz, soyes propice a mon enfance! Nostre entendement verra donq Dieu, Theotime; mais je dis, il verra Dieu luy mesme, face a face, contemplant par une veüe de vraye et reelle presence la propre essence divine, et en elle ses infinies beautés: la toute puissance, la toute bonté, toute sagesse, toute justice, et le reste de cet abisme de perfections.. |
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A004000664 |
Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes. |
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A004000664 |
Il verra, donq clairement, cet entendement, la connoissance infinie que de toute eternité le Pere a eue de sa propre beauté, et pour laquelle exprimer en soy mesme il prononça et dit eternellement le mot, le Verbe, ou la parole et diction tres unique et tres infinie, laquelle comprenant et representant toute la perfection du Pere, ne peut estre qu'un mesme Dieu tres unique avec luy, sans division ni separation. |
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A004000734 |
Helas, Theotime, si nous ne nous amusions pas en la vanité des playsirs caduques, et sur tout en la complaysance de nostre amour propre, ains qu'ayans une fois la charité, nous fussions soigneux de voler droit, la part ou elle nous porte, jamais les suggestions et tentations ne nous attrapperoyent; mais parce que, comme colombes seduites et deceües de nostre propre estime, nous retournons sur nous mesmes et entretenons trop nos espritz parmi les creatures, nous nous treuvons souvent surpris entre les serres de nos ennemis, qui nous emportent et devorent.. |
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A004000736 |
Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme.. |
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A004000763 |
S'indigneroit on pas de la princesse de nostre parabole, si elle se vantoit d'avoir donné la vertu et proprieté aux eaux cordiales et autres medicamens, ou de s'estre guerie elle mesme, parce que si elle n'eust receu les remedes que le roy luy donna et versa dans sa bouche, lhors qu'a moytié morte elle n'avoit presque plus de sentiment, ilz n'eussent point eu d'operation? Ouy, luy diroit-on, ingrate que vous estes, vous pouvies vous opiniastrer a ne point recevoir les remedes, et mesme les ayant receus en vostre bouche vous les pouvies rejetter; mais il n'est pas vray pourtant que vous leur ayés donné la vigueur ou vertu, car ilz l'avoyent [233] par leur proprieté naturelle: seulement, vous aves consenti de les recevoir et qu'ilz fissent leur action; et encor n'eussies-vous jamais consenti, si le roy ne vous eust premierement revigoree et puis sollicitee a les prendre; onques vous ne les eussies receus s'il ne vous eust aydee a les recevoir, ouvrant vostre propre bouche avec ses doigtz et respandant la potion dedans icelle. |
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A004000799 |
Or l'amour propre nous deçoit de mesme façon: pour peu que nous quittions la charité, il fourre en nostre estime cette habitude imparfaite, et nous prenons nostre contentement en elle comme si c'estoit la vraye charité, jusques a ce que quelque claire lumiere nous fasse voir que nous sommes abusés.. |
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A004000818 |
Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem. |
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A004000819 |
Ainsy, appreuvans le bien que nous voyons en Dieu et nous res-jouissans d'iceluy, nous faysons l'acte d'amour que l'on appelle complaysance, car nous nous playsons du playsir divin infiniment plus que du nostre propre; et c'est cet amour qui donnoit tant de contentement aux Saintz quand ilz pouvoyent raconter les perfections de leur Bienaymé, et qui leur faisoit prononcer avec tant de suavité que Dieu estoit Dieu. |
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A004000829 |
Moyse dit que les Israëlites pouvoyent boire le sang tres pur et tres bon du raysin; et Jacob, descrivant a son filz Judas la fertilité du lot qu'il auroit en la Terre promise, prophetisa sous cette figure la veritable felicité des Chrestiens, disant que le Sauveur laveroit sa robbe, c'est a dire la sainte Eglise, au sang du raysin, c'est a dire en son propre sang. |
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A004000829 |
Notés cependant, Theotime, que la comparayson du lait et du vin semble si propre a l'Espouse sacree, qu'elle ne se contente pas de dire une fois que les mammelles de [261] son Espoux surpassent le vin, mais elle le repete par trois fois. |
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A004000829 |
Or, le sang et le lait ne sont non plus differens l'un de l'autre que le verjus et le vin; car comme le verjus, meurissant par la chaleur du soleil, change de couleur, devient vin aggreable et se rend propre a nourrir, aussi le sang, assaisonné par la chaleur du cœur, prend la belle couleur blanche et devient une nourriture grandement convenable aux enfans.. |
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A004000858 |
Mais qu'est-ce a dire, il revescut ou il resuscita? Theotime, les espritz ne meurent de leur propre mort que par le peché, qui les separe de Dieu lequel est leur vraye vie surnaturelle, mais ilz meurent quelquefois de la mort d'autruy; et cela arriva au bon Jacob duquel nous parlons, car l'amour, qui tire dans le cœur de l'amant le bien et le mal de la chose aymee, l'un par complaysance, l'autre par commiseration, tira la mort de l'aymable Joseph dans le cœur de l'amant Jacob; et par un miracle impossible a toute autre puissance qu'a celle de l'amour, l'esprit de ce bon pere estoit plein de la mort de celuy qui estoit vivant et regnant, d'autant que l'affection ayant esté trompee devança l'effect.. |
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A004000886 |
Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire.. |
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A004000887 |
Et commençant par son propre cœur, elle ne cesse point de le provoquer a ce saint exercice, et comme une avette sacree elle va voletant ça et la sur les fleurs des œuvres et excellences divines, recueillant d'icelles une douce varieté de complaysances, desquelles elle fait naistre et compose le miel celeste de benedictions, louanges et confessions honnorables, par lesquelles, autant qu'elle peut, elle magnifie et glorifie le nom de son Bienaymé, a l'imitation du grand Psalmiste, qui ayant environné et comme parcouru en esprit les merveilles de la divine Bonté, immoloit sur l'autel de son cœur l'hostie [282] mistique des eslans de sa voix, par cantiques et psalmes d'admiration et benediction:. |
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A004000947 |
Et bien que, au commencement, l'ame amoureuse eut eu quelque sorte de desir de pouvoir asses louer son Dieu, si est-ce que revenant a soy elle proteste qu'elle ne voudroit pas le pouvoir asses louer, ains demeure en une tres humble complaysance, de voir que la divine Bonté est si tres infiniment louable qu'elle ne peut estre suffisamment louee que par sa propre infinité.. |
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A004000964 |
Les chiens les plus sages et mieux dressés tombent souvent en defaut, perdans la piste et le sentiment, pour la varieté des ruses dont les cerfs usent, faisans les horvaris, donnans le change et prattiquans mille malices pour s'eschapper devant la meute: et nous perdons souvent de veüe et de connoissance nostre propre cœur, en l'infinie diversité des mouvemens par lesquelz il se tourne en tant de façons et avec une si grande promptitude qu'on ne peut discerner ses erres.. |
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A004000971 |
Que la prunelle de ton œil ne se taise point, disoit le cœur desolé des habitans de Hierusalem a leur propre ville. |
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A004000975 |
Ce mot est grandement en usage dans les Saintes Escritures, et ne veut dire autre chose qu'une attentive et reiteree pensee, propre a produire des affections ou bonnes ou mauvaises. |
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A004000981 |
Or telle est l'ame devote en la meditation: elle va de mystere en mystere, non point a la volee ni pour se consoler seulement a voir l'admirable beauté de ces divins objectz, mays destinement et a dessein pour treuver des motifs d'amour ou de quelque celeste affection; et les ayans treuvés elle les tire a soy, elle les savoure, elle s'en charge, et les ayans reduitz et colloqués dedans son cœur, elle met a part ce qu'elle void plus propre pour son avancement, faisant en fin des resolutions convenables pour le tems de la tentation. |
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A004001064 |
L'ame n'en est pas de mesme par nature, car elle a ses figures et ses bornes propres: elle a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes par sa propre volonté; et quand elle est arrestee a ses inclinations et volontés propres, nous disons qu'elle est dure, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, c'est a dire, je vous [343] osteray vostre obstination. |
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A004001064 |
On appelle cœur de fer, de boys ou de pierre celuy qui ne reçoit pas aysement les impressions divines, ains demeure en sa propre volonté, emmi les inclinations qui accompaignent nostre nature depravee; au contraire, un cœur doux, maniable et traittable est appellé un cœur fondu et liquefié: Mon cœur, dit David parlant en la personne de Nostre Seigneur sur la croix, mon cœur est fait comme de la cire fondue, au milieu de mon ventre: Cleopatra, cette infame reyne d'Ægypte, voulant encherir sur tous les exces et toutes les dissolutions que Marc Anthoine avoit fait en banquetz, fit apporter a la fin d'un festin qu'elle faysoit a son tour, un bocal de fin vinaigre, dedans lequel elle jetta une des perles qu'elle portoit en ses oreilles, estimee deux centz cinquante mille escus; puis la perle estant resolue, fondue et liquefiee, elle l'avala, et eust encor enseveli l'autre perle, qu'elle avoit en l'autre oreille, dans la cloaque de son vilain estomach, si Lucius Plancus ne l'eust empeschee. |
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A004001075 |
A mesme tems qu'elle est attiree puissamment a voler vers son cher Bienaymé, elle est aussi retenue puissamment et ne peut voler, comme attachee aux basses miseres de cette vie mortelle et de sa propre impuissance; elle desire des aysles de colombe pour voler en son repos, et elle n'en treuve point: la voyla donq rudement tourmentee entre la violence de ses eslans et celle de son impuissance. |
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A004001093 |
O Dieu, Theotime, si l'image d'Abraham [358] eslevant le coup de la mort sur son cher unique pour le sacrifier, image faite par un peintre mortel, eut bien le pouvoir toutefois d'attendrir et faire pleurer le grand saint Gregoire, Evesque de Nisse, toutes les fois qu'il la regardoit, hé, combien fut extreme l'attendrissement du grand saint François, quand il vid l'image de Nostre Seigneur se sacrifiant soy mesme sur la croix! image que non une main mortelle, mais la main maistresse d'un Seraphin celeste avoit tiree et effigiee sur son propre original, representant si vivement et au naturel le divin Roy des Anges, meurtri, blessé, percé, froissé, crucifié.. |
05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html |
A005000079 |
Chapitre II. Que l'amour sacré rend les vertus excellemment plus aggreables a Dieu qu'elles ne le sont par leur propre nature. |
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A005000173 |
Quelquefois cette union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent toutes autour de la volonté, non pour s'unir elles mesmes a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour donner plus de commodité a la volonté de faire son union; car si les autres facultés estoyent appliquees une chacune a son object propre, l'ame, operant par icelles, ne pourroit pas si parfaitement s'employer a l'action par laquelle l'union se fait avec Dieu. |
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A005000192 |
Et c'en est de mesme en la tres infame extase ou abominable ravissement qui arrive a l'ame lhors que, par les amorces des playsirs brutaux, elle est mise hors de sa propre dignité spirituelle et au dessous de sa condition naturelle: car, entant que volontairement elle suit cette malheureuse volupté et se precipite hors de soy mesme, c'est a dire hors de l'estat spirituel, on dit qu'elle est en l'extase sensuelle; mais entant que les [20] appatz et allechemens sensuelz la tirent puissamment et, par maniere de dire, l'entraisnent dans cette basse et vile condition, on dit qu'elle est ravie et emportee hors de soy mesme, parce que ces voluptés bestiales la demettent de l'usage de la rayson et intelligence avec une si furieuse violence que, comme dit l'un des plus grans philosophes, l'homme estant en cet accident semble estre tumbé en epilepsie, tant l'esprit demeure absorbé et comme perdu. |
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A005000199 |
De maniere qu'en fin il faut conclure avec le grand saint Denis, que «l'amour divin est extatique, ne permettant pas que les amans soyent a eux mesmes, ains a la chose aymee;» a rayson dequoy cet admirable apostre saint Paul, estant en la possession de ce divin amour et fait participant de sa force extatique, d'une bouche divinement inspiree, Je vis, dit-il, non plus moy, mays Jesus Christ vit en moy; ainsy, comme un vray amoureux sorti hors de soy en Dieu, il vivoit non plus sa propre vie, mays la vie de son Bienaymé, comme souverainement aymable.. |
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A005000209 |
La mort fait que l'ame ne vit plus en son cors ni en l'enclos d'iceluy; que veut donq dire, Theotime, cette parole de l'Apostre: Vous estes mortz? C'est comme s'il eust dit: Vous ne vives plus en vous mesme ni dedans l'enclos de vostre propre condition naturelle, vostre ame ne vit plus selon elle mesme, mays au dessus d'elle mesme. |
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A005000209 |
Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit sa propre vie a la faveur des rayons du soleil, pour en avoir une plus douce et vigoureuse, cachant, par maniere de dire, sa vie sous les cendres; les bigatz et vers a soye changent leur estre, et de vers se font papillons; les abeilles naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, et en fin deviennent mousches volantes. |
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A005000228 |
il nous a rendus siens par le Baptesme et nous a nourris tendrement selon le cœur et selon le cors, par un amour incomprehensible; et pour nous acquerir la vie il a supporté la mort, et nous a repeus de sa propre chair et de son propre sang. |
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A005000234 |
Comme c'est le propre des repreuvés de mourir en peché, aussi est-ce le propre des esleuz de mourir en l'amour et grace de Dieu; mays cela toutefois advient differemment. |
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A005000237 |
L'admirable sainte Eusebe, surnommee l'Estrangere, mourut a genoux en une fervente priere; saint Pierre le Martir, escrivant avec son doigt et de son propre sang la confession de la foy pour laquelle il mouroit, et disant ces paroles: Seigneur, je recommande mon esprit en vos mains; et le grand apostre des Japponois, François Xavier, tenant et baysant l'image dit Crucifix et repetant a tous coups cet eslan d'esprit: O Jesus, le Dieu de mon cœur![39]. |
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A005000274 |
l'amour propre, avec la multitude des passions desreglees qu'il produit et qui sont en nous un pesant fardeau lequel nous accable. |
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A005000274 |
tous-jours maistresse paisible de toutes ses passions et toute exempte de la rebellion que l'amour propre fait a l'amour de Dieu. |
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A005000301 |
Pour cela plusieurs Saintz et Saintes portoyent sur leurs poitrines, anciennement, l'Evangile en escrit, comme un epitheme d'amour, ainsy qu'on lit de sainte Cecile; et de fait on treuva celuy de saint Matthieu sur le cœur de saint Barnabé trespassé, escrit de sa propre main. |
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A005000340 |
Au contraire le meschant, des le siecle, c'est a dire tous-jours, a rompu le joug de la loy de Dieu, et a dit: Je ne serviray point; c'est pourquoy Dieu dit qu'il l'a appellé des le ventre de sa mere transgresseur et rebelle; et parlant au roy de Tyr il luy reproche qu'il avoit mis son cœur comme le cœur de Dieu: car l'esprit revolté veut que son cœur soit maistre de soy mesme et que sa propre volonté soit souveraine comme la volonté de Dieu; il ne veut pas que la volonté divine regne sur la sienne, ains veut estre absolu et sans dependance quelcomque. |
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A005000340 |
Puis, expliquant ce nom, il dit que ce sera: ma volonté en icelle; comme s'il disoit qu'entre ceux qui ne sont pas Chrestiens un chacun a sa volonté propre au milieu de son cœur, mays parmi les vrays enfans du Sauveur chacun quittera sa volonté, et n'y aura plus qu'une volonté maistresse, regente et universelle qui animera, gouvernera et dressera toutes les ames, tous les cœurs et toutes les volontés; et le nom d'honneur des Chrestiens ne sera autre chose sinon: la volonté de Dieu en eux; volonté qui regnera sur toutes les volontés et les transformera toutes en soy, de sorte que les volontés des Chrestiens et la volonté de Nostre Seigneur ne soyent plus qu'une seule volonté. |
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A005000342 |
Le Sauveur, estant en ce monde, declara sa volonté en plusieurs choses par maniere de commandement, et en plusieurs autres il la signifia seulement par maniere de souhait: car il loua fort la chasteté, la pauvreté, l'obeissance et resignation parfaite, l'abnegation de la propre volonté, [80] la viduité, le jeusne, la priere ordinaire; et ce qu'il dit de la chasteté, que qui en pourroit emporter le prix qu'il le prinst, il l'a asses dit de tous les autres conseilz. |
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A005000348 |
Or, je ne dis pas, non plus que saint Bernard, que ce soit peché de ne prattiquer pas les conseilz: non certes, Theotime, car c'est la propre difference du commandement au conseil, que le commandement nous oblige sous peyne de peché, et le conseil nous invite sans peyne de peché. |
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A005000357 |
Visiter les malades qui ne sont pas en extreme necessité, c'est une louable charité; les servir, est encor meilleur; mais se dedier a leur service, c'est l'excellence de ce conseil, que les Clercs de la Visitation des infirmes exercent par leur propre Institut, et plusieurs dames en divers lieux: a l'imitation de ce grand saint Sanson, gentilhomme et medecin romain, qui, en la ville de Constantinople ou il fut fait prestre, se dedia tout a fait, avec une admirable charité, au service des malades en un hospital qu'il y commença et que l'empereur Justinien esleva et paracheva; a l'imitation des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, de sainte Elizabeth de Hongrie et des glorieux amis de Dieu, saint François et le bienheureux Ignace de Loyola, qui, au commencement de leurs Ordres, firent cet exercice avec une ardeur et utilité spirituelle incomparable.. |
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A005000368 |
Saint Alexis, seigneur de tres noble extraction, prattiqua excellemment l'abjection de soy mesme, demeurant dix et sept ans inconneu chez son propre pere a Rome, en qualité de pauvre pelerin.. |
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A005000372 |
Ainsy nostre ennemy voyant un homme qui, inspiré de Dieu, entreprend une profession et maniere de vie propre a son avancement en l'amour celeste, il luy persuade de prendre une autre voye, de plus grande perfection en apparence, et l'ayant desvoyé de son premier chemin il luy rend petit a petit impossible la suite du second, et luy en propose un troisiesme, affin que l'occupant en la recherche continuelle de divers et nouveaux moyens pour se perfectionner, il l'empesche d'en employer aucun, et par consequent de parvenir a la fin pour laquelle il les cherche, qui est la perfection. |
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A005000380 |
Au contraire, l'esprit malin est turbulent, aspre, remuant; et ceux qui suivent ses suggestions infernales, cuydans que ce soyent inspirations celestes, sont ordinairement connoissables parce qu'ilz sont inquietz, testus, fiers, entrepreneurs et remueurs d'affaires; qui [100] sous le pretexte de zele renversent tout sans dessus dessous, censurent tout le monde, tancent un chacun, blasment toutes les choses; gens sans conduite, sans condescendance, qui ne supportent rien, exerçans les passions de l'amour propre sous le nom de la jalousie de l'honneur divin.. |
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A005000384 |
Mais je n'appelle pas humilité ce ceremonieux assemblage de paroles, de gestes, de baysemens de terre, de reverences, d'inclinations, quand il se fait, comme il advient souvent, sans aucun sentiment interieur de sa propre abjection et de la juste estime du prochain: car tout cela n'est qu'un vain amusement des foibles espritz, et doit plustost estre nommé phantosme d'humilité, qu'humilité. |
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A005000385 |
Car lhors que les hermites espars parmi les desertz voysins d'Antioche sceurent la vie extraordinaire qu'il faysoit sur sa colomne, en laquelle il sembloit estre ou un Ange terrestre ou un homme celeste, ilz luy envoyerent un deputé d'entr'eux, auquel ilz donnerent ordre de luy parler de leur part en cette sorte: «Pourquoy est-ce, Simeon, que laissant le grand chemin de la vie devote, frayé par tant de grans et saintz devanciers, vous en suives un autre, inconneu aux hommes et tant esloigné de tout ce qui a esté veu et ouï jusques a present? Quittés, Simeon, cette colomne, et rangés-vous meshui avec les autres a la façon de vivre et a la methode de servir Dieu usitee par les bons Peres predecesseurs.» Que si Simeon acquiesçoit a leur advis, et pour condescendre a leur volonté se monstroit prompt a vouloir descendre, ilz donnerent charge au deputé de luy laisser la liberté de perseverer en ce genre de vie ja commencee, d'autant que par son obeissance, disoyent ces bons Peres, on pourra bien connoistre qu'il a entrepris cette sorte de vie par l'inspiration divine; mais, si, au contraire, il resistoit, et que mesprisant leur exhortation il voulust suivre sa propre volonté, ilz resolurent qu'il le failloit retirer par force et luy faire abandonner sa colomne. |
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A005000396 |
La resolution estant saintement prise, il ne faut jamais douter de la sainteté de l'execution, car s'il ne tient a nous elle ne peut manquer: faire autrement c'est une marque d'un grand amour propre, ou d'enfance, foiblesse et niaiserie d'esprit.. |
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A005000435 |
Aymer la volonté divine en ses commandemens, conseilz et inspirations, c'est un second degré d'amour, beaucoup plus parfait; car il nous porte a renoncer et quitter nostre propre volonté, et nous fait abstenir et deporter de plusieurs voluptés, mais non pas de toutes. |
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A005000438 |
Ainsy, certes, l'amour voulant aller a la volonté de Dieu parmi les consolations, il va tous-jours en [115] crainte, de peur de prendre le change, et qu'en lieu d'aymer le bon playsir de Dieu il n'ayme le playsir propre qui est en la consolation; mais l'amour qui tire chemin devers la volonté de Dieu en l'affliction, il marche en asseurance, car l'affliction n'estant nullement aymable en elle mesme, il est bien aysé de ne l'aymer que pour le respect de là main qui la donne. |
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A005000477 |
Admirable union de ce Patriarche avec celle de Dieu, qui croyant que ce fust le bon playsir divin qu'il sacrifiast son enfant, le voulut l'entreprit si fortement! admirable celle de l'enfant, qui se sousmit si doucement au glaive paternel, pour faire vivre le bon playsir de son Dieu au prix de sa propre mort!. |
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A005000480 |
Jonas fit la volonté de Dieu annonçant la subversion de Ninive, mais il mesla son interest et sa volonté propre avec celle de Dieu; c'est pourquoy, quand il void que Dieu n'execute pas sa prediction selon la rigueur des paroles dont il avoit usé en l'annonçant, il s'en fasche et murmure indignement. |
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A005000490 |
Et cependant, Theotime, ce n'est pas l'amour celeste qui fait ce trouble, car il ne se fasche que pour le peché; c'est nostre amour propre, qui voudroit que [131] nous fussions exemptz de la peyne et du travail que les assautz de l'ire nous donnent: ce n'est pas la coulpe qui nous desplait en ces eslans de la cholere, car il n'y a du tout point de peché; c'est la peyne d'y resister qui nous inquiete.. |
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A005000500 |
Car on ne sçauroit s'amuser a pleurer trop longuement les uns, que ce ne fust en perdant le tems propre et requis a procurer le salut des autres. |
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A005000514 |
Voyés, je vous prie, Theotime, ce que je veux dire: les jeunes petitz rossignolz s'essayent de chanter au commencement pour imiter les grans; mais estans façonnés et devenus maistres, ilz chantent pour le playsir qu'ilz prennent en leur propre gazouillement, et s'affectionnent si passionement a cette delectation, ainsy que j'ay dit ailleurs, qu'a force de pousser leurs voix leur gosier s'esclatte, dont ilz meurent. |
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A005000519 |
Hé, vous vous trompés, mes chers amis, ne dites pas que c'est pour mieux aymer et servir Dieu: o nenni certes! c'est pour mieux servir vostre propre contentement, lequel vous-aymes plus que le contentement de Dieu. |
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A005000529 |
Ainsy arrive-il quelquefois, que nous n'avons nulle consolation es exercices de l'amour sacré, d'autant que, comme chantres sourds, nous n'oyons pas nostre propre voix ni ne pouvons jouir de la suavité de nostre chant; ains au contraire, outre cela, nous sommes pressés de mille craintes, troublés de mille tintamarres que l'ennemy fait autour de nostre cœur, nous suggerant que peut estre ne sommes-nous point aggreables a nostre Maistre et que nostre amour est inutile, ouy mesme qu'il est faux et vain, puisqu'il ne produit point de consolation. |
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A005000551 |
De sorte que ce n'est pas proprement comme les serviteurs suivent leurs maistres, car encor que le voyage se fasse par la volonté de leur maistre, leur suite toutefois se fait par leur propre volonté particuliere, bien qu'elle soit une volonté suivante et servante, sousmise et assujettie a celle de leur maistre: si que tout ainsy que le maistre et le serviteur sont deux, aussi la volonté du maistre et celle du serviteur sont deux. |
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A005000551 |
Et comme celuy qui est dans un navire ne se remue pas de son mouvement propre, ains se laisse seulement mouvoir selon le mouvement du vaysseau [150] clans lequel il est, de mesme, le cœur qui est embarqué dans le bon playsir divin ne doit avoir aucun autre vouloir que celuy de se laisser porter au vouloir de Dieu. |
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A005000554 |
Dieu m'a signifié qu'il vouloit que je sanctifiasse le jour du repos: puisqu'il veut que je le fasse, il veut donques que je le veuille faire, et que pour cela j'aye mon propre vouloir par lequel je suive le sien, me conformant et correspondant a iceluy. |
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A005000554 |
