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01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
  A001000132 

 Ayant continué quelque piece de tems la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans avoyr esté ouÿ des vostres que rarement, par pieces et a la desrobbëe, pour ne laysser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre en escrit quelques principales raysons, que j'ay choysi pour la plus part des sermons et traittés que j'ay faict cy devant a vive voix pour la defence de la foy de l'Eglise.

  A001000132 

 J'eusse bien desiré d'estr'ouÿ, aussy bien que les accusateurs, car les parolles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La [1] vive voix, » dict saint Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est bien plus justement porté dans le cœur par la vive parolle que par l'escrit.

  A001000133 

 L'escrit se laysse mieux manier, il donne plus de loysir a la consideration que la voix, [2] on y peut penser plus creusement.

  A001000134 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, la contenance, baillent lustr'a la parole; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne peut pas reussir en cest exercice: aussy ni eusse pas pensé, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eust sommé et donné le courage, ce que despuys plusieurs de mes principaux amis ont trouvé bon, l'advis desquelz je prise tant, que le mien n'a du tout point de creance vers moy qu'a faute d'autre..

  A001000134 

 Si faut il toutefois que je proteste, pour la descharge de ma conscience, que toutes ces considerations ne m'eussent jamais mis en resolution d'escrire; c'est un mestier juré, qui appartient aux doctes et plus polys entendemens.

  A001000135 

 Et puys bien dire, que je ne recueilleray jamais commandement avec plus de courage que je fis celuyla que Monseigneur le Reverendissime nostr'Evesque me fit, quand il m'ordonna, suyvant le saint desir de son Altesse dont il me mit en main la lettre, de venir icy pour vous apporter la sainte Parolle de Dieu: aussy ne pensois je de vous pouvoir jamais faire plus grand service.

  A001000135 

 Or je les vous addresse et presente de bon cœur, esperant que les occasions [4] qui vous destournent de m'ouÿr, n'auront point de force pour vous empecher de lire cest escrit, vous asseurant, au reste, que vous ne lires jamais escrit qui vous soit donné par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys.

  A001000135 

 [5] Le tems est mauvais, l'Evangile de paix peut a grand peyn'estre receu parmi tant de soupçons de guerre: si, ne me pers je pas de courage; les fruictz un peu tardifz se conservent beaucoup mieux que les printaniers; j'espere que si une fois Nostre Seigneur crie a vos oreilles son saint Epheta, ceste tardiveté reussira en beaucoup plus de fermeté..

  A001000143 

 J'eusse bien desiré que mes raysons eussent esté ouÿes, aussy bien comme les allegations des accusateurs, câr les paroles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La vive voix, » dict [1] S t Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est tousjours plus justement assigné dans le cœur par la vive parolle que par l'escriture.

  A001000144 

 Il asseurera chacun que je ne dis rien a Tonon que je ne veuille bien qu'on sache, si besoin estoit, a Necy et a Rome; dequoy ont besoin d'estr'asseurés ceux qui ne me tiennent pas pour Catholique par ce que je dis: que nos œuvres ne sont pas meritoires sinon entant quelles sont taintes au sang de N. S.; que le cors de N. S. est substantiellement, reellement et veritablement sous les especes de pain et de vin au tres st S. de Sac. de l'Eucharistie, mays non pas charnellement; que les Saints ont un'excellence beaucoup plus grande et de plus eminent calibre que les mortelz mondains, mays quelle n'a point d'autre proportion avec l'excellence divine que de la creature au Createur, du finy a l'infini; et semblables verités: c'est adire, que je presche la doctrine Catholique.

  A001000144 

 L'escrit se laisse mieux manier, il donne plus de loysir a la consideration que ne faict la voix, vous pourres [2] y penser plus creusement.

  A001000145 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, l'affection et contenance baillent lustr'a l'enseignement; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne reussira pas en cest exercice: aussy ny pensois je pas, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eut sommé et donné courage, a quoy despuys plusieurs de mes principaux amis m'ont poussé; en telles occasions je prise tant le jugement de mes amis que je ne me crois jamais moy mesme qu'a faute d'autre..

  A001000146 

 Je vous puys bien asseurer, car il est vray, que jamays vous ne lires escrit qui vous soit addressé par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys; et je puys dire que jamays je ne recueilliray commandement avec plus de courage, que je fis celluyla de M. le R me Ex mo Evesque, quand il m'ordonna, sur le bon playsir de son Altesse de laquell'il me mit la lettre en main, de venir icy pour vous apporter la sainte Parole de Dieu, comme sachant ne vous pouvoir faire plus ni de plus signalé service que celluy la, duquel dépend vostre Paradis.

  A001000146 

 Si, ne me pers je point de courage; les fruictz un peu tardifz se conservent beaucoup mieux que les printaniers; j'espere que si une fois N. S. crie a vos oreilles son saint Epheta, ceste tardiveté reussira en une plus grande fermeté..

  A001000161 

 Le premier surpasse le troisiesme en meschanceté, et le second surpasse d'autant plus le premier, quil contient le premier et le second ensemble, estant actif et passif tout ensemble, et que se massacrer et præcipiter soymesme est une cruauté plus desnaturëe que de tuer autruy..

  A001000162 

 Mays le scandale pris sans occasion tient le premier rang de [9] tous costés, le plus frequent, le plus dangereux et dommageable, et c'est de celluyla seul duquel Nostre Seigneur est object, es ames qui se sont mises en proÿe a l'iniquité.

  A001000162 

 Que sil se trouve des gens qui veuillent dire le contraire, il ne leur restera plus sinon de maudire leur Sauveur par [10] sa propre parolle: Malheur par qui vient le scandale.

  A001000163 

 .. Car l'Escriture quilz manient, le voysinage des vrays Chrestiens, les marques quilz voyent en la vraÿe Eglise, leur ostent tout'excuse de mise; de maniere que l'Eglise de laquelle ilz se sont separés leur peut mettre au devant les parolles de son Espoux: Recherches es Escritures esquelles vous penses avoir la vie eternelle, ce sont elles qui rendent tesmoignage de moy; et plus outre: Les œüvres que je fais au nom de mon Pere rendent aussy tesmoignage pour moy.

  A001000163 

 Or ce scandale icy se va diversifiant avec le tems, et comme mouvement violent se va tousjours plus affaiblissant en sa mauvaisetie: car, en ceux qui commencent la division et ceste guerre civile entre les Chrestiens, l'heresie est un scandale purement pris, passif ab intrinseco, et ni a point de mal en l'heresiarque qui ne soit du tout puysé [en] sa volonté, personne ny a part que luy; le scandale des premiers quil desbauche tumbe desja en partage, mais inegalement, car l'heresiarque y a sa part a cause de sa sollicitation, les desbauchés y en ont une, d'autant plus grande quilz ont eu moins d'occasion de le suyvre; puys, l'heresie ayant pris pied, ceux qui naissent parmi les hæretiques de parens hæretiques ont tousjours [11] moins de part a la faute: mays il n'arrive jamais que aux uns et aux autres il ni ayt beaucoup de leur faute, et particulierement en ceux de nostr'aage, qui quasi tous sont en scandale presque purement passif [pris].

  A001000164 

 Prenes neantmoins a gré je vous prie, Messieurs de Thonon, cest escrit, et quoy que vous en ayes veu plusieurs autres mieux faictz et plus riches, arrestes un peu vostr'entendement sur cestuy ci, que peut estre sera il plus sortable a vostre complexion que les autres; car son air est du tout Savoysien, et l'une des plus prouffitables receptes et derniers remedes c'est le retour a l'air naturel: si cestuyci ne prouffite, on vous en monstrera d'autres plus purs et subtilz.

  A001000164 

 Tant de grans personnages ont escrit en nostre aage, que la posterité n'a quasi plus rien a dire, mays seulement a considerer, apprendre, imiter, admirer: je ne diray donques rien icy de nouveau, et ne voudrois pas fair'autrement; tout est ancien, et ny a presque rien du mien que le fil et l'eguille, le reste ne m'a cousté que le descoudre et recoudre a ma façon, avec cest'advis de Vincent le Lirinois, c. 22.

  A001000164 

 Tout ce que tant de doctes hommes ont escrit tend la et y revient, mays non pas a droit fil, car chacun se propose un chemin particulier a tenir: je tascheray de reduyre toutes les lignes de mon discours a ce point, comm'au centre, le plus justement que je pourray; et la premiere Partie servira quasi egalement pour toutes sortes d'heretiques, la seconde s'addressera plus a ceux a la reunion desquels nous avons plus de devoir.

  A001000170 

 .. Et l'un et l'autre, qui donne le scandale et qui le prend, sont tres mauvais, mays qui le prend sans quil luy soit presenté est dautant plus cruel que celuy qui le donne, [que se] precipiter soymesme est crime plus desnaturé que de tuer un autre.

  A001000170 

 Et les uns et les autres, qui scandalize, qui se laysse scandalizer, et qui se scandalize, sont inexcusables et [8] mauvais, mays inégalement: car, qui se laysse scandalizer monstre plus d'infirmité, qui scandalize a de la malice, et qui se scandalize en a l'extremité.

  A001000170 

 Le 2. empire sur le 1., mays le troysiesme empire d'autant plus sur le 2 d, que se massacrer et précipiter soymesme est une cruauté plus desnaturëe que de tuer les autres..

  A001000172 

 Essayes un peu, sil vous plait, ce changement; que sil n'allege point vostre mal, encor pourres vous passer ailleurs, en d'autres plus subtilz et apetissans, [13] car il y en a, Dieu mercy, en ce pais, de toutes sortes.

  A001000179 

 .. Nous pouvons prattiquer si exactement l'enseignement de Plutarque, quon doit retirer utilité de son hayneur, que le peché mesme, nostre capital ennemy et le sauverain mal du monde, nous peut remettr'en connoissance de nous mesmes, en humilité et contrition, et la cheute de l'homme de bien le faict marcher par après plus droit et plus advisé: tant est veritable la parole de S t Pol: Nous sçavons que toutes choses aydent a bien a ceux qui ayment Dieu..

  A001000179 

 Il ny a rien dont la Saint'Escriture donne plus d'advertissemens, les histoires plus de tesmoignage, nostre sayson plus d'experience, que de la facilité avec laquelle l'homme se scandalise, et laquell'est si grande quil ny a chose, tant bonne soit elle, delaquelle il ne tire quelqu'occasion de sa ruyne: miserabl'a la verité quil est, puys que ayant en toutes choses moyen de retirer prouffit, il les tourne et les prend tout expres au biais de sa perte et malheur.

  A001000180 

 Non ja que le peché estant en nous proufite, ou ny estant plus puysse y operer quelque bien, car le peché est mauvais tout au long, mays nous pouvons y faire naistre des occasions de beaucoup de bien, lesquelles il ne produiroit jamais de soymesme: semblables aux abeilles lesquelles vindrent faire leur miel dans la puante caroigne du fier lion que Samson avoit egorgé.

  A001000199 

 Est il pas plus honnorable de conceder a la puyssance de Jesuchrist le pouvoir faire le S t Sacrement, comme le croit l'Eglise, et a sa bonté le vouloir faire, que non pas le contraire? sans doute que c'est la plus grande gloire de N. S.; et par ce que nostre cerveau ne le peut comprendre, pour seconder nostre cerveau omnes quærunt quæ sua sunt, non quœ Jesu Christi..

  A001000242 

 Mays comme pouvies vous croire ces nouvelles si tost, que sans leur faire monstrer leur charge et commission bien authentiquëe, vous commençates de premier abord a ne reconnoistre plus ceste Reyne pour vostre princesse, et a crier par tout que c'estoit un'adultere? Ilz couroyent ça et la semer ces nouvelles, mays qui les en avoit chargés? On ne se peut enrooler sous aucun [22] capitaine sans l'adveü du prince chez lequel on demeure: et comment fustes vous si promps a vous enrooler sous ces premiers ministres, sans sçavoir si vos pasteurs qui estoyent en estre l'advoüeroient? mesme que vous sçavies bien quil vous sortoit hors de l'estat dans lequel vous esties nés et nourry.

  A001000243 

 La mission est donques necessaire; vous ne le nieres pas, si vous ne sçaves quelque chose plus que vos maistres..

  A001000244 

 Mays je vous vois venir en trois esquadrons: car, les uns d'entre vous diront quilz ont eu vocation et mission du peuple et magistrat seculier et temporel; les autres de l'Eglise; comment cela? parce, disent ilz, que [24] Luther, Œcolampade, Bucer, Zuingle et autres estoyent prestres de l'Eglise comme les autres; les autres, enfin, qui sont les plus habiles, disent quilz ont estés envoyés de [Dieu] mais extraordinayrement.

  A001000257 

 En fin, qui est moindre est beny par le plus grand, comme dict S t Pol: les peuples donques ne peuvent pas envoyer les pasteurs, car les pasteurs sont plus que les brebis, et la mission ne se faict pas sans benediction.

  A001000259 

 Les peuples n'ont donques peu donner mission ou commission legitime a ces nouveaux Embassadeurs; mays je dis plus, qu'encor quilz eussent peu ilz ne l'ont pas faict.

  A001000273 

 .. Voicy leur plus asseurëe retraitte, laquelle, par ce quell'est commune a toutes sortes d'heretiques, merite d'estre attaquee a bon escient, et ruynee sans dessus dessous.

  A001000273 

 Ces raysons sont si vives, que les plus asseurés des vostres ont pris party ailleurs qu'en la mission ordinayre, et ont dict quilz estoyent envoyés extraordinairement de Dieu, par ce que la mission ordinaire avoit esté gastëe et abolie, quand et quand la vraÿe Eglise,.. sous la tirannie de l'Antichrist.

  A001000274 

 Comment donques se voudront excuser et relever de ceste preuve pour leur mission ceux qui en nostr'aage en veulent avancer un'extraordinaire? quel privilege ont ilz plus qu'Apostolique et Mosaique? Que diray je plus? Si nostre sauverain Maistre, consubstantiel au Pere, duquel la mission est si authentique qu'elle presuppose [30] la communication de mesm'essence, luy mesme, dis je, qui est la source vive de toute mission Ecclesiastique, n'a pas voulu s'exempter de ceste preuve de miracles, quelle rayson y a il que ces nouveaux ministres soyent creus a leur seule parole? Nostre Seigneur allegue fort souvent sa mission pour mettre sa parole en credit: Comme mon Pere m'a envoyé, je vous envoÿe.

  A001000274 

 Vrayement Moyse monstre bien la necessité de ceste preuve a qui veut parler extraordinairement; car, ayant a demander le don d'eloquence a Dieu, il ne le demande qu'apres avoir le pouvoir des miracles, monstrant quil est plus necessaire d'avoir l'authorité de parler que d'en avoir la promptitude.

  A001000275 

 Comment donques authorizeroit il deux sortes de pasteurs, l'une extraordinaire, l'autre ordinaire? [31] Quand a l'ordinaire qu'elle soit authorisëe, cela est certain; quand a l'extraordinaire, nous le præsupposons: ce seroyent donques deux eglises differentes, qui est contre la plus pure parole de Nostre Seigneur, qui n'a qu'une seul'espouse, qu' une seule colombe, qu'une seule parfaitte.

  A001000276 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A001000276 

 [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A001000283 

 Au moins ne se devroyent ilz pas exempter de produyre des miracles sur une telle mutation, quoy que vous tiries prætexte de l'Escriture; puysque Nostre Seigneur ne s'en exempta pas, comme j'ay monstré cy dessus, encores que le changement quil faysoit fut puysé de la plus pure source des Escritures.

  A001000283 

 Mays ou me monstreront ilz que l'Eglise doive jamais plus recevoir un'autre forme, ou semblable reformation, que celle qu'y fit Nostre Seigneur?.

  A001000283 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaïque, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A001000298 

 Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut prætendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et tres chere Espouse du Roy celeste; qui rend vostre separation d'autant plus inexcusable.

  A001000298 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A001000300 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A001000302 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A001000302 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A001000307 

 Esaïe, parl'ainsy d'elle: Ce vous sera une voÿe droite, si que les folz ne s'egareront point par icelle; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir?.

  A001000308 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A001000314 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A001000317 

 De mesme, quand saint Pierre appelle l'Eglise mayson spirituelle, c'est par ce que tout ce qui part de [48] l'Eglise tend a la vie spirituelle, et que sa plus grande gloire est interieure, ou bien par ce que ce n'est pas une mayson faitte de chaux et sable, mays une mayson mistique de pierres vivantes, ou la charité sert de ciment..

  A001000318 

 Responce: Le royaume de Dieu, en ce lieu la, c'est Nostre Seigneur avec sa grace, ou, si vous voules, la compaignie de Nostre Seigneur pendant quil fut au monde, dont il s'ensuit: Car voicy le royaume de Dieu est parmi vous; et ce royaume icy ne comparut pas avec l'apparat et le fast d'une magnificence mondayne, comme les Juifz croyoyent; et puys, comm'on a dict, le plus beau joyau de ceste fille royale est caché au dedans, et ne se peut voir..

  A001000319 

 Quand a ce que saint Pol a dict aux Hebrieux, que nous ne sommes pas venus vers une montaigne maniable, comme celle de Sina, mays vers une Hierusalem cæleste, il ne faict pas a propos pour faire invisible l'Eglise; car saint Pol monstre en cest endroit que l'Eglise est plus magnifique et enrichie que la Sinagogue, et qu'elle n'est pas une montaigne naturelle comme celle de Sina, mays mistique, dont il ne s'ensuit aucune invisibilité: outre ce qu'on peut dire avec rayson quil parle vrayement de la Hierusalem cæleste, c'est a dire de l'Eglise triomphante, dont il y adjouste, la frequence des Anges, comme sil vouloit dire qu'en la vielle Loy Dieu fut veu en la montaigne en une façon espouvantable, et que la nouvelle nous conduit a le voir en sa gloire la haut en Paradis..

  A001000320 

 Aussy voit on l'Eglise, mays non sa sainteté interieure, on voit ses yeux de colombe, mays on croit ce qui est caché au dedans, on voit sa robbe richement recamëe en belle diversité avec ses houppes d'or, mays la plus claire splendeur de sa gloire est au dedans, que nous croyons; il y a en ceste royale Espouse de quoy repaistre l'œïl interieur et exterieur, la foy et le sens, et c'est tout pour la plus grande gloire de son Espoux..

  A001000320 

 En fin, voyci l'argument que chacun crie estre le plus fort: je crois la sainte Eglise Catholique; si je la crois ne la vois pas; donques ell'est invisible.

  A001000320 

 I a il rien de plus foible au monde que ce fantosme de rayson? Les Apostres n'ont ilz pas creu Nostre Seigneur estre ressuscité, et l'ont ilz pas veu? Par ce que tu m'as veu, dict il luymesme a saint Thomas, tu as creu; et pour [49] le rendre croyant il luy dict: Voys mes mains, et apporte ta main et la metz dans mon costé, et ne soys plus incredule mais fidele: voyes comme la veüe n'empesche pas la foy, mays la produict.

  A001000326 

 Pour rendre l'invisibilité de l'Eglise probable chacun produit sa rayson, mays la plus triviale que je voÿe c'est de s'en rapporter a l'eternelle prædestination.

  A001000334 

 Mays quand auroys je faict, si je voulois entasser icy les noms de tant d'Evesques et prælatz lesquelz, apres avoir estés legitimement colloqués en cest office et dignité, sont decheuz de leur premiere grace, et sont mortz hæretiques? Qui vit jamays rien de si saint pour un simple prestre qu'Origene, de si docte, si chaste, si charitable? Il ni a celuy qui puysse lire ce qu'en escrit Vincent le Lyrinois, l'un des plus polys et doctes escrivains ecclesiastiques, et fayre consideration de sa damnable viellesse apres une si admirable et sainte vie, qui ne soit tout esmeu de compassion, de voir ce grand et valoureux nocher, apres tant de tempestes passëes, apres tant et de si riches traffiques quil avoit faict avec les Hebreux, Arabes, Chaldeens, Grecz et Latins, revenant plein d'honneur et de richesses spirituelles, fayre naufrage et se perdre au port de sa propre sepulture.

  A001000334 

 Or quell'absurdité seroit ce, je vous prie, si les seulz esleuz estoyent de l'Eglise? il s'ensuyvroit ce qu'ont dict les Donatistes, que nous ne pourrions pas connoistre nos prælatz, et par consequent ne leur pourrions rendre l'obeissance: car, comme connoistrions nous si ceux qui se diroyent prælatz et pasteurs seroyent de l'Eglise? puysque nous ne pouvons connoistre qui est prædestiné et qui non d'entre les vivans, comm'il se dira ailleurs; et s'ilz ne sont de l'Eglise, comme y peuvent ilz tenir le lieu de chefz? ce seroit bien un monstre des plus estranges qui se peut voir que le chef de l'Eglise ne fut de l'Eglise.

  A001000334 

 Qui oseroit dire quil n'eust esté de la vraÿe Eglise, luy [qui] avoit tousjours combattu pour l'Eglise, et que toute l'Eglise honnoroit et tenoit pour l'un de ses plus grans docteurs? et quoy? le voyla en fin hæretique, excommunié, hors de l'Arche, perir au deluge de sa [53] propr'opinion.

  A001000352 

 Je seray d'autant plus brief icy, que ce que je deduyray au chapitre suyvant sert d'une forte preuve a ceste creance de l'immortalité de l'Eglise et de la perpetuité d'icelle.

  A001000353 

 Ignores vous que Nostre Seigneur se soyt acquis l'Eglis'en son sang? et qui pourra la luy lever? [61] penses vous quil soit plus foible que son adversaire? ah, je vous prie, parlons honorablement de ce cappitaine; et qui donques ostera d'entre ses mains son Eglise? peut estre dires vous quil peut la garder mais quil ne veut; c'est donq sa providence, sa bonté, sa verité que vous attaques..

  A001000353 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur mesme: Si je suys une foys eslevé de terre j'attireray a moy toutes choses? a il pas esté eslevé en la Croix? a il pas souffert? et comme donques auroyt il layssé aller l'Eglise quil avoit attirëe, a vau de route? comm'auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le prince du monde, le diable, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans pour revenir maistriser mill'ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? estes vous arbitres de si bonne foy que de vouloir si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre desormays un'alternative entre sa divine bonté et la malice diabolique? Non, non, quand un fort et puyssant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despoüille.

  A001000355 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondëe en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie filz de David, en la personne du Pere eternel) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles et son trosne comme les jours du ciel, c'est a diré, autant que le ciel durera; Daniel l'apelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement, l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin, et parle de l'Eglise comme nous le prouvons ailleurs; Isaïe avoit il pas predict en ceste façon de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peché il verra une longue race, c'est a dire, de longue durëe? et ailleurs: Je feray un'alliance perpetuelle avec eux; apres: Tous ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les connoistront? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de revoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpetuité? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contr'elle? et comme verifiera-on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, comme l'entendrons nous si voulons dire que l'Eglise puisse perir?.

  A001000358 

 Et qui donques sera si osé de dire que cest'Eglise est morte, il accuse la bonté, la diligence et le sçavoir de ce grand reformateur, et qui se croit estre le reformateur ou resuscitateur d'icelle, il s'attribue l'honneur deu a un seul Jesuchrist, et se faict plus qu'Apostre.

  A001000358 

 Mays, je vous prie, si cest'Espouse fut morte apres que du costé de son Espoux endormy sur la Croix ell'eust premierement la vie, si elle fut morte, dis je, qui l'eust resuscitëe? Ne sçait on pas que la resurrection des mors n'est pas moindre miracle que la creation, et beaucoup plus grand que la continuation et conservation? Ne sçait on pas que la reformation de l'homme [est] un bien plus profond mistere que la formation, et qu'en la formation Dieu dict, et il fut faict? il inspira l'ame vivante, et il ne l'eut pas si tost inspirëe que ce celest'homme commença a respirer; mays en la reformation Dieu employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, mourut mesme sur ceste reformation.

  A001000378 

 Je ne veux plus ramener tant de passages ja cottés cy dessus, ou l'Eglis'est dicte semblable au soleil, lune, arc en ciel, a une reyne, a une montaigne aussy grande que le monde, et un monde d'autres; je me contenteray de vous mettr'en teste deux grans colonnelz de l'ancienne Eglise, des plus vallians qui furent onques, saint Augustin et saint Hierosme..

  A001000378 

 Les Anciens avoyent sagement dict que bien sçavoir reconnoistre la difference des tems es Escritures estoyt une bonne regle pour bien les entendre, a faute dequoy les Juifz a tous coupz s'æquivoquent, attribuantz au premier advenement du Messie ce qui est proprement dict du second, et les adversaires de l'Eglise encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire jusqu'a cest aage qu'elle doit estre du tems de l'Antichrist.

  A001000378 

 Mays qui ne voit que tout ce passage respire la fin du monde et la persecution de l'Antichrist? le tems y estant determiné expressément de trois ans et demy, et en Daniel aussy; et qui voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escriture a determiné, contrediroit tout ouvertement a Nostre Seigneur, qui dict quil sera plus tost accourcy, pour l'amour des esleuz.

  A001000379 

 David avoit dict: Le Seigneur est grand et trop plus loüable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne d'iceluy.

  A001000379 

 Les Donatistes (les Calvinistes) rencontrent le mont, et [69] quand on leur dict, montés, ce n'est pas une montaigne, ce disent ilz, et plus tost y donnent et l'heurtent du front que d'y chercher une demeure.

  A001000379 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a remply toute la face de la terre.

  A001000380 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cittés du diable, et en fin, a sçavoir en la consommation des siecles, les idoles comme seront ilz abbatus? Si Nostre Seigneur n'a point eu de l'Eglise, ou s'il l'a eu en la seule Sardigne, certes il est trop appauvry.

  A001000388 

 .. Qui ouyt jamais deviser d'une academie ou chacun enseignat, personne ne fut auditeur? Telle seroit la republique Chrestienne si les particuliers... Car si l'Eglise mesme erre, qui n'errera? et si chacun y erre, ou peut errer, a qui m'addresseray je pour estre instruit? A Calvin? mays pourquoy plus tost qu'a Luther, ou a Brence, ou au Pacimontain? Nous ne sçaurions donques ou recourir en nos difficultés si l'Eglis'errait.

  A001000388 

 Mays quelle plus dommageable et temerayre persuasion pouvoyent ilz faire au Christianisme que cellela? Si donques l'Eglise peut errer, o Calvin, o Luther, a qui auray je recours en mes difficultés? a l'Escriture, disent ilz: mays que feray je, pauvr'homme? car c'est sur l'Escriture mesme ou j'ay difficulté; je ne suys pas en doute s'il faut adjouster foy a l'Escriture ou non, car qui ne sçait que c'est la parole de verité? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de cest'Escriture, ce [73] sont les consequences d'icelle, lesquelles estans sans nombre, diverses et contraires sur un mesme sujet, ou qu'un chacun prend parti qui en l'une qui en l'autre, et que de toutes il ny en a qu'une salutaire, ah, qui me fera connoistre la bonne d'entre tant de mauvaises? qui me fera voir la vraye verité au travers de tant d'apparentes et masquëes vanités? Chacun se voudroit embarquer sur le navire du Saint Esprit, il ny en a qu'un, et celuy la seul prendra port, tout le reste court au naufrage; ah, quel danger de mesprendre: l'egale ventance et asseurance des patrons en deçoit la plus part, car tous se ventent d'en estre les maistres.

  A001000389 

 L'Eglise a condamné Berengaire; quicomque en veut debattre plus avant je le tiens comm'un payen et peager, affin d'obeir a mon Seigneur, qui ne me laysse pas en liberté en cest endroit, mays me commande: Tiens le comm'un payen et peager..

  A001000389 

 Mays qui considerera le tesmoignage que Dieu a donné pour l'Eglise, si authentique, il verra que dire, l'Eglise erre, n'est autre sinon dire, Dieu erre, ou se plaict et veut qu'on erre, qui seroit un grand blaspheme: car, n'est ce pas Nostre Seigneur qui dict: Si ton [frere] a peché (contre toy), dis le a l'Eglise; que si quelqu'un n'entend l'Eglise, quil te soit comme ethnique [74] et peager? Voyes vous comme Nostre Seigneur nous renvoÿe a l'Eglise en nos differens, et quelz qu'ilz soyent? mays combien plus es injures et differens plus importans? certes, si je suys obligé, apres l'ordre de la correction fraternelle, d'aller a l'Eglise pour fayre amander un vicieux qui m'aura offencé, combien plus seray je obligé d'y deferer celuy qui apelle toute l'Eglise Babilone, adultere, idolatre, mensongere, parjure? d'autant plus principalement qu'avec ceste sienne malveillance il pourra desbaucher et infecter tout'une province, le vice d'heresie estant si contagieux que comme chancre il se va tousjours traynant plus avant pour un tems.

  A001000389 

 Que si elle peut errer, ce ne sera plus moy, ou l'homme, qui nourrira cest erreur au monde, ce sera nostre Dieu mesme qui l'authorisera et mettra en credit, puysqu'il nous commande d'aller a ce tribunal pour y ouyr et recevoir justice: ou il ne sçait pas ce que s'y faict, ou il nous veut decevoir, ou c'est a bon escient que la vraÿe justice s'y administre, et les sentences sont irrevocables.

  A001000390 

 Respondre que saint Pol veut dire que l'Escriture a esté remise en garde a l'Eglise, et rien plus, c'est trop ravaler la similitude quil propose, car c'est bien autre chose, soustenir la verité, que, garder l'Escriture.

  A001000397 

 Calvin se voudroit bien couvrir par une distinction, disant que l'Eglise peut errer en choses non necessaires au salut, non es autres, mays Beze confesse librement qu'ell'a tant erré [77] qu'elle n'est plus Eglise; et cela n'est ce pas errer en choses necessaires au salut? mesme quil avoüe qu'hors l'Eglise il ni a point de salvation.

  A001000397 

 Il s'ensuit donques de son dire, quoy quil se tourne et contourne de tous costés, que l'Eglis'a erré es choses necessaires a salut: car, si hors l'Eglise on ne trouve point de salut, et l'Eglise a tant erré qu'elle n'est plus Eglise, certes en elle ni a point de salut; or est il qu'elle ne peut perdre le salut que se destournant des choses necessaires a salut, ell'a donq failly en choses necessaires a salut: autrement, ayant ce qui est necessaire a salut elle seroit la vraÿe Eglise, ou on se sauveroit hors la vraÿe Eglise, qui ne se peut.

  A001000405 

 Jovinien, au tesmoignage de saint Augustin (l. De hæresibus, ad quodvult Deus, c. 82.), vouloit qu'on mangeast en tout tems et contre toute prohibition toutes sortes de viandes, disoit que les jeusnes n'estoyent point meritoires devant Dieu, que les sauvés estoyent esgaux en gloire, que la virginité n'estoit rien plus que le mariage, et que tous les pechés estoyent egaux: chez vos maistres on enseigne le mesme..

  A001000415 

 Ah, je vous prie, n'est ce pas fouler aux pieds la majesté de l'Eglise, que de produyre comme reformations et reparations necessaires et saintes, ce qu'ell'a tant abominé lhors qu'elle estoit en ses plus pures annëes, et qu'ell'avoyt terrassé comm'impieté, ruyne et degast de la vraÿe doctrine? L'estomac delicat de ceste celeste Espouse n'avoit pieça peu soustenir la violence de ces venins, et l'avoit rejetté avec tel effort que plusieurs veynes de ses Martirs en estoyent esclattëes, et maintenant vous le luy repræsentes comm'une præcieuse medecine.

  A001000415 

 Imagines vous donques ceste [82] venerabl'antiquité, au ciel au tour du Maistre, qui regardent vos reformatoyres: ilz y sont allés combattans les opinions que les ministres adorent, ilz ont tenuz pour hæretiques ceux dont vous suyves les pas; penses vous que ce quilz ont jugé erreur, hæresie, blaspheme es Arriens, Manicheens, en Judas, ilz le trouvent maintenant sainteté, reformation, restauration? Qui ne voit que c'est icy le plus grand mespris qu'on peut fair'a la majesté de l'Eglise? Si vous voules venir a la succession de la vraye et sainte Eglise de ces premiers siecles, ne contrevenes donq pas a ce qu'ell'a si sollemnellement establi et constitué.

  A001000415 

 Les Peres que j'ay cité ne les eussent jamais mis au roole des hæretiques s'ilz n'eussent veu le cors de l'Eglise les tenir pour telz; c'estoyent des plus orthodoxes, et qui estoyent confederés a tous les autres Evesques et Docteurs catholiques de leur tems, qui monstre que ce quilz tenoyent pour hæretique l'estoyt a bon escient.

  A001000415 

 Or sus, ceste seul'alliance d'opinions, ou pour mieux dire, cest estroit parantage et consanguinité, que vos premiers maistres avoyent avec les plus cruelz, enviellis et conjurés ennemis de l'Eglise, vous devoyt elle pas destourner de les suyvre et vous renger sous leurs enseignes? Je n'ay cotté pas un'hæresie qui n'ait esté tenue pour telle en l'Eglise que Calvin et Beze confessent avoir esté vraÿe Eglise, a sçavoir, es premiers cinq cens du Christianisme.

  A001000425 

 Je vous demande, Messieurs les clair voians, qui ne voules pas qu'en l'Eglise il y ait un chef, me sçauries vous donner exemple de quelque gouvernement d'apparence auquel tous les gouvernemens particuliers ne se soyent rapportés a un? Il faut laisser a part les Macedoniens, Babiloniens, Juifz, Medes, Perses, Arabes, Siriens, François, Espagnolz, Anglois, et un'infinité des plus remarquables, esquelles la chose est claire.

  A001000425 

 La plus belle partie du monde fut une fois de la republique des Romains, mais une seule Romme gouvernoit, une seule Athenes, Cartage, et ainsy des autres anciennes, une seule Venise, une seule Gennes, une seule Lucerne, Fribourg et autres.

  A001000425 

 Mays ce Maistre et Pere de famille, s'en allant a la dextre de Dieu son Pere, ayant laissé plusieurs serviteurs en sa mayson, il voulut en laisser un qui fust serviteur en chef, et auquel les autres se rapportassent; ainsy dict Nostre Seigneur: Quis putas est servus fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam? Et de vray, sil ni avoit un maistre valet en une boutique, penses comme le trafiq iroit, sil ni avoit un roy en un roiaume, un paron en un navire, et un pere de famille en une famille, et de vray ce ne seroit plus une famille; mays escoutes Nostre Seigneur, S t Mat.

  A001000433 

 sur saint Luc, dict que les premieres paroles, beati, s'entendent de tous, mais les secondes, quis putas, s'entendent des Evesques, et beaucoup plus proprement du sauverain.

  A001000434 

 De plus, Nostre Seigneur demande que ce serviteur soit prudent et fidele, et saint Pierre a bien ces deux conditions: car, la prudence comme luy peut elle manquer, puysque ni la chair ni le sang ne le gouverne poinct, mais le Pere celeste? et la fidelité comme luy pourroit elle fallir, puysque Nostre Seigneur [dit]: Rogavi pro te ut non deficeret fides tua? lequel il faut croire que exauditus est pro sua reverentia, de quoy il donne bien bon tesmoignage quand il adjouste, Et tu conversus confirma fratres tuos, comme s'il vouloit dire: j'ay prié pour toy, et partant sois confirmateur des [88] autres, car pour les autres je n'ay pas prié sinon quilz eussent un refuge asseuré en toy..

  A001000443 

 Escoutes saint Mathieu; il dict que Nostre Seigneur y jettera une pierre esprouvëe: quelle preuve voules vous autre que cellela, Quem dicunt homines esse Filium hominis? question difficile, a laquelle saint Pierre, expliquant le secret et ardu mistere de la communication des idiomes, respond si pertinement que rien plus, et faict preuve quil est vrayement pierre, disant, Tu es Christus, Filius Dei vivi..

  A001000458 

 Il ne se peut donques faire que la vraye Eglise soit en dissention ou division de creance et doctrine, car Dieu n'en seroit plus autheur ni espoux, et, comme royaume divisé en soy mesme, elle periroit.

  A001000464 

 « Il faut, » ce dict saint Irenee, « que tous les fidelles s'assemblent et viennent joindre a l'Eglise Romaine, pour sa plus puissante principauté.

  A001000465 

 Au contraire, Messieurs, vos premiers maistres n'eurent pas plus tost esté sus pied, ilz n'eurent pas plus tost pensé de se bastir une tour de doctrine et de science qui allast toucher a descouvert dans le ciel, et leur acquist la grande et magnifique reputation de reformateurs, que Dieu, voulant empescher cest ambitieux dessein, permit entre eux une telle diversité de langage et de creance, qu'ilz commencerent a se cantonner qui ça qui la, si que toute leur besoigne ne fut qu'une miserable Babel et confusion.

  A001000466 

 Ne sçaves pas que l'un de vos plus grans ministres dict a Poissy que le Cors de Nostre Seigneur estoit « aussi loin de la cene que la terre du ciel »? et ne sçaves pas encores que cela est tenu pour faux par plusieurs des autres? l'un de vos maistres n'a il pas confessé dernierement la realité du Cors de Nostre Seigneur en la cene, et les autres la nient ilz pas? Me pourres vous nier, qu'au fait de la [95] justification vous soyes autant divisés entre vous autres comme vous Testes d'avec nous? tesmoin l' Anonyme disputateur.

  A001000495 

 Or sus, que dires vous a cecy? dires vous que l'Antichrist fera des miracles? Saint Pol atteste qu'ilz seront faux, et pour le plus grand que saint Jan produit, c'est qu'il fera descendre le feu du ciel.

  A001000496 

 que les miracles de l'Antichrist ne sont pas telz que ceux que nous produisons pour l'Eglise, et partant ne s'ensuit pas que, si ceux la ne sont pas Marque d'Eglise ceux cy ne le soyent pas aussi; ceux la seront monstrés faux et combattus par des plus grans et solides, ceux cy sont solides, et personne n'en peut opposer de plus asseurés.

  A001000501 

 Mays quand vous dites que vous n'aves besoin de miracles parce que vous ne voules establir une foy nouvelle, dites moy donq encores si saint Augustin, saint Hierosme, saint Gregoire, saint Ambroise et les autres preschoyent une nouvelle doctrine, et pourquoy donq se faisoit il tant de miracles et si signalés comme ilz produisent? Certes, l'Evangile estoit mieux receu au monde qu'il n'est maintenant, il y avoit de plus excellens pasteurs, plusieurs martyres et miracles avoyent precedé, mays l'Eglise ne laissoit pas d'avoir encores ce don des miracles, pour un plus grand lustre de la tres [106] sainte Religion.

  A001000502 

 Ne dites plus cela, je vous prie, [que] vous aves le metail et calibre; la foy, les Sacremens, sont ce pas des ingrediens necessaires pour la composition de l'Eglise? et vous aves tout changé, et de l'un et de l'autre; vous estes donques faux monnoyeurs, si vous ne monstres le pouvoir que vous pretendes de battre sur le coin du Roy telz calibres.

  A001000502 

 Que si vous voulies dire qu'alhors elle estoit plus nouvelle que maintenant, je vous respondrois, qu'une si notable interruption comme est celle que vous pretendes, de 900 ou mille ans, rend ceste monnoye si estrange que si on n'y voit en grosses lettres les caracteres ordinaires, l'inscription et l'image, nous ne la recevrons jamais.

  A001000515 

 Je nommeray seulement ceux cy plus recens: saint Bernard, saint François, saint Dominique, [109] saint Anthoyne de Padoue, sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, qui furent tres asseurés Catholiques; les Saintz desquelz j'ay parlé cy dessus sont du nombre, et en nostre aage, Gaspard Berzee et François Xavier.

  A001000523 

 Puys, parlant de la vefve: Qu'elle se marie a qui elle voudra, pourveu que ce soit en Nostre Seigneur, mais elle sera plus heureuse si elle demeure ainsy, selon mon conseil; or pense je que j'ay l'esprit de Dieu.

  A001000524 

 Les peres, certes, ne peuvent pas si fort estreindre les mains de leur posterité si elle n'y consent volontairement; les Rechabites toutefois sont loüés et benis de Dieu, en approbation de ceste volontaire obeissance avec laquelle ilz avoient renoncé a eux mesmes d'une extraordinaire et plus parfaicte renonciation..

  A001000525 

 Saint Pol le monstre plus clairement: Hoc, ce dit il, ad utilitatem vestram dico: Je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous dresser des pieges et laqs, mais pour vous inciter a ce qui est honneste, et qui vous donne aysance et facilité de servir Dieu et l'honnorer sans empeschement.

  A001000526 

 Nostre Seigneur ne fut pas plus tost monté au ciel, qu'entre les Chrestiens chacun vendoit son bien et apportoit le prix aux pieds des Apostres; et saint Pierre, pratiquant la premiere regle, disoit: Aurum et argentum non est mihi.

  A001000528 

 Saint Paulin Evesque de Nole, tesmoin saint Ambroise, issu d'illustre famille en Guyenne, donna tout son bien aux pauvres, et, comme deschargé d'un pesant fardeau, dit adieu a son pays et a son parentage, pour servir plus attentivement son Dieu; de l'exemple duquel se servit saint Martin, pour quitter tout et pour inciter les autres a mesme perfection.

  A001000535 

 Je ne doute point que si vous avies hanté les congregations des Chartreux, Camaldulenses, Celestins, Minimes, Capucins, Jesuites, Theatins, et autres en grand nombre esquelles fleurit la discipline religieuse, vous ne fussies en doute si vous les devries appeller anges terrestres ou hommes celestes, et ne sçauries quoy plus admirer, ou en une si grande jeunesse une si parfaicte chasteté, ou parmi tant de doctrine une si profonde humilité, ou entre tant de [118] diversité une si grande fraternité; et tous, comme celestes abeilles, menagent en l'Eglise et y brassent le miel de l'Evangile avec le reste du Christianisme, qui par predications, qui par compositions, qui par meditations et oraisons, qui par leçons et disputes, qui par le soin des malades, qui par l'administration des Sacremens sous l'authorité des pasteurs..

  A001000537 

 Que si, au lieu de faire vostre prouffit de ces exemples et conforter vos cerveaux a la suavité d'un si saint parfum, vous tournes les yeux devers certains lieux ou la discipline monastique est du tout abolie, et n'y a plus rien d'entier que l'habit, vous me contraindres de dire que vous cherches les cloaques et voiries, non les jardins et vergers.

  A001000552 

 L'Eglise pour estre Catholique doit estre universelle en tems, et pour estre universelle en tems il faut qu'elle soit ancienne; l'ancienneté donques est une proprieté de l'Eglise, et en comparaison des heresies elle doit estre plus ancienne et precedente, parce que, comme dict tres bien Tertullien, la fauseté est une corruption de verité, la verité donques doit preceder.

  A001000559 

 Et certes, ce seroit grand cas si les historiens, qui ont esté si curieux de remarquer jusques aux moindres mutations des villes et peuples, eussent oublié la plus notable de toutes celles qui se peuvent faire, qui est de [124] la religion, en la ville et province la plus signalee du monde, qui est Rome et l'Italie.

  A001000560 

 Que si vous la voules faire plus ancienne, dites ou elle estoit avant ce tems la: ne dites pas qu'elle estoit mais invisible, car, si on ne la voyoit point qui peut [savoir] qu'elle ait esté? puys Luther vous contredit qui confesse qu'au commencement il estoit tout seul..

  A001000561 

 Or, si Tertullien, ja de son tems, atteste que les Catholiques debouttoyent les heretiques par leur posteriorité et nouveauté, quand l'Eglise mesme n'estoit qu'en son adolescence ( Solemus, disoit il, hæreticos, compendii gratia, de posterioritate præscribere ), combien plus d'occasion avons nous maintenant? Que si l'une de nos deux eglises doit estre la vraye, ce tiltre demeurera a la nostre qui est tres ancienne, et a vostre nouveauté, l'infame nom d'heresie.

  A001000568 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur: Si je suis une fois eslevè de terre j'attireray toutes choses a moy? a il pas esté levé en croix? et comme donques auroit il laissé aller l'Eglise qu'il avoit attiree, a vau de route? comme auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le diable, prince du monde, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans, pour par apres revenir maistriser mille ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? voules vous si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre une alternative entre luy et le diable? Pour vray, quand un fort et puissant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despouille.

  A001000573 

 Qui donques dict que l'Eglise estoit morte et perdue, il accuse la providence du Sauveur; qui s'en appelle reformateur ou restaurateur, comme Beze appelle Calvin, Luther et les autres, il s'attribue l'honneur deu a Jesus Christ, et se faict plus qu'apostre.

  A001000590 

 Les Anciens disoyent sagement que sçavoir bien la difference des tems estoit un bon moyen d'entendre bien les Escritures, a faute dequoy les Juifz [errent,] entendant du premier avenement du Messie ce qui est bien souvent dict du second, et les ministres encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire [131] en ça qu'elle doit estre au tems de l'Antichrist.

  A001000591 

 David avoit dict: Le Seigneur est grand et trop plus loüable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne d'iceluy. « C'est la cité, » dict saint Augustin, « assise sur la montaigne, qui ne se peut cacher, c'est la lampe qui ne peut estre couverte sous un tonneau, conneüe et celebre a tous, car il s'ensuit: Le mont Sion est fondé avec grande joye de l'univers.

  A001000591 

 Je me contenteray de vous mettre en teste deux des plus grans Docteurs qui furent onques.

  A001000591 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a rempli toute la face de la terre.

  A001000592 

 Maintenant oyes saint Hierosme, parlant a un schismatique converti: « Je me resjouis avec toy, » ce dict il, « et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon cœur de l'ardeur de fausseté au goust de tout le monde; ne disant plus comme quelques uns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie vide et avilit la gloire de la Croix, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret qui a esté proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000592 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui [133] font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cités du diable, et les idoles comme seront ilz abattus? Si Nostre Seigneur n'a point eu d'Eglise, ou s'il l'a eue en la seule Sardigne, certes il est trop appauvri.

  A001000599 

 L'universalité de l'Eglise ne requiert pas que toutes les provinces ou nations reçoivent tout a coup l'Evangile, il suffit que cela se fasse l'une apres l'autre; en telle sorte neantmoins que l'on voye tousjours l'Eglise, et qu'on connoisse que c'est celle la mesme qui a esté par tout le monde ou la plus grande partie, affin qu'on puisse dire: Venite ascendamus ad montem Domini.

  A001000600 

 Or l'Eglise au tems des Apostres jetta par tout ses branches, chargees du fruict de l'Evangile, tesmoin saint Pol; autant en dict saint Irenee en son tems, qui parle de l'Eglise Romaine ou Papale a laquelle il veut que tout le reste de l'Eglise se reduise « pour sa plus puissante principauté.

  A001000608 

 Au contraire, Messieurs, les pretendus ne passent point les Alpes de nostre costé ni les Pyrenees du costé d'Espagne, la Grece ne vous connoist point, les autres trois parties du monde ne sçavent qui vous estes, et n'ont jamais ouÿ parler de Chrestiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous estes; en Allemagne, vos compaignons lutheriens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent vostre portion, en Angleterre, les puritains, en France, les libertins: [136] comme donques oses vous plus vous opiniastrer de demeurer ainsy a part du reste de tout le monde a guise des Luciferiens et Donatistes? Je vous diray, comme disoit saint Augustin a l'un de vos semblables, daignes, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Nostre Seigneur ayt perdu son Eglise par tout le monde, et qu'il ayt commencé de n'en avoir qu'en vous seulement.

  A001000615 

 Mais, je dis plus.

  A001000615 

 Or ceste fecondité de belles nations de l'Eglise se faict principalement par la predication, comme dict saint Pol: Per Evangelium ego vos genui: la predication donques de l'Eglise doit estre enflammee: Ignitum eloquium tuum Domine; et qu'y a il de plus actif, vif, penetrant et prompt a convertir et bailler forme aux autres matieres que le feu? [138].

  A001000622 

 La doctrine Chrestienne Catholique est une douce pluie, qui fait germer la terre infructueuse; la leur ressemble plustost a une gresle qui rompt et terrasse les moissons, et met en friche les plus fructueuses campaignes.

  A001000622 

 Prenes garde a ce que dict saint Jude: Malheur, ce dict, a ceux qui perissent en la contradiction de Coré; Coré estoit schismatique: ce sont des souilleures a un festin, banquetans sans crainte, se repaissans eux mesmes, nuees sans eaux qui sont transportees ça et la aux vens; ilz ont l'exterieur de l'Escriture, mays ilz n'ont pas la liqueur interieure de l'esprit: arbres infructueuses de l'automne; ilz n'ont que la feuille de la lettre, et n'ont point le fruict de l'intelligence: doublement mortz; mortz quant a la charité par la division, et quant a la foy par l'heresie: desracinés, qui ne peuvent plus porter fruict; flotz de mer agitee, escumans ses [139] confusions de desbatz, disputes et remuemens; planetes errantes, qui ne peuvent servir de guide a personne, et n'ont point de fermeté de foy mays changent a tous propos.

  A001000640 

 Comme le vulgaire admire les cometes et feuz erratiques, et croit que ce soyent des vrays astres et vives planettes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se coulent en l'air le long de quelques vapeurs qui leur servent de pasture, et n'ont rien de commun avec les astres incorruptibles que ceste grossiere clarté qui les rend visibles; ainsy le miserable peuple de nostre aage, voyant certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaines, esclairees de l'escorce de la Saint'Escriture, il a creu que c'estoyent des verités celestes et s'y est amusé, quoy que les gens de bien et judicieux tesmoignoient que ce n'estoyent que des inventions terrestres qui, se consumants peu a peu, ne laisseroyent autre memoyre d'elles que le ressentiment de beaucoup de malheurs qui suit ordinairement ces apparences..

  A001000640 

 Si l'advis que saint Jan donne, de ne croire pas a toutes sortes d'espritz, fut onques necessaire, il l'est maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'esgale asseurance, demandent creance parmi la Chrestienté en vertu de la Parole de Dieu; apres lesquelz on a veu tant de peuples s'escarter, [141] qui ça qui la, chacun a son humeur.

  A001000644 

 Je consider'en ceste seconde Partie et l'un'et l'autre; mays, pour en rendre le traitté plus clair et maniable, j'ay divisé ces deux Regles en plusieurs, en ceste sorte:.

  A001000646 

 L'Eglise, qui est la Regle d'application, ou elle se declaire en tout son cors universel, par une croyance generale de tous les Chrestiens, ou en ses principales et nobles parties, par un consentement de ses pasteurs et docteurs; et en ceste derniere façon, ou c'est en ses pasteurs assemblés en un lieu et en un tems, comm'en un Concile general, ou c'est en ses pasteurs divisés de lieux et d'aage mays assemblés en union et correspondance de foy, ou bien, en fin, ceste mesm'Eglise se declaire et parle par son chef ministerial: et ce sont quattre Regles explicantes et applicantes pour nostre foy, l'Eglise en cors, le Concile general, le consentement des Peres et le Pape; outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher d'autres, celles ci suffisent pour affermir les plus inconstans..

  A001000659 

 Par ce que, comm'on voit le vulgaire admirer les cometes et les feux erratiques, et croire fermement que ce soyent des vrays astres et vives planetes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se vont coulant en l'air le long de quelques vapeurs, pendant quil y a dequoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent toujours quelques mauvays effectz, et n'ont rien de commun avec ces astres incorruptibles que ceste grossiere clairté; ainsy les miserables peuples de nostr'aage, voyans certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaynes, par ce quilz y voyoient quelques lueurs de l'escorce de la Parole de Dieu, ilz ont creu que c'estoyent des verités cælestes et sy sont amusés, quoy que les gens de bien descouvroyent et tesmoignoyent que ce n'estoyent que des inventions terrestres, et qui bien tost se dissiperoyent, ne layssans autre memoyre d'elles que le ressentiment des malheurs qui les suyvent..

  A001000659 

 Si l'advis que S t Jan donn'aux Chrestiens, de ne croire pas a toutes sortes d'espritz, fut onques necessaire, il l'est encores maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'egale asseurance, demandent creance parmi le Christianisme en vertu de la Parole de Dieu; apres lesquelz on a veu tant de peuples [141] s'escarter, qui ça qui la, chacun a son humeur.

  A001000661 

 Or, ceste Parole a esté revelee.. La foy Chrestienne est fondëe sur la Parolle [143] que Dieu luymesme a revelee; c'est cela qui la met au supreme rang et degré d'asseurance et certitude, comm'ayant a tesmoin cest'eternelle et infallibl'authorité et verité premiere, qui ne peut non plus decevoir et mentir qu'elle peut estre deceüe et trompee; la foy qui n'a son fondement et appuy sur la Parole de Dieu n'est pas une foy Chrestienne: donques la Parole de Dieu est la vraye Regle de bien croire aux Chrestiens, puisqu'estre Fondement et Regle n'est qu'une mesme chose en cest endroit.

  A001000673 

 Je sçai bien, Dieu merci, que la Tradition a esté devant tout'Escriture, puysque mesm'une bonne partie de l'Escriture n'est que Tradition reduitte en escrit avec un'infallible assistence du Saint Esprit; mays parce que l'authorité de l'Escriture est plus aysement receüe par les reformateurs que celle de la Tradition, je commence par cest endroit, pour faire un'entree plus aysee a mon discours..

  A001000674 

 Nostre Seigneur y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy; les Sadduceens erroyent pour ignorer les Escritures: c'est donq un niveau tres asseuré, c'est un flambeau luysant es obscurités, comme parle saint Pierre, lequel ayant ouy luy mesme la voix du Pere en la Transfiguration du Filz, se tient neanmoins pour plus asseuré au tesmoignage des Prophetes qu'en ceste sienne experience.

  A001000683 

 Les Sadducæens erroyent, par ce quilz ne sçavoyent pas les Escritures; ilz eussent mieux faict d'y estr'ententifz, comme a un flambleau esclairant es obscurités, selon l'advis de S t Pierre, lequel ayant luymesme ouy la voix du Pere en la Transfiguration, se tient neantmoins pour plus asseuré es tesmoignages des Prophetes qu'en ceste sienne experience.

  A001000689 

 Quand le vin est meilleur il se ressent plus tost du goust estranger, et la cimetrie d'un excellent tableau ne peut souffrir le meslange de nouvelles couleurs.

  A001000696 

 » Nostre S r, par ses Saintes Escritures, nous monstre ce quil nous faut croire, esperer, aimer et faire, et ce par une juste sentence de sa volonté: si nous y adjoustons, levons ou changeons, ce ne sera plus la juste sentence de la volonté de Dieu; car Nostre S r ayant adjusté l'Escriture a sa volonté, si nous y adjoustons du nostre nous ferons la sentence plus grande que la volonté du testateur, si nous en ostons nous la ferons plus courte, si nous y changeons nous la rendrons bossue, et ne pourra plus joindre a la volonté de l'autheur ni n'en sera plus la juste sentence.

  A001000698 

 Quand le vin est meilleur il se ressent plus tost du goust estranger, et l'exquise cimetrie d'un excellent tableau ne peut souffrir le meslange de nouvelles coleurs.

  A001000704 

 Ceux du premier rang, de l'Ancien Testament, sont les cinq de Moyse, Josué, les Juges, Ruth, 4 des Rois, 2 de Paralipomenon, 2 d'Esdras et de Nehemie, Job, 150 Pseaumes, les Proverbes, l'Ecclesiaste, les Cantiques, les 4 Prophetes plus grans, les douze moindres.

  A001000715 

 Mays l'Eglise mesme, comme se peut elle resoudre qu'un Livre soit canonique?.. car elle n'est plus conduite par nouvelles revelations, mays par les anciennes apostoliques, esquelles ell'a l'infallibilité d'interpretation; que si les Anciens n'ont pas eu revelation de l'authorité d'un Livre, comme donques la peut elle sçavoir?.. Elle considere le tesmoignage de l'antiquité, la conformité que ce Livre a avec les autres ja receuz, et le commun goust [156] que le peuple Chrestien y prend: car, comm'on peut connoistre quell'est la propre viande et prouffitable des animaux quand on les y voit prendre goust et s'y nourrir saynement, ainsy quand l'Eglise voit que le peuple Chrestien savoure volontiers un Livre pour canonique, et y faict son prouffit, elle peut connoistre que c'est une pasture propre et saine aux espritz chrestiens; et comme, quand on veut sçavoir si un vin est de mesme creu qu'un autre, l'on les apparie, regardant si la couleur, l'odeur et le goust est pareil en tous deux, ainsy quand l'Eglise a bien consideré un Livre avoir le goust, l'odeur et la couleur, la sainteté du stile, de la doctrine et des misteres, semblable aux autres canoniques, et que d'ailleurs ell'a le tesmoignage de plusieurs bons et irreprochables tesmoins de l'antiquité, elle peut declairer le Livre pour frere germain des autres canoniques.

  A001000723 

 Voyci leurs principales raysons, ainsy que j'ay peu recueillir de la vielle præface, faicte devant les Livres prætenduz apocriphes imprimés a Neufchastel, de la traduction de Pierre Robert, autrement Olivetanus, parent et amy de Calvin, et encores de la plus nouvelle, faitte sur les mesmes Livres par les professeurs et pasteurs pretenduz de l'eglise de Geneve, l'an 1588.

  A001000724 

 Ou trouves vous que la regle de bien recevoir les Saintes Escritures soyt, qu'elles soyent escrittes en ces langages la plustost qu'en Grec ou Latin? vous dittes quil ne faut rien recevoir en matiere de religion que ce qui est escrit, et apportes en vostre belle prefacé le dire des jurisconsultes: Erubescimus sine lege loqui; vous semble il pas que la dispute qui se faict sur la validité ou invalidité des Escritures soyt une des plus importantes en matiere de religion? sus donques, ou demeurés honteux, ou produises la Sainte Escriture pour la negative que vous soustenés: certes, le Saint Esprit se declaire aussi bien en Grec qu'en Caldee..

  A001000725 

 Plus, estes vous bien asseuré d'avoir les textes hebreux des Livres du premier rang ainsy purs et netz comm'ilz estoyent au tems des Apostres et des 70? Gardes de mesprendre; certes, vous ne les suives pas tousjours, et ne sçauries en bonne conscience: monstres moy encor cecy en la Saint'Escriture.

  A001000727 

 Mays, au nom de Dieu, quelle humeur vous prend-il d'alleguer icy l'Eglise, l'authorité delaquelle vous tenes cent fois plus incertaine que ces Livres mesme, et que vous dittes avoir esté fautifve, inconstante, voire apocriphe, si apocriphe veut dire caché; vous ne la prises que pour la mespriser et la faire paroistre inconstante, ores advouant ores desavouant ces Livres.

  A001000733 

 Livre des Maccabees, qui estoit comme une epistre ou commentaire envoyé pour la consolation des Juifz qui habitoyent en Egipte, a esté escrit en Grec plus tost qu'en Hebreu..

  A001000733 

 en Hebreu; et bien, que [le premier y soit;] le second n'est que comme une epistre que [les Anciens] d'Israel envoyerent aux freres Juifz qui estoyent hors la Judee, et si ell'est escritte au langage le plus cohneu et commun de ce tems-la, s'ensuit il qu'elle ne soit pas recevable? Les Ægiptiens avoyent en usage le langage grec beaucoup plus que l'hebreu, comme monstra bien Ptolomee quand il procura la version des 72; voyla pourquoy ce 2.

  A001000734 

 Prenes garde, pour Dieu, que vostre jugement ne vous trompe; pourquoy, je vous prie, apelles vous faucetés ce que toute l'antiquité a tenu pour articles de foy? que ne censures vous plus tost vos fantasies, qui ne veulent embrasser la doctrine de ces Livres, que de censurer ces Livres, receuz de si long tems, par ce quilz ne secondent pas a vos humeurs? parce que vous ne voules pas croire ce que ces Livres enseignent, vous les condamnes; et que ne condamnes vous plustost vostre temerité, qui se rend incredule a leurs enseignemens?.

  A001000742 

 Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zele, et d'entrer en une chrestienne cholere, sans peché, considerant avec quelle temerité ceux qui ne [158] font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Pere Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre alliance? Comm'oses vous biffer, o ministres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes; pourquoy demembres vous ainsy la S te Escriture? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés? L'on en doute en l'ancienne [159] Eglise: et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hebreux, de celle de S t Jaques, de S t Jude, de la seconde de S t Pierre et des deux dernieres de S t Jan, et sur tout de l'Apocalipse? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves faict ceux la? Dites franchement que [ce que] vous en aves faict, ce n'a esté que pour contredire a l'Eglise: il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la priere pour les trepassés, l'Ecclesiastique vous piquoit en ce quil attestoit du liberal arbitre et de lhonneur des reliques; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accommoder a vos cervelles, vous aves retranché la ste Parole pour ne retrancher point vos fantasies; comme vous laveres vous jamais [160] de ce sacrilege? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclesiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a concevoir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incredulité vous prive; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre temerité, et receves l'Escriture.

  A001000743 

 Je veux mettre le faict sur les Livres qui vous fachent le plus.

  A001000748 

 Or, a la verité, c'est bien procedé a eux de ne vouloir s'appuyer en cest article sur le commun accord et consentement de l'Eglise; puysque ce commun accord a canonisé l'Ecclesiastique, les [Livres des] Machabees, tout autant et aussitost que l'Apocalipse, et neantmoins ilz veulent recevoir [celuy ci] et rejetter ceux la: Judith, authorisé par le grand premier et irreprochable Concile de Nicee, est biffé par les reformeurs; ilz ont donques rayson de confesser qu'en la reception des Livres canoniques, ilz ne reçoivent point l'accord et consentement de l'Eglise, qui ne fut onques plus grand ni plus solemnel qu'en ce premier Concile.

  A001000752 

 Cest esprit faict il ses persuasions indifferemment a chacun, ou seulement a quelques uns en particulier? si a chacun, et que veut dire que tant de milliades de Catholiques ne s'en sont jamais aperceuz, ni tant de femmes, laboureurs et autres parmi vous? si c'est a quelques uns en particulier, monstres les moy, je vous prie, et pourquoy a ceux la plus tost qu'aux autres? quelle marque me les fera connoistre et trier de la presse du reste des hommes? Me faudra il croire au [169] premier qui dira d'en estre? ce seroit trop nous mettre a l'abandon et a la mercy des seducteurs: monstres moy donques quelque regle infallible pour connoistre ces inspirés et persuadés, ou me permettes que je n'en croye pas un..

  A001000754 

 Certes, quand Dieu auroit revelé mille fois une chose a quelque particulier nous ne serions pas obligés de le croire, sinon que Dieu le marquast tellement que nous ne puissions plus revoquer en doute sa fidelité; mays nous ne voyons rien de tel en vos reformeurs.

  A001000755 

 Hé de grace, pourquoy permettra on plus tost a Calvin de racler la Sapience ou les Maccabees, qu'a Luther de lever l'Epistre de saint Jaques ou l'Apocalipse, ou a Castalio, le Cantique des Cantiques, ou aux Anabaptistes, l'Evangile de saint Marc, ou a un autre, le Genese et l'Exode? si tous protestent de l'interieure revelation, pourquoy croira l'on plustost l'un que l'autre? Ainsy ceste Regle sacree, sous prætexte du Saint Esprit demeurera des reglee, par la temerité de chaque seducteur..

  A001000756 

 On a levé tout'authorité a la Tradition, a l'Eglise, aux Conciles; que demeure il plus? l'Escriture.

  A001000757 

 Nous meriterions d'estre abismés, si nous nous jettions hors le navire de la publique sentence de l'Eglise, pour voguer dans le miserabl'esquif de ces persuasions particulieres, nouvelles, discordantes; nostre foy ne seroit plus Catholique, ains particuliere..

  A001000758 

 Vous ne l'aves pas pris des Juifz, car les Livres Evangeliques n'y seroyent pas, ni du Concile de Laodicee, car l'Apocalipse n'y seroit pas, ni du Concile de Cartage ou de Florence, car l'Ecclesiastique et les Maccabees y seroyent; ou l'aves vous donq pris? Pour vray, jamais il ne fut parlé de semblable canon avant vous; l'Eglise ne vit onques canon des Escritures ou il n'y eut ou plus ou moins qu'au vostre: quelle apparence i a il que le Saint Esprit se soit recelé a toute l'antiquité, et qu'appres 1500 il ait descouvert a certains particuliers le roolle des vrayes Escritures? Pour nous, nous suyvons exactement la liste du Concile Laodicean, avec l'addition faitte au Concile [175] de Cartage et de Florence; jamais homme de jugement ne laissera ces Conciles, pour suivre les persuasions des particuliers..

  A001000764 

 L'Eglise avoit generalement receu, il y a plus de mill'ans, la version latine que l'Eglise Catholique produit, saint Hierosme, tant sçavant homme, en estoit l'autheur ou le correcteur; quand voicy en nostr'aage s'eslever un espais brouillart [176] de l'esprit de tournoyement, lequel a tellement esblouy ces regrateurs de vielles opinions qui ont couru cy devant, que chacun a voulu tourner, qui d'un costé qui d'autre, et chacun au biais de son jugement, ceste sainte sacrëe Escriture de Dieu: en quoy, qui ne voit la prophanation de ce vase sacré de la sainte lettre, dans laquelle se conservoit le precieux basme de la doctrine Evangelique? Car, n'eust ce pas esté prophaner l'Arche de l'alliance, si quelqu'un eust voulu maintenir qu'un chacun la pouvoit prendre, la porter chez soy et la demonter toute et depecer, puys luy bailler telle forme quil eust voulu, pourveu quil y eust quelque apparence d'Arche? et qu'est ce autre chose soustenir que l'on peut prendre les Escritures, les tourner et accommoder chacun selon sa suffisance? Et neanmoins, des lors qu'on asseure que l'edition ordinaire de l'Eglise est si difforme quil la faut rebastir tout a neuf, et qu'un homme particulier y met la main et commence ce train, la porte est ouverte a la temerité: car si Luther l'ose faire, et pourquoy non Erasme? et si Erasme, pourquoy non Calvin ou Melancthon? pourquoy non Henricus [177] Mercerus, Sebastien Castalio, Beze, et le reste du monde? pourveu qu'on sache quelques vers de Pindare, et quatre ou cinq motz d'Hebreu, au pres de quelques bons Tresors de l'une et l'autre langue.

  A001000765 

 Que dites vous? que l'edition ordinaire est corrompue? Nous avoüons que les transcriveurs et les imprimeurs y ont layssé couler certains æquivocques, de fort peu d'importance (si toutefois il y a rien en l'Escriture qui puysse estre dict de peu d'importance), lesquelz le Concile de Trente commande estre levés, et que d'ores en avant on prene garde a la faire imprimer le plus correctement quil sera possible; au reste, il n'y a rien qui ny soit tres sortable au sens du Saint Esprit qui en est l'autheur: comme ont monstré ci devant tant de doctes gens des nostres, qui se sont opposés a la temerité de ces nouveaux formateurs de religion, que ce seroit perdre tems d'en vouloir parler davantage; outre ce que ce seroit folie a moy de vouloir parler de la naifveté des traductions, qui ne sceuz jamais bonnement lire avec les pointz en l'une des langues necessaires a ceste connoissance, et ne suys guere plus sçavant en l'autre.

  A001000771 

 Que sil en va ainsy des versions latines, combien est grand le mespris et prophanation qui s'est faict es versions françoises, alemandes, polonnoises et autres langues: et neanmoins voicy un des plus pregnans artifices que l'ennemi du Christianisme et d'unité ait employé en nostr'aage pour attirer les peuples a ses cordelles; il connoissoit la curiosité des hommes, et combien chacun prise son jugement propre, et partant il a induict tous les sectaires a traduire les Saintes Escritures, chacun en la langue de la province ou il se cantonne, et a maintenir ceste non jamais ouÿe opinion, que chacun estoit capable d'entendre les Escritures, que tous les devoyent lire, et que les offices publiques se devoyent celebrer et chanter en la langue vulgaire de chaque province..

  A001000772 

 « Sçavons nous bien, » dict un docte prophane, « qu'en Basque et en Bretaigne il y ait des juges asses pour establir ceste traduction faicte en leur langue? l'Eglise universelle n'a point de plus ardu jugement a faire.

  A001000773 

 Bref, c'est chose plus que raysonnable qu'une si sainte Regle comm'est la sainte Parole, soit conservëe es langues reglëes, car elle ne pourroit se maintenir en ceste parfaitte integrité es langues bastardes et desreglees..

  A001000773 

 Ces peuples, donques, avoyent accoustumé de dire les Psalmes en Hebrieu, et neanmoins l'Hebreu n'estoit plus leur langue vulgaire, ainsy qu'on peut connoistre de plusieurs paroles dites en l'Evangile par Nostre Seigneur, qui estoyent siriacques, que les Evangelistes ont gardees, comme Abba, Haceldema, Golgotha, Pascha et autres, que les doctes tiennent n'estre pas hebraiques pures mais siriaques, quoy qu'elles soient appellees hebraiques par ce que c'estoit le langage vulgaire des Hebreux des la captivité de Babiloyne.

  A001000773 

 Qu'on prenne en main les Memoyres du sire de Joinville, ou encores celles de Philippe de Commines; on verra que nous avons du tout changé leur langage: qui neantmoins devoient [être] des plus politz de leur tems, estans tous deux nourris en court.

  A001000774 

 » Et « crois davantage, » dict il, « que la liberté a chacun de » le traduire, et « dissiper une parole si religieuse et importante a tant de sortes d'idiomes, a beaucoup plus de danger que d'utilité.

  A001000780 

 Ce desvit prend en partie ses raysons de ce que j'ay ja dict; car, sil n'est pas expedient de traduire ainsy a tous propos de province en province le [182] texte sacré de l'Escriture, la plus grande partie, et quasi tout ce qui est es offices, estant pris de la Sainte Escriture, il n'est pas convenable de le mettre nomplus en françois: sinon quil y a d'autant plus de danger de reciter es services publiqs la Saint'Escriture en vulgaire, que non seulement les vieux mays les jeunes enfans, non seulement les sages mais les folz, non seulement les hommes mais les femmes, et, en somme, qui sçait et qui ne sçait lire, pourroyent tous y prendre occasion d'errer, chacun a son goust.

  A001000781 

 Mays qui est celuy, tant houppé soit il et ferré, qui entende sans estude les Propheties d'Ezechiel et autres, et les Psalmes? et que servira donques aux peuples de les ouir, sinon pour les prophaner et mettre en doute? et quand au reste, nous autres Catholiques ne devons en aucune façon reduire nos offices sacrés aux langages particuliers, ains plus tost, comme nostr'Eglise est universelle en tems et en lieux, elle doit aussi faire ses services publicqs en un langage qui soit de mesme universel en tems et en lieux, tel qu'est le Latin en Occident, le Grec en [183] Orient; autrement nos præstres ne sçauroyent dire Messe, ni les autres l'entendre, hors de leurs contrëes.

  A001000787 

 Certes, nous ne refusons pas a personne de chanter avec le chœur, modestement et decemment; mays il semble plus convenable que les ecclesiastiques et deputés chantent pour l'ordinaire, comm'il fut faict a la dedicace du Temple de Salomon, 2 Parai.

  A001000796 

 Saint Augustin en parle en mille lieux, mais sur tout en ses Confessions; en l'epistre 119 il confesse d'ignorer beaucoup plus en l'Escriture quil n'y sçait.

  A001000797 

 La couleur de cest'interpretation me faict encor plus croire l'homme qui me l'a dict, car estant simple et sans sçavoir lire, a grand peyne quil l'eut controuvëe.

  A001000797 

 Ne voyla pas un beau sens et rare? mays la rayson estoit encores plus belle, par ce qu'a l'entendre autrement ce seroit contre nature, et qu'il faut interpreter l'Escriture par l'Escriture, ou nous trouvons que Nostre Seigneur n'en fit pas de mesme quand le serviteur le frappa: c'est le fruict de vostre triviale theologie.

  A001000806 

 Il veut donques que les louanges qui se faysoyent en Corinthe se fissent en Grec, car, puys quilz se faysoyent non ja comme services ordinaires, mays comme cantiques extraordinaires de ceux qui avoyent ce don, pour consoler le peuple, il estoyt raysonnable quilz se fissent en langue intelligible, ou que on les eust interpreté sur le champ; ce quil semble monstrer quand plus bas il dict: Si ergo conveniat universa ecclesia in unum, et omnes linguis loquantur, intrent autem idiotæ aut infideles, nonne dicent quod insanitis? et plus bas: [191] Sive lingua quis loquitur, secundum duos aut ut multum tres, et per partes, et unus interpretetur; si autem non fuerit interpres, taceat in ecclesia, sibi autem loquatur et Deo.

  A001000827 

 Qui nie la tres excellente utilité de l'Escriture, sinon les huguenotz qui en levent des plus belles pieces comme vaynes? Elles sont tres utiles, certes; ce n'est pas une petite faveur que Dieu nous a faict de les nous conserver parmi tant de persecutions: mays l'utilité de l'Escriture ne rend pas les saintes Traditions inutiles, nom plus que l'usage d'un œïl, d'une jambe, d'une oreille, d'une main, ne rend pas l'autre inutile; [197] dont le Concile dict: Omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, nec non Traditiones ipsas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur.

  A001000838 

 Et plus bas: Quæ audisti a me per [200] multos testes, hæc commenda fidelibus hominibus, qui idonei erunt et alios docere.

  A001000838 

 Qu'y a il de plus clair pour la Tradition? Voyla la forme: l'Apostre parle, les tesmoins le rapportent, saint Timothëe le doit enseigner a d'autres, et ceux la aux autres; voyla pas une sainte substitution et fidecommis spirituel?.

  A001000852 

 Quicomque tient ce langage, Chrestiens, si vous le consideres bien vous verres quil veut estre [202] juge luy mesme, quoy quil ne le die pas a descouvert, plus rusé qu'Absalon..

  A001000853 

 Il dict que la conclusion de tout son discours est « que le vray Christ est la seule, vraye et perpetuelle marque de l'Eglise Catholique, entendant du vray Christ tel, » dict il, « quil s'est tres parfaittement declaré dés le commencement, tant es escritz prophetiques qu'apostoliques, en ce qui appartient a nostre salut; » plus bas il dict: « Voyla ce que j'avois a dire sur la vraye, unique et essentielle marque de la vraÿe Eglise, qui est la Parole escritte prophetique et apostolique, bien et deuement administrëe; » et plus haut il avoit confessé quil y avoit des grandes difficultés es Escrittures Saintes, mays « nom pas es pieces qui touchent a nostre creance.

  A001000853 

 J'ay veu un des plus recens livres de Theodore de Beze, intitulé, Des vrayes, essentielles et visibles marques de la vraÿe Eglise Catholique: il me semble quil vise la dedans a se rendre juge, avec ses collateraux, de tout le different ou nous sommes.

  A001000853 

 » Il dict encores quilz sont « ceux qui n'ont desavoüé ni voudroyent desavoüer un seul Concile digne de ce nom, general ni particulier, ancien ni plus recent, » (notés) « pourveu, » dict il, « que la pierre de touche, qui est la Parole de Dieu, en face l'espreuve.

  A001000854 

 Amen, amen, disons nous; mais nous ne demandons pas comment on doit interpreter l'Escriture, mays qui sera le juge: car, apres avoir conferé les passages aux passages et le tout au Simbole de la foy, nous trouvons que par ce passage, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt; et tibi dabo claves regni cælorum, saint Pierre a esté chef ministerial et supreme œconome en l'Eglise de Dieu; vous dites, de vostre costé, que ce passage, Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic, ou cest autre (car ilz sont tous si foibles que je ne sçay pas lequel vous peut estre fondemental), Nemo potest aliud fundamentum ponere, etc., conferé avec les autres passages et a l'analogie de la foy, vous faict detester un chef ministerial: nous suyvons tous deux un mesme chemin en la recherche de la verité de ceste question, a sçavoir, sil y a en l'Eglise un vicaire general de Nostre Seigneur, et neantmoins je suys arrivé en l'affirmative, et vous, vous estes logés en la negative; qui jugera plus de nostre different?.. Certes, qui s'addressera a Theodore de Beze, il dira que vous aves mieux discouru que moy, mays ou se fondera il en ce jugement, sinon sur ce quil luy semble ainsy, selon le præjugé quil en a faict il y a si long tems? et [204] quil dise ce quil voudra, car qui l'a establi juge entre vous et moy?...

  A001000855 

 Mays quoy, quand j'ay en main ceste proposition, le cors naturel de Nostre Seigneur est realement, substantiellement et actuellement au Saint Sacrement de l'autel? Je la fays toucher, a tous biays et de tous costés, a l'expresse et tres pure Parolle de Dieu et au Simbole des Apostres; [205] il ny a point d'endroit ou je ne la frotte cent fois si vous voules, et quand plus je regarde, tousjours je la reconnoys de plus fin or et de plus franc metail.

  A001000855 

 Vous dites qu'en ayant faict de mesme vous y trouves du faux; que voules vous que je face? tant de maistres l'ont maniëe cy devant, et tous ont faict mesme jugement que moy, et avec tant d'asseurance quilz ont forclos, es assemblëes generales du mestier, quicomque y a voulu contredire: mon Dieu, qui nous mettra hors de doute? Il ne faut plus dire la pierre de touche, autrement on dira, In circuitu impii ambulant: il faut que ce soit quelqu'un qui la manie, et face la preuve luymesme de la piece, puys, qu'il en face jugement, et que nous le subissions, et l'un et l'autre, sans plus contester; autrement chacun en croira ce quil luy plaira.

  A001000856 

 Quil y ayt mis la plus excellente bussole et la charte la plus juste du monde, mays dequoy sert cela si personne n'a le sçavoir d'en tirer quelque regle infallible pour conduire le navire? dequoy servira il quil y ait un tresbon timon, sil ny a un patron pour le mouvoir a la mesure qu'enseignera la charte? mays sil est permis a chacun de le tourner au fil que bon luy semblera, qui ne void que nous sommes perdus? Ce n'est pas l'Escriture qui a besoin de regle ni de lumiere estrangere, comme Beze pense que nous croyons; ce sont nos gloses, nos consequences, intelligences, interpretations, conjectures, additions et autres semblables mesnages du cerveau de l'homme, qui ne pouvant demeurer coy s'embesoigne [206] tousjours a nouvelles inventions: ni moins voulons nous un juge entre Dieu et nous, comm'il semble quil veuille inferer en son Epistre; c'est entr'un homme tel que Calvin, Beze, Luther, et entr'un autre tel que Echius, Fischer, Morus; car nous ne demandons pas si Dieu entend mieux l'Escriture que nous, mays si Calvin l'entend mieux que saint Augustin ou saint Cyprien.

  A001000865 

 Or, n'est il pas raysonnable qu'aucun particulier s'attribue cest infallible jugement sur l'interpretation ou explication de la sainte Parole; car, a quoy en serions nous? Qui voudroit subir le joug du jugement d'un particulier? pourquoy plus tost de l'un que de l'autre? quil parle tant quil voudra de l'analogie, de l'entousiasme, du Seigneur, de l'Esprit, tout cela ne pourra jamais brider tellement mon cerveau que, sil faut s'embarquer a l'adventure, je ne me jette plus tost dans le vaysseau de mon jugement que dans celuy d'un autre, quand il parleroit Grec, Hebrieu, Latin, Tartarin, Moresque et tout ce que vous voudres.

  A001000876 

 Voyla donques l'Escriture, la rayson, la prattique des 4 plus purs Conciles qui furent onques, ou saint Pierre præside et ses successeurs quand ilz s'y sont trouvés; j'en pourrois tout autant monstrer de tous les autres qui ont estés receuz en l'Eglise universelle comme legitimes, mays cecy suffira bien..

  A001000884 

 C'est la mesm'Eglise, aussy chere au celest'Espoux qu'elle fut alhors, en plus de necessité qu'elle n'estoit alhors; quelle rayson y a il quil ne luy fist la mesme assistence quil luy fit alhors en pareille occasion? Consideres, je vous prie, l'importance de ces motz Evangeliques, Si quis Ecclesiam non audierit, sit tibi tanquam etnicus et publicanus; [216] et quand peut on jamais ouyr plus distinctement l'Eglise que par la voix d'un Concile general, ou les chefz de l'Eglise se trouvent tous ensemble pour dire et deduyre les difficultés? le cors ne parle pas par ses jambes ni par ses mains, mays seulement par son chef; ainsy, comme peut l'Eglise mieux prononcer sa sentence que par ses chefz? Mays Nostre Seigneur s'explique: Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consenserint super terram de omni re quamcumque petierint, fiet illis a Patre meo qui in cælis est; ubi enim sunt duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum.

  A001000886 

 En fin, quel plus estroit commandement avons nous que de prendre la pasture de la main de nos pasteurs? saint Pol ne dict il pas que le Saint Esprit les a colloqués au bercail pour nous regir, et que Nostre Seigneur les nous a donnés affin que nous ne soyons point flottans et emportés a tout vent de doctrine? quel respect donques devons nous porter aux ordonances [217] et canons qui partent de leur assemblëe generale? Certes, pris a part l'un de l'autre, leurs doctrines sont encores sujettes a l'espreuve, mays quand ilz sont ensemble, et que toute l'authorité ecclesiastique est ramassëe en un, qui peut conteroller l'arrest qui en sort? Si le sel s'esvanouÿt, en quoy le conservera-on? si les chefz sont aveugles, qui conduira le reste? si les colomnes tumbent, qui les soutiendra?.

  A001000887 

 En un mot, l'Eglise de Dieu qu'a elle de plus grand, de plus asseuré et solide pour renverser l'hæresie que les arrestz des Conciles generaux? L'Escriture, dira de Beze.

  A001000894 

 Nous ne sommes pas en doute sil faut recevoir une doctrine a la volee, ou sil en faut faire l'espreuve a la touche de la Parole de Dieu; mays nous disons que quand un Concile general en a faict l'espreuve, nos cerveaux n'y ont plus rien a revoir, mays seulement a croire: que si une fois on remet les canons des Conciles a l'espreuve des particuliers, [220] autant de particuliers autant d'espreuves, autant d'espreuves autant d'opinions.

  A001000894 

 » Mays, mon Dieu, quand cessera on de brouiller? les Conciles, apres toute consultation, espreuve faite a la sainte pierre de touche de la Parole de Dieu, jugent et determinent d'un article; si apres tout cela il faut un'autre espreuve avant qu'on reçoive ceste determination,.. n'en faudra il encores une autre? qui ne voudra espreuver? et quand finira on jamais? apres l'espreuve faite par le Concile, de Beze et ses disciples veulent encores espreuver; et qui gardera a un autre d'en demander autant?.. pour sçavoir si l'espreuve du Concile a esté bien faite, pourquoy n'en faudra il une troysiesme pour sçavoir si la seconde est fidelle? et puys une quatriesme pour la troysiesme? tout sera a refaire, et la posterité ne se fiera jamais a l'antiquité, mays ira roulant et mettant ores dessus ores dessous les plus saintz articles de la foy en la roüe de l'entendement.

  A001000895 

 Des plus doctes ministres de Losanne, ces annëes passëes, l'Escriture et l'analogie de la foy en main, s'opposent a la doctrine de Calvin touchant la justification; de soustenir l'effort de leurs raysons point de nouvelles, quoy qu'on face trotter certains petitz livretz morfonduz, sans goust ni pointe de doctrine: comme les traitte l'on? on les persecute, on les faict absenter, on les faict menasser; a quel propos cela? par ce quilz enseignent une doctrine contrayre a la profession de foy de nostr'eglise.

  A001000896 

 Mays i a il article auquel nous ayons different avec vous qui n'ait esté plusieurs fois condamné es saintz Conciles generaux ou particuliers generalement receus? et neantmoins vos ministres les ont reveillés sans honte, sans scrupule, nom plus que si c'eussent estés quelques saintz depostz et tresors cachés a l'antiquité, ou que l'antiquité eust serrés bien curieusement affin que nous en eussions la jouissance en cest aage..

  A001000897 

 Il ne faut donq plus mettre en conte les privileges de la Sinagogue, qui estoient fondés sur un testament viel, et abrogé quand ilz disoyent ces cruelles paroles, Crucifige, ou ces autres, Blasphemavit, quid adhuc egemus testibus? car ce n'estoyt autre qu'heurter a la pierre de choppement, selon les anciennes prædictions..

  A001000913 

 Nous ne les voulons pas icy pour autheurs de nostre foy, mays seulement pour tesmoins de la creance en laquelle vivoyt l'Eglise de ce tems la; personne n'en peut deposer plus pertinemment qu'eux qui y commandoyent, ilz sont irreprochables de tous costés; qui veut sçavoir le chemin que l'Eglise a tenu en ce tems la, quil le demande a ceux qui l'ont tres fidelement accompagnee: Sapientiam omnium antiquorum exquiret sapiens, et in prophetis vacabit; narrationem virorum nominatorum conservabit.

  A001000913 

 Outre cela, vous dites que vostre eglise a estëe taillëe.. a la regle et compas de l'Escriture; nous le nions, et disons que vous aves accourcy, estressy et plié ceste regle, comme faysoyent ceux de Lesbos, pour l'accomoder a vostre cerveau, et..... et reformëe selon la vraye intelligence de l'Escriture; nous le nions, et disons que les anciens Peres ont eu plus de suffisance et d'erudition que vous, et neantmoins ont jugé que l'intelligence des Escritures n'estoit pas telle que vous dittes; n'est ce pas une preuve tres certaine? Vous dites que selon les Escrittures il faut abolir la Messe; tous les anciens Peres le nient: a qui croirons nous, ou a ceste troupe d'Evesques et Martirs anciens, ou a ceste bande de nouveaux venuz? voyla ou nous en sommes.

  A001000920 

 Sil change Jacob en Israel, la rayson est en realité sur le champ: Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes? Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommëes, mays nous instruit de leurs qualités et conditions: tesmoins [229] les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges, et saint Jan Baptiste, qui porte la grace en son nom quil annonça en sa prædication; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israelites.