Et nous autres, Theotime, comme petitz enfans du Pere celeste, nous pouvons aller avec luy en deux sortes: car nous pouvons aller, premierement, marchans des pas de nostre propre vouloir, lequel nous conformons au sien, tenans tous-jours de la main de nostre obeissance celle de son intention divine et la suivant par tout ou elle nous conduit; qui est ce que Dieu requiert de nous par la signification de sa volonté, car puisqu'il veut que je fasse ce qu'il m'ordonne, il veut que j'aye le vouloir de le faire. |
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A005000554 |
Mays nous pouvons aussi aller avec Nostre Seigneur sans avoir aucun vouloir propre, nous laissans simplement porter [152] a son bon playsir divin, comme un petit enfant entre les bras de sa mere, par une certaine sorte de consentement admirable qui se peut appeller union, ou plustost unité de nostre volonté avec celle de Dieu. |
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A005000555 |
Et affin que vous le sachies, tandis que je suis parmi les delices de ces saintes caresses qui [153] surpassent toute suavité, il m'est advis que ma Mere est un arbre dé vie et que je suis en elle comme son fruit, que je suis son propre cœur au milieu de sa poitrine, ou son ame au milieu de son cœur: c'est pourquoy, comme son marcher suffit pour elle et pour moy, sans que je me mesle de faire aucun pas, aussi sa volonté suffit pour elle et pour moy, sans que je fasse aucun vouloir pour ce qui est d'aller ou de venir. |
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A005000556 |
Le Sauveur de nos ames eut l'usage de rayson des l'instant de sa conception au ventre de sa Mere, et pouvoit faire tous ces discours; ouy mesme le glorieux saint Jean, son Precurseur, des le jour de la sainte Visitation: et bien que l'un et l'autre, pendant ce tems-la et celuy de l'enfance, jouit de sa propre liberté pour vouloir et ne vouloir pas les choses, si est-ce qu'ilz laisserent le soin, en ce qui estoit de leur conduite exterieure, a leurs meres, de faire et vouloir pour eux ce qui estoit requis. |
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A005000561 |
Benir Dieu et le remercier pour tous les evenemens que sa providence ordonne, c'est a la verité une occupation toute sainte; mays si, tandis que nous laissons le soin a Dieu de vouloir et faire ce qu'il luy plait en nous, sur nous et de nous, sans estre attentifs a ce qui se passe quoy que nous le sentions bien, nous pouvions [155] divertir nostre cœur et appliquer nostre attention en la Bonté et Douceur divine, la benissant non en ses effectz ni es evenemens qu'elle ordonne, mais en elle mesme et en sa propre excellence, nous ferions sans doute un exercice beaucoup plus eminent.. |
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A005000571 |
L'amour fit tout cela, Theotime: et c'est l'amour aussi qui, entrant en une ame affin de la faire heureusement mourir a soy et revivre a Dieu, la fait despouiller de tous les desirs humains et de l'estime de soy mesme, qui n'est pas moins attachee a l'esprit que la peau a la chair, et la desnue en fin des affections plus aymables, comme sont celles qu'elle avoit aux [160] consolations spirituelles, aux exercices de pieté et a la perfection des vertus, qui sembloyent estre la propre vie de l'ame devote.. |
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A005000574 |
Si on s'est desnué de la vielle affection aux consolations spirituelles, aux exercices de la devotion, a la prattique des vertus, voire mesme a nostre propre avancement en la perfection, il se faut revestir d'une autre affection toute nouvelle, aymant toutes ces graces et faveurs celestes non plus parce qu'elles perfectionnent et ornent nostre esprit, mays parce que le nom de Nostre Seigneur en est sanctifié, que son royaume en est enrichi et son bon playsir glorifié.. |
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A005000575 |
Et le glorieux saint Paul, despouillé en un moment de toutes affections: Seigneur, dit-il, que voules vous que je face? c'est a dire: Que vous plait-il que j'affectionne, puisque me jettant a terre vous aves fait mourir ma volonté propre? Hé, Seigneur, mettes vostre bon playsir en sa place et m'enseignes de faire vostre volonté, car vous estes mon Dieu. |
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A005000575 |
Theotime, quicomque a tout quitté pour Dieu ne doit [162] rien reprendre que comme Dieu le veut: il ne nourrit plus son cors sinon comme Dieu l'ordonne, affin qu'il serve a l'esprit; il n'estudie plus que pour servir le prochain et sa propre ame, selon l'intention divine; il prattique les vertus, non selon qu'elles sont plus a son gré, mais selon que Dieu le desire.. |
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A005000653 |
Et je dis ainsy avec un si grand soin, parce qu'il se treuve des personnes qui quitteroyent courageusement les biens, l'honneur et la vie propre pour Nostre Seigneur, lesquelles neanmoins ne quitteroyent pas pour luy quelqu'autre chose de beaucoup moindre consideration.. |
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A005000656 |
Histoire effroyable et digne d'estre grandement pesee pour le sujet dont nous parlons; car aves vous veu, mon cher Theotime, ce courageux Saprice comme il estoit hardi et ardent a maintenir la foy, comme il souffre mille tourmens, comme il est immobile et ferme en la confession du nom du Sauveur tandis qu'on le roule et fracasse dans cet instrument fait a mode de vis, et comme il est tout prest de recevoir le coup de la mort pour accomplir le point le plus eminent de la loy divine, preferant l'honneur de Dieu a sa propre vie? Et neanmoins, parce que d'ailleurs il prefere a la volonté divine la satisfaction que son cruel courage prend en la hayne de Nicephore, il demeure court en sa course, et lhors qu'il est sur le point d'aconsuivre et gaigner le prix de la gloire par le martyre, il s'abbat malheureusement et se rompt le col, donnant de la teste dans l'idolatrie.. |
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A005000657 |
Il est donq vray, mon Theotime, que ce ne nous est pas asses d'aymer Dieu plus que nostre propre vie, si nous ne l'aymons generalement, absolument et sans exception quelconque, plus que tout ce que nous affectionnons ou pouvons affectionner. |
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A005000671 |
Aristote a eu rayson de dire que le bien est voirement aymable, mays a un chacun principalement son bien propre, de sorte que l'amour que nous avons envers autruy provient de celuy que nous avons envers nous mesmes; car comme pouvoit dire autre chose un philosophe qui non seulement n'ayma pas Dieu, mays ne parla mesme presque jamais de l'amour de Dieu? Amour de Dieu neanmoins qui precede tout amour de nous mesmes, voire selon l'inclination naturelle de nostre volonté, ainsy que j'ay declairé au premier Livre.. |
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A005000674 |
Hé, de grace, Theotime, la volonté toute destinee a l'amour du bien, comme en pourroit elle tant soit peu connoistre un souverain, sans estre de mesme tant soit peu inclinee a l'aymer souverainement? Entre tous les biens qui ne sont pas infinis, nostre volonté preferera tous-jours en son amour celuy qui luy est plus proche, et sur tout le sien propre; mais il y a si peu de proportion entre l'infini et le fini, que nostre volonté qui connoist un bien infini est sans doute esbranlee, inclinee et incitee de preferer l'amitié de l'abisme de cette bonté infinie a toute sorte d'autre amour et a celuy la encor de nous mesme.. |
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A005000676 |
Que s'il y avoit ou pouvoit avoir quelque souveraine bonté de laquelle nous fussions independans, pourveu que nous peussions nous unir a elle par amour, encor serions nous incités a l'aymer plus que nous mesmes, puisque l'infinité de sa suavité seroit tous-jours souverainement plus forte pour attirer nostre volonté a son amour que toutes les autres bontés, et mesme que la nostre propre.. |
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A005000682 |
Et Raguel s'estant mis a dire beaucoup de bien d'iceluy, l'Ange luy dit: Tobie duquel vous vous enqueres, il est propre pere de celuy ci. |
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A005000713 |
L'amour propre nous trompe souvent et nous donne le change, exerçant ses propres passions sous le nom du zele: le zele s'est jadis servi aucunefois de la cholere; et maintenant la cholere se sert en contrechange du nom du zele, pour, sous iceluy, tenir a couvert son ignominieux desreglement. |
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A005000713 |
Or je dis qu'elle se sert du nom du zele, parce qu'elle ne sçauroit se servir du zele en [219] luy mesme; d'autant que c'est le propre de toutes les vertus, mais sur tout de la charité, de laquelle le zele est une dependance, d'estre «si bonnes que nul n'en peut abuser.». |
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A005000732 |
Il nous ayma d'amour de bienveuillance, jettant sa propre Divinité en l'homme, en sorte que l'homme fut Dieu. |
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A005000733 |
Il fut animé d'un zele nompareil, qui, comme dit saint Denis, se convertit en jalousie, detournant, entant qu'il fut en luy, tout mal de sa bienaymee nature humaine, au peril, ains au prix de sa propre vie; chassant le diable, prince de ce monde, qui sembloit estre son rival et compaignon. |
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A005000753 |
Mais les vertus qui se treuvent es amis de Dieu, quoy qu'elles ne soyent que morales et naturelles selon leur propre condition, sont neanmoins anoblies et relevees a la dignité d'œuvres saintes, a cause de l'excellence du cœur qui les produit. |
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A005000759 |
Car ces vertus, par leur propre condition, ont un si grand rapport a Dieu et sont si susceptibles des impressions de l'amour celeste, que pour les faire participer a la sainteté d'iceluy il ne faut sinon qu'elles soyent aupres de luy, c'est a dire en un cœur qui ayme Dieu. |
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A005000765 |
La belle Rachel, apres avoir grandement desiré d'avoir generation de son cher Jacob, fut rendue fertile par deux moyens, dont elle eut aussi des enfans de deux differentes façons; car au commencement de son mariage, ne pouvant avoir des enfans de son propre cors, elle employa, comme par emprunt, celuy de sa servante Bala, qu'elle tira a sa societé pour l'exercice des fonctions de son mariage, disant a son mari: J'ay Bala ma chambriere, prenés-la en mariage, entrés vers elle, affin qu'elle enfante sur mes genoux et que j'aye des enfans d'elle. |
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A005000765 |
Mais elle eut par apres deux autres enfans, non commandés et ordonnés par [245] elle, mais conceus, mais issus et procreés de son propre cors d'elle mesme, a sçavoir, Joseph et le cher Benjamin.. |
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A005000766 |
Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement. |
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A005000767 |
Ainsy donques, Theotime, les actions vertueuses des enfans de Dieu appartiennent toutes a la sacree dilection: les unes, parce qu'elle mesme les produit de sa propre nature; les autres, d'autant qu'elle les sanctifie [246] par sa vitale presence; et les autres, en fin, par l'authorité et le commandement dont elle use sur les autres vertus, desquelles elle les fait naistre: et celles ci, comme elles ne sont pas, a la verité, si eminentes en dignité que les actions proprement et immediatement issues de la dilection, aussi excellent-elles incomparablement au dessus des actions qui ont toute leur sainteté de la seule presence et societé de la charité.. |
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A005000782 |
Le sarment uni et joint au cep porte du fruit non en sa propre vertu mais en la vertu du cep: or nous sommes unis par la charité a nostre Redempteur, comme les membres au chef; c'est pourquoy nos fruitz et bonnes œuvres, tirans leur valeur d'iceluy, meritent la vie eternelle. |
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A005000783 |
Or, ce n'est pas que nostre service luy soit ni necessaire ni utile; car apres que nous aurons fait tout ce qu'il nous a commandé, nous devons neanmoins advouer, par une tres humble verité ou veritable humilité, qu'en effect nous sommes serviteurs tres inutiles et tres infructueux a nostre Maistre, qui, a cause de son essentielle surabondance de bien, ne peut recevoir aucun proffit de nous; ains, convertissant toutes nos œuvres a nostre propre advantage et commodité, il fait que nous le servons autant inutilement pour luy que tres utilement pour nous, qui par des si petitz travaux gaignons des si grandes recompenses.. |
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A005000802 |
Josué desfit certes vaillamment les ennemis de Dieu par la bonne conduite des armees qu'il eut en charge; mais Samson les desfaisoit encor plus glorieusement, qui de sa main propre, avec des maschoires d'asne, en tuoit a milliers. |
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A005000802 |
Josué, par son commandement et bon ordre, employant la valeur de ses trouppes, faisoit des merveilles; mais Samson, par sa propre force, sans employer aucun autre, faisoit des miracles. |
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A005000803 |
Certes, le grand Apostre ne dit pas seulement que la charité nous donne la patience, benignité, constance, simplicité; mais il dit qu'elle mesme elle est patiente, benigne, constante: et c'est le propre des supremes vertus, entre les Anges et les hommes, de pouvoir non seulement ordonner aux inferieures qu'elles operent, mais aussi de pouvoir elles mesmes faire ce qu'elles commandent aux autres. |
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A005000812 |
Les autres vertus se peuvent reciproquement entr'ayder et s'exciter mutuellement en leurs œuvres et exercices; car, qui ne sçait que la chasteté requiert et excite la sobrieté, et que l'obeissance nous porte a la liberalité, a l'orayson, a l'humilité? Or, par cette communication qu'elles ont entr'elles, elles participent aux perfections les unes des autres; car la chasteté observee par obeissance a double dignité, a sçavoir, la sienne propre et celle de l'obeissance; ains elle a plus de celle de l'obeissance que de la sienne propre. |
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A005000830 |
Or il y a de plus: quand en la production des actions des vertus morales la volonté se rend desobeissante a sa dame, qui est la charité, comme quand par l'orgueil, la vanité, l'interest temporel, ou par quelqu'autre mauvais motif les vertus sont destournees de leur propre nature, certes alhors ces actions sont chassees et bannies de la mayson d'Abraham et de la societé de Sara, c'est a dire, elles sont privees du fruit [276] et des privileges de la charité, et par consequent demeurent sans valeur ni merite: car ces actions la, ainsy infectees d'une mauvaise intention, sont en effect plus vicieuses que vertueuses, puisqu'elles n'ont de la vertu que le cors exterieur, l'interieur appartenant au vice qui leur sert de motif; tesmoin les jeusnes, offrandes et autres actions du Pharisien.. |
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A005000854 |
Purifions donq, Theotime, tant que nous pourrons, toutes nos intentions: et puisque nous pouvons respandre sur toutes les actions des vertus le motif sacré du divin amour, pourquoy ne le ferons nous pas? rejettans es occurrences toutes sortes de motifs vicieux, comme la vayne gloire et l'interest propre, et considerans tous les bons motifs que nous pouvons avoir d'entreprendre l'action qui se presente alhors, affin de choisir celuy du saint amour, qui est le plus excellent de tous, pour en arrouser et detremper tous les autres. |
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A005000885 |
Outre que, comme la peleure d'une pomme, qui est de peu d'estime en soy mesme, sert toutefois grandement a conserver la pomme qu'elle couvre, aussi la crainte servile, qui est de peu de prix en sa propre condition au regard de l'amour, luy est neanmoins grandement utile a sa conservation pendant les hazards de cette vie mortelle. |
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A005000900 |
O si l'œil pouvoit voir, si l'aureille pouvoit ouïr, ou qu'il peust monter au cœur de l'homme ce que Dieu a preparé a ceux qui le [303] servent, hé, quelle apprehension auroit-on de violer les commandemens divins, de peur de perdre ces recompenses immortelles! quelles larmes, quelz gemissemens jetteroit on quand par le peché on les auroit perdues! Or, cette crainte neanmoins seroit blasmable si elle enfermoit en soy l'exclusion du saint amour; car qui dirait: je ne veux point servir Dieu pour aucun amour que je luy veuille porter, mais seulement pour avoir les recompenses qu'il promet, il ferait un blaspheme, preferant la recompense au Maistre, le bienfait au Bienfacteur, l'heritage au Pere, et son propre proffit a Dieu tout puissant; ainsy que nous avons plus amplement monstré au Livre second.. |
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A005000916 |
L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu. |
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A005000921 |
Ainsy donq le divin amour supplante et assujettit les affections et passions, les destournant de la fin a laquelle l'amour propre les veut porter et les contournant a sa pretention spirituelle. |
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A005000930 |
Nous voyons aussi maintefois des penitences fort empressees, troublees, impatientes, pleureuses, ameres, souspirantes, inquietes, grandement aspres et melancholiques, lesquelles en fin se treuvent infructueuses et sans suite d'aucun veritable amendement, parce qu'elles ne procedent pas des vrays motifz de la vertu de penitence, mays de l'amour propre et naturel.. |
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A005000969 |
Saint Bernard ne perdoit rien du progres qu'il desiroit faire en ce saint amour, quoy qu'il fut es cours et armees des grans princes, ou il s'employoit a reduire les affaires d'estat au service de la gloire de Dieu: il changeoit de lieu, mais il ne changeoit point de cœur, ni son cœur d'amour, ni son amour d'object; et, pour parler son propre langage, ces mutations se faisoyent en luy, mais non pas de luy, puisque, bien que ses [325] occupations fussent fort differentes, il estoit indifferent a toutes occupations et different de toutes occupations; ne recevant pas la couleur des affaires et des conversations, comme le cameleon celle des lieux ou il se treuve, ains demeurant tous-jours tout uni a Dieu, tous-jours blanc en pureté, tous-jours vermeil de charité et tous-jours plein d'humilité.. |
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A005001002 |
Si je jeusne, mais pour espargner, mon jeusne n'est pas de bonne espece; si c'est par temperance, mais que j'aye quelque peché [330] mortel en mon ame, le poids manque a cette œuvre, car c'est la charité qui donne le poids a tout ce que nous faysons; si c'est seulement par conversation et pour m'accommoder a mes compaignons, cette œuvre n'est pas marquee au coin d'une intention appreuvee: mais si je jeusne par temperance, et que je sois en la grace de Dieu, et que j'aye intention de plaire a sa divine Majesté par cette temperance, l'œuvre sera une bonne monnoye, propre pour accroistre en moy le thresor de la charité.. |
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A005001020 |
Or cet exercice des continuelles aspirations est donq fort propre pour appliquer toutes nos œuvres a la dilection, mais principalement il suffit tres abondamment [336] pour les menues et ordinaires actions de nostre vie; car quant aux œuvres relevees et de consequence, il est expedient, pour faire un proffit d'importance, d'user de la methode suivante, ainsy que j'ay des-ja touché ailleurs. |
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A005001031 |
Qui le voudra garder pour l'amour propre en ce monde, le perdra pour l'amour eternel en l'autre; et qui le perdra pour l'amour de Dieu en ce monde, il le conservera pour le mesme amour en l'autre. |
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A005001031 |
Theotime, nostre franc arbitre n'est jamais si franc que quand il est esclave de la volonté de Dieu, comme il n'est jamais si serf que quand il sert a nostre propre volonté: jamais il n'a tant de vie que quand il meurt a soy mesme, et jamais il n'a tant de mort que quand il vit a soy. |
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A005001134 |
Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor cette lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de clarté que l'ouverture de la porte pouvoit rendre; et cette simple veüe qui se fait en la supreme portion de l'ame est aussi obscurcie par les acquiescemens, renoncemens et resignations que l'ame fait en Dieu, ne voulant pas tant regarder et voir qu'offrir et acquiescer: de sorte que presque elle ferme les yeux, soudain qu'ell'a commencé a voir la volonté de Dieu, affin [que], sans s'amuser a la contempler et considerer, elle puisse tant mieux l'adorer, accepter, s'y complayre et acquiescer amoureusement par l'union de sa volonté propre a celle de son Dieu.. |
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A005001177 |
Or, ma chere Philothee, en toutes ces repentances le s t amour de Dieu n'y entre point; car ne voyes vous pas que c'est la crainte de la peyne, le desir du Paradis, l'interest de nostre ame, pour sa beauté interieure, son honneur, sa dignité, son propre bien, et, en un mot, nostre propre amour, quoy qu'amour s t et juste, qui nous porte a repentance, et non l'amour que nous devons a Dieu [369] comme au souverain bien et premiere bonté, alaquelle, comm'au supreme objet de nostre volonté et affection, nous devrions regarder simplement.. |
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A005001178 |
Et qui seroit le pere qui treuvast bonne la volonté d'un enfant, quand il dirait que si son pere ne luy avoit præparé un bon hæritage il l'offenceroit? Mays je dis que ces repentances que la consideration de nostre propre interest, quoy que spirituel et louable, produit en nous, n'enferment point et ne comprenent point encor l'amour [de] Dieu; elles ne le rejettent pas, mais elles ne le contiennent pas non plus; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas exclus ou forclos, mais il n'y est enclos non plus. |
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A005001178 |
Je ne dis pas que ces repentances rejettent l'amour de Dieu: non certes, Philothee, car si par exemple, quelqu'un se repentant d'offencer Dieu pour ce que par le peché il perd le Paradis, entendant et deliberant que si Dieu ne donnoit point de Paradis a ceux qui vivent bien, il ne voudroit pas bien vivre, helas, il commettroit un grand peché, car il præfereroit son interest et son bien propre a la bonté et Majesté divine; il aymeroit mieux le don que le Donnateur, qui seroit un'affection fort desordonnee et desreglee. |
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A005001178 |
Le bien n'est pas bien pour nous quand il forclost le mieux qui est en nostre liberté et qui nous est plus propre.. |
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A005001186 |
C'est pourquoy, comme le vin theriacal n'est pas appellé theriacal pour avoir la substance de theriaque, mais seulement la vertu et l'operation de la theriaque contre tous venins, aussi la repentance amoureuse n'est pas appellee amoureuse pour avoir tous-jours la substance et propre action de l'amour, mais par ce qu'elle contient, ou l'action propre de l'amour, ou la vertu, le mouvement et l'operation de l'amour, qui est de reunir l'affection et la volonté a Dieu tres estroittement et inseparablement. |
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A005001186 |
Et comme nous voyons que le vin theriacal ne s'appelle pas theriacal par ce que la theriaque en elle mesme soit meslee avec ce vin, mais seulement par [ce] que la vertu et proprieté de la theriaque y est, et quil la contient et l'a en soy; de mesme la repentance, quand ell'est excellente, ne contient pas tous-jours l'amour en luy mesme et selon son action, mais bien que quelquefois l'amour ne se treuve pas en la repentance selon son action propre, il y est neanmoins tous-jours en sa vertu et proprieté. |
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A005001187 |
Il est avec elle, quand par la propre action de l'amour nous venons a repentance; il est en elle, quand l'amour ne paroist voirement pas en la propre forme et condition de son action, mais il agit neanmoins en la repentance, ou sa vertu, force et proprieté pour luy. |
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A005001237 |
Ce mot est fort usité en l'Escriture Sainte, et ne veut dire autre chose qu'un'attentive, longue ou reiteree pensee, propre a produire des affections en l'ame. |
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A005001243 |
Or en cett'action, Philothee, elle parle avec Dieu, elle l'interroge, elle souspire, elle aspire, elle reconnoist la grandeur de Dieu et sa misere propre, ell'admire; et Dieu l'inspire, luy touche le cœur, respand des clartés et lumieres sans fin: si qu'en cette conversation et colloque se commence la s te theologie mistique, car l'homme commence par la a savourer Dieu et a connoistre sa douceur et suavité nompareille.. |
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A005001251 |
Mays pourtant il arrive souvent que la volonté esmeüe par la connoissance passe plus avant, et par le propre playsir qu'elle ressent d'estre appliquee a son object aymable elle s'avance extremement en l'amour; n'ayant plus besoin pour cela de l'action [de] l'entendement, ains seulement de la force du sentiment qu'ell'a de son bien, duquel l'union l'attire puissamment a soy par la propre jouissance. |
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A005001271 |
Son Bienaymé estoit tout a elle, et elle toute a luy; et elle n'eslançoit pas ses [391] facultés bien loin, ains les ramassoit et recueilloit en elle mesme, puisque son Bien Aymé estoit dedans son cœur, en sa propre poitrine, entre ses mammelles. |
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A005001282 |
La B. M. Therese ayant tesmoigné de treuver cette similitude propre, je l'ay ainsy voulu estendre.. |
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A005001320 |
Ell'a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes en sa propre volonté; et lhors qu'ell'est plus sujette a ses inclinations et volontés, nous disons qu'ell'est dure spirituellement, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, et vous en donneray un de chair; c'est a dire, je vous osteray vostre obstination et dureté spirituelle. |
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A005001323 |
Or la verité est que cette liquefaction, cet escoulement d'un'ame en Dieu, est a proprement parler une grande et veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors de ses propres bornes, hors de son propre maintien, et se treuve toute absorbee et engloutie et comme toute meslee en son Dieu, ainsy qu'une goutte d'eau qui tumbe dans un grand vaisseau de vin. |
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A005001327 |
Les autres passions n'entrent dedans le cœur que par l'entremise de l'amour, mais l'amour entre luy mesme par sa propre force; et par ce que l'amour est la premiere passion du cœur, c'est luy seul qui le blesse: la tristesse, la crainte, la hayne ne piquent le cœur que par l'amour. |
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A005001334 |
Voyes vous le pellican? Ainsy que, ramassant en un'histoire ce qui se dit de luy, on le peut recueillir, il blesse par amour ses petitz, car il fait son nid en terre, si que les serpens les viennent souvent piquer: or quand cela arrive, le pellican vient, et comme pour faire sortir le venin avec leur sang, il les tue de son propre bec; puis, se blessant soymesme, il les vivifie de son sang. |
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A005001343 |