  A001000922 

 Ce nom est l'un de ceux de Nostre Seigneur; car, quel autre nom trouvons nous attribué plus frequemment au Messie que celuy de pierre? Ce changement donques, et ceste imposition de nom, est tres considerable, car les noms que Dieu donne sont moelleux et massifz: il communique son nom a saint Pierre, il luy a donques communiqué quelque qualité sortable au nom.

  A001000922 

 Je sçai bien quil imposa nom aux deux freres Jan et Jaques, Boanerges, enfans de tonnerre, mays ni ce nom n'est point nom de superieurité ou commandement, ains d'obeissance, ni propre ou particulier, mays commun a deux; ni ne semble pas quil leur fut permanent, puysque jamais ilz n'en sont appellés despuys, mays que ce fut plus tost un tiltre de louange, a cause de l'excellence de leur prædication.

  A001000924 

 Mays nous voicy en difficulté: car on accorde bien que Nostre Seigneur ait parlé a saint Pierre et de saint Pierre jusques icy, et super hanc petram, mays que par ces paroles il ne parle plus de saint Pierre.

  A001000925 

 Certes, la [version] latine a asses d'autres argumentz pour faire connoistre que ceste pierre n'est autre que saint Pierre, et partant, pour accomoder le mot a la personne a qui on le bailloit pour nom, qui estoit masculine, il luy a baillé une terminayson de mesme, a l'imitation du Grec, qui avoit mis, Tu es πέτρος, et super hanc τῇ πέτρᾷ; mays il ne reussit pas si heureusement en Latin qu'en Grec, par ce qu'en Latin, Petrus ne veut pas dire petra, mays en Grec πέτρος et petra n'est qu'une mesme chose; comme en François rocher et roche [est le mesme,] toutefois, s'il me failloit approprier ou l'un ou l'autre a un homme, je luy appliqueroys plus tost le nom de rocher que de roche, pour la correspondance du mot masculin a la personne masculine.

  A001000935 

 En ce cas donques, puysque nous voyons que l'Escriture nous enseigne qu'il ni a point d'autre fondement que Nostre Seigneur, et que la mesme nous enseigne clairement que saint Pierre l'est encores, et plus outre encores que tous les Apostres le sont, il ne faut pas refuser le premier enseignement pour le second, ni le second pour le troysiesme, ains les laysser tous troys en leur entier; ce qui se fera aysement si nous considerons ces passages a la bonne foy et franchement..

  A001000936 

 Ainsy la supreme charge qu'eut saint Pierre en l'Eglise militante, a raison de laquelle il est apellé fondement de l'Eglise, comme chef et gouverneur, n'est pas outre l'authorité de son Maistre, ains n'est qu'une participation d'icelle; si que luymesme n'est pas fondement de ceste hiérarchie outre Nostre Seigneur, mays plus tost en Nostre Seigneur, comme nous l'appelions tressaint Pere en Nostre Seigneur, hors duquel il ne seroit rien.

  A001000946 

 Et bien que saint Pierre ne fut pas encor chef et prince de l'Eglise, ce qui luy fut seulement conferé apres la resurrection du Maistre, il suffit quil estoit desja choisy pour tel et quil en avoit les erres; comme aussi les Apostres n'avoyent pas encores le pouvoir Apostolique, cheminans toute ceste benite compaignie plus comme disciples avec leur regent, pour apprendre les profondes leçons quilz ont par apres enseignëes aux autres, que comme Apostres ou envoyés, ce quilz firent despuys, lorsque le son de leur voix retentit par tout le monde.

  A001000946 

 Et ne nie pas nom plus que le reste des prælatz de l'Eglise n'ayent eu part [241] a l'usage des clefz; et quand aux Apostres, je confesse quilz y ont eu tout'authorité: je dis seulement que la collation des clefz est icy promise principalement a la personne de saint Pierre, et a l'utilité de toute l'Eglise; car encor que ce soit luy qui les ayt recettes, si est ce que ce n'est pas pour son prouffit particulier, mays pour celuy de l'Eglise.

  A001000946 

 Mays les ministres tachent tant quilz peuvent de troubler si bien la clere fontayne de l'Evangile, que saint Pierre n'y puysse plus trouver ses clefz, et a nous degouster d'y boire l'eau de la sainte obeissance qu'on doit au Vicaire de Nostre Seigneur; et partant ilz se sont avisés de dire que saint Pierre avoit receu ceste promesse de Nostre Seigneur au nom de toute l'Eglise, [240] sans quil y ait receu aucun privilege particulier en sa personne.

  A001000946 

 Nostre Seigneur ayant dict a saint Pierre quil ædifieroit sur luy son Eglise, affin que nous sceussions plus particulierement ce quil vouloit dire, poursuit en ces termes: Et tibi dabo claves regni cælorum.

  A001000946 

 On [ne] sçauroit parler plus clairement: il avoit dict, Beatus es Simon Barjona, quia caro, etc.

  A001000947 

 Si donques il promet au general ce quil promet a saint Pierre en particulier, il ni aura point de rayson de dire que saint Pierre soit plus qu'un des autres par ceste promesse..

  A001000949 

 Et quand a la promesse, je confesse que par ces parolles, et quodcumque solveris, Nostre Seigneur n'a rien plus promis a saint Pierre quil fit aux autres par apres, quæcumque alligaveritis super terram, etc.; car les paroles sont de mesme substance et signification en tous deux les passages.

  A001000951 

 I a il rien de plus coignant que ces deux Escrittures? Car, Beatus es, Simon Barjona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est, ne vaut il pas bien pour le moins, Vocabo servum meum Eliakim filium Helciæ? et, Ego dico tibi quia tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi, etc., ne vaut il pas tout autant, Induam illum tunica tua, et cingulo tuo confortabo eum, et potestatem tuam dabo in manu ejus, et erit quasi pater habitantibus Hierusalem et domui Juda? et qu'est ce autre chose estre le fondement ou pierre fondamentale d'une famille, que d'y estre comme pere, y avoir la surintendence, y estre gouverneur? Que si l'un a eu ceste asseurance, Dabo clavem David super humerum ejus, l'autre n'en a pas eu moins, qui a ceste promesse, Et tibi dabo claves regni cælorum; que si quand l'un aura ouvert, personne ne fermera, quand il aura fermé personne n'ouvrira, aussi, quand l'autre aura deslié personne ne liera, quand il aura lié personne ne desliera.

  A001000951 

 La, donques, est descritte la deposition d'un sauverain Prestre et gouverneur du Temple: Hæc dicit Dominus Deus exercituum: vade, ingredere ad eum qui habitat in tabernaculo, ad Sobnam, præpositum Templi, et dices ad eum: quid tu hic? et plus bas: deponam te.

  A001000951 

 Que reste il plus a dire, sinon que si jamays Eliakim filz d'Helcias a esté chef au Temple Mosaique, Simon filz de Jonas l'a esté en l'Eglise Evangelique? Eliakim representoit Nostre Seigneur comme figure, saint Pierre le repræsente [244] comme lieutenant; Eliakim le repræsentoit a l'Eglise Mosaique, et saint Pierre, a l'Eglise Chrestienne..

  A001000952 

 Et quelle difference y a il? certes, toute telle quil y a entre la proprieté d'une authorité et l'usage: il se peut bien faire qu'un roy vivant, il ait ou la reyne ou son filz qui ait tout autant de pouvoir que le roy mesme a chastier, absoudre, donner, faire grace; il n'aura pourtant pas le sceptre, mays l'usage seulement; il aura bien la mesm'authorité, mays nom pas quand a la proprieté, ains seulement quand a l'usage et l'exercice; tout ce quil aura faict sera faict, mays il ne sera pas chef ni roy, ains faudra quil reconnoisse que son pouvoir est extraordinaire, par commission et delegation, au lieu que le pouvoir du roy, qui ne sera point plus grand, sera ordinaire et par proprieté.

  A001000955 

 Nostre Seigneur, qui devoit maintenir la foy en son Eglise, n'a point prié pour la foy d'aucun des autres en particulier, mays seulement de saint Pierre comme chef: car, quelle rayson penserions nous en ceste prærogative, Expetivit vos, tous tant que vous estes, ego autem rogavi pro te? n'est ce pas le mettre luy tout seul en conte pour tous comme chef et conducteur de toute la troupe? Mays qui ne voit combien ce lieu est pregnant a ceste intention? Regardons ce qui precede, et nous y trouverons que Nostre Seigneur avoit declaré a ses Apostres quil y en avoit un entr'eux plus grand que les autres, qui major est inter vos, et qui præcessor; et tout d'un train Nostre Seigneur luy va dire que l'adversaire cherchoyt de les cribler, tous tant quilz estoyent, et neantmoins quil avoit prié pour luy [en] particulier, affin que sa foy ne manquast.

  A001000963 

 Ce n'est que saint Pierre qui s'appelle Simon Joannis, ou Jonæ (que l'un vault l'autre, et Jona n'est que l'abbregé de Joannah ), et affin qu'on sache que ce Simon Joannis est bien saint Pierre, saint Jan atteste que c'estoit Simon Petrus: Dicit Jesus Simoni Petro, Simon Joannis, diligis me plus his? c'est donq saint Pierre en particulier auquel Nostre Seigneur dict, Pasce oves meas.

  A001000963 

 Mesme, que Nostre Seigneur en ceste parole met saint Pierre a part des autres, quand il le met en comparayson: diligis me, voyla saint Pierre d'un costé, plus his? voyla les Apostres de l'autre; et quoy que tous les Apostres ny fussent pas, si est ce que les principaux y estoyent, saint Jaques, saint Jan, saint Thomas et autres.

  A001000965 

 C'est que par trois fois Nostre Seigneur luy recharge de faire office de pasteur, luy disant, p nt, Pasce agnos meos, 2 nt, oviculas, 3 nt oves; non seulement affin de rendre ceste [253] institution plus solemnelle, mays pour monstrer quil luy donnoit en charge non seulement les peuples, mays les pasteurs et Apostres mesme, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont meres..

  A001000967 

 Ni ce que saint Pol receut la main d'association de saint Pierre; car ilz estoyent compaignons en la predication, mays saint Pierre estoit plus grand en l'office pastoral, et les chefz appellent les soldatz et cappitaines compaignons..

  A001000968 

 Ni ce que saint Pol est apellé l'Apostre des Gentilz, et saint Pierre, des Juifz; par ce que ce n'estoit pas pour diviser le gouvernement de l'Eglise, ni pour empecher l'un ou l'autre de convertir et les Gentilz et les Juifz indifferemment, mays pour leur assigner les quartiers ou ilz devoyent principalement travailler a la [254] predication, affin que chacun attaquant de son costé l'impieté, le monde fust plus tost rempli du son de l'Evangile..

  A001000971 

 Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie; car le peuple envoya bien Phinëes, grand Præstre et superieur, aux enfans de Ruben et Gad, et le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz quil estimoit plus que luy mesme; et saint Pierre se trouvant au conseil luy mesme, il y consentit et authorisa sa mission propre..

  A001000972 

 Ni, en fin, ce qu'on faict sonner si haut, que saint Pol a repris en face saint Pierre; car chacun sçait quil est permis au moindre de reprendre le plus grand et de l'admonester quand la charité le requiert: tesmoin [256] nostre saint Bernard en ses Livres De Consideratione; et sur ce propos le grand saint Gregoire dict ces paroles toutes dorëes: Factus est sequens minoris sui, ut in hoc etiam præiret; quatenus qui primus erat in apostolatus culmine, esset primus [et] in humilitate..

  A001000980 

 C'est S t Pierre seul auquel ceste charge s'addresse; Dicit Jesus Simoni Petro, Simon Joannis, diligis me plus bis? c'est donq S t Pierre auquel N. S r parle; car pas un de la trouppe ne s'appelloit Simon Pierre, ou Simon Joannis, si ce n'est S t Pierre, filz de Jonas ou Johannah (que l'un n'est qu'un abbregé de l'autre).

  A001000980 

 Mesme, que N. S r met icy saint Pierre a part des autres, quand il le met en comparayson: M'aymes tu, voyla S t Pierre d'un costé, plus que les autres? voyla les Apostres de l'autre; et quoy que tous n'y fussent pas, les principaux y estoyent, S t Jaques, S t Jan, S t Thomas.

  A001000982 

 Mays nostre S t Bernard ne me permet pas que j'oublie que N. S r fit trois repetitions ou recharges a S t Pierre; luy disant, p nt, Pasce agnos meos, 2 nt, oviculas, 3 nt, oves; non seulement affin de rendre ceste [253] institution plus solemnelle, mays encores pour monstrer qu'il luy donnoit en charge non seulement les peuples, qui sont comme agneaux et brebiettes, mays encores les pasteurs et Apostres, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont meres..

  A001000984 

 Ni ce que S t Pol receut la main d'association de S t Pierre; car ilz estoyent compaignons en la predication et charge apostolique, mays S t Pierre estoit plus grand et premier en la charge pastorale..

  A001000985 

 Ni ce que S t Pol estoit l'Apostre des Gentilz, et S t Pierre, des Juifz; car ce ne fut pas une division du gouvernement de l'Eglise, mays une assignation des quartiers ou ilz devoyent principalement travailler [254] en la predication, affin que chacun attaquant de son costé l'impieté, le monde fust plus tost reduit a l'obeissance du Sauveur: et cela n'empechoit point que l'un et l'autre ne peust prescher parmi les Gentilz et les Juifz indifferemment, et que l'un ne fust chef en authorité..

  A001000988 

 Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie: car le peuple envoya bien Phinees, grand Prestre et superieur, aux enfans de Ruben et de Gad; le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz pour parler a Nostre Seigneur, et toutefois il les estimoit plus que soy mesme; et S t Pierre se trouvant au conseil y consentit, et authorisa sa mission propre..

  A001000989 

 Ni, en fin, ce qu'on faict sonner si haut, que S t Pol a repris en face S t Pierre; car chacun sçait qu'il est permis au moindre de reprendre le plus grand, et de l'admonester avec charité et sousmission: tesmoin [256] S t Bernard en ses Livres ad Eugenium; et sur ce propos le grand S t Gregoire dict ces paroles toutes dorees: Factus est sequens minoris sui, ut in hoc etiam præiret; quatenus qui primus erat in apostolatus culmine, esset primus in humilitate..

  A001000996 

 ; saint Mathieu met saint Jaques 3., saint Marc le met 2 d: bref, il ni a que saint Philippe, saint Jaques Alphæi et Judas qui ne soient tantost plus haut tantost plus bas.

  A001000996 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblëes, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray [est] il encor plus certain que si nous l'avions veu; quand nous verrions par tout saint Pierre le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et saint Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001000997 

 Vous sçaves bien que nommer une personne et mettre les autres en un bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inferieurs..

  A001000998 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cæteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, Dicite discipulis ejus, et Petro? Pierre estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins ou plus que les autres, ou il estoit esgal: jamais homme, sil n'est du tout desesperé, ne dira quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Andreæ, ou Joanni? Certes, il faut que ce soit quelque particuliere qualité qui soit en luy plus qu'es autres, et quil ne fut pas simple Apostre; de maniere qu'ayant dict, Dicite discipulis, ou, Sicut cæteri discipuli, on peut encor demeurer en doute de saint Pierre, comme plus qu'Apostre et disciple..

  A001001000 

 Mais qu'est cecy, je vous prie? dire que saint Pierre fut le plus viel de la troupe, c'est chercher a credit une excuse a l'opiniastreté: on voit les raysons toutes cleres en l'Escriture, mays par ce qu'on est resolu de maintenir le contrayre, on en va chercher avec l'imagination ça et la.

  A001001000 

 On respond a cecy que si les Evangelistes ont nommé saint Pierre le premier, ç'a esté par ce quil estoit le plus avancé en aage entre les Apostres, ou pour quelques privileges qui estoyent en luy.

  A001001000 

 Pourquoy dict on que saint Pierre fut le plus viel, puysque c'est une pure fantasie, qui n'a point de fondement en l'Escriture et est contraire aux Anciens? que ne dict on plus tost quil estoit celuy sur lequel Nostre Seigneur fondoit son Eglise, auquel il avoyt baillé les clefz du royaume des cieux, qui estoit le confirmateur des freres? car tout cecy est de l'Escriture: ce qu'on veut soustenir est soustenu, sil a fondement en l'Escriture ou non, il n'importe.

  A001001004 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblees, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray il est encor plus certain; quand nous verrions par tout et en toutes occasions S t Pierre marcher le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et S t Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001001005 

 Vous sçaves bien que nommer une personne a part et mettre les autres en bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inferieurs..

  A001001006 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cœteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, je vous prie, Dites aux disciples, et a Pierre, Pierre et les Apostres respondirent? comment? Pierre n'estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins, ou esgal, ou plus que les autres; jamais homme ne dira, sil n'est du tout desesperé, quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Jacobo, ou Joanni?.

  A001001007 

 Au reste, S t Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, a sçavoir, quil y en avoit un premier et tout le reste egal, sans second ni troysiesme: Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus; il ne dict poinct, secundus Andreas, tertius Jacobus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que S t Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et ny avoit plus de precedence.

  A001001008 

 Dignité laquelle on ne peut rejetter sur la viellesse de S t Pierre, car ce seroit une pure fantasie, et une trop grosse excuse a l'opiniastreté, qui n'a point de fondement en l'Escriture, et est contraire a la tradition des Anciens; et qu'il ne fut pas le plus ancien Apostre, l'Escriture le monstre ouvertement qui tesmoigne que S t André l'amena a N. S r; et quand aux autres qualités et conditions de S t Pierre, on n'en trouvera point de particulieres qui le puissent avancer plus que les autres, sinon celles qui le rendent chef de l'Eglise.

  A001001025 

 Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre Seigneur tesmoigner plus vivement son intention? l'opiniastreté ne voit goutte parmi tant de lumieres? Saint André vint le premier a la suite de Nostre Seigneur, ce fut luy qui y amena son frere saint Pierre, et saint Pierre præcede par tout; que veut dire cela, sinon que l'avantage que l'un avoit en tems, l'autre l'avoit en dignité?.

  A001001027 

 Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le Saint Esprit, que saint Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onse compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salut aux Juifz en Hierusalem: c'est le premier catechiste de l'Eglise, et qui preche la pœnitence; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays saint Pierre seul respond pour tous, comme chef de tous..

  A001001036 

 Si cecy n'est pas estre le premier et chef des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, les pasteurs, pasteurs, ni les docteurs, docteurs; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre un pasteur, un docteur, un Apostre, que celles que le Saint Esprit a mis es Escritures pour faire reconnoistre saint Pierre pour chef de l'Eglise? [268].

  A001001053 

 Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre S r tesmoigner plus vivement son intention et nostre creance? se peut il faire que l'opiniastreté ne voye goutte parmi tant de lumieres? S t André vint le premier a la suite de N. S., ce fut luy qui amena S t Pierre son frere, mays ce dernier venu precede par tout; que veut dire cela, sinon que l'avantage que l'un avoit en tems, l'autre l'avoit en dignité?.

  A001001055 

 Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le S t Esprit, que S t Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onze compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salvation aux Juifz en Hierusalem: c'est le premier catechiste de l'Eglise, et qui preche la penitence; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays S t Pierre seul respond pour tous, comme chef de la troupe..

  A001001064 

 Si tout cecy mis ensemble ne nous faict reconnoistre S t Pierre pour chef de l'Eglise et des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, ni les pasteurs, pasteurs; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre l'authorité d'un Apostre et pasteur sur le peuple, que celles que le S t Esprit a mis es Escritures pour faire paroistre S t Pierre au dessus des Apostres, des pasteurs et de toute l'Eglise? [268].

  A001001070 

 Ceux la donques la forcent, qui y apportent un sens nouveau, qui la tirent contre la nature de ses paroles et contre le sens de l'antiquité: ce que sil est loysible a chacun, l'Escriture ne servira plus que de jouët aux cerveaux fantasques et opiniastres..

  A001001106 

 [S. Chrysostome:] Curateur des freres et de l'univers; Pasteur et chef de l'Eglise, plus ferme que le diamant; Petram indelebilem, crepidinem immobilem, Apostolum magnum, primum discipulorum; Ecclesiæ firmamentum, Christianorum ducem et magistrum, spiritalis Israelis columnam, fluctuantium gubernatorem, cælorum magistrum, Christi os, summum Apostolorum verticem; Ecclesiæ principem, portum fidei, orbis terrarum magistrum. [272].

  A001001117 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le Saint Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puyssans, avoient besoin de confirmateur et de pasteur pour la forme de leur union, combien plus maintenant l'Eglise en a necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? la rayson de saint Hierosme a bien autrement lieu maintenant qu'au tems des Apostres, Inter omnes unus eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio.

  A001001124 

 Ce n'a pas esté S t Pierre seulement qui a esté chef de l'Eglise, mais comme l'Eglise n'a pas defailli par la mort de S t Pierre, ainsy l'authorité d'un chef n'y a pas manqué; autrement l'Eglise ne seroit plus une, ni au train auquel Nostre Seigneur l'avoit mise..

  A001001125 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le S t Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puissans, avoyent besoin de confirmateur et pasteur pour la forme et entretenement visible de leur union, et de toute l'Eglise, combien plus maintenant en avons nous necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? et si les volontés des Apostres, si fermement liees par la charité, eurent besoin d'une liaison exterieure de l'authorité d'un chef, combien plus par apres, quand la charité s'est tant rafroidie, a l'on eu besoin de ceste liaison d'une authorité et d'un magistrat visible? Que si, comme dict S t Hierosme, au tems des Apostres Unus inter omnes eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio, combien plus maintenant, pour la mesme rayson, est il necessaire qu'il y ait un chef en l'Eglise? La bergerie Chrestienne doit durer en unité visible jusqu'a la consummation du monde, donques l'unité de gouvernement exterieur y doit demeurer encores, et personne n'a l'authorité de changer la forme d'administration que Nostre Seigneur y a mise: dont il s'ensuit notoirement que S t Pierre a eu des successeurs, en a encores, et en aura jusqu'a la fin du siecle.

  A001001129 

 Je ne fais pas ici profession de traitter les difficultés a fons de cuve, il me suffit d'avancer quelques principales raysons, et mettre au net nostre creance; que si je voulois m'amuser aux objections qu'on faict sur ce point, j'aurois plus d'ennuy que de peyne, et la pluspart sont si legeres qu'elles ne meritent pas qu'on y perde le tems.

  A001001131 

 Mays comme seroit il perpetuel si saint Pierre n'avoit point de successeur? car on ne peut pas douter que saint Pierre ne soit plus pasteur de l'Eglise, puysquil n'est plus en l'Eglise militante, ni mesme homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible.

  A001001132 

 Et d'un costé, personne ne doute que saint Pierre n'ait continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de Nostre Seigneur, Pasce oves meas, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cest autre, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001142 

 Or nous avons monstré que S t Pierre a esté chef ministeriel de l'Eglise, et que ceste charge luy a esté baillee pour le bien et utilité publique du Christianisme, si que, le Christianisme durant tousjours, ceste mesme charge et authorité doit estre perpetuelle en l'Eglise militante; mays S t Pierre n'est plus pasteur de l'Eglise, puysqu'il n'est plus en l'Eglise militante, ni homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible.

  A001001143 

 Et d'un costé, c'est chose certaine que S t Pierre a continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de N. S r, Repais mes brebis, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cestuy la, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001163 

 Pour Dieu, jettons l'œil sur ceste tresancienne et trespure Eglise des six premieres centeynes, et la regardons de toutes pars; que si nous la voyons croire fermement que le Pape fut successeur de saint Pierre, quelle temerité sera ce de le nier? Voicy, ce me semble, une rayson qui ne demande plus aucun credit, mays consiste en beau content: saint Pierre a eu des successeurs en son vicariat; et qui a jamais esté en reputation en l'Eglise ancienne, d'estre successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise, que l'Evesque de Rome? Certes, tout tant quil y a d'autheurs anciens [285] donnent tous ce tiltre au Pape, et jamais aux autres, et comme donques dirons nous quil ne le soit pas? certes, c'est nier la verité conneüe.

  A001001188 

 Les discours que l'on faict au contraire sont plus ennuyeux que difficiles, et par ce que qui aura le vray discours de la vie de saint Pierre devant les yeux, aura asses dequoy respondre a toutes ces objections, j'en diray briefvement ce que j'en crois estre plus probable; en quoy je suyvray l'opinion de ces excellents theologiens, Gilbert Genebrard, Archevesque d'Aix, en sa Chronologie, et Robert Belarmin, Jesuite, en ses Controverses, qui suivent de pres saint Hierosme et Eusebe, in Chronico..

  A001001190 

 Au reste, saint Epiphane peut avoir eu [occasion] de douter de l'election de saint Clement faite par saint Pierre, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy sans resolution, touchant ce faict, a saint Epiphane, et par contraire rayson faict si fermement asseurer a Tertullien, plus ancien, que, Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001191 

 Maintenant, ja que par ce petit discours de la vie de saint Pierre, qui est tres probable, vous aves veu que saint Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y ayant son siege n'a pas layssé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de saint Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on dict que saint Pol ait escrit a Rome et dés Rome, et quil n'ait point faict de mention de saint Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure saint Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001200 

 Toutes les fantasies que l'on faict au contraire peuvent estre rejettees par le vray discours de la vie de S t Pierre; j'en diray donques icy ce qu'il me semble de plus probable, suivant l'advis de Gilbert Genebrard, Archevesque d'Aix, et de Robert Belarmin..

  A001001203 

 Maintenant que par ce petit discours vous aves veu que S t Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a eRome, mays y ayant son siege n'a pas laissé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de S t Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on vous dict que S t Pol ait escrit a Rome et dés Rome sans faire mention de S t Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure S t Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001269 

 Cecy doit suffire aux cerveaux mesme les plus bigearres, pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze continue a dire, apres son maistre Calvin, en son traitté Des Marques de l'Eglise, ou il dict que Phocas a esté le premier qui a donné authorité a l'Evesque de Rome sur les autres et l'a mis en primauté.

  A001001269 

 Mays a quoy faire, dire un si gros mensonge? Phocas vivoyt au tems de saint Gregoire le Grand, et tout tant que j'ay allegué d'autheurs sont plus anciens que saint Gregoire, hormis saint Bernard, lequel j'ay allegué aux Livres [299] De Consideratione, par ce que Calvin les a pour si veritables quil luy semble que la verité mesme y ait parlé..

  A001001277 

 Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thessaloniciens, pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont les plus grans menteurs du monde; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de saint Gregoire se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001321 

 A quoy faire, je vous prie, un si gros mensonge? Phocas vivoit au tems de S t Gregoire le Grand, et tous les autheurs que j'ay allegués sont plus anciens que S t Gregoire, hormis S t Bernard, lequel [299] j'ay allegué aux Livres De Consideratione, par ce que Calvin les reçoit en credit..

  A001001321 

 Cecy doit suffire aux cerveaux mesme les plus bigearres, pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze dict, apres son maistre Calvin, quand il asseure que Phocas a esté le premier qui a mis en credit et primauté l'Evesque de Rome.

  A001001329 

 Et affin que vous sachies combien ce nom est ancien parmi les gens de bien, S t Ignace, disciple des Apostres, en la lettre quil escrit a Marie Zarbense, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam [301] Linum; ja de ce tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thess., pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont eux mesmes enfans du diable, qui mentent si puamment; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de S t Gregoire ilz se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001337 

 l'Eglise ne peut pas tousjours estre ramassëe en un Concile general, et les trois premieres centeynes d'annëes il ne s'en fit point; es difficultés donques qui surviennent journellement, a qui se pourroit on mieux adresser, de qui pourroit on prendre loy plus asseurëe, regle plus certaine que du chef general et du Vicaire de Nostre Seigneur?.

  A001001339 

 Ainsy donques le supreme pasteur de l'Eglise nous est juge competent et suffisant en toutes nos plus grandes difficultés, autrement nous serions de pire condition que cest ancien peuple, qui avoyt un tribunal auquel il pouvoit s'addresser pour la resolution de ses doutes, specialement en matiere de religion.

  A001001343 

 Quid etiam actione firmastis, nisi scientes quod per omnes provincias de Apostolico fonte petentibus responsa semper emanent? Præsertim quoties fidei ratio ventilatur, arbitror omnes fratres et coepiscopos nostros non nisi ad Petrum, id est, sui nominis et honoris authorem, referre debere, velut nunc retulit vestra dilectio, quod per totum mundum possit omnibus ecclesiis in commune prodesse. Voyes vous l'honneur et le credit auquel estoit le Siege Apostolique vers les Anciens les plus doctes et saints, voire mesme vers les Conciles entiers? on y alloit comme au vray Ephod et Rational de la nouvelle Loy: ainsy y alla saint Hierosme, du tems de Damasus, auquel, apres avoir dict que l'Orient rompoit et mettoit en pieces la roubbe, entiere et tissue par dessus, de Nostre Seigneur, et que les renardeaux gastoyent la vigne du Maistre, Ut inter lacus contritos, dict il, qui aquam non habent, difficile ubi fons signatus et hortus ille conclusus sit possit intelligi, ideo mihi Cathedram Petri et fidem Apostolico ore laudatam censui consulendam, etc..

  A001001345 

 La 2 e, il faut plus tost ceder a son adversaire que de rompre l'union de charité; donques il vaut mieux obeir au Pape que de se separer de l'Eglise.

  A001001346 

 Calvin vient a ce point, quoy quil aille embrouillant la matiere tant quil peut; car, parlant du Siege de Rome, il confesse que les Anciens l'ont tous honnorëe et reverëe, qu'elle a esté le refuge des Evesques, et plus constante en la foy que les autres sieges; ce quil attribue a faute de vivacité d'entendement.

  A001001357 

 Vous lises les escritz de Calvin, de Zuingle, Luther; je vous supplie, tries en les injures, calomnies, opprobres, mesdisances, risëes, bouffonneries qui y sont contre le Pape et le Saint Siege de Rome, et vous verres quil ny demeurera rien: vous oÿes vos ministres; imposes leur silence quand aux injures, mocqueries, mesdisances, calomnies contre le Saint Siege, et vous aures vos preches la moitié plus cours.

  A001001371 

 Or plusieurs playes sont mortelles en presence de quelques medecins, et incurables, qui [319] ne le seront pas en præsence des autres qui sont plus suffisans et ont quelque remede plus exquis; ainsy la plaïe sera mortelle selon le cours ordinaire de la medecine, mays le diable, qui a plus de suffisance en la connoissance des vertus des herbes, odeurs, minerales et autres drogues, que les hommes, fera ceste cure la par l'application secrette des medicamens inconneuz aux hommes: et semblera miracle a qui ne sçaura discerner entre la science humayne et diabolique, entre la diabolique et divine, en ce que la diabolique devance l'humayne de grande traitte, et la divine surpasse la diabolique d'une infinité; l'humayne ne sçait qu'une petite partie de la vertu qui est en nature, la diabolique sçait beaucoup davantage mays dans les confins de nature, la divine n'a point d'autre limite que son infinité.

  A001001372 

 Ainsy pourrois je dire, si Nostre Seigneur n'eust jamays faict autre miracle que de dire a la Samaritayne que l'homme qui habitoit avec elle n'estoit pas son mari, et que de convertir l'eau en vin, on eust peu penser quil y avoit de l'illusion et magie; mays ces merveilles partant de la mesme main qui faysoit voir les aveugles, parler les muetz, ouir les sourds, vivre les mortz, il ny eschoit plus aucun scrupule.

  A001001373 

 Or, semble il que les miracles soyent tesmoignages generaux pour les simples et plus rudes: car chacun ne peut pas sonder l'admirable convenance quil y a entre les Propheties et l'Evangile, la grande sapience de l'Escriture, et semblables marques illustres qui sont en la Religion Chrestienne, c'est un examen a faire aux doctes; mays il ni a celuy qui n'apprehende le tesmoignage d'un vray miracle, chacun entend ce langage entre les Chrestiens.

  A001001380 

 Que peut donques conclure sinon que, Digitus Dei est, que Dieu a signé et scellé la creance en laquelle [323] nous sommes pour l'article de la succession du Pape en l'authorité de saint Pierre, et pour l'article de la tressainte Messe? qu'opposera on? En quel tems s'est faict ce miracle? en la plus pure et sainte Eglise, car, et Calvin et les Lutheriens confessent que la pureté de l'Eglise a duré jusqu'apres saint Gregoire.

  A001001381 

 Une femme aussy qui avoit petri le pain qu'on devoit consacrer, venant a la sainte Communion, comm'elle vit saint Gregoire, tenant non plus le pain mais le tressaint Sacrement, venir a elle pour la communier, et dire, Corpus Domini Nostri Jesu Christi custodiat animam, etc., elle se prit a rire; saint Gregoire l'interroge pourquoy elle rioyt, elle respond que c'estoit parce qu'elle avoit petri le pain duquel saint Gregoire avoit dict que c'estoit le Cors de Nostre Seigneur; saint Gregoire impetra par prieres que la sainte Eucharistie apparut au dehors ce qu'elle estoit au dedans, dont ceste pauvre femme fut reduite a la foy, et tout le peuple confirmé: c'est une histoire racontëe par le bon Paulus Diaconus..

  A001001393 

 Et plus bas il dict: Neque aliter Martirum operibus inviderent, nisi fidem in iis fuisse eam quam isti non habent judicarent, fidem illam Majorum traditione firmatam, quam dæmones ipsi negare non possunt, sed Arriani negant: non accipio a diabolo testimonium sed confessionem. Quelles circonstances ne rendent ces miracles irreprochables? une partie sont restitutions des operations vitales, qui ne se peut faire par autre puyssance que la divine; le tems auquel ilz se sont faitz estoit tout voysin a celuy de Nostre Seigneur, l'Eglise toute pure et sainte; il ni avoit point d'Antichrist au monde, comme dient les ministres; [327] les personnes par la priere desquelles ilz se faysoyent, tres saintes; la foy qui en estoit confirmëe estoit generale et tres Catholique; les autheurs qui les recitent, tres asseurés..

  A001001395 

 Dites, pour Dieu, ce quilz racontent est il pas tres possible a Dieu? et sil est possible, comme oserons nous nier quil n'ait esté faict, puysque [328] tant de grans personnages en tesmoignent? On m'a dict plus d'une fois, est ce article de foy de croire ces contes? Ce n'est voirement pas article de foy, mays article de sagesse et discretion; car c'est une bestise trop notoire et une tres sotte arrogance de donner des dementies a ces anciens et graves personnages, sans autre fondement que parce que ce quilz disent n'est pas sortable a nos conceptions: sera il donq dict que nostre petite cervelle bornera la verité et mensonge, et fera loy a l'estre et au non estre? [329].

  A001001409 

 Dieu est autheur en nous de la rayson naturelle, et ne hait rien de ce quil a faict, si que, ayant marqué nostre entendement de ceste sienne lumiere, il ne faut pas penser que l'autre lumiere surnaturelle quil depart aux fidelles, combatte et soit contraire a la naturelle; elles sont filles d'un mesme Pere, l'une par l'entremise de nature, l'autre par l'entremise de moyens plus hautz et eslevés, elles donques peuvent et doivent demeurer ensemble comme seurs tres affectionnëes.

  A001001410 

 Mon œil se peut tromper, jugeant une chose plus grande qu'elle n'est; mays la grandeur n'est pas le propre object de mon œil, car il est commun au toucher et a la main: et se peut tromper, estimant le mouvement estre ou il n'est point, comme ceux qui navigent le long de la rive voient, ce leur semble, les arbres et tours se remuer; mays le mouvement n'est pas propre object de la veüe, le toucher y a part encores: il se peut encores tromper si l'application n'est pas pure; car, sil y a du verre vert ou rouge en l'entredeux, il pensera vert ou rouge ce qui ne le sera pas..

  A001001411 

 Au reste, si au jugement du sens et a l'experience vous y adjoustes du discours et de la consequence, si vous vous y trompes ne vous en prenes plus au sentiment ni a l'experience, car elle n'est plus pure ni simple, qui est une des conditions que j'ay mises en mes propositions; c'est le discours et la consequence que vous y aves attachüe qui vous a trompé.

  A001001424 

 « A considerer exactement, les œuvres pour bonnes qu'elles soyent meritent plus l'enfer que le Paradis: » la justice donques de Dieu, qui donnera a chacun selon ses œuvres, donnera a chacun l'enfer? [334].

  A001001425 

 Mays l'absurdité des absurdités, et la plus horrible deraison de toutes, c'est celle la, que, tenans que l'Eglise tout'entiere aÿe erré mill'ans durant en l'intelligence de la Parole de Dieu, Luther, Zuingle, Calvin puyssent s'asseurer de la bien entendre; bien plus, qu'un simple ministrot, prechant comme parole de Dieu que toute l'Eglise visible a erré, que Calvin et tous les hommes peuvent errer, ose trier et choysir entre les interpretations de l'Escriture celle qui luy plaict, et l'asseurer et maintenir comme parole de Dieu; encores plus, que vous autres qui oyans dire que chacun peut errer au faict de la religion, et toute l'Eglise mesme, sans vouloir vous en chercher d'autre parmi mille sectes qui toutes se vantent de bien entendre la Parole de Dieu et la bien precher, croÿes si opiniastrément a un ministre qui vous preche, que vous ne voules rien ouir autre.

  A001001426 

 L'Evangile vole bien haut sur toutes les plus eslevees raysons de nature; jamais il ne les combat, jamais ne les gaste ni défaict: mays ces fantasies de vos evangelistes ruynent et obscurcissent la lumiere naturelle.

  A001001432 

 Disons, je vous prie: vous dites que l'Escriture est aysëe d'entendre, pourveu qu'on l'adjuste a la regle et proportion ou analogie de la foy; mays quelle regle de la foy peuvent avoir ceux [qui] n'ont point d'Escriture que toute glossee, toute estirëe et contournee d'interpretations, metaphores, metonimies? si la regle est sujette au desreglement, qui la reglera? et quelle analogie ou proportion de foy y peut il avoir, si on proportionne les articles de foy aux conceptions les plus esloignëes de leur naïfveté? Voules vous que la proportion des articles de foy vous serve pour vous resoudre sur la doctrine et religion? laysses les articles de foy en leur naturelle taille, ne leur bailles point d'autre forme que celle quilz ont receüe des Apostres.

  A001001434 

 Sa mort m'affermit, car, qui est mort pour nous, que ne fera il pas pour nous? Son sepulchre me console, et sa descente aux enfers, car je ne douteray point quil ne descente en l'obscurité de mon cors, etc. [337] Sa resurrection me ravive, car la nouvelle penetration de la pierre, l'agilité, subtilité, clarté, impassibilité de son cors n'est plus sujette aux loix trop grossieres de nos cervelles.

  A001001436 

 Mays je reviens a vous, Messieurs, et demande que c'est qu'on m'opposera plus a ces passages si clairs, Cecy est mon cors.

  A001001436 

 Que dires vous plus? que ce Sacrement est appellé pain? aussy est il, mays comme Nostre Seigneur l'explique: Ego sum panis vivus.

  A001001438 

 Voyla vostre analogie; a sçavoir mon, qui a mieux travaillé, ou vous ou moy? Si on vous laisse interpreter la descente de Nostre Seigneur aux enfers, du [340] sepulcre, ou de l'apprehension de l'enfer et peyne des damnés, la sainteté de l'Eglise, d'une Eglise invisible et inconneüe, son universalité, d'une Eglise secrette et cachëe, la communion des Saintz, d'une seule bienveuillance generale, la remission des pechés, d'une seule non imputation, quand vous aures ainsy proportionné le Simbole a vostre jugement, il sera quand et quand bien proportionné au reste de vostre doctrine; mays qui ne voit l'absurdité? le Simbole, qui est l'instruction des plus simples, seroit la plus obscure doctrine du monde, et devant estre regle a la foy, il auroit besoin d'estre reglé par une autre regle; In circuitu impii ambulant.

  A001001445 

 La doctrine Catholique rend plus glorieuse et magnifie la bonté et misericorde de Dieu; vos opinions la ravalent.

  A001001445 

 Par exemple, ny a il pas plus de misericorde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commemoration et manducation fiduciaire? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grace, que sans l'embellir le justifier par une simple connivence ou non imputation? n'est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes, que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctification du pecheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont l'un ne serve de rien et l'autre de peu? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signalëe, remarquable et perpetuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipëe, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut enduré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict? la misericorde de Dieu n'est elle pas plus magnifiëe, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le credit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort, que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin, jusqu'au jugement, les rendre sourds a nos prieres et se rendre inexorable aux leurs? Cecy se verra plus clair en nos essais..

  A001001446 

 Nostre doctrine rend plus admirable le pouvoir de Dieu, au Sacrement de l'Eucharistie, en la justification [343] et justice inhærente, es miracles, en la conservation infallible de l'Eglise, en la gloire des Saintz..

  A001001448 

 Que diray je plus? connoisses la voix de la colombe au pres de celle du corbeau.

  A001001448 

 Voyes vous pas ceste Espouse qui n'a autre que miel et laict sous sa langue, qui ne respire que la plus grande gloire de son Espoux, son honneur et son obeissance? Sus donques, Messieurs, voules vous estre mis comme pierres vivantes es murailles de la celeste Hierusalem? leves vous des mains de ces bastisseurs desreglés, qui n'adjustent pas leurs conceptions a la foy, mais la foy a leurs conceptions; venes et vous presentes a l'Eglise, qui vous posera, si a vous ne tient, en ce celeste bastiment, a la vraye regle et proportion de la foy: car, jamais personne n'aura place la haut, qui n'aura esté poli et mis en œuvre sous la regle et l'esquierre cy bas.

  A001001457 

 .. Ah mon Dieu, comme creutes vous si legerement? Il ny eut onques heresie qui alleguast plus hors de propos la Parole de Dieu que celle cy, et qui en tirast des conclusions moins sortables, particulierement es principales disputes.

  A001001458 

 Les ministres ne veulent combattre qu'avec l'Escriture, je le veux; ilz ne veulent de l'Escriture que les parties qu'il leur plaict, je m'y accorde: au bout de tout cela, je dis que la creance de l'Eglise Catholique l'emporte de tous pris, qu'elle a plus de passages pour soy que l'opinion contraire, et ceux qu'elle a, plus clairs, purs et simples, plus raysonnablement interpretés, mieux [346] concluans et sortables.

  A001001459 

 Et a ceste occasion j'adjusteray tousjours le sens et la consequence que je produiray des Escritures, aux Regles que j'ay produites en la seconde Partie; quoy que mon dessein principal ne soit que de vous faire essayer la vanité de vos ministres, qui ne faysans que crier, la Sainte Escriture, la Sainte Escriture, ne font rien plus que d'en violer les plus asseurëes sentences.

  A001001460 

 C'est ce que je pretens icy, mays briefvement; et [348] proteste que je produyray tresfidelement tout ce que je cuyderay estre de plus apparent de leur costé, puys par l'Escriture mesme les convaincray, affin que vous voyes que quoyque et eux et nous manions et nous armons de l'Escriture, nous en avons neanmoins la realité et droit usage, eux n'en ayant qu'une vayne apparence par maniere d'illusion; ainsy que non seulement Moise et Aaron, mays encores les magiciens animerent leurs verges et les convertirent en colœuvres, mays la verge d'Aaron devora les verges des autres.

  A001001469 

 Mays nous [allons] voir cecy cy apres; il suffit maintenant, contre l'insolence de Zuingle et autres qui ont voulu rejetter ce nom, que toute l'Eglise ancienne en aÿe usé: car ce n'est pas avec une plus grand'authorité que le mot de Trinité, Consubstantiel, Personne, et cent autres sont demeurés en l'Eglise comme saints et legitimes; et c'est une tres inutile et sotte temerité de vouloir changer les motz ecclesiastiques que l'antiquité nous a laissé, outre le danger quil y auroit, qu'apres le changement des motz on n'allast au change de l'intelligence et creance, comme on voit ordinayrement que c'est l'intention de ces novateurs de paroles.

  A001001469 

 Or, puysque les prætendus reformateurs, pour la plus part, quoy que ce ne soit sans gronder, layssent ce mot en usage par mi leurs livres, [350] amusons nous aux difficultés que nous avons avec eux sur les causes et les effetz des Sacremens, et voyons comm'ilz y mesprisent l'Escriture et les autres Regles de la foy..

  A001001476 

 Or toutefois, vos pretensions seroient en certaine façon plus tolerables, si nous n'avions en l'Escriture des raysons contraires, plus expresses que les vostres ne sont, hors de toute comparayson.

  A001001476 

 Qui doute que saint Pol n'ait catechisé et instruict de la foy plusieurs Corinthiens qui ont estés baptisés? que si l'instruction et prædication estoit la forme du Baptesme, saint Pol n'avoit pas rayson de dire, Gratias ago Deo quod [352] neminem baptizavi nisi Crispum et Caium, etc.; car donner forme a une chose, n'est ce pas la faire? Bien plus, que saint Pol met a part le baptizer du precher: Non me misit Christus baptizare sed evangelizare.

  A001001478 

 Or sus, voyla, selon les Regles de la foy, et principalement selon l'Escriture Sainte, comme vos ministres errent quand ilz vous enseignent que la prædication est forme des Sacremens: mays voyons si ce que nous en croyons est plus conforme a la sainte Parole.

  A001001478 

 Quomodo, dict le grand saint Ambroise, potest qui panis est Corpus esse Christi? consecratione; et plus bas: Non erat Corpus Christi ante consecrationem, sed post consecrationem dico tibi quod jam est Corpus Christi; et voyes le bien au long, mays je me reserve sur ce sujet quand nous traitterons de la sainte Messe..

  A001001485 

 Comm'il suffit pour dire que je preche pour servir Dieu et pour le salut des ames, si lhors que je me veux præparer j'ay ceste intention, quoy que quand je suys en chaire je pense a ce que j'ay a dire et a m'en tenir en memoyre, et ne pense plus en ceste premiere intention: ou comme celuy qui a resolu de donner cent escus pour l'amour de Dieu, puys, sortant de sa mayson pour ce faire, pense a d'autres choses, et neanmoins distribue la somme; car encores quil n'aye pas la pensee dressëe actuellement en Dieu, si ne peut on pas dire quil n'aÿe son intention a Dieu en vertu de sa premiere deliberation, et quil ne face cest'œuvre de charité deliberement et a son escient.

  A001001488 

 Bien plus, car ces paroles, au nom du Pere, etc., peuvent estre dites au nom de l'ennemy du Pere, comme ces paroles, en verité, en verité, peuvent et sont souventefois dites en mensonge.

  A001001488 

 Si donques Nostre Seigneur ne commande pas simplement qu'on face l'action du Baptesme ni qu'on die les paroles, mays l'action se face et les paroles se dient au nom du Pere, etc., il faut avoir au moins l'intention generale de faire le Baptesme en vertu du commandement de Nostre Seigneur, en son nom et de sa part; et quand a l'absolution, que l'intention y soit requise, il est plus qu'expres: Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis, il laysse cela a leur deliberation.

  A001001502 

 N'avons nous pas rayson, tous tant que nous sommes de domestiques et enfans de l'Eglise, de nous porter pour appellans, et nous plaindre de la partialité des juges, laissans a part, pour ceste heure, l'incompetence d'iceux? Donques nous appelions des juges non instruitz a eux mesmes instruitz, et des jugemens faictz partie non ouye, a des jugemens partie ouye, supplians tous ceux qui voudront juger sur ce different, de considerer nos allegations et probations d'autant plus attentivement, qu'il y gist, non de la condamnation de la partie accusee, qui ne peut estre condamnee par ses inferieurs, mays du damnement ou sauvement de ceux mesmes qui en jugeront..

  A001001508 

 Et quand au sang de Nostre Seigneur, nous reconnoissons tellement la vertu d'iceluy, que nous protestons par toutes nos prieres que la purgation des ames, soit en ce monde soit en l'autre, ne se faict que par son application; plus jaloux de l'honneur deu a ceste pretieuse medecine que ceux qui, pour la [364] priser, en mesprisent le saint usage.

  A001001519 

 Par plusieurs autres passages, avec diversité de consequences toutes neanmoins bien a propos; en quoy l'on doit d'autant plus deferer a nos Docteurs, que les passages qu'ilz alleguent maintenant ont esté apportés a ce mesme propos par ces grans Peres anciens, sans que pour defendre ce saint article nous soyons allés forger de nouvelles interpretations: qui monstre asses la candeur avec laquelle nous cheminons [366] en besoigne, la ou nos accusateurs tirent des consequences de l'Escriture qui n'ont jamais esté pensees cy devant, ains sont mises tout de frais en œuvre pour seulement combattre l'Eglise..

  A001001531 

 Saint Irenee a ce propos, au chap. 29. livre 5, dict que parce que l'Eglise militante devra monter alhors au celeste palais de son Espoux, et qu'il n'y aura plus tems de purgation, les fautes et dechets d'icelle seront incontinent purgés par ce feu qui precedera le jugement..

  A001001538 

 On a tenu tousjours ce passage icy pour l'un des plus illustres et difficiles de toute l'Escriture.

  A001001555 

 Peut estre qu'ilz diront que ce Livre est apocriphe, mays toute l'antiquité l'a tousjours tenu en credit; et pour vray, la coustume de mettre la viande pour les pauvres es sepultures est tres ancienne, mesme en l'Eglise Catholique, car saint Chrysostome, qui vivoit il y a plus de 1200 ans, en l'homelie 32, sur le 9.

  A001001556 

 chap., jeusna et pria pour son filz malade, apres sa mort cessa de jeusner, monstrant que quand il jeusnoit, c'estoit pour obtenir ayde au malade, lequel estant mort, parce qu'il mouroit enfant et innocent, n'avoit besoin d'ayde, et partant il cessa de jeusner: Bede, il y a plus de 700 ans, interpreta ainsy la fin du premier Livre des Roys.

  A001001557 

 Ni ne faudroit pas dire que le baptesme duquel parle saint Pol soit seulement un baptesme de tristesses et de larmes, non de jeusnes, prieres et autres actions, car avec ceste intelligence sa conclusion seroit tres mauvaise: il veut conclure que si les morts ne resuscitent point, et si l'ame est mortelle, qu'en vain s'afflige l'on pour les morts; mais, je vous prie, n'auroit on pas plus d'occasion de s'affliger par tristesse pour la mort des amis s'ilz ne resuscitent point, perdant toute esperance de jamais les revoir, que s'ilz resuscitent? Il entend donques des afflictions volontaires que l'on faisoit pour impetrer le repos des defuncts, lesquelles sans doute on prattiqueroit en vain si les ames estoyent mortelles, ou que les morts ne resuscitassent point; en quoy il se faut souvenir de ce qui a esté dict cy dessus, que l'article de la resurrection des morts et celuy de l'immortalité de l'ame estoyent conjoincts tellement ensemble en la creance des Juifz, que qui advouoit l'un, advouoit l'autre, et que qui nioit l'un, nioit l'autre.

  A001001565 

 Quand il est dict, donec solvas ultimum quadrantem, n'est il pas presupposé qu'on le puisse payer, et qu'on puisse tellement diminuer la debte qu'il n'en reste plus que le dernier liard? que si comme quand il est dict au Psalme, Sede a dextris mets donec ponant inimicos tuos, etc., il s'ensuit tres bien, ergo aliquando ponet inimicos scabellum pedum, ainsy, disant non exies inde donec reddas, il monstre que aliquando reddet vel reddere potest.

  A001001573 

 Il y a un semblable passage en l'Apocalipse, 5: Quis dignus est aperire librum et solvere septem signacula ejus et nemo inventus est, neque in cælo, neque in terra, neque subtus terram; et plus bas au mesme chapitre: Et omnem creaturam, quæ in cælo est, et super terram, et sub terra, omnes audivi dicentes Sedenti in throno et Agno: Benedictio, et honor, et gloria, et potestas, in sæcula sæculorum; et quatuor animalia dicebant, Amen: ne constitue il pas icy une Eglise en laquelle Dieu soit loué sous terre? et que peut elle estre, si ce n'est celle du Purgatoire?.

  A001001578 

 Mays quelle plus sainte resolution de l'Eglise voudroit on avoir que celle qui est couchëe en toutes les Messes d'icelle? Regardes les liturgies de saint Jaques, saint Basile, saint Chrysostome, de saint Ambroise, desquelles se servent encores a present tous les Chrestiens orientaux, vous y verres la commemoration pour les morts comm'elle se voit en la nostre a peu pres.

  A001001578 

 Si sal evanuerit, in quo salietur? si Ecclesia erraverit, a quo corripietur? si Ecclesia, fida custos veritatis, veritatem amiserit, veritas a quo reperietur? si Christus Ecclesiam abjecerit, quem recipiet? qui neminem nisi per Ecclesiam admittit. Et si l'Eglise peut errer, et vous, Pierre Martyr, pourries vous pas errer? sans doute: je croiray donques plus tost que vous ayes erré que l'Eglise.

  A001001578 

 aux Corinthiens, confesse que toute l'Eglise a suyvi ceste opinion, je n'ay plus a faire de m'amuser sur ceste preuve.

  A001001667 

 De plus, avoir veu trois aultres cayers escripts par aultre main, sauf trois pages bien par nous recogneues estre escriptes par la main dudict feu Reverendissime Evesque, lesquels cayers traictent aussy desdictes controverses.

  A001001677 

 De plus, avoir veu trois aultres cayers escripts par aultre main, sauf trois pages par nous recognues estre escriptes par la main dudict feu Reverendissime Evesque, lesquels cayers traictent aussi desdites controverses.

  A001001714 

 Je reconnois que la plus grande partie dudit traité est escrit de la propre main dudit Serviteur de Dieu, et l'autre partie de la main du Sieur George Roland, ou de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu.

  A001001722 

 L'Escrit susdit fut reconnu et attesté par les anciens parents et amis du B. Saint François de Sales, qui connoissent tres bien son caractere, et moy mesme l'ay tenu et reconnu; l'original en fut envoyé, par plus grand respect et témoignage de verité, à nostre Saint Pere Alexandre VII, et luy fut presenté par le Reverend Pere André de Chaugy, Religieux Minime, Procureur de la Cause de la Canonisation de Saint François de Sales, apres neantmoins en avoir fait tirer une coppie deuëment et fidellement collationnée sur l'original, pour la faire [398] imprimer aprés avoir pris le soin requis en tel cas pour la distinction des chapitres et autres choses.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
  A002000098 

 Dequoy si la memoire se perdoit, la posterité seroit privee d'une des plus riches pieces des actions de nostre aage.

  A002000098 

 On n'eut pas plus tost escrit le nom sacerdotal d'Aaron sur ceste ancienne et celebre baguette reservee dans l'Arche de l'alliance, que soudain elle bourgeonna et se trouva paree de ses feuilles, fleurs et fruitz, quoy qu'elle fust auparavant toute morte et sechee.

  A002000128 

 Voyla Josué qui adore l'ange es campaignes de Hiericho, quel devoir civil avoit-il a ce faire? Saül adore l'ame de Samuel qui s'apparut a luy, qu'y avoit-il en cela de politique? Abdias adore le prophete Helie, quelle obligation civile le portoit a cest acte, puysque Helie estoit personne particuliere et privee, Abdias, personne publique et des plus signalees de la Cour? Il y a cent semblables exemples en l'Escriture.

  A002000129 

 Disons un mot de l'honneur deu aux Saintz: quelle condition defaut-il aux habitans de ceste heureuse Hierusalem pour ne devoir estre honnorés par nous autres mortelz? Pour vray, le moindre d'eux excelle de beaucoup le premier d'entre nous (comme Nostre Seigneur dit de saint Jean); ilz sont nos superieurs couronnés de gloire, constitués sur tous les biens de leur Seigneur, amis indubitables et plus proches courtisans d'iceluy, qui partant nous doivent estre tres honnorés aussi bien qu'a David.

  A002000129 

 Ilz sont nos citoyens et patriottes, jointz avec nous par beaucoup plus de charité que nous ne sommes entre nous autres.

  A002000132 

 2. Autant inepte seroit celuy qui voudrait porter a Dieu un honneur subalterne, car il n'y a non plus de proportion entre cest honneur la et Dieu, qu'entre la creature et l'honneur souverain; et comme l'honneur souverain ne peut avoir pour objet qu'une excellence souveraine, aussi l'honneur subalterne ne peut avoir pour objet que l'excellence subalterne.

  A002000133 

 Ilz ne luy portent pas l'honneur qu'ilz tiennent de luy, mais le luy rapportent par le moyen d'un autre infiniment plus grand qu'ilz luy portent, le reconnoissans pour leur principe et createur.

  A002000141 

 Or je dis de plus, que non seulement on peut donner honneur et gloire a Dieu seul et tout ensemble a quelque creature, comme a la Croix, mays que pour bien rendre a Dieu l'honneur qui luy est deu il est force d'honnorer religieusement quelques creatures, et particulirement la Croix; c'est a dire que pour bien honnorer Dieu, non seulement l'on peut, mais l'on doit honnorer la Croix: et c'est l'autre fondement de ma Defense, lequel se prouvera par beaucoup de raysons particulieres, mais en voyci la source et l'origine..

  A002000142 

 Aussi appelle-on les plus honnorables, excellens, illustres et tres clairs; car, comme la lueur, splendeur et clairté s'espand et communique a tout ce qui l'approche, et plus elle est grande plus elle s'espand et plus loin, ainsy plus l'honneur d'une chose est grand et plus il rend honnorables ses appartenances, selon le plus et le moins qu'elles l'attouchent.

  A002000142 

 L'honneur doit estre mesuré par son objet qui est la perfection et excellence; mays plus une excellence est parfaitte, ou une perfection excellente, plus elle se communique a tout ce qui luy appartient ou depend d'elle; plus donques un honneur est excellent, plus s'estend-il et communique a toutes les appartenances de son objet.

  A002000142 

 Mays le plus excellent honneur est celuy par lequel on honnore tant une chose, que pour son respect on honnore encor toutes ses appartenances et dependances, selon les degrés qu'elles tiennent en ce rang.

  A002000142 

 Nous honnorons jusques aux plus simples appartenances des princes et roys, parce que nous honnorons beaucoup leurs personnes; mays nous ne tenons pas ce respect a l'endroit des personnes que nous honnorons moins.

  A002000142 

 Or, que le plus excellent honneur soit celuy qui s'estend a toutes les appartenances de la chose honnoree, je ne sçai qui le peut nier, sinon celuy qui [13] aura juré inimitié a la rayson et nature.

  A002000142 

 Si l'on doit quelque honneur a Dieu, c'est sans doute le plus excellent.

  A002000144 

 Mays quelle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de plus pres? Ne se tiendroyent-ilz pas pour beaucoup plus mesprisés si l'on disoit le contraire, les privans de la vigueur qu'ilz ont de respandre et communiquer leurs belles qualités? Aussi, tant s'en faut que Dieu soit jaloux si l'on attribue quelque vertu excellente ou sainteté, et par consequent quelque honneur, aux creatures, que plustost seroit-il jaloux si on la leur levoit, puysque on le priveroit d'une des principales proprietés de sa bonté, qui est la communication.

  A002000170 

 Saint et devot spectacle, et qui tira les larmes des yeux des plus secz qui le virent..

  A002000171 

 Au contraire, estant [26] des plus anciens confreres de la sainte Croix, et m'estant trouvé en toutes ces actions de pieté, je me sens redevable d'en soustenir la justice et bon droit.

  A002000172 

 Et si mon adversaire se fust nommé, peut estre me fussé-je contraint a quelque peu plus de respect; mais puysque je ne sçay ni n'ay occasion de sçavoir que ce soit autre qu'un je ne sçay qui, je ne me sens obligé de le supporter aucunement en son insolence.

  A002000172 

 IV. J'ay encor a vous dire pour la quattriesme chose, que, ne sçachant qui est l'autheur du traitté auquel je fais response et m'estant force de l'alleguer souvent, j'ay pris congé de me servir du nom de traitteur, lequel je n'emploie qu'a faute d'autre plus court; et cependant je n'ay voulu user d'aucunes injures ni invectives mordantes, comme il a fait, ma nature n'est point tournee a ce biais.

  A002000172 

 Or je me nomme au contraire, non pour l'obliger a aucun respect (car a l'adventure que le rang [27] auquel je suis en ceste Eglise Cathedrale le mettra en humeur de me traitter plus mal), mais affin que s'il est encor a Geneve, d'ou son traitté est sorti, il sçache ou il trouvera son respondant s'il a quelque chose a demesler avec luy touchant ce different; l'asseurant qu'il ne me trouvera jamais que très bien affectionné a son service par tout ou il ne sera pas mal affectionné au Crucifix et a la Croix.

  A002000173 

 Au reste c'est a vous, Messieurs mes Confreres, que j'addresse mon advertissement, non que je ne souhaitte qu'il soit leu de plusieurs autres, mais, parce que vous vous estes dediés par une particuliere devotion a l'honneur du tres saint Crucifix et de sa Croix, vous estes aussi obligés de sçavoir plus particulierement rendre conte et rayson de cest honneur.

  A002000173 

 Et affin que les armes vous fussent plus a commodité, je vous en ay appresté autant qu'il m'a esté [28] possible en ces quattre livres: lesquelles, si elles ne sont ni dorees ni riches d'aucune belle graveure, je vous prieray de l'attribuer plustost a ma pauvreté que non pas a chicheté.

  A002000174 

 Si trouveres-vous encor icy quelques belles pieces de poesie et versions des vers des anciens Peres que je cite, lesquelles sont parties de la main de Monsieur nostre President de Genevois, AntoyneFavre, l'une des plus riches ames et des mieux faittes que nostre aage ayt portées, et qui par une rare condition sçait extremement bien assortir l'exquise devotion dont il est animé avec la singuliere vigilance qu'il a aux affaires publiques.

  A002000174 

 Voulant donq employer ces vers anciens, ne sçachant ou rencontrer un plus chrestien et sortable traducteur pour des autheurs si saintz et graves comme sont ceux que je produis, je le priay de les faire françois; ce qu'il fit volontiers, et pour le service qu'il a voué a la Croix, et pour l'amitié fraternelle que la divine Bonté comme maistresse de la nature a mise si vive et parfaitte entre luy et moy, nonobstant la diversité de nos naissances et vacations, et l'inegalité en tant de dons et graces que je n'ay ni possede sinon en luy..

  A002000185 

 Donques le mot de croix, selon l'usage des Chrestiens, signifie par fois les peynes et travaux necessaires pour obtenir le salut, comme au lieu que je viens de citer; par fois aussi, il signifie une certaine sorte de supplice duquel on chastioit jadis les plus infames malfaiteurs; et autres fois, l'instrument ou gibbet sur lequel ou par lequel on exerçoit ce tourment.

  A002000189 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A002000189 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A002000196 

 Au moins ne se devroyent ilz pas exempter de produyre des miracles sur une telle mutation, quoy que vous tiries prætexte de l'Escriture; puysque Nostre Seigneur ne s'en exempta pas, comme j'ay monstré cy dessus, encores que le changement quil faysoit fut puysé de la plus pure source des Escritures.

  A002000196 

 Mays ou me monstreront ilz que l'Eglise doive jamais plus recevoir un'autre forme, ou semblable reformation, que celle qu'y fit Nostre Seigneur?.

  A002000196 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A002000213 

 Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut prætendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et très chere Espouse du Roy celeste; qui rend vostre separation d'autant plus inexcusable.

  A002000213 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A002000215 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A002000217 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A002000217 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A002000222 

 Esaïe parl'ainsy d'elle: Ce vous sera une voye droite, si que les folz ne s'egareront point par icelle; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir?.

  A002000223 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A002000229 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A002000232 

 Pourquoy ne diray-je de mesme que c'est Nostre Seigneur qui est la vertu, non inherente a la Croix, mays bien assistante? laquelle est plus grande ou moindre, non pas selon elle mesme, car estant vertu de Dieu et Dieu mesme elle est invariable, tous-jours une et esgale, mays elle n'est pas tous-jours esgale en l'exercice et selon les effectz; car en quelques endroitz, en certains lieux et occasions, il fait des merveilles et plus grandes et plus frequentes que non pas aux autres.

  A002000239 

 Le sepulchre du Sauveur n'a rien eu plus que la Croix; il receut le cors mort que la Croix porta vivant et mourant, mais il ne fut point l'exaltation de Nostre Seigneur, ni instrument de nostre redemption, et neanmoins voyla le prophete Esaye qui proteste que ce sepulchre sera glorieux: Et erit sepulchrum ejus gloriosum. C'est un texte tres expres, et saint Hierosme, en l'epistre a Marcelle, rapporte ce trait d'Esaye a l'honneur que les Chrestiens rendent a ce sepulchre, y accourans de toutes partz en pelerinage..

  A002000241 

 On ne peut gauchir a ce coup, il porte droit dans l'œil du traitteur pour le luy crever, s'il ne void que, si cest ancien bois seulement enduit d'or, seulement marche-pied, seulement assisté de Dieu, est adorable, le pretieux bois de la Croix, teint au sang du mesme Dieu, son throsne, et pour un tems cloué avec iceluy, doit estre beaucoup plus venerable.

  A002000242 

 Helisee garda soigneusement le manteau de Helie, et le tint pour honnorable instrument de miracle: pourquoy n'honnorerons-nous le bois duquel Nostre Seigneur [52] s'affeubla au jour de son exaltation et de la nostre? Que dires-vous de Jacob qui adora le bout de la verge de Joseph? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray Jesus? Hester baysa le bout de la baguette d'or de son espoux, et qui empeschera l'ame devote de bayser par honneur la baguette du sien? Je sçai la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de saint Paul, mais aussi sçai-je que celle-la de la Vulgaire est la plus asseuree et naïfve, mesme estant rapportee et confrontée avec ce qui est dit d'Hester; aussi est-elle suivie par saint Chrysostome..

  A002000245 

 Mays quand il n'y auroit autre que ce qu'elle est la vraye enseigne, le vray ordre et vrayes armoiries de nostre Roy, seroit-ce pas asses pour la rendre venerable? Les coquilles, toysons et jarretiers sont en honneur quand il plait aux princes les prendre pour enseigne de leur ordre: combien sera plus respectable la Croix du Roy des roys, qu'il a prise pour son enseigne? Dequoy voicy la preuve tiree de l'Escriture, que le traitteur a laissee par non sçavance.

  A002000253 

 C'est donques icy une preuve tiree du fait de nos devanciers, laquelle presuppose que la vraye Croix de Nostre Seigneur (car c'est celle-la de laquelle nous parlons) leur soit venue a notice; ce qu'aussi le traitteur tasche de nier le plus pertinemment qu'il luy est possible.

  A002000254 

 Pour vray tous les Prophetes ont predit qu'a la venue de Nostre Seigneur, par sa Croix et passion, les idoles seroyent abolies: Et non memorabuntur ultra, il n'en sera plus memoire, dit Zacharie.

  A002000257 

 Mays quant a ce qu'il adjouste de la sepulture d'Adam, il monstre combien il a peu de connoissance des Anciens, car la plus grande trouppe d'iceux a soustenu que la Croix fut plantee sur la sepulture d'Adam; voicy comme saint Augustin en parle: « Hierosme prestre a escrit qu'il a appris asseurement des anciens et plus vieux Juifz, qu'Isaac, de volonté, a esté immolé la ou despuys Jesus Christ a esté crucifié... Et mesme par le rapport des Anciens, l'on dit qu'Adam, le premier homme, fut jadis enseveli au lieu ou la Croix est fichee, et que partant on l'appelle le lieu de Calvaire (ou du test), parce que le chef du genre humain fut enseveli en ce lieu-la.

  A002000259 

 Et disons encor qu'ilz la pouvoyent brusler; mays nous admirons d'autant plus la Providence supreme qui n'a pas permis la perte de ce sien Estendart..

  A002000265 

 Et cependant ce n'est pas un petit argument pour la vertu et honneur de la sainte Croix, que Dieu l'ayt ainsy conservee pres de trois cens et trente ans sous terre, sans que pourtant elle soit aucunement pourrie, et que les ennemis du Christianisme ayans fait tout leur possible pour en abolir la memoire, elle leur ait esté cachee pour estre revelee en un tems auquel elle fust saintement reveree; et pour tant plus rendre le miracle de l'invention et conservation de ceste sainte Croix illustre, avoir conservé deux autres croix qui donnassent occasion a la preuve miraculeuse que l'on eut de la vertu de la troisiesme.

  A002000266 

 » Et plus bas: « La croyance de ce miracle surpasse toute nature capable de rayson humaine.

  A002000274 

 Mais il y a plus, car tous les plus graves autheurs qui ont escrit de l'invention de la sainte Croix, comme saint Ambroise, saint Paulin, Eusebe, Ruffin, Sozomene, Socrates asseurent qu'Heleine fut inspiree d'aller a la recherche de ce bois sacré.

  A002000275 

 Mais en sa Chronique, traduitte par saint Hierosme, il tesmoigne si ouvertement ceste invention que rien plus: « Heleine, » dit-il, « mere de Constantin, advertie par des divines visions, trouva pres de Hierusalem le tres heureux bois de la Croix, auquel le salut du monde fut pendu.

  A002000276 

 On commença donques a la [72] connoistre par le lieu de l'affixion du tiltre; c'est ce que rapporte saint Ambroise: puys on la reconneut encores mieux, et plus parfaitement, par les miracles que Dieu fit a l'attouchement de ce saint bois; car Heleine ayant trouvé trois croix aupres du sepulchre, et ne pouvant reconnoistre a plein laquelle estoit la sainte et sacree, Macaire, Evesque de Hierusalem, fit une fort belle priere a Dieu, recitee par Ruffin, pour obtenir un signe par lequel on peust discerner la Croix de Jesus Christ.

  A002000282 

 Si par les souffrances de Nostre Seigneur, il entend la valeur et merite d'icelles, il dit vray qu'elles sont infinies; mais il s'explique mal les appellant souffrances, douleurs, tristesses, couppe de l'ire de Dieu et abandonnement d'iceluy: il faudroit plustost les appeller consolation et douce eau salutaire, de laquelle les abbreuvés n'auront jamais plus soif.

  A002000283 

 S'il entend les propres peynes, souffrances et passions de Nostre Seigneur, il est inepte de dire qu'elles sont irrepresentables; car, qu'est-ce que representoyent tant de sacrifices sanglans de l'ancienne Loy? Et qu'est-ce que represente maintenant l'Eucharistie, sinon la passion et mort du Sauveur? Jacob n'eut pas plus tost veu la robbe de son filz Joseph ensanglantee, que tout a coup il se representa tant vivement la mort presupposee d'iceluy, qu'il ne pouvoit estre consolé.

  A002000285 

 Or, ces inepties sont mises en avant par le traitteur, d'autant qu'il pense que pour representer une chose il la faille ressembler de toutes pieces, ce qui est sot et ignorant; car les plus parfaittes images ne representent [78] que les lineamens et couleurs exterieures, et neanmoins on dit, et il est vray, qu'elles representent vivement.

  A002000286 

 » Et plus bas, parlant de l'invention de la Croix, il dit « que les Juifz l'eussent abolie s'ilz l'eussent trouvee, et n'eussent peu souffrir, » ce sont ses paroles, « qu'en la Croix [79] demeurant en estre, la Passion de celuy-la fust honnoree, duquel ilz ne peuvent supporter la resurrection estre reveree, laquelle a esté prouvee par le sepulchre vuide, les sceaux en estans levés.

  A002000287 

 Sainte et admirable vertu de la Croix, pour laquelle elle merite d'autant plus estre honnoree.

  A002000295 

 Tout ceci se rapporte a ce que saint Paulin en dit plus expressement escrivant a Severe, la ou ayant dit qu'on ne pouvoit voir la piece de la vraye Croix qui estoit en Hierusalem sinon par le congé de l'Evesque, il continue en ceste sorte: « Par la seule faveur duquel on a ce bien, d'avoir des petites piecettes et particules de ce bois sacré pour une grande grace de foy et benediction, laquelle Croix mesme, ayant une vive vigueur en une matiere insensible, elle preste des ce tems la et fournit de son bois aux desirs presque tous les jours infinis des hommes.

  A002000295 

 » Le latin est plus beau: Cujus Episcopi tantum munere, de eadem Cruce, hæc minuta sacri ligni ad magnam fidei et benedictionis gratiam haberi datur.

  A002000316 

 Ce ne fut point ma voix ni ma main plus puissante,.

  A002000319 

 La mesme ou elle avoit esté plus violente;.

  A002000379 

 Mays il y a bien plus, car, auparavant mesme que la Croix fust trouvee par Heleine, les Chrestiens monstroyent en quel honneur ilz avoyent la Croix, honnorans mesme le lieu ou elle avoit esté plantee; ce qui est touché par tous les autheurs, mays beaucoup plus expressement par Sozomene qui dit « que les ennemis de la Croix avoyent dressé un temple a Venus, dans lequel ilz avoyent mis l'idole d'icelle a ceste intention, que ceux qui adoreroyent Jesus Christ en ce lieu-la semblassent adorer Venus, et que, par longueur de tems, la vraye cause vint en oubli pour laquelle les hommes venerent ce lieu-la.

  A002000379 

 » Donques les Gentilz virent que les Chrestiens veneroyent ce saint lieu auquel Nostre Seigneur avoit esté crucifié; combien plus eussent-ilz veneré la sainte Croix?.

  A002000406 

 Et la rayson y est bien apparente, parce que, entre toutes les croix, la vraye Croix est le plus proprement signe et Estendart de Jesus Christ..

  A002000407 

 Et pour vray, « si la robbe et l'anneau paternel ou quelque semblable chose est d'autant plus chere aux enfans, » comme dit saint Augustin, « que l'affection et pieté des enfans vers leur pere est plus grande, » tant plus un Chrestien sera affectionné a l'honneur de Jesus Christ, tant plus honnorera-il sa Croix.

  A002000407 

 Saint Chrysostome proteste « que si quelqu'un luy donnoit les sandales et robbes de saint Pierre, il les embrasseroit a bras ouvertz et les mettroit comme un celeste don dans le plus creux [94] de son cœur »; combien eust-il plus honnoré la Croix de son Redempteur? Et saint Augustin, lequel recite que plusieurs miracles s'estoyent faitz avec un peu de la terre du Mont de Calvaire apportee par Hesperius l'un de ses familiers, et entre autres qu'un paralytique y estant apporté avoit esté soudain gueri, et qu'il avoit mis ceste terre-la honnorablement en l'Eglise: quel respect eust-il porté a la Croix de Nostre Seigneur? Certes, il n'eust pas fait tant de diversions pour effacer la memoire des miracles que Dieu fait en icelle, et luy refuser un juste honneur, comme fait le traitteur, tout au long de son escrit..

  A002000418 

 C'est icy une forte preuve de l'honneur et vertu de la vraye Croix, car, comme parle le traitteur, « il est aisé a recueillir que, si le bois de la Croix n'a point eu de vertu ni de saincteté, ce qui n'en est que le signe ou image n'en a non plus »: au contraire donques, si le signe et image de la Croix a beaucoup de sainteté et de vertu, la Croix mesme en aura bien davantage.

  A002000418 

 Prouvant donques, comme je feray desores, la sainteté de l'image de la Croix, je la prouve beaucoup plus, et a plus forte rayson, de la Croix mesme..

  A002000419 

 Et certes, il y a plus de probabilité en cecy, quand ce ne seroit que pour la commune opinion des Chrestiens, et que Justin le Martyr, au dialogue qu'il fit avec Triphon, appariant la Croix a la corne d'un licorne, semble la descrire en ceste sorte; et saint Irenee dit que « l'habitude ou figure de la Croix a cinq boutz ou pointes: deux en longueur, deux en largeur, une au milieu sur laquelle s'appuye celuy qui est crucifié.

  A002000419 

 Les autres, estimans que les deux bois de la vraye Croix se traversoyent en telle sorte que l'un surpassoit l'autre, ont fait l'image de la Croix en mesme maneire, affigeans l'escriteau a la partie plus haute.

  A002000420 

 Outre cela, les Anciens ont quelquefois peint ou façonné sur la Croix d'autres choses, pour remarquer quelques misteres et moralités: car les uns courboyent le bout de la Croix en forme d'une crosse, pour representer la lettre P des Grecz, un peu plus bas ilz y mettoyent deux pieces en forme de la lettre X, qui sont les deux premieres lettres du nom de Christ, et un peu plus bas estoit le traversier de la Croix auquel pendoit un voyle, comme on fait maintenant en nos gonfanons, pour monstrer que c'estoit l'Estendart de Jesus Christ.

  A002000459 

 Espure de nos coeurs les cachotz plus infectz:.

  A002000468 

 Et saint Justin le Martyr traittant avec Triphon, Tertullien avec Marcion, et saint Cyprien avec tous les Juifz, ont estimé de faire un bon et ferme argument, produisans les figures de l'Ancien Testament pour l'honneur et reverence de la Croix: pourquoy ne pourrois-je raysonner sur un mesme sujet, par pareilles raysons, avec un traitteur qui se dit estre Chrestien? Or, la briefveté a laquelle je me suis lié, ne me permet pas de prendre le loysir qu'il faudroit pour faire un si grand amas; aussi lira-on avec plus de fruit ce que j'en pourrois dire es autheurs que j'ay des-ja cités, et en Jonas d'Orleans, en saint Gaudence sur l'Exode, et en la Theogonie de Cosme Hierosolymitain.

  A002000468 

 Que la proprieté des motz du texte ne porte aucunement que le Serpent fut eslevé sur une perche; aussi Sanctes Pagninus a laissé le mot d'estendart, qui est sans doute le plus sortable et se rapporte mieux a ce qui estoit signifié.

  A002000469 

 » Et apres avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pieces de bois qui estoyent peu differentes de la Croix, et que les faiseurs d'idoles se servoyent d'instrumens faitz en forme de croix pour faire les mesmes idoles; item, qu'ilz adoroyent les victoires, et que le dedans de leurs trophees (c'est a dire les instrumens sur lesquelz on portait les trophees) estoyent en forme de croix; item, que la religion des Romains, estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendartz, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux, et que les voyles ou drapeaux des estendartz n'estoyent que comme des manteaux et vestemens des croix, il conclud disant: « Je loue ceste diligence; vous n'aves pas voulu consacrer des croix nues et descouvertes, ou sans ornement.

  A002000470 

 Autant en dit, et beaucoup plus clairement, Justin le Martyr en sa seconde Apologie, la ou ayant monstré que sans la figure de la Croix l'on ne peut rien faire, et d'avantage, que les trophees et masses que l'on portait devant les magistratz avoyent quelque ressemblance de la Croix, et que les Gentilz consacroyent les images de leurs empereurs defunctz par la figure de la Croix, il conclud en fin en ceste sorte: « Puys donques, que par bonnes raysons tirees mesmes de la figure, nous faisons tant que nous pouvons ces choses avec vous, nous serons desormais sans coulpe.

  A002000472 

 Que si, au contraire, ce ne fut point par advertissement de Dieu, ni pour aucune vision, que Constantin fit dresser son Labare et plusieurs autres croix, mais plustost par rayson d'estat, qui est l'opinion laquelle aggree plus au traitteur, a sçavoir, que « d'autant, » ce sont ses parolles, « qu'il avoit freschement esté eslevé à la dignité imperiale, par la volonté des gens de guerre qui l'avoient preferé aux descendans de Diocletian, il advisa que le moyen de se maintenir en ceste dignité contre ses competiteurs et debateurs seroit de se faire ami des Chrestiens, que Diocletian avoit persecutez à outrance, et à ceste occasion il fit eriger des croix avant mesme qu'il fust Chrestien »; je prendray le traitteur au mot en ceste sorte:.

  A002000473 

 Et qui les avoit gardés d'en dresser jusques a ceste heure la, au moins dedans leurs maysons et oratoires? et comme pouvoit sçavoir Constantin que la maniere de flatter les [106] Chrestiens estoit de dresser des croix, s'il n'eust conneu qu'ilz en avoyent dressé auparavant et les honnoroyent? Pour vray, les Reformeurs n'eussent pas esté amis de ces anciens fideles, ni leur doctrine jugee Chrestienne, puysqu'ilz abattent leurs croix, et taschent de persuader que c'est une « corruption » d'en avoir introduit l'usage et que « c'est encor plus mal fait de le retenir; » ce sont les parolles mesmes du traitteur.

  A002000473 

 Et s'il est vray, comme sans doute il est, ce qu'il dit ailleurs, rapporté de saint Gregoire Nazianzene, que « la verité n'est point verité si elle ne l'est du tout, et qu'une pierre precieuse perd son prix à cause d'une seule tare ou d'une seule paille, » la doctrine Chrestienne n'aura plus esté pure du tems de Constantin, selon l'opinion de cest homme, puysque les Chrestiens desiroyent et se plaisoyent que l'on plantast des croix, qui est une corruption, « levain et doctrine erronee, » a son dire.

  A002000474 

 Car Calvin, parlant de saint Irenee, Tertullien, Origene et saint Augustin, il dit « que c'estoit une chose notoire et sans doute, que despuys l'aage des Apostres jusques a leur tems il ne s'estoit fait nul changement de doctrine, ni a Rome ni aux autres villes; » et le traitteur mesme (ne sçachant ce qu'il va faisant), parlant du tems de saint Gregoire et reprenant la simplicité des Chrestiens d'alhors, il dit que « leurs yeux commençoient fort à se ternir et à ne voir plus gueres clair au service de Dieu.

  A002000475 

 Elle estoit enfermee dedans un cercueil de pierre, sur lequel il y avoit certaine ancienne escriture gravee, laquelle, au rapport des plus expertz Brachmanes, contenoit le martyre du saint Apostre, et entre autres qu'il mourut baysant ceste croix-la, ce que mesme les gouttes de sang tesmoignent.

  A002000475 

 J'ay donq prouvé, non seulement que ce traitteur est ignorant d'avoir dit que Constantin estoit le premier qui avoit dressé des croix en matiere subsistante, mays encor, que l'erection des croix a esté prattiquee entre les plus anciens Chrestiens, car nous n'avons pas de gueres plus anciens autheurs que Justin et Tertullien.

  A002000483 

 Dedans la Liturgie de saint Chrysostome, selon la version d'Erasme, le prestre est commandé, se retournant vers l'image de Jesus Christ, de faire la reverence; ce que, non sans cause, les plus judicieux rapportent a l'image du Crucifix; car, quelle representation de Jesus Christ peut-on mettre plus a propos dedans l'eglise, et mesme vers l'autel, que celle du Crucifix? Qui verra de bon œil le carme que Lactance a fait de la Passion de Nostre Seigneur, connoistra qu'il a esté desseigné sur le rencontre que l'on fait de l'image du Crucifix qui est ordinairement au milieu de l'eglise, en laquelle il fait parler Nostre Seigneur, par un style poetique, a ceux qui entrent dedans l'eglise.

  A002000483 

 » C'est le dire de ce grand personnage, lequel un peu apres poursuit en ceste sorte: « Or ceci est une tradition non escritte, ne plus ne moins que celle de l'adoration vers le levant, a sçavoir, d'adorer la Croix, et plusieurs autres choses semblables a celles qui ont esté dittes.

  A002000484 

 Quand le grand Albuquerque faisoit fortifier Goa, ville principale des Indes orientales, comme l'on abattoit certaines maysons, on rencontra dedans une muraille une image du Crucifix, en bronze, par laquelle on eut tout a coup connoissance que la religion Chrestienne avoit jadis esté en ces lieux-la, quoy qu'il n'y en eust plus de memoire, et que ces Chrestiens anciens avoyent en usage l'image du Crucifix.

  A002000485 

 Ou bien il reprend les croix esquelles nous mettons deça et dela du Crucifix les images de Nostre Dame et de saint Jean l'Evangeliste; mays en cecy la censure seroit tres injuste, car, comme il est loysible et convenable que nous ayons l'image du Crucifix, selon la coustume mesme des plus anciens Chrestiens, il est loysible aussi d'avoir des images de Nostre Dame et des Apostres, dequoy saint Lucas sera nostre garant, qui le premier, au recit de Nicephore Calixte, fit l'image du Sauveur, de sa Mere, de saint Pierre et de saint Paul: que s'il est ainsy, ou peut-on mieux mettre les images de Nostre Dame et de saint Jean qu'aupres de la remembrance du Crucifix? quand ce ne seroit que pour representer tant mieux l'histoire de la Passion, en laquelle l'on sçait que Nostre Seigneur vit ces deux singuliers personnages pres de sa Croix et recommanda l'un a l'autre.

  A002000486 

 Certes, on trouve presque par tout en l'Evangile ou il est parlé de Nostre Dame, qu'elle estoit avec son Filz et auprès d'iceluy, et sur tout en sa Passion; ce ne seroit donq pas hors de rayson de la peindre encores aupres de luy en la Croix, non ja comme crucifiee pour nous, mays comme [114] celle de laquelle on peut dire, beaucoup plus proprement que de nul autre: Christo confixa est Cruci: Elle est clouee a Jesus Christ en la Croix.

  A002000486 

 Nostre Dame ne fut pas crucifiee, mays elle estoit bien sur la Croix quand son Filz y estoit, car la ou est le thresor d'une personne la est son cœur, et l'ame est plus la ou elle ayme que la ou elle anime.

  A002000493 

 Mais pour vray, l'apparition faitte a Constantin le Grand a esté, non sans cause, la plus celebree et fameuse parmi les Chrestiens, d'autant que par icelle Dieu toucha le cœur de ce grand Empereur pour luy faire embrasser le parti Chrestien, et fut comme un saint signe de la cessation du deluge du sang des Martyrs, duquel jusques a ceste heure-la toute la terre regorgeoit; et qu'au demeurant, ceste croix monstree a Constantin fut le patron d'un monde de croix, qui du despuys ont esté dressees par les empereurs et princes chrestiens.