Quel portrait admirable tiré aupres du vif et sur son propre original, par des maistresses mains ou des mains tant maistresses en cet art! o comme elle representoit naifvement et au naturel ce divin Roy des Anges, meurtri, froissé, blessé, tué, sur l'arbre de la croix! Que si l'image d'Abraham assenant le coup du sacrifice sur son unique Isaac, image faite en terre et par une main terrestre, eut le pouvoir de tous-jours attendrir et faire pleurer le grand s t Greg. |
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A005001364 |
Qu'il est tel que l'amour dont il procede; sil procede de l'amour propre il est mauvais, turbulent, aigre: comme le feu selon la matiere en laquelle il ard. |
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A005001368 |
Celle la n'est point jalouse par ce qu'elle n'est point amoureuse, celle ci est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse; mais elle n'est pas jalouse de sa propre jalousie, ell'est jalouse de la jalousie de son espoux: elle ne craint pas de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses, qui est la jalousie qui regarde son interest; mais elle craint de n'aymer pas asses, qui est la jalousie qui regarde l'interest de son espoux. |
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A005001373 |
La cholere est dediee au service du zele, mais quand le zele l'employe, il faut quil ayt de lautre costé l'œil de la discretion perpetuellement ouvert sur ce qu'elle fait; autrement, en lieu de faire le service du zele, elle fera le sien propre et assovira sa propre cruauté et humeur. |
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A005001379 |
Mays l'amour propre nous trompe souvent, et prætent le zele pour exercer ses passions sous un honnorable praetexte; et parce que le zele se sert quelquefois de la cholere, la cholere en contre-change se sert souvent du nom de zele pour s'excuser et couvrir son ignominie: car de se servir du zele mesme, en verité, cela ne se peut; dautant que c'est le propre de toutes les vertus, mais surtout de la charité, d'estre «si bonnes que nul ne peut en abuser.» Et y a des personnes qui ne pensent pas y avoir autre sorte de zele que la cholere, ni autre instrument du zele que l'ire, et qui ne pensent rien accommoder s'ilz ne gastent tout; ou, au contraire, le vray zele n'employe la cholere que fort rarement et es extremes maux, car comm'on n'applique le feu et le fer aux malades que rarement et quand on ne peut moins faire, aussi le zele n'employe la cholere qu'es extremités.. |
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A005001384 |
5; la discretion de la lumiere y doit estre pour discerner quel moyen est plus [441] propre pour repoulser le mal. |
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A005001391 |
Mays par ce que demeurer en l'estat de cette parfaite nudité on ne le peut longuement en ce monde, apres tous ces despouillemens et cett'heureuse mort, il se faut revestir, mais non plus des habitz du viel homme dont on s'est despouillé, ains des habitz d'un homme nouveau; non plus d'un cors mortel, ni d'une peau mortelle, ni d'habitz perissables, mais d'un cors resuscité et d'affections divines, celestes; affections non plus venantes de nostre propre election, mais affections emanees et procedees du pur amour de Dieu. |
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A005001404 |
Qu'est ça a dire: Vous estes mortz? C'est a dire: Vous ne vives plus de la vie naturelle, vous ne vives plus de la vie des hommes; et comme par la mort l'ame ne vit plus en son cors, aussi maintenant vous ne [448] vives plus en vous mesme et dedans l'enclos de vostre propre condition, vostre ame vit non seulement au dessus de son cors, mays au dessus de sa propre condition. |
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A005001426 |
S t Jean l'Evangeliste, entrant dedans sa propre sepulture sans avoir aucun sentiment de maladie, et avec ces paroles: Mon Seig r J. C., soyes avec moy, et prenant doucement et amoureusement congé de ceux qui l'avoyent accompaigné, par ces paroles: La paix soit avec vous, mes freres, et se couchant sur son manteau comme pour faire un delicieux sommeil, environné d'une grande lumiere; ou soit quil mourut reellement, ou soit quil mourut de la mort mistique, ou soit que son ame fut separee du cors, ou que tout entier il fut separé du commerce commun des hommes et que son ame ravie et absorbee laissast pour un tems son cors comme mort, si est ce pourtant quil passa en l'amour et d'amour. |
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A005001426 |
S t Pierre le Martir mourut sans doute en l'exercice de l'amour, escrivant [458] a bout, [de] son doigt, de son propre sang, la confession de la foy catholique pour laquelle il mouroit, et en fin expira prononçant les paroles: In manus tuas Domine. |
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A005001454 |
Or, la pureté de l'amour divin requiert que nous n'aymions en toute chose que la volonté de Dieu, sans meslange de propre interest.. |
06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html |
A006000028 |
Contre le propre jugement et la tendreté que l'on a sur soy-mesme. |
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A006000054 |
D. De l'Entretien du Jugement propre. |
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A006000109 |
Et quant aux violements de la Regle qui ne se font point par pure desobeissance ni par mespris, s'ils se font par nonchalance, infirmité, tentation ou negligence, on s'en pourra et devra confesser comme de peché veniel, ou bien comme de chose où il y peut avoir peché veniel: car, bien qu'il n'y ait aucune sorte de peché en vertu de l'obligation de la Regle, il y en peut neantmoins avoir à raison de la negligence, nonchalance, precipitation ou autres tels defauts, puisqu'il arrive rarement que voyant un bien propre à nostre [10] avancement, et notamment estant invitees et appellées à le faire, nous le laissions volontairement sans offenser; car tel delaissement ne procede que de negligence, affection depravée ou manquement de ferveur, et s'il nous faut rendre compte des paroles qui sont vrayement oyseuses, combien plus d'avoir rendu oyseuse et inutile la semonce que la Regle nous fait à son exercice!. |
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A006000110 |
J'ay dit qu'il arrive rarement de n'offenser pas Dieu quand nous laissons volontairement de faire un bien propre à nostre avancement, parce qu'il se peut faire qu'on ne le laisse pas volontairement, ains par oubli, inadvertance, surreption; et lors il n'y a aucun peché, petit ni grand, sinon que la chose que nous oublions fust de si grande importance que nous fussions obligés de nous tenir attentifs pour ne point tomber en oubli, inadvertance et surreption. |
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A006000125 |
Et ainsi en toutes autres choses qui ne sont ni commandées ni defendues, qu'une chacune abonde en son sens: c'est à dire, qu'une chacune [15] jouïsse et use de sa liberté, sans juger ni contreroller les autres qui ne feront point comme elle, voulant faire trouver sa façon meilleure; puisque mesme il se peut faire qu'une personne mange avec tel renoncement de sa propre volonté qu'une autre jeuneroit, et qu'une personne ne die pas ses coulpes par le mesme renoncement par lequel l'autre les dira.. |
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A006000128 |
Advoüons franchement que les autres Congregations sont meilleures, plus riches et plus excellentes, mais non pas pourtant plus aymables ni desirables pour nous, puisque Nostre Seigneur a voulu que ce fust nostre patrie et nostre barque, et que nostre cœur fust marié à cest Institut; suivant le dire de celuy auquel quand on demanda quel estoit le plus agreable sejour et le meilleur aliment pour l'enfant: Le sein, dit-il, et le lait de sa mere; car bien qu'il y ait de plus beaux seins et de meilleurs laits, si est ce que pour luy il n'y en a point de plus propre ni de plus aymable. |
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A006000133 |
Ce petit reculement ne se fait que pour mieux s'eslancer en Dieu par un acte d'amour et de confiance, car il ne se faut pas confondre tristement et avec inquietude: c'est l'amour propre qui donne ces confusions-là, parce que nous sommes marris de n'estre pas parfaits, non tant pour l'amour de Dieu que pour l'amour de nous-mesmes.. |
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A006000136 |
Il faut donques sçavoir qu'abandonner nostre ame et nous laisser nous mesmes n'est autre chose que quitter et nous deffaire de nostre propre volonté pour la donner à Dieu: car il ne nous serviroit de guere, comme j'ay desja dit, de nous renoncer et [22] delaisser nous-mesmes, si ce n'estoit pour nous unir parfaitement à la divine Bonté. |
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A006000145 |
Je desire toutesfois que vous remarquiez que je ne dis pas qu'il faille sentir ceste resolution d'estre ainsi toute à Dieu, mais seulement qu'il la faut avoir et cognoistre en nous, parce qu'il ne faut pas s'amuser à ce que nous sentons ou que nous ne sentons pas, d'autant que la pluspart de nos sentimens et satisfactions ne sont que des amusemens de nostre amour propre. |
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A006000175 |
Dieu veut que nous ayons un soin tranquille et paisible, qui nous fasse faire ce qui est jugé propre par ceux qui nous conduisent, et aller fidellement tousjours avant dans le chemin qui nous est marqué par les Regles et Directoires qui nous sont donnés; et quant au reste, que nous nous en reposions en son soin paternel, taschant tant qu'il nous sera possible de tenir nostre ame en paix, car la demeure de Dieu a esté faite en paix, et au cœur paisible et bien reposé. |
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A006000177 |
Allez tout simplement en Egypte parmi la grande quantité d'ennemis que vous y aurez, car Dieu qui vous y fait aller vous y conservera, et vous n'y mourrez point; où au contraire, si vous [52] demeurez en Israël où est l'ennemy de vostre propre volonté, sans doute il vous y fera mourir. |
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A006000177 |
Il ne seroit pas bien de prendre des charges et offices par sa propre election, de crainte que nous n'y fissions pas nostre devoir: mais quand c'est par obeissance, n'apportons jamais nulle excuse; car Dieu est pour nous, et nous fera profiter davantage en la perfection que si nous n'avions rien à faire. |
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A006000193 |
C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appellés; car, ce [64] n'est pas assez d'assister le prochain de nos commodités temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour: mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obeissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y resistions. |
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A006000193 |
Car quand nous nous employons nous-mesmes, et par le choix de nostre propre volonté ou propre election, cela donne tousjours beaucoup de satisfaction à nostre amour propre; mais à nous laisser employer es choses que l'on veut, et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnegation: comme quand nous voudrions prescher, on nous envoye servir les malades; quand nous voudrions prier pour le prochain, on nous envoye servir le prochain. |
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A006000211 |
L'humilité, c'est de faire quelque acte pour s'humilier; l'habitude est d'en faire à toute rencontre et en toutes occasions qui s'en presentent; mais l'esprit d'humilité est de se plaire en l'humiliation, de rechercher l'abjection et l'humilité parmi toutes choses: c'est à dire, qu'en tout ce que nous faisons, disons ou desirons, nostre but principal soit de nous humilier et avilir, et que nous nous plaisions à rencontrer nostre propre abjection en toutes occasions, en aymant cherement la pensée. |
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A006000228 |
Hé, mon Dieu, que je suis miserable! je ne suis propre à rien. |
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A006000244 |
Or quant à nous autres, non seulement nous demeurerons tous jours unis par ensemble, mais bien plus, car nostre union s'ira tous les jours plus perfectionnant, et ce doux et tres-aymable lien de la sainte charité sera tousjours de plus en plus serré et renoué à mesure que nous nous avancerons en la voye de nostre propre perfection; car nous rendant plus capables de nous unir à Dieu, nous nous unirons davantage les uns aux autres, si qu'à chaque Communion que nous ferons nostre union sera rendue plus parfaite, car nous unissant avec Nostre Seigneur nous demeurerons tousjours plus unis ensemble: aussi la reception sacrée de ce Pain celeste et de ce tres-adorable Sacrement s'appelle Communion, c'est à dire comme union. |
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A006000261 |
Ces anxietés d'esprit que nous avons pour avancer nostre perfection et pour voir si nous avançons ne sont nullement agreables à Dieu, et ne servent qu'à satisfaire l'amour propre, qui est un grand tracasseur qui ne cesse jamais d'embrasser beaucoup, bien qu'il ne fasse guere. |
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A006000266 |
Non pas ceste humilité, c'est à dire ce sentiment de nostre petitesse qui nous fait si fort humilier en toutes choses si gracieusement; mais je veux dire l'humilité qui nous fait cognoistre nostre propre abjection, et qui nous la fait aymer l'ayant recognuë estre en nous; car cela est la vraye humilité.. |
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A006000276 |
Or ces mouvemens arrivent parce que l'on n'a pas mis toutes ses volontés en commun, qui est pourtant une chose qui se doit faire entrant en Religion; car chaque Sœur devroit laisser sa volonté propre hors la porte pour n'avoir que celle de Dieu.. |
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A006000276 |