  A002000496 

 Constantin, tant loué par nos devanciers, autheur du repos de l'Eglise, « Prince des princes chrestiens, » comme l'appelle saint Paulin, « tres grande lumiere de tous les empereurs qui furent onques, tres illustre precheur de la vraye pieté, » comme l'appelle Eusebe, subira en fin finale (si Dieu le permet) les censures et reproches de ces Chrestiens reformés, lesquelz, pires que des chiens, cherchent de souiller les plus pures et blanches vies des Peres du Christianisme.

  A002000496 

 » S'il eust cotté les autheurs et les defautz, quoy que c'eust esté sortir hors du chemin de mon affaire, je me fusse essayé d'affranchir ce grand Empereur de ses iniques accusations; et certes, je sçay bien en partie ce qui se pourrait dire pour charger Constantin de quelques imperfections, mais je ne veux pas faire accroire au traitteur qu'il soit plus sçavant que je le vois, ni presupposer qu'il en sçache plus que ce qu'il en dit, car je [119] le vois si passionné en cest endroit, que s'il eust sceu quelque chose en particulier il l'eust bien fait sonner..

  A002000503 

 En la sedition que Pansus Aquitinus esmeut contre Alphonse roy de Congi, son frere aisné, un peu apres que la foy Catholique fut semee par les Portugois en ces pays la, l'on vit une grande multitude de soldatz rebelles fuir devant une petite poignee de personnes qui accompagnoyent le Roy; dequoy le general de l'armee de Pansus rendant rayson, il asseura qu'au commencement de l'escarmouche apparurent, autour du Roy, des hommes d'une façon plus auguste que l'ordinaire, marqués du signe de la Croix et environnés d'une tres claire lueur, combattans tres asprement; dont les soldatz de Pansus estans espouvantés, avoyent pris tout aussi tost la fuite, et que par la reconnoissant qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que celuy des Chrestiens, il prioit qu'on le baptizast avant qu'on le fist mourir (comme il pensoit que l'on feroit), ayant esté pris prisonnier.

  A002000506 

 Or combien soit grand l'honneur qui revient de ceci [124] a la Croix, il n'y a celuy qui en puisse douter; tant parce qu'elle est appellee signe du Filz de l'homme, et que les enseignes, armoiries, signes, estendartz des princes et roys sont tres honnorables et respectables, comme tesmoigne Sozomene, et avant luy Tertullien, et l'experience mesme nous le monstre; qu'aussi parce que, comme remarquent doctement les Anciens, elle consolera les bons, estant le signe de leur salut, et espouvantera les mauvais, comme fait l'estendart d'un roy vainqueur lhors qu'il est arboré sur les murailles d'une ville rebelle; et encor d'autant qu'elle sera comme le trophee du Roy celeste, mis au plus haut du Temple de l'univers, et sera claire et lumineuse lhors que la lumiere mesme s'obscurcira en sa propre source; comme tesmoignent saint Cyrille, Hypolite le Martyr, et saint Ephrem qui dit qu'elle paroistra et sera produitte devant le Roy comme le sceptre et verge de sa majesté..

  A002000513 

 A ceste cause ils apposoient la Croix en toutes choses et en tous lieux comme une marque honorable, par laquelle ils monstroient en effect qu'ils vouloient avoir part à l'opprobre de Christ dont ils se glorifioient; et pourtant Chrysostome dit que telle enseigne honoroit plus que toutes les coronnes et diademes ne pouvoient faire.

  A002000513 

 De faict, les Empereurs et Rois l'ont appliquee à leurs coronnes et sceptres pour tant plus confondre et honnir les Juifs et Payens... A ceste mesme occasion ils ont dit que la Croix estoit l'arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres; et Theodoret, au 3.

  A002000513 

 « Il se faut souvenir, » dit-il, « que ce que les anciens Chrestiens ont usé de la Croix en ce qu'ils manioient, cela se faisoit pour prattiquer principalement ce que saint Paul disoit: Je n'ay point honte de l'Evangile de Christ; car, d'autant que tous tant Juifs que Payens se moquoient de Christ, et que la Croix estoit scandale aux uns et folie aux autres, tant plus ils se sont efforcez de la diffamer, tant plus les Chrestiens se sont estudiez à la decorer.

  A002000514 

 Que pourroit-on mieux dire a la Catholique? et que disons-nous autre sinon qu'il faut honnorer la Croix pour la protestation de nostre foy, qu'il la faut decorer d'autant plus que ses ennemis la mesprisent, qu'il la faut apposer en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, qu'elle honnore plus et, par consequent, est plus honnorable que tous les diademes et couronnes, qu'il la faut mettre sur les couronnes et sceptres, que c'est un arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres? Et qu'ay-je protesté cy devant sinon qu'il ne faut rien attribuer a la seule Croix et au seul signe d'icelle, qu'elle ne vaut sinon comme outil sacré et saint instrument de la vertu miraculeuse de Dieu, que la Croix n'est rien si elle n'est Croix de Jesus Christ, que sa vertu ne luy est pas adherente mais assistante, c'est a sçavoir, Dieu mesme? Si Constantin a surmonté en la Croix, suivant la divine inscription, In hoc signo vinces, ç'a esté par Jesus Christ agent principal et premier; s'il a surmonté par la Croix, ç'a esté en Jésus Christ comme en la vertu assistante de la Croix.

  A002000526 

 Or saint Cyrille, pour luy faire response, fait un beau denombrement des principaux articles de nostre foy, et puys adjouste: « Le Bois salutaire nous fait souvenir de toutes ces choses, et nous advise de penser que, comme dit saint Paul, ainsy qu' un est mort pour tous, ainsy faut-il que les vivans ne vivent plus a soy, mays a Celuy qui est mort et ressuscité. » Le traitteur mesme produit en ceste sorte ce passage de saint Cyrille, confessant que la croix que les Chrestiens mettoyent devant leurs maysons estoit la marque et l'enseigne publique de Jesus Christ; confession bien contraire a ce qu'il avoit dit, que la Passion de Nostre Seigneur estoit irrepresentable..

  A002000562 

 Celuy qui faisoit faire la croix, l'ayant trouvee plus [133] pesante, cuyda que cest apprentif eust changé ou alteré le fin or qu'il luy avoit baillé, et commençoit fort a se fascher; mais le garçon luy fit ceste vraye et sainte excuse, que n'ayant pas le moyen de faire une croix entiere du sien pour dedier a Dieu, il avoit au moins voulu employer ce peu qu'il avoit pour rendre plus belle et grosse celle qu'il luy avoit fait, et qu'au reste il n'y avoit que du fin or.

  A002000563 

 C'est une grace merveilleuse; aucun ne se confond, aucun n'a honte pensant que ç'a esté une marque de mort maudite, mays chacun se pare d'icelle beaucoup plus que des couronnes, des diademes, ou de plusieurs carquans et doreures esmaillees de pierreries.

  A002000572 

 » Il repete le mesme ailleurs, disant: « Ceste maudite et abominable marque de dernier supplice, a sçavoir la Croix, a esté faite plus illustre que les couronnes et diademes, car le chef n'est point tant aorné par une couronne royale comme par la Croix, qui est plus digne que tout honneur; et de celle qu'au paravant on aborrissoit, on en [140] herche si curieusement la figure si que l'on la trouve par tout, vers les princes, sujetz, hommes, femmes, vierges, mariees, serfz, libres; a tout coup chacun se signe d'icelle, la formant en nostre tres noble membre, car on la figure tous les jours en nostre front comme en une colomne.

  A002000572 

 » Que pourroit-on dire plus expres?.

  A002000574 

 [142] Calvin avoit dit que « si l'authorité de l'Eglise ancienne a quelque vigueur entre nous, nous notons que par l'espace de cinq cens ans ou environ, du tems que la Chrestienté estoit en sa vigueur et qu'il y avoit plus grande pureté de doctrine, les temples des Chrestiens ont esté netz et exemptz de telle souilleure »; il parle ainsy des images de Jesus Christ et des Saintz, et peu apres il dit que « si on compare un aage avec l'autre, l'integrité de ceux qui se sont passés d'images, merite bien d'estre prisee au pris de la corruption qui est survenue despuys.

  A002000575 

 Le traitteur, pour ne sembler estre du tout muet, nous oppose qu'Epiphanius « passant par un village nommé Anablatha, estant entré en un temple ou pendoit un voile teint et peint ayant une image comme de Jesus Christ ou de quelque sainct, il mit en piece ce voile, d'autant que cela estoit contre les Escritures; comme cela se lit plus au long en son epistre translatee par sainct Hierosme.

  A002000576 

 Mays qui voudra voir quelque chose de plus, touchant ces deux objections, qu'il lise ceux qui ont traitté la controverse des images.

  A002000581 

 Et saint Basile, beaucoup plus ancien, parlant de Jesus Christ, de sa Mere, de ses Apostres, Prophetes et Martyrs, il dit qu'il « honnore les histoires de leurs images et qu'il les adore tout ouvertement, car, » dit-il, « cecy estant baillé par les saintz Apostres, il ne le faut pas defendre, mays en toutes nos [148] eglises, nous dressons leurs histoires.

  A002000581 

 L'Eglise estoit pure, selon la confession des Reformateurs, les cinq cens premieres annees, et, s'il faut croire le traitteur, les yeux des Chrestiens commencerent seulement « à se ternir et à ne voir plus guere clair au service de Dieu » au tems de saint Gregoire Pape.

  A002000581 

 Saint Chrysostome appelle la figure de la Croix « plus digne que tout honneur: omni cultu digniorem, » et commande en sa Liturgie, comme j'ay dit n'agueres, que le prestre venant a l'autel fasse la reverence a la Croix..

  A002000581 

 Si donc au commencement, lors que l'Eglise a esté pure et la verité syncere, le signe de la Croix n'a point esté fait, elle n'a point esté dressee, saluee ni adoree, c'est tres-mal fait d'avoir introduit ceste corruption (qui ne peut estre bonnement appellee coustume), et c'est encor plus mal fait de la retenir.

  A002000582 

 Eusebe tesmoigne qu'avant que Constantin donnast la bataille contre Licinius, il se retira hors le camp au tabernacle ou pavillon de la Croix avec quelque nombre des plus devotz qu'il trouva pres de soy, et ce pour prier Dieu et se recommander a sa misericorde, ce qu'il avoit accoustumé de faire en toutes semblables occasions.

  A002000594 

 Rendant ta cruauté plus que jamais insigne,.

  A002000597 

 Soit de nostre salut la preuve plus certaine,.

  A002000606 

 Prudence, encor plus ancien, tesmoigne que les empereurs Chrestiens honnoroyent la Croix:.

  A002000631 

 Mays a quoy, je vous prie, visoit la bravade que les payens faisoyent aux Chrestiens, recitee par Minutius Felix au huitiesme Livre joint a ceux d'Arnobe: « Voicy des supplices pour vous, et des tormens et des croix, non plus pour adorer mays pour souffrir »? n'estoit-ce pas une presupposition de l'honneur que les Chrestiens faisoyent a la Croix qui leur faisoit avancer ces parolles: Ecce vobis supplicia, tormenta, et jam non adorandæ sed subeundæ cruces? En voyla bien asses pour convaincre le traitteur, qui a bien osé dire que du tems de la pure et primitive Eglise on n'a dressé ni veneré la Croix, ou bien, qui revient tout en un, qu'il ne luy faut porter aucun honneur religieux; car, a quel autre honneur se peut rapporter ce que j'ay produit jusques icy? [153].

  A002000638 

 Et afin qu'il ne semble qu'on leur face tort par tels propos, voici les mots [154] dont ils usent quand ils benissent le bois de la Croix: Seigneur, que tu daignes benir ce bois de la Croix, à ce qu'il soit remede salutaire au genre humain, fermeté de foy, avancement de bonnes œuvres, redemption des ames, defense contre les cruels traicts des ennemis; item: Nous adorons ta Croix; item: O Croix qui dois estre adoree, o Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as merité de porter le talent du monde, doux bois, doux cloux, portans doux faix, sauve la presente compagnie assemblee en tes louanges; item: Croix fidele, arbre seule noble entre toutes, nulle forest n'en porte de telle en rameaux, en fleur et en germe; le bois doux soustient des doux cloux et un faix doux.

  A002000650 

 Voyla les subtiles recerches que fait ce playsant traitteur pour convaincre les Catholiques d'estre « foret cenez, rendus punais par l'idolatrie et plus stupides que le bois », car c'est ainsy qu'il nous traitte.

  A002000651 

 Ilz trouvent mauvais que l'on parle a la Croix, qu'on la salue, et beaucoup plus qu'on l'invoque, puysqu'elle n'a ni sentiment ni entendement; mais a ce conte il se faudroit moquer des saintz Prophetes, qui en mille endroitz ont addressé leurs paroles aux choses insensibles: O Cieux jettes la rosee d'en haut, et que les [156] nues pleuvent le Juste, que la terre s'ouvre et qu'elle germe le Sauveur; O cieux, oyes ce que je dis; J'invoque a tesmoins le ciel et la terre; Benisses, soleil et lune, le Seigneur; Loues-le, soleil et lune; Qu'as-tu, o mer, qui te fasse fuir, et toy, o Jordain, que tu sois retourné arriere? Saint André ne vit pas si tost la croix en laquelle il devoit estre crucifié qu'il s'escrie saintement: « O bonne Croix qui as receu ton ornement des membres de mon Seigneur, long tems desiree, soigneusement aymee, cerchee sans relasche, et en fin preparee a mon esprit desireux, reçois-moy d'entre les hommes et me rends a mon Maistre, affin que celuy-la me reçoive par toy, qui par toy m'a racheté.

  A002000651 

 Qui ne sçait combien les apostrophes et prosopopees sont en commun usage a toute sorte de gens? Et quelle plus grande ineptie que de faire le fin a reprendre semblables termes? Et quel danger peut-il avoir en ce langage:.

  A002000656 

 qui a son patron et modelle en l'Escriture Sainte, et mille traitz des plus anciens Peres pour garantz? La rosee qu'Esaye demande aux cieux, n'est autre que le Sauveur; et David demande au feu, gresle, neige, glace, qu'elles louent Dieu; et saint André a la Croix, qu'elle le rende a son Maistre; mays ces choses leur sont autant impossibles que de pardonner aux pecheurs..

  A002000657 

 Or, quoy qu'en toutes ces manieres de dire les parolles soyent addressees a la Croix, au ciel, a la neige et semblables choses inanimees, si est-ce que l'invocation passe plus outre et se rapporte a Dieu et au Crucifix.

  A002000658 

 » J'admire seulement ceste delicate ame, laquelle ayant dit que ceste rime se trouve « presques en toutes les Heures, » interprete tout a coup son « presques » de celles seules de Michel Jove, imprimees l'an 1568; et, pour estre encor plus inepte, veut mettre en usage une vielle rime platte françoise es offices de Rome.

  A002000665 

 Je dis que la plus pure Eglise l'a adoree et l'a tenue pour adorable, comme je prouve, et l'a baysee encor, comme tesmoigne saint Chrysostome en l'homelie, De l'adoration de la Croix.

  A002000665 

 Mays attendant de respondre encor plus au long au Livre quatriesme, je dis qu'il n'y a pas autre inconvenient d'adorer la Croix aux Chrestiens, qu'aux Juifz l'Arche de l'alliance, comme j'ay monstré qu'ilz faisoyent, ci devant; ni de la bayser, que de bayser le bout de la verge de Joseph, comme fit Jacob selon la plus vraysemblable opinion, ou celle d'Assuerus, comme fit Hester selon la sainte parole.

  A002000666 

 Origene l'appelle « nostre victoire », Eusebe et le grand Constantin, « signe salutaire », saint Augustin, « honnoree et honnorifiee », Justin le Martyr, « enseigne principale de force et principauté », Justinien l'Empereur, « vrayement venerable et adorable », et saint Chrysostome encor l'appelle « plus digne que toute veneration et reverence: omni cultu digniorem.

  A002000666 

 Quelz tiltres veulent-ilz lever a la Croix? Je crois que voici ceux qui les faschent le plus: Remede salutaire du genre humain, redemption des ames, tres adorable, plus sainte que tout, nostre unique esperance.

  A002000666 

 Qui ne sçait que les plus saintz et anciens Peres de l'Eglise l'ont ainsy appellee? Saint Chrysostome, en une seule [163] homelie, luy baille passé cinquante tiltres d'honneur, et entre autres il l'appelle « esperance des Chrestiens, resurrection des mortz, chemin des desesperés, triomphe contre les diables, pere des orphelins, defenseur des vefves, fondement de l'Eglise, medecin des malades.

  A002000667 

 C'est une sotte subtilité de tant disputer des motz quand il appert de la bonté de l'intention; la regle est generale qu'il les faut entendre selon la capacité du sujet dont il est question, secundum subjectam materiam: il est force que les choses s'entreprestent leurs noms les unes aux autres, car il y a plus de choses que de motz, mays c'est a la charge qu'ilz ne soyent appliqués que selon l'estendue et valeur des choses pour lesquelles on les employe.

  A002000667 

 La Croix est un remede salutaire, redemption des ames, tres adorable, nostre unique esperance, plus sainte que tout; cela s'entend selon le rang qu'elle tient entre les instrumens de la Passion et de nostre salut; qui l'entendroit comme du Redempteur mesme seroit inepte et sot, car le sujet en est du tout, sans difficulté, inepte et incapable..

  A002000667 

 Les paroles des gens de bien et sages sont tousjours prises sagement et en bonne part, par les gens de bien: qu'y a-il de meilleur et de plus sage que l'Eglise? c'est une malice expresse de tirer a un sens blasphematoire ses paroles, qui peuvent avoir un sens bienseant et sortable sans forcer la commune et ordinaire maniere d'entendre.

  A002000667 

 Y a-il mot de plus grande signification que le mot de Dieu, qui signifie le souverain Estre et l'Infini? neanmoins par fois le Saint Esprit l'accourcit tant qu'il le fait joindre aux creatures: J'ay dit, vous estes dieux; Dieu se trouve en l'assemblee des dieux, or au milieu il juge les dieux; Je t'ay constitué Dieu de Pharao.

  A002000670 

 Je dis de plus que la rayson principale pour laquelle ce jour-la est appellé aoré, n'est pas l'adoration exterieure de la Croix, mais la sainteté de la mort du Sauveur, laquelle y est celebree, dont l'adoration exterieure n'est qu'une protestation..

  A002000671 

 « Le jour anniversaire revient qui represente la trois fois heureuse et vitale Croix de Nostre Seigneur, et la nous propose pour estre veneree, et nous fait chastes et nous rend plus robustes et promptz a la course de la carriere des saintes abstinences; nous, dis-je, qui d'un cœur sincere et avec levres chastes la venerons: nos qui sincero corde eam castisque labris veneramur. » Or sus donques, quel danger y a-il d'honnorer la Croix, la bayser, et de nommer le Vendredi aoré ou adoré, voire quand on le nommeroit ainsy pour l'adoration de la Croix qu'on fait ce jour-la? Pourquoy appelloit-on le jour de Pasque, Pasque, sinon parce qu'en iceluy se fit le passage du Seigneur, et de ce passage prit son nom et le jour et l'immolation laquelle s'y faisoit? Les jours prennent leur nom bien souvent de quelque action faite en [169] iceux; aussi le Vendredi peut estre dit aoré a l'occasion de l'adoration de la Croix faite en iceluy; mays comme on n'appelloit pas les tables, couteaux, nappes et autres appartenances de l'immolation de la Pasque du nom de Pasque, ainsy n'appelle-on pas aoré ni le lieu, ni l'estui, ni les doigtz, ni la main qui touchent la Croix, comme veut inferer le traitteur: la rayson est ouverte, parce que tout cela n'est pas dedié a la celebration de ceste action ou adoration comme le jour; mais le traitteur n'a ni regle ni mesure a faire des conséquences, pourveu qu'elles soyent contraires a l'antiquité ce luy est tout un..

  A002000671 

 » Et ailleurs: « Aujourd'huy Nostre Seigneur a esté pendu en la Croix; celebrons de nostre costé sa feste d'une trop plus grande joye pour apprendre la Croix estre la substance de toute nostre resjouissance spirituelle, car au paravant le seul nom de la croix estoit une peyne, mays maintenant il est nommé pour gloire, jadis il portoit l'horreur de condemnation, maintenant c'est un indice de salut, car la Croix est cause de toute nostre felicité.

  A002000671 

 » Et plus bas: « Ainsy saint Paul mesme a commandé que l'on celebrast feste [168] pour la Croix, adjoustant la cause en ceste sorte: Par ce que Jesus Christ nostre Pasque a esté immolé pour nous.

  A002000673 

 Il n'y a rien de si grave et bienseant dequoy Democrite ne rie, rien de si ferme dequoy Pyrrho ne doute; la temerité de l'heretique, qui n'a ni front ni respect mays tient ses conceptions pour des divinités, se rit et mocque de toutes choses: qui des ceremonies, qui des paroles, qui du Purgatoire, qui de la Trinité, qui de l'Incarnation, qui du Baptesme, qui de l'Eucharistie, qui de l'Epistre de saint Jaques, qui des Machabees, et tous avec une esgale asseurance; ilz sont assis sur la chaire pestilente de mocquerie, leurs mocqueries empestent beaucoup plus les simples que leurs discours..

  A002000687 

 Et partant on deputa cinquante soldatz des plus entenduz et vaillans qui accompagnoyent ordinairement l'estendart pour le prendre et porter tour a tour.

  A002000687 

 Un de ces porte-enseigne, se trouvant emmi une aspre et forte escarmouche, fut si poltron qu'il abandonna ce saint drapeau, et le remit a un autre pour se pouvoir sauver des coupz; il ne fut pas plus tost hors de la meslee et sauvegarde de la sainte enseigne, que le voyla transpercé d'une javeline au milieu du ventre, dont il meurt sur le champ.

  A002000690 

 Si vous dites que non, convainques donq Sozomene et plusieurs autres autheurs de fauseté, et quelz tesmoins aves-vous pour leur opposer? que s'ilz l'ont adoree, confesses que nous ne faisons que ce qui se faisoit en la plus pure Eglise.

  A002000691 

 La Croix donq de Jesus Christ est honnorable parce qu'elle est une appartenance sacree d'iceluy, mais elle est d'autant plus declairee [178] telle, que Nostre Seigneur l'emploie a miracle: le miracle donq n'est ni le seul ni le principal fondement de la dignité de la Croix, c'est plustost un effect et consequence d'icelle.

  A002000691 

 » Voyla pas une ignorance lourde? Le formel et premier fondement pour lequel la Croix est honnorable c'est la representation de Jesus Christ crucifié, que toutes les croix font autant l'une que l'autre; mays outre cela il y a des autres particulieres et secondes raysons qui rendent une croix plus honnorable et desirable que l'autre: si non seulement elle represente Nostre Seigneur, mays a esté touchee par iceluy ou par ses Saintz, ou a esté employee a quelque [177] œuvre miraculeuse, certes elle en sera d'autant plus honnorable, mays quand ni l'un ni l'autre ne se rencontreroit, l'image de la Croix ne laisseroit pourtant d'estre sainte a cause de sa representation.

  A002000692 

 Et de fait, au tems que Constantin combattoit, ceste croix celeste n'estoit plus en estre, ains le Labare et autres croix patronnees sur icelle, differentes voirement quant a la matiere et individu, mais de mesme espece quant a la forme..

  A002000693 

 Cependant, Picard que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zele qu'il avoit au service de Dieu; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos academies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siege de la sainteté plus que les autres; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jesus Christ, lequel elles representent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siege du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de [182] honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appellé Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jesus Christ en l'Eglise, se tient neanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste premiere, absolue et souveraine Sainteté qui est Jesus Christ crucifié.

  A002000702 

 Arnobe, visant a l'intention des accusateurs plus qu'a leurs paroles, nie tout a fait leur dire: « Nous ne desirons pas, » dit-il, « les croix ni ne les honnorons; » cela s'entend en la sorte et qualité que vous cuides et selon le sens de vostre accusation.

  A002000702 

 Il arrive souvent de respondre plus a l'intention qu'aux paroles, et c'est la rayson de bailler plustost tout autre sens a la parole d'un homme de bien, que de le luy bailler faux et menteur, tel que seroit celuy d'Arnobe s'il contredisoit au reste des autheurs anciens..

  A002000703 

 Je sçay qu'en peu de parolles on pouvoit respondre que quand Minutius a dit, cruces nec colimus nec optamus, il entendoit parler des fourches et gibbetz, mais l'autre response me semble plus naïfve..

  A002000703 

 Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention.

  A002000708 

 Me sçauroit-on monstrer qu'il faille avoir en honneur et respect le Dimanche et le tenir pour saint plus que le Jeudi? Item l'Eucharistie, si elle n'est autre qu'une simple commemoration de la Passion, comme presupposent les Reformés: on trouvera bien qu'il faut [192] s'esprouver soy mesme et ne la manger pas indignement, mais qu'il y faille aucun honneur exterieur, ou me le monstrera-on? Et pourquoy, je vous prie, aura-on plus de credit a brusler et briser les croix, les appeller idoles et sieges du diable, qu'a les dresser, honnorer et appeller saintes, pretieuses, triomphantes? car si cecy n'est escrit cela l'est encor moins.

  A002000709 

 L'honneur de ceste vaine, frivole et legere marque est receu en l'Escriture; combien plus l'honneur des images permanentes et solides, comme est la Croix?.

  A002000709 

 » La verge de Moyse, d'Aaron, l'Arche de l'alliance et mille telles choses, ne furent-elles pas tenues pour saintes et sacrees et par consequent pour honnorables? ce n'estoyent toutefois que figures de la Croix; pourquoy donq ne nous sera honnorable l'image de la Croix? Disons ainsy: n'est-ce pas avoir en honneur une chose, de la tenir pour remede salutaire et miraculeux en nos maux? mais quel plus grand honneur peut-on faire aux choses que de les avoir en telle estime et recourir a elles pour telz effectz? or, les premiers et plus affectionnés Chrestiens avoyent ceste honnorable croyance de l'ombre de saint Pierre, neanmoins leur foy est loüee et ratifiee par le succes et par l'Escriture mesme, et cependant l'ombre n'est autre qu'une obscurité confuse et tres imparfaitte image et marque du cors, causee non d'aucune reelle application, mais d'une pure privation de lumiere.

  A002000710 

 Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout.

  A002000713 

 Donq, avoir des images hors et outre l'Escriture n'est ni idolatrie ni superstition; et ne soyes pas si effronté de dire que la conservation et garde du Serpent d'airain fut superstition, car vous accuseres de connivence, lascheté et irreligion les plus saintz et fervens serviteurs que Dieu ayt eu en Israël, Moyse, Josué, Gedeon, Samuel, David, sous l'authorité et regne desquelz ceste image a esté transportee et conservee tant d'annees outre le tems pour lequel Dieu l'avoit commandee.

  A002000713 

 En bonne foy, faire ce Serpent estoit-ce une dispense du commandement prohibitif de ne faire aucune image? vous le dites ainsy; or, la jouissance des dispenses doit estre limitee par le tems et la condition pour laquelle on l'accorde, car la cause estant ostee il ne reste plus d'effect: le peuple donq, estant arrivé sain et sauve en la terre de promission, ne pouvoit plus prendre aucun fondement en l'Escriture de garder ceste image, puysque la cause de la dispensation estoit ostee: partant, confesses que ceste image demeura honnorablement parmi le peuple, sans aucune parole de Dieu escritte, [197] un grand espace de tems.

  A002000713 

 Ne touchoit-il pas a eux de la lever si c'eust esté mal fait de la garder hors l'usage pour lequel elle avoit esté faite? ces espritz si roides et francz au service de leur Maistre, eussent-ilz dissimulé ceste faute? Item, que n'aves-vous remarqué que ceste image n'eust pas esté conservee si longuement si on n'en eust eu quelque conception honnorable? quelle rayson y pouvoit-il avoir de la retenir, ni pour sa forme ni pour sa matiere? Certes, elle ne pouvoit avoir autre rang que d'un recommandable et sacré memorial du benefice receu au desert, ou d'une sainte representation du mistere futur de l'exaltation du Filz de Dieu, qui sont deux usages religieux et honnorables, mays beaucoup plus propres a l'image de la Croix, qui sert de remembrance du mistere passé de la crucifixion et du mistere a advenir du jour du jugement.

  A002000714 

 Apres que l'on a offert et dedié l'encens a Dieu, on le jette vers le peuple, non pour le luy offrir, mays pour luy faire part de la chose sanctifiee; on en jette vers les autelz, mays c'est a Dieu, comme a celuy qui est adoré sur l'autel; on en jette vers les reliques et memoires des Martyrs, mays c'est a Dieu, en action de graces de la victoire qu'ilz ont obtenue par sa bonté; on en jette es temples et lieux de prieres pour exprimer le désir que l'on a que l'oraison des fideles monte a Dieu comme l'encens: en quoy un grand personnage de nostre aage a parlé un peu bien rudement, disant que l'encens est offert aux creatures; ce sont inadvertances qui arrivent quelquefois aux plus grans, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A002000721 

 Chose admirable, qu'aucun ne peut douter estre advenue par la vertu divine: le sang sortit abondamment du coup qui avoit esté donné a l'image; ce meschant ne s'en appercevant point jusques a ce qu'entrant dans sa mayson, esclairé a la lumiere du feu, il se voit fort ensanglanté; tout esperdu il serre en un coin ceste image et n'ose plus toucher ce qu'il avoit si meschamment desrobbé.

  A002000721 

 Consalve Fernand escrit en une sienne lettre que les Chrestiens avoyent dressé une croix sur un mont du Japon; trois des principaux Japonois la vont coupper; ilz n'ont pas plus tost achevé que, commençans a s'entrebattre, deux demeurent mortz sur la place et ne sçeut-on onques que devint le troisiesme..

  A002000723 

 Les empereurs Honorius et Theodose tesmoignent que les Juifz de leur tems, en leurs festes plus solemnelles, avoyent accoustumé de brusler des images de la crucifixion de Nostre Seigneur en mespris de nostre religion, dont ilz commandent aux presidens des provinces de tenir main a ce que telles insolences ne fussent plus commises, et qu'il ne fust permis aux Juifz d'avoir le signe de nostre foy en leurs synagogues.

  A002000724 

 Donques les images, ayans perdu leur forme et par consequent la representation, elles ne sont plus venerables, mais cela s'entend quand elles n'ont point d'autre qualité honnorable sinon la representation et le rapport a leur modelle, comme il arrive ordinairement.

  A002000724 

 L'autre est celle que dit saint Athanase, d'autant que si quelques payens, ou huguenotz, nous reprochoyent l'idolatrie comme si nous adorions le bois, nous separerions aysement les pieces de la Croix, et ne les honnorans plus on connoistroit que ce n'est pas pour la matiere que nous honnorons la Croix, mays pour la representation et remembrance; ce qu'on ne peut faire de la creche, lance et sepulchre, et autres telles choses, lesquelles neanmoins, estans employees expressement a la representation des saintz misteres, ne doivent pas estre privees d'honneur.

  A002000724 

 Or un grand miracle avoit esté fait a ceste statue: elle estoit colloquee sur une haute colomne de pierre sur laquelle croissoit une herbe inconneuë, laquelle, venant a joindre aux franges de la robbe de l'image, guerissoit de toutes maladies; en quoy la robbe de Nostre Seigneur est d'autant plus comparable a sa Croix, car si la robbe fit miracle estant touchee, aussi fit bien sa Croix; si non seulement sa robbe, mais encor l'image de sa robbe a fait miracles, je viens aussi de prouver que les images de la Croix ont eu ceste grace excellente d'estre bien souvent instrumentz miraculeux de sa divine Majesté.

  A002000735 

 Un habile homme rend utiles et met en œuvre tous ses gens, non seulement ceux qui sont de nature active et vigoureuse, mais encor les plus molz.

  A002000739 

 Et bien que de soy il importe peu que l'on face la croix avec plus ou moins de doigtz, si se doit-on ranger a la façon commune des Catholiques, pour ne sembler condescendre a certains heretiques Jacobites et Armeniens, dont les [216] premiers, protestans ne croire la Trinité, et les secondz, ne croire qu'une seule nature en Jesus Christ, font le signe de la Croix avec un seul doigt.

  A002000739 

 Qu'il se face de la main droite, d'autant qu'elle est estimee la plus digne, comme dit Justin le Martyr.

  A002000743 

 » Et plus bas: « Il a esté declaré ci-dessus qu'entendoient les Anciens par ce signe, assavoir le tesmoignage exterieur de la foy Chrestienne.

  A002000747 

 Notes qu'il parle du tems de saint Augustin, auquel Calvin dit estre tout notoire et sans doute qu'il ne s'estoit fait nul changement de doctrine ni a Rome, ni aux autres villes; et le traitteur mesme confesse que ç'a esté seulement du tems de saint Gregoire que les yeux des Chrestiens ont commencé a ne voir plus gueres clair au service de Dieu; dont je discours ainsy: nul changement ne s'estoit fait en la doctrine, du tems de saint Augustin; or, du tems de saint Augustin on faisoit generalement le signe de la Croix; la doctrine donques de faire le signe de la Croix est pure et apostolique..

  A002000754 

 Le traitteur veut faire croire que l'antiquité n'employoit le signe de la Croix sinon pour le premier effect; mais au contraire, elle ne l'employoit presque jamais pour ceste seule intention, ains son plus ordinaire usage estoit d'estre employé a demander ayde a Dieu.

  A002000754 

 » Or sus, ce tant libre et universel usage de ce saint signe, peut-il estre reduit a la seule profession de foy? En tout œuvre, se levant le matin, se couchant le soir, la nuict en l'obscurité, et es lieux non habités, a quel propos feroit-on ceste [224] profession de foy ou personne ne la voit? Mais il y a plus: ces Peres qui recommandent tant l'usage de ce signe n'apportent jamais pour rayson la seule profession de foy, ains encor la defense et protection que nous en pouvons recevoir comme d'une cuirasse et corcelet a l'espreuve, ainsy que saint Ephrem l'appelle..

  A002000774 

 Je laisse a part la naïfve intelligence de ces parolles de Nostre Seigneur, qui oppose l'adoration en esprit a l'adoration propre aux Juifz, qui estoit presque toute en figures, ombres et ceremonies exterieures, et l'adoration en verité a l'adoration fause, vaine, heretique et schismatique des Samaritains; ce que je fais icy n'a pas besoin de plus long discours..

  A002000775 

 Ainsy, disant qu'il ne connoit plus Jesus Christ selon la chair, il ne veut dire autre sinon qu'il ne tient plus ni ne connoit Jesus Christ pour passible et mortel, qualités naturelles de la chair, et en un mot qu'il ne le connoit plus selon la chair accompagnee des infirmités de sa condition naturelle..

  A002000775 

 Si vous entendes selon la chair de Jesus Christ mesme, comme c'est le sens plus sortable, il ne faudra pas dire qu'absolument il ne faille connoistre et reconnoistre Jesus Christ selon [232] la chair; car n'est-il pas né de la Vierge selon la chair? n'est-il pas mort, resuscité et monté au ciel, selon la chair? n'a-il pas sa vraye chair a la dextre du Pere? n'est-ce pas sa chair reelle selon la verité, ou au moins le signe de sa chair selon la vanité de vos fantasies, qu'il nous a donnee en viande? faudroit-il donques oublier tout cela, avec le Mot caro factum est? Quand donques saint Paul dit qu'il ne connoit Jesus Christ selon la chair, c'est selon la chair de laquelle il parle ailleurs, disant que Jesus Christ es jour de sa chair a offert des prier es et supplications a son Pere; ou le mot de chair se prend pour mortalité, infirmité et passibilité, comme s'il eust dit que Jesus Christ, pendant les jours de sa chair mortelle, infirme et passible, a offert prieres et supplications a son Pere.

  A002000777 

 Les fumees et traces ne retirent pas le bon chien de la queste, mais l'y eschauffent et animent; ainsy esventant en la Croix, en la Creche, au Sepulchre, les passees et alleures de mon Sauveur, tant plus suis-je esmeu et affectionné a ceste benite recherche, il me tire par la apres soy comme par l'odeur de ses onguens.

  A002000785 

 Or on observe encor en toutes les benedictions ecclesiastiques ces deux choses, mais avec une plus claire manifestation des misteres qui y sont contenuz.

  A002000786 

 Un certain simple homme print charge de le faire, et creusant sous les principales colomnes l'une apres l'autre mettoit du bois dessous pour les appuyer, puys y voulut mettre le feu affin que les colomnes tombassent, mays le diable, en forme horrible et noire, venoit empescher la force et prise du feu; ce qui fut soudain rapporté a Marcel Evesque du lieu, lequel courant en l'eglise, fit apporter de l'eau, laquelle ayant mise a l'autel, prosterné en terre il prioit nostre doux Seigneur qu'il ne laissast pas faire plus grand progres a l'impieté, et faisant le signe de la Croix sur l'eau, il commande a Equitius, son diacre, qu'il coure et aille arrouser le feu, de ceste eau benite, ce qu'il fit; et soudain le diable, qui ne pouvoit souffrir la force de ceste eau, s'enfuit, et le feu allumé par l'eau son contraire comme si c'eust esté huile, s'attache au bois et en peu de tems le consomme, si que les colomnes n'ayans plus leur appuy cheurent et tirerent a ruyne apres elles toutes les autres avec ce qu'elles portoyent.

  A002000787 

 Cependant l'Empereur, taschant tousjours plus a l'advancement de ce dessein, le tems estant venu de faire monstre aux soldatz et les payer, il fit apporter pres de soy et de ces idoles du feu et de l'encens, et faisoit commander aux soldatz qui recevoyent leur paye de jetter de l'encens sur le feu, comme si c'eust esté une ordinaire ceremonie [242] militaire entre les Romains.

  A002000787 

 Or, peu s'apperceurent de ceste tromperie, qui ne voulans plus adorer (c'est a dire honnorer), comme ilz souloyent au paravant, l'image de l'Empereur ainsy mise parmi ces idoles, comme elle estoit, en furent en fin martyrisés; mays le menu peuple, allant a la bonne foy sans y entendre autre mal, pensant seulement rendre l'honneur ordinaire a l'Empereur, faisoit la reverence a ces idoles.

  A002000787 

 Quelques uns, descouvrans la ruse, refuserent tout a fait de commettre ceste impieté; les autres, plus simples, firent ce qu'on leur commandoit, sans autre malice; les autres, ou par avarice ou par crainte, se laisserent aller a ce peché.

  A002000788 

 Et de plus, mal est prins bien souvent a ceux qui ont mesprisé de faire ce saint signe avant que de manger et boire: tesmoin la religieuse qui mangea une laittue, et le religieux qui beut sans faire le signe de la Croix, qui furent aussi tost saisis du malin. Le traitteur fait deux reproches a ces tesmoignages: l'un, « Qui ne void, » dit-il, « que c'est fable? » L'autre: « Sainct Paul dit [244] que la viande nous est sanctifiee par la Parole de Dieu, et par la priere, et ne parle point du signe de Croix, ne d'autre.

  A002000788 

 » Il a tort, car ces recitz n'ont rien d'impossible, rien d'inepte, et partent d'une bouche honnorable; c'est de saint Gregoire le Grand qui vaut mieux que tous ces reformés, en doctrine et authorité: sera-il donq permis au premier venu de desmentir ainsy les Anciens? Au demeurant, le dire de saint Paul, que les viandes sont sanctifiees par la priere, confirme ce que nous avons dit; car, parce que le signe de la Croix est une priere briefve, aysee, vigoureuse et ordinaire es benedictions des viandes, dire qu'a faute de faire la Croix le diable saisit un religieux et une religieuse, c'est a dire que ce fut a faute de faire ceste priere la, qui estoit la plus aysee et familiere, et a plus forte rayson autre quelcomque; bien qu'encores soit-il vray que le signe de la Croix a une particulière force contre les diables, outre celle qui est commune a toute priere, comme nous verrons cy apres.

  A002000794 

 Ou est-ce donques que le signe de la Croix est plus sortable qu'aux Sacremens, quand ce ne seroit que pour protester que la Passion est la fontaine des eaux salutaires qu'ilz nous communiquent? Les consecrations sont les plus excellentes invocations qui se fassent en l'Eglise: le saint signe, estant un si propre moyen de prier, ne peut estre mieux employé qu'a cest effect; aussi a ce esté une forme ordinaire a l'ancienne Eglise de consacrer avec le signe de la Croix.

  A002000804 

 De ce genre est (affin que je cotte de premier ce qui est le premier et tres vulgaire) que nous signons du signe de la Croix ceux qui ont mis leur esperance en Jesus Christ: qui l'a enseigné par escrit? » Aves-vous ouÿ, petit traitteur, ce grand et ancien maistre, comme il tient l'observation de se signer au front pour toute commandee, quoy qu'elle ne soit expressement escritte? Que luy sçauries-vous opposer, sinon qu'il est homme, a vostre accoustumee? Et certes il est homme, mais tres chrestien et tres entendu en la loy Evangelique, regentant en l'Eglise au tems de sa plus grande pureté.

  A002000804 

 Or, s'il faut plus croire a saint Cyprien, saint Augustin, saint Ephrem et autres tres anciens Peres, qu'a ce petit traitteur, l'arrousement des posteaux et sursueilz a esté figure du signe que l'on fait sur le front des Chrestiens.

  A002000805 

 » Car par la il attribue a nostre aage la science et connoissance avec opiniastreté, aux predecesseurs une simple ignorance, et aux plus anciens Chrestiens une simplicité ignorante, puysqu'autre simplicité ne peut causer l'erreur: la ou, au contraire, ces Anciens si clairvoyans seroyent bien plus inexcusables d'avoir donné commencement a l'erreur, s'il y en avoit, que nous qui en serions les sectateurs beaucoup moins entenduz et sçavans; ce seroit nous qui errerions par simplicité et ignorance a la suite des Anciens.

  A002000806 

 Ce que jadis estoit monstré en la lame d'or, nous est monstré au signe de la Croix; le sang de l'Evangile est plus pretieux que l'or de la Loy.

  A002000807 

 IV. Le signe de la Croix est nostre estendart, il doit estre au lieu plus apparent de nostre ville.

  A002000807 

 V. C'est nostre trophee, il le faut lever au plus haut de nostre temple, et comme sur une honnorable colomne.

  A002000807 

 VIII. C'est une marque honnorable, il la faut faire avec la main droitte comme plus noble, et la placer sur la plus illustre piece de nostre cors.

  A002000813 

 Belle preuve de l'honneur et vertu de la Croix, et [258] d'autant plus considerable que le traitteur tasche de l'obscurcir.

  A002000814 

 Mays quelle consequence en peut-on tirer contre nous? Faisons que ceste traduction fust la meilleure, n'y aurons-nous pas tousjours cest advantage, que le signe de la Croix, estant le plus excellent des purs et simples signes, et le grand signe du Filz de l'homme, il peut et doit estre entendu, plus proprement [259] qu'autre quelconque, sous le nom et mot absolu de marque ou signe? Car ainsy, quoy qu'il y peut avoir plusieurs signes du Filz de l'homme, quand toutefois il est parlé absolument du signe du Filz de l'homme, les Anciens l'ont entendu du signe de la Croix; et saint Hierosme, en l'epistre a Fabiole, prenant le signe d'Ezechiel, non pour la lettre Thau simplement, mays pour signe et marque en general, ne laisse pas pourtant de l'appliquer a la Croix: « Alhors, » dit-il, « selon la parole d'Ezechiel, le signe estoit fiché sur le front des gemissans; maintenant, portans la Croix nous disons, Seigneur, la lumiere de ta face est signee sur nous.

  A002000814 

 » Ainsy, quand il est dit en l'Apocalipse: Ne nuises point a la terre, ni a la mer, ni aux arbres, jusques a ce que nous ayons marqué les serviteurs de nostre Dieu en leurs frons, la marque dont il est question n'est autre que la Croix, comme sont d'advis Œcumene, Rupert, Anselme et plusieurs autres devanciers, avec grande rayson; car, quelle autre marque peut-on porter sur le front, plus honnorable devant Dieu le Pere, que celle de son Filz? et a quelle sorte de marque peut-on mieux déterminer toutes ces saintes paroles, qu'a celle de laquelle nous sçavons tous les plus grans serviteurs de Dieu avoir esté marqués et en avoir fait tant d'estat?.

  A002000818 

 Aussi, quoy que saint Hierosme produise plusieurs sens, si ne sont-ilz pas contraires, mais peuvent tous joindre ensemble sur celuy que saint Hierosme estime le plus sortable, et lequel est plus doux et naïf: car le comble de connoissance, signifié par la fin et comble des lettres, qui est Thau, gist a sçavoir et prattiquer la Loy, laquelle est encor signifiee par Thau, d'autant que le mot Thorah, qui signifie la Loy, se commence par Thau.

  A002000819 

 la derniere interpretation est plus forcee, la troisiesme plus coulante.

  A002000822 

 Et pleust a Dieu que ces reformeurs eussent imité ce rare et grand esprit, Juste Lipsius; ilz ne seroyent plus ennemis de la Croix.

  A002000822 

 Mais quelle plus grande similitude y peut-il avoir, sinon que le Thau fust une croix? Certes, nous ne disons pas que le Thau soit une croix, ains qu'il la ressemble; or, similia non sunt eadem.

  A002000824 

 Cela crois-je bien, que s'il eust eu plus de forme de croix qu'il n'a, les Juifz et Rabbins l'eussent changé en haine de la Croix, laquelle ilz detestent tant qu'ilz ne la veulent pas mesme nommer, comme a remarqué le docte Genebrard, et je l'ay dit ailleurs..

  A002000826 

 La ou je dis que [comme] Thau veut dire un signe et une lettre particuliere, ressemblante a la Croix, si la Prophetie s'entend d'un signe absolument, il faudra tousjours le rapporter a iceluy de la Croix, a cause de l'excellence d'iceluy, comme j'ay dit ci devant; et de plus, ce signe estant exprimé par un mot qui a en teste et en sa premiere lettre la figure de la Croix, et non seulement [266] cela, mais signifie encor un certain seul caractere qui a semblance de croix, nous sommes tousjours plus contrains, par la consideration de tant de circonstances, a prendre ce signe de la Prophetie pour celuy de la Croix.

  A002000826 

 Mais si la parole Thau ne signifie pas seulement une borne et signe, ains encor une croix, comme l'asseure Genebrard, homme extremement ou incroyablement versé en la langue hebraïque, quelle plus grande lumiere voudroit-on en confirmation de nostre dire?.

  A002000828 

 » Ici je consens volontiers, et dis que ceste vision, estant spirituelle, elle a d'autant plus de rapport a l'esprit [267] de l'Evangile que non pas au cors de la Loy ancienne, en sorte que la chose n'ayant point esté reellement faitte sur la vielle et materielle Hierusalem, elle a deu estre reellement verifiee en la Hierusalem nouvelle et Chrestienne..

  A002000831 

 Ainsy le Psalme LXXI, le dire du Livre des Rois et de l'Exode que j'ay allegué, est bien plus entierement observé en Jesus Christ qui en estoit le dernier sujet, qu'en Salomon ou en l'aigneau Pascal qui estoit le premier.

  A002000835 

 Que les marqués de l'Apocalipse nous asseurent de plus fort, car ce sont ceux qui, pour protestation de leur foi et invocation du Sauveur, auront esté signés du signe de la Croix, comme ont dit les anciens interpretes; autres ne sont esleuz que ceux qui auront confessé de bouche, de cœur, par signes et par œuvres, autant qu'ilz pourront, avec l'Apostre, qu'ilz n'ont autre gloire qu'en la Croix de Jesus Christ.

  A002000842 

 Que si l'Antechrist, comme singe, voulant faire et contrefaire le Christ, marquera ses gens au front, et par la les obligera a ne se point signer de la Croix, comme dit Hippolite, combien affectionnement devons-nous retenir l'usage de ce saint signe, pour protester que nous sommes Chrestiens et jamais n'obeirons a l'Antechrist? Les ministres avoyent enseigné leurs huguenotz que les couronnes des ecclesiastiques estoyent les marques de la beste, mais voyans qu'ilz ne pouvoyent porter une plus expresse marque de beste que de dire cela, puysque [278] d'un costé, la plus grande partie des papaux (qu'ilz appellent) ne la portent pas, et saint Jean tesmoigne que tous les sectateurs de la beste porteront sa marque, et d'autre costé, que ceux qui ne portent pas la couronne clericale ne laissent pas de trafiquer, et qu'au contraire le traffic est prohibé a ceux qui la portent, cela les a fait jetter a ceste interpretation, que la marque de la beste devoit estre invisible: c'est tousjours marque de beste, ou d'opiniastreté bestiale, comme je viens de monstrer..

  A002000850 

 « Saint Hilarion ouyoit un soir le brayement des petitz enfans, le beellement des brebis, le buglement des bœufz, avec des bruitz esmerveillables de voix diverses; lhors il entendit que c'estoyent illusions diaboliques, parquoy il s'agenouilla et se signa au front de la Croix de Jesus Christ, de sorte qu'estant armé d'un tel heaume de la foy, gisant malade, il combattoit plus vaillamment... mais tout incontinent qu'il eut invoqué Jesus Christ, toute ceste apparence fut, devant ses yeux, engloutie en une soudaine ouverture de terre.

  A002000852 

 Qu'advint-il de plus? Le mal reprend haleyne; il poursuit outre, il est animé a son entreprise, et les frayeurs le pressent de plus fort, il recourt l'autre fois au signe de la Croix et les diables sont domptés.

  A002000854 

 Saint Gregoire le Grand, ancien et venerable Pere, fait ce recit; le traitteur, qui au plus ne peut estre que quelque vain ministre, l'accuse de niaiserie et mensonge: a qui croirons-nous? Grand cas si tout ce qui ne revient pas au goust de ces novateurs doit estre tenu pour fable.

  A002000854 

 Sera-ce que le signe de la Croix empesche les effortz du diable? mays tous les anciens et plus purs Chrestiens l'ont creu et enseigné, et mille experiences en ont fait foy.

  A002000855 

 Car ce cas advenu extraordinairement a servi pour tant plus confondre cest abominable, tant en sa conscience que devant tous hommes et devant Dieu.

  A002000855 

 Et parlant de l'exemple de Julien l'Apostat, il dit que l'exemple d'un tel miserable ne doit estre allegué pour establir une doctrine en l'Eglise, cartel exemple n'est pas louable... tellement qu'on peut bien faire ceste conclusion: puis que Julian l'Apostat et semblables ont fait ce signe et en ont esté, comme on dit, secourus, il est apparent que cela ne procede de Dieu, ains qu'il est venu de Satan qui l'a de plus en plus voulu troubler et enlacer, par le juste jugement de Dieu.

  A002000855 

 Il s'est peu faire que pour engraver au cœur des hommes une plus profonde pensee de la mort et passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, sur les commencemens de la predication Evangelique Dieu quelquesfois a voulu qu'il se soit fait des choses extraordinaires; et pourtant, si alors il a pleu à Dieu monstrer quelques fois sa debonnaireté aux siens, il le faut recognoistre pour le remercier de son support.

  A002000855 

 » 3. Que si ces effectz sont faitz « par la force de Jesus Christ, ç'a esté moyennant l'invocation du Nom d'icelui et non par un signe; que si ç'a esté par mauvais moyen, un charme aura esté chassé par un contre-charme... Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes; lequel Satan, se voyant deschassé de son fort par Jesus Christ, a basti un autre fort contre le mesme Jesus Christ, en employant à tel effect la simplicité des Chrestiens... et en fuyant devant la Croix il a fait comme ceux qui reculent pour plus avancer.

  A002000856 

 Et quant a ce que le traitteur dit, que le diable a employé a cest effect la simplicité des Chrestiens, il y auroit de l'apparence si on luy produisoit le tesmoignage de quelques idiotz; mais quand on luy produit les Martial, Ignace, Origene, Chrysostome, Augustin, comme ose-il les accuser d'une simplicité folle, ou plustost de niaiserie? Y a-il homme qui vive qui leur soit comparable, nomplus en suffisance qu'en sainteté, parlant de la plus part?.

  A002000856 

 J'oppose que, puysqu'il s'est peu faire que les merveilles faittes a la Croix ayent esté faittes par la force de Dieu, pour engraver la pensee de la mort et passion de nostre Sauveur au cœur des hommes, comme le traitteur confesse, il a eu tort et s'est monstré trop passionné d'aller rechercher une autre cause de ces miracles, car celle ci est plus a l'honneur de Dieu et au salut des hommes que non pas de dire que le diable en a esté l'autheur, comme le mesme traitteur dit par apres.

  A002000856 

 leur contrarieté, incertitude et doute; il ne sçait a qui bailler l'honneur de ces evenemens: « Si c'est par la force de Jesus Christ... si c'est [288] par mauvais moyens... Il s'est peu faire que pour engraver une plus profonde pensee de la mort et passion de Jesus Christ... Que si ç'a esté Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes... » Quelz embarrassemens: monstre-il pas, avec ces irresolutions, qu'il est bien empesché, et qu'il va sondant le guay pour essayer s'il pourra trouver quelque response? 2.

  A002000868 

 Voulons-nous estre plus sages que luy, et dire que ces moyens ne sont pas sortables? il luy plait que nous les employions, les voulons-nous rejetter? Or c'est saint Augustin qui est autheur de ce recit, et l'estime tellement propre a la louange de Dieu, qu'il dit tout suivant qu'il avoit fort tancé ceste dame guerie de ce qu'elle n'avoit pas asses publié ce miracle.

  A002000884 

 Et remarque ce pendant que les questionnaires, qui espluchent si menuement les differences d'honneur qu'on doit a la Croix, monstrent asses qu'ilz sont saisis de la sainte et pure jalousie de laquelle j'ay traitté en l'Avant-Propos: car, comme ilz veulent attribuer a la Croix l'honneur qui luy est deu, selon le rang qu'elle tient entre les dependances de nostre Sauveur, aussi prennent-ilz soigneusement garde de ne luy en bailler que ce qu'il faut, et sur tout de n'alterer en rien l'honneur de Dieu, ni baillant moins de respect a sa Croix, ni plus aussi, qu'il ne veut et requiert.

  A002000884 

 Si est-ce que, parce que ce traitteur produit les questions des scholastiques avec supercherie, je veux en peu de paroles descouvrir en ce Livre, le plus naïfvement que je sçauray, la doctrine Catholique touchant la qualité de l'honneur deu a la Croix.

  A002000891 

 Faire des reverences et demonstrations exterieures a quelqu'un n'est pas aussi l'honnorer; les flatteurs et affronteurs en font a ceux qu'ilz tiennent les plus indignes du monde.

  A002000899 

 Or, a bien honnorer, comme j'ay dit ci devant, il y va trois actions; il y en va bien autant, et a plus forte rayson, a bien adorer, puysqu'adorer n'est autre qu'une excellente sorte d'honnorer.

  A002000906 

 Qui est affectionné aux idoles, quand il n'auroit [312] ni genouïl ni jambe et seroit plus immobile qu'une pierre, il est neanmoins vray idolatre; et, au contraire, qui auroit tous-jours les genoux plantés en terre ne seroit pour tout cela idolatre sans ces deux conditions, l'une, qu'il fust ainsy volontairement, l'autre, que ce fust a l'honneur d'un idole.

  A002000921 

 Les Anciens ont suivi ce chemin, si que saint Augustin dit, que nous n'avons aucune simple parole latine pour signifier la veneration deuë a Dieu seul, mais avons destiné a cest usage le mot grec de latrie, faute [317] d'autre plus commode.

  A002000921 

 Neanmoins, encor que le mot d'adoration signifie non seulement la reverence deuë a Dieu, mais encor celle qu'on doit aux creatures, si est-ce qu'il panche un peu plus et est plus sortable a signifier la reverence deuë a Dieu; c'est pourquoy les Anciens ont par fois dit sans difficulté qu'on pouvoit adorer les creatures, et par fois ilz ont fait scrupule de l'advouer, principalement lhors qu'ilz ont eu affaire avec les chicaneurs et heretiques.

  A002000922 

 » Et plus bas il introduit les Juifz, se lamentans de l'honneur qu'on fait a Nostre Seigneur, en ceste sorte: « Nous avons crucifié Celuy que les roys adorent *, voyla que mesme le clou d'iceluy est en honneur, et ce que nous luy avons planté pour sa mort est un remede salutaire, et, par une certaine vigueur invisible, tourmente les demons.

  A002000925 

 Et que toutefois ce mesme mot panche un peu plus et est plus duisant a signifier l'honneur deu a Dieu seul, consideration qui a meu les Anciens d'employer a l'ordinaire autres paroles que celle d'adoration pour signifier la reverence deuë aux Saintz et autres creatures, ou s'ilz n'y ont employé d'autres motz ilz ont limité celuy d'adoration par quelque moderation.

  A002000926 

 Ainsy, au devis qui se passa entre Nostre Seigneur et la Samaritaine, le mot d'adorer, qui y est mis tout court sans autre addition, signifie non seulement l'adoration deuë a Dieu seul, mais la plus excellente de toutes celles qui se font a Dieu, qui est le sacrifice, comme prouvent plusieurs grans personnages, par raysons inevitables..

  A002000926 

 Le second principe est, qu'entre toutes les adorations celle qui appartient a Dieu est incomparablement la plus grande et pretieuse; elle est le suc de toute adoration, ou, comme Anastase, Evesque de Theopolis, dit, l'emphase et excellence de tout l'honneur.

  A002000926 

 Or ce discours depend de deux principes: le premier, qu'entre toutes les especes d'honneur l'adoration est la plus digne, dont saint Augustin dit, que « les hommes sont appellés servables et venerables, que si on y veut joindre beaucoup, ilz seront encores ditz adorables »; il faut une grande qualité pour rendre une chose adorable.

  A002000926 

 Si que l'adoration estant la supreme sorte d'honneur, elle est particulierement propre a la supreme excellence de Dieu; et si bien elle peut estre attribuee aux creatures, c'est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque evidente circonstance, on ne reduit la signification du mot d'adoration a l'honneur des creatures, elle panchera tous-jours [320] a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot equivoque ou qui signifie deux diverses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation, est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse: analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato.

  A002000928 

 Vray est que le Catholique discret, sçachant que le mot d'adorer panche plus a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des creatures, et que le simple vulgaire le prend ordinairement a cest usage, le discret Catholique, dis-je, n'employera pas ce mot sans y joindre une bonne declairation; ni parmi les schismatiques, heretiques, reformeurs et bigearres, pour leur lever tout sujet de calomnier; ni devant les menus et debiles espritz, pour ne leur donner aucune occasion de mesprendre, car les Anciens ont fait ainsy.

  A002000934 

 Le patriarche Jacob, panché et prosterné a terre, adora sept fois son frere aisné Esaü; les freres de Joseph l'adorerent prosternés a terre; la [323] Thecuitaine cheut en terre devant David, l'adorant; les enfans des Prophetes, venans au rencontre d'Helisee, l'adorerent prosternés en terre; la Sunamite se jetta aux piedz d'Helisee; Judith, se prosternant en terre, adore Holofernes: ces saintes ames que pouvoyent-elles faire plus que cela, quant a l'exterieur, pour l'adoration de Dieu? L'adoration, donques, ne doit pas estre jugee selon les actions et demonstrations exterieures.

  A002000934 

 Nostre cors n'a pas tant de plis ni de postures que nostre ame, il n'a point de plus humble sousmission que de se jetter a terre devant quelqu'un; mais l'ame en a une infinité de plus grandes, de maniere que nous sommes contraintz d'employer les genuflexions, reverences et prostrations corporelles indifferemment, ores a l'honneur souverain de Dieu, ores a l'honneur inferieur des creatures; nous nous en servons comme des jettons, ores pour dix, ores pour cent, ores pour mille, laissans a la volonté de bailler diverse valeur a ces signes et maintiens exterieurs, par la diversité des intentions avec lesquelles elle les commande a son cors.

  A002000934 

 O reformation, en veux-tu plus sçavoir que ton maistre? Le nostre, respondant au tien, pour monstrer l'honneur deu a Dieu ne dit point, tu t'inclineras, d'autant que l'inclination est une action purement indifferente; mays dit seulement: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu.

  A002000934 

 Tel connoist en son ame quelque excellent advantage d'un autre sur luy, qui neanmoins ne le voudra pas reconnoistre a proportion de ce qu'il le connoist, ains beaucoup moins ou plus: tesmoin ceux qui, connoissans Dieu ne l'ont pas adoré comme Dieu.

  A002000939 

 Partageons maintenant toutes les adorations selon les plus generales divisions des excellences.

  A002000940 

 Mais parce que de ceste seconde sorte d'excellence il y a une innombrable varieté et diversité, divisons-la encores en ses plus generales pieces, et l'adoration qui luy appartient sera de mesme divisee.

  A002000940 

 Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou supreme, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindre que la divine et est tousjours subalterne; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, devote, ou conscientieuse, mais particulierement on l'appelle dulie entre les theologiens: car iceux, voyans le mot grec de dulie s'appliquer indifferemment au service de Dieu et des creatures, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appellé adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux creatures surnaturellement excellentes, adoration de dulie; et pour mettre encores quelque difference en l'honneur des creatures, ilz ont dit que les plus signalees s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et generale dulie.

  A002000943 

 Un mesme soleil rend inegalement claires les choses, selon le plus et le moins qu'elles luy sont proches, ou qu'elles reçoivent ses rayons.

  A002000944 

 Mays Dieu, qui n'est capable d'autre excellence que de l'independante, n'est capable d'autre adoration que de l'independante; la maniere d'avoir la perfection avec dependance et d'ailleurs que de soy, est trop basse et vile pour Dieu, et beaucoup plus la maniere de l'avoir par imputation ou relation; ces menus honneurs ne sont pas sortables pour une excellence infinie..

  A002000951 

 Ainsy la vraye Croix et l'image de la Croix meritent un mesme honneur entant que l'une et l'autre se rapportent a Jesus Christ, mais elles le meritent bien different entant que la vraye Croix appartient plus excellemment a Jesus Christ que ne fait pas l'image de la Croix; car la vraye Croix luy appartient comme relique, instrument de la Redemption, autel de son sacrifice et son image encor, mais l'image de la Croix ne luy appartient que comme remembrance de sa Passion.

  A002000951 

 De mesme, selon la premiere consideration, l'image de Nostre Seigneur est plus honnorable que le cors d'un martyr, d'autant qu'elle appartient a une infinie excellence, et le cors du martyr n'appartient qu'a une excellence limitee; mais selon la seconde consideration le cors du saint est plus venerable que l'image de Nostre Seigneur, [332] car encor que l'image de Dieu appartient a une excellence infinie, si luy appartient-elle presque infiniment peu, au prix de ce que le cors appartient de fort pres au martyr, duquel il est une partie substantielle qui ressuscitera pour estre faitte participante de la gloire.

  A002000951 

 Par exemple, je veux mettre en comparaison l'image du prince avec le filz d'un amy: si je considere la qualité des excellences pour lesquelles j'honnore et l'un et l'autre, j'honnoreray plus l'image du prince que le filz de l'amy (je suppose que ce filz ne me soit respectable que pour l'amour du pere), parce que l'image du prince appartient a une personne qui m'est plus honnorable; mais si je considere le rang et degré d'appartenance que chacune de ces choses tient a l'endroit des excellences pour lesquelles on les honnore, j'honnoreray beaucoup plus le filz de mon amy que l'image du prince, car, bien que je prise plus le prince que le simple amy, si est-ce que l'image appartient incomparablement moins au prince que le filz a l'amy.

  A002000953 

 Pour vray, il ne les faut jamais appeller adorations simplement et sans bonnes limitations, car, si le mot d'adoration panche plus a signifier l'honneur deu a Dieu seul que le subalterne, et que partant il ne doit pas estre employé a signifier le subalterne sinon qu'il soit borné par quelque addition, combien moins le faut-il mettre en usage pour signifier les adorations relatives et imparfaittes, sinon qu'on aye limité la course de sa signification a la mesure de l'honneur qu'on veut nommer..

  A002000954 

 Il faut donq accourcir encor ces deux noms par quelque addition; mais ou prendra-on ceste addition? Il la faut chercher en la qualité de l'excellence a laquelle vise l'adoration: si elle vise a l'excellence divine, il la faut appeller adoration relative de latrie, car l'honneur qui a pour son sujet la Divinité est appellé latrie; si elle vise a l'excellence surnaturelle creée, on l'appelle adoration relative de dulie, ou hyperdulie, selon le plus et le moins de l'excellence, car ainsy appelle-on l'honneur deu aux excellences surnaturelles; si l'adoration vise a une excellence purement humaine, elle se nommera adoration relative humaine, ou civile..

  A002000955 

 Ainsy faut-il parler des reliques, images ou instrumens des Saintz, laissant chaque chose en son grade; car, a la verité, les reliques, comme les clouz, la vraye Croix, le saint Suaire, mentent plus d'honneur relatif de latrie que ne font les images ou simples Croix de Nostre Seigneur, d'autant qu'elles appartiennent a Nostre Seigneur par une relation plus vive et estroitte que les simples remembrances..

  A002000955 

 Qui voudra encor plus particulariser ces adorations, selon le divers rang de rapport et appartenance que la chose qu'il en veut honnorer tient a l'endroit de l'excellence a laquelle il vise, il le pourra faire aysement disant, par exemple: j'honnore telle chose d'adoration de latrie respective, comme relique, ou image, ou memorial, ou instrument de Jesus Christ.

  A002000957 

 Que si j'ay tousjours dit qu'il ne falloit pas mesme dire simplement qu'on adoroit les creatures, sinon qu'on y employast des circonstances qui restreignissent la signification du mot adorer, d'autant qu'il panche plus a l'honneur de Dieu qu'a celuy des creatures, combien plus ay-je rayson de dire qu'il ne faut jamais mettre en usage le mot seul de latrie pour aucun autre honneur que pour celuy de Dieu seul, puysque ce mot de latrie a esté particulierement choisi et destiné a ceste seule signification, et ne peut meshuy avoir autre usage sinon par proportion et extension.

  A002000970 

 » Or la mort et Passion est passee, Jesus Christ ne meurt plus, il ne souffre plus; on peut donq honnorer les choses absentes et qui ne sont point.

  A002000972 

 A ceste façon d'adorer et considerer la Croix, se rapportent presque toutes les plus solemnelles parolles, louanges et ceremonies qui se prattiquent en l'Eglise Catholique a l'endroit de la Croix; mais entre autres, tout le saint et devot hymne composé par le bon Theodulphe, ancien Evesque d'Orleans; voyons-le en toutes ses pieces, latin et françois:.

  A002001016 

 Ou de plus est ja mort blecé,.

  A002001046 

 Qui ne voit qu'en toutes ces parolles on considere la Croix comme un arbre auquel est pendant le pretieux fruit de vie, Createur du monde, comme un throsne sur lequel est assis le Roy des roys? C'est de mesme quand l'Eglise chante ce que le petit traitteur nous reproche: « O Croix qui dois estre adoree, ô Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as mérité de porter le talent du monde; doux bois, doux cloux portans doux faix... » C'est la version du traitteur, qui n'est pas, certes, trop exacte; le latin est plus beau: O Crux adoranda, o Crux speciosa, hominibus amabilis, sanctior universis, quæ sola digna fuisti portare talentum mundi; dulce lignum, dulces clavos, dulcia ferens pondera... Et ailleurs: Crux fidelis, inter omnes arbor una nobilis, nulla silva talem profert, fronde, flore, germine; dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus, sustinet; qui est une piece de l'hymne composé par le bon pere Fortunatus, Evesque de Poitiers.

  A002001057 

 Car, qui ne voit en ceste celebrité le triomphe deferé non a l'image, mays a Nostre Dame representee par l'image? et de plus, ceste image representer la Vierge, non d'une simple representation selon sa portee naturelle, mays d'une representation instituee [347] par la fiction et estimation arbitraire des hommes? Ainsy voit-on ordinairement les effigies et images deshonnorees pour les malfaiteurs qu'on ne peut attrapper: on pend et brusle leurs representations en leur place, comme si c'estoit eux, et lhors le deshonneur ne se fait pas a l'image proprement, mays au malfaiteur au lieu duquel elle est supposee; aussi ne dit-on pas, on a pendu l'image de tel ou tel malfaiteur, mays plustost, on a pendu tel et tel en effigie, d'autant que telles executions ne se font sur les images sinon entant qu'en icelles on tient, par la fiction du droit, les malfaiteurs estre chastiés, desfaitz et punis..

  A002001057 

 La volonté des hommes n'a pas ce pouvoir de bailler aucune reelle valeur aux choses outre celle qu'elles ont de leur nature, mays elle peut bien leur bailler un prix imaginaire et une estimation [346] supposee ou feinte, selon laquelle on les honnore ou deshonnore plus ou moins.

  A002001059 

 Qui ne void que les croix ni de l'un ni de l'autre des freres n'estoyent pas la vraye Croix du Sauveur? et neanmoins ilz s'addressent a icelles ne plus ne moins comme si c'eust esté la mesme Croix de salut.

  A002001060 

 On peut dire que la Croix est encor adoree, selon quelque exterieure apparence, quand on prie Dieu devant la Croix sans autre intention que de monstrer qu'on prie en vertu de la mort et Passion du Sauveur; mais on peut beaucoup mieux dire que cela n'est adorer la Croix ni peu ni prou, puysque ni l'action exterieure ni l'interieure n'est dressee a la Croix; ne plus ne moins que lhors que nous adorons du costé d'Orient, selon l'ancienne tradition, nous n'adorons en aucune façon l'Orient, mais monstrons seulement que nous adorons Dieu tout puissant, qui s'est levé a nous d'en haut pour esclairer tout homme venant en ce monde..

  A002001069 

 Ceste opinion est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente: car les Juifz et Mahometains ont au moins pretexte es motz du commandement, qui portent tout net qu'on ne face aucune similitude; mais ceux de ceste autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin de l'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images es eglises qu'ailleurs.

  A002001069 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, vaches, lions, grenades et palmes estoyent anciennement, sinon au Temple? et quant aux Cherubins, au lieu le plus sacré.

  A002001069 

 Que si les eglises sont maysons du Roy des roys, les ornemens y sont fort convenables; le temple est image du Paradis, pourquoy n'y logera-on les portraitz de ce qui est en Paradis? quelles plus saintes tapisseries y peut-on attacher? Et outre tout cela, ceste interpratation, tant prisee par les novateurs, ne joint aucunement a l'intention de la loy qui veut rejetter toute idolatrie; car, ne peut-on pas avoir des idoles et idolatrer hors les temples aussi bien que dans iceux? Certes, l'idole de Laban ne laissoit pas d'estre idole, encor qu'elle ne fust en l'eglise ou Temple, ni le veau d'or aussi.

  A002001072 

 Mays au bout de la, je dis que le commandement de Dieu a beaucoup plus d'estendue que ne porte ceste consideration; car, si ce commandement ne defend que les images de la Divinité, a quoy faire sera-il particularisé de ne faire similitude quelconque des choses qui [355] sont au ciel, en terre et es eaux? Item, qui adoreroit l'idole d'une chose creée, ne seroit-il pas idolatre, contre ce commandement? Donques, ceste interpretation n'est pas legitime ni sortable a la loy..

  A002001073 

 IV. Voici donques en fin la droitte et chrestienne intelligence de ce commandement, deduitte par ordre le plus briefvement et clairement que je sçauray:.

  A002001075 

 Et d'ailleurs, comme pourroit-on reduire la prohibition de n'adorer les similitudes a celle-la de ne les faire point? S'il est defendu de ne les faire, a quel propos defendre de ne les adorer? Puysque sans les faire on ne les peut adorer, il y auroit une trop grande superfluité en ce commandement, de plus qu'aux autres.

  A002001075 

 Mais si quelqu'un veut debattre que la prohibition de n'avoir autre que le seul vray Dieu soit un commandement separé de l'autre defense, Tu ne te feras aucune idole ou semblance quelconque, pour ne m'amuser a le convaincre par vives raysons que je pourrois produire a ce propos, je me contenteray qu'il m'accorde, que la prohibition de ne faire aucune similitude et de les adorer n'est qu'un mesme et seul commandement (ce que, certes, on ne peut nier en aucune façon, sinon que, contre la pure et expresse Escriture, on veuille faire plus de dix commandemens en la Loy, et qu'on veuille lever a ces loys le nom de Decalogue).

  A002001077 

 Elle est puisee tout nettement de la parole de Dieu, en laquelle ce qui est dit obscurement en un lieu a accoustumé d'estre dit plus clairement en un autre, notamment es articles d'importance et necessaires.

  A002001081 

 Et de plus, ceste interpretation est du tout conforme a la tres ancienne et catholique coustume de la sainte Eglise, laquelle a tousjours eu des images, notamment de la Croix, qui est autant a dire comme asseurer qu'elle est selon l'intention du Saint Esprit.

  A002001082 

 De mesme, que l'on honnore la Croix en tout et par tout, puysqu'on ne l'honnore que pour tant plus honnorer Dieu; que toute la veneration qu'on luy porte est relative et dependante, ou accessoire, a l'endroit de la supreme adoration deuë a sa divine Majesté; que ce n'est qu'une branche de ce grand arbre: cela n'est en façon quelconque defendu, puysque ceste semblance et figure n'est pas employee a l'action pour laquelle les similitudes sont prohibees, qui est l'idolatrie.

  A002001082 

 Que l'on ayt, donques, des images de la Croix aux champs, es villes, sur les eglises, dans les eglises, sur les autelz; tout cela n'est que bon et saint, car estant fait et institué et prattiqué pour la conservation de la memoire que nous devons avoir des benefices de Dieu, et pour honnorer tant plus sa divine bonté, ainsy que j'ay monstré tout au long de ces Livres, il ne sçauroit [359] estre defendu en la premiere Table, qui ne vise qu'a l'establissement du vray service de Dieu et abolissement de l'idolatrie.

  A002001085 

 Il n'y en a point qui ayt contredit a la sainte Eglise avec tant de vehemence et chagrin que celuy-la, ni qui en ayt recherché plus curieusement les occasions, et sur tout touchant le point des images.

  A002001098 

 III. De plus, il y eut encor une grande difference en la maniere de proceder a l'accusation; les dix tribus, quoy que superieures aux deux et demy, ne se ruent pas de premiere volee a la guerre, mais: 1.

  A002001099 

 se sont de plein saut jettés aux foudres, tempestes et gresles de calomnies, injures, reproches, diffamations, et ont armé leurs langues et leurs plumes de tous les plus poignans traitz qu'ilz ont sçeu rencontrer entre les despouïlles de tous les anciens ennemis de l'Eglise, et tout aussi tost les ont dardés avec telle furie, que nous serions des-ja perduz, si la verité divine ne nous eust tenuz a couvert sous son impenetrable escu (je laisse a part la guerre temporelle suscitee par ces evangelistes empistolés par tout ou ilz ont eu acces); 2. et a leur pretendue reformation n'ont employé que la prophane audace des brebis contre leurs pasteurs, des sujetz contre leurs superieurs, et le mespris de l'authorité du Grand Prestre evangelique, lieutenant de Jesus Christ; 3.

  A002001111 

 Nos saintes excuses, ou plustost nos saines declairations, qu'ilz devroyent recevoir pour le repos et tranquillité de leur tant inquietee conscience, sans plus s'effrayer et tremousser en la vanité des songes qu'ilz font sur la pretendue idolatrie de la Croix, c'est cela mesme qu'ilz rejettent et abhorrissent le plus, et l'appellent « Endormie », par mespris et desdain.

  A002001111 

 Que ferons-nous donq avec eux? cesserons-nous de nous employer a leur salut, puysqu'ilz n'en veulent pas seulement voir la marque? Mais comme pourrions-nous desesperer du salut d'aucun, emmi la consideration de la vertu et honneur de la Croix? arbre seul de toute nostre esperance, duquel l'honneur plus reconneu et certain gist en la vertu qu'il a de guerir non seulement les playes incurables et mortelles, mais aussi de guerir la mort mesme, et la rendre plus pretieuse et saine sous son ombre que la vie ne fut onques ailleurs..

  A002001112 

 Plantés donq sur nos genoux, liés avec les bras de la sainte meditation, liés, dis-je, et noués au pied de cest arbre, o Catholiques mes Freres, plus les paroles, les escritz, les deportemens de nos accusateurs respireront une haine irreconciliable a l'endroit de la Croix et de ses devotz, plus de nostre costé devons-nous souspirer chaudement pour eux, et crier de tout nostre cœur a Celuy qui pend aux branches, pour feuille, fleur et fruit, Seigneur, pardonnes-leur, car ilz ne sçavent ce qu'ils font:.

  A002001119 

 C'est ce que j'ay desiré faire en cest escrit pour les simples qui en ont plus de besoin, aussi leur cœur plus tendre et humide pourra peut estre bien recevoir l'impression du signe de la Croix d'une si foible main comme est la mienne, la ou les cœurs de pierre et de bronze de ceux qui pensent estre quelque chose ne presteroyent jamais sinon au ciseau et burin de quelque plus ferme ouvrier.

  A002001119 

 Que si mon insuffisance et lascheté me prive de tout autre gain, au moins auray-je ce bon heur d'avoir combattu pour le plus digne Estendart qui fut, est, et sera, et qui est le plus envié du monde..

  A002001120 

 L'enseigne de la Croix ne fut pas plus tost desployee, qu'elle fut exposee a la contradiction des Juifz, heretiques et perfides, desquelz parlant saint Paul: Plusieurs, disoit-il, cheminent, desquelz je vous parlois bien souvent, et maintenant je le dis en plorant, ennemis de la Croix de Jesus Christ. C'estoyent des reformeurs qui estimoyent indigne de la personne du Filz de Dieu qu'il eust esté crucifié, ainsy que le grand cardinal Baronius deduit doctement et au long en ses Annales.

  A002001120 

 Les attaques semblent redoubler en nostre aage; l'Antechrist approche tousjours plus, ce n'est merveille si ses trouppes s'avancent plus dru.

  A002001120 

 Nous adorons ce que nous sçavons, or nous sçavons Jesus Christ en Croix et la Croix en Jesus Christ; c'est pourquoy je fais fin par cest abregé et de la doctrine Chrestienne et de tout ce que j'ay deduit jusques a present, protestant avec le glorieux predicateur de la Croix, saint Paul (mais faites, mon Dieu, que ce soit plus de cœur et d'actions que d'escrit et de bouche, et qu'ainsy je face la fin de mes jours): Ja n'advienne que je me glorifie, sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A002001120 

 Quand cest homme de peché et roy de l'abomination sera venu, ce sera lhors que le drapeau de la Croix sera le plus attaque; mays face l'enfer tous ses effortz, tous-jours cest Estendart paroistra haut eslevé en l'armee Catholique.

  A002001137 

 C'est en cest endroit on l'insolence des reformateurs s'exerce le plus, et plus impudemment.

  A002001138 

 En la pag. 27 et 28, il establit deux idolatries: « Quand l'idolatrie paienne a commencé a decliner de jour a autre, au prix que croissoit la lumiere de la doctrine Chrestienne, le Diable a dressé un'idolatrie autant ou plus dangereuse au milieu de la Chrestienté, tellement que les noms des anciennes idoles ont esté changés, mais les choses sont demeurees.

  A002001144 

 de Civit. c. 1, et epist. 59, ad Deogratias; et neanmoins a qui considerera de pres la maniere de parler de l'Escriture et des Anciens, il verra que le mot d'adorer panche un peu plus a la signification de lhonneur deu a Dieu seul, que non pas aux autres.

  A002001149 

 Et c'est a ceste consideration que bien souvent les Anciens ont employé d'autres motz plus generaux pour signifier la reverence dette aux Saintz et autres creatures, ou s'il ny ont pas employé d'autres motz ilz ont limité le mot d'adoration par quelque addition.

  A002001149 

 On voit donq ce que je viens de dire, que les anciens Peres rapportent le mot d'adorer a lhonneur deu aux creatures, et que neanmoins ilz ont estimé quil estoit un peu plus duysant et sortable a signifier particulierement lhonneur deu a Dieu tout puyssant.

  A002001149 

 Si que entre toutes les sortes d'honneur, l'adoration est la plus excellente, et entre toutes les adorations celle-la qui se fait a Dieu est incomparablement la plus digne (dont Anast., Episc. Theopoleos, act. 4 a 7 æ sinodi, dit qu'ell'est, Emphasis seu excellentia honoris ), ains si digne qu'au prix des autres elle seule s'apell'adoration.

  A002001150 

 Or en fin, comme que ce soit, parmi le vulgaire du Christianisme ce mot d'adorer ne se rapporte qu'a lhonneur qui est deu a Dieu, qui sera cause que nous le laisserons a ce seul usage comm'au principal; et parlans de lhonneur deu aux creatures nous mettrons en œuvre des motz plus communs et d'indubitable signification, ou moins douteuse, comm'est honnorer, reverer, venerer et semblables..

  A002001152 

 Or, selon que les excellences de ceux que nous adorons sont advantageuses sur nous plus ou moins, les adorations sont aussi differentes, comme remarquent doctement S t Aug., l. 10.

  A002001153 

 Et pour mettre encores quelque difference en lhonneur fait aux creatures selon la diversité des excellences, ilz ont dict que les plus excellentes s'honnoroyent d'hiperdulie..

  A002001157 

 Or de tout cecy s'ensuit que quoy que les Diables sont plus excellens que nous, nous ne leur devons aucun honneur, parce que leur excellence ne tend point a bien, mays l'ont du tout destournee a mal, et ce irrevocablement; joint quell'est accablee de la supreme misere.

  A002001160 

 Ainsy la chaire, l'espee, les armes du pere seront comme certains messagers qui remettront le pere en la memoyre du filz, et cependant le filz laissera-la toutes ces choses, et ne pensant plus qu'au pere, l'honnorera de tout son cœur, [et] luy reservera toutes les caresses.

  A002001160 

 Et lhors ces choses seront comme les fourriers, qui ayans conduitz les autres au logis en sortent eus mesme et ni arrestent plus..

  A002001160 

 il se peut faire qu'une chose appartenante a un ami nous fera simplement resouvenir de celuy a qui ell'appartient, et partant sera cause par ce souvenir qu'elle reveille en nous, que nous honnorerons celuy a qui ell'appartient; et lhors, si l'on dit que nous honnorons ceste chose la, ce sera parler fort improprement, car toute nostre intention s'addresse a l'amy, et non a la chose qui luy appartient, laquelle, ayant remis l'amy dedans nostre memoyre, luy quitte la place en sortant elle mesme, de façon que bien souvent nous ne pensons plus a elle, tant s'en faut que nous l'honnorions.

  A002001169 

 se rattache à la précédente, ainsi qu'il est plus amplement exposé dans la dernière partie de la Préface.].

  A002001172 

 Elle se fait ainsy: il est defendu tresexpressement de faire les statues et similitudes de chose aucune quelle qu'elle soit, beaucoup plus de les venerer et adorer; il ne faut donq pas seulement avoir les images de la Croix, combien moins les adorer? Pour desfaire cest argument il faut seulement bien entendre comme les statues et similitudes sont prohibees, car en mesme façon ne faudra-il point avoir les images de la Croix, ni les venerer.

  A002001175 

 Cela remarqué, je rencontre quattre signalees intelligences de ceste defense, Tu ne te feras aucune statue ou ressemblance, en laissant a part quelques autres plus subtiles..

  A002001177 

 C'est une opinion nouvelle, vaine et hæretique, suivie par un grand tas de schismatiques et chicaneurs, mais ell'est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente, et non moins a l'Eglise de Dieu et a la nature.

  A002001177 

 Et pour vray, la rayson naturelle monstre que si les eglises sont maysons du Roi des roix, les ornemens y sont tres convenables, et si elles sont maysons du Saint des Saintz, les ornemens y doivent estre les plus saintz; or plus saintz ornemens n'y peut on mettre que les representations des choses saintes; le temple est image du ciel, pourquoy ni logera-on les images de ce qui est au ciel?.

  A002001177 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dans le Temple? et quand aux Cherubins, au lieu du Temple le plus sacré et considerable, Voyla [380] un exemple signalé pour nous; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours; nostre exemple est en l'Escriture et de Dieu, il faut l'Escriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation.

  A002001178 

 Que si on parle des images et figures mistiques, comme d'un aigneau pour représenter Nostre Seigneur, de colombes pour representer les Apostres, ce ne sont non plus images des choses qu'elles représentent mistiquement que les motz sont images des choses quilz signifient, et les lettres des motz quelles denotent; car elles ne représentent pas ces choses la aux sens, comme font les images, mais des objetz tout differents par lesquels, avec beaucoup de discours, on se représente les choses mistiquement signifiees.

  A002001188 

 S. Basile le Grand qui vivoit il y a plus de douze cens ans, au liv. du S. Esprit, c. 27, monstre que les Apostres ont apprins à faire le signe de la Croix et qu'eux le faisoient.

  A002001188 

 S. Paulin, Evesque de Nole, tres-ancien (il y a plus d'onze cents ans qu'il vivoit), in natali S. Fœlicis, dit que le signe de la Croix est l'armeure des Chrestiens, defensive contre tous ennemis.

  A002001194 

 On ne venere pas les colonnes, creches et sepulchres pour ressembler à ceux de Jesus Christ: car cela n'est pas son image et ne le represente point Crucifié, auquel on dresse l'esprit en honnorant la Croix; laquelle, depuis l'Edict imperial de Constantin de n'y attacher plus les hommes, n'a plus aucun autre usage au monde que d'estre image representant Jesus Christ crucifié.

  A002001194 

 Sedulius, ancien autheur Chrestien, qui vivoit il y a plus d'onze cens ans, dit: Neve quis ignoret speciem Crucis esse colendam.