Or, ce qui nous rend affectionnés à ce qui est nostre, c'est la grande estime que nous faisons de nous-mesmes; car nous nous tenons pour si excellens que, dés qu'une chose nous appartient nous l'en estimons davantage, et le peu d'estime que nous faisons des autres fait que nous avons à contre-cœur ce qui leur a servi; mais si nous estions bien humbles et despouillés de nous-mesmes, que nous nous tinssions pour un neant devant Dieu, nous ne ferions aucun estat de ce qui nous seroit propre, et nous estimerions extremement honorés d'estre servis de ce qui auroit esté à l'usage d'autruy. |
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A006000278 |
Or, il ne faut pas seulement vouloir en general la desappropriation, mais en particulier; car il n'y a rien de si aisé que de dire de gros en gros: Il faut renoncer à nous-mesmes et quitter nostre propre volonté; mais quand il faut venir à la pratique, c'est là où gist la difficulté. |
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A006000285 |
Au contraire, il y en a d'autres qui semblent extremement minces et vuides aux yeux du monde, qui devant Dieu se trouveront pleines et fort excellentes, parce qu'elles se font seulement en Dieu et pour Dieu, sans meslange de nostre propre interest. |
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A006000286 |
Les caresses mesmes et signes d'amitié que nous faisons contre nostre propre [126] inclination aux personnes auxquelles nous avons de l'aversion, sont meilleures et plus agreables à Dieu que celles que nous faisons attirés de l'affection sensitive. |
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A006000289 |
Je responds que nous ne cognoistrons jamais nostre propre perfection, car il nous arrive comme à ceux qui navigent sur mer; ils ne sçavent pas s'ils avancent, mais le maistre pilote, qui sçait l'air où ils navigent, le cognoist. |
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A006000310 |
Mais si au contraire, nous faisions ces actes devant la divine Bonté avec une douce confiance, nous sortirions de là tous rasserenés et tranquilles, et desavouerions bien facilement apres toutes les raisons, bien souvent et pour l'ordinaire irraisonnables, que nostre jugement et nostre amour propre nous suggere, et nous irions avec autant de facilité parler à ceux qui nous ont fait la correction ou contradiction comme auparavant. |
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A006000312 |
Cela se fait, ma fille, par le commandement de l'amour propre. |
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A006000312 |
Vous ne sçavez peut estre pas qu'il y a en nous-mesmes un certain monastere dont l'amour propre est superieur, et partant il impose des penitences; et ceste peine est la penitence qu'il vous impose pour la faute que vous avez faite d'avoir fasché la Superieure, parce que peut estre elle ne vous estimera pas tant comme elle eust fait si vous n'eussiez pas failli.. |
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A006000320 |
Vous ne sçauriez estre forte à supporter courageusement la correction pendant que vous mangerez de la viande de l'estime propre. |
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A006000321 |
Il faut que nous ayons deux égales resolutions: l'une, de voir croistre des mauvaises herbes en nostre jardin, et l'autre, d'avoir le courage de les voir arracher et les arracher nous-mesmes; car nostre amour propre ne mourra point pendant que nous vivrons, lequel est celuy qui fait ces impertinentes productions. |
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A006000322 |
Sainte Paule, [155] laquelle fut si genereuse à se dépestrer du monde, quittant la ville de Rome et tant de commodités, et laquelle ne peut estre esbranlée par l'affection maternelle qu'elle portoit à ses enfans, tant son cœur estoit resolu de quitter tout pour Dieu, apres avoir fait toutes ces grandes merveilles, elle se laissa surmonter par la tentation de son propre jugement, qui luy faisoit accroire qu'il ne se falloit pas sousmettre à l'advis de plusieurs saints personnages qui vouloyent qu'elle retranchast quelque chose de ses austerités ordinaires: en quoy saint Hierosme advouë qu'elle estoit reprehensible.. |
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A006000333 |
La charité cede à l'obeissance, parce que l'obeissance depend de la justice: aussi est-il meilleur de payer ce que l'on doit que de faire l'aumosne; cela veut dire qu'il est mieux de faire [161] l'obeissance qu'un acte de charité par nostre propre mouvement.. |
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A006000335 |
Non, c'est l'amour propre qui ne voudroit pas que j'eusse seulement une moindre pensée qu'elle est importune; je l'auray bien pourtant, encore que je ne m'y arreste pas. |
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A006000358 |
Quel commandement, je vous supplie, a fait Nostre Seigneur, qui obligeast sainte Catherine de Sienne à boire ou lescher avec la langue la pourriture qui sortoit de la playe de ceste pauvre femme qu'elle servoit? et saint Louis, roy de France, de manger avec les ladres le reste de leur potage pour leur donner courage de manger? Certes, ils n'estoyent aucunement obligés à cela; mais sçachant que Nostre Seigneur aymoit et avoit tesmoigné de l'inclination à l'amour de la propre abjection, pensant luy faire plaisir de suivre son inclination, ils faisoyent ces choses, quoy que tres-repugnantes à [179] leurs sens, avec un tres-grand amour. |
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A006000362 |
Mais passant plus outre, et laissant à part l'obeissance generale aux commandemens de Dieu et parlant de l'obeissance religieuse, je dis que si le Religieux n'obeit, il ne sçauroit avoir aucune vertu, parce que c'est l'obeissance qui le rend principalement Religieux, comme estant la vertu propre et particuliere de la Religion. |
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A006000365 |
Vous demandez maintenant si vous estes obligées sur peine de peché, de faire tout ce que les Superieurs vous disent que vous fassiez; comme quand vous rendez compte, s'il faut que vous teniez pour commandement tout ce que la Superieure vous dit, qui est propre à vostre avancement. |
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A006000368 |
Mais hors de là, les inferieurs doivent tousjours croire et faire confesser à leur propre jugement que les Superieurs font tres-bien et qu'ils ont bonne raison de le faire; car autrement ce seroit se faire Superieur et rendre le Superieur inferieur, puisque nous nous rendrions examinateurs de sa cause. |
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A006000372 |
Donques, quand il vous vient envie de juger si une chose est bien ou mal ordonnée, tranchez ce discours à vostre propre jugement; et quand peu apres on vous dira qu'il faut faire une telle chose de telle façon, ne vous amusez point à discourir ou discerner si elle ne seroit point mieux autrement, faisant accroire à vostre jugement que la chose ne pourroit jamais estre mieux faite, que de la façon que l'on vous a dit. |
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A006000372 |
Parce que l'entendement et le jugement representent à la volonté que cela ne se doit pas, ou qu'il faut user d'autres moyens pour faire ce que l'on dit, que ceux qui nous sont marqués, elle ne peut se sousmettre, d'autant qu'elle fait tousjours plus d'estat des raisons que le propre jugement luy monstre que non pas d'aucune autre, car chacun croid que son propre jugement est le meilleur. |
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A006000372 |
Si l'on vous donne quelque exercice, ne permettez pas à vostre jugement de discerner s'il vous sera propre ou non; et prenez garde que, si bien vous faites la chose ainsi qu'elle est commandée, bien souvent [196] le propre jugement n'obeit pas, je veux dire ne se sousmet pas, car il n'approuve pas le commandement: ce qui est pour l'ordinaire cause de la repugnance que nous avons de nous sousmettre à faire ce que l'on veut de nous. |
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A006000372 |
Vous me demandiez encor que j'eusse à vous dire quel estoit l'exercice propre à faire mourir le propre jugement; à quoy je responds que c'est de luy retrancher fidelement toutes sortes de discours és occasions où il se veut rendre maistre, luy faisant connoistre qu'il n'est que valet; car, mes cheres filles, ce n'est que par les actes reiterés que nous acquerons les vertus, bien qu'il y ayt eu quelques ames auxquelles Dieu les a données toutes en un moment. |
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A006000373 |
Ce docteur, [197] recevant le commandement, sousmit si absolument son jugement qu'il ne voulut point esclaircir son affaire pour se justifier, ains au contraire il creut qu'il avoit tort et qu'il s'estoit laissé tromper à son propre jugement; et montant en chaire, il leut tout haut ce que le Pape luy avoit escrit, print son livre, le déchira en pieces, puis il dit tout haut que ce que le Pape avoit jugé sur ce fait avoit esté fort bien jugé; qu'il approuvoit de tout son cœur la censure et correction paternelle qu'il avoit daigné luy faire, comme estant tres-juste et tres-douce à luy qui meritoit d'estre rigoureusement chastié, et qu'il s'estonnoit grandement comme il avoit esté si aveugle que de s'estre laissé tromper à son propre jugement en chose si manifestement mauvaise. |
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A006000373 |
Il tesmoigna une grande vertu [198] en ceste occasion, et une mortification du propre jugement admirable.. |
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A006000373 |
Nous avons en nostre âge un exemple grandement remarquable de la mortification du propre jugement. |
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A006000374 |
Helas! que faites-vous? si vous nourrissez ainsi le jugement, sans doute il vous enyvrera; car il n'y a point de difference entre une personne enyvrée et celuy qui est plein de son propre jugement. |
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A006000374 |
Il faut faire les mesmes excuses d'une personne ivre et de nostre propre jugement; car l'un n'est pas guere plus capable de raison que l'autre. |
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A006000374 |
L'on void encor assez souvent des sens mortifiés, parce que la propre volonté se mesle de les mortifier, et ce seroit une chose honteuse de se monstrer retifs à l'obeissance: que diroit-on de nous? mais de propre jugement, fort rarement on en trouve de bien mortifiés. |
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A006000375 |
Nos Sœurs ayment trop leur propre abjection pour faire ainsi; tant s'en faut qu'elles s'en troublent, qu'au contraire elles prendront un plus grand courage et plus de soin de s'amender, non pas pour eviter d'estre adverties, car je suppose qu'elles ayment souverainement tout ce qui les peut rendre viles et abjectes à leurs yeux, ains à fin de faire tousjours mieux leur devoir et se rendre capables de leur vocation. |
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A006000379 |
Et ainsi elle doubloit ceste premiere fin de l'amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres petites pretentions, desquelles elle fut reprise de Nostre Seigneur: Marthe, Marthe, tu te troubles de plusieurs choses, bien qu' une seule soit necessaire, qui est celle que Magdelaine a choisie et qui ne luy sera point ostée. Cest acte donc de charité simple qui fait que nous ne regardons et n'avons autre visée en toutes nos actions que le seul desir de plaire à Dieu est la part de Marie, qui est seule necessaire, et c'est la simplicité, vertu laquelle est inseparable de la charité, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun meslange de propre interest, autrement ce ne seroit plus simplicité; car elle ne peut souffrir aucune doublure des creatures ni aucune consideration d'icelles, Dieu seul y trouve place.. |
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A006000387 |
Mais bien qu'il vous arrivast de dire quelque petite chose qui semblast n'estre pas si bien receüe de toutes comme vous voudriez, il ne faudroit pas pour cela s'amuser à faire des reflexions et examens sur toutes vos paroles; ô non, car c'est l'amour propre sans doute qui nous fait faire ces enquestes, si ce que nous avons dit et fait est bien receu; mais la sainte simplicité ne court pas apres ses paroles ni ses actions, ains elle en laisse l'evenement à la divine Providence, à laquelle elle s'attache souverainement. |
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A006000387 |
Que si elle y rencontre quelque occasion de pratiquer quelque vertu, elle s'en sert soigneusement comme d'un moyen propre pour parvenir à sa perfection qui est l'amour de Dieu, mais elle ne s'empresse point pour les rechercher; elle ne les mesprise point aussi. |
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A006000391 |
Il ne faut pas s'attacher à nostre propre satisfaction, car ce seroit s'attacher aux fleurs et non pas au fruict. |
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A006000391 |
Vous retirerez plus d'utilité de ce que vous ferez suivant la direction de vos Superieurs, que non pas en suivant vos instincts interieurs, qui ne proviennent pour l'ordinaire que de l'amour propre qui, sous couleur de bien, recherche de se complaire en la vaine estime de nous-mesmes.. |
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A006000396 |
Apres que nous aurons dit cela, mes [218] tres-cheres filles, que reste-t'il sinon d'expirer et mourir de la mort de l'amour, ne vivant plus à nous-mesmes, mais Jesus Christ vivant en nous? Alors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et de la tendreté que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser à la queste des satisfactions et perfections de nous-mesmes; et embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de ceste simple et amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progrés, nous le ferons grandement; sans aller, nous avancerons, et sans nous remuer de nostre place nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice. |
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A006000409 |