  A002001194 

 à Antioche: « Nous pouvons soudain monstrer que nous n'adorons pas le bois ou la matiere, mais la representation, en separant les deux bois de la Croix et ne leur faisant plus honneur; » comme dit le 2.

  A002001217 

 a Antioche, dit: « Nous pouvons monstrer que nous n'adorons pas le bois, mais la representation, si nous separons les deux bois qui font la Croix, et alhors n'y ferons plus honneur.

  A002001223 

 Mais bien vous asseureray-je que je ne suys point advancé despuis au recouvrement d'argent, et en ay moins que jamais en employant tous les jours en verité plus que je ne peux.

  A002001236 

 Ce neantmoins, durant l'ardent feu et flamme de ces heresies, est demeuré en France plus grand nombre de croix et reliques [412] que n'a esté celuy des ruinees et gastees, et s'accomplist la prophetie du grand Prophete Esaïe, c. 19: In die illa erit altare Domini in medio terræ Ægypti, et titulus Domini juxta terminum ejus; et erit in signum et in testimonium Domino exercituum.

  A002001240 

 Tous ceux qui suyvent Nostre Seigneur et ont porté et portent sa Croix, tant vifs que morts, sont plus de milliers et millions qu'il n'y a de vingtaines en trois cents; une seule navire, voire tous les vaisseaux des mers, ni les basteaux de toutes les rivieres du monde ne les pourroyent comprendre et contenir: il s'ensuit donques qu'il n'y a reliquiaire plus copieux et abundant que la saincte Croix; ce que ledict Calvin allegue commentum.

  A002001241 

 Et en ceste façon et maniere, l'adoration que exhibons à la Croix comme à l'image de Jesus Christ crucifié doit estre plus grande et reverentialle que celle que nous rendons à la Vierge Marie, que nos dicts Peres nomment Hyperdulie, et que celle que nous portons aux Saincts, à la veneration de leurs ossements et reliques, qu'ils appellent Dulie..

  A002001343 

 Qu'il ne te reste plus que les palais des cieux:.

  A002001344 

 Tes surjons sont si hauts, qu'en leur plus tendre enfance.

  A002001469 

 Le signal plus certain du Chrestien plus fidelle..

  A002001473 

 Qui du sang de mon Dieu prit sa couleur plus belle..

  A002001477 

 Que peux-tu faire pis? reniant de plus fort.

  A002001479 

 A qui sa Croix sent mal, sa mort est plus puante..

  A002001491 

 Et des Rois plus puissants, ta majesté servie.


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000101 

 Chapitre V. De l'humilité plus interieure.

  A003000138 

 Quatriesme partie de l'Introduction contenant les advis necessaires contre les tentations plus ordinaires 115.

  A003000321 

 Autre plus court examen - Chap.

  A003000342 

 Il est vray que cela est malaysé, et c'est pourquoy je desirerois que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait jusques a present; comme, tout foible que je suis, je m'essaye par cet escrit de contribuer quelque [6] secours a ceux qui d'un cœur genereux feront cette digne entreprise..

  A003000344 

 Or, affin que le tout fust plus utile et aggreable, je l'ay reveu et y ay mis quelque sorte d'entresuite, adjoustant plusieurs advis et enseignemens propres a mon intention.

  A003000346 

 Cela fait, pour la conduire plus avant, je luy monstre deux grans moyens de s'unir de plus en plus a sa divine Majesté: l'usage des Sacremens par lesquelz ce bon Dieu vient a nous, et la sainte oraison par laquelle il nous tire a soy; et en ceci j'employe la seconde Partie.

  A003000346 

 En la troisiesme, je luy fay voir comme elle se doit exercer en plusieurs [8] vertus plus propres a son avancement, ne m'amusant pas sinon a certains advis particuliers qu'elle n'eust pas sceu aysement prendre ailleurs ni d'elle mesme.

  A003000346 

 Et finalement, en la cinquiesme Partie, je la fay un peu retirer a part soy pour se rafraischir, reprendre haleine et reparer ses forces, affin qu'elle puisse par apres plus heureusement gaigner païs et s'avancer en la vie devote..

  A003000347 

 Cet aage est fort bigearre, et je prevois bien que plusieurs diront qu'il n'appartient qu'aux religieux et gens de devotion de faire des conduittes si particulieres a la pieté; qu'elles requierent plus de loysir que n'en peut avoir un Evesque chargé d'un diocese si pesant comme est le mien; que cela distrait trop l'entendement qui doit estre employé a choses importantes.

  A003000347 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoyent pour le moins autant affectionnés a leurs charges que nous, et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroyent a leur assistance, comme il appert par leurs epistres; imitans en cela les Apostres qui, emmi la moisson generale de l'univers, recueilloyent neanmoins certains espis plus remarquables avec une speciale et particuliere affection.

  A003000348 

 C'est une peyne, je le confesse, de conduire les ames en particulier, mais une peyne qui soulage, pareille a celle des moissonneurs et vendangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesoignés et chargés; c'est un travail qui delasse et avive le cœur par la suavité qui en revient a ceux qui l'entreprennent, comme fait le cinamome ceux qui le portent parmi l'Arabie heureuse.

  A003000348 

 Combien plus un cœur paternel prendra-il volontier en charge une ame qu'il aura rencontree au desir de la sainte perfection, la portant en son sein, comme une mere fait son petit enfant, sans se ressentir de ce faix bien aymé.

  A003000348 

 Mais il faut sans doute que ce soit un cœur paternel; et c'est pourquoy les Apostres et hommes apostoliques appellent leurs disciples non seulement leurs enfans, mais encor plus tendrement leurs petitz enfans..

  A003000348 

 On dit que la tigresse avant retreuvé l'un de ses petitz, que le chasseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser tandis qu'il emporte le reste de la littee, elle s'en charge pour gros qu'il soit, et pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere a la course qu'elle fait pour le sauver dans sa tasniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau.

  A003000350 

 Alexandre fit peindre la belle Campaspé, qui luy estoit si chere, par la main de l'unique Apelles; Apelles, forcé de considerer longuement Campaspé, a mesure qu'il en exprimoit les traitz sur le tableau en imprima l'amour en son cœur, et en devint tellement passionné, qu'Alexandre l'ayant reconneu et en ayant pitié la luy donna en mariage, se privant pour l'amour de luy de la plus chere amie qu'il eust au monde: « En quoy, » dit Pline, « il monstra la grandeur de son cœur, autant qu il eust fait par une bien grande victoire.

  A003000361 

 Car tout ainsy qu'un homme qui est nouvellement gueri de quelque maladie chemine autant qu'il luy est nécessaire, mais lentement et pesamment, de mesme le pecheur estant gueri de son iniquité, il chemine autant què Dieu luy commande, pesamment neanmoins et lentement jusques a tant qu'il ayt atteint a la devotion; car alhors, comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voÿe des commandemens de Dieu, et, de plus, il passe et court dans les sentiers des conseilz et inspirations celestes.

  A003000361 

 En fin, la charité et la devotion ne sont non plus differentes l'une de l'autre que la flamme l'est du feu, d'autant que la charité estant un feu spirituel, quand elle est fort enflammee elle s'appelle devotion: si que la devotion n'adjouste rien au feu de la charité, sinon la flamme qui rend la charité prompte, active et diligente, non seulement a l'observation des commandemens de Dieu, mais a l'exercice des conseilz et inspirations celestes..

  A003000361 

 Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend promptz et actifz et diligens a l'observation de tous les commandemens de Dieu; mais outre cela, elle nous provoque a faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encores qu'elles ne soyent aucunement commandees, ains [15] seulement conseillees ou inspirees.

  A003000366 

 Les feux, les flammes, les roues et les espees sembloyent des fleurs et des parfums aux Martyrs, parce qu'ilz estoyent devotz; que si la devotion peut donner de la douceur aux plus cruelz tourmens et a la mort mesme, qu'est-ce qu'elle fera pour les actions de la vertu?.

  A003000374 

 Je vous prie, Philothee, seroit il a propos que l'Evesque voulust estre solitaire comme les Chartreux? Et si les mariés ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour a l'eglise comme le religieux, et le religieux tous-jours exposé a toutes sortes de rencontres pour le service du prochain, comme l'Evesque, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglee et insupportable? Cette faute neanmoins arrive bien souvent, et le monde qui ne discerne pas, ou ne veut pas discerner, entre la devotion et l'indiscretion de ceux qui pensent estre devotz, murmure et blasme la devotion, laquelle ne peut mais de ces desordres..

  A003000375 

 « L'abeille, » dit Aristote, « tire son miel des fleures sans les intéresser, » les laissant entieres et fraisches comme elle les a treuvees; mais la vraye devotion fait encor mieux, car non seulement elle ne gaste nulle sorte de vocation ni d'affaires, ains au contraire elle les orne et embellit.Toutes sortes de pierreries jettees dedans le miel en deviennent plus esclatantes, chacune selon sa couleur, et chacun devient plus aggreable en sa vocation la conjoignant a la devotion: le soin de la famille en est rendu paisible, l'amour du mari et de la femme plus sincere, le service du prince plus fidelle, et toutes sortes d'occupations plus suaves et amiables..

  A003000381 

 Vois-tu la penitence qu'elle fait? mais moy, je fais plus de cas de ton obeissance.

  A003000384 

 Traittes avec luy a cœur ouvert, en toute sincerité et fidelité, luy manifestant clairement vostre bien et vostre mal, sans feintise ni dissimulation: et par ce moyen, vostre bien sera examiné et plus asseuré, et vostre mal sera corrigé et remedié; vous en seres allegee et fortifiee en vos afflictions, moderee et reglee en vos consolations.

  A003000390 

 La guerison, dit l'aphorisme, qui se fait tout bellement, est tous-jours plus asseuree; les maladies du cœur, aussi bien que celles du cors, viennent a cheval et en poste, mais elles s'en revont a pied et au petit pas..

  A003000396 

 Cherches le plus digne confesseur que vous pourres; prenes en main quelqu'un des petitz livres qui ont esté faitz pour ayder les consciences a se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger; lises les bien, et remarques de point en point en quoy vous aves offencé, a prendre despuis que vous eustes l'usage de rayson jusques a l'heure presente; et si vous vous defies de vostre memoire, mettes en escrit ce que vous aurés remarqué.

  A003000397 

 Mais outre cela, la confession generale nous appelle a la connoissance de nous mesmes, nous provoque a une salutaire confusion pour nostre vie passee, nous fait admirer la misericorde de Dieu qui nous a attendus en patience; elle apaise nos cœurs, delasse nos espritz, excite en nous des bons propos, donne sujet a nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables a nostre condition, et nous ouvre le cœur pour avec confiance nous bien declarer aux confessions suivantes..

  A003000402 

 Ainsy il y a des penitens qui sortent en effect du peché et n'en quittent pourtant pas l'affection: c'est a dire, ilz proposent de ne plus pecher, mais c'est avec un certain contrecœur qu'ilz ont de se priver et abstenir des malheureuses delectations du peché; leur cœur renonce au peché et s'en esloigne, mais il ne laisse pas pour cela de se retourner souventefois de ce costé la, comme fit la femme de Loth du costé de Sodome.

  A003000407 

 Ainsy Magdeleine en sa conversion perdit tellement le [32] goust des pechés et des playsirs qu'elle y avoit prins, que jamais plus elle n'y pensa; et David protestoit de non seulement haïr le peché, mais aussi toutes les voyes et sentiers d'iceluy: en ce point consiste le rajeunissement de l'ame, que ce mesme Prophete compare au renouvellement de l'aigle..

  A003000407 

 Ainsy, quand le penitent ne hait le peché que par une legere, quoy que vraye contrition, il se resoult voyrement bien de ne plus pecher, mais quand il le hait d'une contrition puissante et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances et acheminemens du peché.

  A003000408 

 Vous les feres l'une apres l'autre selon que je les ay marquees, n'en prenant qu'une pour chaque jour, laquelle vous feres le matin, s'il est possible, qui est le tems le plus propre pour toutes les actions de l'esprit, et la ruminerés le reste de la journee.

  A003000424 

 Mays helas, mon Createur, au lieu de m'unir a vous par amour et service, je me suis rendue toute rebelle par mes desreglees affections, me separant et esloignant de vous pour me joindre au peché, n'honnorant non plus vostre bonté que si vous n'eussies pas esté mon Createur..

  A003000426 

 Je ne veux donq plus des-ormais me complaire en moy mesme, qui de ma part ne suis rien.

  A003000471 

 Sus donq, o mon cœur, ne veuille plus estre infidelle, ingrat et desloyal a ce grand Bienfaiteur.

  A003000489 

 Et par ces deux pointz vous verrés que vos coulpes sont en plus grand nombre que les cheveux de vostre teste, voyre que le sable de la mer..

  A003000490 

 Consideres a part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general lequel s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyes donq combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous, vous aves abusé contre le Donateur; singulierement, combien d'inspirations mesprisees, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003000490 

 Et encor plus que tout, combien de fois aves-vous receu les Sacremens, [41] et ou en sont les fruitz? que sont devenus ces pretieux joyaux dont vostre cher Espoux vous avoit ornee? tout cela a esté couvert sous vos iniquités.

  A003000495 

 O Seigneur, non, jamais plus, moyennant vostre grace, non, jamais plus je ne m'abandonneray au peché.

  A003000497 

 Je feray tout ce que je pourra y pour en deraciner entierement les plantes de mon cœur, particulierement de telz et de telz qui me sont plus ennuyeux.

  A003000513 

 Quand sera-ce? sera-ce en hiver ou en esté? en la ville ou au village? de jour ou de nuit? sera-ce a l'impourveu ou avec advertissement? sera-ce de maladie ou d'accident? aures-vous le loysir de vous confesser, ou non? seres-vous assistee de vostre confesseur et pere spirituel? Helas, de tout cela nous n'en sçavons rien du tout; [43] seulement cela est asseuré que nous mourrons, et tous-jours plus tost que nous ne pensons..

  A003000514 

 Consideres qu'alhors le monde finira pour ce qui vous regarde, il n'y en aura plus pour vous; il renversera sans dessus dessous devant vos yeux.

  A003000516 

 Consideres les empressemens qu'on aura pour lever ce cors-la et le cacher en terre, et que, cela fait, le monde ne pensera plus gueres en vous, ni n'en sera plus memoire, non plus que vous n'avés gueres pensé aux autres: Dieu luy face paix, dira-on, et puis, c'est tout.

  A003000521 

 O mes chers amis, mes cheres alliances, permettes-moy que je ne vous affectionne plus que par une amitié sainte, laquelle puisse durer eternellement; car, pourquoy m'unir a vous en sorte qu'il faille quitter et rompre la liaison?.

  A003000538 

 Consideres la majesté avec laquelle le souverain Juge comparoistra, environné de tous les Anges et Saintz, ayant devant soy sa Croix plus reluisante que le soleil, enseigne de grace pour les bons, et de rigueur pour les mauvais..

  A003000539 

 Ce souverain Juge, par son commandement redoutable et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns a sa droite, les autres a sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003000565 

 Outre tous ces tourmens, il y en a encor un plus grand, qui est la privation et perte de la gloire de Dieu, laquelle ilz sont forclos de jamais voir.

  A003000565 

 Que si Absalon treuva que la privation de la face amiable de son pere David estoit plus ennuyeuse que son exil, o Dieu, quel regret d'estre a jamais privé de voir vostre doux et suave visage!.

  A003000582 

 O que cette compaignie est heureuse! Le moindre de tous est plus beau a voir que tout le monde; que sera-ce de les voir tous? Mais, mon Dieu, qu'ilz sont heureux: tous-jours ilz chantent le doux cantique de l'amour eternel; tous-jours ilz jouissent d'une constante [50] allegresse; ilz s'entredonnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse et indissoluble societé..

  A003000588 

 O puisqu'il vous a pieu, mon bon et souverain Seigneur, redresser mes pas en vos voÿes, non, jamais [51] plus je ne retourneray en arriere.

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000618 

 Qu'il fait beau voir cette troupe de vierges, hommes et femmes, plus blanche que le lys, cette assemblee de vefves, pleines d'une sacree mortification et humilité! Voyes le rang de plusieurs personnes mariees qui vivent si doucement ensemble avec respect mutuel, qui ne peut estre sans une grande charité: voyes comme ces devotes ames marient le soin de leur mayson exterieure avec le soin de l'interieure, l'amour du mari avec celuy de l'Espoux celeste.

  A003000630 

 Simon le lepreux disoit que Magdeleine estoit pecheresse; mays Nostre Seigneur dit que non, et ne parle plus sinon des parfums qu'elle respandit et de la grandeur de sa charité.

  A003000631 

 Prenes, par apres, en main la protestation suivante, laquelle sert de conclusion a toute vostre contrition, et que vous deves avoir premierement meditee et consideree; lises-la attentivement et avec le plus de ressentiment qu'il vous sera possible..

  A003000636 

 Et me convertissant a mon Dieu debonnaire et pitoyable, je desire, propose, delibere et me resous irrevocablement de le servir et aymer maintenant et eternellement, luy donnant a ces fins, dediant et consacrant mon esprit avec toutes ses facultés, mon ame avec toutes ses puissances, mon cœur avec toutes ses affections, mon cors avec tous ses sens; protestant de ne jamais plus abuser d'aucune partie de mon estre contre sa divine volonté et souveraine Majesté, a laquelle je me sacrifie et immole en esprit, pour luy estre a jamais loyale, obeissante et fidelle creature, sans que je veuille onques m'en desdire ni repentir.

  A003000642 

 O Dieu, Philothee, que voyla un contract admirable par lequel vous faites un heureux traitté avec sa divine Majesté, puisqu'en vous donnant vous mesme a elle, vous la gaignés et vous mesme aussi pour la vie eternelle! Il ne reste plus sinon que, prenant la plume en main, vous signies de bon cœur l'acte de vostre protestation, et que par apres vous allies a l'autel, ou Dieu [61] reciproquement signera et scellera vostre absolution et la promesse qu'il vous fera de son Paradis, se mettant luy mesme par son Sacrement comme un cachet et sceau sacré sur vostre cœur renouvellé.

  A003000643 

 Et d'autant que les mesmes advis servent encor pour une purification plus parfaitte, avant que de les vous donner, je vous veux dire quelque chose de cette plus absolue pureté a laquelle je desire vous conduire..

  A003000647 

 A mesure que le jour se fait, nous voyons plus clairement dans le mirouër les taches et souïlleures de nostre visage; ainsy, a mesure que la lumiere interieure du Saint Esprit esclaire nos consciences, nous voyons [62] plus distinctement et plus clairement les pechés, inclinations et imperfections qui nous peuvent empescher d'atteindre a la vraye devotion; et la mesme lumiere qui nous fait voir ces tares et deschetz, nous eschauffe au desir de nous en nettoyer et purger..

  A003000651 

 Ainsy le peché veniel ne tue pas nostre ame, mais il gaste pourtant la devotion, et embarrasse si fort de mauvaises habitudes et inclinations les puissances de l'ame, qu'elle ne peut plus exercer la promptitude de la charité, en laquelle gist la devotion; mais cela s'entend quand le peché veniel sejourne en nostre conscience par l'affection que nous y mettons.

  A003000651 

 Les araignes ne tuent pas les abeilles, mais elles gastent et corrompent leur miel, et embarrassent leurs rayons des toiles qu'elles y font, en sorte que les abeilles ne peuvent plus faire leur mesnage; et cela s'entend quand elles y font du sejour.

  A003000655 

 Les jeux, les balz, les festins, les pompes, les comedies, en leur substance ne sont nullement choses mauvaises ains indifferentes, pouvans estre bien et mal exercees; tous-jours neanmoins ces choses-la sont dangereuses, et de s'y affectionner, cela est encor plus dangereux.

  A003000661 

 Je m'en vay donq maintenant donner des advis et proposer des exercices par le moyen desquelz vous purgerés vostre ame des affections dangereuses, des imperfections et de toutes affections aux pechés venielz, et si asseurerés de plus en plus vostre conscience contre tout peché mortel.

  A003000668 

 Il faut s'arrester la, Philothee, et croyes-moy, nous ne sçaurions aller a Dieu le Pere que par cette porte; car tout ainsy que la glace d'un miroüer ne sçauroit arrester nostre veuë si elle n'estoit enduite d'estain ou de plomb par derriere, aussi la Divinité ne pourrait estre bien contemplee par nous en ce bas monde, si elle ne se fust jointe a la sacree humanité du Sauveur, duquel la vie et la mort sont l'objet le plus proportionné, souëfve, delicieux et prouffitable que nous puissions choisir pour nostre meditation ordinaire.

  A003000669 

 Employés-y chaque jour une heure devant disner, s'il se peut au commencement de vostre matinee, parce que vous aurés vostre esprit moins embarrassé et plus frais apres le repos de la nuit.

  A003000674 

 Si faisant l'orayson vocale, vous sentés vostre cœur tiré et convié a l'orayson interieure ou mentale, ne refuses point d'y aller, mais laissés tout doucement couler vostre esprit de ce costé la, et ne vous soucies point de n'avoir pas achevé les oraysons vocales que vous vous esties proposees; car la mentale que vous aures faitte en leur place est plus aggreable a Dieu et plus utile a vostre ame.

  A003000675 

 S'il advenoit que toute vostre matinee se passast sans cet exercice sacré de l'orayson mentale, ou pour la multiplicité des affaires, ou pour quelque autre cause (ce que vous deves procurer n'advenir point, tant qu'il vous sera possible), taschés de reparer ce defaut l'apres-disnee, en quelque heure la plus esloignee du repas, parce que ce faisant sur iceluy et avant que la digestion soit fort acheminee, il vous arriveroit beaucoup d'assoupissement, et vostre santé en seroit interessee.

  A003000679 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode pour cela, en attendant que, par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont esté composés sur ce sujet, et sur tout par l'usage, vous en puissies estre plus amplement instruite.

  A003000680 

 Les aveugles ne voyans pas un prince qui leur est present, ne laissent pas de se tenir en respect s'ilz sont advertis de sa presence; mais la verité est que, d'autant qu'ilz ne le voyent pas, ilz s'oublient aysement qu'il soit present, et s'en estans oubliés, ilz perdent encor plus aysement le respect et la reverence.

  A003000682 

 Le troisiesme moyen, c'est de considerer nostre Sauveur, lequel en son humanité regarde des le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement [75] ceux qui sont en priere, desquelz il remarque les actions et deportemens.

  A003000693 

 Or, par le moyen de cette imagination, nous enfermons nostre esprit dans le mystere que nous voulons mediter, affin qu'il n'aille pas courant ça et la, ne plus ne moins que l'on enferme un oyseau dans une cage, ou bien comme l'on attache l'espervier a ses longes, affin qu'il demeure dessus le poing.

  A003000693 

 Quelques uns vous diront neanmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale et spirituelle, en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en vostre propre esprit; mais cela est trop subtil pour le commencement, et jusques a ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, Philothee, de vous retenir en la basse vallee que je vous monstre..

  A003000697 

 Que si vostre esprit treuve asses de goust, de lumiere et de fruit sur l'une des considerations, vous vous y arresteres sans passer plus outre, faysant comme les abeilles qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel a recueillir.

  A003000701 

 La meditation respand des bons mouvemens en la volonté ou partie affective de nostre ame, comme sont l'amour de Dieu et du prochain, le desir du Paradis et de la gloire, le zele du salut des ames, l'imitation de la vie de Nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la resjouissance, la crainte de la disgrace de Dieu, du [80] jugement et de l'enfer, la haine du peché, la confiance en la bonté et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauvaise vie passee: et en ces affections, nostre esprit se doit espancher et estendre le plus qu'il luy sera possible.

  A003000701 

 Que si vous voules estre aydee pour cela, prenes en main le premier tome des Meditations de dom André Capilia, et voyes sa preface, car en icelle il monstre la façon avec laquelle il faut dilater ses affections; et plus amplement, le Pere Arias en son Traitté de l'Orayson..

  A003000702 

 Or, je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustés une resolution speciale en cette sorte: or sus donques, je ne me piqueray plus de telles paroles fascheuses qu'un tel et une telle, mon voysin ou ma voysine, mon domestique ou ma domestique disent de moy, ni de tel et tel mespris qui m'est fait par cestui-ci ou cestui-la; au contraire, je diray et feray telle et telle chose pour le gaigner et adoucir, et ainsy des autres.

  A003000706 

 En fin il faut conclure la meditation par trois actions, qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut.

  A003000707 

 [82] Ceux qui se sont promenés en un beau jardin n'en sortent pas volontier sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et tenir le long de la journee: ainsy nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir un ou deux ou trois pointz que nous aurons treuvés plus a nostre goust, et plus propres a nostre avancement, pour nous en resouvenir le reste de la journee et les odorer spirituellement.

  A003000710 

 Au sortir de cette orayson cordiale, il vous faut prendre garde de ne point donner de secousse a vostre cœur, car vous espancheriés le baume que vous aves receu par le moyen de l'orayson; je veux dire qu'il faut garder, s'il est possible, un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur, de l'orayson aux affaires, retenant le plus long tems qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aures conceuës.

  A003000712 

 Ce que je dis non seulement pour les autres affections, mays aussi pour l'action de graces, l'offrande et la priere qui se peuvent faire parmi les considerations; car il ne les faut non plus retenir que les autres affections, bien que, par apres, pour la conclusion de la meditation, il faille les repeter et reprendre.

  A003000718 

 Mais quand il ne le feroit pas, contentons-nous, Philothee, que ce nous est un honneur trop plus grand d'estre aupres de luy et a sa veuë.

  A003000718 

 Que s'il plaist a la divine Majesté de nous parler et s'entretenir avec nous par ses saintes inspirations et consolations interieures, ce nous sera sans doute un grand honneur et un playsir tres delicieux; mais s'il ne luy plaist pas de nous faire cette grace, nous laissans la sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyoit pas et que nous ne fussions pas en sa presence, nous ne devons pourtant pas sortir, ains, au contraire, nous devons demeurer la, devant cette souveraine Bonté, avec un maintien devotieux et paisible; et lhors infalliblement il aggreera nostre patience, et remarquera nostre assiduité et perseverance, si qu'une autre fois, quand nous reviendrons devant luy, il nous favorisera et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faysant voir l'amenité de la sainte orayson.

  A003000722 

 Outre cette orayson mentale entiere et formee, et les autres oraysons vocales que vous deves faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraysons plus courtes, et qui sont comme ageancemens et surjeons de l'autre grande orayson, entre lesquelles, la premiere est celle qui se fait le matin, comme une preparation generale a toutes les œuvres de la journee.

  A003000731 

 Gaignes donq quelque loysir un peu devant l'heure du souper, et, prosternee devant Dieu, ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerés par une simple consideration et œillade interieure), rallumés le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations et eslancemens amoureux que vous ferés sur ce divin Sauveur de vostre ame; ou bien en repetant les pointz que vous aures plus savourés en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymeres mieux..

  A003000734 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour; et pour faire cela plus aysement, on considerera ou, avec qui, et en quelle occupation on a esté.

  A003000737 

 Cet exercice ici ne doit jamais estre oublié, non plus que celuy du matin; car par celuy du matin vous ouvres les fenestres de vostre ame au Soleil de justice, et par celuy du soir, vous les fermes aux tenebres de l'enfer..

  A003000741 

 C'est ici, chere Philothee, ou je vous souhaitte fort affectionnee a suivre mon conseil; car en cet article consiste l'un des plus asseurés moyens de vostre avancement spirituel..

  A003000742 

 Rappelles le plus souvent que vous pourres parmi la journee vostre esprit en la presence de Dieu par l'une des quatre façons que je vous ay remarquees; regardes ce que Dieu fait et ce que vous faites: vous verres ses yeux tournés de vostre costé, et perpetuellement fichés sur vous par un amour incomparable.

  A003000752 

 Le pelerin qui prend un peu de vin pour res-jouir son cœur et rafraischir sa bouche, bien qu'il s'arreste un peu pour cela, ne rompt pourtant pas son voyage, ains prend de la force pour le plus vistement et aysement parachever, ne s'arrestant que pour mieux aller..

  A003000758 

 » Le grand saint Basile dit que la rose emmi les espines fait cette remonstrance aux hommes: « Ce qui est de plus aggreable en ce monde, o mortelz, est meslé de tristesse; rien n'y est pur: le regret est tous-jours collé a l'allegresse, la viduité au mariage, le soin a la fertilité, l'ignominie a la gloire, la despense aux honneurs, le degoust aux delices et la maladie a la santé.

  A003000774 

 Et puis (affin que je le die une fois pour toutes), il y a tous-jours plus de bien et de consolation aux offices publiez de l'Eglise, que non pas aux actions particulieres, Dieu ayant ainsy ordonné que la communion soit preferee a toute sorte de particularité..

  A003000774 

 Outre cela, Philothee, les festes et Dimanches il faut assister a l'office des Heures et des Vespres, tant que vostre commodité le permettra; car ces jours-la sont dediés a Dieu, et faut bien faire plus d'actions a son honneur et gloire en iceux que non pas es autres jours.

  A003000775 

 Entres volontier aux confrairies du lieu ou vous estes, et particulierement en celles desquelles les exercices apportent plus de fruit et d'edification; car en cela vous ferés une sorte d'obeissance fort aggreable a Dieu, d'autant qu'encor que les confrairies ne soient pas commandees, elles sont neanmoins recommandees par l'Eglise, laquelle, pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enroolent, donne des indulgences et autres privileges aux confreres.

  A003000775 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices a part soy comme l'on fait aux confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire [103] en particulier, si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bienfaitz avec nos freres et prochains..

  A003000783 

 Et disoit cela avec tant de recommandation, qu'une damoiselle, lhors jeune, l'ayant ouï de sa bouche, le recitoit il n'y a que quatre ans, c'est a dire plus de soixante ans apres, avec un extreme sentiment.

  A003000783 

 Je fus consolé cette annee [105] passee de consacrer un autel sur la place en laquelle Dieu fit naistre ce bienheureux homme, au petit village du Villaret, entre nos plus aspres montagnes..

  A003000790 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres, comme la Vie de la bienheureuse Mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les Vies des premiers Jesuites, celle de saint Charles Borromee, Archevesque de Milan, de saint Louys, de saint Bernard, les Chroniques de saint François et autres pareilles.

  A003000790 

 Il y en a d'autres ou il y a plus de sujet d'admiration que d'imitation, comme celle de sainte Marie Egyptienne, de saint Simeon Stylite, des deux saintes Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele et autres telles, lesquelles ne laissent pas neanmoins de donner un grand goust general du saint amour de Dieu..

  A003000798 

 Aussi le gentilhomme qui apres avoir longuement recherché une damoiselle et luy avoir rendu son service aggreable, en fin seroit rejetté et mesprisé, auroit bien plus de sujet de mescontentement que si la recherche n'avoit point esté aggreée ni favorisee..

  A003000798 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux; car si estans inspirés et nous estans pleus en l'inspiration, nous refusons neanmoins par apres le consentement a Dieu, nous sommes extrêmement mesconnoissans et offençons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003000805 

 La lyonne qui a esté accostee du leopard va vistement se laver pour oster la puanteur que cette accointance luy a laissee, affin que le lyon venant n'en soit point offensé et irrité: l'ame qui a consenti au peche doit avoir horreur de soy mesme, et se nettoyer au plus tost, pour le respect qu'elle doit porter aux yeux de sa divine Majesté qui la regarde.

  A003000806 

 Vous prattiqueres la vertu d'humilité, d'obeissance, de simplicité et de charité; et en cette seule action de Confession, vous exercerés plus de vertu qu'en nulle autre..

  A003000810 

 Et s'il est encor besoin de particulariser les paroles pour vous [114] bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire; car s'accusant ainsy naifvement, on ne descouvre pas seulement les pechés qu'on a fait, mais aussi les mauvaises inclinations, coustumes, habitudes et autres racines du peché, au moyen dequoy le pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte et des remedes qui luy sont propres.

  A003000810 

 Par exemple, un homme lequel me desplait, me dira quelque legere parole pour rire, je le prendray en mauvaise part et me mettray en cholere; que si un autre qui m'eust esté aggreable en eust dit une plus aspre, je l'eusse prins en bonne part.

  A003000815 

 Que si les fruitz les plus tendres et sujetz a corruption, comme sont les cerises, les abricotz et les fraises, se conservent aysement toute l'annee estans confitz au sucre ou au miel, ce n'est pas merveille si nos cœurs, quoy que fresles et imbecilles, sont preservés de la corruption du peché lhors qu'ilz sont sucrés et emmiellés de la chair et du sang incorruptible du Filz de Dieu.

  A003000816 

 La response de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand luy estant opposé, a rayson de sa [117] frequente Communion, que saint Augustin ne loüoit ni ne vituperoit de communier tous les jours: Et bien, dit-elle, « puisque saint Augustin ne le vitupere pas, je vous prie que vous ne le vituperies pas non plus, » et je me contenteray..

  A003000816 

 » Ce sont les propres paroles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupere ni loüe absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela a la discretion du pere spirituel de celuy qui se voudra resouldre sur ce point; car la disposition requise pour une si frequente Communion devant estre fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller generalement; et parce que cette disposition la, quoy qu'exquise, se peut treuver en plusieurs bonnes ames, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generalement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier.

  A003000817 

 Puisque, comme je presuppose, vous n'aves nulle sorte d'affection du peché mortel, ni aucune affection au peché veniel, vous estes en la vraye disposition que saint Augustin requiert, et encores plus excellente, parce que non seulement vous n'aves pas l'affection de pecher, mais vous n'aves pas mesme l'affection du peché; si que, quand vostre pere spirituel le treuveroit bon, vous pourries utilement communier encores plus souvent que tous les Dimanches..

  A003000818 

 On ne peut pas bien arrester cecy en general, il faut faire ce que le pere spirituel dira; bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions est celle de mois a mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003000819 

 Si vous estes bien prudente, il n'y a ni mere, ni [118] femme, ni mari, ni pere qui vous empesche de communier souvent: car, puisque le jour de vostre Communion, vous ne laisseres pas d'avoir le soin qui est convenable a vostre condition, que vous en seres plus douce et plus gracieuse en leur endroit et que vous ne leur refuseres nulle sorte de devoirs, il n'y a pas de l'apparence qu'ilz veuillent vous destourner de cet exercice, qui ne leur apportera aucune incommodité, sinon qu'ilz fussent d'un esprit extremement coquilleux et desraysonnable; en ce cas, comme j'ay dit, a l'adventure que vostre directeur voudra que vous usies de condescendance..

  A003000826 

 Commencés le soir precedent a vous preparer a la sainte Communion par plusieurs aspirations et eslancemens d'amour, vous retirant un peu de meilleure heure affin de vous pouvoir aussi lever plus matin.

  A003000826 

 Et apres que vous aures dit les paroles sacrees: Seigneur, je ne suis pas digne, ne remues plus vostre teste ni vos levres, soit pour prier soit pour souspirer, mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au prestre de voir ce qu'il fait, receves pleine de foy, d'esperance et de charité Celuy lequel, auquel, par [120] lequel et pour lequel vous croyes, esperes et aymes.

  A003000826 

 O Philothee, imaginés-vous que comme l'abeille ayant recueilli sur les fleurs la rosee du ciel et le suc plus exquis de la terre, et l'ayant reduit en miel, le porte dans sa ruche, ainsy le prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Filz de Dieu, qui comme une rosee est descendu du Ciel, et vray Filz de la Vierge, qui comme fleur est sorti de la terre de nostre humanité, il le met en viande de suavité dedans vostre bouche et dedans vostre cors.

  A003000828 

 Non, le Sauveur ne peut estre consideré en une action ni plus amoureuse ni plus tendre que celle ci, en laquelle il s'aneantit, par maniere de dire, et se reduit en viande affin de penetrer nos ames et s'unir intimement au cœur et au cors de ses fidelles..

  A003000830 

 Communies souvent, Philothee, et le plus souvent que vous pourrés, avec l'advis de vostre pere spirituel; et croyes-moy, les lievres deviennent blancz parmi nos montagnes en hiver parce qu'ilz ne voyent ni mangent que la neige, et a force d'adorer et manger beauté, la bonté et la pureté mesme en ce divin Sacrement, vous deviendres toute belle, toute bonne et toute pure.

  A003000836 

 Il y a des vertus plus excellentes qu'elles; l'usage neanmoins de celles ci est plus requis.

  A003000836 

 Le sucre est plus excellent que le sel; mais le sel a un usage plus frequent et plus general.

  A003000837 

 C'estoit le goust de sainte Paule d'exercer l'aspreté des mortifications corporelles pour jouir plus aysement des douceurs spirituelles, mais elle avoit plus de devoir a l'obeissance de ses superieurs; c'est pourquoy saint Hierosme advoüe qu'elle estoit reprehensible en ce que, contre l'advis de son Evesque, elle faisoit des abstinences immoderees.

  A003000837 

 Entre les exercices des vertus, nous devons preferer celuy qui est plus conforme a nostre devoir, et non pas celuy qui est plus conforme a nostre goust.

  A003000838 

 Choisissés donq, Philothee, les meilleures vertus et non pas les plus estimees, les [125] plus excellentes et non pas les plus apparentes, les meilleures et non pas les plus braves.

  A003000838 

 Entre les vertus qui ne regardent pas nostre devoir particulier, il faut preferer les plus excellentes et non pas les plus apparentes.

  A003000838 

 Il y a de mesme certaines vertus lesquelles, pour estre proches de nous, sensibles et, s'il faut ainsy dire, materielles, sont grandement estimees et tous-jours preferees par le vulgaire: ainsy prefere-il communement l'aumosne temporelle a la spirituelle, la haire, le jeusne, la nudité, la discipline et les mortifications du cors a la douceur, a la debonnaireté, a la modestie et autres mortifications du cœur, qui neanmoins sont bien plus excellentes.

  A003000838 

 Les cometes paraissent pour l'ordinaire plus grandes que les estoiles et tiennent beaucoup plus de place a nos yeux; elles ne sont pas neanmoins comparables ni en grandeur ni en qualité aux estoiles, et ne semblent grandes sinon parce qu'elles sont proches de nous et en un sujet plus grossier au prix des estoiles.

  A003000839 

 Euloge Alexandrin, désirant faire quelque service particulier a Dieu, et n'ayant pas asses de force ni pour embrasser la vie solitaire ni pour se ranger sous l'obeissance d'un autre, retira chez soy un miserable tout perdu et gasté de ladrerie pour exercer en iceluy la charité et mortification; ce que pour faire plus dignement, il fit vœu de l'honnorer, traitter et servir comme un valet feroit son maistre et seigneur.

  A003000839 

 Il est utile qu'un chacun choisisse un exercice particulier de quelque vertu, non point pour abandonner les autres, mais pour tenir plus justement son esprit rangé et occupé.

  A003000839 

 Une belle jeune fille, plus reluisante que le soleil, ornee et paree royalement et couronnee d'une couronne d'olives, apparut a saint Jean Evesque d'Alexandrie et luy dit: « Je suis la fille aisnee du Roy; si tu me peux avoir pour ton amie je te conduiray devant sa face.

  A003000846 

 Car, comme les sangliers pour aiguiser leurs defenses les frottent et fourbissent avec leurs autres dens, lesquelles reciproquement en demeurent toutes fort affilees et tranchantes, ainsy l'homme vertueux ayant entreprins de se perfectionner en la vertu de laquelle il a plus de besoin pour sa defense, il la doit limer et affiler par l'exercice des autres vertus, lesquelles en affinant celle la, en deviennent toutes plus excellentes et mieux polies; comme il advint a Job, qui s'exerçant particulierement en la patience, contre tant de tentations desquelles il fut agité, devint parfaittement saint et vertueux en toutes sortes de vertus.

  A003000854 

 Certes, les pretentions si hautes et eslevees des choses extraordinaires sont grandement sujettes aux illusions, tromperies et fausetés; et arrive quelquefois que ceux qui pensent estre des anges ne sont pas seulement bons hommes, et qu'en leur fait il y a plus de grandeur es paroles et termes dont ilz usent, qu'au sentiment et en l'œuvre.

  A003000854 

 Il ne faut pourtant rien mespriser ni censurer temerairement; mais en benissant Dieu de la sureminence des autres, arrestons-nous humblement en nostre voÿe, plus basse mais plus asseuree, moins excellente mais plus sortable a nostre insuffisance et petitesse, en laquelle si nous conversons humblement et fidellement, Dieu nous eslevera a des grandeurs bien grandes..

  A003000858 

 Ouy; car, comme avoit prononcé le Sauveur, en vostre patience vous possederes vos ames. C'est le grand bonheur de l'homme, Philothee, que de posseder son ame; et a mesure que la patience est plus parfaitte, nous possedons plus parfaittement nos ames.

  A003000858 

 [133] Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur nous a sauvés en souffrant et endurant, et que de mesme, nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurans les injures, contradictions et desplaysirs avec le plus de douceur qu'il nous sera possible..

  A003000859 

 Car tout ainsy que les piqueures des abeilles sont plus cuisantes que celles des mouches, ainsy le mal que l'on reçoit des gens de bien et les contradictions qu'ilz font sont bien plus insupportables que les autres; et cela neanmoins arrive fort souvent, que deux hommes de bien, ayans tous deux bonne intention, sur la diversité de leurs opinions, se font des grandes persecutions et contradictions l'un a l'autre.

  A003000859 

 J'estime plus la douceur avec laquelle le grand saint Charles Borromee souffrit longuement les reprehensions publiques qu'un grand predicateur d'un Ordre extremement reformé faisoit contre lluy en chaire, que toutes les attaques qu'il receut des autres.

  A003000863 

 Plaignes vous le moins que vous pourres des tortz qui vous seront faitz; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tous-jours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faites point vos plaintes a des personnes aysees a s'indigner et mal penser.

  A003000863 

 Que s'il est expedient de vous plaindre a quelqu'un, ou pour remedier a l'offense, ou pour accoiser vostre esprit, il faut que ce soit a des ames tranquilles et qui ayment bien Dieu; car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueroyent a de plus grandes inquietudes; au lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheront plus avant en vostre pied..

  A003000865 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas), resouvenes-vous de la parolle de Nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant né elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est né au monde; car vous aves conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressenties du travail; mais ayés bon courage, car, ces douleurs passees, la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003000866 

 Et comme le miel qui est fait des fleurs de thim, herbe petite et amere, est le meilleur de tous, ainsy la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes..

  A003000866 

 Resouvenes-vous que les abeilles au tems qu'elles font le miel, vivent et mangent d'une munition fort amere, et qu'ainsy nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ni mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume et vivons parmi les angoisses.

  A003000867 

 Consideres les peynes que les Martyrs souffrirent jadis, et celles que tant de personnes endurent, plus griefves, sans aucune proportion, que celles esquelles vous estes, et dites: helas, mes travaux sont des consolations et mes espines des roses, en comparayson de ceux qui, sans secours, sans assistence, sans allegement, vivent en une mort continuelle, accablés d'afflictions infiniment plus grandes.

  A003000871 

 La cresserelle criant et regardant les oyseaux de proye, les espouvante par une proprieté et vertu secrette; c'est pourquoy les colombes l'ayment sur tous les autres oyseaux, et vivent en asseurance aupres d'icelle: ainsy l'humilité repousse Satan, et conserve en nous les graces et dons du Saint Esprit, et pour cela tous les Saintz, mais particulerement le Roy des Saintz et sa Mere, ont tous-jours honnoré et cheri cette digne vertu plus qu'aucune autre entre toutes les morales.

  A003000873 

 Ainsy, pour connoistre si un homme est vrayement sage, sçavant, genereux, noble, il faut voir si ses biens tendent a l'humilité, modestie et sousmission, car alhors ce seront des vrays biens; mais s'ilz surnagent et qu'ilz veuillent paroistre, ce seront [141] des biens d'autant moins veritables qu'ilz seront plus apparens.

  A003000873 

 On connoist le vray bien comme le vray baume: on fait l'essay du baume en le distillant dedans l'eau, car s'il va au fond et qu'il prenne le dessous, il est jugé pour estre du plus fin et pretieux.

  A003000874 

 Ce n'est plus honneur d'estre beau, quand on s'en regarde: la beauté pour avoir bonne grace doit estre negligee; la science nous deshonnore quand elle nous enfle et qu'elle degenere en pedanterie.

  A003000874 

 Les honneurs, les rangs, les dignités sont comme le saffran, qui se porte mieux et vient plus abondamment d'estre foulé aux pieds.

  A003000880 

 Mais vous desirés, Philothee, que je vous conduise plus avant en l'humilité; car a faire comme j'ay dit, c'est quasi plustost sagesse qu'humilité: maintenant donq je passe outre.

  A003000880 

 Plusieurs ne veulent ni n'osent penser et considerer les graces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre de la vaine gloire et complaisance, en quoy certes ilz se trompent; car puisque, [145] comme dit le grand Docteur Angelique, le vray d'atteindre a l'amour de Dieu, c'est la consideration de ses bienfaitz, plus nous les connoistrons plus nous l'aymerons; et comme les benefices particuliers esmeuvent plus puissamment que les communs, aussi doivent-ilz estre considerés plus attentivement..

  A003000882 

 Au contraire, nous faisons semblant de fuir et de nous cacher, affin qu'on nous coure apres et qu'on nous cherche; nous faisons contenance de vouloir estre les derniers et assis au bas bout de la table, mays c'est affin de passer plus avantageusement au haut bout.

  A003000883 

 Il est vray qu'encor voudrois-je que les paroles fussent adjustees a nos affections au plus pres qu'il nous seroit possible, pour suivre en tout et par tout la simplicité et candeur cordiale.

  A003000884 

 Le superbe qui se fie en soy mesme a bien occasion de n'oser rien entreprendre; mais l'humble est d'autant plus courageux qu'il se reconnoist plus impuissant: et a mesure qu'il s'estime chetif il devient plus hardi parce qu'il a toute sa confiance en Dieu, qui se plait a magnifier sa toute puissance en nostre infirmité, et eslever sa misericorde sur nostre misere.

  A003000884 

 Mais ne voit il pas que quand Dieu nous veut gratifier, c'est orgueil de refuser? que les dons de Dieu nous obligent a les recevoir, et que c'est humilité d'obeir et suivre au plus pres que nous pouvons ses desirs? Or, le desir de Dieu est que nous soyons parfaitz, nous unissans a luy et l'imitans au plus presque nous pouvons.

  A003000885 

 Penser sçavoir ce qu'on ne sçait pas, c'est une sottise expresse; vouloir faire le sçavant de ce qu'on connoist bien que l'on ne sçait pas, c'est une vanité insupportable: pour moy, je ne voudrois pas mesme faire le sçavant de ce que je sçaurois, comme au contraire je n'en voudrois non plus faire l'ignorant.

  A003000886 

 Et quant a David, s'il dansa et sauta un peu plus que l'ordinaire bienseance ne requeroit devant l'Arche de l'alliance, ce n'estoit pas qu'il voulust faire le fol; mais tout simplement et sans artifice, il faisoit ces mouvemens exterieurs conformes a l'extraordinaire et demesuree allegresse qu'il sentoit en son cœur.

  A003000886 

 Que si quelques grans serviteurs de Dieu ont fait semblant d'estre folz pour se rendre plus abjectz devant le monde, il les faut admirer et non pas imiter; car ilz ont eu des motifz pour passer a cet exces qui leur ont esté si particuliers et extraordinaires, que personne n'en doit tirer aucune consequence pour soy.

  A003000890 

 Je passe plus avant et vous dis, Philothee, qu'en tout et par tout vous aymiés vostre propre abjection.

  A003000890 

 Or, le haut point de cette humilité gist a non seulement reconnoistre volontairement nostre abjection, mais l'aymer et s'y complaire, et non point par manquement de courage et generosité, mais pour exalter tant plus la divine Majesté, et estimer beaucoup plus le prochain en comparayson de nous mesmes.

  A003000891 

 De plus, il y a des vertus abjectes et des vertus honnorables: la patience, la douceur, la simplicité et l'humilité mesme sont des vertus que les mondains tiennent pour viles et abjectes; au contraire, ilz estiment beaucoup la prudence, la vaillance et la liberalité.

  A003000891 

 En voyci d'une autre sorte: nous allons visiter les malades; si on m'envoye au plus miserable, ce me sera une abjection selon le monde, c'est pourquoy je l'aymeray; si on m'envoye [152] a ceux de qualité, c'est une abjection selon l'esprit, car il n'y a pas tant de vertu ni de merite, et j'aymeray donques cette abjection.

  A003000894 

 Mais vous voulés sçavoir, Philothee, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus prouffitables a l'ame et aggreables a Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de nostre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons receuës telles que Dieu nous les a envoyees, duquel l'election est tous-jours meilleure que la nostre.

  A003000894 

 Que s'il en falloit choisir, les plus grandes sont les meilleures; et celles la sont estimees les plus grandes qui sont plus contraires a nos inclinations, pourveu qu'elles soyent conformes a nostre vacation; car, pour le dire une fois pour toutes, nostre choix et election gaste et amoindrit presque toutes nos vertus.

  A003000895 

 Je vous ay dit beaucoup de choses qui vous sembleront dures quand vous les considererés; mais croyes-moy, elles seront plus douces que le sucre et le miel quand vous les prattiquerés.[154].

  A003000901 

 La dissimulation et mespris de l'injure et calomnie est pour l'ordinaire un remede beaucoup plus salutaire que le ressentiment, la conteste et la vengeance: le mespris les fait esvanouir; si on s'en courrouce il semble qu'on les advoüe.

  A003000902 

 Ainsy, bien que la renommee soit coupee, ou mesme tout a fait rasee par la langue des mesdisans, qui est, dit David, comme un rasoir affilé, il ne se faut point inquieter, car bien tost elle renaistra non seulement aussi belle qu'elle estoit, ains encores plus solide.

  A003000902 

 La barbe est un ornement au visage de l'homme, et les cheveux a celuy de la femme: si on arrache du tout le poil du menton et les cheveux de la teste, malaysement pourra-il jamais revenir; mais si on le coupe seulement, voire, qu'on le rase, il recroistra bien tost apres et reviendra plus fort et touffu.

  A003000911 

 Ainsy, tandis que la rayson regne et exerce paisiblement les chastimens, corrections et reprehensions, quoy que ce soit rigoureusement et exactement, chacun l'ayme et l'appreuve; mais quand elle conduit avec soy l'ire, la cholere et le courroux, qui sont, dit saint Augustin, ses soldatz, elle se rend plus effroyable qu'amiable et son propre cœur en demeure tous-jours foulé et maltraitté.

  A003000911 

 » [163] Que si une fois elle peut gaigner la nuit et que le soleil se couche sur nostre ire (ce que l'Apostre defend), se convertissant en hayne, il n'y a quasi plus moyen de s'en desfaire; car elle se nourrit de mille fauses persuasions, puisque jamais nul homme courroucé ne pensa son courroux estre injuste..

  A003000912 

 Mais comment la repousseray je, me dires vous? Il faut, ma Philothee, qu'au premier ressentiment que vous en aures, vous ramassies promptement vos forces, non point brusquement ni impetueusement, mais doucement et neanmoins serieusement; car, comme on void es audiences de plusieurs senatz et parlemens, que les huissiers crians: Paix la, font plus de bruit que ceux qu'ilz veulent faire taire, aussi il arrive maintesfois que voulans avec impetuosité reprimer nostre cholere, nous excitons plus de trouble en nostre cœur qu'elle n'avoit pas fait, et le cœur estant ainsy troublé ne peut plus estre maistre de soy mesme..

  A003000913 

 Car tout ainsy que c'est un souverain remede contre le mensonge que de s'en desdire sur le champ, aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit, ainsy est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur; car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003000914 

 Au surplus, lhors que vous estes en tranquillité et sans aucun sujet de cholere, faites grande provision de douceur et debonnaireté, disant toutes vos parolles et faisant toutes vos actions petites et grandes en la plus douce façon qu'il vous sera possible, vous resouvenant que l'Espouse, au Cantique des Cantiques, n'a pas seulement le miel en ses levres et au bout de sa langue, mais elle l'a encor dessous la langue, c'est a dire dans la poitrine; et n'y a pas seulement du miel, mais encor du lait; car aussi ne faut-il pas seulement avoir la parolle douce a l'endroit du prochain, mais encor toute la poitrine, c'est a dire tout l'interieur de nostre ame.

  A003000920 

 Croyes moy, Philothee, comme les remonstrances d'un pere faittes doucement et cordialement, ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le corriger que non pas les choleres et courroux; ainsy, quand nostre cœur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remonstrances douces et tranquilles, ayans plus de compassion de luy que de passion contre luy, l'encourageans a l'amendement, la repentance qu'il en concevra entrera bien plus avant et le penetrera mieux que ne feroit pas une repentance despiteuse, ireuse et tempestueuse..

  A003000921 

 Et voudrois sur cette reprehension bastir une solide et ferme resolution de ne plus tomber en la faute, prenant les moyens convenables a cela, et mesmement l'advis de mon directeur..

  A003000921 

 Pour moy, si j'avois par exemple grande affection de ne point tomber au vice de la vanité, et que j'y fusse neanmoins tombé d'une grande cheute, je ne voudrais pas reprendre mon cœur en cette sorte: N'es-tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter a la vanité? meurs de honte, ne leve plus les yeux au ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal a ton Dieu, et semblables choses; mais je voudrois le corriger raysonnablement et par voye de compassion: Or sus, mon pauvre cœur, nous voyla [167] tombés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschapper; ah, relevons-nous et quittons-la pour jamais, reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour des-ormais estre plus fermes, et remettons-nous au chemin de l'humilité; courage, soyons meshui sur nos gardes, Dieu nous aydera, nous ferons prou.

  A003000928 

 Les bourdons font bien plus de bruit et sont bien plus empressés que les abeilles, mais ilz ne font sinon la cire et non point de miel: ainsy ceux qui s'empressent d'un souci cuisant et d'une sollicitude bruyante, ne font jamais ni beaucoup ni bien.

  A003000929 

 Et en tous vos affaires appuyes-vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos [170] desseins doivent reussir; travailles neanmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle, et puis croyes que si vous vous estes bien confiee en Dieu, le succes qui vous arrivera sera tous-jours le plus prouffitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais selon vostre jugement particulier.

  A003000929 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous seres parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si pressante, vous regardies plus Dieu que les affaires; et quand les affaires sont de si grande importance qu'ilz requierent toute vostre attention pour estre bien faitz, de tems en tems vous regarderés a Dieu, comme font ceux qui navigent en mer lesquelz, pour aller a la terre qu'ilz desirent, regardent plus en haut au ciel que non pas en bas ou ilz voguent.

  A003000945 

 les playsirs loysiblement reçeuz au mariage peuvent produire en leurs espritz, qui pour cela sont plus tendres aux amorces deshonnestes.

  A003000946 

 Les vierges ont besoin d'une chasteté extremement simple et douillette, pour bannir de leur cœur toutes sortes de curieuses pensees et mespriser d'un mespris absolu toutes sortes de playsirs immondes, qui, a la verité, ne meritent pas d'estre desirés par les hommes, puisque les asnes et pourceaux en sont plus capables qu'eux.

  A003000946 

 Que donques ces ames pures se gardent bien de jamais revoquer en doute que la chasteté ne soit incomparablement meilleure que tout ce qui luy est [178] incompatible, car, comme dit le grand saint Hierosme, l'ennemi presse violemment les vierges au desir de l'essay des voluptés, les leur representant infiniment plus plaisantes et delicieuses qu'elles ne sont, ce qui souvent les trouble bien fort, « tandis, » dit ce saint Pere, « qu'elles estiment plus doux ce qu'elles ignorent.

  A003000946 

 » Car, comme le petit papillon voyant la flamme va curieusement voletant autour d'icelle pour essayer si elle est aussi douce que belle, et pressé de cette fantasie ne cesse point qu'il ne se perde au premier essay, ainsy les jeunes gens bien souvent se laissent tellement saisir de la fause et sotte estime qu'ilz ont du playsir des flammes voluptueuses, qu'apres plusieurs curieuses pensees ilz s'y vont en fin finale ruiner et perdre; plus sotz en cela que les papillons, d'autant que ceux-ci ont quelque occasion de cuider que le feu soit delicieux puisqu'il est si beau, ou ceux-la sçachans que ce qu'ilz recherchent est extremement deshonneste ne laissent pas pour cela d'en surestimer la folle et brutale delectation..

  A003000947 

 C'est tous-jours chose dangereuse de prendre des medicamens violens, parce que si l'on en prend plus qu'il ne faut, ou qu'ilz ne soyent pas bien preparés, on en reçoit beaucoup de nuisance: le mariage a esté beni et ordonné en partie pour remede a la concupiscence et c'est sans doute un tres bon remede, mais violent neanmoins, et par consequent tres dangereux s'il n'est discretement employé..

  A003000947 

 Or, comme ce commandement: Courrouces-vous et ne [179] peches point est a mon advis plus difficile que cestui ci: Ne vous courrouces point, et qu'il est plus tost fait d'eviter la cholere que de la regler, aussi est-il plus aysé de se garder tout a fait de voluptés charnelles que de garder la moderation en icelles.

  A003000948 

 Certes, sainte Catherine de Sienne vit entre les damnés plusieurs ames grandement tourmentees pour avoir violé la sainteté du mariage: [180] ce qui estoit arrivé, disoit-elle, non pas pour la grandeur du peché, car les meurtres et les blasphemes sont plus enormes, mais « d'autant que ceux qui le commettent n'en font point de conscience », et par consequent continuent longuement en iceluy..

  A003000953 

 Soyés extremement prompte a vous destourner de tous les acheminemens et de toutes les amorces de la lubricité, car ce mal agit insensiblement, et par des petitz commencemens fait progres a des grans accidens: il est tous-jours plus aysé a fuir qu'a guerir..

  A003000956 

 Je dis: pour le moins, parce qu'elle en meurt et perit du tout quand les sottises et lascivetés donnent a la chair le dernier effect du playsir voluptueux, ains alhors la chasteté perit plus indignement, meschamment et malheureusement, que quand elle se perd par la fornication, voire par l'adultere et l'inceste; car ces dernieres especes de vilenies ne sont que des pechés, mais les autres, comme dit Tertullien, au livre De la Pudicité, sont des «monstres» d'iniquité et de peché.

  A003000956 

 Or Cassianus ne croit pas, ni moy non plus, que saint Basile eust esgard a tel desreglement quand il s'accuse de n'estre pas vierge, car je pense qu'il ne disoit cela que pour les mauvaises et voluptueuses pensees, lesquelles, bien qu'elles n'eussent pas souillé son cors, avoient neanmoins contaminé le cœur, de la chasteté duquel les ames genereuses sont extremement jalouses..

  A003000965 

 Moyse vit le feu sacré qui brusloit un buisson et ne le consumoit nullement, mais au contraire, le feu prophane de l'avarice consume et devore l'av aricieux et ne le brusle aucunement; au moins, emmi ses ardeurs et chaleurs plus excessives, il se vante de la plus douce fraischeur du monde, et tient que son alteration insatiable est une soif toute naturelle et suave..

  A003000965 

 On s'excuse sur la charge des enfans qui presse, sur la sagesse qui requiert qu'on s'establisse en moyens: jamais on n'en a trop, il se treuve tous-jours certaines necessités d'en avoir davantage; et mesme les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'estre, mays ilz ne [185] pensent pas en leur conscience de l'estre; non, car l'avarice est une fievre prodigieuse, qui se rend d'autant plus insensible qu'elle est plus violente et ardente.

  A003000967 

 Ce fut le peché d'Achab qui voulut avoir justement la vigne de Naboth, qui la vouloit encor plus justement garder: il la desira ardemment, longuement et avec inquietude, et partant il offensa Dieu.

  A003000967 

 Celuy qui possede un bien justement, n'a-il pas plus de rayson de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement? et pourquoy donques estendons-nous nostre desir sur sa commodité pour l'en priver? Tout au plus si ce desir est juste, certes, il n'est pas pourtant charitable; car nous ne voudrions nullement qu'aucun desirast, quoy que justement, ce que nous voulons garder justement.

  A003000974 

 Ayes beaucoup plus de soin de rendre vos biens utiles et fructueux que les mondains n'en ont pas.

  A003000974 

 Dites moy, les jardiniers des grans princes ne sont-ilz pas plus curieux et diligens a cultiver et embellir les jardins qu'ilz ont en charge, que s'ilz leur appartenoyent en proprieté? Mais pourquoy cela? parce, sans doute, qu'ilz considerent ces jardins la comme jardins des princes et des rois, ausquelz ilz desirent de se rendre aggreables par ces services la.

  A003000974 

 Mays il faut donq que ce soit un soin plus grand et solide que celuy que les mondains ont de leurs biens, car ilz ne s'embesoignent [188] que pour l'amour d'eux mesmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu: or, comme l'amour de soy mesme est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour luy est plein de trouble, de chagrin, d'inquietude; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procede, quoy que ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux.

  A003000975 

 Quittes donq tous-jours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon cœur; car donner ce qu'on a c'est s'appauvrir d'autant, et plus vous donneres plus vous vous appauvrirés.

  A003000976 

 Soyes pauvre de langue avec eux, leur parlant comme leur compaigne; mais soyes riche des mains, leur departant de vos biens comme plus abondante..

  A003000977 

 O ma Philothee, ce service est plus triomphant qu'une royauté..

  A003000977 

 Voules-vous faire encores davantage, ma Philothee? ne vous contentes pas d'estre pauvre comme les pauvres, mais soyes plus pauvre que les pauvres.

  A003000978 

 Quand il visitoit les hospitaux des malades (ce qu'il faisoit fort souvent), il se mettoit ordinairement a servir ceux qui avoient les maux les plus horribles, comme ladres, chancreux et autres semblables, et leur faisoit tout son service a teste nue et les genoux a terre, [190] respectant en leur personne le Sauveur du monde, et les cherissant d'un amour aussi tendre qu'une douce mere eust sceu faire son enfant.

  A003000980 

 Il arrive quelque-fois chez nous un hoste que nous voudrions et devrions bien traitter, il n'y a pas moyen pour l'heure; on a ses beaux habitz en un lieu, on en auroit besoin en un autre ou il seroit requis de paroistre; il arrive que tous les vins de la cave se poussent et tournent, il n'en reste plus que les mauvais et verds; on se treuve aux champs dans quelque bicoque ou tout manque: on n'a lict, ni chambre, ni table, ni service.

  A003000985 

 Combien y a-il de grans mondains qui, avec beaucoup de contradictions, sont allés rechercher avec un soin nompareil la sainte pauvreté dedans les cloistres et les hospitaux? Ilz ont pris beaucoup de peyne pour la treuver, tesmoin saint Alexis, sainte Paule, saint Paulin, sainte Angele et tant d'autres; et voyla, Philothee, que, plus gracieuse en vostre endroit, elle se vient presenter chez vous; vous l'aves rencontree sans la chercher et sans peyne: embrasses-la donq comme la chere amie de Jesus Christ, qui naquit, vesquit et mourut avec la pauvreté, qui fut sa nourrice toute sa vie..

  A003000986 

 Or, ce que nous recevons purement de la volonté de Dieu luy est tous-jours tres aggreable, pourveu que nous le recevions de bon cœur et pour l'amour de sa sainte volonté: ou il y a moins du nostre il y a plus de Dieu.

  A003000987 

 Or, telle est pour l'ordinaire la pauvreté des seculiers, car parce qu'ilz ne sont pas pauvres par leur election, mais par necessité, on n'en tient pas grand conte; et en ce qu'on n'en tient pas grand conte, leur pauvreté est plus pauvre que celle [193] des religieux, bien que celle cy d'ailleurs ait une excellence fort grande et trop plus recommandable, a rayson du vœu et de l'intention pour laquelle elle a esté choisie..

  A003000988 

 Ne vous plaignes donq pas, ma chere Philothee, de vostre pauvreté; car on ne se plaint que de ce qui desplait, et si la pauvreté vous desplait vous n'estes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection.

  A003000993 

 Or l'amitié est le plus dangereux amour de tous, parce que les autres amours peuvent estre sans communication, mays l'amitié estant totalement fondee sur icelle, on ne peut presque l'avoir avec une personne sans participer a ses qualités..

  A003000995 

 Car, comme le miel est plus excellent quand il se cueille es fleurons des fleurs plus exquises, ainsy l'amour fondé sur une plus exquise communication est le plus excellent; et comme il y a du miel en Heraclee de Ponte, qui est veneneux et fait devenir insensés ceux qui le mangent, parce qu'il est recueilli sur l'aconit qui est abondant en cette region-la, ainsy l'amitié fondee sur la communication des faux et vicieux biens est toute fause et mauvaise..

  A003000995 

 Selon la diversité des communications l'amitié est aussi diverse, et les communications sont differentes selon la difference des biens qu'on s'entrecommunique: si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fause et vaine, si ce sont des vrays biens, l'amitié est vraye; et plus excellens seront les biens, plus excellente sera l'amitié.

  A003000996 

 La communication des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutale, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes que celles des asnes et chevaux pour semblables effectz; et s'il n'y avoit nulle autre communication au mariage, il n'y auroit non plus nulle amitié; mais, parce qu'outre celle-la il y a en iceluy la communication de la vie, de l'industrie, des biens, des affections et d'une indissoluble [195] fidelité, c'est pourquoy l'amitié du mariage est une vraÿe amitié et sainte..

  A003000997 

 Oyes parler la pluspart des filles, des femmes et des jeunes gens, ilz ne se feindront nullement de dire: un tel gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfections, car il danse bien, il joue bien a toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans tiennent pour les plus vertueux d'entre eux ceux qui sont les plus grans bouffons.

  A003001001 

 Et bien que ces sottes amours vont ordinairement fondre et s'abismer en des charnalités et lascivetés fort vilaines, si est ce que ce n'est pas le premier dessein de ceux qui les exercent; autrement ce ne seroyent plus amourettes, ains impudicités manifestes.

  A003001004 

 Tous les fatras d'amourettes se tiennent l'un a l'autre et s'entresuivent tous, ne plus ne moins qu'un fer tiré par l'aymant en tire plusieurs autres consecutivement.».

  A003001005 

 Helas, vous vous trompés, ce feu d'amour est plus actif et penetrant qu'il ne vous semble; vous cuyderes n'en recevoir qu'une estincelle, et vous seres tout estonné de voir qu'en un moment il aura saysi tout vostre cœur, reduit en cendre toutes vos resolutions et en fumee vostre reputation.

  A003001011 

 O Philothee, aymés un chacun d'un grand amour charitable, mais n'ayes point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettres en vostre commerce seront exquises, plus vostre amitié sera parfaitte.

  A003001011 

 Si vous communiques es sciences, vostre amitié est certes [202] fort loüable; plus encor si vous communiques aux vertus, en la prudence, discretion, force et justice.

  A003001013 

 Et comme ceux qui cheminent en la plaine n'ont pas besoin de se prester la main, mais ceux qui sont es chemins scabreux et glissans s'entretiennent l'un l'autre pour cheminer plus seurement, ainsy ceux qui sont es Religions n'ont pas besoin des amitiés particulieres, mais ceux qui sont au monde en ont necessité pour s'asseurer et secourir les uns les autres, parmi tant de mauvais passages qu'il leur faut franchir.

  A003001014 

 Certes, on ne sçauroit nier que Nostre Seigneur n'aymast d'une plus douce et plus speciale amitié saint Jean, le Lazare, Marthe, Magdeleine, car l'Escriture le tesmoigne.

  A003001015 

 Saint Hierosme, saint Augustin, saint Gregoire, saint Bernard et tous les plus grans serviteurs de Dieu ont eu de tres particulieres amitiés sans interest de leur perfection.

  A003001019 

 On commence par l'amour vertueux, mais si on n'est fort sage l'amour frivole se meslera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy mesme il y a danger en l'amour spirituel si on n'est fort sur sa garde, bien qu'en celuy cy il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus connoissables les souïlleures que Satan y veut mesler: c'est pourquoy quand il l'entreprend il fait cela plus finement, et essaye de glisser les impuretés presque insensiblement..

  A003001020 

 En fin le miel d'Heraclee donne une grande amertume en la bouche: ainsy les fauses amitiés se convertissent et terminent en paroles et demandes charnelles et puantes, ou, en cas de refus, a des injures, calomnies, impostures, tristesses, confusions et jalousies qui aboutissent bien souvent en abrutissement et forcenerie; mais la chaste amitié est tous-jours egalement honneste, civile et [207] amiable, et jamais ne se convertit qu'en une plus parfaitte et pure union d'espritz, image vive de l'amitié bienheureuse que l'on exerce au Ciel..

  A003001020 

 Vous connoistrés l'amitié mondaine d'avec la sainte et vertueuse, comme l'on connoist le miel d'Heraclee d'avec l'autre: le miel d'Heraclee est plus doux a la langue que le miel ordinaire, a rayson de l'aconit [206] qui luy donne un surcroist de douceur, et l'amitié mondaine produit ordinairement un grand amas de paroles emmiellees, une cajolerie de petitz motz passionnés et de louanges tirees de la beauté, de la grace et des qualités sensuelles; mais l'amitié sacree a un langage simple et franc, ne peut loüer que la vertu et grace de Dieu, unique fondement sur lequel elle subsiste.

  A003001028 

 Que si vous estes des-ja prinse dans les filetz de ces folles amours, o Dieu, quelle difficulté de vous en desprendre! Mettés vous devant sa divine Majesté, connoissés en sa presence la grandeur de vostre misere, vostre foiblesse et vanité; puys, avec le plus grand effort de cœur qu'il vous sera possible, detestés ces amours commencees, abjurés la vayne profession que vous en aves faitte, renoncés a toutes les promesses receuës, et d'une grande et tres absolue volonté, arrestés en vostre cœur et vous resoulvés de ne jamais plus rentrer en ces jeux et entretiens d'amour..

  A003001030 

 Mais qui ne peut s'esloigner que doit il faire? Il faut absolument retrancher toute conversation particuliere, tout entretien secret, toute douceur des yeux, tout sousris, et generalement toutes sortes de communications et amorces qui peuvent nourrir ce feu puant et fumeux; ou pour le plus s'il est force de parler au complice, que ce soit pour declairer par une hardie, courte et severe protestation le divorce eternel que l'on a juré.

  A003001031 

 Mais si, pour l'imperfection de vostre repentir, il vous reste encor quelques mauvaises inclinations, procurés pour vostre ame une solitude mentale, selon ce que je vous ay enseigné ci devant, et retirés vous y le plus que vous pourres, et par mille reiterés eslancemens d'esprit renoncés a toutes vos inclinations, reniés les de toutes vos forces; lisés plus que l'ordinaire des saintz livres, confessés vous plus souvent que de coustume et vous communiés, conferés humblement et naifvement de toutes les suggestions et tentations qui vous arriveront pour ce regard avec vostre directeur, si vous pouves, ou au moins avec quelque ame fidele et prudente; et ne doutés point que Dieu ne vous affranchisse de toutes passions, pourveu que vous continuies fidelement en ces exercices..

  A003001031 

 Non feront, Philothee, si vous aves conceu autant de detestation de vostre mal comme il merite, car si cela est, vous ne seres plus agitee d'aucun mouvement que de celuy d'un extreme horreur de cet infame amour et de tout ce qui en depend, et demeureres quitte de toute autre affection envers l'objet abandonné, que de celle d'une tres pure charité pour Dieu.

  A003001037 

 On dit que la salemandre esteint le feu dans lequel elle se couche, et le peché ruine l'amitié en laquelle il se loge: si c'est un peche passager, l'amitié luy donne soudain la fuite par la correction; mais s'il sejourne et arreste, tout aussi tost l'amitié perit, car elle ne peut subsister que sur la vraye vertu; combien moins donq doit on pecher pour l'amitié? L'ami est ennemi quand il nous veut conduire au peché, et merite de perdre l'amitié quand il veut perdre et damner l'ami; ains c'est l'une des plus asseurees marques d'une fause amitié que de la voir prattiquee envers une personne vicieuse, de quelle sorte de peché que ce soit.

  A003001044 

 C'est pourquoy, chere Philothee, j'ay voulu avant toutes choses graver et inscrire sur vostre cœur ce mot saint et sacré: VIVE JESUS, asseuré que je suis qu'apres cela, vostre vie, laquelle vient de vostre cœur comme un amandier de son noyau, produira toutes ses actions qui sont ses fruitz, escrites et gravees du mesme mot de salut, et que comme ce doux Jesus vivra dedans vostre cœur, il vivra aussi en tous vos deportemens, et paroistra en vos yeux, en vostre bouche, en vos mains, voyre mesme en vos cheveux; et pourrés saintement dire, a l'imitation de saint Paul: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy.

  A003001045 

 Si vous pouves supporter le jeusne, vous feres bien de jeusner quelques jours, outre les jeusnes que l'Eglise nous commande; car outre l'effect ordinaire du jeusne, d'eslever l'esprit, reprimer la chair, prattiquer la vertu et acquerir plus grande recompense au Ciel, c'est un grand bien de se maintenir en la possession de gourmander la gourmandise mesme, et tenir l'appetit sensuel et le cors sujet a la loy de l'esprit; et bien qu'on ne jeusne pas beaucoup, l'ennemi neanmoins nous craint davantage quand il connoist que nous sçavons jeusner.

  A003001045 

 [217] Les mercredi, vendredi et samedi sont les jours esquelz les anciens Chrestiens s'exerçoient le plus a l'abstinence: prenes en donq de ceux la pour jeusner, autant que vostre devotion et la discretion de vostre directeur vous le conseilleront..

  A003001047 

 Et partant, generalement, il est mieux de garder plus de forces corporelles qu'il n'est requis, que d'en ruiner plus qu'il ne faut; car on peut tous-jours les abbattre quand on veut, mays on ne les peut pas reparer tous-jours quand on veut..

  A003001047 

 L'un a de la peyne [218] a jeusner, l'autre en a a servir les malades, visiter les prisonniers, confesser, prescher, assister les desolés, prier et semblables exercices: cette peyne vaut mieux que celle la; car outre qu'elle matte egalement, elle a des fruitz beaucoup plus desirables.

  A003001048 

 C'est, comme je crois, une plus grande vertu de manger sans choix ce qu'on vous presente et en mesme ordre qu'on le vous presente, ou qu'il soit a vostre goust ou qu'il ne le soit pas, que de choisir tous-jours le pire.

  A003001048 

 Car encor que cette derniere façon de vivre semble plus austere, l'autre neanmoins a plus de resignation, car par icelle on ne renonce pas seulement a son goust, mais encor a son choix; et si, ce n'est pas une petite austerité de tourner son goust a toute main et le tenir sujet aux rencontres, joint que cette sorte de mortification ne paroist point, n'incommode personne, et est uniquement propre pour la vie civile.

  A003001048 

 J'estime plus que saint Bernard beut de l'huyle pour de l'eau ou du vin, que s'il eust beu de l'eau d'absynthe avec attention; car c'estoit signe qu'il ne pensoit pas a ce qu'il beuvoit.

  A003001049 

 Il est vray qu'es jours plus signalés de la penitence, on la peut employer avec l'advis du discret confesseur..

  A003001050 

 Certes, ce tems la est le plus gracieux, le plus doux et le moins embarrassé; les oyseaux mesmes nous provoquent en iceluy au resveil et aux louanges de Dieu: si que le lever matin sert a la santé et a la sainteté..

  A003001050 

 Et parce que l'Escriture Sainte, en cent façons, l'exemple des Saintz et les raysons naturelles nous recommandent grandement les matinees, comme les meilleures et plus fructueuses pieces de nos jours, et que Nostre Seigneur mesme est nommé Soleil levant et Nostre Dame, Aube du jour, je pense que c'est un soin vertueux de prendre son sommeil devers le soir a bonne heure, pour pouvoir prendre son resveil et faire son lever de bon matin.

  A003001063 

 Mais tous-jours, outre la solitude mentale a laquelle vous vous pouves retirer emmi les plus grandes conversations, ainsy que j'ay dit ci dessus, vous deves aymer la solitude locale et reelle, non pas pour aller es desertz, [224] comme sainte Marie Egyptienne, saint Paul, saint Anthoine, Arsenius et les autres Peres solitaires, mais pour estre quelque peu en vostre chambre, en vostre jardin et ailleurs, ou plus a souhait vous puissies retirer vostre esprit en vostre cœur, et recreer vostre ame par des bonnes cogitations et saintes pensees, ou par un peu de bonne lecture, a l'exemple de ce grand Evesque Nazianzene qui, parlant de soy mesme, «Je me pourmenois,» dit-il, «moy mesme avec moy mesme sur le soleil couchant, et passois le tems sur le rivage de la mer; car j'ay accoustumé d'user de cette recreation pour me relascher et secouer un peu des ennuis ordinaires;» et la dessus il discourt de la bonne pensee qu'il fit, que je vous ay recitee ailleurs.

  A003001068 

 On ne treuve pas non plus mauvais que les vefves a marier se parent aucunement, pourveu qu'elles ne facent point paroistre de folastrerie, d'autant qu'ayans des-ja esté meres de famille, et passé par les regretz du vefvage, on tient leur esprit pour meur et attrempé.

  A003001068 

 On permet [226] plus d'affiquetz aux filles, parce qu'elles peuvent loysiblement desirer d'aggreer a plusieurs, quoy que ce ne soit qu'affin d'en gaigner un par un saint mariage.

  A003001069 

 Tenes-vous tous-jours, tant qu'il vous sera possible, du costé de la simplicité et modestie, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté et la meilleure excuse pour la laideur.

  A003001073 

 Et comme les abeilles ne demeslent autre chose que le miel avec leur petite bouchette, ainsy vostre langue sera tous-jours emmiellee de son Dieu, et n'aura point de plus grande suavité que de sentir couler entre vos levres des louanges et benedictions de son nom, ainsy qu'on dit de saint François, qui prononçant le saint nom [228] du Seigneur, sucçoit et lechoit ses levres, comme pour en tirer la plus grande douceur du monde..

  A003001080 

 Si ces parolles deshonnestes sont dites a couvert, avec affaiterie et subtilité, elles sont infiniment plus veneneuses; car, comme plus un dard est pointu plus il entre aysement en nos cors, ainsy plus un mauvais mot est aigu, plus il penetre en nos cœurs.

  A003001081 

 C'est une des plus mauvaises conditions qu'un esprit peut avoir que d'estre moqueur: Dieu hait extremement ce vice et en a fait jadis des estranges punitions.

  A003001081 

 Or, la derision et moquerie ne se fait jamais sans ce mespris; c'est pourquoy elle est un fort grand peché, en sorte que les docteurs ont rayson de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offence que l'on puisse faire au prochain par les paroles, parce que les autres offences se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle-ci se fait avec mespris et contemnement..

  A003001081 

 Rien n'est si contraire a la charité, et beaucoup plus a la devotion, que le mespris et contemnement du prochain.

  A003001088 

 Quelques uns n'ont pas cet orgueil manifeste, ains seulement une certaine petite complaisance a considerer le mal d'autruy pour savourer et faire savourer plus [233] doucement le bien contraire duquel ilz s'estiment doués; et cette complaisance est si secrette et imperceptible, que si on n'a bonne veuë on ne la peut pas descouvrir, et ceux mesme qui en sont atteins ne la connoissent pas si on ne la leur monstre.

  A003001089 

 Mais quelz remedes? Ceux qui boivent le suc de l'herbe ophiusa d'Ethiopie cuydent par tout voir des serpens et choses effroyables: ceux qui ont avalé l'orgueil, l'envie, l'ambition, la haine, ne voyent rien qu'ilz ne treuvent mauvais et blasmable; ceux la pour estre gueris doivent prendre du vin de palme, et j'en dis de mesme pour ceux-ci: beuves le plus que vous pourrés le vin sacré de la charité, elle vous affranchira de ces mauvaises humeurs qui vous font faire ces jugemens tortus.

  A003001090 

 Il faut tous-jours faire de mesme, Philothee, jugeant en faveur du prochain, autant qu'il nous sera possible; que si une action pouvoit avoir cent visages, il la faut regarder en celuy qui est le plus beau.

  A003001090 

 Isaac avoit dit que Rebecca estoit sa seur; Abimelech vit 'il se joüoit avec elle, c'est a dire qu'il la caressoit tendrement, et il jugea soudain que c'estoit sa femme: un œil malin eust plustost jugé qu'elle estoit sa garce, ou que, si elle estoit sa seur, qu'il eust esté un inceste; mais Abimelech suit la plus charitable opinion qu'il [235] pouvoit prendre d'un tel fait.

  A003001090 

 Mais pourquoy? parce, dit l'Esprit de Dieu, qu'il estoit juste: l'homme juste, quand il ne peut plus excuser ni le fait ni l'intention de celuy que d'ailleurs il connoist homme de bien, encor n'en veut-il pas juger, mais oste cela de son esprit et en laisse le jugement a Dieu.

  A003001090 

 Quand nous ne pouvons excuser le peché, rendons-le au moins digne de compassion, l'attribuant a la cause la plus supportable qu'il puisse avoir, comme a l'ignorance ou a l'infirmité..

  A003001092 

 C'est aussi un jugement temeraire de tirer consequence d'un acte pour blasmer la personne; mais ceci je le diray tantost plus clairement..

  A003001101 

 Ceux qui pour mesdire font des prefaces d'honneur, ou qui disent de petites gentillesses et gausseries entre deux, sont les plus fins et veneneux mesdisans de tous.

  A003001101 

 L'aspic fait sa piqueure presque imperceptible, et son venin d'abord rend une demangeaison delectable, au moyen dequoy le cœur et les entrailles se dilatent et reçoivent le poison, contre lequel par apres il n'y a plus de remede..

  A003001101 

 La mesdisance dite par forme de gausserie est encores plus cruelle que toutes; car, comme la ciguë n'est pas de soy un venin fort pressant, ains asses lent et auquel on peut aysement remedier, mais estant pris avec le vin il est irremediable, ainsy la mesdisance qui de soy passerait legerement par une oreille et sortiroit par l'autre, comme l'on dit, s'arreste fermement en la cervelle des escoutans quand elle est presentee dedans quelque mot subtil et joyeux.

  A003001101 

 Ne voyes-vous pas l'artifice? Celuy qui veut tirer a l'arc tire tant qu'il peut la fleche a soy, mais ce n'est que pour la darder plus puissamment: il semble que ceux ci retirent leur mesdisance a eux, mais ce n'est que pour la descocher plus fermement, affin qu'elle penetre plus avant dedans les cœurs des escoutans.

  A003001102 

 Noé s'enivra une fois et Loth une autre fois, et celuy ci de plus commit un grand inceste: ilz ne furent pourtant ivroignes ni l'un ni l'autre, ni le dernier ne fut pas inceste, ni saint Pierre sanguinaire pour avoir une fois respandu du sang, ni blasphemateur pour avoir une fois blasphemé.

  A003001103 

 Simon le lepreux appelloit Magdeleine pecheresse, parce qu'elle l'avoit esté nagueres; il mentoit neanmoins, car elle ne l'estoit plus, mais une tressainte penitente; aussi Nostre Seigneur prend en protection sa cause.

  A003001105 

 Et en fin, il faut sur tout observer, en blasmant le vice, d'espargner le plus que vous pourrés la personne en laquelle il est..

  A003001105 

 Ma langue, tandis que je parle du prochain, est en ma bouche comme un rasoir en la main du chirurgien qui veut trancher entre les nerfz et les tendons: il faut que le coup que je donneray soit si juste, que je ne die ni plus ni moins que ce qui en est.

  A003001105 

 On recite devant des filles les privautés indiscretes de telz et de telles, qui sont manifestement perilleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle en paroles ou en contenances qui sont manifestement lubriques: si je ne blasme librement ce mal et que je le veuille excuser, ces tendres ames qui escoutent prendront occasion de se relascher a quelque chose pareille; leur utilité donq requiert que tout franchement je blasme ces choses-la sur le champ, sinon que je puisse reserver a faire ce bon office plus a propos et avec moins d'interest de ceux de qui on parle, en une autre occasion.

  A003001112 

 Si vous en dites par mesgarde et vous pouves les corriger sur le champ par quelque explication ou reparation, corrigés les: une excuse veritable a bien plus de grace et de force pour excuser, que le mensonge..

  A003001120 

 Ne festonne pas donq, repliqua l'Apostre, si je me demetz quelque peu de la rigueur et attention de mon esprit pour prendre un [246] peu de recreation, affin de m'employer par apres plus vivement a la contemplation.

  A003001122 

 Il se faut seulement garder de l'exces, soit au tems que l'on y employe soit au prix que l'on y met; car si l'on y employe trop de tems, ce n'est plus recreation, c'est occupation: on n'allege pas ni l'esprit ni le cors, au contraire on l'estourdit, on l'accable.

  A003001128 

 Car, n'est-ce pas occupation de tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre et melancholique que celle [248] des joueurs? c'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voyla a despiter..

  A003001137 

 O que leur tems a esté bien plus heureusement employé que le vostre! 3.

  A003001142 

 Mais en quelle occasion peut-on joüer et danser? Les justes occasions de la danse et du jeu indifferent sont plus frequentes; celles des jeux defendus sont plus rares, comme aussi telz jeux sont beaucoup plus blasmables et perilleux.

  A003001147 

 Or, entre toutes les parties exterieures du cors humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l' œil, ni point de plus vile que les cheveux; c'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement aggreable les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus basses; et que pour le servir a son goust, il faut avoir grand soin de le bien servir aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puysque nous pouvons egalement, et par les unes et par les autres, luy desrober son cœur par amour..

  A003001148 

 Preparés-vous donq, Philothee, a souffrir beaucoup de grandes afflictions pour Nostre Seigneur, et mesme le martyre; resoulvés-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus pretieux, s'il luy plaisoit de le prendre: pere, mere, frere, mari, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car a tout cela vous deves apprester vostre cœur.

  A003001149 

 Quand j'ay veu en la vie de sainte Catherine de Sienne tant de ravissemens et d'eslevations d'esprit, tant de paroles de sapience, et mesme des prédications faites par elle, je n'ay point douté qu'avec cet œil de contemplation elle n'eust ravi le cœur de son Espoux celeste; mais j'ay esté egalement consolé quand je l'ay veuë en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, apprester la viande, petrir le pain et faire tous les plus bas offices de la mayson, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu.

  A003001156 

 Nous voudrions que le prochain nous laschast son bien en le payant, n'est-il pas [257] plus juste qu'il le garde en nous laissant nostre argent? nous luy sçavons mauvais gré dequoy il ne nous veut pas accommoder, n'a-il pas plus de rayson d'estre fasché dequoy nous le voulons incommoder? Si nous affectionnons un exercice, nous mesprisons tout le reste et contrerollons tout ce qui ne vient pas a nostre goust.

  A003001157 

 Nous avons deux poids: l'un pour peser nos commodités avec le plus d'advantage que nous pouvons, l'autre pour peser celles du prochain avec le plus de desadvantage qu'il se peut; or, comme dit l'Escriture, les levres trompeuses ont parlé en un cœur et un cœur, c'est a dire elles ont deux cœurs; et d'avoir deux [258] poids, l'un fort pour recevoir et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant Dieu..

  A003001162 

 Mais je vous dis de plus, ma Philothee: ne desires point les choses qui sont dangereuses a l'ame, comme sont les balz, les jeux et telz autres passetems; ni les honneurs et charges, ni les visions et extases, car il y a beaucoup de peril, de vanité et de tromperie en telles choses.

  A003001174 

 Si on colle deux pieces de sapin ensemble, pourveu que la colle soit fine, l'union en sera si forte qu'on fendroit beaucoup plus tost les pieces es autres endroitz, qu'en l'endroit de leur conjonction; mais Dieu conjoint le mari a la femme en son propre sang, c'est pourquoy cette union est si forte que plustost l'ame se doit separer du cors de l'un et de l'autre, que non pas le mari de la femme.

  A003001175 

 Les cachetz estoyent anciennement gravés es anneaux que l'on portoit aux doigtz, comme mesme l'Escriture Sainte tesmoigne; voyci [265] donq le secret de la ceremonie que l'on fait es noces: l'Eglise, par la main du prestre, benit un anneau, et le donnant premierement a l'homme, tesmoigne qu'elle seelle et cachette son cœur par ce Sacrement, affin que jamais plus ni le nom ni l'amour d'aucune autre femme ne puisse entrer en iceluy, tandis que celle la vivra laquelle luy a esté donnee; puys, l'espoux remet l'anneau en la main de la mesme espouse, affin que reciproquement elle sache que jamais son cœur ne doit recevoir de l'affection pour aucun autre homme, tandis que celuy vivra sur terre que Nostre Seigneur vient de luy donner.

  A003001177 

 Conservés donq, o maris, un tendre, constant et cordial amour envers vos femmes: pour cela la femme fut tiree du costé plus proche du cœur du premier homme, affin qu'elle fust aymee de luy cordialement et tendrement.

  A003001177 

 Et vous, o femmes, aymes tendrement, cordialement, mays d'un amour respectueux et plein de reverence, les maris que Dieu vous a donnés; car vrayement Dieu pour cela les a creés [267] d'un sexe plus vigoureux et predominant, et a voulu que la femme fust une dependance de l'homme, un os de ses os, une chair de sa chair, et qu'elle fust produite d'une coste d'iceluy, tiree de dessous ses bras, pour monstrer qu'elle doit estre sous la main et conduite du mari; et toute l'Escriture Sainte vous recommande estroittement cette subjection, laquelle neanmoins la mesme Escriture vous rend douce, non seulement voulant que vous vous y accommodiés avec amour, mais ordonnant a vos maris qu'ilz l'exercent avec grande dilection, tendreté et suavité: Maris, dit saint Pierre, portes vous discretement avec vos femmes, comme avec un vaisseau plus fragile, leur portant honneur. Mais tandis que je vous exhorte d'aggrandir de plus en plus ce reciproque amour que vous vous deves, prenes garde qu'il ne se convertisse point en aucune sorte de jalousie; car il arrive souvent que comme le ver s'engendre de la pomme la plus delicate et la plus meure, aussi la jalousie naist en l'amour le plus ardent et pressant des mariés, duquel neanmoins il gaste et corrompt la substance, car petit a petit il engendre les noises, dissensions et divorces.

  A003001177 

 Les imbecillités et infirmités, soit du cors soit de l'esprit de vos femmes ne vous doivent provoquer a nulle sorte de desdain, ains plustost a une douce et amoureuse compassion, puisque Dieu les a creées telles affin que, dependant de vous, vous en receussies plus d'honneur et de respect, et que vous les eussies tellement pour compaignes que vous en fussies neanmoins les chefz et superieurs.

  A003001180 

 Ainsy Isaac et Rebecca, le plus chaste pair des mariés de l'ancien tems, furent veus par la fenestre se caresser en telle sorte, qu'encor qu'il n'y eust rien de deshonneste, Abimelech conneut bien qu'ilz ne pouvoyent estre sinon mari et femme.

  A003001182 

 Ainsy sainte Monique combattit avec tant de ferveur et de constance les mauvaises inclinations de saint Augustin, que l'ayant suivi par mer et par terre elle le rendit plus heureusement enfant de ses larmes, par la conversion de son ame, qu'il n'avoit esté enfant de son sang par la generation de son cors..

  A003001183 

 Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la mayson, c'est pourquoy plusieurs ont cette veritable opinion, que leur devotion est plus fructueuse a la famille que celle des maris qui, ne faisans pas une si ordinaire residence entre les domestiques, ne peuvent pas par consequent les addresser si aysement a la vertu.

  A003001184 

 C'est la plus grande et plus fructueuse union du mari et de la femme que celle qui se fait en la sainte devotion, a laquelle ilz se doivent entreporter l'un l'autre a l'envi.

  A003001186 

 Certes, j'appreuverois que cette coustume s'introduisist, pourveu que ce ne fust point avec des appareilz de recreations mondaines et sensuelles, mais que les maris et femmes, confessés et communiés en ce jour la, recommandassent a Dieu plus fervemment que l'ordinaire le progres de leur mariage, renouvellans les bons propos de le sanctifier de plus en plus par une reciproque amitié et fidelité, et reprenans haleyne en Nostre Seigneur pour le support des charges de leur vacation.

  A003001194 

 Comme ceux qui mangent pour le devoir de la mutuelle conversation doivent manger librement et non comme par force, et de plus s'essayer de tesmoigner de l'appetit, aussi le devoir nuptial doit estre tous-jours rendu fidellement, franchement, et tout de mesme comme si c'estoit avec esperance de la production des enfans, encor que pour quelque occasion on n'eust pas telle esperance..

  A003001196 

 Manger non point par simple appetit, mais par exces et desreglement, c'est chose plus ou moins vituperable, selon que l'exces est grand ou petit..

  A003001198 

 A la verité, le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile a la republique, est neanmoins en certain cas dangereux a ceux qui le pratiquent; car quelquefois il rend leurs ames grandement malades de peché veniel, comme il arrive par les simples exces, et quelquefois il les fait mourir par le peché mortel, comme il arrive lhors que l'ordre establi pour la production des enfans est violé et perverti, auquel cas, selon qu'on s'esgare plus ou moins de cet ordre, les pechés se treuvent plus ou moins execrables, mais tous-jours mortelz.

  A003001198 

 Certes, l'infame et execrable action que Onan faisoit en son mariage estoit detestable devant Dieu, ainsy que dit le sacré Texte du trente huitiesme chapitre de Genese; et bien que quelques heretiques de nostre aage, cent fois plus blasmables que les Cyniques desquelz parle saint Hierosme sur l'Epistre aux Ephesiens, ayent voulu dire que c'estoit la perverse intention de ce meschant qui desplaisoit a Dieu, l'Escriture toutefois parle autrement, et asseure en particulier que la chose mesme qu'il faisoit estoit detestable et abominable devant Dieu.

  A003001199 

 C'est une vraye marque d'un esprit truant, vilain, abject et infame de penser aux viandes et a la mangeaille avant le tems du repas, et encores plus quand apres iceluy on s'amuse au playsir que l'on a pris a manger, s'y entretenant par parolles et pensees, et vautrant son esprit dedans le souvenir de la volupté que l'on a eue en avalant les morceaux, comme font ceux qui devant disner tiennent leur esprit en broche et apres disner dans les platz; gens dignes d'estre souillars de cuisine, qui font, comme dit saint Paul, un dieu de leur ventre.

  A003001199 

 L'elephant n'est qu'une grosse beste, mais la plus digne qui vive sur la terre et qui a le plus de sens; je vous veux dire un trait de son honnesteté: il ne change jamais de femelle et ayme tendrement celle qu'il a choisie, avec laquelle neanmoins il ne parie que de trois ans en trois ans, et cela pour cinq jours seulement et si secrettement que jamais il n'est veu en cet acte; mais il est bien veu pourtant le sixiesme jour auquel avant toutes choses il va droit a quelque riviere en laquelle il se lave entierement tout le cors, sans vouloir aucunement retourner au troupeau qu'il ne se soit auparavant purifié.

  A003001199 

 Les gens d'honneur ne pensent a la table qu'en s'asseant, et apres le repas se lavent les mains et la bouche pour n'avoir plus ni le goust ni l'odeur de ce qu'ilz ont mangé.

  A003001199 

 Ne sont-ce pas de belles et honnestes humeurs d'un tel animal, par lesquelles il invite les mariés a ne point demeurer engagés d'affection aux sensualités et voluptés que selon leur vocation ilz auront exercees, mais icelles passees de s'en laver le cœur et l'affection, et de s'en purifier au plus tost, pour par apres avec toute liberté d'esprit prattiquer les autres actions plus pures et relevees..

  A003001206 

 Que si la vraye vefve, pour se confirmer en l'estat de viduité, veut offrir a Dieu en vœu son cors et sa chasteté, elle adjoustera un grand ornement a sa viduité et mettra en grande asseurance sa resolution; car voyant qu'apres le vœu il n'est plus en son pouvoir de quitter sa chasteté sans quitter le Paradis, elle sera si jalouse de son dessein qu'elle ne permettra pas seulement aux plus simples pensees de mariage d'arrester en son cœur un seul moment, si que ce vœu sacré mettra une forte barriere entre son ame et toute sorte de projetz contraires a sa resolution.

  A003001207 

 Certes, saint Augustin conseille extremement ce vœu a la vefve chrestienne; et l'ancien et docte Origene passe bien plus avant, car il conseille aux femmes mariees de se vouer et destiner a la chasteté viduale en cas que leurs maris viennent a trespasser devant elles, affin qu'entre les playsirs sensuelz qu'elles pourront avoir en leur mariage, elles puissent neanmoins jouir du merite d'une chaste viduité par le moyen de cette promesse anticipee.

  A003001207 

 Le vœu rend les œuvres faittes en suite d'iceluy plus aggreables a Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement a Dieu les œuvres, qui sont comme les fruitz de nostre bonne volonté, mais luy dedie encores la volonté mesme, qui est comme l'arbre de nos actions.

  A003001207 

 Or, comme j'appreuve infiniment les advis de ces deux grans personnages, aussi desirerois-je que les ames qui seront si heureuses que de les vouloir employer le facent prudemment, saintement et solidement, ayans bien examiné leurs courages, invoqué l'inspiration celeste et prins le conseil de quelque sage et devot directeur, car ainsy tout se fera plus fructueusement.

  A003001208 

 Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se face purement et simplement pour, avec plus de pureté, contourner toutes ses affections en Dieu, et joindre de toutes pars son cœur avec celuy de sa divine Majesté; car si le desir de laisser les enfans riches ou quelqu'autre sorte de pretention mondaine arreste la vefve en viduité, elle en aura peut estre la loüange, mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu rien ne peut avoir une veritable louange que ce qui est fait pour Dieu..

  A003001209 

 Il faut de plus que la vefve, pour estre vrayement vefve, soit separee et volontairement destituee des contentemens prophanes.

  A003001209 

 La vefve ayant fait essay de la façon avec laquelle les femmes peuvent plaire aux hommes, jette de plus dangereuses amorces dedans leurs espritz.

  A003001211 

 Esperer en Dieu tandis que le mari sert de support, ce n'est pas chose si rare; mais d'esperer en Dieu quand on est destitué de cet appuy, c'est chose digne de grande loüange: c'est pourquoy on connoist plus aysement en la viduité, la perfection des vertus que l'on a eues au mariage.

  A003001211 

 Les lampes desquelles l'huyle est aromatique jettent une plus suave odeur quand on esteint leurs flammes: ainsy les vefves desquelles l'amour a esté pur en leur [282] mariage respandent un plus grand parfum de vertu de chasteté quand leur lumiere, c'est a dire leur mari, est esteinte par la mort.

  A003001212 

 Mais si les enfans sont en estat de n'avoir pas besoin d'estre conduitz, la vefve alhors doit ramasser toutes ses affections et cogitations pour les appliquer plus purement a son avancement en l'amour de Dieu..

  A003001213 

 Si quelque force forcee n'oblige la conscience de la vraye vefve aux embarrassemens exterieurs, telz que sont les procès, je luy conseille de s'en abstenir du tout, et suivre la methode de conduire ses affaires qui sera plus paisible et tranquille, quoy qu'il ne semblast pas que ce fust la plus fructueuse.

  A003001214 

 L'orayson soit le continuel exercice de la vefve; car ne devant plus avoir d'amour que pour Dieu, elle ne doit non plus presque avoir des parolles que pour Dieu.

  A003001217 

 J'aurois beaucoup d'autres choses a dire sur ce sujet; mais j'auray tout dit quand j'auray dit que la vefve jalouse de l'honneur de sa condition lise attentivement les belles epistres que le grand saint Hierosme escrit a Furia et a Salvia, et a toutes ces autres dames qui furent si heureuses que d'estre filles spirituelles d'un si grand Pere, car il ne se peut rien adjouster a ce qu'il leur dit, sinon cet advertissement: que la vraye vefve ne doit jamais ni blasmer ni censurer celles qui passent aux secondes ou mesme troisiesmes et quatriesmes noces; car en certains cas Dieu en dispose ainsy pour sa plus grande gloire.

  A003001221 

 Les epistres de saint Hierosme vous fourniront tous les advis qui vous sont necessaires; et puisque vostre condition vous oblige a l'obeissance, choisisses une guide, sous la conduitte de laquelle vous puissies plus saintement dedier vostre cœur et vostre cors a sa divine Majesté.

  A003001221 

 Mais si vostre bonheur vous appelle aux chastes et virginales noces spirituelles, et qu'a jamais vous veuilles [286] conserver vostre virginité, o Dieu, conservés vostre amour le plus delicatement que vous pourres pour cet Espoux divin qui, estant la pureté mesme, n'ayme rien tant que la pureté, et a qui les premices de toutes choses sont deuës, mais principalement celles de l'amour.

  A003001225 

 Tout aussi tost que les mondains s'appercevront que vous voulés suivre la vie devote, ilz descocheront sur vous mille traitz de leur cajolerie et mesdisance: les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigotterie et artifices; ilz diront que le monde vous a fait mauvais visage et qu'a son refus vous recourés a Dieu; vos amis s'empresseront a vous faire un monde de remonstrances, fort prudentes et charitables a leur advis: Vous tomberes, diront-ilz, en quelque humeur melancholique, vous perdres credit au monde, vous vous rendres insupportable, vous enviellires devant [288] le tems, vos affaires domestiques en patiront; il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien faire son salut sans tant de mysteres; et mille telles bagatelles..

  A003001226 

 Y a-il une attention plus chagrine, plus melancholique et plus sombre que celle la? les mondains neanmoins ne disoyent mot, les amis ne se mettoyent point en peyne; et pour la meditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin qu'a l'ordinaire pour nous preparer a la Communion, chacun court au medecin pour nous faire guerir de l'humeur hypocondriaque et de la jaunisse.

  A003001240 

 Il y a neanmoins cette difference entre l'ame et cette princesse pour ce sujet, que la princesse ayant ouï la proposition deshonneste peut, si bon luy semble, chasser le messager et ne le plus ouïr; mais il n'est pas tous-jours au pouvoir de l'ame de ne point sentir la tentation, bien qu'il soit tous-jours en son pouvoir de ne point y consentir: c'est pourquoy, encor que la tentation dure et persevere long tems, elle ne peut nous nuire tandis qu'elle nous est desaggreable..

  A003001240 

 Que donq les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ilz voudront d'amorces et d'appastz, qu'ilz demeurent tous-jours a la porte de nostre cœur pour entrer, qu'ilz nous facent tant de propositions qu'ilz voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, [295] il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le prince espoux de la princesse que j'ay representee ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de playsir.

  A003001242 

 C'en est de mesme de la charité, qui est nostre vie spirituelle, parmi les grandes et violentes tentations: car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre, ce semble, toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroist plus en nulle part sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit; encores semble-il qu'il n'y soit pas, et a-on peyne de le treuver.

  A003001246 

 Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, qui couché et attaché avec des escharpes de soye bien delicatement sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraitz d'une impudique femme, qui estoit couchee avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit-il pas sentir d'estranges accidens? ses sens ne devoyent-ilz pas estre saisis de la delectation, et son imagination extrêmement occupee de cette presence des objetz voluptueux? Sans doute, et neanmoins parmi tant de troubles, emmi un si terrible orage de tentations et entre tant de voluptés qui sont tout autour de luy, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu et que sa volonté n'y consent nullement, puisque son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son cors a son commandement sinon la langue, il se la coupa avec les [297] dens et la cracha sur le visage de cette vilaine ame qui tourmentait la sienne plus cruellement par la volupté, que les bourreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens; aussi, le tyran qui se defioit de la vaincre par les douleurs, pensoit la surmonter par ces playsirs..

  A003001247 

 Ce qui dura fort longuement, jusques a tant qu'un jour Nostre Seigneur luy apparut, et elle luy dit: «Ou esties-vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur estoit plein de tant de tenebres et d'ordures?» A quoy il respondit: «J'estois dedans ton cœur, ma fille.» «Et comment,» repliqua-elle, «habities-vous dedans mon cœur, dans lequel il y avoit tant de vilenies? habites-vous donq en des lieux si deshonnestes?» Et Nostre Seigneur luy dit: «Dis-moy, ces tiennes sales cogitations de ton cœur te donnoyent-elles playsir ou tristesse, amertume ou delectation?» Et elle dit: «Extreme amertume et tristesse.» Et luy repliqua: «Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensees qui estoyent autour de ta volonté et ne pouvoyent l'expugner l'eussent sans doute surmontee et seroyent [298] entrees dedans, eussent esté receuës avec playsir par ton liberal arbitre, et ainsy eussent donné la mort a ton ame; mais parce que j'estois dedans, je mettois ce desplaysir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se refusoit tant qu'il pouvoit a la tentation, et ne pouvant pas tant qu'il vouloit, il en sentoit un plus grand desplaysir et une plus grande haine contre icelle et contre soy mesme, et ainsy ces peynes estoyent un grand merite et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force.».

  A003001247 

 Il fit donques toutes sortes d'impudiques suggestions a son cœur, et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compaignons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalités et lubricités a sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroyent bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel, comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure qui ne fust agitee de cette tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003001247 

 Le malin esprit eut congé de Dieu d'assaillir la pudicité de cette sainte vierge avec la plus grande rage qu'il pourroit, pourveu toutefois qu'il ne la touchast point.

  A003001253 

 Ainsy arrive-il quelquefois que, par la violence des tentations, il semble que nostre ame est tombee en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmee elle n'a plus ni vie spirituelle ni mouvement; mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur: considerons si le cœur et la volonté ont encor leur mouvement spirituel, c'est a dire s'ilz font leur devoir a refuser de consentir et suivre la tentation et delectation; car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité, vie de nostre ame, est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur se treuve dans nostre ame, quoy que caché et [300] couvert; si que, moyennant l'exercice continuel de l'orayson, des Sacremens et de la confiance en Dieu, nos forces reviendront en nous et nous vivrons d'une vie entiere et delectable..

  A003001253 

 Quand un homme est pasmé et qu'il ne rend plus aucun tesmoignage de vie, on luy met la main sur le cœur, et pour peu que l'on y sente de mouvement on juge qu'il est en vie et que, par le moyen de quelque eau pretieuse et de quelque epitheme, on peut luy faire reprendre force et sentiment.

  A003001260 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation, devant que bonnement on s'en soit prins garde; et cela ne peut estre pour le plus qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand si, apres que l'on s'est apperceu du mal ou l'on est, on demeure par negligence quelque tems a marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser; et.

  A003001260 

 encores plus grand si, en s'en appercevant, on demeure en icelle quelque tems par vraye negligence, sans nulle sorte de propos de la rejetter.

  A003001273 

 Les loups et les ours sont sans doute plus dangereux que les mouches, mais si ne nous font-ilz pas tant d'importunité et d'ennui, ni n'exercent pas tant nostre patience.

  A003001273 

 Quoy qu'il faille combattre les grandes tentations avec un courage invincible et que la victoire que nous en rapportons nous soit extremement utile, si est-ce neanmoins qu'a l'adventure on fait plus de prouffit a bien combattre les petites; car, comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si demesurement en nombre, que la victoire d'icelles peut estre comparable a celle des plus grandes.

  A003001274 

 Bref, ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuelz exercices de ceux mesmes qui sont plus devotz et resolus: c'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions a ce combat; et soyes asseuree qu'autant de victoires que nous rapportons contre ces petitz ennemis, autant de pierres pretieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis.

  A003001280 

 C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant es petites qu'es grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mesmes, il est aussi un plus souverain remede contre tous vices; et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir a ce rendes-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé il s'accoisera en ce grand remede, lequel outre cela est si espouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent a ce divin amour, il cesse de nous en faire..

  A003001285 

 Considerés de tems en tems quelles passions dominent le plus en vostre ame; les ayant descouvertes, prenés une façon de vivre qui leur soit toute contraire, en pensees, en parolles et en œuvres.

  A003001285 

 Faites des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourres, encores qu'il vous semble que ce soit a regret; car par ce moyen vous vous habitues a l'humilité et affoiblisses vostre vanité, en sorte que quand la tentation viendra, vostre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aures plus de force pour la combattre..

  A003001287 

 Parles souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi le plus qu'il vous sera possible des actions conformes a cela, evitant toutes affaiteries et muguetteries..

  A003001287 

 Si vous estes sujette a vouloir donner ou recevoir de l'amour, penses souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres; combien c'est une chose indigne de prophaner et employer a passetems la plus noble affection qui soit en nostre ame; combien cela est sujet au blasme d'une extreme legereté d'esprit.

  A003001293 

 Que si elle ne rencontre pas soudain ce qu'elle desire, elle entre en des grandes inquietudes et impatiences, lesquelles n'ostans pas le mal precedent, ains au contraire l'empirans, l'ame entre en une angoisse et detresse desmesuree, avec une defaillance de courage et de force telle, qu'il luy semble que son mal n'ait plus de remede.

  A003001293 

 Si l'ame cherche les moyens d'estre delivree de son mal pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité, attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peyne, industrie ou diligence; si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera a la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mays je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit.

  A003001294 

 L'inquietude est le plus grand mal qui arrive en l'ame, excepté le peché; car, comme les seditions et troubles interieurs d'une republique la ruinent entierement et l'empeschent qu'elle ne puisse resister a l'estranger, ainsy nostre cœur estant troublé et inquieté en soy mesme perd la force de maintenir les vertus qu'il avoit acquises, et quant et quant le moyen de resister aux tentations de l'ennemi, lequel fait alhors toutes sortes d'effortz pour pescher, comme l'on dit, en eau trouble..

  A003001295 

 L'inquietude provient d'un desir desreglé d'estre delivré du mal que l'on sent, ou d'acquerir le bien que l'on espere; et neanmoins il n'y a rien qui empire plus le [311] mal et qui esloigne plus le bien, que l'inquietude et empressement.

  A003001295 

 Les oyseaux demeurent prins dedans les filetz et laqs parce que s'y treuvans engagés ilz se desbattent et remuent desreglement pour en sortir, ce que faisans ilz s'enveloppent tous-jours tant plus.

  A003001295 

 Quand donq vous serés pressee du desir d'estre delivree de quelque mal ou de parvenir a quelque bien, avant toute chose mettes vostre esprit en repos et tranquillité, faites rasseoir vostre jugement et vostre volonté, et puys, tout bellement et doucement, pourchasses l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables; et quand je dis tout bellement, je ne veux pas dire negligemment, mays sans empressement, trouble et inquietude; autrement en lieu d'avoir l'effect de vostre desir vous gasteres tout et vous embarrasseres plus fort..

  A003001296 

 Examines plus d'une fois le jour, mais au moins le soir et le matin, si vous aves vostre ame en vos mains, ou si quelque passion et inquietude vous l'a point ravie; consideres, si vous aves vostre cœur a vostre commandement, ou bien s'il est point eschappé de vos mains pour s'engager a quelque affection desreglee d'amour, de haine, d'envie, de convoitise, de crainte, d'ennui, de joye.

  A003001297 

 Ne permettes pas a vos desirs, pour petitz qu'ilz soyent et de petite importance, qu'ilz vous inquietent; car apres les petitz, les grans et plus importans treuveroyent vostre cœur plus disposé au trouble et desreglement.

  A003001302 

 Il est vray qu'elle en fait plus de mauvaises que de bonnes, car elle n'en fait que deux [313] bonnes, a sçavoir, misericorde et penitence; et il y en a six mauvaises, a sçavoir, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie et impatience; qui a fait dire au Sage: La tristesse en tue beaucoup et n'y a point de prouffit en icelle, parce que, pour deux bons ruysseaux qui proviennent de la source de tristesse, il y en a six qui sont bien mauvais..

  A003001306 

 Contraries vivement aux inclinations de la tristesse; et bien qu'il semble que tout ce que vous feres en ce tems la se face froidement, tristement et laschement, ne [314] laisses pourtant pas de le faire; car l'ennemi, qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estans faittes avec resistance elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger.

  A003001307 

 Il est bon de s'employer aux œuvres exterieures et les diversifier le plus que l'on peut, pour divertir l'ame de l'objet triste, purifier et eschauffer les espritz, la tristesse estant une passion de la complexion froide et seche..

  A003001310 

 Descouvres tous les ressentimens, affections et suggestions qui proviennent de vostre tristesse a vostre conducteur et confesseur, humblement et fidellement; [315] cherches les conversations des personnes spirituelles et les hantes le plus que vous pourres pendant ce tems-la.

  A003001317 

 Quelle plus grande douceur et tendreté de cœur pouvoit il faire paroistre? et pour tout cela, neanmoins, il n'avoit point changé son ame, ne laissant pas de continuer sa persecution contre David aussi cruellement qu'au paravant..

  A003001318 

 Mais quand ce vient a l'essay, on treuve que comme les pluyes passageres d'un esté bien chaud, qui tombans en grosses gouttes sur la terre ne la penetrent point et ne servent qu'a la production des champignons, ainsy ces larmes et tendretés tombans sur un cœur vicieux et ne le penetrans point, luy sont tout a fait inutiles: car pour tout cela, les pauvres gens ne quitteroyent pas un seul liard du bien mal acquis qu'ilz possedent, ne renonceroyent pas une [319] seule de leurs perverses affections, et ne voudroyent pas avoir pris la moindre incommodité du monde pour le service du Sauveur sur lequel ilz ont pleuré; en sorte que les bons mouvemens qu'ilz ont eus, ne sont que des certains champignons spirituelz, qui non seulement ne sont pas la vraye devotion, mais bien souvent sont des grandes ruses de l'ennemi, qui, amusant les ames a ces menues consolations, les fait demeurer contentes et satisfaittes en cela, a ce qu'elles ne cherchent plus la vraye et solide devotion, qui consiste en une volonté constante, resolue, prompte et active d'executer ce que l'on sçait estre aggreable a Dieu..

  A003001319 

 Helas, Philothee, c'est bien fait de pleurer sur cette Mort et Passion douloureuse de nostre Pere et Redempteur; [320] mais pourquoy donq ne luy donnons-nous tout de bon la pomme que nous avons en nos mains et qu'il nous demande si instamment, a sçavoir nostre cœur, unique pomme d'amour que ce cher Sauveur requiert de nous? Que ne luy resignons-nous tant de menues affections, delectations, complaisances, qu'il nous veut arracher des mains et ne peut, parce que c'est nostre dragee, de laquelle nous sommes plus frians que desireux de sa celeste grace? Ha! ce sont des amitiés de petitz enfans que cela, tendres, mais foibles, mais fantasques, mais sans effect.

  A003001320 

 C'est ce goust que l'on a es choses divines pour lequel David s'escrioit: O Seigneur, que vos parolles sont douces a mon palais, elles sont plus douces que le miel a ma bouche.

  A003001320 

 Et certes, la moindre petite consolation de la devotion que nous recevons vaut mieux de toute façon que les plus excellentes recreations du monde.

  A003001320 

 Les mammelles [321] et le laict, c'est a dire les faveurs du divin Espoux, sont meilleures a l'ame que le vin le plus pretieux des playsirs de la terre: qui en a gousté tient tout le reste des autres consolations pour du fiel et de l'absynthe.

  A003001321 

 Si les douceurs, tendretés et consolations nous rendent plus humbles, patiens, traittables, charitables et compatissans a l'endroit du prochain, plus fervens a mortifier nos concupiscences et mauvaises inclinations, plus constans en nos exercices, plus maniables et souples a ceux que nous devons obeir, plus simples en nostre vie, sans doute, Philothee, qu'elles sont de Dieu; mais si ces douceurs n'ont de la douceur que pour nous, qu'elles nous rendent curieux, aigres, pointilleux, impatiens, opiniastres, fiers, presomptueux, durs a l'endroit du prochain, et que pensans des-ja estre des petitz saintz nous ne voulons plus estre sujetz a la direction ni a la correction, indubitablement ce sont des consolations fauses et pernicieuses: Un bon arbre ne produit que des bons fruitz..

  A003001322 

 Mais apres cela, parlant generalement et pour l'ordinaire, recevons humblement ces graces et faveurs et les estimons extremement grandes, non tant parce qu'elles le sont en elles mesmes, comme parce que c'est la main de Dieu qui nous les met au cœur; comme feroit une mere qui pour amadouer son enfant, luy mettroit elle mesme les grains de dragee en bouche, l'un apres l'autre, car si l'enfant avoit de l'esprit, il priseroit plus la douceur de la mignardise et caresse que sa mere luy fait, que la douceur de la dragee mesme.

  A003001322 

 Quand donq nous aurons receu quelque consolation spirituelle, il faut ce jour-la se rendre plus diligens a bien faire et a nous humilier.

  A003001329 

 Quand nous negligeons de recueillir les suavités et delices de l'amour de Dieu lhors qu'il en est tems, il les escarte de nous en punition de nostre paresse: l'Israëlite qui n'amassoit la manne de bon matin ne le pouvoit plus faire apres le soleil levé, car elle se treuvoit toute fondue..

  A003001334 

 Si, au contraire, vous ne voyes rien en particulier qui vous semble avoir causé cette secheresse, ne vous amuses point a une plus curieuse recherche, mais avec toute simplicité, sans plus examiner aucune particularité, faites ce que je vous diray..

  A003001338 

 Disons donq a Dieu en ce tems la: O Pere, s'il est possible, transportes de moy ce calice, mais [328] adjoustons de grand courage: toutefois, non ma volonté, mais la vostre soit faitte, et arrestons-nous a cela avec le plus de repos que nous pourrons; car Dieu nous voyant en cette sainte indifference nous consolera de plusieurs graces et faveurs, comme quand il vit Abraham resolu de se priver de son enfant Isaac, il se contenta de le voir indifferent en cette pure resignation, le consolant d'une vision tres aggreable et par des tres douces benedictions.

  A003001339 

 Il [329] arrive maintesfois, ma Philothee, que l'ame se voyant au beau printems des consolations spirituelles s'amuse tant a les amasser et succer, qu'en l'abondance de ces douces delices elle fait beaucoup moins de bonnes œuvres, et qu'au contraire, parmi les aspretés et sterilités spirituelles, a mesure qu'elle se void privee des sentimens aggreables de devotion, elle en multiplie d'autant plus les œuvres solides, et abonde en la generation interieure des vrayes vertus, de patience, humilité, abjection de soy mesme, resignation, et abnegation de son amour propre..

  A003001339 

 Quand le printems est beau les abeilles font plus de miel et moins de mouchons, parce qu'a la faveur du beau tems elles s'amusent tant a faire leur cueillette sur les fleurs qu'elles en oublient la production de leurs nymphes; mays quand le printems est aspre et nubileux elles font plus de nymphes et moins de miel, car ne pouvans pas sortir pour faire la cueillette du miel, elles s'employent a se peupler et multiplier leur race.

  A003001340 

 C'est donq un grand abus de plusieurs, et notamment des femmes, de croire que le service que nous faisons a Dieu, sans goust, sans tendreté de cœur et sans sentiment soit moins aggreable a sa divine Majesté, puisqu'au contraire nos actions sont comme les roses, lesquelles bien qu'estans fraisches elles ont plus de grace, estans neanmoins seches elles ont plus d'odeur [330] et de force: car tout de mesme, bien que nos œuvres faittes avec tendreté de cœur nous soyent plus aggreables, a nous, dis-je, qui ne regardons qu'a nostre propre delectation, si est-ce qu'estans faittes en secheresse et sterilité, elles ont plus d'odeur et de valeur devant Dieu.

  A003001340 

 Ouy, chere Philothee, en tems de secheresse nostre volonté nous porte au service de Dieu comme par vive force, et par consequent il faut qu'elle soit plus vigoureuse et constante qu'en tems de tendreté.

  A003001341 

 J'en dis de mesme de toutes sortes de bonnes œuvres, car plus nous avons des contradictions, soit exterieures soit interieures, [331] a les faire, plus elles sont estimees et prisees devant Dieu.

  A003001341 

 La bienheureuse Angele de Foligny dit que «l'orayson la plus aggreable a Dieu est celle qui se fait par force et contrainte,» c'est a dire celle a laquelle nous nous rangeons, non point pour aucun goust que nous y ayons, ni par inclination, mais purement pour plaire a Dieu, a quoy nostre volonté nous porte comme a contrecœur, forçant et violentant les secheresses et repugnances qui s'opposent a cela.

  A003001341 

 Moins il y a de nostre interest particulier en la poursuitte des vertus, plus la pureté de l'amour divin y reluit: l'enfant bayse aysement sa mere qui luy donne du sucre, mais c'est signe qu'il l'ayme grandement s'il la bayse apres qu'elle luy aura donné de l'absynthe ou du chicotin.

  A003001345 

 Mais pour rendre toute cette instruction plus evidente, je veux mettre icy une excellente piece de l'histoire de saint Bernard, telle que je l'ay treuvee en un docte et judicieux escrivain.

  A003001347 

 Celuy ci, rendu soudainement aride, destitué de consolation et occupé des tenebres interieures, commença a se ramentevoir de ses amis mondains, de ses parens, des facultés qu'il venoit de laisser, au moyen dequoy il fut assailli d'une si rude tentation que, ne pouvant la celer en son maintien, un de ses plus confidens s'en apperceut, et l'ayant dextrement accosté avec douces parolles luy dit en secret: «Que veut dire ceci Geoffroy? comment est ce que contre l'ordinaire, tu te rends si pensif et affligé?» Alhors Geoffroy, avec un profond souspir, «Ah mon frere,» respondit il, «jamais de ma vie je ne seray joyeux.» Cet autre, esmeu de pitié par telles parolles, avec un zele fraternel alla soudain reciter tout ceci au commun Pere saint Bernard, lequel, voyant le danger, entra en une eglise prochaine affin de prier Dieu pour luy; et Geoffroy ce pendant, accablé de la tristesse, reposant sa teste sur une pierre, s'endormit.

  A003001348 

 Que c'est neanmoins aussi ce bon Dieu qui quelquefois, selon sa sage disposition, nous oste le laict et le miel des consolations, affin que, nous sevrant ainsy, nous apprenions a manger le pain sec et plus solide d'une devotion vigoureuse, exercee a l'espreuve des desgoustz et tentations.

  A003001348 

 Que nous ne devons jamais perdre courage entre les ennuis interieurs, ni dire comme le bon Geoffroy, « Jamais je ne seray joyeux, » car emmi la nuit nous devons attendre la lumiere; et reciproquement, au plus beau tems spirituel que nous puissions avoir, il ne faut pas dire, je ne seray jamais ennuyé: non, car, comme dit le Sage, es jours heureux, il se faut resouvenir du malheur.

  A003001350 

 Or, en telles occasions, il faut tous-jours se resouvenir de faire plusieurs actes de vertu avec la pointe de nostre esprit et volonté superieure; car encor que toute nostre ame semble dormir et estre accablee d'assoupissement et lassitude, si est-ce que les actions de nostre esprit ne laissent pas d'estre fort aggreables a Dieu, et pouvons dire en ce tems la, comme l'Espouse sacree: Je dors, mais mon cœur veille; et comme j'ay dit ci dessus, s'il y a moins de goust a travailler de la sorte, il y a pourtant plus de merite et de vertu.

  A003001351 

 C'est pour dire que les plus grans serviteurs de Dieu sont sujetz a ces secousses, et que les moindres ne doivent s'estonner s'il leur en arrive quelques unes..

  A003001357 

 Nostre nature humaine deschoit aysement de ses bonnes affections, a cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous-jours contrebas si elle ne s'esleve souvent en haut a vive force de resolution, ainsy que les oyseaux retombent soudain en terre s'ilz ne multiplient les eslancemens et traitz d'aisles pour se maintenir au vol. Pour cela, chere Philothee, vous aves besoin de reiterer et repeter fort souvent les bons propos que vous aves fait de servir Dieu, de peur que, ne le faysant pas, vous ne retombiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire car les cheutes spirituelles ont cela de propre, qu'elles nous precipitent tous-jours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut a la devotion..

  A003001358 

 Et comme l'horloger oint avec quelque huyle delicate les roues, les ressortz et tous les mouvans de son horloge, affin que les mouvemens se facent plus doucement et qu'il soit moins sujet a la rouïlleure, ainsy la personne devote, apres la prattique de ce demontement de son cœur, pour le bien renouveller, le doit oindre par les Sacremens de Confession et de l'Eucharistie.

  A003001359 

 Ayant donques choisi le tems convenable, selon l'advis de vostre pere spirituel, et vous estant un peu plus retiree en la solitude, et spirituelle et reelle, que l'ordinaire, vous ferés une ou deux ou trois meditations sur les pointz suivans, selon la methode que je vous ay donnee en la seconde Partie.

  A003001365 

 Si les paroles raysonnables donnees aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons donnees a Dieu: Ha, Seigneur, disoit David, c'est a vous a qui mon cœur l'a dit; mon cœur a projette cette bonne parole; non, jamais je ne l'oublieray..

  A003001368 

 Et vous pourres bien dire: O douceur ancienne, pourquoy ne t'ay-je plus tost savouree! Helas, neanmoins, encores ne le merities-vous pas alhors; et partant, reconnoissant quelle grace Dieu vous a fait de vous attirer en vostre jeunesse, dites avec David: O mon Dieu, vous m'aves esclairee et touchee des ma jeunesse, et jusques a jamais j'annonceray vostre misericorde.

  A003001369 

 Ne prenes-vous point a bonheur de sçavoir parler a Dieu par l'orayson, d'avoir affection a le vouloir aymer, d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoyent, d'avoir evité plusieurs pechés et embarrassemens de conscience, et en fin, d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussies pas fait, vous unissant a cette souveraine source de graces eternelles? Ha, que ces graces sont grandes! il faut, ma Philothee, les peser au poids du sanctuaire.

  A003001374 

 Il est neanmoins requis de faire tout ce second point en trois jours et deux nuitz pour le plus, prenant de chaque jour et de chaque nuit quelque heure, je veux dire quelque tems, selon que vous pourres; car si cet exercice ne se faisoit qu'en des tems fort distans les uns des autres, il perdroit sa force et donneroit des impressions trop lasches.

  A003001374 

 Les autres pointz de l'examen vous les pouves faire utilement en vous promenant, et encor plus utilement au lict, si par adventure vous y pouves estre quelque tems sans assoupissement et bien esveillee; mais pour ce faire il les faut avoir bien leus auparavant.

  A003001384 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des exercices spirituelz? Les aymes-vous? les estimes-vous? vous faschent-ilz point? en estes-vous point desgoustee? auquel vous sentes-vous moins ou plus inclinee? Ouïr la parolle de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituelz, s'apprester a la Communion, se communier, restreindre ses affections: qu'y a-il en cela qui repugne a vostre cœur? Et si vous treuves quelque chose a quoy ce cœur aye moins d'inclination, examines d'ou vient ce desgoust, qu'est-ce qui en est la cause..

  A003001395 

 Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soy mesme: que diront les Anges si je pense a telle chose? que non pas: que diront les hommes?.

  A003001395 

 Or, l'amour ordonné veut que nous aymions plus l'ame que le cors, que nous ayons plus de soin d'acquerir les vertus que toute autre chose, que nous tenions plus de conte de l'honneur celeste que de l'honneur bas et caduque.

  A003001404 

 Mais, pour parler en general, quel est vostre cœur a l'endroit du prochain? l'aymes-vous bien cordialement et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades, car c'est la ou on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effect ou par paroles.

  A003001435 

 Consideres la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel connoist non seulement tout ce monde visible, mais connoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis; connoist qu'il y a un Dieu tres souverain, tres bon et ineffable; connoist qu'il y a une eternité, et de plus connoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en [353] Paradis et pour jouir de Dieu eternellement.

  A003001435 

 Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu et ne le peut haïr en soy mesme..

  A003001436 

 Repensés hardiment aux plus chers et violens amusemens qui ont occupé autrefois vostre cœur, et jugés en verité s'ilz n'estoyent pas pleins d'inquietude moleste et de pensees cuisantes et de soucis importuns, emmi lesquelz vostre pauvre cœur estoit miserable..

  A003001437 

 Helas, nostre cœur courant aux creatures, il y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrees, il void que c'est a refaire et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu sur lequel il puisse reposer, non plus que la colombe sortie de l'arche de Noé, affin qu'il retourne a son Dieu duquel il est sorti.

  A003001443 

 Des vices, qui n'en a qu'un peu n'est pas content, et qui en a beaucoup est mescontent; mais des vertus, qui n'en a qu'un peu, encor a-il des-ja du contentement, et puis tous-jours plus en avançant.

  A003001447 

 Consideres l'exemple des Saintz de toutes sortes: qu'est-ce qu'ilz n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devotz? Voyes ces Martyrs invincibles en leurs resolutions, quelz tourmens n'ont-ilz pas souffert pour les maintenir? Mais sur tout, ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes a douze, les autres a treize, quinze, vingt et vingt cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer a leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la profession de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourans plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligés, et consoler les tourmentés, et ensevelir les trespassés.

  A003001464 

 Ce qu'estant fait, comme par une reprise d'haleyne et de force protestés mille fois que vous continueres en vos resolutions, et comme si vous tenies vostre cœur, vostre ame et vostre volonté en vos mains, dedies-la, consacres-la, sacrifies-la et l'immoles a Dieu, protestant que vous ne la reprendres plus, mais la laisseres en la main de sa divine Majesté pour suivre en tout et par tout ses ordonnances.

  A003001469 

 Ce jour que vous aures fait ce renouvellement et les autres suivans, vous deves fort souvent redire de cœur et de bouche ces ardentes paroles de saint Paul, de saint Augustin, de sainte Catherine de Gennes et autres: Non, je ne suis plus mienne, ou que je vive ou que je meure, je suis a mon Sauveur; je n'ay plus de moy ni de mien: mon moy, c'est Jesus, mon mien, c'est d'estre sienne; o monde, vous estes tous-jours vous mesme, et moy j'ay tous-jours esté moy mesme, mais doresnavant je ne seray plus moy mesme.

  A003001469 

 Non, nous ne serons plus nous mesmes, car nous aurons le cœur changé, et le monde qui nous a tant trompés sera trompé en nous, car ne s'appercevant pas de nostre changement que petit a petit, il pensera que nous soyons tous-jours des Esaü, et nous nous treuverons des Jacob..

  A003001474 

 Au demeurant, David, Roy plein d'affaires tres difficiles, prattiquoit bien plus d'exercices que je ne vous ay pas marqué.

  A003001474 

 Saint Louys, Roy admirable et pour la guerre et pour la paix, et qui avec un soin nompareil administrait justice et manioit les affaires, oyoit tous les jours deux Messes, disoit l'espres et Complies avec son chapelain, faisoit sa meditation, visitoit les hospitaux, tous les vendredis se confessoit et prenoit la discipline, entendoit tres souvent les predications, [363] faisoit fort souvent des conferences spirituelles, et avec tout cela ne perdoit pas une seule occasion du bien public exterieur qu'il ne fist et n'executast diligemment, et sa cour estoit plus belle et plus florissante qu'elle n'avoit jamais esté du tems de ses predecesseurs.

  A003001475 

 Il est vray, sans doute, j'ay presupposé cela, et est vray encor que chacun n'a pas le don de l'orayson mentale; mais il est vray aussi que presque chacun le peut avoir, voyre les plus grossiers, pourveu qu'ilz ayent des bons conducteurs et qu'ilz veuillent travailler pour l'acquerir, autant que la chose le merite.

  A003001480 

 Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre devotement [365] sans la prattique de ces advis et exercices, ne le niés pas, mais respondés amiablement que vostre infirmité est si grande qu'elle requiert plus d'ayde et de secours qu'il n'en faut pas pour les autres..

  A003001499 

 Il est vray que cela est malaysé: et c'est pourquoy je desirerois que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait jusques à present, comme tout foible que je suis, je m'essaye par cet escrit, de contribuer quelque secours à ceux qui avec un courageux dessein ont commencé cette entreprise..

  A003001501 

 Or affin que le tout te fut plus utile et agreable, je l'ay reveu, et y ay mis quelque sorte d'entresuitte, y adjoustant plusieurs advis et enseignemens propres à mon intention: mais tout cela je l'ay fait sans nulle sorte presque de loysir.

  A003001501 

 Si cet essay t'agrée, tu verras ce qui y manque à mon premier loisir, et quelque jour une autre sorte de besoigne de plus grande haleine, s'il plait à Dieu..

  A003001503 

 Cest aage est fort bigearre, et je prevois bien que plusieurs [8*] diront qu'il n'appartient qu'aux Religieux et gens de devotion de faire des conduites si particulieres à la pieté, qu'elles requierent plus de loisir que n'en peut avoir un Evesque chargé d'un Diocese si pesant, que cela distrait trop l'entendement qui doit estre employé à choses si importantes..

  A003001504 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoient pour le moins autant affectionnez à leur charge que nous: et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroient à leur assistence: comme il appert par leurs epistres, imitans les Apostres, qui emmy la moisson generale de l'univers recueilloient neantmoins certains espics plus remarquables, avec une speciale et particuliere affection.

  A003001505 

 C'est une peine, je le confesse, que de conduire les ames, en particulier; mais une peine qui soulage, pareille à celle des moissonneurs et vandangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesongnés et chargés.

  A003001505 

 Combien plus un cœur paternel rencontrant quelque ame au desir de la saincte perfection, la prendra il volontiers en charge, la portant dans son sein, comme une mere fait son petit enfant, sans se ressentir de ce faix bien-aymé..

  A003001505 

 On dit mesme que la tygresse ayant recouvert l'un de ses petits que le chasseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser, tandis qu'il emporte le reste de la littee, elle s'en charge pour gros qu'il soit, et pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere à la course qu'elle fait pour le sauver dans sa tasniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau.

  A003001506 

 Mais il faut sans doute que ce soit un cœur paternel: et c'est pourquoy les Apostres et hommes apostoliques appellent leurs disciples non seulement leurs enfans, mais encor plus tendrement leurs petits enfans.

  A003001508 

 Alexandre fit peindre la belle Campaspé, qui luy estoit si chere par la main de l'unique Apelles; Apelles forcé de considerer longuement Campaspé, à mesure qu'il en exprimoit les traits sur le tableau, il en imprima l'amour en son cœur, et en devint tellement passionné, qu'Alexandre l'ayant recogneu, et en ayant pitié la luy donna en mariage, se privant pour l'amour de luy de la plus chere amie qu'il eut au monde.

  A003001538 

 Car alors comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voye des commandemens de Dieu, et de plus par les sentiers des conseils et inspirations celestes.

  A003001538 

 En fin la charité et la devotion ne sont plus differentes l'une de l'autre que la flamme du feu: d'autant que la charité estant un feu spirituel, quand elle est fort enflammee elle s'apelle devotion.

  A003001538 

 Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend prompts, actifs et diligents à l'observation de tous les commandemens de Dieu, mais outre cela elle nous provoque à faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encor qu'elles ne soyent nullement commandees, ains seulement conseillees ou inspirees.

  A003001543 

 Les feux, les flammes, les roües, et les espees sembloient des fleurs et des parfuns aux Martyrs, parce que ils estoient devots: que si la devotion peut donner de la douceur aux plus cruels tourmens et à la mort mesme, qu'est ce qu'elle fera pour les actions de vertu?.

  A003001549 

 Je vous prie, Philothee, seroit il à propos que l'Evesque voulut estre solitaire comme le Chartreux; et si les mariez ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour à l'Eglise comme les religieux, et si le religieux estoit tousjours au tracas des affaires comme un advocat, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglée et insuportable? Cette faute neantmoins arrive bien souvent: et le monde qui ne [17*] discerne pas, ou ne veut pas discerner entre la devotion et indiscretion de ceux qui pensent estre devots, murmure et blasme la devotion, laquelle neantmoins ne peut mays de ces desordres..

  A003001550 

 Toutes sortes de pierreries jettées dedans le miel en deviennent plus esclatantes, chacune selon sa couleur: et chacun devient plus agreable en sa vocation, la conjoignant à la devotion: le soing de la famille en est rendu paisible: l'amour du mary plus sincere: le service du Prince plus fidelle, et toutes sortes d'occupations plus suaves et amiables..

  A003001556 

 La bien heureuse mere Therese, voyant que madame Catherine de Cardone faisoit de grandes penitences, elle desira fort de l'imiter en cela, contre l'advis de son Confesseur qui le luy defendoit, auquel elle estoit tentée de ne point obéir en cet endroit; et Dieu luy dit: Ma fille, tu tiens un bon et asseuré chemin: vois tu la penitence qu'elle fait? mais moy je fais plus de cas de ton obéissance: aussi elle aimoit tant ceste vertu, qu'outre l'obeïssance qu'elle devoit à ses Supérieurs, elle en voila une toute particulière à un excellent homme, s'obligeant de suyvre sa direction et conduite: dont elle fut infiniment consolee, comme après et devant elle plusieurs bonnes ames, qui pour se mieux assubjetir à Dieu ont soubmis leur volonté à celle de ses serviteurs, ce que sainte Catherine de Sienne louë infiniment en ses Dialogues.

  A003001558 

 Traictés avec luy à cœur ouvert, en toute sincerité et fidelité, luy manifestant clairement vostre bien et vostre mal sans faintise ny dissimulation: et par ce moyen vostre bien sera examiné et plus asseuré, et vostre mal sera corrigé et remedié: vous en serez allegée et fortifiée en vos afflictions, moderée, et reglée en vos consolations: ayés en luy une extreme confiance, meslée d'une sacrée reverence: en sorte que la reverence ne diminue point la confiance, et que la confiance n'empesche point la reverence: confiez vous en luy avec le respect d'une fille envers son pere: respectés le avec la confiance d'un fils envers sa mere: bref cette amitié doit estre forte et douce, toute saincte, toute sacrée, toute divine, et toute spirituelle..

  A003001564 

 L'ame qui remonte du peché à la devotion est comparée à l'aube laquelle s'eslevant ne chasse pas les tenebres en mesme instant, mais petit à petit: la guerison, dit l'aphorisme, qui se fait tout bellement, est tousjours la plus asseurée: les maladies du cœur aussi bien que celles du corps viennent à cheval et en poste, mais elles s'en revont à pied et au petit pas.

  A003001569 

 Cerches le plus digne Confesseur que pourrez: prenez en main quelqu'un des petits livrets qui ont esté faits pour ayder les consciences à se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger: lisez les bien, et remarqués de poinct en poinct en quoy vous aurez offencé, à prendre depuis que vous eustes l'usage de raison, jusques à l'heure [22*] presente.

  A003001570 

 Mais outre cela la confession generalle nous rappelle à la cognoissance de nous mesme, nous provoque à une salutaire confusion, pour nostre vie passee: nous fait admirer la misericorde de Dieu, qui nous a attendu en patience: elle apaise nos cœurs, delasse nos esprits, excite en nous des bons propos, donne sujet à nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables à nostre condition, et nous ouvre le cœur, pour avoir confiance de nous bien declarer aux confessions suyvantes.

  A003001574 

 Ainsi il y a des penitens qui sortent en effect du peché, et n'en quittent pas pourtant l'affection: c'est à dire ils proposent de ne plus pecher, mais c'est avec certain contrecœur, qu'ils ont de se priver et abstenir des malheureuses delectations du peché.

  A003001579 

 Ainsi Magdaleine en sa conversion perdit tellement le goust des pechez, et des plaisirs qu'elle y avoit prins, que jamais plus elle n'y pensa: et David protestoit de non seulement haïr le peché, mais aussi toutes les voyes et sentiers d'iceluy: en ce poinct consiste le rajeunissement de l'ame, que ce mesme Prophete compare au renouvellement de l'aigle..

  A003001579 

 Mais si c'est une haine mortelle, et violente, non seulement nous fuyons, et aborrons celuy à qui nous la portons, ains nous avons à degoust, et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliez, parens et amis, non pas mesme son image ny chose qui luy apartient: ainsi quand le penitent ne hayt le péché que par une legere quoy que vraye contrition, il se resoult voirement bien de ne plus pecher: mais quand il le hayt d'une contrition puissante, et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances, et acheminemens [25*] du peché.

  A003001580 

 Or pour parvenir à cette apprehension, et contrition, il faut que vous vous exerciez soigneusement aux meditations suyvantes, lesquelles estant bien pratiquées deracineront de vostre cœur moyennant la grace de Dieu, le peché, et les principalles affections du peché: aussi les ay je dressées tout à fait pour cest usage: vous les ferez l'une apres l'autre, selon que je les ay marquées, n'en prenant qu'une pour chasque jour, laquelle vous ferez le matin s'il est possible, qui est le temps le plus propre pour toutes les actions de l'esprit..

  A003001596 

 Mais helas, mon Createur, en lieu de m'unir à vous par amour, et service, je me suis rendue toute rebelle par mes desreglees affections, me separant, et eslognant de vous, pour me joindre au peché et à l'iniquité, n'honorant non plus vostre bonté que si vous n'eussiez pas esté mon Createur..

  A003001600 

 Je ne veux donc plus desormais me complaire en moy mesme, qui de ma part ne suis rien.

  A003001645 

 Sus donc, ô mon cœur, ne veuille plus estre infidelle, ingrat, et desloyal à ce grand bienfacteur.

  A003001662 

 Considerez vos mauvaises inclinations, et combien vous les avez suivies: et par ces deux poincts vous verrez que vos coulpes sont en plus grand nombre que les cheveux de vostre teste, voire, que le sable de la mer..

  A003001663 

 Considerez à part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general qui s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyez donques combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous vous avez abusé contre le donateur; singulierement combien d'inspirations mesprisées, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003001663 

 Et encor plus que tout, combien de fois avez vous receu les Sacremens et où en sont les fruits? que sont devenus ces precieux joyaux dont vostre cher Espoux vous avoit ornee? tout cela a esté couvert sous vos iniquitez.

  A003001668 

 O Seigneur, non jamais plus, moyennant vostre grace, non jamais plus je ne m'abandonneray au peché.

  A003001672 

 Je feray tout ce que je pourray pour en desraciner entierement les plantes de mon cœur, particulierement de tels et de tels qui me sont plus ennuyeux..

  A003001686 

 Quand sera ce? sera ce en hyver ou en esté? en la ville ou au village? de jour ou de nuict? Sera ce [33*] à l'impourveu ou avec advertissement? Sera ce de maladie ou d'accident? Aurez vous le loisir de vous confesser ou non? Serez vous assistée de vostre Confesseur et pere spirituel, ou non? Helas de tout cela nous n'en sçavons rien du tout: seulement cela est asseuré que nous mourrons et tousjours plus tost que nous ne pensons..

  A003001687 

 Considerez, qu'alors le monde finira pour ce qui vous regarde: il n'y en aura plus pour vous: il renversera s'en dessus dessous devant vos yeux; ouy, car alors les plaisirs, les vanitez, les joyes mondaines, les affections vaines, vous aparoistront comme des fantosmes, et nuages.

  A003001689 

 Considerez les empressemens qu'on aura pour lever ledit corps, et le cacher en terre, et que cela fait, le monde ne pensera plus guere en vous, ny n'en fera plus memoire, non plus que vous n'avez guere pensé aux autres.

  A003001694 

 Puis que je ne sçay l'heure en laquelle il te faut quiter, ô monde je ne me veux point atacher à toy: ô mes chers amys, mes cheres aliances permettez moy que je ne vous affectionne plus, que par une amitié sainte, laquelle puisse durer eternellement: car pourquoy m'unir à vous en sorte qu'il faille quitter et rompre la liaison? [34*].

  A003001710 

 Considerez la majesté avec laquelle le souverain Juge comparoistra, environné de tous les Anges et Saincts, ayant devant soy sa Croix plus reluisante que le Soleil, enseigne de grace pour les bons, et de rigueur pour les mauvais..

  A003001711 

 Ce souverain Juge par son commandement redoutable, et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns à sa droitte, les autres à sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003001736 

 Outre tous ces tourmens, il y en a encor un plus grand, qui est la privation et perte de la gloire de Dieu, lequel ils sont forclos de jamais voir.

  A003001736 

 Que si Absalon treuva que la privation de la face amiable de son pere David, estoit plus ennuyeuse que son exil; ô Dieu, quel regret d'estre à jamais privé de voir vostre doux et souëve visage..

  A003001753 

 O que cette compagnie est heureuse! le moindre de tous est plus beau à voir que tout ce monde, que sera-ce de les voir tous? Mais mon Dieu, qu'ils sont heureux! Tousjours ils chantent le doux cantique de l'amour eternel, tousjours ils jouissent d'une constante allegresse: ils s'entre-donnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse, et indissoluble societé..

  A003001759 

 O puis qu'il vous a pieu, mon bon, et souverain Seigneur, redresser mes pas en vos voyes, non jamais plus je ne retourneray en derriere: allons, ô ma chere ame, allons en ce repos infini: cheminons à cette benite terre qui nous est promise: que faisons nous en cet Egypte?.

  A003001778 

 Qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montés, il verra que nous sommes venus en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003001794 

 Qu'il fait beau voir cette troupe de Vierges plus blanches que le lys! cette assemblee de vefves sainctes pleines d'une sainte mortification, et humilité.

  A003001809 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode de [43*] pratiquer, en attendant que par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont estez composez sur ce sujet, et sur tout par l'usage vous en puissiez estre plus amplement instruite..

  A003001811 

 Les aveugles ne voyant pas un Prince qui leur est present, ne laissent pas de se maintenir en respect, s'ils sont advertis de sa presence: mais la verité est que parce que ils ne le voyent pas, ils s'oublient aysement qu'il soit present, et s'en estans oubliez ils perdent encore plus aysement le respect, et la reverence.

  A003001813 

 Le troisiesme moyen c'est de considerer nostre Sauveur lequel en son humanité regarde dés le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement ceux qui sont en priere, desquels il remarque les actions et deportemens: or cecy n'est pas une simple imagination, mais une vraye verité.

  A003001821 

 Il est vray que l'on peut bien employer quelque similitude et comparaison pour ayder la consideration: mais cela est plus difficile à rencontrer, et je ne veux traitter avec vous que fort simplement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup travaillé à faire des inventions.

  A003001821 

 Mais cela est trop subtil [47*] pour le commencement: et jusques à ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, ô Philothee, de vous tenir en la basse vallee que je vous ay monstree..

  A003001821 

 Or par le moyen de cette imagination nous enfermons nostre esprit dans le mystere que nous voulons mediter, afin qu'il n'aille pas courant ça, et là, ne plus ne moins que l'on enferme un oyseau dans une cage, ou bien comme l'on attache l'espervier à ses longes afin qu'il demeure dessus le poing.

  A003001825 

 Que si vostre esprit treuve assez de goust, de lumiere, et de fruict sur l'une des considerations, vous vous y arresterez sans passer plus outre, faisant comme les abeilles, qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel à receuillir.

  A003001829 

 Les principales sont l'amour de Dieu, et du prochain, le desir du Paradis, et de la gloire: le zelle du salut des ames: l'imitation de la vie de nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la resjouissance, la crainte de la disgrace de Dieu, et du Jugement et de l'enfer, la hayne du peché, la confiance en la bonté, et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauvaise vie passee: et en ces affections nostre esprit se doit espancher, et estendre le plus qu'il luy sera possible.

  A003001833 

 Or je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustez une resolution specialle en cette sorte: or sus doncques je ne me picqueray plus des parolles facheuses, [49*] qu'un tel, et une telle, mon voisin ou ma voisine, mon domestique, ou ma domestique disent de moy, ny de tel et tel mespris qui m'est fait par cestuy cy ou cestuy là: au contraire je diray, et feray telle, et telle chose pour le gaigner, et adoucir, et ainsi des autres affections.

  A003001837 

 En fin il faut conclure la meditation par ces trois actions qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut: dont la premiere c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections, et resolutions qu'il nous a données, et de sa bonté, et misericorde que nous aurons decouvertes au mystere de la meditation; la seconde c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu sa mesme bonté, et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Fils: et conjointement nos affections, et resolutions: et la troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons à Dieu, et le conjurons de nous communiquer les graces, et vertus de son Fils, et de donner sa benediction à nos affections et resolutions, afin que nous les puissions bien fidellement executer: nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis, et autres, employans à mesme intention l'intercession de nostre Dame, des Anges, des Saincts: en fin j'ay marqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria..

  A003001838 

 Ceux qui se sont promenez en un beau jardin n'en sortent pas volontiers, sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et sentir le long de la journée: ainsi nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir, un, ou deux, ou trois poincts que nous aurons treuvez plus à nostre goust, et plus propres à nostre amendement, pour nous en resouvenir le reste de la journee, et les odorer spirituellement.

  A003001844 

 Ce que je dis non seulement pour les autres affections, mais aussi pour l'action de graces, l'offrande et la priere, qui se peuvent faire parmy les considerations: et ne les faut non plus retenir que les autres affections; bien que par apres pour la conclusion de la meditation il faille les repeter, et reprendre.

  A003001849 

 Mais quand il ne le feroit pas, ô Philothee, contentons nous que ce nous est honneur trop plus grand d'estre aupres de luy, et à sa veüe.

  A003001849 

 Mais s'il ne luy plait pas de nous faire cette grace, nous laissant là sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyoit pas, et que nous ne fussions pas en sa presence: nous ne devons pourtant pas sortir, ains au contraire nous devons demeurer là devant cette souveraine bonté, avec un maintien devotieux, et paisible, et lors infalliblement il agreera nostre patience, et remarquera nostre assiduité, et perseverence: si que une autre fois quand nous reviendrons devant luy, il nous favorisera, et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faisant voir l'amenité de la sainte Oraison.

  A003001853 

 Simon le lepreux disoit que Magdeleine estoit pecheresse; mais nostre Seigneur dit que non, et ne parle plus, sinon des parfuns qu'elle respandist, et de la grandeur de sa charité.

  A003001855 

 Prenez par apres en main la protestation suyvante laquelle sert de conclusion à toute vostre contrition, et que vous devez avoir premierement meditée et considerée; lises la attentivement, et avec le plus de ressentiment qu'il vous sera possible..

  A003001860 

 Mais me retournant devers le trosne de l'infinie misericorde de [55*] ce mesme Dieu eternel, apres avoir detesté de tout mon cœur, et de toutes mes forces, les iniquitez de ma vie passée, je demande, en toute humilité, grace, pardon et mercy, avec entiere absolution de mon crime, en vertu de la mort et passion de ce mesme Sauveur, et Redempteur de mon ame, sur laquelle m'appuyant comme sur l'unique fondement de mon esperance, j'advouë derechef, et renouvelle la sacrée profession de fidelité, faicte de ma part à mon Dieu en mon baptesme, renonçant au Diable, au monde, et à la chair; detestant leurs malheureuses suggestions, vanitez, et concupiscences pour tout le temps de ma vie presente, et de toute l'eternité: et me convertissant à mon Dieu debonnaire, et pitoyable, je desire, propose, delibere, et me resous irrevocablement de le servir, et aimer maintenant et eternellement, luy donnant à ces fins, dediant et consacrant mon esprit avec toutes ses facultez, mon ame avec toutes ses puissances, mon cœur avec toutes ses affections, mon corps avec tous ses sens, protestant de ne jamais plus abuser d'aucune partie de mon estre, contre sa divine volonté, et souveraine majesté, à laquelle je me sacrifie et immole en esprit pour luy estre à jamais loyalle, obeïssante, et fidelle creature, sans que je vueille oncques m'en dedire ny repentir..

  A003001865 

 O Dieu, Philothee, que voila un contract admirable, par lequel vous faites un heureux traité avec sa divine Majesté, puis qu'en vous donnant vous mesme à elle, vous la gaignez, et vous mesme aussi pour la vie eternelle! Il ne reste plus sinon que prenant la plume en main, vous signiez de bon cœur l'acte de vostre protestation, et que par apres vous alliez à l'autel, où Dieu reciproquement signera et seellera vostre absolution, et la promesse qu'il vous fera de son Paradis, se mettant luy mesme par son Sacrement comme un cachet et seau sacré sur vostre cœur renouvellé.

  A003001870 

 Les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigoterie, et artifice: ils diront que le monde vous a fait mauvais visage, et qu'à son refus vous recourez à Dieu: vos amis s'empresseront à vous faire un monde de remonstrances fort prudentes et charitables à leur advis: vous tomberez, diront ils, en quelque humeur melancholique, vous perdrez credit au monde, vous vous rendrez insupportable, vous envieillirez devant le temps, vos affaires domestiques en patiront, il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien faire son salut sans tant de mystere, et mille telles bagatelles..

  A003001871 

 Y a il une attention plus chagrine, plus melancholique, et plus sombre que celle là? Les mondains neantmoins n'en disoient mot, les amis ne se mettoient point en peine, et pour la meditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin qu'à l'ordinaire, pour nous preparer à la Communion, chacun court au medecin pour nous faire guerir de l'humeur hipocondriaque et de la jaunisse.

  A003001883 

 A mesure que le jour se fait, nous voyons plus clairement dans le miroüer les tasches et soüillures de nostre visage: ainsi à mesure que la lumiere interieure du S. Esprit esclaire en nos consciences, nous voyons plus distinctement et plus clairement les pechez, inclinations, et imperfections, qui nous peuvent empescher d'atteindre à la vraye devotion: et la mesme lumiere, qui nous fait voir ces tares et dechets, nous eschauffe aussi au desir de nous en nettoyer et purger..

  A003001887 

 Ainsi le peché veniel ne tue pas nostre ame, mais il gaste pourtant la devotion, et embarrasse si fort de mauvaises habitudes, et inclinations les puissances de l'ame, qu'elle ne peut plus exercer la promptitude de la charité en laquelle gist la devotion.

  A003001887 

 Les haragnes ne tuent pas les abeilles, mais elles gastent, et corrompent leur miel, et embarrassent leurs rayons des toiles qu'elles y font, en sorte que les abeilles ne peuvent plus faire leur mesnage: cela s'entend quand elles y font du sejour.

  A003001891 

 Mais tousjours ces choses là sont dangereuses, et de s'y affectionner, cela est encor plus dangereux.

  A003001901 

 Et tout ainsy que la glace d'un miroiter ne sçauroit arrester nostre veuë, si elle n'estoit enduyte d'estain, ou de plomb par derriere, ainsi la Divinité [67*] ne pourroit estre bien contemplée par nous en ce bas monde, si elle ne se fust jointe à la sacrée humanité du Sauveur, duquel la vie et la mort sont l'object le plus proportionné, soüefve, delicieux, et profitable que nous puissions choisir pour nostre meditation ordinaire, Le Sauveur ne s'appelle pas pour neant le pain descendu du Ciel.

  A003001903 

 Employez y chasque jour une heure devant disné, et quand ce sera le matin ce sera le meilleur, parce que vous aurez vostre esprit moins embarrassé et plus fraiz apres le repos de la nuict.

  A003001904 

 Je veux dire qu'il faut garder s'il est possible un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur de l'oraison aux affaires, retenant le plus long temps qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aurez conceuës.

  A003001908 

 Si faisant l'oraison vocale, vous sentez vostre cœur tiré et convié à l'oraison interieure ou mentale, ne refusez point d'y aller; mais laissez tout doucement couler vostre esprit de ce costé là, et [69*] ne vous souciez point de n'avoir pas achevé les oraisons vocales que vous vous estiez proposées; car la mentale que vous aurez faite en leur place est plus agreable à Dieu, et plus utile à vostre ame.

  A003001909 

 Je dis la plus eslongnée du repas, parce que se faisant sur iceluy, et avant que la digestion soit fort acheminée, il vous arriveroient beaucoup d'assoupissemens, et vostre santé en seroit interessée..

  A003001909 

 S'il avenoit que toute vostre matinée se passast sans cet exercice sacré de l'oraison mentale, ou pour la multiplicité des affaires, ou pour quelque autre cause, (ce que vous devez procurer n'advenir point tant qu'il vous sera possible) taschez de reparer ce defaut l'apres-disné en quelque heure la plus eslongnée du repas que vous pourrez choisir.

  A003001914 

 Outre ceste oraison mentale entiere et formée, et les autres oraisons vocales que vous devez faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraisons plus courtes, et qui sont comme adjancements et surjons de l'autre grande oraison: entre lesquelles la premiere est celle qui se fait le matin comme une preparation à toutes les œuvres de la journée: or vous la ferez en ceste sorte.

  A003001923 

 Gaignez donques un peu devant l'heure du souper quelque loisir, auquel vous prosternant devant Dieu, et ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerez par une simple considération, et œillade interieure) r'allumez le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations, et eslancemens amoureux que vous ferez sur ce divin Sauveur de vostre ame: ou bien en repetant les poincts que vous aurez plus savourez en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymerez mieux..

  A003001924 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour: et pour faire cela plus aysement on considere, où, avec qui, et en quelles occupations on a esté: si l'on treuve d'avoir fait quelque bien on en fait action de graces à Dieu: si au contraire l'on a fait quelque mal en pensees, en parolles, ou en œuvres on en demande pardon à sa divine Majesté, avec resolution de s'en confessera la premiere occasion, et de s'en amender soigneusement: apres cela on recommande à la providence divine, son corps, son [72*] ame, l'Eglise, les parens, les amis.

  A003001925 

 Cest exercice icy ne doit jamais estre oublié, non plus que celuy du matin: car par celuy du matin vous ouvrez les fenestres de vostre ame au Soleil de justice, et par celuy du soir vous les fermez aux tenebres de l'enfer..

  A003001928 

 C'est icy, ma chere Philothee, où je vous souhaite fort affectionnée à suivre mon conseil, car en cest article consiste l'un des plus asseurez moyens de vostre advancement spirituel..

  A003001929 

 R'apellez le plus souvent que vous pourrez parmy la journee vostre esprit en la presence de Dieu, par l'une des quatre façons que je vous ay marquées: et regardez ce que Dieu fait, et ce que vous faites; vous verrez ses yeux tournez de vostre costé, et perpetuellement fichez sur vous par une amour incomparable.

  A003001931 

 Le pelerin, qui prend un peu de vin pour resjouïr son cœur et rafraichir sa bouche, encore qu'il s'arreste un peu pour le prendre ne rompt pour cela pas son voyage, ains prend de la force pour le plus vistement, et aysement parachever, et ne s'arreste que pour mieux aller..

  A003001934 

 Je ne puis me contenir de dire la pensee du grand sainct Basile, lequel considerant la rose emmy les espines, dit qu'elle parle aux hommes, leur faisant cette remonstrance: Ce qui est de plus agreable en ce monde, ô mortels, est meslé de tristesse: rien n'y est pur, le regret est tousjours collé à l'alegresse, la viduité au mariage, le soing à la fertilité, l'ignominie à la gloire, la despance aux honneurs, le degoust aux delices, et la maladie à la santé.

  A003001948 

 Et puis (afin que je le die une fois pour toutes) il y a tousjours plus de bien et de consolation aux offices publiques de l'Eglise, que non pas aux actions particulieres: Dieu ayant ainsi ordonné que la communion soit preferée à toute sorte de particularité..

  A003001948 

 Outre cela, Philothee, les festes et Dimanches il faut assister à l'office des Heures et des Vespres, tant que vostre commodité le permettra; car ces jours là sont dediez à Dieu, et faut bien faire plus d'actions à son honneur et gloire en iceux, que non pas aux autres jours.

  A003001949 

 Entrez volontiers aux Confrairies du lieu où vous estes, et particulierement en celles, desquelles les exercices apportent plus de fruict et d'edification: car en cela vous ferez une sorte d'obéissance fort agreable à Dieu: d'autant qu'encor que les Confrairies ne soyent pas commandées, elles sont neantmoins recommandées par l'Eglise: laquelle pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enrollent, donne des Indulgences et autres privileges aux Confraires.

  A003001949 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices à part soy, comme l'on fait aux Confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire en particulier; si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bien-faits avec nos freres et prochains..

  A003001958 

 Et disoit cela avec tant de recommandation, qu'une Damoiselle lors jeune, l'ayant ouy de sa bouche le recitoit, il n'y a que quatre ans, c'est à dire plus de soixante ans apres, avec un extreme sentiment.

  A003001958 

 Je fus consolé ceste année passée de consacrer un autel sur la place en laquelle Dieu fist naistre ce bien-heureux homme, au petit village du Vilaret, entre nos plus aspres montagnes..

  A003001964 

 Vous pratiquerez la saincte vertu d'humilité, d'obeïssance, de simplicité, et de charité: et en ceste seule action de la confession vous exercerez plus de vertu qu'en nulle autre..

  A003001968 

 Au moyen dequoy le Pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte, et des remedes qui luy sont propres.

  A003001968 

 Que si un autre qui m'eust esté agreable en eut dit une plus aspre, je l'eusse prins en bonne part.

  A003001973 

 Que si les fruits les plus tendres et sujets à la corruption, comme sont les cerises, les abricots et les fraises, se conservent aisement toute l'annee estans confits au sucre ou au miel; ce n'est pas merveille si nos cœurs quoy que fraisles et imbecilles sont preservez de la corruption du peché, lors qu'ils sont sucrés et emmielés de la chair et du sang incorruptible du Fils de Dieu.

  A003001974 

 Et parce que cette disposition là quoy que exquise se peut treuver en plusieurs bonnes ames; il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generallement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier.

  A003001975 

 Vous estes en la vraye disposition que S. Augustin requiert, et encore plus excellente: parce que non seulement vous n'avez pas l'affection de pecher, mais vous n'avez pas mesme l'affection du peché: si que quand vostre Pere spirituel le treuveroit bon, vous pourriez utilement encore communier plus souvent que tous les Dimanches..

  A003001976 

 Bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions c'est celle de mois à mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003001977 

 Si vous estes bien prudente, il n'y a ny maistre, ny femme, ny mary, ny pere, ny mere qui vous empesche de communier souvent: car puis que le jour de vostre Communion vous ne laisserez pas d'avoir le soing qui est convenable à vostre condition, que vous en serez plus douce et plus gratieuse en leur endroit, que vous ne leur refuserez nulles sortes de devoirs; il n'y a pas de l'apparence qu'ils veuillent vous destourner de cet exercice, qui ne leur apportera nulle incommodité, sinon qu'ils fussent d'un esprit extremement coquilleux et desraisonnable: et en ce cas, comme j'ay dit, à l'adventure que le Pere spirituel voudra que vous usiez de condescendence..

  A003001984 

 Commencez le soir precedant à vous preparer à la saincte Communion, par plusieurs aspirations et eslancemens d'amour, vous retirant un peu de meilleure heure, afin de pouvoir aussi lever plus matin.

  A003001984 

 Et apres que vous aurez dit les parolles sacrées, (Seigneur je ne suis pas digne) ne remuez plus vostre teste, ny vos levres, soit pour prier, soit pour souspirer: mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au Prestre pour voir ce qu'il faict, recevez pleine de foy, d'esperance et de charité, Celuy, lequel, auquel, par lequel, et pour lequel vous croyez, esperez et aymez.

  A003001984 

 O Philothee, imaginez vous que comme l'abeille ayant recueilly sur les fleurs la rosee du ciel, et le suc plus exquis de la terre, elle le porte dans la ruche, ainsi le Prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Fils de Dieu, qui est descendu du Ciel, et vray Fils de la Vierge, qui comme fleur est sorty de la terre de nostre humanité, il le met comme un miel de suavité dedans vostre bouche, et dedans vostre corps.

  A003001986 

 Non, le Sauveur ne peut estre consideré en une action, ny plus amoureuse, ny plus tendre que celle-cy: en laquelle il s'aneantit, par maniere de dire, et se reduit en viande, afin de penetrer et s'unir intimement au cœur et au corps de ses fidelles.

  A003001988 

 Communiez souvent, Philothee, et le plus souvent que vous pourrez avec l'advis de vostre Pere spirituel: et croyez moy, les lievres deviennent blancs parmy nos montagnes en hyver, par ce que ils ne voyent ny ne mangent que de la neige.

  A003002010 

 Or manger pour conserver la vie c'est chose bonne, saincte, et commandée; manger, non point pour conserver la vie, mais pour conserver la juste conversation que nous devons à nostre famille, c'est chose honneste et juste: manger par simple plaisir sans excez, c'est chose tolerable, non pas toutefois louable; mais manger avec exces, selon que l'exces est grand ou petit, c'est chose ou plus ou moins vituperable; et l'exces du manger et du boire ne consiste pas seulement en la quantité, et à trop manger, mais aussi en la façon et maniere de manger.

  A003002024 

 Jamais on n'en a trop: il se treuve tousjours certaines necessitez d'en avoir d'avantage: et mesme les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'estre, mais ils ne pensent pas en leur conscience de l'estre..

  A003002026 

 Ce fust le peché d'Achab, qui voulut avoir justement la vigne de Naboth, qui la vouloit encor plus justement garder; il la desira ardemment, longuement, et avec inquietude: et partant il offença Dieu..

  A003002026 

 Celuy qui possede un bien justement, n'a il pas plus de raison de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement? Et pourquoy donc estendons nous nostre desir sur sa commodité pour l'en priver? tout au plus si ce desir est juste, certes il n'est pourtant pas charitable: car nous ne voudrions pas nullement qu'aucun desirast, quoy que justement, ce que nous voulons garder justement.

  A003002035 

 Dites moy, les jardiniers des Roys et des Princes, ne sont ils pas plus curieux et diligens à cultiver et agencer les jardins qu'ils ont en charge, que s'ils leur appartenoient en proprieté? Mais pourquoy cela? parce, sans doute, qu'ils considerent ces jardins là, comme jardins du Roy, ou du Prince, auquel ils desirent de se rendre agreables par ce service là.

  A003002035 

 Je veux que vous ayez beaucoup plus de soing de rendre vos biens utiles et fructueux, que les mondains n'ont pas.

  A003002036 

 C'est pourquoy nous le devons avoir plus grand que les mondains n'ont pas des leurs; car ils ne font pas leurs travaux sur une si excellente consideration, puis qu'ils ne les font que pour l'amour d'eux-mesmes, et nous les faisons pour l'amour de Dieu.

  A003002037 

 Quittez tousjours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon cœur: car donner ce qu'on a, c'est s'appauvrir d'autant: et plus vous donnerez, plus vous vous appauvrirez.

  A003002039 

 Conversez volontiers avec eux, soyez bien aise qu'ils vous approchent aux Eglises, aux rues, et ailleurs: soyez pauvre de langue avec eux, leur parlant comme leur compaigne: mais soyez riche des mains, leur departant de vos biens, comme plus abondante..

  A003002040 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre; rendez vous doncques servante des pauvres: allez les servir dans leurs licts quand ils sont malades; je dis de vos propres mains: soyez leur cuisiniere, et à vos propres despens: soyez leur lingiere et blanchisseuse; ô ma Philothee, ce service est plus triomphant qu'une Royauté! Sainct Louys tout grand Roy qu'il estoit, le pratiquoit avec un zele et perseverance nompareille..

  A003002040 

 Voulez vous faire encore d'avantage, ma chere Philothee? Ne vous contentez pas d'estre pauvre comme les pauvres, mais soyez plus pauvre que les pauvres.

  A003002042 

 Il arrive que tous les vins d'une cave se poussent et tournent, il n'en reste plus que les plus mauvais et verds.

  A003002048 

 Et voila, Philothee, que plus gratieuse en vostre endroit, elle se vient presenter chés vous.

  A003002049 

 Où il y a moins du nostre, il y a plus de Dieu: la simple et pure acceptation de la volonté de Dieu rend une souffrance extremement pure..

  A003002050 

 Et en ce qu'on n'en tient pas grand conte, leur pauvreté est plus pauvre que celle des Religieux, bien que celle-cy d'ailleurs ayt une excellence fort grande, et trop plus recommandable à raison du vœu, et de l'intention pour laquelle elle a esté choisie..

  A003002051 

 Ne vous plaignés donc pas, ma chere Philothee, de vostre pauvreté: car on ne se plaint que de ce qui desplait; et si la pauvreté vous desplait, vous n'estes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection..

  A003002058 

 On ne treuve pas non plus mauvais que les vefves à marier se parent aucunement, pourveu qu'elles ne fassent point paroistre de folastrerie; d'autant qu'ayant desja esté meres de famille, et passé par les regrets du vefvage, on tient leur esprit pour meur et attrempé.

  A003002058 

 On permet plus d'affiquets aux filles, parce qu'elles peuvent loisiblement desirer d'agreer à plusieurs, quoy que ce ne soit qu'afin d'en gaigner un par un sainct Mariage.

  A003002059 

 Tenez vous tous-jours tant qu'il vous sera possible, du costé de la simplicité, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté, et la meilleure excuse pour la laideur.

  A003002079 

 C'est une des plus mauvaises conditions qu'un esprit peut avoir, que celle d'estre mocqueur.

  A003002079 

 Dont les Docteurs ont raison de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offense que l'on puisse faire au prochain par les parolles; parce que les autres offenses se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle cy se fait avec mespris et contemnement.

  A003002079 

 Rien n'est si contraire à la charité, et beaucoup plus à la devotion que le mespris et contemnement du prochain: or la derision et moquerie ne se fait jamais sans ce mespris.

  A003002083 

 Si je dis à un inferieur, vous estes un sot, ou une beste, il interpretera ces mots à cholere, non pas à correction; si que il n'en fera nullement son proffit: mais si je luy remonstre sa faute avec des paroles roides et fermes, sans tesmoignage de courroux, il s'en rendra plus aysement..

  A003002088 

 Il faut que le coup que j'en donneray soit si juste, que je ne die ny plus ny moins que ce qui en est..

  A003002088 

 Les privautés dangereuses ne les appellés pas simplicités ny nayvetés: ne fardés pas la desobeïssance du nom de zele, ny la lasciveté du nom d'amitié: il faut blasmer les choses blasmables, selon qu'elles le sont, et rien plus.

  A003002097 

 Une excuse veritable a bien plus de grace et de force pour excuser que le mensonge..

  A003002104 

 Ne t'estonne pas donq, repliqua l'Apostre, si je me demets quelque peu de la rigueur et attention de mon esprit, pour prendre un peu de recreation, affin de m'employer par apres plus vivement à la contemplation.

  A003002106 

 Il se faut seulement garder de l'exces, soit au temps que l'on y employe, soit au prix que l'on y met: car si l'on y employe trop de temps, ce n'est plus recreation, c'est occupation; on n'allege pas ny l'esprit ny le corps, au contraire on l'estourdit, on l'accable.

  A003002117 

 Car comme peut estre recreation un exercice auquel il faut tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions, et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre, et melancolique que celle des joüeurs? C'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voila à despiter.

  A003002122 

 Car si cela se fait par affection ce n'est plus recreation: si on y employe beaucoup de temps, on s'estourdit, on se lasse en lieu de s'alleger: si on en fait ordinaire cela se convertit en occupation..

  A003002123 

 Mais en quelles occasions peut on bien danser, et joüer? Les justes [122*] occasions de la danse sont plus frequentes: celles du jeu sont beaucoup plus rares, comme aussi le jeu est beaucoup plus blasmable, parlant du jeu de hazard.

  A003002131 

 Or l'amitié est le plus dangereux amour de tous, parce que les autres amours peuvent estre sans communication: mais l'amitié estant totalement fondée sur icelle, on ne peut l'avoir avec une personne sans participer à ses qualitez..

  A003002133 

 Si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fausse et vaine: si ce sont des vrays biens, l'amitié est vraye: et plus excellens seront les biens, plus excellente sera l'amitié: car comme le miel est plus excellent quand il se cueille és fleurons des fleurs plus exquises; ainsi l'amitié fondée sur une plus exquise communication est la plus excellente.

  A003002134 

 La communication des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutalle, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes, que celles des asnes et chevaux pour semblables effets: et s'il n'y avoit nulle autre communication au Mariage, il n'y auroit non plus nulle amitié.