Mais beaucoup plus parfaitement nous unissons-nous à Dieu par le vœu d'obeissance, d'autant que nous renonçons à toute nostre ame, à toutes ses puissances, ses volontés et toutes ses affections, pour nous sousmettre et assujettir non seulement à la volonté de Dieu, mais à celle de nos Superieurs, laquelle nous devons tousjours regarder comme estant celle de Dieu mesme; et cecy est un tres-grand renoncement, à cause des continuelles productions des petites volontés que fait nostre amour propre. |
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A006000413 |
Voicy un exemple en Jacob, qui est tres-admirable et fort propre pour monstrer comment il se faut accommoder aux foibles, et arrester nostre force pour nous assujettir à aller de pair avec eux, principalement quand nous y avons de l'obligation, comme ont les Religieux à suivre la Communauté en tout ce qui est de la parfaite observance. |
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A006000416 |
De mesme nous autres, il ne faut pas que nous tenions pour un bon vent, c'est à dire pour inspiration, tant de petites volontés qui nous viennent, ores de demander à communier, tantost de faire oraison, tantost une autre chose; car nostre amour propre, qui recherche tousjours sa satisfaction, demeurerait entierement content de tout cela, et principalement de ces petites inventions, et ne cesseroit de nous en fournir tousjours de nouvelles. |
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A006000416 |
Je trouve que c'est un tres-grand acte de perfection de se conformer en toutes choses à la Communauté et de ne s'en départir jamais par nostre propre choix; car outre, que c'est un tres-bon moyen pour nous unir avec le prochain, c'est encore cacher à nous-mesmes nostre propre perfection.. |
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A006000417 |
Elle ne veut point faire des choses excellentes et extraordinaires qui la pourroyent faire estimer des creatures; et par ainsi elle se tient fort basse en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté, ni rien de plus que les autres, et ainsi toute sa sainteté est cachée à ses yeux: Dieu seul la void, qui se delecte en sa simplicité, par laquelle elle ravit son cœur et s'unit à luy. |
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A006000417 |
Elle tranche court à toutes les inventions de son amour propre, lequel prend une souveraine delectation à faire des entreprises de choses grandes et excellentes et qui nous font surestimer au dessus des autres. |
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A006000419 |
Au demeurant, le temps des festes qui est laissé en liberté pour faire ce que l'on veut, chacune le peut employer selon sa devotion; mais il est vray pourtant, qu'ayant demeuré trois heures, vcire plus dans le chœur avec la Communauté, il est beaucoup à craindre que le quart d'heure que vous y demeurez davantage ne soit un petit morceau que vous donnerez à vostre amour propre.. |
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A006000428 |
Chacun a des propres opinions; mais cela ne nous empesche pas de parvenir à la perfection, pourveu que nous ne nous y attachions pas ou que nous ne les aymions pas, car c'est seulement l'amour de nos propres opinions qui est infiniment contraire à la perfection; et c'est ce que j'ay tant de fois dit, que l'amour de nostre propre jugement est l'estime que l'on en fait, est la cause qu'il y a si peu de parfaits. |
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A006000428 |
Il se trouve beaucoup de personnes qui renoncent à leur propre volonté, les uns pour un sujet, les autres pour un autre; je ne dis pas seulement en Religion, mais parmi les seculiers et dans les cours des princes mesmes. |
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A006000428 |
La premiere question est si d'estre sujette à sa propre opinion est une chose bien contraire à la perfection. |
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A006000428 |
Nul ne peut douter, mes cheres filles, que cecy ne soit fort contraire à la perfection, car il produit pour l'ordinaire des inquietudes d'esprit, des bijarreries, des murmures, et en fin il nourrit l'amour de sa propre estime; de maniere donc que la propre opinion ni le propre jugement ne doit pas estre aymé ni estimé.. |
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A006000430 |
Le grand saint Thomas, qui avoit un des plus grands esprits qu'on sçauroit avoir, quand il formoit quelques opinions il les appuyoit sur des raisons les plus pregnantes qu'il pouvoit; et neantmoins, s'il trouvoit quelqu'un qui n'approuvast pas ce qu'il avoit jugé bon, [245] ou y contredist, il ne disputoit point ni ne s'en offençoit point, ains souffroit cela de bon cœur; en quoy il tesmoignoit bien qu'il n'aymoit pas sa propre opinion, bien qu'il ne la desapprouvast pas aussi; il laissoit cela ainsi, qu'on la trouvast bonne ou non. |
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A006000431 |
Si donc les Superieurs vouloyent changer d'opinion à tous rencontres, ils seroyent estimés legers et imprudens en leur gouvernement; mais aussi, si ceux qui n'ont point de charges vouloyent estre attachés à leurs opinions, les voulant maintenir et faire recevoir, ils seroyent tenus pour opiniastres; car c'est une chose toute asseurée que l'amour de la propre opinion degenere en opiniastreté, s'il n'est fidelement mortifié et retranché: nous en voyons l'exemple mesme entre les Apostres. |
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A006000433 |
D'estre donc sujets à faire estime de nostre propre jugement, et pour cela de s'enfoncer à la recherche des raisons propres à soustenir ce que nous avons une fois compris et trouvé bon, est une chose toute naturelle; mais de s'y laisser aller et s'y attacher, seroit une imperfection notable. |
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A006000436 |
Le seul et unique remede de guerir le propre jugement c'est de negliger ce qui nous vient en la pensée, nous appliquant à quelque chose de meilleur; car si nous nous voulons laisser aller à faire attention sur toutes les opinions qu'il nous suggerera és diverses rencontres et occasions, qu'arrivera-t'il sinon une continuelle distraction et empeschement des choses plus utiles et qui sont propres à nostre perfection, nous rendans incapables et invalides pour faire la sainte oraison? Car ayant donné la liberté à nostre esprit de s'amuser à la consideration de telles tricheries, il s'enfoncera tousjours plus avant, et nous produira pensées sur pensées, opinions sur opinions et raisons sur raisons, qui nous importuneront merveilleusement en l'oraison. |
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A006000440 |
En fin, il n'y a qu'eux qui soyent à plaindre, et pleurent tendrement sur eux-mesmes, si qu'ils taschent d'esmouvoir ceux qu'ils voyent à compassion; ils ne se soucient guere que l'on les estime patiens, pourveu que l'on les croye bien malades et affligés: imperfection certes propre aux enfans, et si je l'ose dire, aux femmes, et encor entre les hommes, à ceux qui sont d'un courage effeminé et peu courageux; car entre les genereux ceste imperfection ne s'y rencontre point. |
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A006000443 |
Ce n'est donc à autre dessein ni intention, bien que l'on n'y pense pas expressément, sinon à fin d'estre un peu plainte par ceste Sœur, et cela fait grand bien à l'amour propre. |
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A006000444 |
Je croy bien que vous prenez plus de plaisir et de confiance de dire vostre mal à celle qui n'est point chargée de vous faire prendre du soulagement qu'à celle qui a ce soin et ce pouvoir; car tandis que vous faites ainsi, chacun plaint ma Sœur telle, et se met-on en besogne pour pourvoir de remedes, au lieu que si vous le disiez à la Sœur qui a charge de vous, il faudroit entrer en sujetion de faire ce qu'elle ordonneroit: et cependant, c'est ceste benite sujetion que nous evitons tousjours de tout nostre cœur, l'amour propre recherchant d'estre gouvernante de nous-mesme et maistresse de nostre propre volonté. |
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A006000445 |
Mais voyant une Sœur qui a quelque peine en l'esprit, ou quelque incommodité, n'avoir pas la confiance ou le courage de se surmonter à vous le venir dire, et vous appercevant bien que, faute de le faire, cela la porte à quelque humeur melancolique, devez-vous l'attirer ou bien la laisser venir d'elle-mesme? A cela, il faut que la consideration gouverne; car quelque fois il faut condescendre à leur tendreté en les appellant et s'informant qu'il y a, et d'autres fois il faut mortifier ces petites bijarreries en les laissant, comme qui diroit: Vous ne voulez pas vous surmonter à demander le remede propre à vostre mal, souffrez-le donc, à la bonne heure; vous meritez bien cela.. |
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A006000447 |
A nous autres, il nous fait si grand bien de pleurer sur nos defauts; cela contente tant l'amour propre! Il faut, mes cheres filles, estre fort genereuses et ne s'estonner nullement de nous voir sujettes à mille sortes d'imperfections, et avoir neantmoins un grand courage pour mespriser nos inclinations, nos humeurs, bijarreries et attendrissemens, mortifiant fidelement tout cela en chaque rencontre. |
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A006000451 |
Mes cheres Sœurs, tout ce marrissement se fait par le commandement d'un certain pere spirituel qui s'appelle l'amour propre, qui commence à dire: Comment, avoir ainsi failli! qu'est-ce que dira ou pensera nostre Mere de moy? ô il ne faut rien esperer de bon de moy! je suis une pauvre miserable, je ne pourray jamais rien faire qui puisse contenter nostre Mere; et semblables belles doleances. |
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A006000451 |
O non, nos Sœurs ayment trop l'humilité et la mortification pour estre doresnavant melancoliques sur un leger soupçon, qui est peut estre sans fondement, qu'elles ne sont pas tant aymées comme leur amour propre leur fait desirer d'estre. |
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A006000453 |
Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontés; et partant il ne faut faire nul estat de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggerent, pourveu que nous fassions regner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Superieurs, voire des inferieurs et egaux, au dessus du nostre, le reduisant au petit pied; ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté, en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison [262] de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, dementant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter, pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit. |
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A006000454 |
Elles ne seront plus attachées aux caresses, puisque cela est contraire à la generosité de leur devotion, laquelle fera desormais qu'elles s'attacheront si absolument au desir de plaire à Dieu qu'elles ne regarderont plus autre chose, si elle n'est propre pour les avancer en l'accomplissement de ce desir. |
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A006000461 |
Ainsi il se sousmettoit en tout ce en quoy il n'y avoit point d'offense de Dieu, à la volonté de ses Freres, lesquels sans doute suivoyent leur inclination propre, mais encore plus particulierement les seculiers qui le faisoyent aussi tourner à toute main, selon leur volonté. |
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A006000465 |
Mais comment par parole? Le conseil de l'abnegation de soy-mesme, qu'est-ce autre chose sinon renoncer en toute occasion à sa propre volonté et à son jugement particulier, pour suivre la volonté d'autruy et se sousmettre à tous, excepté tousjours ce en quoy l'on offenceroit Dieu? Mais, pourriez-vous dire, je vois clairement que ce que l'on veut que je fasse procede d'une volonté humaine et d'une inclination naturelle; et partant, Dieu n'a pas inspiré ma Mere ou ma Sœur de me faire faire une telle chose. |
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A006000469 |
C'est voirement une chose bien dure à l'amour propre que d'estre sujet à toutes ces rencontres, Il est vray; mais ce n'est pas aussi cest amour là que nous devons contenter ni escouter, ains seulement le tres-saint amour de nos ames, Jesus, qui demande de ses cheres espouses une sainte imitation de la parfaite obeissance qu'il rendit, non seulement à la tres-juste et bonne volonté de son Pere, mais aussi à celle de ses parens, et qui plus est, de ses ennemis lesquels sans doute suivirent leurs passions aux travaux qu'ils luy imposerent; et cependant le bon Jesus ne laisse de s'y sousmettre doucement, humblement, amoureusement. |
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A006000470 |
Il ne dit pas qu'il se repose ni au matin, ni au soir, mais au midy, parce qu'au midy il n'y a point d'ombre; et le cœur de ceste grande Sainte estoit un vray midy, où il n'y avoit point d'ombre de scrupules ni de propre volonté, et partant son ame jouïssoit pleinement de son Bien-Aymé, lequel prenoit ses delices en elle. |
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A006000481 |
Il est vray, mes tres-cheres filles, qu'il se trouve des confesseurs fort doctes, qui ont confessé long temps et tres-dignement les seculiers, lesquels toutesfois n'entendront pas les Filles de la Visitation ni les personnes qui font profession d'une grande spiritualité, parce que les fautes sont si minces, et d'une certaine couleur assez difficile à discerner, qu'ils prendront des petites aversions pour des grosses malveillances, des petits destours d'amour propre pour des grands mensonges, des petites inclinations pour des attaches fort mauvaises. |
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A006000486 |
Toutefois, il ne se faut pas mettre en peine, car nous n'avons pas une perfection exempte d'amour propre qui nous fait tousjours faire quelque chose par cy par là. |
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A006000497 |
O jamais il ne faut s'amuser à ceste recherche; car nostre amour propre, qui ne dort jamais, nous dorera si bien la pillule qu'il nous fera accroire qu'elle est bonne; je veux dire qu'il nous fera voir qu'il est vray que nous avons certaines raisons lesquelles nous sembleront bonnes, et puis, celles-là estans approuvées de nostre propre jugement et de l'amour propre, il n'y aura plus de moyen de nous empescher de les trouver justes et raisonnables. |
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A006000500 |
Mais le mal d'où procede tout cecy est que nous cherchons tousjours nostre propre satisfaction, et non pas nostre plus grande perfection. |
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A006000504 |
Vous vous estonnez dequoy venant parler à la Superieure, elle vous dit quelque parole moins douce que l'ordinaire, parce qu'elle a peut estre la teste toute pleine de soucis et affaires; vostre amour propre s'en va tout troublé, au lieu de penser que Dieu a permis ceste petite secheresse à la Superieure pour mortifier vostre amour propre, qui recherchoit que la Superieure vous caressast un peu, recevant amiablement ce que vous luy vouliez dire. |
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A006000505 |
Mais si la Sœur estoit un peu troublée en le disant, la Superieure ne devroit pas faire semblant de rien, mais destourner ce propos, et neantmoins cacher l'abjection dans son cœur; car il faut bien prendre garde que nostre amour propre ne nous fasse perdre l'occasion de voir que nous sommes imparfaits, et de nous humilier. |
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A006000536 |
Ainsi ce divin Artisan se plaist à faire des beaux edifices avec du bois qui est fort tortu, et qui n'a aucune apparence d'estre propre à chose du monde. |
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A006000537 |
Et de cecy nous avons l'exemple de Judas, duquel nous ne pouvons douter qu'il ne fust bien appellé; car Nostre Seigneur le choisit et l'appella à l'apostolat de sa propre bouche. |
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A006000544 |
La seconde, que ces filles ayent l'esprit bon: or, quand je dis un bon esprit, je n'entends pas dire de ces grands esprits qui sont pour l'ordinaire vains et [327] pleins de propre jugement, de suffisance, et qui estans au monde estoyent des boutiques de vanité; qui viennent en Religion non point pour s'humilier, mais comme si elles y vouloyent faire des leçons de philosophie et theologie, voulant tout conduire et gouverner. |
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A006000546 |
L'on demande donc en premier lieu, s'il se trouvoit une fille qui fust fort sujette à se troubler pour des petites choses, et que son esprit fust souvent plein de chagrin et d'inquietude, et qu'elle ne tesmoignast parmi cela guere d'amour pour sa vocation, et que neantmoins, cela estant passé, elle promist de faire des merveilles, qu'est-ce qu'il faudroit faire? Il est tout certain qu'une telle fille estant ainsi changeante n'est pas propre pour la Religion; mais parmi tout cela ne veut-elle point estre guerie? car si cela n'est, il la faut congedier. |
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A006000548 |
Mais quand l'on void que ceste fille use de son propre jugement, et que sa volonté est seduite et gastée, perseverant à son dégoust, alors la chose est en mauvais estat et quasi sans remede; il la faut renvoyer.. |
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A006000557 |
Or, l'intention est pure lors que nous recevons les Sacremens, ou faisons quelque autre chose quelle qu'elle soit, pour nous unir à Dieu et pour luy estre plus agreables, sans aucun meslange de propre interest. |
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A006000557 |
[338] Mais si, au contraire, vous consentez à l'inquietude dequoy l'on vous a refusé de communier, ou dequoy vous n'avez pas eu de la consolation, qui ne void que vostre intention estoit impure, et que vous ne cherchiez de vous unir à Dieu, ains aux consolations, puisque vostre union avec Dieu se doit faire sous la sainte vertu d'obeissance? Et tout de mesme, si vous desirez la perfection d'un desir plein d'inquietude, qui ne void que c'est l'amour propre, qui ne voudroit pas que l'on vist de l'imperfection en nous? S'il estoit possible que nous peussions estre autant agreables à Dieu estans imparfaits comme estans parfaits, nous devrions desirer d'estre sans perfection, à fin de nourrir en nous par ce moyen la tres-sainte humilité.. |
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A006000560 |
Donnez-moy, dira un autre, ceste humilité qui est si propre pour donner bon exemple; mais d'humilité de cœur, qui nous fait aymer nostre propre abjection, ils n'en ont point de besoin, ce leur semble. |
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A006000565 |
Si vous devenez par le moyen de la tres-sainte Communion, fort douce (puisque c'est la vertu qui est propre à ce Sacrement, [343] qui est tout doux, tout suave, tout miel), vous retirerez le fruict qui luy est propre, et ainsi vous vous advancerez; mais si, au contraire, vous ne devenez point plus humble ni plus douce, vous meritez que l'on vous leve le pain, puisque vous ne voulez pas travailler.. |
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A006000565 |
Vous le cognoistrez si vous vous advancez par les vertus qui leur sont propres: comme si vous tirez de la Confession l'amour de vostre propre abjection et l'humilité, car ce sont les vertus qui luy sont propres; et c'est tousjours par la mesure de l'humilité que l'on recognoist nostre advancement. |
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A006000570 |
Et non seulement en ceste occasion, mais aussi entrant à tous nos exercices, à fin que nous apportions à chacun d'iceux l'esprit qui luy est propre; car il ne seroit pas à propos d'aller à l'Office comme à la recreation: à la recreation il faut porter un esprit amoureusement joyeux, et en l'Office, un esprit serieusement amoureux. |
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A006000617 |
C'est estre reliées à Dieu par la continuelle mortification de nous-mesmes, et ne vivre que pour Dieu, nostre propre cœur servant tousjours à sa divine Majesté, nos yeux, nostre langue, nos mains et tout le reste le servant continuellement. |
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A006000617 |
C'est pourquoy vous voyez que la Religion vous fournit de moyens tous propres à cest effet, qui sont l'oraison, les lectures, silence, retraitte du propre cœur pour se reposer en Dieu seul, elancemens continuels à Nostre Seigneur. |
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A006000622 |
Vos passions parfois vous font teste, et pour cela vous direz: Je ne suis pas propre pour la Religion à cause que j'ay des passions; non, mes cheres filles, il n'en va pas ainsi. |
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A006000623 |
On ne requiert pas de vous que vous n'ayez point de passions; il n'est pas en vostre pouvoir, et Dieu veut que vous les ressentiez jusques à la mort pour vostre plus grand merite; ni mesme qu'elles soyent peu fortes, car ce seroit dire qu'une ame mal habituée ne peut estre propre à servir Dieu. |
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A006000624 |
A ce propos, il me vient en pensée de vous raconter une histoire qui vous est propre. |
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A006000625 |
Pour celles que vous dites, ma Mere, qui ont de si grands desirs de leur perfection qu'elles veulent passer toutes les autres en vertu, elles font bien de consoler un peu leur amour propre; mais elles feront prou de suivre la Communauté en bien gardant leurs Regles, car c'est la droite voye pour arriver à Dieu. |
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A006000637 |
Or, ceste inquietude d'esprit que l'on a emmi les souffrances et maladies (à laquelle sont sujets non seulement les personnes du monde, mais aussi bien souvent les Religieux), part de l'amour propre et desreglé de soy-mesme. |
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A006000748 |
Le premier degré de l'humilité c'est la cognoissance de soy-mesme, c'est à dire lors que par le tesmoignage de nostre propre conscience et par la lumiere que Dieu respand dans nostre esprit, nous cognoissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misere et abjection. |
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A006000766 |
Dieu ne differe jamais sa misericorde lors que la confiance et diligence y operent; et il faut, pour obeir parfaitement, avoir mortifié son propre jugement.. |
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A006000769 |
Quand nous faisons des fautes il ne s'en faut point descourager, car cela ne provient que de l'amour propre; au contraire, nos imperfections nous doivent servir d'eschelle pour monter au Ciel. |
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A006000779 |
Il ne faut jamais penser qu'on aye bien fait une action, encor que nous l'ayons faite avec toute la perfection qu'il nous a esté possible, parce que nous ne sçavons pas ce qu'elle est devant Dieu; la propre volonté ne vaut rien devant luy. |
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A006000780 |
Les mortifications qui ne sont point apprestées à la sauce de nostre propre volonté sont les meilleures et plus excellentes, et aussi celles que l'on rencontre par les rues sans y penser et que l'on ne cherche pas, et celles qui nous sont journalieres quoy que petites.. |
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A006000810 |
« Je le veux bien, » dit-il, « mais il faut attendre que nostre Mere y soit.» Il s'estendit fort à parler du desnuement qu'il faut avoir en ces changemens-là: « Bien des larmes, » dit-il, « qui se jettent en ce temps-là, ne proviennent que d'amour propre, de flatterie et de la crainte que l'on a qu'on ne pense que l'on n'est pas de bon naturel et que l'on n'ayme pas assez; et tout cela ne sont que des petites dissimulations, où il y peut avoir du mensonge aussi bien qu'en nos paroles. |
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A006000814 |
Il nous dit que non, et qu'il aymoit mieux que la maison fust incommodée et eust besoin de quelque chose, que de permettre aux filles ces affections qui ne nourrissent que trop leur amour propre, non pas mesme pour la sacristie, quoy qu'elle fust pauvre. |
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A006000828 |
Il ne se faut pas mettre en peine de cela, car nous n'avons pas une perfection qui soit exempte d'amour propre qui ne nous fasse faire au moins quelque faute par cy par là; il ne s'en faut nullement estonner. |
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A006000837 |
L'accusation de nous-mesme ne nous sert de rien quand nous ne pouvons pas supporter d'estre reprise; et si volontairement nous n'aymons pas qu'on voye nos defauts, ce n'est qu'amour propre. |
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A006000895 |
[425] « L'amour propre, » dit-il, « se sert de ce pretexte-là. |
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A006000898 |
Il n'y a nul doute que l'on ne nourrisse bien son amour propre là dedans. |
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A006000898 |
Ouy, ma Sœur, nostre amour propre ayme tant que l'on voye la beauté de nostre esprit: ma Sœur est si douce quand elle est eslevée par dessus les autres et que personne ne luy dit rien; tout le monde remarque sa vertu. |
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A006000903 |
Tous ces desirs ne proviennent que de la nature et ne servent que d'inquietude aux esprits et à contenter nostre amour propre, sous le pretexte de faire beaucoup pour Dieu. |
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A006000904 |
Il est dangereux que l'amour propre nous le fasse dire, de crainte que nous avons de ne la pas bien faire, pour nous excuser quand nous viendrons à y manquer, à fin que l'on en soit adverti; cela est bien dangereux et suspect. |
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A006000911 |
Cela fait si grand bien à l'amour propre, à fin que l'on cognoisse que nous leur sommes bien obligées. |
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A006000969 |
En l'ancienne Loy, Dieu ne vouloit point que l'holocauste luy fust offerte, si premier elle n'estoit escorchée: de mesme, nos cœurs ne seront jamais si propres pour estre immolés et sacrifiés à l'honneur de la divine Majesté, que quand ils seront bien escorchés de leur vieille peau, qui sont nos habitudes, nos inclinations, nos repugnances, les affections superflues que nous avons sur nous-mesme et pour nostre propre volonté.. |
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A006000970 |
C'est icy où il y va du bon; car un acte de mortification fait avec une grande repugnance, est infiniment propre pour nous mettre fort avant en la perfection. |
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A006000972 |
Car, comme l'amour de la propre opinion, quand elle s'attache és choses de la foy, nous fait tomber en heresie et nous rend malheureux (comme il advint aux Anges qui, s'estans trop attachés à l'opinion qu'ils avoyent formée qu'ils devoyent estre quelque chose davantage qu'ils n'estoyent, furent par leur opiniastreté à soustenir et aymer leur opinion rendus, d'Anges glorieux, diables, eternellement damnés et eternellement attachés au mal, si que jamais plus ils ne s'en peuvent desprendre; où au contraire les Anges pour s'estre sousmis, se sont tellement attachés à Dieu que jamais ils n'en peuvent estre destachés, car ayans par la subtilité de leur esprit une fois penetré le fond de quelque verité ils n'en demordent jamais), de mesme, si nous n'apprenons à negliger et nous mocquer de la varieté de l'esprit humain, nous perdrons le temps à nous tourmenter en nous voyant si esloignés de ceste egalité apres laquelle nous aspirons, et de laquelle pourtant nous ne jouirons point absolument tandis que nous serons en ceste vie, ceste grace estant reservée aux esprits bienheureux là haut au Ciel. |
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A006000972 |
Il nous faut user du mesme remede pour nous divertir de ces petites tricheries d'humeur, de chagrin, d'aversion, que nous avons dit touchant la premiere question du renoncement de la |