  A003002139 

 O Philothee, aymez un chacun d'un grand amour charitable: mais n'ayez point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettez en vostre commerce seront exquises, plus vostre amitié sera parfaicte.

  A003002139 

 Si vous communiquez és sciences vostre amitié, c'est certes fort louable: plus encor si vous communiquez aux vertus, en la prudence, discretion, force, justice.

  A003002142 

 S. Hierosme, S. Augustin, S. Bernard et tous les plus parfaicts du monde ont eu des particulieres amitiez; et S. Paul reprochant le detraquement des Gentils, les accuse qu'ils estoient gens sans affection: c'est à dire qui n'affectionnoient personne, ny n'avoient nulle sorte d'amitié.

  A003002146 

 On commence par l'amour vertueux: mais si on n'est fort sage, l'amour frivole se meslera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy mesme, il y a danger en l'amour spirituel, si on n'y prend garde, bien qu'en celuy-cy il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus cognoissables les soüillures que Satan y veut mesler: c'est pourquoy il fait cela plus finement et y glisse les impuretez presque insensiblement..

  A003002152 

 On perd le temps, et ces desirs occupent la place d'autres desirs plus utiles..

  A003002160 

 Nous voulons vendre fort cher, et acheter à bon marché: nous voulons que l'on face justice en la maison d'autruy, et chez nous misericorde, et connivence: nous voulons qu'on prenne en bonne part nos parolles, et sommes chatouilleux et douillets à celles d'autruy: nous voudrions que le prochain nous laschast son bien en le bien payant; n'est il pas plus juste qu'il le garde en nous laissant nostre argent? Nous luy sçavons mauvais gré dequoy il ne nous veut pas accommoder; n'a il pas plus de raison d'estre fasché dequoy nous le voulons incommoder?.

  A003002161 

 Nous avons deux poids, l'un pour peser nos commoditez, avec le plus d'avantage que nous pouvons: l'autre pour peser celles du prochain, avec le plus de desavantage qu'il se peut.

  A003002167 

 Si l'ame cherche les moyens d'estre deslivrée de son mal, pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité; attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peine, industrie ou diligence: si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera à la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mais je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit..

  A003002168 

 Que si elle ne rencontre pas soudain ce qu'elle desire elle entre en des grandes inquietudes et impatiences, lesquelles n'ostant pas le mal precedant ains au contraire l'empirant, l'ame entre en une angoisse et detresse demesurée, avec une defaillance de courage et de forces, telle, qu'il luy semble que son mal n'ait plus de remede.

  A003002169 

 L'inquietude est le plus grand mal qui arrive en l'ame, excepté le peché.

  A003002170 

 L'inquietude provient d'un desir dereglé d'estre delivré du mal que l'on sent, ou d'acquerir le bien que l'on espere: et neantmoins, il n'y a rien qui empire plus le mal, et qui esloigne plus le bien que cette inquietude et empressement.

  A003002170 

 Les oyseaux demeurent prins dans les filets et lacz, parce que s'y treuvans engagés ils se debattent et remuent dereglement pour en sortir, ce que faisant ils s'enveloppent tousjours tant plus.

  A003002170 

 Quand donques, ma Philothee, vous serés pressée de quelque desir d'estre delivrée de quelque mal, ou de parvenir à quelque bien, avant toute chose mettés vostre esprit en repos et tranquillité: faittes rasseoir vostre jugement et vostre volonté: et puis tout bellement et tout doucement pourchassés l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables: et quand je dis tout bellement je ne veux pas dire negligemment, mais sans empressement, trouble et inquietude: autrement en lieu d'avoir l'effet de vostre desir, vous gasterés tout, et vous embarrasserez plus fort..

  A003002172 

 Ne permettés pas à vos desirs, pour petits qu'ils soient, et de petite importance, qu'ils vous inquietent: car apres les petits les grands et plus importans treuveroient vostre cœur plus disposé au trouble et dereglement.

  A003002177 

 Il est vray qu'elle en fait plus de mauvaises que de bonnes: car elle n'en fait que deux bonnes, à sçavoir misericorde et penitence; et il y en a six mauvaises, à sçavoir, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie, et impatience; qui a faict dire au Sage, La tristesse en tue beaucoup, et n'y a point de proffit en icelle, parce que pour deux bons ruisseaux qui proviennent de la source de tristesse, il y en a six qui sont bien mauvais..

  A003002181 

 Contrariez vivement aux inclinations de la tristesse: et bien qu'il semble que tout ce que vous ferez en ce temps-là se face froidement, tristement, et laschement, ne laissez pourtant pas de le faire: car l'ennemy qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estant faictes avec resistence elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger..

  A003002183 

 Il est bon de s'employer aux œuvres exterieures, et les diversifier le plus que l'on peut, pour divertir l'ame de l'object triste, purifier et eschauffer les esprits, la tristesse estant une passion de la complexion froide et seiche..

  A003002186 

 Decouvrez tous les ressentimens, affections, et suggestions qui proviennent de vostre tristesse à vostre conducteur et Confesseur, humblement et fidellement: cerchez les conversations de personnes spirituelles, et les hantez le plus que vous pourrez pendant ce temps là.

  A003002191 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres; comme la vie de la B. H. mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les vies des premiers Jesuistes, celle du B. H.Cardinal [136*] Boromee, de S. Louys, de S. Bernard; les Croniques de S. François, et autres pareilles.

  A003002191 

 Il y en a d'autres où il y a plus de sujet d'admiration que d'imitation, comme celle de saincte Marie Egyptienne, de S. Simeon Stilités, des deux sainctes Catherines, de Sienne, et de Gennes: de S. Angele, et autres telles, lesquelles ne laissent pas neantmoins de donner un grand goust general du saint amour de Dieu..

  A003002201 

 C'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement agreables les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus petites: et que pour le servir à son goust, il faut avoir grand soing de le bien servir aux choses grandes et hautes, et aux choses basses et abjettes, puis que nous pouvons esgallement et par les unes et par les autres luy desrober son cœur par amour..

  A003002201 

 Or entre toutes les parties exterieures du corps humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice, soit pour l'activeté que l'œil: ny point de plus vile que les cheveux.

  A003002202 

 Preparez vous doncques, Philothee, à souffrir beaucoup de grandes afflictions pour nostre Seigneur, et mesme à endurer le martyre: resolvez-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus precieux, s'il luy plaisoit de le prendre; pere, mere, frere, mary, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car à tout cela vous devez apprester vostre cœur.

  A003002203 

 Mais j'ay esté égallement consolé quand je l'ay veüe en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, aprester la viande, paistrir le pain, et faire tous les plus bas offices de la maison, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu; et n'estime pas moins la petite et basse meditation qu'elle faisoit parmy ces offices vils et abjets, s'imaginant qu'aprestant pour son pere, elle aprestoit pour nostre Seigneur: et que sa mere tenoit la place de nostre Dame, ses freres des Apostres; s'excitant en cette sorte de servir toute la cour celeste, et s'employant à ces chetifs services avec une grande suavité, parce qu'elle sçavoit telle estre la volonté de Dieu.

  A003002209 

 Bref ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuels exercices de ceux mesmes qui sont plus devots et resolus.

  A003002209 

 Car comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si demesurement en nombre, que la victoire d'icelles peut estre comparable à celle des plus grandes.

  A003002209 

 J'en dis de mesme touchant les tentations, lesquelles il faut combattre avec un courage esgal, ou petites qu'elles soient, ou grandes: si est ce neantmoins qu'à l'adventure on fait plus de proffit à bien combattre les petites que les grandes.

  A003002209 

 Les loups et les ours sont sans doute plus dangereux que les mouches: mais si ne nous font ils pas tant d'importunité et d'ennuy, ny n'exercent pas tant nostrê patience.

  A003002216 

 Ce fut ce qui arriva à l'Espouse sacrée: car quoy que la douce voix de son bien-Aimé luy eust touché le cœur d'un sainct ayse, si est-ce neantmoins qu'elle ne luy ouvrit pas la porte, mais s'en excusa d'une excuse frivole: dequoy l'Espoux justement indigné il passa outre et la quitta: aussi le Gentilhomme qui apres avoir longuement recerché une Damoiselle, et luy avoir rendu son service agreable, en fin seroit rejette et mesprisé, auroit bien plus de sujet de mécontentement que si sa recerche n'avoit point esté agreée ny favorisée.

  A003002216 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux, car si estans inspirés et nous estant pleuz en l'inspiration nous refusons neantmoins par apres le consentement à Dieu, nous sommes extremement mescognoissans et offensons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003002225 

 Mais il y a ceste difference entre l'ame et ceste Princesse pour ce sujet, que la Princesse ayant ouy la proposition deshonneste peut si bon luy semble chasser le messager, et ne le plus ouïr; mais il n'est pas tousjours au pouvoir de l'ame de ne point sentir la tentation, bien qu'il soit tousjours en son pouvoir de ne point y consentir.

  A003002225 

 Que doncques les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ils voudront d'amorces et d'apasts: qu'ils demeurent tousjours à la porte de nostre cœur pour entrer: qu'ils nous facent tant de propositions qu'ils voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le Prince espoux de la Princesse que j'ay representé, ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de plaisir.

  A003002227 

 Car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre ce semble toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroit plus nulle part, sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit, encor semble il qu'il n'y soit pas, et on a peine de le treuver: il y est neantmoins en verité, puisque quoy que tout soit en trouble en nostre ame et en nostre corps, nous avons la resolution de ne point consentir au peché ny à la tentation, et que la delectation qui plait à nostre homme exterieur desplait à l'interieur: et quoy qu'elle soit tout autour de nostre volonté, si n'est elle pas dans icelle; en quoy l'on voit que telle delectation est involontaire, et estant telle elle ne peut estre peché.

  A003002231 

 Le jeune homme duquel parle S. Hierosme, qui couché et attaché sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraits des impudiques femmes qui s'estoient couchées avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit il pas sentir d'estranges esmotions charnelles? ses sens ne devoient ils pas estre saisis de la delectation, et son imagination extremement occupée de ceste presence des objets voluptueux? sans doute; et neantmoins parmi tant de troubles, emmy un si terrible orage de tentations, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu, que sa volonté qui sent tout autour de soy tant de voluptez n'y consent toutefois nullement: puis que son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son corps à son commandement, sinon la langue, il se la coupa avec les dents, et la cracha sur le visage de ces vilaines ames qui tourmentoient la sienne plus cruellement par la volupté, que les borreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens..

  A003002232 

 Et comment, repliqua-elle, habitiés-vous dedans mon cœur dans lequel il y avoit tant de vilenies? habités vous donques en des lieux si deshonnestes? Et nostre Seigneur luy dit: Dy moy, ces tiennes salles cogitations de ton cœur te donnoient-elles plaisir ou tristesse, amertume ou delectation? Et elle dit: Extreme amertume et tristesse: et il luy repliqua: Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensées qui estoient au tour de ta volonté et ne pouvoient l'expugner, l'eussent sans doute surmontée et seroient entrées dedans, et eussent esté recettes avec plaisir par le libre arbitre, et ainsi eussent donné la mort à ton ame: mais parce que j'estois dedans, je mettois ce deplaisir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se reffusoit tant qu'il pouvoit à la tentation: et ne pouvant pas tant qu'il vouloit il en sentoit un plus grand deplaisir, et une plus grande hayne contre icelle et contre soy-mesme: et ainsi ces peines estoient un grand merite, et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force..

  A003002232 

 Il fit donc toutes sortes d'impudiques suggestions à son cœur: et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compagnons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalitez et lubricitez à sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroient bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure, qui ne fut agitée de ceste tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003002232 

 Le malin esprit eust congé de Dieu d'assaillir la pudicité de ceste saincte vierge avec la plus grande rage qu'il pouvoit, pourveu toutefois qu'il ne la touchast point.

  A003002238 

 Ainsi arrive il quelquefois que par la violance des tentations il semble que nostre ame est tumbée en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmée elle n'a plus ny vie spirituelle, ny mouvement.

  A003002238 

 Quand un homme est pasmé et qu'il ne rend plus aucun tesmoignage de vie en son visage, on luy met la main sur le cœur: et pour peu que l'on y sente de mouvement, on juge qu'il est en vie, et que par le moyen de quelque eau precieuse et de quelque epitheme on peut luy faire reprendre force et sentiment.

  A003002246 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation devant que bonnement on s'en soit prins garde: et cela ne peut estre qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand, si apres que l'on s'est aperceu du mal où l'on est, on demeure par negligence quelque temps à marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser: et encore plus grand si en s'en appercevant on demeure en icelle quelque temps par vraye negligence, sans nulle sorte de propos de [150*] la rejetter: mais lors que volontairement et de propos deliberé nous sommes resolus de nous plaire en telles delectations, ce propos mesme deliberé est un grand peché, si l'object pour lequel nous avons delectation est notablement mauvais.

  A003002266 

 Considerez de temps en temps quelles passions dominent le plus en vostre ame: et les ayant decouvertes prenez une façon de vivre qui leur soit toute contraire, en pensées, en parolles, et en œuvres.

  A003002266 

 Faictes des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourrez, et encor qu'il vous semble que ce soit à regret: car par ce moyen vous vous habituez à l'humilité, et affaiblirez vostre vanité, en sorte, que quand la tentation viendra, vostre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aurez plus de force pour la combattre.

  A003002267 

 Si vous estes subjette à vouloir donner ou recevoir de l'amour, pensez souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres: combien c'est une chose indigne de prophaner et employer à passetemps la plus noble affection qui soit [154*] en nostre ame, combien cela est subjet au blasme d'une extreme legereté d'esprit: parlez souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi, le plus qu'il vous sera possible, des actions conformes à cela, evitant toutes affaiteries, et mugueteries..

  A003002280 

 Et croyés moy, Philothee, tout ainsi que les remonstrances d'un pere, faites doucement, et cordiallement ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le corriger que non pas les choleres et courroux; ainsi quand nostre cœur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remonstrances douces et tranquilles, ayans plus de compassion de luy que de passion contre luy, l'encourageant à l'amandement, la repentence qu'il en concevra entrera bien plus avant, et elle penetrera mieux que ne feroit pas une repentence despiteuse, ireuse et tempestueuse..

  A003002281 

 Pour moy si j'avois, par exemple, grande affection de ne point tumber au vice de la vanité, et que j'y fusse neantmoins tumbé d'une grande cheute, je ne voudrois pas reprendre mon cœur en cette sorte; N'es tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter à cette vanité: meurs de honte, ne leve plus les yeux au Ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal à ton Dieu, et semblables choses: mais je voudrois le corriger raisonnablement et par voye de compassion; Or sus mon pauvre cœur, nous voila tumbés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschaper, ah relevons nous, et quittons la pour jamais: reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour desormais estre plus fermes, et remettons nous au chemin de l'humilité: courage, soyons sur nos gardes, Dieu nous aydera, et desormais nous ferons prou..

  A003002283 

 Quand vous vous serez mise en cholere, au premier ressentiment que vous aurez de vostre faute, repàrez la par un acte de douceur, exercée promptément à l'endroit de la mesttie personne contre laquelle vous vous serez irritée: car tout ainsi que c'est un souverain remede contre la mensonge que de s'en dedire sur le champ, tout aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit; aussi est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003002287 

 Resouvenez vous souvent que nostre Seigneur nous a sauvez en souffrant et endurant, et que de mesme nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurant les injures, contradictions et desplaisirs, avec le plus de douceur et de patience qu'il nous sera possible..

  A003002288 

 J'estime plus la douceur avec laquelle le B. H. Cardinal Boromee souffrit longuement les reprehensions publiques qu'un grand Predicateur d'un ordre extremement reformé faisoit contre luy en chaire, que toutes les attaques qu'il receut des autres: car tout ainsi que les picqueures des abeilles sont plus cuisantes que celles des mouches; ainsi le mal que l'on reçoit des gens de bien, et les contradictions qu'ils font sont bien plus insupportables que les autres: et cela neantmoins arrive fort souvent, que deux hommes de bien ayant tous deux bonne intention, sur la diversité de leurs opinions, se font des grandes persecutions et contradictions l'un à l'autre..

  A003002291 

 Je suis de l'advis de S. Gregoire: Quand vous serez accusée justement, pour quelque faute que vous aurez commise, humiliez vous bien fort: confessez que vous meritez plus que l'accusation qui est faite contre vous.

  A003002292 

 Plaignez vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits: car c'est chose certaine, que pour l'ordinaire qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tousjours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faictes point vos plaintes à des personnes aysées à s'indigner et mal penser.

  A003002292 

 Que s'il est expedient de vous plaindre à quelqu'un, ou pour remedier à l'offence, ou pour acoiser vostre esprit; il faut que ce soit à des ames tranquilles, et qui aiment bien Dieu: car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueront à plus grandes inquietudes: en lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheroient plus avant en vostre pied..

  A003002293 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas) resouvenez vous de la parole de nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant nay elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est nay au monde; car vous avez conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressentiez du travail; mais ayez bon courage, car ces douleurs passées la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003002294 

 Et comme le miel qui est fait des fleurs de thim, herbe petite et amere, est le meilleur de tous, ainsi la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes..

  A003002294 

 Obeïssez au medecin, prenez les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous: desirez de guerir pour luy rendre service, ne refusez point de languir pour luy obéir, et disposez vous à mourir, si ainsi il luy plait, pour le loüer et jouïr de luy: et vous resouvenez que les abeilles au temps qu'elles font le miel vivent et mangent d'une munition fort amere; et qu'ainsi nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ny mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume, et vivons parmy les angoisses.

  A003002301 

 Nous faisons tousjours assez tost quand nous faisons bien: les bourdons font bien plus de bruit, et sont bien plus empressez que les abeilles, mais ils ne font sinon la cire et non point le miel: ainsi ceux qui s'empressent d'un soucy cuisant et d'une sollicitude bruyante ne font jamais ny beaucoup ny bien..

  A003002303 

 En toutes vos affaires appuyez vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos desseins doivent reussir: travaillés neantmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle: et puis croyes que si vous vous estes bien confiée en Dieu, le succes qui vous arrivera de vos desseins sera tousjours le plus profitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais, selon vostre jugement particulier..

  A003002304 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous serés parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si presente, vous regardiez plus Dieu que les affaires: et quand les affaires sont de si grande importance qu'elles requierent toute vostre attention pour les bien faire, de temps en temps, vous regarderez à Dieu, comme font ceux qui navigent en mer, lesquels pour aller à la terre qu'ils desirent, regardent plus en haut au Ciel que non pas en bas, où ils voguent: ainsi Dieu travaillera avec vous, en vous, et pour vous, et vostre travail sera suivy de consolations.

  A003002309 

 Et comme l'horologer oinct avec quelque huile delicate, les roües, les ressorts, et tous les mouvans de son horologe, affin que les mouvemens se facent plus doucement, et qu'elle soit moins sujette à la roiiillure; ainsi la personne devote, apres la prattique de ce demontement de son cœur, pour le bien renouveller, elle le doit oindre par les Sacremens de Confession et de l'Eucharistie.

  A003002309 

 Nostre nature humaine decheoit aysement de ses bonnes affections, à cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous jours contre bas, si elle ne s'esleve souvent en haut à vive force de resolutions; ainsi que les oyseaux retumbent souvent en terre, s'ils ne multiplient les eslancemans et traits d'aisle, pour se maintenir au vol. Pour cela, ma Philothee, vous avés besoin de reïterer et repeter fort souvent les bons propos que vous avés fait de servir Dieu, de peur que ne le [165*] faisant pas vous ne retumbiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire: car les cheutes spirituelles ont cela de propre qu'elles nous precipitent tousjours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut à la devotion.

  A003002311 

 Ayant donques choisi le temps convenable, selon l'advis de vostre [166*] Pere spirituel, et vous estant un peu plus retirée en la solitude et spirituelle, et reelle que l'ordinaire, vous ferés une, ou deux, ou trois meditations sur les poincts suivans, selon la methode que je vous ay donnée en la premiere Partie..

  A003002316 

 Si les parolles raisonnables données aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons données à Dieu? Ah Seigneur, disoit David, c'est à vous à qui mon cœur l'a dict: mon cœur a projetté ceste bonne parolle: non, jamais je ne l'oubliray..

  A003002320 

 Ne prenez vous point à bon-heur de sçavoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoient? d'avoir esvité plusieurs pechez et embarrassemens de conscience? et en fin d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à ceste souveraine source des graces eternelles? ah que ces graces sont grandes; il faut, ma fille, les peser au poids du Sanctuaire: c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003002325 

 Il est neantmoins requis de faire tout ce second point en deux jours et deux nuicts pour le plus, prenant de chasque jour et de chasque nuit quelque heure, je veux dire quelque temps, selon que vous verrez: car si cet exercice ne se faisoit qu'en des temps fort distans les uns des autres, il perdroit sa force, et donneroit des impressions trop lasches.

  A003002325 

 Les autres poincts de l'examen, vous les pouvez faire utilement en vous promenant, et encor plus utilement au lict, si par adventure vous y pouvez estre quelque temps sans assoupissement et bien-esveillée: mais pour ce faire il les faut avoir bien leu auparavant.

  A003002344 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des exercices spirituels? les aymez-vous? les estimez-vous? vous faschent ils point? en estes vous point degoustée? auquel vous sentez vous moins inclinée? auquel vous sentez vous plus inclinée? ouïr la parole de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituels, s'apprester à la Communion, se communier, restraindre ses affections, qu'y a-il en cela qui repugne à vostre cœur? et si vous treuvez quelque chose à quoy ce cœur aye moins d'inclination, examinez d'où vient ce degoust, qu'est ce qui en est la cause?.

  A003002355 

 Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soy-mesme, Que diront les Anges si je pense à telle chose? que non pas, Que diront les hommes?.

  A003002355 

 Or l'amour ordonné veut que nous aimions plus l'ame que le corps, que nous ayons plus de soin d'acquerir les vertus que toute autre chose, que nous tenions plus de conte de l'honneur celeste que de l'honneur bas et caduque.

  A003002364 

 Mais pour parler en general, quel est vostre cœur à l'endroit du prochain? l'aymés vous bien cordiallement, et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades: car c'est là où on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effet, ou par parolles.

  A003002396 

 Considerez la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel cognoist non seulement tout ce monde visible, mais cognoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis, cognoist qu'il y a un Dieu tres-souverain, tres-bon, et ineffable: cognoist qu'il y a [175*] une eternité; et de plus cognoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en Paradis, et pour jouir de Dieu eternellement..

  A003002397 

 Repensés hardiment aux plus chers et violens amusemens, qui ont occupé autrefois vostre cœur; et jugez en verité s'ils n'estoient pas pleins d'inquietude moleste, et de pensees cuisantes, et de soucys importuns, emmy lesquels vostre pauvre cœur estoit miserable..

  A003002397 

 Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu, et ne le peut hayr en soy-mesme: voyez vostre cœur comme il est genereux; et que comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, mais elles s'arrestent seulement sur les fleurs; ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003002398 

 Helas nostre cœur courant aux creatures, y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrées il voit que c'est à refaire, et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu, sur lequel il puisse reposer, non plus que la Colombe sortie de l'Arche de Noë, afin qu'il retourne à son Dieu, duquel il est sorty.

  A003002404 

 Des vices qui n'en a qu'un peu n'est pas contant, et qui en a beaucoup est mescontant: mais des vertus qui n'en a qu'un peu, encor a-il desja du contentement, et puis tousjours plus en avançant.

  A003002408 

 Considerez l'exemple des Saincts de toutes sortes; qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devots? Voyez ces Martyrs invincibles en leurs resolutions; quels tourmens n'ont ils pas soufferts pour la maintenir? mais sur tout ces belles et florissantes dames, plus blanches que le lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité; les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt, et vingt et cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer à leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la protestation de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourant plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligez, et consoler les tourmentez, et ensevelir les trespassez.

  A003002428 

 Ce qu'estant fait, comme par une reprise d'haleine et de force, protestés mille fois, que vous continuerez en vos resolutions; et comme si vous teniés vostre cœur, vostre ame, vostre volonté en vos mains, dediés la, consacrés la, sacrifiés la et l'immolés à Dieu; [180*] protestant que vous ne la reprendrés plus, mais la laisserés en la main de sa divine Majesté, pour suivre en tout et par tout ses ordonnances..

  A003002434 

 Non je ne suis plus mienne: ou que je vive, ou que je meure, je suis à mon Sauveur; je n'ay plus de moy, ny de mien: mon moy c'est Jesus, mon mien c'est d'estre sienne.

  A003002434 

 Non nous ne serons plus nous mesme: car nous aurons le cœur changé: et le monde qui nous a tant trompez, sera trompé en nous: car ne s'appercevant pas de nostre changement que petit à petit, il pensera que nous soyons tousjours des Esaü, et nous nous treuverons des Jacob..

  A003002434 

 O monde vous estes tous-jours vous mesme: et moy j'ay tousjours esté moy-mesme, mais doresnavant je ne seray plus moy-mesme.

  A003002439 

 Combien y a il de loix civiles aux Digestes et au Code, lesquelles doivent estre observées, mais cela s'entend selon les occurrences, et non pas qu'il les faille toutes prattiquer tous les jours? Au demeurant David, Roy plein d'affaires tres-difficiles, prattiquoit bien plus d'exercices que je ne vous ay pas marqués.

  A003002439 

 Le Royaume, la Cour estoit plus belle et plus fleurissante qu'elle n'avoit jamais esté du temps de ses predecesseurs.

  A003002440 

 Il est vray sans doute, j'ay presupposé cela: et est vray encores que chacun n'a pas le don de l'oraison mentale: mais il est vray aussi que presque chacun le peut avoir, voire les plus grossiers, pourveu qu'ils ayent des bons conducteurs, et qu'ils veuillent travailler pour l'acquerir, autant que la chose le merite.

  A003002445 

 Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre devotement sans la prattique de ces advis et exercices, ne le niez pas, mais respondés amiablement, que vostre infirmité est si grande qu'elle requiert plus d'aydes et de secours qu'il n'en faut pas pour les autres..


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A004000057 

 Que l'amour sacre peut estre augmente de plus en plus en un chacun de nous 70.

  A004000117 

 Tressainte Mere de Dieu, vaysseau d'incomparable election, Reyne de la souveraine dilection, vous estes la plus aymable, la plus amante et la plus aymee de toutes les creatures.

  A004000127 

 Le Saint Esprit enseigne que les levres de la divine Espouse, c'est a dire de l'Eglise, ressemblent a l'escarlatte et au bornal qui distille le miel, affin que chacun sache que toute la doctrine qu'elle annonce consiste en la sacree dilection, plus esclattante en vermeil que l'escarlatte, a cause du sang de l'Espoux qui l'enflamme, plus douce que le miel, a cause de la suavité du Bienaymé qui la comble de delices.

  A004000128 

 Representes vous des belles colombes aux rayons du soleil: vous les verrés varier en autant de couleur [3] comme vous diversifierés le biays duquel vous les regarderés, parce que leurs plumes sont si propres a recevoir la splendeur, que le soleil venant mesler sa clarté avec leur pennage, il se fait une multitude de transparences lesquelles produisent une grande varieté de nuances et changemens de couleurs; mais couleurs si aggreables a voir, qu'elles surpassent toutes couleurs et l'esmail encor des plus belles pierreries; couleurs resplendissantes et si mignardement dorees, que leur or les rend plus vivement colorees, car en cette considération le Prophete royal disoit aux Israelites:.

  A004000137 

 O qu'il fait bon ouir parler des choses du Ciel, saint Paul qui les avoit apprises au Ciel mesme! et qu'il fait bon voir ces ames nourries dans le sein de la dilection, escrire de sa sainte suavité! Pour cela mesme entre les Scholastiques, ceux qui en ont le mieux et le plus discouru ont pareillement excellé en pieté.

  A004000138 

 Mays affin que l'on sceust que cette sorte d'escritz se font plus heureusement par la devotion des amans que par la doctrine des sçavans, le Saint Esprit a voulu que plusieurs femmes ayent fait des merveilles en cela.

  A004000139 

 Christofle de Fonseca, religieux Augustin, en a mis en lumiere un encor plus grand, ou il dit diverses belles choses.

  A004000139 

 Le Pere Louys Richeome, de la Compaignie de Jesus, a aussi publié un livre sous le tiltre de l'Art d'aymer Dieu par les creatures; et cet autheur est tant aymable en sa personne et en ses beaux escritz, qu'on ne peut douter qu'il ne le soit encor plus, escrivant de l'amour mesme.

  A004000140 

 Nous voyons de plus un grand et magnifique Palais que le Reverend Pere Laurens de Paris, predicateur de l'Ordre des Capucins, bastit a l'honneur de l'amour divin, lequel estant achevé sera un cours accompli de la science de bien aymer.

  A004000142 

 Certes, j'ay seulement pensé a representer simplement et naifvement, sans art et encor plus sans fard, l'histoire de la naissance, du progres, de la decadence, des operations, proprietés, avantages et excellences de l'amour divin.

  A004000143 

 La douceur des lecteurs rend douce et utile la lecture; et pour t'avoir plus favorable, mon cher Lecteur, je te veux icy rendre rayson de quelques pointz qui autrement, a l'aventure, te mettroyent en mauvaise humeur..

  A004000143 

 On traitte maintefois les escrivains trop rudement; on precipite les sentences que l'on rend contre eux, et bien souvent avec plus d'impertinence qu'ilz n'ont prattiqué d'imprudence en se hastant de publier leurs escritz.

  A004000148 

 Car tout ainsy, dit-il, que les voyagers, sachans qu'il y a quelque beau jardin a vingt ou vingt cinq pas de leur chemin, se destournent aysement de si peu pour l'aller voir, ce qu'ilz ne feroyent pas s'ilz sçavoyent qu'il fust plus esloigné de leur route, de mesme ceux qui sçavent que la fin d'un chapitre n'est guere esloignee du commencement, ilz entreprennent volontier de le lire, ce qu'ilz ne feroyent pas, pour aggreable qu'en fust le sujet, s'il failloit beaucoup de tems pour en achever la lecture.

  A004000148 

 J'ay donq eu rayson de suivre en cela mon inclination, puisqu'elle fut aggreable a ce grand personnage, qui a esté l'un des plus saintz prelatz et des plus sçavans docteurs que l'Eglise ayt eu de nostre aage, et lequel, lhors qu'il m'honnora de sa lettre, estoit le plus ancien de tous les docteurs de la faculté de Paris..

  A004000148 

 Lhors que j'eus fait imprimer l'Introduction a la Vie devote, Monseigneur l'Archevesque de Vienne, Pierre de Vilars, me fit la faveur de m'en escrire son opinion en termes si avantageux pour ce livret et pour moy, que je n'oserois jamais les redire; et m'exhortant [11] d'appliquer le plus que je pourrois de mon loysir a faire de pareilles besoignes, entre plusieurs beaux advis desquelz il me gratifia, l'un fut que j'observasse tous-jours tant que le sujet le permettrait la briefveté des chapitres.

  A004000150 

 Toutefois, pour imiter en cette occasion le grand Apostre qui s'estimoit redevable a tous, j'ay changé d'addresse en ce Traitté, et parle a Theotime: que si d'aventure il se treuvoit des femmes (or cette impertinence seroit plus supportable en elles) qui ne voulussent pas lire les enseignemens qu'on fait a un homme, je les prie de croire que le Theotime auquel je parle est l'esprit humain, qui desire faire progres en la dilection sainte, esprit qui est egalement es femmes comme es hommes..

  A004000151 

 Ce Traitté donq est fait pour ayder l'ame des-ja devote a ce qu'elle se puisse avancer en son dessein, et pour cela il m'a esté force de dire plusieurs choses un peu moins conneües au vulgaire et qui par consequent sembleront plus obscures: le fond de la science est tous-jours un peu plus malaysé a sonder, et se treuve peu de plongeons qui veuillent et sachent aller recueillir les perles et autres pierres precieuses dans les entrailles de l'ocean.

  A004000151 

 Mays si tu as le courage franc pour enfoncer cet escrit, il t'arrivera de vray comme aux plongeons, lesquelz, dit Pline, «estans es plus profonds gouffres de la mer y voyent clairement la lumiere du soleil;» car tu treuveras es endroitz les plus malaysés de ces discours une bonne et aymable clarté.

  A004000152 

 J'ay touché quantité de poins de theologie, mais sans esprit de contention, proposant simplement, non tant ce que j'ay jadis appris es disputes, comme ce que l'attention au service des ames et l'employte de vingt quattre annees en la sainte predication m'ont fait penser [13] estre plus convenable a la gloire de l'Evangile et de l'Eglise..

  A004000155 

 Il y a dix neuf ans que me treuvant a Thonon, petite ville situee sur le lac de Geneve, laquelle lhors se convertissoit petit a petit a la foy Catholique, le ministre adversaire de l'Eglise crioit par tout que l'article catholique de la reelle presence du Cors du Sauveur en l'Eucharistie destruysoit le Symbole et l'analogie de la foy (car il estoit bien ayse de dire ce mot d'Analogie non entendu par ses auditeurs, affin de paroistre fort sçavant); et sur cela, les autres predicateurs catholiques avec lesquelz j'estois la, me chargerent d'escrire quelque chose en refutation de cette vanité; et je fis ce qui me sembla convenable, dressant une briefve Meditation sur le Symbole des Apostres, pour confirmer la verité, et toutes les copies furent distribuees en ce diocese, ou je n'en treuve plus aucune..

  A004000156 

 Et parce que d'un costé il y avoit [15] des grans empeschemens a ce bonheur, selon les considerations que l'on appelle raysons d'Estat, et que d'ailleurs plusieurs, non encor bien instruitz de la verité, resistoyent a ce tant desirable restablissement, Son Altesse surmonta la premiere difficulté par la fermeté invincible de son zele a la sainte religion, et la seconde par une douceur et prudence extraordinaire; car elle fit assembler les principaux et plus opiniastres, et les harangua avec une eloquence si aimablement pressante, que presque tous, vaincuz par la douce violence de son amour paternel envers eux, rendirent les armes de leur opiniastreté a ses piedz, et leurs ames entre les mains de la sainte Eglise..

  A004000157 

 Et comme cet ancien ouvrier ne fut jamais tant estimé pour ses ouvrages de grande forme, comme il fut admiré d'avoir sçeu faire un navire d'ivoire assorti de tout son equipage, en si petit volume que les aisles d'une abeille le couvroyent tout, aussi estime-je plus ce que ce grand Prince fit alhors en ce petit coin de ses Estatz, que beaucoup d'actions de plus grand esclat que plusieurs relevent jusques au ciel..

  A004000157 

 On peut louer beaucoup de riches actions de ce grand Prince, entre lesquelles je voy la preuve de son indicible vaillance et science militaire, qu'il vient de rendre maintenant admiree de toute l'Europe; mays toutefois, quant a moy, je ne puis asses exalter le restablissement de la sainte religion en ces troys balliages que je viens de nommer, y ayant veu tant de traitz de pieté, assortis d'une si grande varieté d'actions de prudence, constance, magnanimité, justice et debonnaireté, qu'en cette seule petite piece, il me sembloit de voir, comme en un tableau raccourci, tout ce qu'on loue es princes qui jadis ont le plus ardemment servi a la gloire de Dieu [16] et de l'Eglise: le theatre estoit petit, mais les actions grandes.

  A004000162 

 Fait le portail plus grand que toute la mayson..

  A004000165 

 Et d'abord on me proposa la necessité qu'il y avoit d'advertir les confesseurs de quelques pointz d'importance; et pour cela j'escrivis vingt cinq Advertissemens, que je fis imprimer pour les faire courir plus aysement parmi ceux a qui je les addressois, mais despuis ilz ont esté reimprimés en divers lieux..

  A004000166 

 Et moy, sachant la qualité de ces censeurs, je loue leur intention que je pense avoir esté bonne; mays j'eusse neanmoins desiré qu'il leur eust pleu de considerer que la premiere proposition est puisee de la commune et veritable doctrine des plus saintz et sçavans theologiens, que j'escrivois pour les gens qui vivent emmi le monde et les cours, qu'au partir de la j'inculque soigneusement l'extreme peril qu'il y a es danses; et que, quant à la seconde proposition, avec le mot de quolibet, elle n'est pas de moy, mais de cet admirable roy saint Loüys, docteur digne d'estre suivi en l'art de bien conduire les courtisans a la vie devote.

  A004000166 

 Troys ou quattre ans apres, je mis en lumiere l' Introduction a la Vie devote, pour les occasions et en la façon que j'ay remarqué en la Preface d'icelle; dont je n'ay rien a te dire, mon cher Lecteur, sinon que, si ce livret a receu generalement un gracieux et doux accueil, voire mesme parmi les plus graves prelatz et docteurs de l'Eglise, il n'a pas pourtant esté exempt d'une rude censure de quelques uns qui ne m'ont pas seulement blasmé, mais m'ont asprement baffoüé en publiq de ce que je dis a Philothee que le bal est une action de soymesme indifferente, et qu'en recreation on peut dire des quolibetz.

  A004000168 

 Icy certes je parle pour les ames avancees en la devotion; car il faut que je te die que nous avons en cette ville une Congregation de filles et vefves qui, retirees du monde, vivent unanimement au service de Dieu, sous la protection de sa tressainte Mere; et comme leur pureté et pieté d'esprit m'a souvent donné des grandes consolations, aussi ay-je tasché de leur en rendre frequemment par la distribution de la sainte parole, que je leur ay annoncee tant en sermons publiqs qu'en colloques spirituelz, et presque tous-jours en la presence de plusieurs religieux et gens de grande devotion: dont il m'a falu traitter maintefois des sentimens plus delicatz de la pieté, passant au dela de ce que j'avois dit a Philothee.

  A004000169 

 Il y a voirement long tems que j'avois projetté d'escrire de l'amour sacré; mais ce projet n'estoit point comparable a ce que cette occasion m'a fait produire, occasion que je te manifeste ainsy naifvement tout a la bonne foy, a l'imitation des anciens, affin que tu saches que je n'escris que par rencontre et occurrence, et que tu me sois plus amiable.

  A004000170 

 Certes, comme les femmes tandis qu'elles sont fortes et habiles a produire aysement les enfans, leur choysissent ordinairement des parreins entre leurs amis de ce monde, mays quand leur foiblesse et indisposition rend leurs enfantemens difficiles et perilleux, elles invoquent les Saintz du Ciel et vouent de faire tenir leurs enfans par quelque pauvre ou par quelque personne devote, au nom de saint Joseph, de saint François d'Assise, de saint François de Paule, de saint Nicolas, ou de quelqu'autre Bienheureux qui puisse impetrer de Dieu le bon succes de leur grossesse et une naissance vitale pour l'enfant; de mesme, avant que je fusse Evesque, [21] me treuvant avec plus de loysir et moins d'apprehension pour escrire, je dediay les petitz ouvrages que je fis aux princes de la terre; mais maintenant qu'accablé de ma charge j'ay mille difficultés d'escrire, je ne consacre plus rien qu'aux princes du Ciel, affin qu'ilz m'obtiennent la lumiere requise, et que, si telle est la volonté divine, ces escritz ayent une naissance fructueuse et utile a plusieurs..

  A004000180 

 Et c'est pourquoy, jamais, a proprement parler, nous n'attribuons la beauté corporelle sinon aux objetz des deux sens qui sont les plus connoissans et qui servent le plus a l'entendement, qui sont la veüe et l'ouye; si que nous ne disons pas: voyla des belles odeurs ou des belles saveurs; mays nous disons bien: voyla des belles voix et des belles couleurs..

  A004000194 

 La volonté donques, Theotime, domine sur la memoire, l'entendement et la fantasie, non par force mais par authorité, en sorte qu'elle n'est pas tous-jours infalliblement obeie, non plus que le pere de famille ne l'est pas aussi tous-jours par ses enfans et serviteurs.

  A004000197 

 Et c'est affin d'exercer nos volontés en la vertu et vaillance spirituelle, que cette multitude de passions est laissee en nos ames, Theotime; de sorte que les Stoïciens, qui nierent qu'elles se treuvassent en l'homme sage, eurent grand tort; mays d'autant plus, que ce qu'ilz nioyent en paroles ilz le prattiquoyent en effect, au recit de saint Augustin qui raconte cette gracieuse histoire.

  A004000197 

 Mais quant a la repartie qu'elle contient, le Stoïcien qui la fit favorisa plus sa promptitude que sa cause, puisque, alleguant un compaignon de sa crainte, il laissa preuvé, par deux irreprochables tesmoins, que les Stoïciens estoyent touchés de la crainte, et de la crainte qui respand ses effectz es yeux, au visage et en la contenance, et qui par consequent est une passion..

  A004000205 

 Mais il y a une liberté en la volonté qui ne se treuve pas en la femme mariee; et c'est que la volonté peut rejetter son amour quand elle veut, appliquant l'entendement aux motifz qui l'en peuvent desgouster et prenant resolution de changer d'objet: car ainsy, pour faire vivre et regner l'amour de Dieu en nous, nous amortissons l'amour propre, et, si nous ne pouvons l'aneantir du tout, au moins nous l'affoiblissons, en sorte que, s'il vit en nous, il n'y regne plus; comme au contraire, nous pouvons, en quittant l'amour sacré, adherer a celuy des creatures, qui est l'infame adultere que le celeste Espoux reproche si souvent aux pecheurs.

  A004000211 

 Et certes, Theotime, ilz n'eurent pas tort de vouloir qu'il y eust des eupathies et bonnes affections en la partie raysonnable de l'homme, mais ilz eurent tort de dire qu'il n'y avoit point de passions en la partie sensitive et que la tristesse ne touchoit point le cœur de l'homme sage; car, laissant a part que eux mesmes en estoyent troublés, comme il a esté dit, se pourroit-il bien faire que la sagesse nous privast de la misericorde, qui est une vertueuse tristesse laquelle arrive en nos cœurs pour nous porter au desir de delivrer le prochain du mal qu'il endure? Aussi, le plus homme de bien de tout le paganisme, Epictete, ne suivit pas cet erreur, que les passions ne s'eslevassent point en l'homme sage, ainsy que saint Augustin atteste, lequel mesme monstre encores que la dissension des Stoïciens [36] avec les autres philosophes en ce sujet, n'a pas esté qu'une pure dispute de paroles et desbat de langage..

  A004000212 

 Or ces affections que nous sentons en nostre partie raysonnable sont plus ou moins nobles et spirituelles selon qu'elles ont leurs objectz plus ou moins relevés, et qu'elles se treuvent en un degré plus eminent de l'esprit: car il y a des affections en nous qui procedent du discours que nous faysons selon l'experience des sens; il y en a d'autres, formees sur le discours tiré des sciences humaines; il y en a encor d'autres qui proviennent des discours faitz selon la foy; et, en fin, il y en a qui ont leur origine du simple sentiment et acquiescement que l'ame fait a la verité et volonté de Dieu..

  A004000218 

 Ismael ne fut point heritier avec Isaac, son frere plus jeune; Esaü fut destiné au service de son frere puisné; Joseph fut adoré, non seulement par ses freres, mays aussi par son pere, et voyre mesme par sa mere, en la personne de Benjamin, ainsy qu'il avoit preveu es songes de sa jeunesse.

  A004000220 

 Le salut est monstré a la foy, il est preparé a l'esperance, mais il n'est donné qu'a la charité: la foy monstre le chemin de la terre promise, comme une colomne de nuee et de feu, c'est a dire claire-obscure; l'esperance nous nourrit de sa manne de suavité; mais la charité nous y introduit, comme l'Arche de l'alliance qui nous fait le passage au Jourdain, c'est a dire au jugement, et qui demeurera au milieu du peuple en la terre celeste, promise aux vrays Israëlites, en laquelle ni la colomne de la foy ne sert plus de guide, ni on ne se repaist plus de la manne d'esperance..

  A004000221 

 Le saint amour fait son sejour sur la plus haute et relevee region de l'esprit, ou il fait ses sacrifices et holocaustes a la Divinité, ainsy qu'Abraham fit le sien, et que Nostre Seigneur s'immola sur le coupeau au mont Calvaire; affin que, d'un lieu si relevé, il soit ouy et obei par son peuple, c'est a dire par toutes les facultés et affections de l'ame, qu'il gouverne avec une douceur nompareille; car l'amour n'a point de forçatz ni d'esclaves, ains reduit toutes choses a son obeissance avec une force si delicieuse, que, comme rien n'est si fort que l'amour, aussi rien n'est si aymable que sa force..

  A004000226 

 Car je vous prie, Theotime, qu'est ce que le bien sinon ce que chacun veut? et qu'est ce que la volonté sinon la faculté qui porte et fait tendre au bien, ou a ce qu'elle estime tel? La volonté donques appercevant et sentant le bien par l'entremise de l'entendement qui le luy represente, ressent a mesme tems une soudaine delectation et complaisance en ce rencontre, qui l'esmeut et incline, doucement mays puissamment, vers cet object aymable, [40] affin de s'unir a luy; et pour parvenir a cette union, elle luy fait chercher tous les moyens plus propres..

  A004000226 

 La volonté a une si grande convenance avec le bien, que tout aussi tost qu'elle l'apperçoit elle se tourne de son costé pour se complaire en iceluy, comme en son objet tres aggreable, auquel elle est si estroittement alliee que mesme l'on ne peut declarer sa nature que par le rapport qu'elle a avec iceluy, non plus qu'on ne sçauroit monstrer la nature du bien que par l'alliance qu'il a avec la volonté.

  A004000232 

 Il y a encor certains mouvemens d'amour par lesquelz nous desirons les choses que nous n'attendons ni pretendons nullement, comme quand nous disons: Que ne suis-je maintenant en Paradis! je voudrois estre roy; pleust a Dieu que je fusse plus jeune; a la mienne volonté que je n'eusse jamais peché, et semblables choses.

  A004000233 

 Ce n'est pas encor tout, Theotime, car il y a des desirs et souhaitz qui sont encor plus imparfaitz que ceux que nous venons de dire, d'autant que leur mouvement n'est pas arresté par l'impossibilité ou extreme difficulté, mais par la seule incompatibilité qu'ilz ont avec des autres desirs ou vouloirs plus puissans; comme quand un malade desire de manger des potirons ou melons, et quoy qu'il en ait a son commandement, il ne veut neanmoins pas en manger, parce qu'il craint d'empirer son mal: car qui ne voici deux desirs en cet [45] homme, l'un de manger des potirons, et l'autre de guerir? mays parce que celuy de guerir est plus grand, il estouffe et suffoque l'autre, l'empeschant de produire aucun effect.

  A004000233 

 Et ces souhaitz, qui sont arrestés non point par l'impossibilité mais par l'incompatibilité qu'ilz ont avec des plus puissans desirs, s'appellent voirement souhaitz et desirs, mais souhaitz vains, suffoqués et inutiles.

  A004000233 

 Or, a mesure que les choses incompatibles avec ce qui est souhaité sont moins aymables, les souhaitz sont plus imparfaitz, puisqu'ilz sont arrestés et comme estouffés par des si foibles contraires: ainsy le souhait que Herodes eut de ne point faire mourir saint Jean fut plus imparfait que celuy que Pilate avoit de delivrer Nostre Seigneur; car celuy ci craignoit la calomnie et l'indignation du peuple et de Cesar, et celuy la de contrister une seule femme.

  A004000237 

 Or, ceux la n'ont pas bien rencontré qui ont creu que la ressemblance estoit la seule convenance qui produisoit l'amour; car qui ne sçait que les viellars les plus sensés ayment tendrement et cherement les petitz enfans, et sont reciproquement aymés d'eux; que les sçavans ayment les ignorans, pourveu [47] qu'ilz soyent dociles, et les malades, leurs medecins? Que si nous pouvons tirer quelqu'argument de l'image d'amour qui se void es choses insensibles, quelle ressemblance peut faire tendre le fer a l'aymant? un aymant n'a-il pas plus de ressemblance avec un autre aymant ou avec une autre pierre, qu'avec le fer qui est d'un genre tout différent? Et bien que quelques uns, pour reduire toutes les convenances a la ressemblance, asseurent que le fer tire le fer, et l'aymant tire l'aymant, si est ce qu'ilz ne sçauroyent rendre rayson pourquoy l'aymant tire plus puyssamment le fer, que le fer ne tire le fer mesme.

  A004000237 

 Or, il en est de mesme de l'amour humain, car il se prend quelquefois plus fortement entre des personnes de contraires qualités, qu'entre celles qui sont fort semblables..

  A004000239 

 Mais quand cette mutuelle correspondance est conjointe avec la ressemblance, l'amour sans doute s'engendre bien plus puissamment; car la similitude estant la vraye image de l'unité, quand deux choses semblables s'unissent par correspondance a mesme fin, il semble que ce soit plustost unité qu'union..

  A004000244 

 Et pour nous [50] eslever plus doucement a la consideration de cet amour spirituel qui s'exerce entre Dieu et nous, par la correspondance des mouvemens de nos cœurs avec les inspirations de sa divine Majesté, il employe une perpetuelle representation des amours d'un chaste berger et d'une pudique bergere.

  A004000246 

 En cette sorte on applique une bouche a l'autre quand on se bayse, pour tesmoigner qu'on voudroit verser les ames l'une dedans l'autre reciproquement, pour les unir d'une union parfaitte; et pour cela en tout tems et entre les plus saintz hommes du monde, le bayser a esté le signe de l'amour et dilection.

  A004000253 

 Mais a quelle sorte d'union tend-il? N'aves-vous pas remarqué, Theotime, que l'Espouse sacree exprime son souhait d'estre unie avec son Espoux, par le bayser, et que le bayser represente l'union spirituelle qui se fait par la reciproque communication des ames? Certes, c'est l'homme qui ayme, mais il ayme par la volonté, et partant, la fin de son amour est de la nature de sa volonté: mais sa volonté est spirituelle, c'est pourquoy l'union que son amour pretend est aussi spirituelle; d'autant plus que le cœur, siege et source de l'amour, non seulement ne seroit pas perfectionné par l'union qu'il auroit aux choses corporelles, mays en seroit avili.

  A004000254 

 A mesure que nostre ame s'employe a plus d'operations [55], ou de mesme sorte ou de diverse sorte, elle les fait moins parfaitement et vigoureusement; parce que, estant finie, sa vertu d'agir l'est aussi, si que, fournissant son activeté a diverses operations, il est force que chacune d'icelles en ayt moins.

  A004000255 

 Ce n'est pas que je ne sache ce qu'on dit de Cesar, et que je ne croye ce que tant de grans personnages ont asseuré d'Origene, que leur attention pouvoit a mesme tems s'appliquer a plusieurs objetz; mais pourtant, chacun confesse qu'a mesure qu'ilz l'appliquoyent a plus d'objetz, elle estoit moindre en chacun d'iceux.

  A004000255 

 Il y a donq de la difference entre voir, ouyr, ou sçavoir plus, et voir, ouyr, ou sçavoir mieux; car qui void mieux void moins, et qui void plus ne void pas si bien.

  A004000255 

 Nous avons trois sortes d'actions amoureuses: les spirituelles, les raysonnables et les sensuelles; quand l'amour escoule sa force par toutes ces trois operations, il est sans doute plus estendu, mais moins tendu, et quand il ne s'escoule que par une sorte d'operation, il est plus tendu, quoy que moins estendu.

  A004000256 

 Au contraire, ceux qui, allechés des playsirs sensuelz, appliquent leurs ames a la jouissance d'iceux, ilz descendent de leur moyenne condition a la plus basse des bestes brutes, et meritent autant d'estre appellés brutaux par leurs operations comme ilz sont hommes par leur nature: malheureux, en ce qu'ilz ne sont hors d'eux mesmes que pour entrer en une condition infiniment indigne de leur estat naturel..

  A004000256 

 Ceux donques qui, touchés des voluptés divines et intellectuelles, laissent ravir leur cœur aux sentimens d'icelles, sont voirement hors d'eux mesmes, c'est a dire au dessus de la condition de leur nature; mais par une bienheureuse et desirable sortie, par laquelle, entrans en un estat plus noble et relevé, ilz sont autant anges par l'operation de leur ame, [57] comme ilz sont hommes par la substance de leur nature, et doivent estre ditz ou anges humains ou hommes angeliques.

  A004000256 

 Les philosophes anciens ont reconneu qu'il y avoit deux sortes d'extases, dont l'une nous portoit au dessus de nous mesmes, et l'autre nous ravaloit au dessous de nous mesmes: comme s'ilz eussent voulu dire que l'homme estoit d'une nature moyenne entre les Anges et les bestes, participant de la nature angelique en sa partie intellectuelle et de la nature bestiale en sa partie sensitive; et que neanmoins il pouvoit, par l'exercice de sa vie et par un continuel soin de soy mesme, s'oster et deloger de cette moyenne condition; d'autant que, s'appliquant et exerçant beaucoup aux actions intellectuelles, il se rendoit plus semblable aux Anges qu'il ne l'estoit aux bestes; que s'il s'appliquoit beaucoup aux actions sensuelles, il descendoit de sa moyenne condition et s'approchoit de celle des bestes: et parce que l'extase n'est autre chose que la sortie qu'on fait de soy mesme, de quel costé que l'on en sorte on est vrayement en extase.

  A004000257 

 Ainsy ces hommes angeliques qui sont ravis en Dieu et aux choses celestes, perdent tout a fait, tandis que leur extase dure, l'usage et l'attention des sens, le mouvement et toutes actions exterieures, parce que leur ame, pour appliquer sa vertu et activeté plus entierement et attentivement a ce divin object, la retire et ramasse de toutes ses autres facultés, pour la contourner de ce costé la.

  A004000257 

 Et de mesme les hommes brutaux, ravis en la volupté sensuelle, et particulierement quand c'est en celle du sens general, perdent tout a fait l'usage et l'attention de la rayson et de l'entendement, parce que leur miserable ame, pour sentir plus entierement et attentivement l'object brutal, se divertit des operations spirituelles, pour s'enfoncer et convertir du tout aux bestiales et brutales; imitans en cela mystiquement, les uns, Helie, ravi en haut sur le char enflammé entre les Anges, et les autres, Nabuchodonosor, abruti et ravalé au rang des bestes farouches..

  A004000257 

 Or, a mesure que l'extase est plus grande, ou au dessus de nous ou au dessous de nous, plus elle empesche nostre ame de retourner a soy mesme et de faire les operations contraires a l'extase en laquelle elle est.

  A004000258 

 Maintenant je dis que, quand l'ame prattique l'amour par les actions sensuelles et qui la portent au dessous de soy, il est impossible qu'elle n'affoiblisse d'autant [58] plus l'exercice de l'amour superieur; de sorte que, tant s'en faut que l'amour vray et essentiel soit aydé et conservé par l'union a laquelle l'amour sensuel tend, qu'au contraire il s'affoiblit, se dissipe et perit par icelle.

  A004000260 

 Vous voyés donques bien, Theotime que ces unions qui regardent les complaysances et passions animales, non seulement ne servent de rien a la production et conservation de l'amour, mais luy sont grandement nuisibles et l'affoiblissent extremement: aussi, quand l'inceste Ammon, qui pasmoit et perissoit d'amour pour Thamar, eut passé jusques aux unions sensuelles et brutales, il fut tellement privé de l'amour cordial, qu'onques plus il ne la peut voir, et la poussa indignement dehors, violant aussi cruellement le droit de l'amour comme il avoit violé impudemment celuy du sang..

  A004000261 

 Ainsy l'amour se peut bien treuver es unions des puissances sensuelles meslees avec les unions des puissances intellectuelles, mais non jamais si excellemment comme il fait lhors que les seulz espritz et courages, separés de toutes affections corporelles, jointz ensemble, font l'amour pur et spirituel; car l'odeur des affections ainsy meslees, est non seulement plus suave et meilleure, mays plus vive, plus active et plus solide.

  A004000261 

 Le basilique, le romarin, la marjoleine, l'hysope, le clou de girofle, la cannelle, la noix muscade, les citrons et le musc, mis ensemble et demeurans en cors, rendent voirement une odeur bien aggreable par le meslange de leur bonne senteur; mays non pas a beaucoup pres de ce que fait l'eau qui en est distillee, en laquelle les suavités de tous ces ingrediens, separees de leur cors, se meslent beaucoup plus excellemment, s'unissans en une tres parfaite odeur qui penetre bien plus l'odorat qu'elles ne feroient pas, si avec elle et son eau les cors des ingrediens se treuvoyent conjointz et unis.

  A004000262 

 Il est vray que plusieurs, ayans l'esprit grossier, terrestre et vil, estiment la valeur de l'amour comme celle des pieces d'or, desquelles les plus grosses et pesantes sont les meilleures et plus recevables; car ainsy leur est-il advis que l'amour brutal soit plus fort, parce qu'il est plus violent et turbulent; plus solide, parce qu'il est grossier et terrestre; plus grand, parce qu'il est plus sensible et farouche: mais au contraire, l'amour est comme le feu, duquel plus la matiere est delicate, aussi les flammes en sont plus claires et belles, et lesquelles on ne sçauroit mieux esteindre qu'en les deprimant et couvrant de terre; car de mesme, plus le sujet de l'amour est relevé et spirituel, plus ses actions sont vives, subsistantes et permanentes, et ne sçauroit-on mieux ruiner l'amour que de l'abbaisser aux unions viles et terrestres.

  A004000262 

 «Il y a cette difference,» comme dit saint Gregoire, «entre les playsirs spirituelz et les corporelz: que les corporelz donnent du desir avant qu'on les ayt, et du desgoust quand on les a; mais les spirituelz, au contraire, donnent du desgoust avant qu'on les ayt, et du playsir quand on les a.» Si que l'amour animal, qui pretend par l'union qu'il fait a la chose aymee de combler et perfectionner sa complaisance, treuvant qu'au contraire il la destruit en la terminant, demeure grandement desgousté de telle union: qui a fait dire au grand Philosophe, que presque tout animal, apres la jouissance de son plus ardent et pressant playsir corporel, demeuroit triste, morne et estonné, comme un [61] marchand qui, ayant pensé gaigner beaucoup, se treuve trompé et engagé dans une rude perte; ou au contraire, l'amour intellectuel treuvant en l'union qu'il fait a son objet plus de contentement qu'il n'avoit esperé, y perfectionnant sa complaisance, il la continue en s'unissant et s'unit tous-jours plus en la continuant..

  A004000269 

 Or, cette portion superieure peut discourir selon deux sortes de lumieres: ou bien selon la lumiere naturelle, comme ont fait les philosophes et tous ceux qui ont discouru par science; ou selon la lumiere surnaturelle, comme font les theologiens et chrestiens, entant qu'ilz establissent leurs discours sur la foy et parole de Dieu revelee, et encor plus particulierement ceux desquelz [63] l'esprit est conduit par des particulieres illustrations, inspirations et esmotions celestes.

  A004000272 

 Or, ce n'est pas pourtant a dire qu'il y ait en l'homme deux ames, ou deux natures, comme pensoient les Manicheens: «Non,» dit saint Augustin, livre huitiesme de ses Confessions, chapitre dixiesme, «ains la volonté, allechee par divers attraitz, esmeüe par diverses raysons, semble estre divisee en soy mesme, tandis qu'elle est tiree de deux costés, jusques a ce que prenant parti selon sa liberté, elle suit ou l'un ou l'autre;» car alhors la plus puissante volonté surmonte, et gaignant le dessus, ne laisse a l'ame que le ressentiment du mal que le debat luy a fait, que nous appelions contrecœur..

  A004000273 

 Mais l'exemple de nostre Sauveur est admirable pour ce sujet, et apres la consideration duquel il n'y a plus a douter de la distinction de la portion superieure et inferieure de l'ame; car, qui ne sçait, entre les theologiens, qu'il fut parfaittement glorieux des l'instant de sa conception au ventre de la Vierge? et neanmoins il fut a mesme tems sujet aux tristesses, regretz et afflictions de cœur.

  A004000277 

 Nostre rayson, ou pour mieux dire nostre ame entant qu'elle est raysonnable, est le vray temple du grand Dieu, lequel y reside plus particulierement.

  A004000278 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor la lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dedans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de la clarté que l'ouverture de la porte rendoit; et toute la veüe qui se fait en la supreme pointe de l'ame est en certaine façon obscurcie et couverte par les renoncemens et resignations que l'ame fait, ne voulant pas tant regarder et voir la beauté de la verité et la verité de la bonté qui luy est presentee, qu'elle veut l'embrasser et l'adorer: de sorte que l'ame voudroit presque fermer les yeux, soudain qu'elle a commencé a. voir la dignité de la volonté de Dieu, affin que, sans s'occuper davantage a la considerer, elle peust plus puissamment et parfaitement l'accepter et, par une complaysance absolue, s'unir infiniment et se sous-mettre a elle..

  A004000290 

 Et de fait, en nostre langage mesme, les motz de cher, cherement, encherir, representent une certaine estime, un prix, une valeur particuliere; de sorte que, comme le mot d'homme parmi le peuple est presque demeuré aux masles, comme au sexe plus excellent, et celuy d'adoration est aussi presque demeuré pour Dieu, comme pour son principal object, ainsy le nom de charité est demeuré a l'amour de Dieu, comme a la supreme et souveraine dilection..

  A004000294 

 Mais le grand saint Denis, comme excellent Docteur de la proprieté des noms divins, parle bien plus avantageusement en faveur du nom d'amour; enseignant que les theologiens, c'est a dire les Apostres et premiers disciples d'iceux (car ce Saint n'avoit point veu d'autres theologiens), [72] pour desabuser le vulgaire et dompter la fantasie d'iceluy, qui prenoit le nom d'amour en sens prophane et charnel, ilz l'ont plus volontier employé es choses divines que celuy de dilection; et quoy qu'ilz estimassent que l'un et l'autre estoit pris pour une mesme chose, «il a toutefois semblé a quelques uns d'entre eux que le nom d'amour estoit plus propre et convenable a Dieu que celuy de dilection; si que le divin Ignace a escrit ces paroles: Mon amour est crucifié.» Ainsy, comme ces anciens theologiens employoient le nom d'amour es choses divines, affin de luy oster l'odeur d'impureté de laquelle il estoit suspect selon l'imagination du monde, de mesme, pour exprimer les affections humaines, ilz ont pris playsir d'user du nom de dilection, comme exempt du soupçon de deshonnesteté; dont quelqu'un d'entr'eux a dit, au rapport de saint Denis: «Ta dilection est entree en mon ame, ainsy que la dilection des femmes.» En fin, le nom d'amour represente plus de ferveur, d'efficace et d'activeté que celuy de dilection; de sorte qu'entre les Latins, dilection est beaucoup moins qu'amour: «Clodius,» dit leur grand Orateur, «me porte dilection, et pour le dire plus excellemment, il m'ayme.» Et partant, le nom d'amour, comme plus excellent, a esté justement donné a la charité, comme au principal et plus eminent de tous les amours: si que pour toutes ces raysons, et parce que je pretendois de parler des actes de la charité plus que de l'habitude d'icelle, j'ay appellé ce petit ouvrage, Traitté de l'Amour de Dieu.

  A004000294 

 Origene dit en quelque lieu, qu'a son advis, l'Escriture divine voulant empescher que le nom d'amour ne donnast quelque sujet de mauvaise pensee aux espritz infirmes, comme plus propre a signifier une passion charnelle qu'une affection spirituelle, en lieu de ce nom-la d'amour elle a usé de ceux de charité et de dilection, qui sont plus honnestes.

  A004000298 

 Si tost que l'homme pense un peu attentivement a la Divinité, il sent une certaine douce émotion de cœur, qui tesmoigne que Dieu est Dieu du cœur humain; et jamais nostre entendement n'a tant de playsir qu'en cette pensee de la Divinité, de laquelle la moindre connoissance, comme dit le prince des philosophes, vaut mieux que la plus grande des autres choses, comme le moindre rayon du soleil est plus clair que le plus grand de la lune ou des estoiles, ains est plus lumineux que la lune et les estoiles ensemble.

  A004000301 

 C'est donq un doux et desirable rencontre que celuy de l'affluence et de l'indigence, et ne sçauroit-on presque dire qui a plus de contentement, ou le bien abondant a se respandre et communiquer, ou le bien defaillant et indigent a recevoir et tirer, si Nostre Seigneur n'avoit dit que c'est chose plus heureuse de donner que de recevoir.

  A004000301 

 Les meres ont quelquefois leurs mammelles si fecondes et abondantes, qu'elles ne peuvent durer sans les bailler a [75] quelqu'enfant; et bien que l'enfant succe le tetin avec grande avidité, la nourrice le luy donne encor plus ardemment; l'enfant tettant, pressé de sa necessité, et la mere l'allaitant, pressee de sa fecondité..

  A004000301 

 Or, ou il y a plus de bonheur, il y a plus de satisfaction; la divine Bonté a donq plus de playsir a donner ses grâces que nous a les recevoir.

  A004000301 

 Rien n'est si a propos pour l'indigence qu'une liberale affluence, rien si aggreable a une liberale affluence qu'une necessiteuse indigence; et plus le bien a d'affluence, plus l'inclination de se respandre et communiquer est forte, plus l'indigent est necessiteux, plus il est avide de recevoir, comme un vuide de se remplir.

  A004000302 

 Le vin nouveau bouillonne et s'eschauffe en soy mesme par la force de sa bonté, et ne se peut contenir dans les tonneaux, mais vos mammelles sont encores meilleures, elles pressent vostre poitrine par des eslans continuelz, poussant leur laict qui redonde, comme requerant d'estre deschargees: et pour attirer les enfans de vostre cœur a les venir tetter, elles respandent une odeur attrayante plus que toutes les senteurs des parfums.

  A004000307 

 S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee.

  A004000313 

 Ainsy nos espritz, animés d'une sainte inclination naturelle envers la Divinité, ont bien plus de clarté en l'entendement pour voir combien elle est aymable, que de force en la volonté pour l'aymer: car le peché a beaucoup plus debilité la volonté humaine, qu'il n'a offusqué l'entendement, et la rebellion de l'appetit sensuel, que nous appelions concupiscence, trouble voirement l'entendement, mais c'est pourtant contre la volonté qu'il excite principalement la sedition et revolte; si que la pauvre volonté, des-ja toute infirme, estant agitee des continuelz assautz que la concupiscence luy livre, ne peut faire un si grand progres en l'amour divin, comme la rayson et inclination naturelle luy suggerent qu'elle devroit faire.

  A004000313 

 Helas, Theotime, quelz beaux tesmoignages, non seulement d'une grande connoissance de Dieu, mays aussi d'une forte inclination envers iceluy, ont esté laissés par ces grans philosophes, Socrate, Platon, Trismegiste, Aristote, Hippocrate, Seneque, Epictete! Socrate, le plus loüé d'entr'eux, connoissoit clairement l'unité de Dieu, et avoit tant d'inclination a l'aymer que, comme saint Augustin tesmoigne, plusieurs ont estimé qu'il n'enseigna jamais la philosophie morale pour autre occasion que pour espurer les espritz, affin qu'ilz peussent mieux contempler le souverain bien qui est la tres unique Divinité.

  A004000313 

 Les aigles ont un grand cœur et beaucoup de force a voler; elles ont neanmoins incomparablement plus de veüe que de vol, et estendent beaucoup plus viste et plus loin leur regard que leurs aysles.

  A004000317 

 En somme, Theotime, nostre chetifve nature, navree par le peché, fait comme les palmiers que nous avons de deça, qui font voirement certaines productions imparfaittes et comme des essais de leurs fruitz, mais de porter des dattes entieres, meures et assaisonnees, cela est reservé pour des contrees plus chaudes.

  A004000322 

 Il vit que nous estions environnés de chair, un vent qui se dissipe en courant, et qui ne revient plus; c'est pourquoy, selon les entrailles de sa misericorde, il ne nous voulut pas du tout ruiner ni nous oster le signe de sa grace perdue, affin que le regardans, et sentans en nous cette arriance et propension a l'aymer, nous taschassions de ce faire, et que personne ne peust justement dire: [83] Qui nous monstrera le bien? Car encor que par la seule inclination naturelle nous ne puissions pas parvenir au bonheur d'aymer Dieu comme il faut, si est ce que, si nous l'employions fïdellement, la douceur de la pieté divine nous donneroit quelque secours, par le moyen duquel nous pourrions passer plus avant; que si nous secondions ce premier secours, la bonté paternelle de Dieu nous en fourniroit un autre plus grand, et nous conduiroit de bien en mieux, avec toute suavité, jusques au souverain amour auquel nostre inclination naturelle nous pousse: puisque c'est chose certaine qu'a celuy qui est fidele en peu de chose et qui fait ce qui est en son pouvoir, la benignité divine ne denie jamais son assistance pour l'avancer de plus en plus..

  A004000323 

 L'inclination donques d'aymer Dieu sur toutes choses, que nous avons par nature, ne demeure pas pour neant dans nos cœurs: car, quant a Dieu, il s'en sert comme d'une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer a soy, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque façon attachés nos cœurs, comme des petitz oyseaux, par un filet par lequel il nous puisse tirer quand il plaist a sa misericorde d'avoir pitié de nous; et quant a nous, elle nous est un indice et memorial de nostre premier Principe et Createur, a l'amour duquel elle nous incite, nous donnant un secret advertissement que nous appartenons a sa divine Bonté.

  A004000334 

 Nostre esprit est trop foible pour former une pensee qui puisse representer une excellence tant immense, laquelle comprenant en sa tres simple et tres unique perfection, distinctement et parfaittement, toutes autres perfections, en une façon infiniment excellente et eminente que nostre esprit ne peut penser, nous sommes forcés, pour parler aucunement de Dieu, d'user d'une grande quantité de noms, disant qu'il est bon, sage, tout puissant, vray, juste, saint, infini, immortel, invisible; et certes, nous parlons veritablement: Dieu est tout cela ensemble, parce qu'il est plus que tout cela, c'est a dire il l'est en une sorte si pure, si excellente et si relevee, qu'en une tres simple perfection il a la vertu, force et excellence de toute perfection..

  A004000335 

 Ainsy la manne estoit une seule viande, laquelle comprenant en soy le goust et la vertu de toutes les autres viandes, on eut peu dire qu'elle avoit le goust du citron, du melon, du raisin, de la prune et de la poire; mais on eut encor plus veritablement dit qu'elle n'avoit pas tous ces goustz, ains un seul goust qui estoit le sien propre, lequel neanmoins contenoit en son unité tout ce qui pouvoit estre d'aggreable et desirable en toute la diversité des autres goustz; comme l'herbe dodecatheos, «laquelle,» ce dit Pline, «guerissant de toutes, maladies,» n'est ni rhubarbe, ni sené, ni rose, ni betoine, ni buglosse, ains un seul simple qui en l'unique simplicité de sa proprieté a autant de force que tous les autres medicamens ensemble.

  A004000336 

 Mays pourtant, que tout esprit loüe le Seigneur, le nommant de tous les noms les plus eminens qui se pourront treuver; et pour la plus grande loüange que nous luy puissions rendre, confessons que jamais il ne peut estre asses loüé, et pour le plus excellent nom que nous luy puissions attribuer, protestons que son nom est sur tout nom, et que nous ne pouvons le dignement nommer..

  A004000336 

 Non, Theotime, nous ne pouvons jamais le comprendre, puisque, comme dit saint Jean, il est plus grand que nostre cœur.

  A004000341 

 Mays il n'en est pas de mesme en Dieu, car il n'y a en luy qu'une tres simple infinie perfection, et en cette perfection, qu'un seul tres unique et tres pur acte: [90] ains, pour parler plus saintement et sagement, Dieu est une seule, tres souverainement unique et tres uniquement souveraine perfection; et cette perfection est un seul acte tres purement simple et tres simplement pur, lequel n'estant autre chose que la propre essence divine, il est par consequent tous-jours permanent et eternel.

  A004000341 

 Mays nous sommes forcés a cela, Theotime, par nostre imbecillité; car nous ne savons parler sinon selon que nous entendons, et nous entendons selon que les choses ont accoustumé de se passer parmi nous: or, d'autant qu'es choses naturelles il ne se fait presque point de diversité d'ouvrages que par diversité d'actions, quand nous voyons tant de besoignes differentes, une si grande varieté de productions, et cette multitude innumerable des exploitz de la puissance divine, il nous semble d'abord que cette diversité se fait par autant d'actes que nous voyons de differens effectz, et nous en parlons tout de mesme, pour parler plus a nostre ayse, selon nostre prattique ordinaire et la coustume que nous avons d'entendre les choses.

  A004000363 

 Selon nous, ce cas fut inopiné; mais au regard de la Providence, qui regardoit de plus haut et voyoit la concurrence des causes, ce fut un exploit de justice par lequel la superstition de cet homme fut punie..

  A004000364 

 Voyes vous, Theotime, le monde eust appelle fortune [98] ou evenement fortuit ce que Joseph dit estre un projet de la Providence souveraine, qui range et reduit toutes choses a son service; et il en est ainsy de tout ce qui se passe au monde, et mesme des monstres, la naissance desquelz rend les œuvres accomplies et parfaittes plus estimables, produit de l'admiration et provoque a philosopher et faire plusieurs bonnes pensees, et, en somme, ilz tiennent lieu en l'univers comme les ombres es tableaux, qui donnent grace et semblent relever la peinture..

  A004000372 

 Et parce que la nature angelique ne pourroit faire ce peché que par une malice expresse, sans tentation ni motif quelcomque qui la peust excuser, et que d'ailleurs une beaucoup plus grande partie de cette mesme nature demeureroit ferme au service du Sauveur, partant, Dieu, qui avoit si amplement glorifié sa misericorde au dessein de la creation des Anges, voulut aussi magnifier sa justice, et en la fureur de son indignation resolut d'abandonner pour jamais cette triste et malheureuse trouppe de perfides, qui en la furie de leur rebellion l'avoient si vilainement abandonné..

  A004000374 

 Mais affïn que la douceur de sa misericorde fust ornee de la beauté de sa justice, il delibera de sauver l'homme par voÿe de redemption rigoureuse, laquelle ne se pouvant bien faire que par son Filz, il establit qu'iceluy rachetteroit les hommes, non seulement par une de ses actions amoureuses qui eust esté plus que tres suffisante a rachetter mille millions de mondes, mais encor par toutes les innumerables actions amoureuses et passions douloreuses qu'il feroit et souffriroit, jusques a la mort et la mort de la croix, a laquelle il le destina, voulant qu'ainsy il se rendist compaignon de nos miseres, pour nous rendre par apres compaignons de sa gloire.

  A004000378 

 Estant donq ainsy, que toute volonté bien disposee qui se determine de vouloir plusieurs objectz esgalement presens, ayme mieux, et avant tous, celuy qui est le plus aymable, il s'ensuit que la souveraine Providence faisant son eternel projet et dessein de tout ce qu'elle produiroit, elle voulut premierement et ayma, par une preference d'excellence, le plus aymable object de son amour, qui est nostre Sauveur; et puis, par ordre, les autres creatures, selon que plus ou moins elles appartiennent au service, honneur et gloire d'iceluy..

  A004000380 

 Et tant s'en faut que le peché d'Adam ayt surmonté la debonnaireté divine, que tout au contraire il l'a excitee et provoquee: si que, par une suave et tres amoureuse antiperistase et contention, elle s'est revigoree a la presence de son adversaire, et comme ramassant ses forces pour vaincre, elle a fait surabonder la grace ou l'iniquité avoit abondé; de sorte que la sainte Eglise, par un saint exces d'admiration, s'escrie, la veille de Pasques: «O peché d'Adam, a la verité necessaire, qui a esté effacé par la mort de Jesus Christ; o coulpe bien heureuse, qui a mérité d'avoir un tel et si grand Redempteur!» Certes, Theotime, nous pouvons dire comme cet ancien: « Nous estions perdus, si nous n'eussions esté perdus;» c'est a dire, nostre perte nous a esté a prouffit, puisqu'en effect la nature humaine a receu plus de graces par la redemption de son Sauveur, qu'elle n'en eust jamais receu par l'innocence d'Adam, s'il eust perseveré en icelle..

  A004000380 

 Mays donq maintenant, mon Theotime, qui doutera de l'abondance des moyens du salut, puisque nous avons un si grand Sauveur, en consideration duquel nous avons esté faitz, et par les merites duquel nous avons esté rachetés? Car il est mort pour tous, parce [103] que tous estoyent mortz; et sa misericorde a esté plus salutaire pour racheter la race des hommes, que la misere d'Adam n'avoit esté veneneuse pour la perdre.

  A004000381 

 Car encor que la divine Providence ait laissé en l'homme des grandes marques de sa severité parmi la grace mesme de sa misericorde, comme par exemple, la necessité de mourir, les maladies, les travaux, la rebellion de la sensualité, si est-ce que la faveur celeste surnageant a tout cela, prend playsir de convertir toutes ces miseres au plus grand prouffit de ceux qui l'ayment, faysant naistre la patience sur les travaux, le mespris du monde sur la necessité de mourir, et mille victoires sur la concupiscence: et comme l'arc-en-ciel touchant l'espine aspalatus la rend plus odorante que les lys, aussi la redemption de Nostre Seigneur touchant nos miseres, elle les rend plus utiles et aymables que n'eust jamais esté l'innocence originelle.

  A004000381 

 Certes, en l'arrousement du sang de Nostre Seigneur, fait par l' hysope de la Croix, nous avons esté remis en une blancheur incomparablement plus excellente que celle de la neige de l'innocence, sortans, comme Naaman, du fleuve de salut, plus purs et netz que si jamais nous n'eussions esté ladres; affin que la divine Majesté, ainsi qu'elle nous a ordonné de faire, ne fust pas vaincue par le mal, ains vainquist le mal par le bien, que sa misericorde, comme une huyle sacree, se tinst au dessus du jugement, et que ses miserations surmontassent toutes ses œuvres..

  A004000381 

 Les Anges ont plus de joye au Ciel, dit le Sauveur, sur un pecheur penitent, que sur nonante neuf justes, qui [104] n'ont pas besoin de penitence: et de mesme, l'estat de la redemption vaut cent fois mieux que celuy de l'innocence.

  A004000385 

 Dieu, certes, monstre admirablement la richesse incomprehensible de son pouvoir, en cette si grande varieté de choses que nous voyons en la nature, mays il fait encor plus magnifiquement paroistre les thresors infinis de sa bonté, en la difference non pareille des biens que nous reconnoissons en la grace.

  A004000387 

 Et ces ames, en comparayson des autres, sont comme des reynes, tous-jours couronnees de charité, qui tiennent le rang principal en l'amour du Sauveur, apres sa Mere, laquelle est la Reyne des reynes; Reyne, non seulement couronnee d'amour, mays de la perfection de l'amour, et, qui plus est, couronnee de son Filz propre qui est le souverain object de l'amour, puisque les enfans sont la couronne de leurs peres et meres..

  A004000393 

 Mais pourtant, Theotime, quoy que cette tres abondante suffisance de graces soit ainsi versee sur toute la nature humaine, et qu'en cela nous soyons tous esgaux qu'une riche abondance de benedictions nous est offerte a tous, si est-ce neanmoins que la varieté de ces faveurs est si grande, qu'on ne peut dire qui est plus admirable, ou la grandeur de toutes les graces en une si grande diversité, ou la diversité en tant de grandeurs.

  A004000393 

 Qui ne void qu'entre les Chrestiens les moyens du salut sont plus grans et puissans qu'entre les barbares, et que parmi les Chrestiens il y a des peuples et des villes ou les pasteurs sont plus fructueux et capables? Or, de nier que ces moyens exterieurs ne sovent pas des faveurs de la Providence divine, ou de revoquer en doute qu'ilz ne contribuent pas au salut et a la perfection des ames, ce seroit estre ingrat envers la Bonté celeste, et desmentir la veritable experience qui nous fait voir que, pour l'ordinaire, ou ces moyens exterieurs abondent, les interieurs ont plus d'effect et reussissent mieux..

  A004000395 

 Mais il se faut bien garder de jamais rechercher pourquoy la supreme Sagesse a departi une grace a l'un plustost qu'a l'autre, ni pourquoy il fait abonder ses faveurs en un endroit plustost qu'en l'autre: non, Theotime, n'entrés jamais en cette curiosité; car ayans tous suffisamment, ains abondamment, ce qui est requis pour le salut, quelle rayson peut avoir homme du monde de se plaindre, s'il plait a Dieu de departir ses graces plus largement aux uns qu'aux autres? Si quelqu'un s'enqueroit pourquoy Dieu a fait les melons plus gros que les frayses, ou les lys plus grans que les violettes, pourquoy le romarin n'est pas une rose, ou pourquoy l'œillet n'est pas un soucy, pourquoy le paon [110] est plus beau qu'une chauvesouris, ou pourquoy la figue est douce et le citron aigrelet, on se moqueroit de ses demandes et on luy diroit: pauvre homme, puisque la beauté du monde requiert la varieté, il faut qu'il y ait des differentes et inegales perfections es choses, et que l'une ne soit pas l'autre; c'est pourquoy les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus, et les autres moins belles.

  A004000399 

 Hé, dit-il, je suis venu pour mettre le feu au monde, que pretens-je sinon qu'il arde? Mais pour declarer plus vivement l'ardeur de ce desir, il nous commande cet amour en termes admirables: Tu aymeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton ame, de toutes tes forces, c'est le premier et le plus grand commandement. Vray Dieu, Theotime, que le cœur divin est amoureux de nostre amour! Ne suffisoit-il pas qu'il eust publié une permission par laquelle il nous eust donné congé de l'aymer, comme Laban permit a Jacob d'aymer sa belle Rachel et de la gaigner par ses services? Mays non, il declare plus avant sa passion amoureuse envers nous, et nous commande de l'aymer de tout nostre pouvoir, affin que la consideration de sa Majesté et de nostre misere, qui font une tant infinie disparité et inegalité de luy a nous, ni autre pretexte quelconque, ne nous divertist de l'aymer.

  A004000406 

 Il y a certains oyseaux, Theotime, qu'Aristote nomme apodes, parce qu'ayans les jambes extremement courtes et les pieds sans force, ilz ne s'en servent non plus que s'ilz n'en avoyent point: que si une fois ilz prennent terre, ilz y demeurent pris, sans que jamais d'eux mesmes ilz puissent reprendre le vol, d'autant que n'ayans nul usage des jambes ni des pieds, ilz n'ont pas non plus le moyen de se pousser et relancer en l'air; et partant, ilz demeurent la croupissans et y meurent, sinon que quelque vent propice a leur impuissance, jettant ses bouffees sur la face de la terre, les vienne saisir et enlever, comme il fait plusieurs autres choses; car alhors, si employans leurs aysles ilz correspondent a cet eslan et premier essor que le vent leur donne, [115] le mesme vent continue aussi son secours envers eux, les poussant de plus en plus au vol..

  A004000407 

 Mais nous autres humains, nous ressemblons plustost aux apodes: car s'il nous advient de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre et nous attacher aux creatures, ce que nous faysons toutes les fois que nous offençons Dieu, nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entiere qu'il ne nous reste un peu de mouvement, et, avec cela, des jambes et des pieds, c'est a dire quelques menues affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mays cela pourtant est si foible, qu'en verité nous ne pouvons plus de nous mesmes desprendre nos cœurs du peché, ni nous relancer au vol de la sacree dilection, laquelle, chetifz que nous sommes, nous avons perfidement et volontairement quittee..

  A004000407 

 Theotime, les Anges sont comme les oyseaux que, pour leur beauté et rareté, on appelle oyseaux de Paradis, qu'on ne vit jamais en terre que mortz; car ces espritz celestes ne quitterent pas plus tost l'amour divin pour s'attacher a l'amour propre, que soudain ilz tomberent comme mortz, ensevelis es enfers, d'autant que ce que la mort fait es hommes, les separant pour jamais de cette vie mortelle, la cheute le fit es Anges, les separant pour tous-jours de la vie eternelle.

  A004000409 

 Voyés, je vous prie, Theotime, le pauvre prince des Apostres tout engourdi dans son peché en la triste nuit de la Passion de son Maistre: il ne pensoit non plus a se repentir de son peché que si jamais il n'eust conneu son divin Sauveur; et comme un chetif apode atterré, il ne se fust onques relevé, si le coq, comme instrument de la divine Providence, n'eust frappé de son chant a ses oreilles, a mesme que le doux Redempteur, jettant un regard salutaire comme une sagette d'amour, transperça ce cœur de pierre qui rendit par apres tant d'eau, a guise de l'ancienne pierre lhors qu'elle fut frappee par Moyse au desert.

  A004000414 

 Voyés donq derechef, Theotime, que ceux qui ont receu moins d'attraitz sont tirés a la penitence, et ceux qui en ont plus receu s'obstinent; ceux qui ont moins de sujet de venir, viennent a l'eschole de la Sagesse, et ceux qui en ont plus, demeurent en leur folie..

  A004000415 

 Ainsy se fera le jugement de comparayson, comme tous les Docteurs ont remarqué, qui ne peut avoir aucun fondement sinon en ce que les uns, ayans esté favorisés d'autant ou plus d'attraitz que les autres, auront neanmoins refusé leur consentement a la misericorde; et les autres, assistés d'attraitz pareilz, ou mesme moindres, auront suivi l'inspiration et se seront rangés a la tressainte penitence.

  A004000417 

 Comme sera-il donq arrivé que quelques uns des Seraphins, voire le premier de tous, selon la plus probable et commune opinion des Anciens, soyent descheus, tandis qu'une multitude innombrable des autres Anges, inferieurs en nature et en grace, ont excellemment et courageusement perseveré? D'ou vient que Lucifer, tant eslevé par nature et sureslevé par grace, est tombé, et que tant d'Anges, moins avantagés, sont demeurés debout en leur fidelité? Certes, ceux qui ont perseveré en doivent toute la louange a Dieu, qui par sa misericorde les a creés et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, a qui peuvent-ilz attribuer leur cheute sinon, comme dit saint Augustin, a leur propre volonté, qui a par sa liberté quitté la grâce divine qui les avoit si doucement prevenus? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer, qui tout ainsy qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, revestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour qui devoit croistre jusques au [120] midy de la gloire eternelle? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous, mais tu as manqué a la grace; Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour, mais tu privas son amour de ta cooperation; Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection.

  A004000417 

 Mays s'il est vray, comme saint Thomas le preuve extremement bien, que la grace ayt esté diversifiee es Anges a proportion et selon la varieté de leurs dons naturelz, les Seraphins auront eu une grace incomparablement plus excellente que les simples Anges du dernier ordre.

  A004000423 

 A mesure que nostre cœur se dilate, ou, pour mieux parler, a mesure qu'il se laisse eslargir et dilater, et qu'il ne refuse pas le vuide de son consentement a la misericorde divine, elle verse tous-jours et [122] respand sans cesse dans iceluy ses sacrees inspirations, qui vont croissant et nous font croistre de plus en plus en l'amour sacré; mays quand il n'y a plus de vuide et que nous ne prestons pas davantage de consentement, elle s'arreste..

  A004000423 

 Tandis que la pauvre vefve eut des vaysseaux vuides, l'huyle de laquelle Helisee avoit miraculeusement impetré la maltiplication ne cessa jamais de couler, et quand il n'y eut plus de vaysseaux pour la recevoir, elle cessa d'abonder.

  A004000424 

 Mais pourquoy avons-nous abusé de nostre liberté? Theotime, il ne faut pas passer plus avant, car, comme dit saint Augustin, la depravation de nostre volonté ne provient d'aucune cause, ains de la defaillance de la cause qui commet le peché.

  A004000425 

 Et le Saint luy dit: Certes, je me tiens pour le plus grand pecheur du monde, et qui sers le moins Nostre Seigneur.

  A004000425 

 Mais, repliqua frere Rufin, comment pouves vous dire cela en verité et conscience, puisque plusieurs autres, comme l'on void manifestement, commettent plusieurs grans pechés, desquelz, grace a Dieu, vous estes exempt? A quoy saint François respondant: Si Dieu eust favorisé, dit-il, ces autres desquelz vous parles, avec autant de misericorde comme il m'a favorisé, je suis certain que, pour meschans qu'ilz soyent maintenant, ilz eussent esté beaucoup plus reconnoissans des dons de Dieu que je ne suis, et le serviroyent beaucoup mieux que je ne [123] fay; et si mon Dieu m'abandonnoit, je commettrois plus de meschancetés qu'aucun autre.».

  A004000426 

 Aussi, cet apophtegme a esté loué et repeté par tous les plus devotz qui sont venus despuis, entre lesquelz plusieurs ont estimé que le grand apostre saint Paul avoit dit en mesme sens qu'il estoit le premier de tous les pecheurs..

  A004000426 

 Je sçay qu'il parloit ainsy de soy mesme par humilité, mais il croyoit pourtant estre une vraye verité qu'une grace egale, faitte avec une pareille misericorde, puisse estre plus utilement employee par l'un des pecheurs que par l'autre.

  A004000434 

 Mais ce qui est autant admirable que veritable, c'est que quand nostre volonté suit l'attrait et consent au mouvement divin, elle le suit aussi librement comme librement elle resiste, quand elle resiste, bien que le consentement a la grace depende beaucoup plus de la grace que de la volonté, et que la resistance a la grace ne depende que de la seule volonté: tant la main de Dieu est amiable au maniement de nostre cœur, tant elle a de dexterité pour nous communiquer sa force sans nous oster nostre liberté, et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empescher celuy de nostre vouloir; adjustant sa puissance a sa suavité en telle sorte que, comme en ce qui regarde le bien sa puissance nous donne suavement le pouvoir, aussi sa suavité maintient puissamment la liberté de nostre vouloir.

  A004000439 

 Le mesme vent qui releve les apodes se prend premierement a leurs plumes, comme parties plus legeres et susceptibles de son agitation, par laquelle il donne d'abord du mouvement a leurs aysles, les estendant et despliant en sorte qu'elles luy servent de prise pour saisir l'oyseau et l'emporter en l'air.

  A004000439 

 Que si l'apode ainsy enlevé contribue le mouvement de ses aysles a celuy du vent, le mesme vent qui l'a poussé l'aydera de plus en plus a voler fort aysement.

  A004000442 

 C'est pourquoy Pachome se secoue des divertissemens, pour avec plus d'attention et de facilité recueillir et savourer la grace receüe, se retirant a part pour y penser; puis il estend son cœur et ses mains au ciel, ou l'inspiration l'attire, et commençant a desployer les aysles de ses affections, voletant entre la desfiance de soy mesme et la confiance en Dieu, il entonne d'un air humblement amoureux le cantique de sa conversion, par lequel il tesmoigne d'abord que des-ja il connoist un seul Dieu, Createur du ciel et de la terre; mais il connoist aussi qu'il ne le connoist pas encor asses pour le bien servir, et partant, il supplie qu'une plus grande connoissance luy soit donnee, affin qu'il puisse par icelle parvenir au parfait service de sa divine Majesté..

  A004000443 

 Mais quelz sont ses attraitz? Le premier, par lequel il nous previent et resveille, se fait par luy «en nous» et «sans nous;» tous les autres se font aussi par luy, et «en nous,» mais non pas «sans nous.» Tires-moy, dit l'Espouse sacree, c'est a dire, commences le premier, car je ne sçaurois m'esveiller de moy mesme, je ne sçaurois me mouvoir si vous ne m'esmouves; mays quand vous m'aures esmeüe, alhors, o le cher Espoux de mon ame, nous courrons nous deux: vous courres devant moy en me tirant tous-jours plus avant, et moy je vous suivray a la course, consentant a vos attraitz; mays que personne n'estime que vous m'allies tirant apres vous comme une esclave forcee ou comme une charrette inanimee; ah non, vous me tires a l'odeur de vos parfums.

  A004000447 

 Et voyci la merveille: car Dieu fait la proposition des mysteres de la foy a nostre ame parmi des obscurités et tenebres, en telle sorte que nous ne voyons pas les verités, ains seulement nous les entrevoyons; comme il arrive quelquefois que la terre estant couverte de brouillars nous ne pouvons voir le soleil, ains nous voyons seulement un peu plus de clarté du costé ou il est, de façon que, par maniere de dire, nous le voyons sans le voir, parce que d'un costé nous ne le voyons pas tant que nous puissions bonnement dire que nous le voyons, et d'autre part nous ne le voyons pas si peu que nous puissions dire que nous ne le voyons point; et c'est ce que nous appelions entrevoir.

  A004000448 

 Mais ne faut il pas qu'en effect je sois infiniment aymable, puisque les sombres tenebres et les espais brouillars entre lesquelz je suis, non pas veüe mais seulement entreveüe, ne me peuvent empescher d'estre si aggreable, que l'esprit, me cherissant sur tout, fendant la presse de toutes autres connoissances, il me fait faire place et me reçoit comme sa reyne, dans le trosne le plus relevé qui soit en son palais, d'ou je donne la loy a toute science et assujettis tout discours et tout sentiment humain? Ouy vrayement, Theotime, tout ainsy que les chefz de l'armee d'Israël se despouillans de leurs vestemens, les mirent ensemble et en firent comme un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, crians: Jehu est roy, de mesme, a l'arrivee de la foy, l'esprit se despouille de tous discours et argumens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux, la reconnoissant comme reyne, et crie avec une grande joye: Vive la foy! Les discours et argumens pieux, les miracles et autres avantages de la religion chrestienne, la rendent certes extremement croyable et connoissable; mays la seule foy la rend creüe et reconneüe, faysant aymer la beauté de sa verité [134] et croire la verité de sa beauté, par la suavité qu'elle respand en la volonté et la certitude qu'elle donne a l'entendement.

  A004000448 

 Mon Dieu, Theotime, pourrois-je bien dire ceci? La foy est la grande amie de nostre esprit, et peut bien parler aux sciences humaines qui se vantent d'estre plus evidentes et claires qu'elle, comme l'Espouse sacree parloit aux autres bergeres: Je suis brune, mais belle.

  A004000453 

 Comme estans exposés aux rayons du soleil de mydi, nous ne voyons presque pas plus tost la clarté que soudain nous sentons la chaleur, ainsy la lumiere de la foy n'a pas plus tost jetté la splendeur de ses verités en nostre entendement, que tout incontinent nostre volonté sent la sainte chaleur de l'amour celeste.

  A004000455 

 Nous sentons quelquefois de certains contentemens qui viennent comme a l'improuveue, sans aucun sujet apparent, et ce sont souvent des presages de quelque plus grande joye: dont plusieurs estiment que nos bons Anges, prevoyans les biens qui nous doivent advenir, nous en donnent ainsy des presentimens; comme au contraire ilz nous donnent des craintes et frayeurs emmi les perilz inconneuz, affin de nous faire invoquer Dieu et demeurer sur nos gardes.

  A004000475 

 Mais cependant, et l'un et l'autre se fait par cet amour desirant qui tend a nostre souverain bien, lequel, a mesure qu'il est plus asseurement esperé, est aussi tous-jours plus aymé; ains l'esperance n'est autre chose que l'amoureuse complaysance que nous avons en l'attente et pretention de nostre souverain bien.

  A004000475 

 Tout y est d'amour, Theotime: soudain que la foy m'a monstre mon souverain bien, je l'ay aymé; et parce qu'il m'estoit absent, je l'ay desiré; et d'autant que j'ay sceu qu'il se vouloit donner a moy, je l'ay derechef plus ardemment aymé et desiré, car aussi sa bonté est d'autant plus aymable et desirable qu'elle est plus disposee a se communiquer.

  A004000483 

 Nous aymons nos bienfacteurs, parce qu'ilz sont telz envers nous; mais nous les aymons plus ou moins, selon qu'ilz sont ou plus grans ou moindres bienfacteurs.

  A004000484 

 Or, quand je dis que nous aymons souverainement Dieu, je ne dis pas que nous l'aymions pour cela du souverain amour, car le souverain amour n'est qu'en la charité; mais en l'esperance l'amour est imparfait, parce qu'il ne tend pas a sa bonté infinie entant qu'elle est telle en elle mesme, ains seulement entant qu'elle nous est telle: et neanmoins, parce qu'en cette sorte d'amour il n'y a point de plus excellent motif que celuy qui provient de la consideration du souverain bien, nous disons que par iceluv nous aymons souverainement, quoy qu'en verité nul, par ce seul amour, ne puisse ni observer les commandemens de Dieu ni avoir la vie eternelle, parce que c'est un amour qui donne plus d'affection que d'effect, quand il n'est pas accompagné de la charité..

  A004000491 

 Le bon homme Epictete fait un souhait de mourir en vray Chrestien (comme il est fort probable qu'aussi fit il), et, entre autres choses, il dit qu'il seroit content s'il pouvoit en mourant eslever ses mains a Dieu et luy dire: «Je ne vous ay point, quant a ma part, fait de deshonneur;» et de plus, il veut que son philosophe face un serment admirable a Dieu de ne jamais desobeir a sa divine Majesté, ni blasmer ou accuser chose quelconque qui arrive de sa part, ni de s'en plaindre en façon que ce soit; et ailleurs il enseigne que Dieu et «nostre bon Ange » sont presens a nos actions.

  A004000494 

 Or cette sorte de repentance, attachee a la science et dilection de Dieu que la nature peut fournir, estoit une dependance de la religion morale; mays comme la rayson naturelle a donné plus de connoissance que d'amour aux philosophes, qui ne l'ont pas glorifié a [148] proportion de la notice qu'ilz en avoyent, aussi la nature a fourni plus de lumiere pour faire entendre combien Dieu estoit offencé par le peché, que de chaleur pour exciter le repentir requis a la reparation de l'offence..

  A004000495 

 Neanmoins, bien que la penitence religieuse ayt en quelque façon esté reconneüe par quelques uns des philosophes, si est ce que ç'a esté si rarement et foiblement, que ceux qui ont eu la reputation d'estre les plus vertueux d'entre eux, c'est a dire les Stoïciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais: dequoy ilz ont fait une maxime autant contraire a la rayson que la proposition sur laquelle ilz la fondoyent estoit contraire a l'experience, a sçavoir, que l'homme sage ne pechoit point..

  A004000500 

 Quelquefois encor nous sommes provoqués a pœnitence par la beauté de la vertu, qui nous donne autant de biens que le peché nous cause de maux: et de plus, nous y sommes maintefois excités par l'exemple des Saintz; car, qui eut jamais peu voir les exercices de l'incomparable pœnitence de Magdeleine, de Marie Ægiptiaque ou des penitens du monastere surnommé [150] Prison, dont saint Jean Clymacus a fait la description, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés, puisque la seule lecture de l'histoire y provoque ceux qui ne sont pas du tout hebetés?.

  A004000504 

 Et prenes garde que je ne dis pas que ces repentances rejettent l'amour de Dieu, mais je dis seulement qu'elles [151] ne le comprennent pas; elles ne le repoussent pas, mais elles ne le contiennent pas; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas forclos, mais il n'y est pas non plus enclos.

  A004000511 

 Theotime, parmi les tribulations et regretz d'une vive repentance, Dieu met bien souvent dans le fond de nostre cœur le feu sacré de son amour; puis cet amour se convertit en l'eau de plusieurs larmes, lesquelles, par un second changement, se convertissent en un autre plus grand feu d'amour.

  A004000517 

 Ains plustost, la fin de la pœnitence est dans le commencement de l'amour, comme le pied d'Esaü estoit dans la main de Jacob; de telle façon que lhors qu'Esaü achevoit sa naissance, Jacob commençoit la sienne, la fin de la naissance de l'un estant jointe, liee, et qui plus est, environnee du commencement de la naissance de l'autre; car ainsy le commencement de l'amour parfait ne suit pas seulement la fin de la pœnitence, mais il s'attache, il se lie, et, pour le dire en un mot, ce commencement d'amour se mesle avec la fin de la repentance, et en ce moment du meslange, la pœnitence et contrition merite la vie eternelle..

  A004000517 

 Ni ne faut pas non plus s'estonner que la force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit formé; puisque nous voyons que par la reflexion des rayons du soleil battant sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et propre qualité du feu, s'augmente petit a petit si fort, qu'elle commence a brusler avant qu'elle ayt bonnement produit le feu, ou, au moins, avant que nous l'ayons apperceu.

  A004000522 

 Comme s'il eut voulu dire: Je ne suis plus dans l'obscurité de la nuit d'infidelité, des-ja les rayons de vostre foy esclairent sur l'orison de mon ame, mais neanmoins je ne croy pas encor convenablement, c'est une connoissance encor toute foyble et meslee de tenebres; helas, Seigneur, secoures moy.

  A004000522 

 Et personne, certes, ne pouvoit mieux sçavoir les difficultés qui se passent ordinairement entre le premier mouvement que Dieu fait en nous et la parfaite resolution de bien croire, que saint Augustin, qui, ayant receu une si grande varieté d'attraitz, par les paroles du glorieux saint Ambroyse, par la conference faite avec Potitian et mille autres moyens, ne laissa pas neanmoins d'user de tant de remises et d'avoir tant de peyne a se resoudre; si que a luy, de vray, plus qu'a nul autre, on eust peu bien dire, ce qu'il dit par apres aux autres: Helas, Augustin, si tu n'es pas tiré, si tu ne croys pas, «prie que tu sois tiré» et que tu croyes..

  A004000523 

 Que si nous ne repoussons point la grace du saint amour, elle se va dilatant par des continuelz accroissemens dedans nos ames, jusques a ce qu'elles soyent entierement converties: comme les grans fleuves, qui treuvans les playnes ouvertes se respandent et prennent tous-jours plus de place..

  A004000525 

 Voyes vous, Theotime, elle ne prieroit pas si elle n'estoit excitee, mais si tost qu'elle l'est et qu'elle sent les attraitz, elle prie qu'on la tire; estant tiree elle court, mays elle ne courroit pas si les parfums qui l'attirent, et par lesquelz on la tire, ne luy avivoient le cœur par la force de leur odeur precieuse; et comme elle court plus fort et qu'elle s'approche de plus pres de son celeste Espoux, elle sent tous-jours plus delicieusement les suavités qu'il respand, jusques a ce qu'en fin luy mesme s'escoule dedans son cœur par maniere de bausme respandu, si qu'elle s'escrie, comme surprise de ce contentement, non si tost attendu et inopiné: O mon Espoux, vous estes un bausme versé dans mon sein! ce n'est pas merveille si les jeunes ames vous cherissent.

  A004000526 

 Que si nous ne la repoussons pas, elle vient avec nous et nous environne, pour nous inciter et pousser tous-jours plus avant; et si nous ne l'abandonnons, elle ne nous abandonne point qu'elle ne nous ayt rendus au port de la tressainte charité, faysant pour nous les troys offices que le grand ange Raphaël fit pour son cher Tobie: car elle nous guide en tout nostre voyage de la sainte pœnitence, elle nous garentit des perilz et des assautz du diable, et nous console, anime et fortifie en nos difficultés..

  A004000531 

 Il est choisi, dit l'Espouse sacree, entre mille: elle dit entre mille, mais elle veut dire entre tous; c'est pourquoy cette dilection n'est pas dilection de simple excellence, ains une dilection incomparable, car la charité ayme Dieu par une estime et preference de sa bonté, si haute et relevee au dessus de toute autre estime, que les autres amours, ou ne sont pas vrays amours en comparayson de cestuy-cy, ou s'ilz sont vrays amours, cestuy-cy est infiniment plus qu'amour.

  A004000532 

 Nous l'appelions donq amitié surnaturelle pour cela, et de plus encor, parce qu'elle regarde Dieu et tend a luy, non selon la science naturelle que nous avons de sa bonté, mais selon la connoissance surnaturelle de la foy.

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000542 

 Detestable, tu seras assis! hé, ne connois-tu pas que tu es au chemin, et que le chemin n'est pas fait pour s'asseoir mais pour marcher? Et il est tellement fait pour marcher, que marcher s'appelle cheminer; et Dieu, parlant a l'un de ses plus grans amis: Marche, luy dit-il, devant moy, et sois parfait..

  A004000543 

 La charité donq, entre nous, peut estre perfectionnee jusques a l'infini, mais exclusivement; c'est a dire, la charité peut estre rendue de plus en plus et tous-jours plus excellente, mais non pas que jamais elle puisse estre infinie.

  A004000544 

 Cependant, c'est une faveur extreme pour nos ames, qu'elles puissent croistre sans fin de plus en plus en l'amour de leur Dieu, tandis qu'elles sont en cette vie caduque,.

  A004000552 

 Or, comme au thresor du Temple, les deux petites pittes de la pauvre vefve furent [171] estimees, et qu'en effect, par l'addition des petites pieces, les thresors s'aggrandissent et leur valeur s'augmente d'autant, ainsy les moindres petites bonnes œuvres, quoy que faites un peu laschement et non selon toute l'estendue des forces de la charité que l'on a, ne laissent pas d'estre aggreables a Dieu et d'avoir leur valeur aupres de luy: de sorte qu'encor que d'elles mesmes elles ne puissent pas causer aucun accroissement a l'amour precedent, estans de moindre vigueur que luy, la Providence divine toutefois, qui en tient compte et par sa bonté en fait estat, les recompense soudain de l'accroissement de la charité pour le present, et de l'assignation d'une plus grande gloire au Ciel pour l'advenir..

  A004000553 

 Theotime, les abeilles font le miel delicieux qui est leur ouvrage de haut prix, mays la cire, qu'elles font aussi, ne laisse pas pour cela de valoir quelque chose et de rendre leur travail recommandable: le cœur amoureux doit tascher de produire ses œuvres avec grande ferveur et de haute estime, afhn d'augmenter puissamment sa charité; mays si, toutefois, il en produit de moindres, il ne perdra point la recompense, car Dieu luy en sçaura gré, c'est a dire l'en aymera tous-jours un peu plus.

  A004000554 

 A mesure que nous regardons plus vivement nostre ressemblance qui paroist en un miroüer, elle nous regarde aussi plus attentivement; et a mesure que Dieu jette plus amoureusement ses doux yeux sur nostre ame, qui est faitte a son image et semblance, nostre ame reciproquement regarde sa divine Bonté plus attentivement et ardemment, correspondant selon sa petitesse a tous les accroissemens que cette souveraine Douceur fait de son divin amour envers elle.

  A004000559 

 Helas, cela l'estonna extremement et le fit presque tomber luy mesme a cœur failli de l'autre costé, car il l'aymoit plus que sa propre vie.

  A004000559 

 Neanmoins, le mesme amour qui luy donna ce grand assaut de douleur, luy donna quant et quant la force de le soustenir, et il le mit en action pour, avec une promptitude nompareille, remedier au mal de la chere compaigne de sa vie: si que, ouvrant de vistesse un buffet qui estoit la, il prend une eau cordiale infiniment pretieuse, et en ayant rempli sa bouche, il ouvre de force les levres et les dens serrees de cette bienaymee princesse; puis, soufflant et jettant cette pretieuse liqueur qu'il tenoit en sa bouche, dedans celle de sa pauvre pasmee, et espluyant au nez, sur les temples et sur l'endroit du cœur d'icelle le reste de la phiole, il la fit en fin revenir a soy et reprendre sentiment; puis il la releve doucement, et a force de remedes il la revigore et ravive en telle sorte, qu'elle commença a se lever sur pied et se promener tout bellement avec luy; mays non pas toutefois sans son ayde: car il l'alloit relevant et soustenant par dessous le bras, jusques a ce qu'en fin il luy mit un epitheme de si grande vertu et si pretieux sur l'endroit du cœur, que lhors, se sentant tout a fait remise en sa [174] premiere santé, elle marchoit toute seule d'elle mesme, son cher espoux ne la soustenant plus si fort, ains seulement luy tenant doucement sa main droite entre les siennes et son bras droit replié sur le sien et sur sa poitrine.

  A004000559 

 Un grand et brave roy ayant espousé une tres aymable jeune princesse, et l'ayant un jour menee en un cabinet fort retiré pour s'entretenir avec elle plus a souhait, apres quelques discours il la vid tomber pasmee devant luy, par certain accident inopiné.

  A004000560 

 Mais puisqu'il n'est plus requis qu'il employe son amour a mourir pour nous, quand il void l'ame ainsy precipitee en l'iniquité il accourt pour l'ordinaire a son ayde, et d'une misericorde nompareille entr'ouvre la porte du cœur, par des eslans et remors de conscience qui procedent de plusieurs clartés et apprehensions qu'il a jettees dedans nos espritz, avec des mouvemens salutaires, par le moyen desquelz, comme par des eaux odorantes et vitales, il fait revenir l'ame a soy et la remet en des bons [175] sentimens.

  A004000562 

 il la va tous-jours animant de plus en plus; 3.

  A004000565 

 A cette cause, la sainte Eglise nous fait si souvent exclamer: «Excités nos cœurs, o Seigneur;» «O Dieu prevenes nos actions en aspirant sur nous, et en nous aydant accompaignes nous;» O Seigneur, soyes prompt a nous secourir, et semblables: affin que par telles prieres nous obtenions la grace de pouvoir faire des œuvres excellentes et extraordinaires et de faire plus frequemment et fervemment [178] les ordinaires, comme aussi de resister plus ardemment aux menues tentations et combattre hardiment les plus grandes..

  A004000590 

 Car ce don n'est autre chose que l'assemblage et la suite de divers appuis, soulagemens et secours, par le moyen desquelz nous continuons en l'amour de Dieu jusques a la fin: comme l'education, eslevement ou nourrissage d'un enfant, n'est autre chose qu'une multitude de sollicitudes, aydes, secours et autres telz offices necessaires a un enfant, exercés et continués envers iceluy, jusques a l'aage auquel il n'en a plus besoin..

  A004000591 

 En plusieurs, au contraire, la perseverance est plus longue, comme en sainte Anne la prophetesse, en saint Jean l'Evangeliste, saint Paul premier hermite, saint Hilarion, saint Romuald, saint François de Paule: et ceux-ci ont eu besoin de mille sortes de diverses assistances, selon la varieté des adventures de leur pelerinage et de la duree d'iceluy..

  A004000592 

 Tous-jours neanmoins la perseverance est le don le plus desirable que nous puissions esperer en cette vie, et lequel, comme parle le sacré Concile, «nous ne pouvons avoir d'ailleurs que de Dieu, qui seul peut affermir celuy qui est debout, et relever celuv qui tumbe;» c'est pourquoy il le faut continuellement demander, employant les moyens que Dieu nous a enseignés pour l'obtenir: l'orayson, le jeusne, l'aumosne, l'usage des Sacremens, la hantise des bons, l'ouÿe et la lecture des saintes paroles..

  A004000594 

 Ainsy, trescher Theotime, nous devons, selon l'advis du saint Concile, «mettre toute nostre esperance en Dieu qui parachèvera nostre salut qu'il a commencé en nous, pourveu que nous ne manquions pas a sa grace.» Car il ne faut pas penser que celuy qui dit au paralitique: Va et ne veuille plus pecher, ne luy donnast aussi le pouvoir d'eviter le vouloir qu'il luy defendoit; et certes, il n'exhorteroit jamais les fideles a perseverer, s'il n'estoit prest a leur en donner le pouvoir.

  A004000615 

 Demeurons donq en paix, et servons Dieu pour estre siens en cette vie mortelle, et encores plus en l'eternelle..

  A004000626 

 Or, non seulement chacun en particulier aura plus d'amour au Ciel qu'il n'en eut jamais en terre, mays l'exercice de la moindre charité qui soit en la vie celeste sera de beaucoup plus heureux et excellent, a parler generalement, que celuy de la plus grande charité qui soit, ou ayt esté, ou qui sera en cette vie caduque, car la haut tous les Saintz prattiquent leur amour incessamment, sans remise quelconque, tandis qu'ici bas les plus grans serviteurs de Dieu, tirés et tirannisés des necessités de cette vie mourante, sont contrains de souffrir mille et mille distractions qui les ostent souvent de l'exercice du saint amour..

  A004000626 

 Quand, apres les travaux et hazards de cette vie mortelle, les bonnes ames arrivent au port de l'eternelle, elles montent au plus haut et dernier degré d'amour auquel elles puissent parvenir; et cet accroissement final leur estant conferé pour recompense de leurs merites, il leur est departi, non seulement a bonne mesure, mais encor a mesure pressee, entassee et qui respand de toutes pars par dessus, comme dit Nostre Seigneur: de sorte que l'amour qui est donné pour salaire est tous-jours plus grand en un chacun que [189] celuy lequel luy avoit esté donné pour meriter.

  A004000628 

 Certes, il n'y a pas de l'apparence que la charité du grand saint Jean, des Apostres et hommes apostoliques n'ait esté plus grande, tandis mesme qu'ilz vivoyent ici bas, que celle des petitz enfans, qui mourans en la seule grace baptismale, jouissent de la gloire immortelle..

  A004000628 

 Il y a donq plus de contentement, de suavité et de perfection, en l'exercice de l'amour sacré parmi les habitans du Ciel, qu'en celuy des pelerins de cette miserable terre; mais il y a bien eu pourtant des gens si heureux en leur pelerinage, que leur charité y a esté plus grande que celle de plusieurs Saintz des-ja jouissans de la Patrie eternelle.

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire non plus que les hommes mortelz ayent plus de charité que les immortelz; et toutefois il y en a eu de mortelz qui, estans inferieurs en l'exercice de l'amour aux immortelz, les ont neanmoins devancés en la charité et habitude amoureuse.

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire que les bergers soyent plus vaillans que les soldatz; et toutefois David, petit berger, [190] venant en l'armee d'Israël, treuva que tous estoyent plus habiles aux exercices des armes que luy, qui neanmoins se treuva plus vaillant que tous.

  A004000629 

 Et comme mettans en comparayson un fer ardent avec une lampe allumee, nous disons que le fer a plus de feu et de chaleur, et la lampe plus de flamme et de clarté, aussi, mettans un enfant glorieux en parangon avec saint Jean encor prisonnier ou saint Paul encor captif, nous dirons que l'enfant au Ciel a plus de clarté et de lumiere en l'entendement, plus de flamme et d'exercice d'amour en la volonté, mays que saint Jean ou saint Paul ont eu en terre plus de feu de charité et plus de chaleur de dilection..

  A004000633 

 Et en fin, l'amour maternel, le plus pressant, le plus actif, le plus ardent de tous, amour infatigable et insatiable, que ne devoit-il pas faire dans le cœur d'une telle Mere et pour le cœur d'un tel Filz?.

  A004000633 

 Et passant plus outre, je pense encor que comme la charité de cette Mere d'amour surpasse celle de tous les Saintz du Ciel en perfection, aussi l'a-elle exercee plus excellemment, je dis mesme en cette vie mortelle.

  A004000633 

 La virginité de son cœur et de son cors fut plus digne et plus honnorable que celle des Anges; c'est pourquoy son esprit, non divisé ni partagé, comme saint Paul parle, estoit t out occupé a penser aux choses divines, comme elle plairoit a son Dieu.

  A004000633 

 Tous les Saintz et les Anges ne sont comparés qu'aux estoiles, et le premier d'entre [191] eux a la plus belle d'entre elles: mais celle cy est belle comme la lune, aysee d'estre choisie et discernee entre tous les Saintz, comme le soleil entre les astres.

  A004000637 

 Mais combien donq y a-il plus d'apparence que la Mere du vray Salomon ait eu l'usage de rayson en son sommeil, c'est a dire, comme Salomon mesme la fait parler, que son cœur ait veillé tandis qu'elle dormoit? Certes, que saint Jean eust l'exercice de son esprit dans le [194] ventre mesme de sa mere, ce fut une bien plus grande merveille: et pourquoy donques en refuserions nous une moindre a celle pour laquelle et a laquelle Dieu a fait plus de faveurs qu'il ne fit ni fera jamais pour tout le reste des creatures?.

  A004000638 

 En somme, comme l'abeston, pierre pretieuse, conserve a jamais le feu qu'il a conceu, par une proprieté nompareille, ainsy le cœur de la Vierge Mere demeura perpetuellement enflammé du saint amour qu'elle receut de son Filz; mays avec cette difference, que le feu de l'abeston qui ne peut estre esteint, ne peut non plus estre agrandi.

  A004000638 

 Et les flammes sacrees de la Vierge ne pouvant ni perir, ni diminuer, ni demeurer en mesme estat, ne cesserent jamais de prendre des accroissemens incroyables jusques au Ciel, lieu de leur origine; tant il est vray que cette Mere est la Mere de belle dilection, c'est a dire, la plus aymable comme la plus amante, et la plus amante comme la plus aymee Mere de cet unique Filz, qui est aussi le plus aymable, le plus amant et le plus aymé Filz de cette unique Mere..

  A004000643 

 A mesure que nos sens rencontrent des objetz aggreables et excellens, ilz s'appliquent plus ardemment et avidement a la jouissance d'iceux: plus les choses sont belles, aggreables a la veüe et deüement esclairees, plus [195] l'œil les regarde avidement et vivement; et plus la voix ou musique est douce et souefve, plus elle attire l'attention de l'oreille.

  A004000643 

 La verité est l'objet de nostre entendement, qui a, par consequent, tout son contentement a descouvrir et connoistre la verité des choses; et selon que les verités sont plus excellentes nostre entendement s'applique plus delicieusement et plus attentivement a les considerer..

  A004000643 

 Si que chaque objet exerce une puissante mais amiable violence sur le sens qui luy est destiné; violence qui prend plus ou moins de force selon que l'excellence est moindre ou plus grande, pourveu qu'elle soit proportionnee a la capacité du sens qui en veut jouir: car l'œil qui se plaist tant en la lumiere, n'en peut pourtant supporter l'extremité et ne sçauroit regarder fixement le soleil; et pour belle que soit une musique, si elle est forte et trop proche de nous, elle nous importune et offence nos oreilles.

  A004000644 

 Quel playsir pensés-vous, Theotime, qu'eussent ces anciens philosophes qui conneurent si excellemment tant de belles verités en la nature? Certes, toutes les voluptés ne leur estoyent rien en comparayson de leur bien-aymee philosophie, pour laquelle quelques uns d'entre eux quittèrent les honneurs, les autres des grandes richesses, d'autres leur païs; et s'en est treuvé tel qui, de sens rassis, s'est arraché les yeux, se privant pour jamais de la jouissance de la belle et aggreable lumiere corporelle, pour s'occuper plus librement a considerer la verité des choses par la lumiere spirituelle, car on lit cela de Democrite; tant la connoissance de la verité est delicieuse: dont Aristote a dit fort souvent que la felicité et beatitude humaine consiste en la sapience, qui est la connoissance des verités eminentes..

  A004000645 

 Ah! dit saint Hierosme a son Paulin, «le docte Platon ne sceut onques ceci, l'eloquent Demosthenes l'a ignoré.» O que vos paroles, dit ce grand Roy, sont douces, Seigneur, a mon palais, plus douces que le miel a ma bouche! Nostre cœur n'est oit-il pas tout ardent, tandis qu'il nous parloit en chemin? disent ces heureux pelerins d'Emaüs, parlant des flammes amoureuses dont ilz estoyent touchés par la parole de la foy..

  A004000645 

 Mais lhors que nostre esprit, eslevé au dessus de la lumiere naturelle, commence a voir les verités sacrees de la foy, o Dieu, Theotime, quelle allegresse! L'ame se fond de playsir, oyant la parole de son celeste Espoux, qu'elle treuve plus douce et souefve que le miel de toutes les sciences humaines.

  A004000650 

 Alexandre ayant englouti tout ce bas monde, qu'en effect, qu'en esperance, ouït dire a un chetif homme du monde qu'il y avoit encor plusieurs autres mondes; et comme un petit enfant qui veut pleurer pour une pomme qu'on luy refuse, cet Alexandre que les mondains appellent le Grand, plus fol neanmoins qu'un petit enfant, se prend a pleurer a chaudes larmes dequoy il n'y avoit pas apparence qu'il peust conquerir les autres mondes, puisqu'il n'avoit encor pas l'entiere possession de celuy cy.

  A004000650 

 Celuy qui jouissant plus pleinement du monde que jamais nul ne fit, en est toutefois si peu content qu'il pleure de tristesse dequoy il n'en peut avoir d'autres, que la folle persuasion d'un miserable cajolleur luy fait imaginer: dites-moy, je vous prie, Theotime, monstre-il pas que la soif de son cœur ne peut estre assouvie en cette vie, et que ce monde n'est pas suffisant pour le desalterer? O admirable, mays aymable inquietude du cœur humain! Soyes, soyes a jamais sans repos ni tranquillité quelcomque en cette terre, mon ame, jusques a ce que vous ayes rencontré les fraisches eaux de la vie immortelle et la tressainte Divinité, qui seules peuvent esteindre vostre alteration et accoiser vostre desir..

  A004000650 

 Le desir qui precede la jouissance aiguise et affine le ressentiment d'icelle, et plus le desir a esté pressant et puissant, plus la possession de la chose desiree est aggreable et delicieuse.

  A004000650 

 O Jesus! mon cher Theotime, quelle joye pour le cœur humain de voir la face de la Divinité, face tant desiree, ains face l'unique desir de nos ames! Nos cœurs ont une soif qui ne peut estre estanchee par les contentemens de la vie mortelle; contentemens desquelz les plus estimés et pourchassés, [198] s'ilz sont moderés, ilz ne nous desalterent pas, et s'ilz sont extremes, ilz nous estouffent.

  A004000650 

 On les desire neanmoins tous-jours extremes, et jamais ilz ne le sont qu'ilz ne soyent excessifz, insupportables et dommageables; car on meurt de joye comme on meurt de tristesse, ains la joye est plus active a nous ruiner que la tristesse.

  A004000651 

 Ce pendant, Theotime, imaginés-vous, avec le Psalmiste, ce cerf, qui mal mené par la meute n'a plus ni vent ni jambes, comme il se fourre avidement dans l'eau qu'il va questant, avec quelle ardeur il se presse et serre dans cet element: il semble qu'il se voudroit volontier fondre et convertir en eau, pour jouir plus pleinement de cette fraischeur.

  A004000656 

 Quand nous regardons quelque chose, quoy qu'elle nous soit presente elle ne s'unit pas a nos yeux elle mesme, ains seulement leur envoye une certaine representation ou image d'elle mesme, que l'on appelle espece sensible, par le moyen de laquelle nous voyons; et quand nous contemplons ou entendons quelque chose, ce que nous entendons ne s'unit pas non plus a nostre entendement sinon par le moyen d'une autre representation et image, tres delicate et spirituelle, que l'on nomme espece intelligible.

  A004000658 

 O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement.

  A004000675 

 Mais de plus, parce que cet amour est un acte qui procede reciproquement du Pere et du Filz, il ne peut estre ni le Pere ni le Filz desquelz il est procedé, quoy qu'il ait la mesme bonté et substance du Pere et du Filz, ains faut que ce soit une troisiesme Personne divine, laquelle avec le Pere et le Filz ne soit qu'un seul Dieu; et d'autant que cet amour est produit par maniere de souspirs ou d'inspirations, il est appellé Saint Esprit..

  A004000689 

 Mais, o Dieu, si l'amitié humaine est tant agreablement aymable et respand une odeur si delicieuse sur ceux qui la contemplent, que sera-ce, mon bienaymé Theotime, de voir l'exercice sacré de l'amour reciproque du Pere envers le Filz eternel! Saint Gregoire Nazianzene raconte que l'amitié incomparable qui estoit entre luy et son grand saint Basile estoit celebree par toute la Grece, et Tertulien tesmoigne que les payens admiroient cet amour plus que fraternel qui regnoit entre les premiers Chrestiens: o quelle feste, quelle solemnité! de quelles louanges et benedictions doit estre celebree, de quelles admirations doit estre honnoree et aymee l'eternelle et souveraine amitié du Pere et du Filz! Qu'y a-il d'aymable et d'amiable si l'amitié ne l'est pas? et si l'amitié est amiable et aymable, quelle amitié le peut estre en comparayson de cette infinie amitié qui est entre le Pere et le Filz, et qui est un mesme Dieu tres unique avec eux? Nostre cœur, Theotime, s'abismera d'amour, en l'admiration de la beauté et suavité de l'amour que ce Pere eternel et ce Filz incomprehensible prattiquent divinement et eternellement.

  A004000694 

 Les plongeons, dit Pline, qui pour pescher les pierres precieuses s'enfoncent dans la mer, prennent de l'huyle en leur bouche, affin que le respandant ilz ayent plus de jour pour voir dedans les eaux entre lesquelles ilz nagent: Theotime, l'ame bienheureuse estant enfoncee et plongee dans l'ocean de la divine essence, Dieu respandra dans son entendement la sacree lumiere de gloire, qui luy fera jour en cet abisme de lumiere inaccessible, affin que par la clarté de la gloire nous voyions la clarté de la Divinité:.

  A004000704 

 Or, ce sera cette lumiere de gloire, Theotime qui donnera la mesure a la veüe et contemplation des Bien-heureux; et selon que nous aurons plus ou moins de cette sainte splendeur, nous verrons aussi plus ou moins clairement, et par consequent plus ou moins heureusement, la tressainte Divinité, qui, regardee diversement, nous rendra de mesme differemment glorieux.

  A004000705 

 Il en est presqu'ainsy de tous nos sens: entre plusieurs qui oyent une excellente musique, quoy que tous l'entendent toute, les uns pourtant ne l'oyent pas si bien ni avec tant de [211] playsir que les autres, selon que les aureilles sont plus ou moins delicates.

  A004000705 

 La manne estoit savouree toute de quicomque la mangeoit, mais differemment neanmoins, selon la diversité des appetitz de ceux qui la prenoyent, et ne fut jamais savouree totalement, car elle avoit plus de differentes saveurs qu'il n'y avoit de varieté de gousts es Israelites: Theotime, nous verrons et savourerons la haut au Ciel toute la Divinité, mais jamais nul des Bienheureux ni tous ensemble ne la verront ou savoureront totalement; cette infinité divine aura tous-jours infiniment plus d'excellences que nous ne sçaurions avoir de suffisance et de capacité, et nous aurons un contentement indicible de connoistre, qu'apres avoir assouvi tout le desir de nostre cœur et rempli pleynement sa capacité en la jouissance du bien infini, qui est Dieu, neanmoins il restera encor en cette infinité des infinies perfections a voir, a jouïr et posseder, que sa divine Majesté entend et void, elle seule se comprenant soy mesme..

  A004000707 

 O Dieu, que ce qu'ilz voyent est admirable! mais o Dieu, que ce qu'ilz ne voyent pas l'est beaucoup plus! Et toutefois, Theotime, la tressainte beauté qu'ilz voyent estant infinie, elle les rend parfaitement satisfaitz et assouvis; et se contentans d'en jouir selon le rang qu'ilz tiennent au Ciel, a cause de la tres aymable Providence divine qui en a ainsy ordonné, ilz convertissent la connoissance qu'ilz ont de ne posseder pas ni ne pouvoir posseder totalement leur object, en une simple complaysance d'admiration, par laquelle ilz ont une joye souveraine de voir que la beauté qu'ilz ayment est tellement infinie qu'elle ne peut estre totalement conneüe que par elle mesme: car en cela consiste la divinité de cette Beauté infinie, ou la beauté de cette infinie Divinité.

  A004000715 

 En suite dequoy il leur fait faire cette priere: Ne me rejettés point de devant vostre face et ne m'ostés point vostre Saint Esprit; Et ne nous induises point en tentation; affin qu'ilz fassent leur salut avec un saint tremblement et une crainte sacree, sçachans qu'ilz ne sont pas plus invariables et fermes a conserver l'amour de Dieu que le premier Ange avec ses sectateurs, et Judas, [215] qui l'ayans receu le perdirent, et en le perdant se perdirent eternellement eux mesmes; ni que Salomon, qui, l'ayant une fois quitté, tient tout le monde en doute de sa damnation; ni que Adam, Eve, David, saint Pierre, qui estans enfans de salut ne laisserent pas de descheoir pour un tems de l'amour sans lequel il n'y a point de salut.

  A004000717 

 Certes, en cette vie mortelle, quoy que nos ames abondent en amour celeste, si est ce que jamais elles n'en sont si pleines que par la tentation cet amour ne puisse sortir; mais la haut au Ciel, quand les suavités de la beauté de Dieu occuperont tout ncstre entendement et les delices de sa bonté assouviront toute nostre volonté, en sorte qu'il n'y aura rien que la plenitude de son amour ne remplisse, nul objet, quoy qu'il penetre jusques a nos cœurs, ne pourra jamais tirer ni faire sortir une seule goutte de la pretieuse liqueur de leur amour celeste; et de penser donner du vent par dessus, c'est a dire decevoir ou surprendre l'entendement, il ne sera plus possible, car il sera immobile en l'apprehension de la verité souveraine..

  A004000717 

 Mays aves-vous jamais veu cette petite merveille que chacun sçait, et de laquelle chacun ne sçait pas la rayson? Quand on perce un tonneau bien plein, il ne respandra point son vin qu'on ne luy donne de l'air par dessus, ce qui n'arrive pas aux tonneaux [216] esquelz il y a des-ja du vuide, car on ne les a pas plus tost ouvertz que le vin en sort.

  A004000718 

 Et quant a nous, tandis que nous sommes en ce monde, nos espritz sont sur la lie et le tartre de mille humeurs et miseres, et par consequent aysés a changer et tourner en leur amour; mais estans au Ciel, ou, comme en ce grand festin descrit par Isaïe, nous aurons le vin purifié de toute lie, nous ne serons plus sujetz au change, ains demeurerons inseparablement unis par amour a nostre souverain Bien.

  A004000718 

 Icy, parmi les crepuscules de l'aube du jour, nous craignons qu'en lieu de l'Espoux nous ne rencontrions quelqu'autre objet qui nous amuse et deçoive; mais quand nous le treuverons la haut ou il repaist et repose au midy de sa gloire, il n'y aura plus moyen d'estre trompés, car sa lumiere sera trop claire, et sa douceur nous liera si serré a sa bonté que nous ne pourrons plus vouloir nous en desprendre..

  A004000719 

 Nous sommes comme le corail, qui dans l'ocean, lieu de son origine, est un arbrisseau pasleverd, foible, flechissant et pliable; mais estant tiré hors du fond de la mer, comme du sein de sa mere, il devient presque [217] pierre, se rendant ferme et impliable, a mesme qu'il change son verd blafastre en un vermeil fort vif: car ainsy, estans encor emmi la mer de ce monde, lieu de nostre naissance, nous sommes sujetz a des vicissitudes extremes, pliables a toutes mains, a la droitte de l'amour celeste par l'inspiration, a la gauche de l'amour terrestre par la tentation; mais si une fois tirés hors de cette mortalité, nous avons changé le pasleverd de nos craintives esperances au vif vermeil de l'asseuree jouissance, jamais plus nous ne serons muables, ains demeurerons a tous-jours arrestés en l'amour eternel..

  A004000724 

 Ainsy la charité est quelquefois tellement alangourie et [218] abbatue dans le cœur qu'elle ne paroist presque plus en aucun exercice, et neanmoins elle ne laisse pas d'estre entiere en la supreme region de l'ame; et c'est lhors que, sous la multitude des pechés venielz, comme sous des cendres, le feu du saint amour demeure couvert et sa lueur estouffee, quoy que non pas amorti ni esteint.

  A004000724 

 Certes, le peché veniel, ni mesme l'affection au peché veniel, n'est pas contraire a l'essentielle resolution de la charité, qui est de preferer Dieu a toutes choses: d'autant que par ce peché nous aymons quelque chose hors de la rayson, mais non pas contre la rayson; nous deferons un peu trop, et plus qu'il n'est convenable, a la creature, mais non pas en la preferant au Createur; nous nous amusons plus qu'il ne faut aux choses terrestres, mais nous ne quittons pas pour cela les celestes: en somme, cette sorte de peché nous retarde au chemin de la charité, mais il ne nous en oste pas, et partant, le peché veniel n'estant pas contraire a la charité, il ne la destruit jamais, ni en tout ni en partie..

  A004000725 

 Dieu fit sçavoir a l'Evesque d'Ephese qu'il avoit delaissé sa premiere charité; ou il ne dit pas qu'il estoit sans charité, mais seulement qu'elle n'estoit plus telle qu'au commencement, c'est a dire qu'elle n'estoit plus prompte, fervente, fleurissante et fructueuse: ainsy que nous avons accoustumé de dire d'un homme, qui de brave, joyeux et gaillard est devenu chagrin, paresseux et maussade: Ce n'est plus celuy d'autrefois; car nous ne voulons pas entendre que ce ne soit pas le mesme selon la substance, mais seulement selon les actions et exercices; et de mesme, Nostre Seigneur a dit qu'es derniers jours la charité de plusieurs se rafroidira, [219] c'est a dire, elle ne sera pas si active et courageuse, a cause de la crainte et de l'ennuy qui oppressera les cœurs.

  A004000728 

 Ce qui arrive d'autant plus aysement, que par le peché veniel l'ame se dispose au mortel; car, comme cet ancien ayant continué a porter tous les jours un mesme veau, le porta en fin encor qu'il fut devenu un gros bœuf, la coustume ayant petit a petit rendu insensible a ses forces l'accroissement d'un si lourd fardeau, ainsy celuy qui s'affectionne a joüer des testons joüeroit en fin des escus, des pistoles, des chevaux, et apres ses chevaux toute sa chevance; qui lasche la.

  A004000729 

 En fin, Theotime, nous disons de ceux qui ont la complexion fort foible, qu'ilz n'ont point de vie, qu'ilz n'en ont pas une once, ou qu'ilz n'en ont pas plein le [221] poing, parce que ce qui doit bien tost finir semble en effect n'estre plus; et ces ames faineantes, addonnees aux playsirs et affectionnees aux choses transitoires, peuvent bien dire qu'elles n'ont plus de charité, puisque si elles en ont, elles sont en voÿe de la perdre bien tost..

  A004000734 

 On void que les pigeons touchés de vanité se pavonnent quelquefois en l'air et font des esplanades ça et la, se mirant en la varieté de leur pennage, et lhors les tierceletz et faucons qui les espient viennent fondre sur eux et les attrappent, ce qu'ilz ne feroient jamais si les pigeons voloient leur droit vol, d'autant qu'ilz ont l'aisle plus roide que les oyseaux de proye.

  A004000735 

 Dieu ne veut pas empescher que nous ne soyons attaqués de tentations, affin que resistans, nostre charité soit plus exercee, et puisse par le combat emporter la victoire et par la victoire obtenir le triomphe; mais que nous ayons quelque sorte d'inclination a nous delecter en la tentation, cela vient de la condition de nostre nature, qui ayme tant le bien que pour cela elle est sujette d'estre allechee par tout ce qui a apparence de bien.

  A004000736 

 Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme..

  A004000736 

 Tel fut le progres de sedition que le desloyal Absalon excita contre son bon pere David; car il mit en avant des propositions bonnes en apparence, lesquelles estant une fois receües par les pauvres Israëlites desquelz la prudence estoit endormie et engourdie, il les sollicita tellement qu'il les reduisit a une entiere rebellion: de sorte que David fut contraint de sortir tout espleuré de Hierusalem avec tous ses plus fideles amis, ne laissant en la ville de gens de marque, sinon Sadoc et Abiathar, prestres de l'Eternel, avec leurs enfans; or Sadoc estoit voyant, c'est a dire prophete.

  A004000745 

 Nostre esprit, certes, ne sort pas petit a petit de son cors, ains en un moment, lhors que l'indisposition du cors est si grande qu'il ne peut plus y faire les actions de vie; et de mesme, a l'instant que le cœur est tellement detraqué en ses passions que la charité n'y peut plus regner, elle le quitte et abandonne; car elle est si genereuse qu'elle ne peut cesser de regner sans cesser d'estre..

  A004000745 

 Or nous allons, certes, petit a petit a ce [225] mespris de Dieu, mais nous n'y sommes pas plus tost parvenus, que soudain, en un moment, la sainte charité se separe de nous, ou, pour mieux dire, elle perit tout a fait.

  A004000752 

 Comme ce seroit une effronterie impie de vouloir attribuer aux forces de nostre volonté les œuvres de l'amour sacré que le Saint Esprit fait en nous et avec nous, aussi seroit-ce une impieté effrontee de vouloir rejetter le defaut d'amour qui est en l'homme ingrat, sur le manquement de l'assistance et grace celeste; car le Saint Esprit crie par tout, au contraire, que nostre perte vient de nous; que le Sauveur a apporté le feu du saint amour, et ne desire rien plus sinon qu'il brusle nos cœurs; que le salut est preparé devant la face de toutes nations, lumiere pour esclairer les Gentilz, et pour la gloire d'Israël; que la divine Bonté ne veut point qu'aucun perisse, mays que tous viennent a la connoissance de la verité; veut que tous hommes soyent sauvés, le Sauveur d'iceux estant venu au monde affin que tous receussent l'adoption des enfans; et le Sage nous advertit clairement: Ne dis point: il tient a Dieu.

  A004000753 

 Plusieurs voyagers, environ l'heure de midi un jour d'esté, se mirent a dormir a l'ombre d'un arbre; mays tandis que leur lassitude et la fraicheur de l'ombrage les tient en sommeil, le soleil s'avançant sur eux leur porta droit aux yeux sa plus forte lumiere, laquelle par l'eclat de sa clarté faisoit des transparences, comme par des petitz esclairs, autour de la prunelle des yeux de ces dormans, et par la chaleur qui perçoit leurs paupieres les força d'une douce violence de s'esveiller.

  A004000756 

 Mays quant a ceux qui demeurent au sommeil de peché, o Dieu, qu'ilz ont une grande rayson de lamenter, gemir, pleurer et regretter! car ilz sont au malheur le plus lamentable de tous.

  A004000763 

 S'indigneroit on pas de la princesse de nostre parabole, si elle se vantoit d'avoir donné la vertu et proprieté aux eaux cordiales et autres medicamens, ou de s'estre guerie elle mesme, parce que si elle n'eust receu les remedes que le roy luy donna et versa dans sa bouche, lhors qu'a moytié morte elle n'avoit presque plus de sentiment, ilz n'eussent point eu d'operation? Ouy, luy diroit-on, ingrate que vous estes, vous pouvies vous opiniastrer a ne point recevoir les remedes, et mesme les ayant receus en vostre bouche vous les pouvies rejetter; mais il n'est pas vray pourtant que vous leur ayés donné la vigueur ou vertu, car ilz l'avoyent [233] par leur proprieté naturelle: seulement, vous aves consenti de les recevoir et qu'ilz fissent leur action; et encor n'eussies-vous jamais consenti, si le roy ne vous eust premierement revigoree et puis sollicitee a les prendre; onques vous ne les eussies receus s'il ne vous eust aydee a les recevoir, ouvrant vostre propre bouche avec ses doigtz et respandant la potion dedans icelle.

  A004000770 

 Car nostre temerité nous presse tous-jours de rechercher pourquoy Dieu donne plus de moyens aux uns qu'aux autres, pourquoy il ne fit entre les Tyriens et Sidoniens les merveilles qu'il fit en Corozaïn et Bethsaïda, puisqu'ilz en eussent si bien fait leur proffït, et en somme, pourquoy il tire a son amour plustost l'un que l'autre..

  A004000774 

 «Alhors,» dit saint Augustin, «ce ne sera plus chose secrette pourquoy l'un plustost que l'autre est eslevé, la cause estant esgale de l'un et de l'autre; ni pourquoy des miracles n'ont pas esté faitz parmi ceux entre lesquelz s'ilz eussent esté faitz ilz eussent fait penitence, et ont esté faitz parmi ceux qui n'estoyent pas pour croire.» Et ailleurs, ce mesme Saint, parlant des pecheurs dont Dieu laisse l'un en son iniquité et en releve l'autre: «Or, pourquoy il retient l'un,» dit-il, «et ne retient pas l'autre, il n'est pas possible de le comprendre ni loysible de s'en enquerir, puisqu'il suffit de savoir qu'il depend de luy qu'on demeure debout, et ne vient pas de luy qu'on tumbe;» et derechef: «Cela est caché et tres esloigné de l'esprit humain, au moins du mien.».

  A004000775 

 Et d'autant qu'il n'estoit pas expedient pour nostre salut que nous eussions connoissance de ces secretz, ains nous estoit plus utile de les ignorer pour nous tenir en humilité, pour cela Dieu ne les a pas voulu reveler, et mesme le saint Apostre n'a pas osé s'en enquerir, ains a tesmoigné l'insuffisance de nostre entendement pour ce sujet, lhors qu'il s'est escrié: O profondité des richesses de la sapience et science de Dieu! » Pourroit on parler plus saintement, Theotime, d'un si saint mystere? Aussi, ce sont les paroles d'un tressaint et judicieux Docteur de l'Eglise.

  A004000775 

 Voyla, Theotime, la plus sainte façon de philosopher en ce sujet; c'est pourquoy j'ay tous-jours treuvé admirable et aymable la sçavante modestie et tres sage humilité du Docteur seraphique saint Bonaventure, au [239] discours qu'il fait de la rayson pour laquelle la Providence divine destine les esleuz a la vie eternelle.

  A004000780 

 Combien de fois nous arrive-il d'ignorer comment et pourquoy les œuvres mesmes des hommes se font? Et donques, dit le mesme saint Evesque de Nazianze, «l'artisan n'est pas ignorant, encor que nous ignorons son artifice, ni de mesme, certes, les choses de ce monde [241] ne sont pas temerairement et imprudemment faites, encor que nous ne sachions pas leurs raysons.» Si nous entrons en la boutique d'un horloger, nous treuverons quelquefois un horologe qui ne sera pas plus gros qu'une orange, auquel il y aura neanmoins cent ou deux cens pieces, desquelles les unes serviront a la monstre, les autres a la sonnerie des heures et du resveille-matin; nous y verrons des petites roues dont les unes vont a droite, les autres a gauche, les unes tournent par dessus, les autres par bas, et le balancier qui a coups mesurés va balançant son mouvement de part et d'autre: et nous admirons comme l'art a sceu joindre une telle quantité de si petites pieces les unes aux autres, avec une correspondance si juste, ne sçachans ni a quoy chasque piece sert ni a quel effect elle est faitte ainsy, si le maistre ne le nous dit, et seulement en general nous sçavons que toutes servent pour la monstre ou pour la sonnerie.

  A004000780 

 On dit que les bons Indois s'amuseront des jours entiers aupres d'un horologe pour ouïr sonner les heures a point nommé, et ne pouvans deviner comme cela se fait, ilz ne dient pas pourtant que c'est sans art et rayson, ains demeurent ravis d'amour et d'honneur envers ceux qui gouvernent les horologes, les admirans comme gens plus qu'humains..

  A004000781 

 Or il ne nous manifeste pas son art, affin que nous l'admirions avec plus de reverence, jusqu'a ce qu'estans [242] au Ciel il nous ravisse en la suavité de sa sagesse, lhors qu'en l'abondance de son amour il nous descouvrira les raysons, moyens et motifs de tout ce qui se sera passé en ce monde au prouffit de nostre salut eternel..

  A004000782 

 Croyons donq, que comme Dieu est le facteur et Pere de toutes choses, aussi en a-il le soin par sa providence qui serre et embrasse toute la machine des creatures, et sur tout croyons qu'il preside a nos affaires, de nous autres qui le connoissons, encor que nostre vie soit agitee de tant de contrarietés d'accidens: dont la rayson nous est inconneüe affin, peut estre, que ne pouvans pas arriver a cette connoissance, nous admirions la rayson souveraine de Dieu qui surpasse toutes choses; car, envers nous, la chose est aysement mesprisee qui est aysement conneüe, mais ce qui surpasse la pointe de nostre esprit, plus il est difficile d'estre entendu, plus aussi il nous excite a une grande admiration.» Certes, les raysons de la providence celeste seroyent bien basses si nos petitz espritz y pouvoyent atteindre; elles seroyent moins aymables en leur suavité et moins admirables en leur majesté, si elles estoyent moins esloignees de nostre capacité..

  A004000788 

 Certes, la vie d'un homme qui, tout alangouri, va petit a petit mourant dans un lit, ne merite presque plus que l'on l'appelle vie, puisque encor qu'elle soit vie, elle est toutefois tellement meslee avec la mort, qu'on ne sçauroit dire si c'est une mort encor vivante ou une vie mourante.

  A004000788 

 Et cet amour qui est en son declin et qui va perissant et defaillant, est appellé amour imparfait; parce que, encores qu'il soit entier en l'ame, il n'y est pas ce semble entierement, c'est a dire, il ne tient quasi plus a l'ame et est sur le point de l'abandonner.

  A004000788 

 Helas, que c'est un piteux spectacle, Theotime! Mais bien plus lamentable est l'estat d'une ame laquelle, ingrate a son Sauveur, va de moment en moment en arriere, se retirant de l'amour divin par certains degrés d'indevotion et de desloyauté, jusques a tant que, l'ayant du tout quitté, elle demeure en l'horrible obscurité de perdition.

  A004000790 

 Que si quelqu' idiot sans experience eust ouy ces repetitions de paroles, il eust creu qu'il y eust eu quelqu'homme au fond du puits qui les eust faites; mais nous sçavions des-ja, par la philosophie, qu'il n'y avoit personne dans le puits qui redist nos paroles, ains que seulement il y avoit quelques concavités, en l'une desquelles nos voix estans ramassees et ne pouvans passer outre, pour ne point perir du tout et employer les forces qui leur restoyent, elles produisoyent des secondes voix, et ces secondes voix, ramassees dans une autre concavité, en produisoyent des troisiesmes, et ces troisiesmes en pareille façon des quatriesmes, et ainsy consecutivement jusques a onze: si que ces voix-la faites dans le puits n'estoyent plus nos voix, ains des ressemblances et images d'icelles.

  A004000791 

 Et cela se fait de la sorte parce que cet amour humain, en l'absence de la charité, n'a plus aucune force surnaturelle pour porter l'ame a l'excellente action de l'amour de Dieu sur toutes choses..

  A004000791 

 Mays la charité estant esloignee, alhors les actions de cet amour sont du tout a luy et [247] n'ont plus l'estime et valeur de la charité; car, comme le baston d'Elisee, en l'absence d'iceluy, quoy qu'en la main du serviteur Giesi qui l'avoit receu de celle d'Elisee, ne faisoit nul miracle, aussi les actions faites en l'absence de la charité, par la seule habitude de l'amour humain, ne sont d'aucun merite ni d'aucune valeur pour la vie eternelle, quoy que cet amour humain ayt appris a les faire de la charité et ne soit que son serviteur.

  A004000795 

 Les parfumiers, quoy qu'ilz ne soyent plus en leurs boutiques, portent long tems l'odeur des parfums qu'ilz ont maniés; ainsy ceux qui ont esté es cabinetz des onguens celestes, c'est a dire en la tressainte charité, ilz en gardent encor quelque tems apres la senteur..

  A004000796 

 Quand le cerf a passé la nuit en quelque lieu, la [248] matinee mesme l'assentiment et le vent en est encor frais, le soir il est plus malaysé a prendre; mais a mesme que ses alleures sont vielles et dures, les chiens vont aussi perdant connoissance.

  A004000806 

 Que si toutefois vous voulies exercer vostre cœur a la vaillance spirituelle par la representation de diverses rencontres et de divers assautz, vous le pourries utilement faire, pourveu qu'apres les actes de cette vaillance imaginaire que vostre cœur aurait fait, vous ne vous estimassies point plus vaillant; car les enfans d'Ephraïm, qui faisoyent merveilles a bien descocher leurs arcs es essays de guerre qu'ilz faisoyent entr'eux, [251] quand ce vint au fait et au prendre, au jour de la bataille, ilz tournerent le dos, et n'eurent seulement pas l'asseurance de mettre leurs fleches au trait ni de regarder la pointe de celles de leurs ennemis..

  A004000819 

 Ainsy, appreuvans le bien que nous voyons en Dieu et nous res-jouissans d'iceluy, nous faysons l'acte d'amour que l'on appelle complaysance, car nous nous playsons du playsir divin infiniment plus que du nostre propre; et c'est cet amour qui donnoit tant de contentement aux Saintz quand ilz pouvoyent raconter les perfections de leur Bienaymé, et qui leur faisoit prononcer avec tant de suavité que Dieu estoit Dieu.

  A004000827 

 Ainsy tirons nous le cœur de Dieu dedans le nostre, et il y respand son baume pretieux; et ainsy se prattique ce que la sainte Espouse dit avec tant d'allegresse: Le Roy de mon cœur m'a menee dans ses cabinetz; nous tressaillirons et nous res-jouirons en vous, nous ramentevans de vos mammelles plus aymables que le vin; les bons vous ayment. Car je vous prie, Theotime, qui sont les cabinetz de ce Roy d'amour, sinon ses tetins qui abondent en varieté de douceurs et suavités? La poitrine et les mammelles de la mere sont les cabinetz des tresors du petit enfant; il n'a point d'autres richesses que celles la, qui luy sont plus pretieuses que l'or et le topaze, plus aymables que le reste du monde..

  A004000828 

 Hé, n'a-elle pas rayson, cette belle ame, de s'escrier: O mon Roy, que vos richesses sont aymables et que vos amours sont riches! Hé, qui en a plus de joye, ou vous qui en jouïsses, ou moy qui m'en res-jouïs? Nous tressaillirons d'allegresse en la souvenance de vostre sein et de vos tetins si leçons en toute excellence de suavité: moy, parce que mon Bienaymé en jouït, vous, parce que vostre bienaymee s'en res-jouït; car ainsy nous en jouissons tous deux, puisque vostre bonté vous fait jouir de ma res-jouissance, et mon amour me fait res-jouir de vostre jouissance.

  A004000829 

 Or, le sang et le lait ne sont non plus differens l'un de l'autre que le verjus et le vin; car comme le verjus, meurissant par la chaleur du soleil, change de couleur, devient vin aggreable et se rend propre a nourrir, aussi le sang, assaisonné par la chaleur du cœur, prend la belle couleur blanche et devient une nourriture grandement convenable aux enfans..

  A004000841 

 Or, quand nous accroissons et renforçons cette premiere complaysance par le moyen [263] de l'exercice de l'amour, ainsy que nous avons declaré es chapitres precedens, alhors nous attirons dedans nostre cœur les perfections divines, et jouissons de la divine bonté par la res-jouissance que nous y prenons, prattiquans cette premiere partie du contentement amoureux que l'Espouse sacree exprime disant: Mon Bien-aymé est a moy; mays parce que cette complaysance amoureuse estant en nous qui l'avons, ne laisse pas d'estre en Dieu en qui nous la prenons, elle nous donne reciproquement a sa divine bonté: si que par ce saint amour de complaysance nous jouissons des biens qui sont en Dieu comme s'ilz estoyent nostres, mays parce que les perfections divines sont plus fortes que nostre esprit, entrant en iceluy elles le possedent reciproquement; de sorte que nous ne disons pas seulement que Dieu est nostre par cette complaysance, mais aussi que nous sommes a luy..

  A004000842 

 Quand donques par cette attraction elle s'est unie au feu, si elle sçavoit parler ne pourroit-elle pas dire: Mon bienaymé feu est mien, puisque je l'ay attiré a moy et que je jouis de ses flammes; mais moy je suis aussi a luy, car si je l'ay tiré a moy, il me reduit en luy comme plus fort et plus noble: il est mon feu et je suis son herbe, je l'attire et il me brusle.

  A004000843 

 Qui est plus l'un a l'autre, ou la perle a l'ouïtre, ou l'ouïtre a la perle? La perle est a l'ouïtre qui l'a attiree a soy, mais l'ouïtre est a la perle laquelle luy donne la valeur et l'estime.

  A004000847 

 Qui desire Dieu en le possedant, ne le desire pas pour le chercher, mais pour exercer cette affection dedans le bien mesme duquel il jouit; car le cœur ne fait pas ce mouvement de desir comme pretendant a la jouissance pour l'avoir, puisqu'il l'a des-ja, mais comme s'estendant en la jouissance laquelle il a; non pour obtenir le bien, mais pour s'y recreer et entretenir; non pour en jouir, mais pour s'y esjouir: ainsy que nous marchons et nous esmouvons pour aller en quelque delicieux jardin, auquel estans arrivés nous ne laissons pas de marcher et nous remuer derechef, non plus pour y venir, mais pour nous pourmener et passer le tems en iceluv; nous avons marché pour aller jouir de l'amenité du jardin, y estans, nous marchons pour nous esjouir en la jouissance d'iceluy..

  A004000851 

 La mort mesme ne peut attrister le cœur qui sçait que son souverain amour est vivant; c'est asses pour l'ame qui ayme, que celuy qu'elle ayme plus que soy mesme soit comblé de biens eternelz, puisqu'elle vit plus en celuy qu'elle ayme qu'en celuy qu'elle anime, ains qu'elle ne vit pas elle mesme, mais son Bienaymé vit en elle.

  A004000858 

 Or, autant de causes aggrandissent la complaysance: a mesure que l'ami nous est plus cher, nous avons plus de playsir en son contentement, et son bien entre plus avant en nostre ame; que si le bien est excellent, nostre joye en est aussi plus grande; mais si nous voyons l'ami en la jouissance d'iceluy, nostre res-jouissance en devient extreme.

  A004000859 

 Ainsy donq il revescut d'une nouvelle vie, parce que la vie de son filz entra dans son esprit par complaysance et l'anima d'un contentement non pareil, duquel se treuvant assouvi et ne tenant plus conte d'aucun autre playsir en comparayson d'iceluy: Il me suffit, dit-il, si mon enfant Joseph est en vie.

  A004000859 

 O Dieu, Theotime, quelle joye, et que ce viellard l'exprime excellemment! car, que veut-il dire par ces paroles: Maintenant je mourray content, puisque j'ay veu ta face, sinon que son allegresse est si grande qu'elle est capable de rendre joyeuse et aggreable la mort mesme, qui est la plus triste et horrible chose du monde?.

  A004000860 

 Dites-moy, je vous prie, Theotime, qui ressent plus le bien de Joseph, ou luy qui en jouit, ou Jacob qui s'en res-jouit? Certes, si le bien n'est bien que pour le contentement qu'il nous donne, le pere en a autant et plus que le filz; car le filz, avec la dignité de vice-roy qu'il possede, a par consequent beaucoup de soin et d'affaires, mais le pere jouit par complaysance et possede purement ce qui est de bon en cette grandeur et dignité de son filz, sans charge, sans soin et sans peyne.

  A004000860 

 Je mourray joyeux, dit-il: helas, qui ne void son contentement? si la mort mesme ne peut troubler sa joye, qui la pourra donq jamais alterer? si son ayse vit emmi les detresses de la mort, qui la pourra jamais esteindre? L'amour est fort comme la mort, et les allegresses de l'amour surmontent les tristesses de la mort, car la mort ne les peut faire mourir, ains les avive: si que, comme il y a un feu qui par merveille se nourrit en une fontayne proche de Grenoble, ainsy que nous sçavons fort asseurement et que mesme le grand saint Augustin atteste, aussi la sainte charité est si forte qu'elle nourrit ses flammes et ses consolations emmi les plus tristes angoisses de la mort, et les eaux des tribulations ne peuvent esteindre son feu.

  A004000864 

 Les angoisses de mon Bienaymé m'ont toute decoloree: car, comme pourroit une fidele amante voir tant de tourmens en celuy qu'elle ayme plus que sa vie, sans en devenir toute transie, havee et dessechee de douleur? les pavillons des nomades, perpetuellement exposés aux injures de l'air et de la guerre, sont presque tous-jours frippés et couvertz de poussiere, et moy, toute exposee aux regretz que par condoleance je reçois des travaux nompareilz de mon divin Sauveur, je suis toute couverte de detresse et transpercee de douleur; mais parce que les douleurs de Celuy que j'ayme proviennent de son amour, a mesure qu'elles m'affligent par compassion elles me delectent par complaysance, car, comme [272] pourroit une fidele amante n'avoir pas un extreme contentement de se voir tant aymee de son celeste Espoux?.

  A004000866 

 Alhors se prattique la douleur de l'amour et l'amour de la douleur; alhors la condoleance amoureuse et la complaysance douloureuse, comme des autres Esaii et Jacob, debattans a qui fera plus d'effort, mettent l'ame en des convulsions et agonies incroyables, et se fait une extase amoureusement douloureuse et douloureusement amoureuse.

  A004000866 

 Car de mesme l'amoureuse complaysance que nous avons prise en l'amour de Nostre Seigneur, rend infiniment plus forte la compassion que [273] nous avons de ses douleurs, comme reciproquement, repassans de la compassion des douleurs a la complaysance des amours, le playsir en est bien plus ardent et relevé.

  A004000866 

 Ce fut cet amour, Theotime, qui attira sur l'amoureux seraphique saint François les stigmates, et sur l'amoureuse angelique sainte Catherine de Sienne les ardentes blesseures du Sauveur: la complaysance amoureuse ayant aiguisé les pointes de la compassion douloureuse, ainsy que le miel rend plus penetrant et sensible l'amertume de l'absynthe, comme au contraire la souefve odeur des roses est affinee par le voysinage des aulx qui sont plantés pres des rosiers.

  A004000867 

 Hé, veut dire le divin amoureux de l'ame, je suis chargé des peynes et sueurs de ma Passion, qui se passa presque toute, ou es tenebres de la nuit ou en la nuit des tenebres que le soleil s'obscurcissant fit au plus fort de son midy; ouvre donq ton cœur devers moy, comme les mereperles leurs escailles du costé du ciel, et je respandray sur toy la rosee de ma Passion, qui se convertira en perles de consolation.

  A004000873 

 Or cet amour de bienveuillance envers Dieu se pratique ainsy: nous ne pouvons desirer d'un vray desir aucun bien a Dieu, parce que sa bonté est infiniment plus parfaite que nous ne sçaurions ni desirer ni penser; le desir n'est que d'un bien futur, et nul bien n'est [275] futur en Dieu, puisque tout bien luy est tellement present que la presence du bien en sa divine Majesté n'est autre chose que la Divinité mesme.

  A004000875 

 C'est encor une sorte de bienveuillance envers Dieu, quand, considerans que nous ne pouvons l'aggrandir en luy mesme, nous desirons de l'aggrandir en nous, c'est a dire de rendre de plus en plus et tous-jours plus grande la complaysance que nous avons en sa bonté.

  A004000875 

 Et Ihors, mon Theotime, nous ne desirons pas la complaysance pour le playsir qu'elle nous donne, mais parce seulement que ce playsir est en Dieu: car, comme nous ne desirons pas la condoleance pour la douleur qu'elle met en nos cœurs, mais parce que cette douleur nous unit et associe a nostre Bienaymé douloureux, ainsy n'aymons-nous pas la complaysance parce, qu'elle nous rend du playsir, mais d'autant que ce playsir se prend en l'union du playsir et bien qui est en Dieu; auquel pour nous unir davantage, nous voudrions nous complaire d'une complaysance infiniment plus grande, a l'imitation de la tressainte Reyne et Mere d'amour, de laquelle l' ame sacree magnifioit et aggrandissoit perpetuellement Dieu; et affin que l'on sceust que cet aggrandissement se faysoit par la complaysance qu'elle avoit en la divine Bonté, elle declare que son esprit avoit tressailli de contentement en Dieu son Sauveur.

  A004000879 

 Donques l'amour de bienveuillance nous fait desirer d'aggrandir en nous de plus en plus la complaysance que nous prenons en la bonté divine, et pour faire cet aggrandissement l'ame se prive soigneusement de tout autre playsir pour s'exercer plus fort a se playre en Dieu.

  A004000879 

 Un religieux demanda au devot frere Gilles, l'un des premiers et plus saintz compaignons de saint François, ce qu'il pourroit faire pour estre plus aggreable a Dieu, et il luy respondit en chantant: «L'une a l'un, l'une a l'un;» ce que par apres expliquant: «Donnes tous-jours,» dit-il, toute vostre ame, qui est une, a Dieu seul, qui est un.» L'ame s'escoule par les playsirs, et la diversité d'iceux la dissipe et l'empesche de se pouvoir appliquer attentivement a celuy qu'elle doit prendre en Dieu.

  A004000880 

 Le desir d'aggrandir la sainte complaysance retranche tout autre playsir, pour plus fortement prattiquer celuy auquel la divine bienveuillance l'excite..

  A004000880 

 Mays il ne l'appelle pas plus tost par son nom, que toute fondue en playsir: Hé Dieu, dit elle, mon Maistre! Rien certes ne la peut assouvir, elle ne sçauroit se playre avec les Anges, non pas mesme avec son Sauveur s'il ne paroist en la forme en laquelle il luy avoit ravi son cœur.

  A004000881 

 Ainsy David cotte par le menu les œuvres et merveilles de Dieu, en plusieurs de ses Psalmes celestes; et l'amante sacree arrange es Cantiques divins, comme une armee bien ordonnee, toutes les perfections de son Espoux l'une apres l'autre, pour provoquer son ame a la tressainte complaysance, affm de magnifier plus hautement son excellence et d'assujettir encores tous les autres espritz a l'amour de son Ami tant aymable.

  A004000881 

 Or, pour encor mieux magnifier ce souverain Bienaymé, l'ame va tous-jours cherchant la face d'iceluy, c'est a dire, avec une attention tous-jours plus soigneuse et ardente, elle va remarquant toutes les particularités des beautés et perfections qui sont en luy, faysant un progres continuel en cette douce recherche de motifs qui la puissent perpetuellement presser de se plaire de plus en plus en l'incomprehensible bonté qu'elle ayme.

  A004000886 

 Dieu, comblé d'une bonté qui surmonte toute louange et tout honneur, ne reçoit aucun advantage ni surcroist de bien pour toutes les benedictions que nous luy donnons; il n'en est ni plus riche, ni plus grand, ni plus [281] content, ni plus heureux, car son heur, son contentement, sa grandeur et ses richesses ne sont ni ne peuvent estre que la divine infinité de sa bonté.

  A004000886 

 Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire..

  A004000887 

 Ainsy donq, l'ame qui a pris une grande complaysance en l'infinie perfection de Dieu, voyant qu'elle ne peut luy souhaiter aucun aggrandissement de bonté, parce qu'il en a infiniment plus qu'elle ne peut desirer ni mesme penser, elle desire au moins que son nom soit beni, exalté, loüé, honnoré et adoré de plus en plus.

  A004000896 

 Mais ce desir de loüer Dieu que la sainte bienveuillance excite en nos cœurs, Theotime, est insatiable; car l'ame qui en est touchee voudroit avoir des louanges infinies pour les donner a son Bienaymé, parce qu'elle void que ses perfections sont plus qu'infinies: si que, se treuvant bien esloignee de pouvoir satisfaire a son souhait, elle fait des extremes effortz d'affection pour en quelque sorte loüer cette bonté toute louable, et ces effortz de bienveuillance s'aggrandissent admirablement par la complaysance; car a mesure que l'ame treuve Dieu bon, savourant de plus en plus la suavité d'iceluy et se complaysant en son infinie beauté, elle voudroit aussi relever plus hautement les louanges et benedictions qu'elle luy donne.

  A004000896 

 Or, a mesure aussi que l'ame s'eschauffe a loüer la douceur incomprehensible de son Dieu, elle aggrandit et dilate la complaysance qu'elle prend en icelle, et par cet aggrandissement elle s'anime de plus fort a la louange: de sorte que l'affection de complaysance et celle de louange, par ces reciproques poussemens et mutuelles incitations qu'elles font l'une a l'autre, s'entredonnent des grans et continuelz accroissemens.

  A004000897 

 Ainsy les rossignolz se complaysent tant en leur chant, au rapport de Pline, que pour cette complaysance, quinze jours et quinze nuitz durant ilz ne cessent jamais de gazouiller, s'efforçans de tous-jours mieux chanter a l'envi les uns des autres; de sorte que lhors qu'ilz se desgoisent le mieux ilz y ont plus de complaysance, et cet accroissement de complaysance les porte a faire des plus grans effortz de mieux gringotter, augmentant tellement leur complaysance par leur chant et leur chant par leur complaysance, que maintefois on les void mourir, et leur gosier esclatter a force de chanter: oyseaux dignes du beau nom de philomele, puisqu'ilz meurent ainsy en l'amour et pour l'amour de la melodie..

  A004000898 

 O Dieu, mon Theotime, que le cœur ardemment pressé de l'affection de loiier son Dieu reçoit une douleur grandemént delicieuse et une douceur grandement douloureuse, quand, apres mille effortz de louange, il se treuve si court! Helas, il voudroit, ce pauvre rossignol, tous-jours plus hautement lancer ses accens et perfectionner sa melodie, pour mieux chanter les benedictions de son cher Bienaymé! A mesure qu'il lotie il se plait a louer, et a mesure qu'il se plait a loüer il se desplait de ne pouvoir encor mieux louer; et pour se contenter au mieux qu'il peut en cette passion, il fait toute sorte d'effortz, entre lesquelz il tombe en langueur: comme il advenoit au tres glorieux saint François, qui, emmi les playsirs qu'il prenoit a lotier Dieu et chanter ses cantiques d'amour, jettoit une grande affluence de larmes et laissoit souvent tomber de foiblesse ce que pour lhors il tenoit en main, demeurant comme un sacré philomele a cœur failli, et perdant souvent le respirer a force d'aspirer aux louanges de Celuy qu'il ne pouvoit jamais asses lotier..

  A004000899 

 Or l'amant sacré est comme cela: car toutes les facultés de son ame sont autant de tuyaux qu'il a en sa poitrine, pour resonner les cantiques et louanges du Bienaymé; sa devotion, au milieu de toutes, est la langue de son cœur, selon saint Bernard, par laquelle il reçoit la rosee des perfections divines, les sucçant et attirant a soy comme son aliment, par la tressainte complaysance qu'il y prend; et par cette mesme langue de devotion, il fait toutes ses voix d'orayson, de louange, de cantiques, de psalmes, de benedictions, selon le tesmoignage d'une des plus insignes cygales spirituelles qui ait jamais esté ouïe, laquelle chantoit ainsy:.

  A004000916 

 Le cœur atteint et pressé du desir de louer plus qu'il ne peut la divine Bonté, apres divers effortz sort maintefois de soy mesme pour convier toutes les creatures a le secourir en son dessein; comme nous voyons avoir fait les trois enfans en la fornaise, en cet admirable Cantique de benedictions par lequel ilz excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre a rendre graces a Dieu eternel, en le louant et benissant souverainement.

  A004000928 

 L'ame amoureuse voyant qu'elle ne peut assouvir le desir qu'elle a de louer son Bienaymé tandis qu'elle vit entre les miseres de ce monde, et sachant que les louanges qu'on rend au Ciel a la divine Bonté se chantent d'un air incomparablement plus aggreable: O Dieu, dit-elle, que les louanges respandues par ces bienheureux espritz devant le throsne de mon Roy celeste sont louables! que leurs benedictions sont dignes d'estre benites! o que de bonheur d'ouïr cette melodie de la tressainte eternité, en laquelle, par une tres souëfve rencontre de voix dissemblables et de tons dispareilz, se font ces admirables accors esquelz toutes les parties avançant les unes sur les autres par une suite continuelle et incomprehensible liayson de chasses, on entend de toutes pars retentir des perpetuelz alleluia! Voix pour leur esclat comparees aux tonnerres, aux trompettes, au bruit des vagues de la mer agitee; mais voix qui aussi pour leur incomparable douceur et suavité sont comparees a la melodie des harpes, delicatement et delicieusement sonnees par la main des plus excellens joueurs, et voix qui toutes s'accordent a dire le joyeux cantique paschal: Alleluia, loués Dieu, amen, loués Dieu.

  A004000936 

 Nous allons donq montant en ce saint exercice, de degré en degré, par les creatures que nous invitons a louer Dieu, passans des insensibles aux raysonnables et intellectuelles, et de l'Eglise militante a la triomphante, en laquelle nous nous relevons entre les Anges et les Saintz jusques a ce que, au dessus de tous, nous ayons rencontré la tressainte Vierge, laquelle d'un air incomparable loue et magnifie la Divinité, plus hautement, plus saintement et plus delicieusement que tout le reste des creatures ensemble ne sçauroit jamais faire..

  A004000937 

 Ainsy, Theotime, entre tous les chœurs des hommes et tous les chœurs des Anges, on entend cette voix hautaine de la tressainte Vierge, qui, relevee au dessus de tout, rend plus de louange a Dieu que tout le reste des creatures; aussi le Roy celeste la convie tout particulierement a chanter: [292] Monstre-moy ta face, dit-il, o ma Bienaymee, que ta voix sonne a mes oreilles; car ta voix est toute douce, et ta face toute belle..

  A004000937 

 Estant il y a deux ans a Milan, ou la veneration des recentes memoires du grand Archevesque saint Charles m'avoit attiré avec quelques uns de nos ecclesiastiques, nous ouïsmes en diverses eglises plusieurs sortes de musiques; mais en un monastere de filles, nous ouïsmes une religieuse de laquelle la voix estoit si admirablement delicieuse, qu'elle seule respandoit incomparablement plus de suavité dans nos espritz que ne fit tout le reste ensemble, qui, quoy qu'excellent, sembloit neanmoins n'estre fait que pour donner lustre et rehausser la perfection et l'esclat de cette voix unique.

  A004000938 

 Il passe donq plus avant, et invite le Sauveur de louer et glorifier son Pere eternel de toutes les benedictions que son amour filial luy peut fournir; et lhors, Theotime, l'esprit arrive en un lieu de silence, car nous ne sçavons plus faire autre chose qu'admirer.

  A004000939 

 Il a la veüe de chevreuil, pour penetrer plus avant que nul autre en la beauté de l'object sacré qu'il veut louer; il ayme la melodie de la gloire et louange de son Pere plus que tous, c'est pourquoy il fait des tressaillemens de louanges et benedictions au dessus de tous.

  A004000939 

 Voyés comme ce cher Ami s'eslance; le voyci qu'il vient tressaillant es plus hautes montaignes, outrepassant les collines: sa voix retentit au dessus des Seraphins et de toute creature.

  A004000940 

 Tout y fleurit, tout y respand de la douceur et du parfum: les tourterelles, qui sont les plus sombres de tous les ovseaux, y resonnent neanmoins leurs ramages.

  A004000940 

 Viens, ma bienaymee toute chere, et pour me voir plus clairement, viens es mesmes fenestres par lesquelles je te regarde, viens considerer mon cœur en la caverne de l'ouverture de mon flanc, qui fut faite lhors que mon cors, comme une mayson reduite en masures, fut si piteusement demoli sur l'arbre de la Croix.

  A004000944 

 La louange donq qui part du Sauveur entant qu'il est homme, n'estant pas de tout point infinie, elle ne peut correspondre de toutes pars a la grandeur infinie de la Divinité a laquelle elle est destinee: c'est pourquoy, apres le premier ravissement d'admiration qui nous saisit quand nous avons rencontré une louange si glorieuse [296] comme est celle que le Sauveur donne a son Pere, nous ne laissons pas de reconnoistre que la Divinité est encor infiniment plus louable qu'elle ne peut estre louee, ni par toutes les creatures ni par l'humanité mesme du Filz eternel..

  A004000945 

 Que si c'est cette beauté de la lumiere qui provoque les alouettes a chanter, comme il est fort probable, ce n'est pas merveille si elles chantent plus clairement a mesure qu'elles volent plus hautement, s'eslevant esgalement en chant et en vol, jusques a tant que ne pouvant presque plus chanter elles commencent a descendre de ton et de cors, rabbaissant petit a petit leur vol comme leur voix.

  A004000945 

 Si quelqu'un louoit le soleil a cause de sa lumiere, plus il s'esleveroit vers iceluv pour le louer plus il le treuveroit louable, parce qu'il y verroit tous-jours plus de splendeur.

  A004000964 

 Les chiens les plus sages et mieux dressés tombent souvent en defaut, perdans la piste et le sentiment, pour la varieté des ruses dont les cerfs usent, faisans les horvaris, donnans le change et prattiquans mille malices pour s'eschapper devant la meute: et nous perdons souvent de veüe et de connoissance nostre propre cœur, en l'infinie diversité des mouvemens par lesquelz il se tourne en tant de façons et avec une si grande promptitude qu'on ne peut discerner ses erres..

  A004000969 

 Pour cela, la bienheuree Mere Therese de Jesus treuvoit plus de prouffit, au commencement, es mysteres ou Nostre Seigneur fut plus seul, comme au [304] jardin des Olives et lhors qu'il fut attendant la Samaritaine, car il luy estoit advis qu'estant seul il la «devoit plus tost admettre aupres de luy.».

  A004000970 

 L'amour desire le secret, et quoy que les amans n'ayent rien a dire de secret ilz se playsent toutefois a le dire secretement: et c'est en partie, si je ne me trompe, parce qu'ilz ne veulent parler que pour eux mesmes, et disans quelque chose a haute voix il leur est advis que ce n'est plus pour eux seulz, partie parce qu'ilz ne disent pas les choses communes a la façon commune, ains avec des traitz particuliers et qui ressentent la speciale affection avec laquelle ilz parlent Le langage de l'amour est commun quant aux paroles, mais quant a la maniere et prononciation il est si particulier que nul ne l'entend sinon les amans.

  A004000970 

 Le nom d'ami estant dit en commun n'est pas grande chose, mais estant dit a part, en secret, a l'oreille, il veut dire merveilles; et a mesure qu'il est dit plus secretement, sa signification en est plus aymable.

  A004000979 

 Mays affin qu'on sache que les colombes ne font [308] pas leur grunement seulement es occasions de tristesse, ains encor en celles de l'amour et de la joye, l'Espoux sacré, descrivant le primtems naturel pour exprimer les graces du primtems spirituel, La voix, dit-il, de la tourterelle a esté ouÿe en nostre terre; parce qu'au primtems la tourterelle commence a s'eschauffer d'amour, ce qu'elle tesmoigne par son ramage qu'elle respand plus frequemment.

  A004000981 

 Or telle est l'ame devote en la meditation: elle va de mystere en mystere, non point a la volee ni pour se consoler seulement a voir l'admirable beauté de ces divins objectz, mays destinement et a dessein pour treuver des motifs d'amour ou de quelque celeste affection; et les ayans treuvés elle les tire a soy, elle les savoure, elle s'en charge, et les ayans reduitz et colloqués dedans son cœur, elle met a part ce qu'elle void plus propre pour son avancement, faisant en fin des resolutions convenables pour le tems de la tentation.

  A004000987 

 La veüe de tant de merveilles engendra dans son cœur un extreme amour, et cet amour produisit un nouveau desir de voir tous-jours plus et jouir de la presence de celuy auquel elle les avoit veües, dont elle s'escrie: Hé, que bienheureux sont les serviteurs qui sont tous-jours autour de vous et oyent vostre sapience! Ainsy nous commençons quelquefois a manger pour exciter nostre appetit, mays l'appetit estant resveillé nous poursuivons a manger pour contenter l'appetit; et nous considerons au commencement la bonté de Dieu pour exciter nostre volonté a l'aymer, mays l'amour estant formé dans nos cœurs, nous considerons cette mesme bonté pour contenter nostre amour, qui ne se peut assouvir de tous-jours voir ce qu'il ayme.

  A004000988 

 Il est vray, Theotime, que comme l'ancien Joseph fut la couronne et la gloire de son pere, luy donna un grand accroissement d'honneurs et de contentemens et le fit rajeunir en sa viellesse, ainsy la contemplation couronne son pere, qui est l'amour, le perfectionne et luy donne le comble d'excellence; car l'amour ayant excité en nous l'attention contemplative, cette attention fait naistre reciproquement un plus grand et fervent amour, lequel en fin est couronné de perfections lhors qu'il jouit de ce qu'il ayme.

  A004000988 

 L'amour nous fait plaire en la veüe de nostre Bienaymé, et la veüe du Bienaymé nous fait plaire en son divin amour: en sorte que par ce mutuel mouvement de l'amour a la veüe et de la veüe a l'amour, comme l'amour rend plus belle la beauté de la chose aymee, aussi la veüe d'icelle rend l'amour [313] plus amoureux et delectable.

  A004000988 

 L'amour, par une imperceptible faculté, fait paroistre la beauté que l'on ayme, plus belle, et la veüe pareillement affine l'amour pour luy faire treuver la beauté plus aymable; l'amour presse les yeux de regarder tous-jours plus attentivement la beauté bienaymee, et la veüe force le cœur de l'aymer tous-jours plus ardemment..

  A004000992 

 Mais qui a plus de force, je vous prie, ou l'amour pour faire regarder le Bienaymé ou la veüe pour le faire aymer? Theotime, la connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais nous ne sçaurions aymer ce que nous ne connoissons pas; et a mesure que la connoissance attentive du bien s'augmente, l'amour aussi prend davantage de croissance, pourveu qu'il n'y ayt rien qui empesche son mouvement.

  A004000992 

 Mays neanmoins, il arrive maintefois que la connoissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrestant pas dans les bornes de la connoissance qui est en l'entendement, passe outre et s'avance bien fort au dela d'icelle: si que, en cette vie mortelle, nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance de Dieu; dont le grand saint Thomas asseure que souvent «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour divin que les habiles gens et sçavans.

  A004000994 

 La volonté, certes, ne s'apperçoit pas du bien que [315] par l'entremise de l'entendement, mais l'ayant une fois apperceu elle n'a plus besoin de l'entendement pour prattiquer l'amour, car la force du playsir qu'elle sent ou pretend sentir de l'union a son object, l'attire puissamment a l'amour et au desir de la jouissance d'iceluy.

  A004000994 

 Si que la connoissance du bien donne la naissance a l'amour, mais non pas la mesure; comme nous voyons que la connoissance d'une injure esmeut la cholere, laquelle, si elle n'est soudain estouffee, devient presque tous-jours plus grande que le sujet ne requiert: les passions ne suivant pas la connoissance qui les esmeut, mais la laissant bien souvent en arriere, elles s'avancent sans mesure ni limite quelcomque devers leur object..

  A004000995 

 Nous fouissons la terre pour treuver l'or et l'argent, employans une peyne presente pour un bien qui n'est encor qu'esperé, de sorte que la connoissance incertaine nous met en un travail present et reel; puis, a mesure que nous descouvrons la veine de la miniere, nous en cherchons tous-jours davantage et plus ardemment.

  A004000995 

 Or cela arrive encor plus fortement en l'amour sacré, d'autant que nostre volonté n'y est pas appliquee par une connoissance naturelle, mays par la lumiere de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité du bien qui est en Dieu, nous donne asses de sujet de l'aymer de tout nostre pouvoir.

  A004000996 

 A vostre advis, Theotime, qui aymeroit plus la lumiere, ou l'aveugle né qui sçauroit tous les discours que les philosophes en font et toutes les louanges qu'ilz luy donnent, ou le laboureur qui d'une veüe bien claire sent et ressent l'aggreable splendeur du beau soleil levant? Celuy-la en a plus de connoissance, et celuy-ci plus de jouissance; et cette jouissance produit un amour [316] bien plus vif et animé que ne fait la simple connoissance du discours, car l'experience d'un bien nous le rend infiniment plus aymable que toutes les sciences qu'on en pourroit avoir.

  A004000996 

 Nous commençons d'aymer par la connoissance que la foy nous donne de la bonté de Dieu, laquelle par apres nous savourons et goustons par l'amour, et l'amour aiguise nostre goust et nostre goust affine nostre amour: si que, comme nous voyons entre les effortz des vens les ondes s'entrepresser et s'eslever plus haut, comme a l'envi, par le rencontre qu'elles font l'une de l'autre, ainsy le goust du bien en rehausse l'amour et l'amour en rehausse le goust, selon que la divine Sagesse a dit: Ceux qui me goustent auront encor appetit, et ceux qui me boivent seront encor alterés.

  A004000996 

 Qui ayma plus Dieu, je vous prie, ou le theologien Ocham, que quelques uns ont nommé le plus subtil des mortelz, ou sainte Catherine de Gennes, femme idiote? Celuy la le conneut mieux par science, celle ci par experience, et l'experience de celle ci la conduisit bien avant en l'amour seraphique, tandis que celuy la, avec sa science, demeura bien esloigné de cette si excellente perfection..

  A004000997 

 Avant que les petitz enfans ayent tasté le miel et le sucre, on a de la peyne a le leur faire recevoir en leurs bouches, mays apres qu'ilz ont savouré sa douceur, ilz l'ayment beaucoup plus qu'on ne voudroit et pourchassent esperdument d'en avoir tous-jours..

  A004000998 

 Il faut neanmoins advoüer que la volonté attiree par la delectation qu'elle sent en son object, est bien plus fortement portee a s'unir avec luy quand l'entendement de son costé luy en propose excellemment la bonté, car elle y est alhors tiree et poussee tout ensemble; [317] poussee par la connoissance, tiree par la delectation: si que la science n'est point de soy mesme contraire, ains est fort utile a la devotion, et si elles sont jointes ensemble elles s'entr'aydent admirablement, quoy qu'il arrive fort souvent que, par nostre misere, la science empesche la naissance de la devotion, d'autant que la science enfle et enorgueillit, et l'orgueil, qui est contraire a toute vertu, est la ruine totale de la devotion.

  A004001002 

 La meditation considere par le menu et comme piece a piece les objectz qui sont propres a nous esmouvoir; mays la contemplation fait une veüe toute simple et ramassee sur l'object qu'elle ayme, et la consideration ainsy unie fait aussi un mouvement plus vif et fort.

  A004001003 

 La meditation est semblable a celuy qui odore l'œillet, la rose, le romarin, le thym, le jasmin, la fleur d'orange, l'un apres l'autre, distinctement; mais la contemplation est pareille a celuy qui odore l'eau de senteur composee de toutes ces fleurs: car celuy cy en un seul sentiment reçoit toutes les odeurs unies que l'autre avoit senti divisees et separees, et n'y a point de doute que cette unique odeur qui provient de la confusion de toutes ces senteurs, ne soit elle seule plus suave et pretieuse que les senteurs desquelles elle est composee, odorees separement l'une apres l'autre.

  A004001004 

 Il vid, dit l'Escriture, que la lumiere estoit bonne, que le ciel et la terre estoit une bonne chose; puis les herbes et plantes, le soleil, la lune et les estoiles, les animaux et en somme toutes les creatures, ainsy qu'il les creoit l'une apres l'autre, jusques a ce qu'en fin tout l'univers estant accompli, la divine meditation, par maniere de dire, se changea en contemplation; car, regardant toute la bonté qui estoit en son ouvrage, d'un seul trait de son œil, il vid, dit Moyse, tout ce qu'il avoit fait, et [320] tout estoit tres bon. Les pieces differentes considerees separement par maniere de meditation estoient bonnes, mays regardees d'une seule veüe toutes ensemble, par forme de contemplation, elles furent treuvees tres bonnes: comme plusieurs ruysseaux qui, s'unissans, font une riviere, qui porte des plus grandes charges que la multitude des mesmes ruysseaux separés n'eust sceu faire..

  A004001004 

 Voyes saint Bernard, Theotime; il avoit medité toute la Passion piece a piece, puis de tous les principaux pointz mis ensemble il en fit un bouquet d'amoureuse douleur, et le mettant sur sa poitrine pour convertir sa meditation en contemplation, il s'escria: Mon Bienaymé est un bouquet de myrrhe pour moy! Mays voyes encor plus devotement le Createur du monde, comme en la creation il alla premierement meditant sur la bonté de ses ouvrages, piece a piece, separement, a mesure qu'il les voyoit produitz.

  A004001005 

 Apres que nous avons esmeu une grande quantité de diverses affections pieuses, par la multitude des considerations dont la meditation est composee, nous assemblons en fin la vertu de toutes ces affections; lesquelles de la confusion et meslange de leurs forces font naistre une certaine quintessence d'affection, et d'affection plus active et puissante que toutes les affections desquelles elle procede, d'autant qu'encor qu'elle ne soit qu'une, elle comprend la vertu et proprieté de toutes les autres, et se nomme affection contemplative..

  A004001006 

 Ainsy dit on entre les theologiens que les Anges plus eslevés en gloire ont une connoissance de Dieu et des creatures beaucoup plus simple que leurs inferieurs, et que les especes ou idees par lesquelles ilz voyent sont plus universelles; en sorte que ce que les Anges moins parfaitz voyent par plusieurs especes et divers regars, les plus parfaitz le voyent par moins d'especes et moins de traitz de leur veüe.

  A004001012 

 Et lhors, Theotime, l'ame fait une certaine saillie d'amour, non seulement sur l'action qu'elle considere, mais sur Celuy duquel elle procede: Vous estes bon, Seigneur, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications; Vostre gosier, c'est a dire la parole qui en provient, est très suave, et vous estes tout desirable; Helas, que vos paroles sont douces a mes entrailles, plus que le miel a ma bouche! Ou bien avec saint Thomas: Mon Seigneur et mon Dieu! et avec sainte Magdeleine: Rabboni! ha, mon Maistre!.

  A004001014 

 Et comme mangea-il son bornal avec son miel, sinon quand il vescut d'une vie nouvelle, reunissant son ame, plus douce que le miel, a son cors percé et navré de plus de trous qu'un bornai? Et lhors que, montant au Ciel, il prit possession de toutes les circonstances et dependances de sa divine gloire, que fit-il autre chose, sinon mesler le vin res-jouissant de la gloire essentielle de son ame avec le lait delectable de la felicité parfaite de son cors, en une sorte encor plus excellente qu'il n'avoit pas fait jusques a l'heure?.

  A004001015 

 Or, en tous ces divins mysteres, qui comprennent tous les autres, il y a dequoy bien manger et bien boire pour tous les chers amis, et dequoy s'enivrer pour les treschers amis: les uns mangent et boivent, mais ilz mangent plus qu'ilz ne boivent et ne s'enivrent pas; les autres mangent et boivent, mais ilz boivent beaucoup plus qu'ilz ne mangent, et ce sont ceux qui s'enivrent.

  A004001015 

 Sainte et sacree ivresse, qui, au contraire de la corporelle, nous aliene non du sens spirituel mais des sens corporelz; qui ne nous hebete ni abestit pas, ains nous angelise et, par maniere de dire, divinise; qui nous met hors de nous, non pour nous ravaler et ranger avec les bestes, comme fait l'ivresse terrestre, mais pour nous eslever au dessus de nous et nous ranger avec les Anges, en sorte que nous vivions plus en Dieu qu'en nous mesmes, estans attentifs et occupés par amour a voir sa beauté et nous unir a sa bonté..

  A004001021 

 Car tout ainsy qu'un nouvel esseim ou jetton de mousches a miel, lhors qu'il veut fuir et changer païs, est rappellé par le son que l'on fait doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin emmiellé, ou bien encor par la senteur de quelques herbes odorantes, en sorte qu'il s'arreste par l'amorce de ces douceurs et entre dans la ruche qu'on luy a preparee; de mesme Nostre Seigneur, prononçant quelque secrette parole de son amour, ou respandant l'odeur du vin de sa dilection plus delicieuse que le miel, ou bien evaporant les parfums de ses vestemens, c'est a dire quelques sentimens de ses consolations celestes en nos cœurs, et par ce moyen leur faysant sentir sa tres aymable presence, il retire a soy toutes les facultés de nostre ame, lesquelles se ramassent autour de luy et s'arrestent en luy comme en leur object tres desirable.

  A004001026 

 Certes, je connois une ame a laquelle si tost qu'on mentionnoit quelque mystere ou sentence qui luy ramentevoit un peu plus expressement que l'ordinaire la presence de Dieu, tant en confession qu'en particuliere conference, elle rentroit si fort en elle mesme qu'elle avoit peyne d'en sortir pour parler et respondre; en telle sorte, qu'en son exterieur elle demeuroit comme destituee de vie et tous les sens engourdis, jusques a ce que l'Espoux luy permist.de sortir, qui estoit quelquefois asses tost et d'autres fois plus tard..

  A004001032 

 Et ce qui est encor plus admirable, c'est que la volonté n'apperçoit point cet ayse et contentement qu'elle reçoit, jouissant insensiblement d'iceluy; d'autant qu'elle ne pense pas a soy, mais a Celuy la presence duquel luy donne ce playsir: comme il arive maintefois que, surpris d'un leger sommeil, nous entr'oyons seulement ce que nos amis disent autour de nous ou ressentons les caresses qu'ilz nous font, presque imperceptiblement, sans sentir que nous sentons..

  A004001033 

 Non, Theotime, l'ame ainsy tranquille en son Dieu ne quitteroit pas ce repos pour tous les plus grans biens du monde..

  A004001035 

 O Dieu, quelles delices a ce Benjamin, enfant de la joye du Sauveur, de dormir ainsy entre les bras de son Pere, qui, le jour suivant, comme le Benoni, enfant de douleur, le recommanda aux douces mammelles de sa Mere! Rien n'est plus desirable au petit enfant, soit qu'il veille ou qu'il dorme, que la poitrine de son pere et le sein de sa mere..

  A004001041 

 Elle n'a plus besoin de s'amuser a discourir par l'entendement, car elle void d'une si douce veüe son Espoux present que les discours luy seroyent inutiles et superflus.

  A004001041 

 Mays dites moy, Theotime, l'ame recueillie en son Dieu, pourquoy, je vous prie, s'inquieteroit elle? n'a-elle pas sujet de s'accoiser et demeurer en repos? Car, que chercheroit elle? Elle a treuvé Celuy qu'elle cherchoit; que luy reste-il plus sinon de dire: J'ay treuvé mon cher Bienaymé, je le tiens et ne quitteray point.

  A004001041 

 [334] Hé, la Mere de Dieu, Nostre Dame et Maistresse, estant grosse, ne voyoit pas son divin Enfant, mais le sentant dedans ses entrailles sacrees, vray Dieu, quel contentement en ressentoit-elle! Et sainte Elizabetli, ne jouit-elle pas admirablement des fruitz de la divine presence du Sauveur, sans le voir, au jour de la tressainte Visitation? L'ame non plus n'a aucun besoin, en ce repos, de la memoire, car elle a present son Amant; elle n'a pas aussi besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de se representer en image, soit exterieure soit interieure, celuy de la presence duquel on jouit? De sorte qu'en fin c'est la seule volonté qui attire doucement, et comme en tettant tendrement, le lait de cette douce presence, tout le reste de l'ame demeurant en quietude avec elle, par la suavité du playsir qu'elle prend..

  A004001042 

 O Dieu eternel, quand par vostre douce presence vous jettes les odorans parfums dedans nos cœurs, parfums res-jouissans plus que le vin delicieux et plus que le miel, alhors toutes les puissances de nos ames entrent en un aggreable repos, avec un accoysement si parfait, qu'il n'y a plus aucun sentiment que celuy de la volonté, laquelle, comme l'odorat spirituel, demeure doucement engagee a sentir, sans s'en appercevoir, le bien incomparable d'avoir son Dieu present.

  A004001049 

 Mais je dis tellement attachee, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans en recevoir une grande douleur qui la provoquoit a des gemissemens, lesquelz mesme elle faisoit au plus fort de sa consolation et quietude; comme nous voyons les petitz enfans grommeler et faire des petitz plaintz quand ilz ont ardemment desiré le lait et qu'ilz commencent a tetter; ou comme fit Jacob qui, en baysant.

  A004001050 

 Mays pourtant la paix de l'ame seroit bien plus grande et plus douce si on ne faysoit point de bruit autour d'elle et qu'elle n'eust aucun sujet de se mouvoir ni quant au cœur ni quant au cors, car elle voudroit bien estre toute occupee en la suavité de cette presence divine; mais ne pouvant quelquefois s'empescher d'estre divertie es autres facultés, elle conserve au moins la quietude en la volonté, qui est la faculté par laquelle elle reçoit la jouissance du bien.

  A004001056 

 Et remarqués, je vous prie, qu'il faut plus de soin pour se mettre en la presence de Dieu que pour y demeurer lhors que l'on s'y est mis, car pour s'y mettre il faut appliquer sa pensee et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais quand on s'est mis en cette presence, on s'y tient par plusieurs autres moyens, tandis que, soit par l'entendement, soit par la volonté, on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, le regardant, ou quelque chose pour l'amour de luy; l'escoutant, ou ceux qui parlent pour luy; parlant a luy, ou a quelqu'un pour l'amour de luy, et faisant quelqu'œuvre, quelle qu'elle soit, pour son honneur et service.

  A004001058 

 O vray Dieu, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, d'estre et vouloir tous-jours et a jamais estre en son bon playsir! car ainsy, comme je pense, en toutes occurrences, ouy mesme en dormant profondement, nous sommes encor plus profondement en la tressainte presence de Dieu.

  A004001058 

 Ouy certes, Theotime, car si nous l'aymons, nous nous endormons non seulement a sa veue mais a son gré, et non seulement par sa volonté mais selon sa volonté; et semble que ce soit luy mesme, nostre Createur et Sculpteur celeste, qui nous jette la sur nos litz, comme des statues dans leurs niches, affin que nous nichions dans nos litz comme les oyseaux couchent dans leurs nids; puis a nostre resveil, si nous y pensons bien, nous treuvons que Dieu nous a tous-jours esté present, et que nous ne nous sommes pas non plus esloignés ni separés de luy.

  A004001064 

 Le cœur du Sauveur, vraye perle orientale, uniquement unique et de prix inestimable, jetté au milieu d'une mer d'aigreurs incomparables au jour de sa Passion, se fondit en soy mesme, se resolut, desfit et escoula en douleur sous l'effort de tant d'angoisses mortelles; mays l'amour, plus fort que la mort, amollit, attendrit et fait fondre les cœurs encor bien plus promptement que toutes les autres passions..

  A004001065 

 Le baume est si espais de sa nature qu'il n'est point fluide ni coulant, et plus il est gardé plus il s'espaissit, et en fin s'endurcit devenant rouge et transparent; mais la chaleur le dissout et rend fluide.

  A004001065 

 Mon ame, dit l'amante sacree, s'est toute fondue a mesme que mon Bienaymé a parlé; et qu'est ce a dire, elle s'est fondue, sinon, elle ne s'est plus contenue en elle mesme, ains s'est escoulee devers son divin [344] Amant? Dieu ordonna a Moyse qu'il parlast au rocher, et il produiroit des eaux; ce n'est donq pas merveille si luy mesme fit fondre l'ame de son amante lhors qu'il luy parloit en sa douceur.

  A004001066 

 Et comme nous voyons que les nuees espaissies par le vent de midy, se fondant et convertissant en pluie ne peuvent plus demeurer en elles mesmes, ains tumbent et s'escoulent en bas, se meslant si intimement avec la terre qu'elles destrempent qu'elles ne sont plus qu'une mesme chose avec icelle, ainsy l'ame laquelle, quoy qu'amante, demeuroit encor en elle mesme, sort par cet escoulement sacré et fluidité sainte, et se quitte soy mesme, non seulement pour s'unir au Bienaymé, mais pour se mesler toute et se destremper avec luy..

  A004001066 

 Mays comme se fait cet escoulement sacré de l'ame en son Bienaymé? Une extreme complaysance de l'amant en la chose aymee produit une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucun pouvoir de demeurer en soy mesme; c'est pourquoy, comme un baume fondu, qui n'a plus de fermeté ni de solidité, elle se laisse aller et escouler en ce qu'elle [345] ayme: elle ne se jette pas par maniere d'eslancement ni elle ne se serre pas par maniere d'union, mais elle se va doucement coulant, comme une chose fluide et liquide, dedans la Divinité qu'elle ayme.

  A004001068 

 L'ame escoulee en Dieu ne meurt pas; car, comme pourroit-elle mourir d'estre abismee en la vie? mais elle vit sans vivre en elle mesme, parce que, comme [346] les estoiles sans perdre leur lumiere ne luisent plus en la presence du soleil, ains le soleil luit en elles et sont cachees en la lumiere du soleil, aussi l'ame, sans perdre sa vie, ne vit plus estant meslee avec Dieu, ains Dieu vit en elle.

  A004001072 

 Qui n'ayme pas beaucoup la chose publique, ne se met pas beaucoup en peyne si elle se ruine; qui n'ayme guere Dieu, ne hait non plus guere le peché.

  A004001075 

 Mays, Theotime, parlant de l'amour sacré, il y a en [349] la prattique d'iceluy une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait quelquefois en l'ame qu'il veut grandement perfectionner: car il luy donne des sentimens admirables et des attraitz non pareilz pour sa souveraine bonté, comme la pressant et sollicitant de l'aymer; et lhors elle s'eslance de force comme pour voler plus haut vers son divin objet, mays demeurant courte parce qu'elle ne peut pas tant aymer comme elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A004001075 

 O miserable que je suis, disoit l'un de ceux qui ont experimenté ce travail, qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors, si vous y prenes garde, Theotime, ce n'est pas le desir d'une chose absente qui blesse le cœur, car l'ame sent que son Dieu est present, il l'a des-ja menee dans son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour; mays quoy que des-ja il la voye toute sienne, il la presse, et descoche de tems en tems mille et mille traitz de son amour, luy monstrant par des nouveaux moyens combien il est plus aymable qu'il n'est aymé: et elle, qui n'a pas tant de force pour l'aymer que d'amour pour s'efforcer, voyant ses effortz si imbecilles en comparayson du desir qu'elle a pour aymer dignement Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent outree d'un tourment incomparable; car, autant d'eslans qu'elle fait pour voler plus haut en son desirable amour, autant reçoit-elle de secousses de douleur..

  A004001076 

 Or ce desir qui ne peut reuscir est comme un dard dans le flanc d'un esprit genereux; [350] mais la douleur qu'on en reçoit ne laisse pas d'estre aymable, d'autant que quicomque desire bien d'aymer, ayme aussi bien a desirer, et s'estimeroit le plus miserable de l'univers s'il ne desiroit continuellement d'aymer ce qui est si souverainement aymable: desirant d'aymer il reçoit de la douleur, mays aymant a desirer il reçoit de la douceur..

  A004001077 

 Que si cela n'estoit, leur amour seroit egalement delicieux et douloureux: delicieux pour la possession d'un si grand bien, douloureux pour l'extreme desir d'un plus grand amour.

  A004001077 

 Vray Dieu, Theotime, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont en Paradis, voyans que Dieu est encor plus aymable qu'ilz ne l'ayment, pasmeroyent et periroyent eternellement du desir de l'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu n'imposoit a la leur le repos admirable dont elle jouit; car ilz ayment si souverainement cette souveraine volonté, que son vouloir arreste le leur et le contentement divin les contente, acquiesçans d'estre bornés en leur amour par la volonté mesme de laquelle la bonté est l'object de leur amour.

  A004001081 

 Le pellican fait son nid en terre, dont les serpens viennent souvent piquer ses petitz: or quand cela arrive, le pellican, comme un excellent medecin naturel, de la pointe de son bec blesse de toutes pars ces pauvres poussins, pour avec le sang faire sortir le venin que la morseure des serpens a respandu par tous les endroitz de leurs cors; et pour faire sortir tout le venin il laisse sortir tout le sang, et par consequent il laisse ainsy mourir cette petite trouppe pellicane; mais les voyans mortz il se blesse soy mesme, et respandant son sang sur eux il les vivifie d'une nouvelle et plus pure vie: son amour les a blessés, et soudain par ce mesme amour il se blesse soy mesme.

  A004001081 

 Les avettes ne blessent jamais qu'elles ne demeurent blessees a mort: voyans aussi le Sauveur de nos ames blessé d'amour pour nous jusques a la mort, et la mort de la croix, comme pourrions-nous n'estre pas blessés pour luy! mais je dis blessés d'une playe d'autant plus douloureusement amoureuse que la sienne a esté amoureusement douloureuse, et que jamais nous ne le pouvons tant aymer que son amour et sa mort le requierent.

  A004001082 

 Le pauvre saint Pierre avoit et sentoit son cœur tout rempli d'amour pour son Maistre, et Nostre Seigneur dissimulant de le sçavoir: Pierre, dit il, m'aymes tu plus que ceux ci? Hé, Seigneur, respond cet Apostre, vous sçaves que je vous ayme.

  A004001086 

 Le Bienaymé est un bouquet de myrrhe amere, et ce bouquet amer est reciproquement le Bienaymé, qui demeure cherement colloqué entre les tetins de la bienaymee, c'est a dire le plus aymé de tous les bienaymés..

  A004001086 

 Telle fut la sagette d'amour que Dieu descocha dans le cœur de la grande sainte Catherine de Gennes au commencement de sa conversion, dont elle demeura toute changee et comme morte au monde et aux choses creées pour ne vivre plus qu'au Createur.

  A004001086 

 Un Seraphin tenant un jour une fleche toute d'or, de la pointe de laquelle sortoit une petite flamme, il la darda dans le cœur de la bienheureuse Mere Therese, et la voulant retirer il sembloit a cette vierge qu'on luy arrachast les entrailles, la douleur estant si grande qu'elle n'avoit plus de force que pour jetter des foibles et petitz gemissemens; mais douleur pourtant si aymable, qu'elle eust voulu n'en estre jamais delivree.

  A004001090 

 Et en fin c'est sa vie que d'estre «tous-jours indigent,» car si une fois il est rassasié il n'est plus ardent, et par consequent il n'est plus amour..

  A004001091 

 Certes, je sçai bien, Theotime, que Platon parloit ainsy de l'amour abject, vil et chetif des mondains, mays neanmoins ces proprietés ne laissent pas de se treuver en l'amour celeste et divin; car, voyes un peu ces premiers maistres de la doctrine chrestienne, c'est a dire ces premiers docteurs du saint amour evangelique, et oyes ce que disoit l'un d'entr'eux qui avoit le plus eu de travail: Jusques a maintenant, dit-il, nous avons faim et soif, et sommes nuds, et sommes souffletés, [356] et sommes vagabonds; nous sommes rendus comme les ballieures de ce monde et comme la racleure et peleure de tous.

  A004001092 

 Oyons, de grace, la sainte Sulamite, comme elle s'escrie presque en cette sorte: Quoy que, a rayson de mille consolations que mon amour me donne, je sois plus belle que les riches tentes de mon Salomon, je veux dire plus belle que le Ciel qui n'est qu'un pavillon inanimé de sa majesté royale, puisque je suis son pavillon animé, si suis-je neanmoins toute noyre, deschiree, poudreuse et toute gastee de tant de blesseures et de coups que ce mesme amour me donne.

  A004001093 

 Ce grand serviteur de Dieu, homme tout seraphique, voyant la vive image de son Sauveur crucifié, effigiee en un Seraphin lumineux qui luy apparut sur le mont Alverne, il s'attendrit plus qu'on ne sçauroit imaginer, saisi d'une consolation et d'une compassion souveraine; car regardant ce beau miroüer d'amour que les Anges ne se peuvent jamais assouvir de regarder, helas, il pasmoit de douceur et de contentement! Mais voyant aussi d'autre part la vive representation des playes et blesseures de son Sauveur crucifié, il sentit en son ame ce glaive impiteux qui transperça la sacree poitrine de la Vierge Mere au jour de la Passion, avec autant de douleur interieure que s'il eust esté crucifié avec son cher Sauveur.

  A004001096 

 Le bienheureux Philippe Nerius, aagé de quatre vingtz ans, eut une telle inflammation de cœur pour le divin amour, que la chaleur se faysant faire place aux costes, les eslargit bien fort et en rompit la quatriesme et cinquiesme, affin qu'il peust recevoir plus d'air pour se rafraichir.


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A005000057 

 Chapitre XV. Du plus excellent exercice que nous puissions faire parmi les peines intérieures et extérieures de cette vie, en suite de l'indifference et trespas de la volonté.

  A005000064 

 Chapitre V. De deux autres degrés de plus grande perfection avec lesquelz nous pouvons aymer Dieu sur toutes choses.

  A005000069 

 Chapitre X. Comme nous devons aymer la divine Bonté souverainement plus que nous mesmes.

  A005000076 

 Chapitre XVII. Comme Nostre Seigneur prattiqua tous les plus excellens actes de l'amour.

  A005000079 

 Chapitre II. Que l'amour sacré rend les vertus excellemment plus aggreables a Dieu qu'elles ne le sont par leur propre nature.

  A005000080 

 Chapitre III. Comme il y a des vertus que la presence du divin amour releve a une plus haute excellence que les autres 102.

  A005000081 

 Chapitre IV. Comme le divin amour sanctifie encor plus excellemment les vertus quand elles sont prattiquees par son ordonnance et commandement.

  A005000108 

 Chapitre IX. De quelques autres moyens pour appliquer plus particulierement nos œuvres a l'amour de Dieu 140.

  A005000157 

 Nous ne parlons pas icy de l'union generale du cœur avec son Dieu, mais de certains actes et mouvemens particuliers que l'ame recueillie en Dieu fait par maniere d'orayson, affin de s'unir et joindre de plus en plus a sa divine bonté.

  A005000159 

 Ainsy donq, Theotime, Nostre Seigneur monstrant le tres aymable sein de son divin amour a l'ame devote, il la tire toute a soy, la ramasse, et, par maniere de dire, il replie toutes les puissances d'icelle dans le giron de [6] sa douceur plus que maternelle; puis, bruslant d'amour il serre l'ame, il la joint, la presse et colle sur ses levres de suavité et sur ses delicieuses mammelles, la baysant du sacré bayser de sa bouche et luy faisant savourer ses tetins meilleurs que le vin.

  A005000159 

 Alhors l'ame, amorcee des delices de ces faveurs, non seulement consent et se preste a l'union que Dieu fait, mays de tout son pouvoir elle coopere, s'efforçant de se joindre et serrer de plus en plus a la divine bonté; de sorte, toutefois, qu'elle reconnoist bien que son union et liayson a cette souveraine douceur depend toute de l'operation divine, sans laquelle elle ne pourroit seulement pas faire le moindre essay du monde pour s'unir a icelle..

  A005000161 

 Comme, par exemple, l'ame ayant longuement demeuré au sentiment d'union par lequel elle savoure doucement combien elle est heureuse d'estre a Dieu, en fin accroissant cette union par un serrement et eslan cordial: Ouy, Seigneur, dira-elle, je suis vostre, toute, toute, toute, sans exception; ou bien: Hé, Seigneur, je le suis certes, et je le veux estre tous-jours plus; ou bien, par maniere de priere: O doux Jesus, hé tirés-moy tous-jours plus avant dans vostre cœur, affin que vostre amour m'engloutisse et que je sois du tout abismee en sa douceur..

  A005000162 

 Et puisque c'est une verité indubitable que le divin amour, tandis que nous sommes en ce monde, est un mouvement, ou au moins une habitude active et tendante au mouvement, lhors mesme qu'il est parvenu [8] a la simple union il ne laisse pas d'agir, quoy qu'imperceptiblement, pour l'accroistre et perfectionner de plus en plus..

  A005000163 

 Ainsy un sentiment de dilection, comme par exemple: Que Dieu est bon! estant entré dedans le cœur, d'abord il fait l'union avec cette bonté; mais estant entretenu un peu longuement, comme un parfum pretieux il penetre de tous costés l'ame, il se respand et dilate dans nostre volonté, et, par maniere de dire, il s'incorpore avec nostre esprit, se joignant et serrant de toutes pars de plus en plus a nous et nous unissant a luy.

  A005000163 

 Et c'est ce que nous enseigne le grand David quand il compare les sacrees paroles au miel; car, qui ne sçait que la douceur du miel s'unit de plus en plus a nostre sens par un progres continuel de savourement, lhors que le tenans longuement en la bouche, ou que l'avalans tout bellement, sa saveur penetre plus avant le sens de nostre goust? Et de mesme ce sentiment de la bonté celeste, exprimé par cette parole de saint Bruno: O Bonté! ou par celle de saint Thomas: Mon [9] Seigneur et mon Dieu! ou par celle de Magdeleine: Hé mon Maistre! ou par celle de saint François: «Mon Dieu et mon tout!» ce sentiment, dis je, demeurant un peu longuement dedans un cœur amoureux, il se dilate, il s'estend et s'enfonce par une intime penetration en l'esprit, et de plus en plus le detrempe tout de sa saveur, qui n'est autre chose qu'accroistre l'union; comme fait l'onguent pretieux ou le baume, qui, tumbant sur le coton, se mesle et s'unit tellement de plus en plus, petit a petit, avec iceluy, qu'en fin on ne sçauroit plus dire si le coton est parfumé ou s'il est parfum, ni si le parfum est coton ou le coton parfum.

  A005000163 

 Et le cœur humain, transplanté du monde en Dieu par le celeste amour, s'il s'exerce fort en l'orayson, certes, il s'estendra continuellement et se serrera a la Divinité s'unissant de plus en plus a sa bonté, mais par des accroissemens imperceptibles, desquelz on ne remarque pas bonnement le progres tandis qu'il se fait, ains quand il est fait.

  A005000170 

 Car ainsy, lhors que nous voyons nostre esprit s'unir de plus en plus a Dieu sous des petitz effortz que nostre volonté fait, nous jugeons bien que nous avons trop peu de vent pour singler si fort, et qu'il faut que l'Amant de nos ames nous tire par l'influence secrette de sa grace, laquelle il veut nous estre imperceptible affin qu'elle nous soit plus admirable, et que, sans [11] nous amuser a sentir ses attraitz, nous nous occupions plus purement et simplement a nous unir a sa bonté..

  A005000171 

 Aucunes fois cette union se fait si insensiblement que nostre cœur ne sent ni l'operation divine en nous ni nostre cooperation, ains il treuve la seule union insensiblement toute faite, a l'imitation de Jacob, qui, sans y penser, se treuva marié avec Lia; ou plustost comme un autre Samson, mais plus heureux, il se treuve lié et serré des cordes de la sainte union sans que nous nous en soyons apperceus.

  A005000173 

 Quelquefois cette union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent toutes autour de la volonté, non pour s'unir elles mesmes a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour donner plus de commodité a la volonté de faire son union; car si les autres facultés estoyent appliquees une chacune a son object propre, l'ame, operant par icelles, ne pourroit pas si parfaitement s'employer a l'action par laquelle l'union se fait avec Dieu.

  A005000175 

 La sacree amante du Cantique parle comme ayant prattiquee l'une et l'autre sorte d'union: Je suis toute a mon Bienaymé, ce dit-elle, et son retour est devers moy; car c'est autant que si elle disoit: Je me suis unie a mon cher Ami, et reciproquement il se retourne devers moy pour, en s'unissant de plus en plus a moy, se rendre aussi tout mien; Mon cher Ami m'est un bouquet de myrrhe, il demeurera entre mes mammelles, et je le serreray sur mon sein, comme un bouquet de suavité; Mon ame, dit David, s'est serree a vous, o mon Dieu, et vostre main droite m'a empoigné et saisi.

  A005000177 

 O Dieu, quel exemple d'union excellente! Il s'estoit joint a nostre nature humaine par grace, comme une vigne a son ormeau, pour la rendre aucunement participante de son fruit; mays voyant que cette union s'estoit desfaite par le peché d'Adam, il fit une union plus serree et pressante en l'Incarnation, par laquelle la nature humaine demeure a jamais jointe en unité de personne a la Divinité; et affin que non seulement la nature humaine, mais tous les hommes peussent s'unir intimement a sa bonté, il institua le Sacrement de la tressainte Eucharistie, auquel un chacun peut participer pour unir son Sauveur a soy mesme, reellement et par maniere de viande.

  A005000184 

 O Dieu, Theotime, combien plus doit estre attachee et serree l'ame qui est amante de son Dieu, quand elle est unie a la divinité de l'infinie Douceur et qu'elle est prise et esprise en cet object d'incomparables [16] perfections! Telle fut celle du grand vaysseau d'election qui s'escrioit: Affin que je vive a Dieu, je suis affigé a la croix avec Jesus Christ; aussi proteste-il que rien, non pas la mort mesme, ne le peut separer de son Maistre.

  A005000185 

 Voyes, je vous prie, Theotime, ce petit enfant attaché au tetin et au col de sa mere: si on le veut arracher de la pour le porter en son berceau, parce qu'il en est tems, il marchande et dispute tant qu'il peut pour ne point quitter ce sein tant amiable; si on le fait desprendre d'une main il s'accroche de l'autre, et si on l'enleve du tout il se met a pleurer, et tenant son cœur et ses yeux ou il ne peut plus tenir son cors, il va reclamant sa chere mere, jusques a ce qu'a force de le bercer on l'ayt endormi.

  A005000186 

 Or, la bienheureuse Mere Therese dit excellemment, que l'union estant parvenue jusqu'a cette perfection que de nous tenir pris et attachés avec Nostre Seigneur, elle n'est point differente du ravissement, suspension ou pendement d'esprit; mais qu'on l'appelle seulement union, ou suspension, ou pendement, quand elle est courte, et quand elle est longue on l'appelle extase ou ravissement: d'autant qu'en effect, l'ame attachee a son Dieu si fermement et si serree qu'elle n'en puisse pas aysement estre desprise, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; non plus qu'un cors crucifié n'est plus en soy mesme, mais en la croix, et que le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille..

  A005000187 

 Imagines vous donques, que saint Paul, saint Denis, saint Augustin, saint Bernard, saint François, sainte Catherine de Gennes ou de Sienne sont encor en ce monde, et qu'ilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonne ame, mais non pas si sainte comme eux, qui fust en l'orayson d'union a mesme tems: je vous [18] demande, mon cher Theotime, qui est plus uni, plus serré, plus attaché a Dieu, ou ces grans Saintz qui dorment, ou cette ame qui prie? Certes, ce sont ces admirables amans; car ilz ont plus de charité, et leurs affections, quoy qu'en certaine façon dormantes, sont tellement engagees et prises a leur Maistre qu'elles en sont inseparables.

  A005000187 

 Mays affin d'eviter tout equivoque, saches, Theotime, que la charité est un lien et un lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus estroittement uni et lié a Dieu.

  A005000187 

 Mays, ce me dires vous, comme se peut-il faire qu'une ame qui est en l'orayson d'union, et mesme jusques a l'extase, soit moins unie a Dieu que ceux qui dorment, pour saintz qu'ilz soyent? Voyci que je vous dis, Theotime: celle la est plus avant en l'exercice de l'union, et ceux ci sont plus avant en l'union; ceux ci sont unis et ne s'unissent pas, puisqu'ilz dorment, et celle la s'unit, estant en l'exercice et prattique actuelle de l'union..

  A005000192 

 Et c'en est de mesme en la tres infame extase ou abominable ravissement qui arrive a l'ame lhors que, par les amorces des playsirs brutaux, elle est mise hors de sa propre dignité spirituelle et au dessous de sa condition naturelle: car, entant que volontairement elle suit cette malheureuse volupté et se precipite hors de soy mesme, c'est a dire hors de l'estat spirituel, on dit qu'elle est en l'extase sensuelle; mais entant que les [20] appatz et allechemens sensuelz la tirent puissamment et, par maniere de dire, l'entraisnent dans cette basse et vile condition, on dit qu'elle est ravie et emportee hors de soy mesme, parce que ces voluptés bestiales la demettent de l'usage de la rayson et intelligence avec une si furieuse violence que, comme dit l'un des plus grans philosophes, l'homme estant en cet accident semble estre tumbé en epilepsie, tant l'esprit demeure absorbé et comme perdu.

  A005000193 

 Ainsy la reyne de Saba treuvant en Salomon plus de veritable sagesse qu'elle n'avoit pensé, elle demeura toute pleine d'admiration; et les Juifz, voyans en nostre Sauveur une science qu'ilz n'eussent jamais creu, furent surpris d'une grande admiration.

  A005000193 

 Quand donq il plait a la divine Bonté de donner a nostre entendement quelque speciale clarté, par le moyen de laquelle il vienne a contempler les mysteres divins d'une contemplation extraordinaire et fort relevee, alhors, voyant plus de beauté en iceux qu'il n'avoit peu s'imaginer, il entre en admiration..

  A005000194 

 Et quelquefois, outre cela, Dieu donne a l'ame une lumiere non seulement claire, mais croissante comme l'aube du jour; et alhors, comme ceux qui ont treuvé une miniere d'or fouillent tous-jours plus avant pour treuver tous-jours davantage de ce tant desiré metail, ainsy l'entendement va de plus en plus s'enfonçant en la consideration et admiration de son divin objet; car ne plus ne moins que l'admiration a causé la philosophie et attentive recherche des choses naturelles, elle a aussi causé la contemplation et theologie mystique.

  A005000199 

 De maniere qu'en fin il faut conclure avec le grand saint Denis, que «l'amour divin est extatique, ne permettant pas que les amans soyent a eux mesmes, ains a la chose aymee;» a rayson dequoy cet admirable apostre saint Paul, estant en la possession de ce divin amour et fait participant de sa force extatique, d'une bouche divinement inspiree, Je vis, dit-il, non plus moy, mays Jesus Christ vit en moy; ainsy, comme un vray amoureux sorti hors de soy en Dieu, il vivoit non plus sa propre vie, mays la vie de son Bienaymé, comme souverainement aymable..

  A005000201 

 Toutefois, les deux extases, de l'entendement et de la volonté, ne sont pas tellement appartenantes l'une a l'autre que l'une ne soit bien souvent sans l'autre: car, [24] comme les philosophes ont eu plus de la connoissance que de l'amour du Createur, aussi les bons Chrestiens en ont maintefois plus d'amour que de connoissance; et par consequent l'exces de la connoissance n'est pas tous-jours suivi de celuy de l'amour, non plus que l'exces de l'amour n'est pas tous-jours accompaigné de celuy de la connoissance, ainsy que j'ay remarqué ailleurs.

  A005000205 

 Les philosophes mesmes ont reconneu certaines especes d'extases naturelles faites par la vehemente application de l'esprit a la consideration des choses plus relevees.

  A005000206 

 Affin donq qu'on puisse discerner les extases divines d'avec les humaines et diaboliques, les serviteurs de Dieu ont laissé plusieurs documens; mays quant a moy, il me suffira pour mon propos de vous proposer deux marques de la bonne et sainte extase: l'une est que l'extase sacree ne se prend ni attache jamais tant a l'entendement qu'a la volonté, laquelle elle esmeut, eschauffe et remplit d'une puissante affection envers Dieu; de maniere que si l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, elle est grandement douteuse et digne de soupçon.

  A005000206 

 Je ne dis pas qu'on ne puisse avoir des ravissemens, des visions, mesme prophetiques, sans avoir la charité; car je sçay bien que, comme on peut avoir la charité sans estre ravi et sans prophetiser, aussi peut-on estre ravi et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui en son ravissement a plus de clarté en l'entendement pour admirer Dieu que de chaleur en la volonté pour l'aymer, il doit estre sur ses gardes, car il y a danger que cette extase ne soit fause et ne rende l'esprit plus enflé qu'edifié, le mettant [26] voirement, comme Saül, Balaam et Caïphe, entre les prophetes, mais le laissant néanmoins entre les repreuvés..

  A005000209 

 La mort fait que l'ame ne vit plus en son cors ni en l'enclos d'iceluy; que veut donq dire, Theotime, cette parole de l'Apostre: Vous estes mortz? C'est comme s'il eust dit: Vous ne vives plus en vous mesme ni dedans l'enclos de vostre propre condition naturelle, vostre ame ne vit plus selon elle mesme, mays au dessus d'elle mesme.

  A005000209 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit sa propre vie a la faveur des rayons du soleil, pour en avoir une plus douce et vigoureuse, cachant, par maniere de dire, sa vie sous les cendres; les bigatz et vers a soye changent leur estre, et de vers se font papillons; les abeilles naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, et en fin deviennent mousches volantes.

  A005000209 

 Nous en faysons de mesme, Theotime, si nous sommes spirituelz; car nous quittons nostre vie humaine pour vivre d'une autre vie plus eminente, au dessus de nous mesmes, cachans toute cette vie nouvelle en Dieu avec Jesus Christ, qui seul la void, la connoist et la donne.

  A005000215 

 Et qui ne void, Theotime, je vous prie, que c'est l'extase de la vie et operation de laquelle le grand Apostre parle principalement, quand il dit: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy? car il l'explique luy mesme en autres termes aux Romains, disant que nostre viel homme est crucifié ensemblement avec Jesus Christ, que nous sommes mortz au peché avec luy, et que de mesme nous sommes resuscités avec luy pour marcher en nouveauté de vie, affin de ne servir plus au peché.

  A005000215 

 Voyla deux hommes representés en un chacun de nous, Theotime, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme on dit de l'aigle qui estant devenue vielle va traisnant ses plumes et ne peut plus prendre son vol; l'autre vie est de l' homme nouveau, qui est aussi une vie nouvelle, comme celle de l'aigle laquelle deschargee de ses vielles plumes qu'elle a secouees dans la mer, en prend des nouvelles, et s'estant rajeunie vole en la nouveauté de ses forces..

  A005000216 

 Car on pouvoit bien dire de cet homme, qu'il n'estoit plus le viel Naaman, ladre, puant, infect, ains un Naaman nouveau, net, sain et honneste, parce qu'il estoit mort a la ladrerie et vivoit a la santé et netteté..

  A005000217 

 Or, quicomque est resuscité a cette nouvelle vie du Sauveur, il ne vit plus ni a soy, ni en soy, ni pour soy, ains a son Sauveur, en son Sauveur et pour son Sauveur.

  A005000221 

 Mays en fin saint Paul fait le plus fort, le plus pressant et le plus admirable argument qui fut jamais fait, ce me semble, pour nous porter tous a l'extase et ravissement de la vie et operation.

  A005000221 

 Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci.

  A005000222 

 Mais qu'est ce qu'il a desiré de nous sinon que nous nous conformassions a luy, affin, dit l'Apostre, que ceux qui vivent ne vivent plus desormais a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort et resuscité pour eux.

  A005000222 

 Vray Dieu, Theotime, que cette consequence est forte en matiere d'amour! Jesus Christ est mort pour nous, il nous a donné la vie par sa mort, [33] nous ne vivons que parce qu'il est mort, il est mort pour nous, a nous et en nous: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui nous l'a acquise par sa mort; nous ne devons donq plus vivre a nous, mais a luy; non en nous, mais en luy; non pour nous, mais pour luy..

  A005000223 

 L'aigle devenue grande commença petit a petit a voler et chasser aux oyseaux selon son instinct naturel; puis s'estant rendue plus forte, elle se rua sur les bestes sauvages, sans jamais manquer d'apporter tous-jours fidelement sa proye a sa chere maistresse, comme en reconnoissance de la nourriture qu'elle avoit receue d'icelle.

  A005000228 

 Hé, que reste-il donq? quelle conclusion avons-nous plus a prendre, mon cher Theotime, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort pour eux? c'est a dire, que nous consacrions au divin amour de la mort de nostre Sauveur tous les momens de nostre vie, rapportans a sa gloire toutes nos proyes, toutes nos conquestes, toutes nos œuvres, toutes nos actions, toutes nos pensees et toutes nos affections.

  A005000228 

 Voyons-le, Theotime, ce divin Redempteur, estendu sur la croix, comme sur son bucher d'honneur ou il meurt d'amour pour nous, mais d'un amour plus douloureux que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour mesme: hé, que ne nous jettons-nous en esprit sur luy, pour mourir sur la croix avec luy, qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir! Je le tiendray, devrions nous dire si nous avions la generosité de l'aigle, et ne le quitteray jamais; je mourray avec luy et brusleray dedans les flammes de son amour, un mesme feu consumera ce divin Createur et sa chetifve creature; mon Jesus est tout mien et je suis toute sienne, je vivray et mourray sur sa poitrine, ni la mort ni la vie ne me separera jamais de luy..

  A005000229 

 Ainsy donques se fait la sainte extase du vray amour, quand nous ne vivons plus selon les raysons et inclinations humaines, mais au dessus d'icelles, selon les inspirations et instinctz du divin Sauveur de nos ames.

  A005000237 

 Saint Martin, comme chascun sçait, mourut si attentif a l'exercice de devotion, qu'il ne se peut rien dire de plus.

  A005000247 

 Or, c'est le plus violent effect que l'amour fasse en une ame, et qui requiert auparavant une grande nudité de toutes les affections qui peuvent tenir le cœur attaché ou au monde ou au cors; en sorte que, comme le feu ayant separé petit a petit l'essence de sa masse et l'ayant du tout espuree, fait en fin sortir la quintessence, aussi le saint amour [42] ayant retiré le cœur humain de toutes humeurs, inclinations et passions, autant qu'il se peut, il en fait par apres sortir l'ame, affin que par cette mort, pretieuse aux yeux divins, elle passe en la gloire immortelle..

  A005000250 

 Ce que le medecin fit, et luy ayant tasté le poulz: «Il n'y a plus,» dit il, «aucun remede; devant que le soleil soit couché vous trespasseres.» «Mays que dires vous,» repliqua alhors le malade, «si je suis encor demain en vie?» «Je me feray Chrestien, je vous le prometz,» dit le medecin.

  A005000250 

 Puis, estant revenu en sa chambre et remis dans son lit, apres s'estre asses longuement entretenu par l'orayson avec Nostre Seigneur, il exhorta saintement les assistans a servir Dieu de tout leur cœur; et en fin voyant les Anges venir a luy, prononçant avec extreme suavité ces paroles: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la remetz entre vos mains, il expira; et le pauvre medecin converti, le voyant ainsy trespassé, l'embrassant et fondant en larmes sur iceluy: «O grand Basile, serviteur de Dieu,» dit-il, «en verité, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort aujourd'huy qu'hier.» Qui ne void que cette mort fut toute d'amour? Et la bienheureuse Mere Therese de Jesus revela apres son trespas, qu'elle estoit morte d'un assaut et impetuosité d'amour, qui avoit esté si violent que, la nature ne le pouvant supporter, l'ame s'en estoit allee avec le bienaymé object de ses affections.

  A005000254 

 Et bien que le recit que je veux faire ne soit ni tant publié ni si bien tesmoigné comme la grandeur de la merveille qu'il contient le requerroit, il ne perd pas pour cela sa verité: car, comme dit excellemment saint Augustin, «a peyne sçait on les miracles,» pour magnifiques qu'ilz soyent, «au lieu mesme ou ilz se font,» et encor que ceux qui les ont veu les racontent, on a peyne de les croire; mays ilz ne laissent pas pour cela d'estre veritables, et en matiere de religion les ames bien faites ont plus de suavité a croire les choses esquelles il y a plus de difficulté et d'admiration..

  A005000254 

 Outre ce qui a esté dit, j'ay treuvé une histoire laquelle pour estre extremement admirable n'en est que plus croyable aux amans sacrés; puisque, comme dit le saint Apostre, la charité croid tres volontier toutes choses, c'est a dire elle ne pense pas aysement qu'on mente, et s'il n'y a des marques apparentes de fauseté en ce qu'on luy represente, elle ne fait pas difficulté de les croire, mais sur tout quand ce sont choses qui exaltent et magnifient l'amour de Dieu envers les hommes ou l'amour des hommes envers Dieu: d'autant que la charité, qui est reyne souveraine des vertus, se plaist, a la façon des princes, es choses qui servent a la gloire de son empire et domination.

  A005000257 

 Puys, resuscitant avec luy, il va en Emaüs et void tout ce qui se passe entre le Seigneur et les deux disciples; et en fin, revenant sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension, et la, voyant les dernieres marques et vestiges des pieds du divin Sauveur, prosterné sur icelles et les baysant mille et mille fois avec des souspirs d'un amour infini, il commença a retirer a soy toutes les forces de ses affections, comme un archer retire la corde de son arc quand il veut descocher sa fleche; puis se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «O Jesus,» dit il, « mon doux Jesus, je ne sçai plus ou vous chercher et suivre en terre; hé! Jesus, Jesus mon amour, accordes donq a ce cœur qu'il vous suive et s'en aille apres vous la haut.» Et avec ces ardentes paroles il lança quant et quant son ame au Ciel, comme une sacree sagette que, comme divin archer, [47] il tira au blanc de son tres heureux object.

  A005000258 

 Certes, un autre autheur presque du mesme aage, qui a celé son nom par humilité, mais qui seroit neanmoins digne d'estre nommé, en un livre qu'il a intitulé Miroüer des spirituelz, raconte une autre histoire encor plus admirable; car il dit qu'es quartiers de Provence, il y avoit un seigneur grandement addonné a l'amour de Dieu et a la devotion du tressaint Sacrement de l'autel.

  A005000258 

 Je voy bien, a la verité, que cette histoire est grandement extraordinaire et qui meriteroit un tesmoignage de plus grand poids; mais apres la tres veritable histoire du cœur fendu de sainte Claire de Montefalco, que tout le monde peut voir encor maintenant, et celle des stigmates de saint François, qui est tres asseuree, mon ame ne treuve rien de malaysé a croire parmi les effectz du divin amour..

  A005000263 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient-il de dire au Sauveur: Vous estes mon vray Filz, et je vous ayme comme mon vray Filz? et a qui de toutes les creatures fut il jamais dit par le Sauveur: Vous estes ma vraye Mere et je vous ayme comme ma vraye Mere, vous estes ma vraye Mere toute mienne et je suis vostre vray Filz tout vostre? Si donques un serviteur amant osa bien dire, et le dit en verité, qu'il n'avoit point d'autre vie que celle de son Maistre, helas, combien hardiment et ardemment devoit exclamer cette Mere: Je n'ay point d'autre vie que la vie de mon Filz, ma vie est toute en la sienne, et la sienne toute en la mienne; car ce n'estoit plus union, ains unité de cœur, d'ame et de vie entre cette Mere et ce Filz..

  A005000263 

 Si les premiers Chrestiens furent ditz n'avoir qu' un cœur et une ame, a cause de leur parfaite mutuelle dilection; si saint Paul ne vivoit plus luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy, a rayson de l'extreme union de son cœur a celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit comme morte en son cœur qu'elle animoit, pour vivre dans le cœur du Sauveur qu'elle aymoit; o [50] vray Dieu, combien est il plus veritable que la sacree Vierge et son Filz n'avoyent qu' une ame, qu' un cœur et qu'une vie, en sorte que cette sacree Mere, vivant ne vivoit pas elle, mais son Filz vivoit en elle! Mere la plus amante et la plus aymee qui pouvoit jamais estre; mays amante et aymee d'un amour incomparablement plus eminent que celuy de tous les ordres des Anges et des hommes, a mesure que les noms de Mere unique et de Filz unique sont aussi des noms au dessus de tous autres noms en matiere d'amour.

  A005000263 

 Telle, comme je pense, fut la mort de ce grand Patriarche, homme choisi pour faire les plus tendres et amoureux offices qui furent ni seront jamais faitz a l'endroit du Filz de Dieu, apres ceux qui furent pratiqués par sa celeste Espouse, vraye Mere naturelle de ce mesme Filz; de laquelle il est impossible d'imaginer qu'elle soit morte d'autre sorte de mort que de celle d'amour: mort la plus noble de toutes, et deue par consequent a la plus noble vie qui fut onques entre les creatures, mort de laquelle les Anges mesmes desireroyent de mourir s'ilz estoyent capables de mort.

  A005000263 

 production, de sorte que ce Filz et cette Mere furent unis d'une union d'autant plus excellente qu'elle a un nom different en amour par dessus tous les autres noms.

  A005000264 

 De mesme, Theotime, la Vierge Mere ayant assemblé en son esprit, par une tres vive et continuelle memoire, tous les plus aymables misteres de la vie et mort de son Filz, et recevant tous-jours a droit fil parmi cela les plus ardentes inspirations que son Filz, Soleil de justice, jettast sur les humains au plus fort du midi de sa charité, puis d'ailleurs faysant aussi de son costé un perpetuel mouvement de contemplation, en fin le feu sacré de ce divin amour la consuma toute, comme un holocauste de suavité; de sorte qu'elle en mourut, son ame estant toute ravie et transportee entre les bras de la dilection de son Filz.

  A005000264 

 Le phœnix, comme on dit, estant fort envielli, ramasse sur le haut d'une montaigne une [51] quantité de bois aromatiques, sur lesquelz, comme sur son lit d'honneur, il va finir ses jours; car lhors que le soleil au fort de son midi jette ses rayons plus ardens, cet tout unique oyseau, pour contribuer a l'ardeur du soleil un surcroist d'action, ne cesse point de battre des aysles sur son bucher jusques a ce qu'il luy ait fait prendre feu, et bruslant avec iceluy il se consume et meurt entre ces flammes odorantes.

  A005000265 

 Mays la douce Mere, qui aymoit plus que tous, fut plus que tous outrepercee du glaive de douleur: la douleur du Filz fut alhors une espee tranchante qui passa au travers du cœur de la Mere, d'autant que ce cœur de mere estoit collé, joint et uni a son Filz d'une union si parfaite, que rien ne pouvoit blesser l'un qu'il ne navrast aussi vivement l'autre.

  A005000265 

 Or cette poitrine maternelle estant ainsy blessee d'amour, non seulement ne chercha pas la guerison de sa blesseure, mays ayma sa blesseure plus que toute guerison, gardant cherement les traitz de douleur qu'elle avoit receu, a cause de l'amour qui les avoit descochés dans son cœur, et desirant continuellement [52] d'en mourir, puisque son Filz en estoit mort, qui, comme dit toute l'Escriture Sainte et tous les docteurs, mourut entre les flammes de la charité, holocauste parfait pour tous les pechés du monde..

  A005000265 

 Plusieurs amans sacrés furent presens a la mort du Sauveur; entre lesquelz, ceux qui eurent le plus d'amour eurent le plus de douleur, car l'amour alhors estoit tout detrempé en la douleur et la douleur en l'amour, et tous ceux qui pour leur Sauveur estoyent passionnés d'amour furent amoureux de sa Passion et douleur.

  A005000271 

 Mais en la Vierge sacree tout favorisoit et secondoit le cours de l'amour celeste, les progres et accroissemens d'iceluy se faysoient incomparablement plus grans qu'en tout le [54] reste des creatures; progres neanmoins infiniment doux, paisibles et tranquilles.

  A005000271 

 Non, elle ne pasma pas d'amour ni de compassion aupres de la Croix de son Filz, encor qu'elle eut alhors le plus ardent et douloureux acces d'amour qu'on puisse imaginer; car, bien que l'acces fut extreme, si fut-il toutefois esgalement fort et doux tout ensemble, puissant et tranquille, actif et paisible, composé d'une chaleur aiguë mais suave..

  A005000274 

 Et c'est pourquoy, comme le fer s'il estoit quitte de tous empeschemens et mesme de sa pesanteur, seroit attiré fortement, mais doucement et d'une attraction egale, par l'aymant, en sorte neanmoins que l'attraction serait tous-jours plus active et plus forte a mesure que l'un seroit plus pres de l'autre et que le mouvement seroit [56] proche de sa fin, ainsy la tressainte Mere n'ayant rien en soy qui empeschast l'operation du divin amour de son Filz, elle s'unissoit avec iceluy d'une union incomparable, par des extases douces, paysibles et sans effort; extases esquelles la partie sensible ne laissoit pas de faire ses actions, sans donner pour cela aucune incommodité a l'union de l'esprit, comme reciproquement la parfaite application de son esprit ne donnoit pas fort grand divertissement aux sens.

  A005000274 

 Si que la mort de cette Vierge fut plus douce qu'on ne se peut imaginer, son Filz l'attirant suavement a l'odeur de ses parfums, et elle s'escoulant tres amiablement apres la senteur sacree d'iceux dedans le sein de la bonté de son Filz.

  A005000282 

 Le vin frais rafraichit pour un tems ceux qui le boivent; mais soudain qu'il a esté eschauffé par l'estomach dans lequel il entre, il l'eschauffe reciproquement, et plus l'estomach luy donne de chaleur, plus il luy en rend.

  A005000284 

 En somme, le playsir que l'on a en la chose est un certain fourrier qui fourre dans le cœur amant les qualités de la chose qui plaist; et pour cela la sacree complaysance nous transforme en Dieu que nous aymons, et a mesure qu'elle est grande la transformation est plus parfaite: ainsy les Saintz, qui ont grandement aymé, ont esté fort vistement et parfaitement transformés, l'amour transportant et transmettant les mœurs et humeurs de l'un des cœurs en l'autre..

  A005000285 

 Le grand Apostre dit, comme je pense en ce sens, que la loy n'est point mise aux justes; car en verité, le juste n'est juste sinon parce qu'il a le saint amour, et s'il a l'amour il n'a pas besoin qu'on le presse par la rigueur de la loy, puisque l'amour est le plus pressant docteur et solliciteur pour persuader au cœur qu'il possede l'obeissance aux volontés et intentions du bienaymé.

  A005000300 

 Et toutefois, ce desir est un vray desir; car, comme peut on exprimer plus naifvement le desir que l'on a qu'un ami face bonne chere, que de preparer un bon et excellent festin, comme fit ce roy de la parabole evangelique, puis l'inviter, presser et presque contraindre, par prieres, exhortations et poursuites, de venir, de s'asseoir a table et de manger? Certes, celuy qui a vive force ouvriroit la bouche a un ami, luy fourreroit la viande dans le gosier et la luy feroit avaler, il ne luy donneroit pas un festin de courtoisie, mais le traitteroit en beste et comme un chappon qu'on veut engraisser.

  A005000300 

 Or c'en est de mesme de la volonté signifiee de Dieu, car par icelle Dieu desire d'un vray desir que nous facions ce qu'il declaire, et a cette occasion il nous fournit tout ce qui est requis, nous exhortant et pressant de l'employer: en ce genre de faveur on ne peut rien desirer de plus.

  A005000311 

 Les choses representees particulierement font une impression plus forte et blessent plus sensiblement l'imagination; c'est pourquoy, en l' Introduction, nous avons donné par advis qu'apres les affections generales on fist les resolutions particulieres en la sainte orayson.

  A005000315 

 Le desir que Dieu a de nous faire observer ses commandemens est extreme, ainsy que toute l'Escriture tesmoigne: et comme le pouvoit il mieux exprimer que par les grandes recompenses qu'il propose aux observateurs de sa loy, et les estranges supplices dont il menasse les violateurs d'icelle? C'est pourquoy David exclame: O Seigneur, vous aves ordonné que vos commandement soyent trop plus observés..

  A005000320 

 Plus que l'or et l'esclat du topaze doré..

  A005000323 

 Les plus doux commandemens deviennent aspres si un cœur tyran et cruel les impose, et ilz deviennent tres aymables quand l'amour les ordonne; le service de Jacob luy sembloit une royauté, parce qu'il procedoit de l'amour.

  A005000324 

 Plusieurs observent les commandemens comme on avale les medecines; plus crainte de mourir damnés, que pour le playsir de vivre au gré du Sauveur.

  A005000325 

 Au contraire, le cœur amoureux ayme les commandemens, et plus ilz sont de chose difficile plus il les treuve doux et aggreables, parce qu'il complait plus parfaitement au Bienaymé et luy rend plus d'honneur; [72] il lance et chante des hymnes d'allegresse quand Dieu luy enseigne ses commandemens et justifications.

  A005000325 

 On dit que les muletz et chevaux chargés de figues succombent incontinent au faix et perdent toute leur force: plus douce que les figues est la loy du Seigneur; mais l'homme brutal, qui s'est rendu comme le cheval et mulet, esquelz il n'y a point d'entendement, perd le courage et ne peut treuver des forces pour porter cet amiable faix.

  A005000325 

 «On n'a point de travail en ce qui est aymé, ou s'il y a du travail c'est un travail bienaymé;» le travail meslé du saint amour est un certain aigre-doux, plus aggreable au goust qu'une pure douceur..

  A005000330 

 Il y a difference entre commander et recommander: quand on commande on use d'authorité pour obliger, quand on recommande on use d'amitié pour induire et provoquer; le commandement impose necessité, le conseil et recommandation nous incite a ce qui est de plus grande utilité; au commandement correspond l'obeissance, et la creance au conseil; on suit le conseil affin de plaire, et le commandement pour ne pas desplaire.

  A005000334 

 Que si la charité fait sortir des cloistres ceux qui par vœu solemnel s'y estoyent attachés, a plus forte rayson, et pour moindre sujet, on peut, par l'authorité de cette mesme charité, conseiller a plusieurs de demeurer chez eux, garder leurs moyens, se marier, voire de prendre les armes et aller a la guerre, qui est une profession si dangereuse..

  A005000335 

 En somme, c'est une eau sacree par laquelle le jardin de l'Eglise est fecondé, et bien qu'elle n'ait qu'une couleur sans couleur, les fleurs neanmoins qu'elle fait croistre ne laissent pas d'avoir une chacune sa couleur differente: elle fait des Martyrs plus vermeilz que la rose, des Vierges plus blanches que le lys; aux uns elle donne le fin violet de la mortification, aux autres le jaune des soucis du mariage, employant diversement les conseilz pour la perfection des ames qui sont si heureuses que de vivre sous sa conduite..

  A005000340 

 Puis, expliquant ce nom, il dit que ce sera: ma volonté en icelle; comme s'il disoit qu'entre ceux qui ne sont pas Chrestiens un chacun a sa volonté propre au milieu de son cœur, mays parmi les vrays enfans du Sauveur chacun quittera sa volonté, et n'y aura plus qu'une volonté maistresse, regente et universelle qui animera, gouvernera et dressera toutes les ames, tous les cœurs et toutes les volontés; et le nom d'honneur des Chrestiens ne sera autre chose sinon: la volonté de Dieu en eux; volonté qui regnera sur toutes les volontés et les transformera toutes en soy, de sorte que les volontés des Chrestiens et la volonté de Nostre Seigneur ne soyent plus qu'une seule volonté.

  A005000341 

 O combien excellente est l'observation de la defense des injustes voluptés, en celuy qui a mesme renoncé aux plus justes et legitimes delices! O combien celuy la est esloigné de convoiter le bien d'autruy, qui rejette toutes richesses et celles mesme que saintement il pourroit garder! Que celuy est bien esloigné de vouloir preferer sa volonté a celle de Dieu, qui pour faire la volonté de Dieu s'assujettit a celle d'un homme!.

  A005000341 

 Or, quand nostre amour est extreme a l'endroit de la volonté de Dieu, nous ne nous contentons pas de faire seulement la volonté divine qui nous est signifiee es [79] commandemens, mais nous nous rangeons encor a l'obeissance des conseilz, lesquelz ne nous sont donnés que pour plus parfaitement observer les commandemens, auxquelz aussi ilz se rapportent, ainsy que dit excellemment saint Thomas.

  A005000342 

 A ce souhait, les plus vaillans Chrestiens se sont mis a la course, et forçans toutes les repugnances, convoitises et difficultés, ont atteint a la sainte perfection, se rangeans a l'estroitte observance des désirs de leur Roy, obtenans par ce moyen la couronne de gloire..

  A005000342 

 David estoit un jour en son preside, et la garnison des Philistins en Bethleem; or il fit un souhait disant: O si quelqu'un me donnoit a boire de l'eau de la cisterne qui est a la porte de Bethleem! Et voyla qu'il n'eut pas plus tost dit le mot, que trois vaillans chevaliers partent de la, main et teste baissee, traversent l'armee ennemie, vont a la cisterne de Bethleem, puisent de l'eau et l'apportent a David; lequel, voyant le hazard auquel ces gentilzhommes s'estoyent mis pour contenter son appetit, ne voulut point boire cette eau conquise au peril de leur sang et de leur vie, ains la respandit en oblation au Dieu eternel.

  A005000343 

 Et pourquoy donq reciproquement ne serons nous si jaloux de suivre la sacree volonté de Nostre Seigneur, que nous fassions non seulement ce qu'il commande, mais encores ce qu'il tesmoigne d'aggreer et souhaitter? Les ames nobles n'ont pas besoin d'un plus fort motif pour embrasser un dessein que de sçavoir que le Bienaymé le desire: Mon ame, dit l'une d'icelles, s'est escoulee soudain que mon Ami a parlé..

  A005000347 

 Et tu ne veux pas non plus empirer? Non, de vray.

  A005000347 

 Les paroles par lesquelles Nostre Seigneur nous exhorte de tendre et pretendre a la perfection sont si fortes et pressantes, que nous ne sçaurions dissimuler l'obligation que nous avons de nous engager a ce dessein: Soyes saintz, dit-il, parce que je suis saint; Qui est saint, qu'il soit encor davantage [81] sanctifié, et qui est juste, qu'il soit encor plus justifié; Soyes parfaitz ainsy que vostre Pere celeste est parfait.

  A005000347 

 Rien voirement n'est stable ni ferme [82] en ce monde, mais de l'homme il en est dit encor plus particulierement, que jamais il ne demeure en un estat:» il faut donques ou qu'il s'avance ou qu'il retourne en arriere..

  A005000348 

 C'est une heresie de dire que Nostre Seigneur ne nous a pas bien conseillés, et un blaspheme de dire a Dieu: Retire toy de nous, nous ne voulons point la science de tes voyes; mais c'est une irreverence horrible contre Celuy qui avec tant d'amour et de suavité nous invite a la perfection, de dire: je ne veux pas estre saint, ni parfait, ni avoir plus de part en vostre bienveuillance, ni suivre les conseilz que vous me donnés pour faire progres en icelle..

  A005000348 

 Neanmoins je dis bien que c'est un grand peché de mespriser la pretention a la perfection chrestienne, et encor plus de mespriser la semonce par laquelle Nostre Seigneur nous y appelle; mais c'est une impieté insupportable de mespriser les conseilz et moyens d'y parvenir que Nostre Seigneur nous marque.

  A005000348 

 Or, je ne dis pas, non plus que saint Bernard, que ce soit peché de ne prattiquer pas les conseilz: non certes, Theotime, car c'est la propre difference du commandement au conseil, que le commandement nous oblige sous peyne de peché, et le conseil nous invite sans peyne de peché.

  A005000353 

 Mays de quel ami et de quelz conseilz parlons nous? O Dieu, c'est de l'Ami des amis, et ses conseilz sont plus aymables que le miel: l'ami c'est le Sauveur, ses conseilz sont pour le salut..

  A005000357 

 De prester aux pauvres hors la tres grande necessité, c'est le premier degré du conseil de l'aumosne; et c'est un degré plus haut de leur donner, plus haut encor de donner tout, et en fin encor plus haut de donner sa [86] personne, la voüant au service des pauvres.

  A005000357 

 L'hospitalité hors l'extreme necessité est un conseil: recevoir l'estranger est le premier degré d'iceluy; mais aller sur les advenues des chemins pour le semondre, comme faisoit Abraham, c'est un degré plus haut; et encor plus de se loger es lieux perilleux pour retirer, ayder et servir les passans.

  A005000358 

 Or, en la prattique des actes heroïques de la vertu consiste la parfaite imitation du Sauveur, qui, comme dit le grand saint Thomas, eut des l'instant de sa conception toutes les vertus en un degré heroïque; et certes, je dirois volontier plus qu'heroïque, puisqu'il n'estoit pas simplement plus qu'homme, mais infiniment plus qu'homme, c'est a dire vray Dieu.

  A005000362 

 Tout ce qui a vie sur terre s'engourdit au froid de l'hyver, mais au retour de la chaleur vitale du primtems tout reprend son mouvement: les animaux terrestres courent plus vistement, les oyseaux volent plus hautement et chantent plus gayement, et les plantes poussent leurs feuilles et leurs fleurs tres aggreablement.

  A005000364 

 Or je ne dis rien de plus de ces inspirations necessaires, pour en avoir souvent parlé en cet œuvre, et encor en l' Introduction a la Vie devote..

  A005000368 

 La charité envers les pauvres malades est un exercice ordinaire des vrays Chrestiens, mais exercice ordinaire qui fut prattiqué en perfection extraordinaire par saint François et sainte Catherine de Sienne quand ilz lechoyent et sucçoyent les ulceres des ladres et chancreux, et par le glorieux roy saint Louys quand il servoit a genoux et teste nue les malades (dont un abbé de Cisteau demeura tout esperdu d'admiration, le voyant en cette posture manier et agencer un miserable, ulceré de playes horribles et chancreuses); comme encor c'estoit une prattique bien extraordinaire de ce saint monarque de servir a table les pauvres les plus vilz et abjectz, et manger les restes de leurs potages.

  A005000369 

 Il ne veut pas empescher, [94] non plus que Pharao, que les mistiques femmes d'Israël, c'est a dire les ames chrestiennes, enfantent des masles, pourveu qu'avant qu'ilz croissent on les tue: au contraire, dit le grand saint Hierosme, «entre les Chrestiens on n'a pas tant d'egard au commencement qu'a la fin.» Il ne faut pas tant avaler de viande qu'on ne puisse faire la digestion de ce que l'on en prend.

  A005000370 

 Le grand saint Thomas est d'opinion qu'il n'est pas expedient de beaucoup consulter et longuement deliberer sur l'inclination que l'on a d'entrer en une bonne et bien formee Religion; et il a rayson, car la Religion estant conseillee par Nostre Seigneur en l'Evangile, qu'est-il besoin de beaucoup de consultations? Il suffit d'en faire une bonne avec quelque peu de personnes qui soyent bien prudentes et capables de tel affaire, et qui nous puissent ayder a prendre une courte et solide resolution: mais, des que nous avons deliberé et resolu, et en ce sujet et en tout autre qui regarde le service de Dieu, il faut estre fermes et invariables, sans se laisser nullement esbranler par aucune sorte d'apparence de plus grand bien; car bien souvent, dit le glorieux saint Bernard, le malin nous donne le change, et pour nous destourner d'achever un bien il nous en propose un autre qui semble meilleur, lequel apres que nous avons commencé, pour nous divertir de le parfaire il en presente un troisiesme, se contentant que nous fassions plusieurs commencemens, pourveu que nous ne fassions point de fin.

  A005000371 

 Il arrive que l'on quitte quelquefois le bien pour chercher le mieux, et que laissant l'un on ne treuve pas l'autre: mieux vaut la possession d'un petit tresor treuvé, que la pretention d'un plus grand qu'il faut aller chercher.

  A005000372 

 Ainsy nostre ennemy voyant un homme qui, inspiré de Dieu, entreprend une profession et maniere de vie propre a son avancement en l'amour celeste, il luy persuade de prendre une autre voye, de plus grande perfection en apparence, et l'ayant desvoyé de son premier chemin il luy rend petit a petit impossible la suite du second, et luy en propose un troisiesme, affin que l'occupant en la recherche continuelle de divers et nouveaux moyens pour se perfectionner, il l'empesche d'en employer aucun, et par consequent de parvenir a la fin pour laquelle il les cherche, qui est la perfection.

  A005000372 

 Si l'oyseleur va droit au nid de la perdrix, elle se [96] presentera a luy et contrefera l'arrenee et boiteuse, et se lançant comme pour faire grand vol se laissera tout a coup tumber, comme si elle n'en pouvoit plus, affin que le chasseur, s'amusant apres elle et croyant qu'il la pourra aysement prendre, soit diverti de rencontrer ses petitz hors du nid; puis, comme il l'a quelque tems suivie et qu'il cuyde l'attrapper, elle prend l'air et s'eschappe.

  A005000376 

 Il se faut donq comporter ainsy, Theotime, es inspirations qui ne sont extraordinaires que d'autant qu'elles nous incitent a prattiquer avec une extraordinaire ferveur et perfection les exercices ordinaires du Chrestien; mais il y a d'autres inspirations que l'on appelle extraordinaires, non seulement parce qu'elles font avancer l'ame au dela du train ordinaire, mais aussi parce qu'elles la portent a des actions contraires aux lois, regles et coustumes communes de la tressainte Eglise, et qui partant sont plus admirables qu'imitables..

  A005000377 

 Un jeune homme donna un coup de pied a sa mere, et touché de vive repentance s'en vint confesser a saint Anthoine de Padoüe, qui, pour luy imprimer plus vivement en l'ame l'horreur de son peché, luy dit entre autres choses: Mon enfant, «le pied» qui a servi d'instrument a vostre malice pour un si grand forfait, «meriteroit d'estre coupé;» ce que le garçon prit si a certes, qu'estant de retour chez sa mere, ravi du sentiment de sa contrition, il se coupa le pied.

  A005000379 

 Ainsy les serviteurs de Dieu qui ont eu les plus hautes et relevees inspirarations, ont esté les plus doux et paisibles de l'univers: Abraham, Isaac, Jacob; Moyse est qualifié le plus debonnaire d'entre tous les hommes; David est recommandé par sa mansuetude..

  A005000385 

 Mais, estant par apres rappellé et devenu plus devot et plus sage en la vie spirituelle, il se comporta bien d'une autre façon, ainsy qu'il tesmoigna en l'action [101] suivante.

  A005000386 

 Mays voyés, Theotime, je vous prie, comme ces anciens et saintz anachoretes, en leur assemblee generale, ne treuvent point de marque plus asseuree de l'inspiration celeste, en un sujet si extraordinaire comme fut la vie de ce saint Stylite, que de le voir simple, doux et maniable sous les lois de la tressainte obeissance [102].

  A005000387 

 En somme, les trois meilleures et plus asseurees marques des legitimes inspirations sont: la perseverance, contre l'inconstance et legereté; la paix et douceur de cœur, contre les inquietudes et empressemens; l'humble obeissance, contre l'opiniastreté et bigearrerie..

  A005000387 

 Mais y eut il jamais une plus illustre et sensible inspiration que celle qui fut donnee au glorieux saint Paul? Or, le chef principal d'icelle fut qu'il allast en la cité, en laquelle il apprendroit par la bouche d'Ananie ce qu'il avoit a faire: et cet Ananie, homme grandement celebre, estoit, comme dit saint Dorothee, Evesque de Damas.

  A005000387 

 Saint François, saint Dominique et les autres Peres des Ordres religieux vindrent au service des ames par une inspiration extraordinaire; mais ilz se sousmirent d'autant plus humblement et cordialement a la sacree hierarchie de l'Eglise.

  A005000393 

 Car l'ennemi en toutes occurrences les met en doute si c'est la volonté de Dieu qu'elles facent une chose plustost qu'une autre: comme, par exemple, si c'est la volonté de Dieu qu'elles mangent avec l'ami ou qu'elles ne mangent pas, qu'elles prennent des habitz gris ou noirs, qu'elles jeusnent le vendredi ou le samedi, qu'elles aillent a la recreation ou qu'elles s'en abstiennent; en quoy elles consument beaucoup de tems, et tandis qu'elles s'occupent et embarrassent a vouloir discerner ce qui est meilleur, elles perdent inutilement le loysir de faire plusieurs biens, desquelz l'execution seroit plus a la gloire de Dieu que ne sçauroit estre le discernement du bien et du mieux auquel elles se sont amusees..

  A005000393 

 Mais, Theotime, je vous advertis d'une tentation ennuyeuse qui arrive maintefois aux ames qui ont un grand desir de suivre en toutes choses ce qui est le plus selon la volonté de Dieu.

  A005000395 

 Le choix de la vocation, le dessein de quelque affaire de grande consequence, de quelque œuvre de longue haleyne, ou de quelque despence bien grande, le changement de sejour, l'election des conversations, et telles semblables choses meritent qu'on pense serieusement ce qui est plus selon la volonté divine; mais es menues actions journalieres, esquelles mesme la faute n'est ni de consequence ni irreparable, qu'est il besoin de faire l'embesoigné, l'attentif et l'empesché a faire des importunes consultations? A quel propos me mettray-je en despence pour apprendre si Dieu ayme mieux que je die le Rosaire ou l'Office de Nostre Dame, puisqu'il ne sçauroit y avoir tant de difference entre l'un et l'autre qu'il faille pour cela faire une grande enqueste? que j'aille plustost a l'hospital visiter les malades qu'a Vespres? que j'aille plustost au sermon qu'en une eglise ou il y a indulgence? Il n'y a rien, pour l'ordinaire, de si apparemment remarquable en l'un plus qu'en l'autre, qu'il faille pour cela entrer en grande deliberation.

  A005000395 

 Or j'entens tous-jours quand il n'y a pas grande disproportion entre une œuvre et l'autre, et qu'il ne se rencontre point de circonstance considerable d'une part plus que de l'autre..

  A005000396 

 Es choses mesme de consequence il faut estre bien humble, et ne point penser de treuver la volonté de Dieu a force d'examen et de subtilité de discours; mais apres avoir demandé la lumiere du Saint Esprit, appliqué nostre consideration a la recherche de son bon playsir, pris le conseil de nostre directeur et, s'il y escheoit, de deux ou trois autres personnes spirituelles, il faut se resoudre et determiner au nom de Dieu, et ne faut plus par apres revoquer en doute nostre choix, mais le cultiver et soustenir devotement, paisiblement et constamment.

  A005000405 

 Considerons en bloc, Theotime, tout ce qui a esté, qui est et qui sera; et, tous ravis d'estonnement, nous serons contrains d'exclamer a l'imitation du Psalmiste: O Seigneur, je vous loueray parce que vous estes excessivement magnifié; vos œuvres sont merveilleuses, et mon ame le reconnoist trop plus; Vostre [109] science est admirable au dessus de moy, elle prevaut, et je ne puis y atteindre.

  A005000419 

 mays voyans d'autre part que ces peynes, quoy qu'eternelles et incomprehensibles, sont toutefois moindres de beaucoup que les coulpes et crimes pour lesquelz elles sont infligees, ravis de l'infinie misericorde de Dieu: O Seigneur, diront ilz, que vous estes bon, puisqu'au plus fort de vostre ire vous ne pouves contenir le torrent de vos misericordes qu'elles n'escoulent leurs eaux dans les impiteuses flammes de l'enfer!.

  A005000432 

 Les afflictions sont comme cela: si nous les regardons hors de la volonté de Dieu, elles ont leur amertume naturelle; mais qui les considere en ce bon playsir eternel, elles sont toutes d'or, aymables et pretieuses plus qu'il ne se peut dire..

  A005000433 

 Si les Martyrs eussent veu leurs tourmens hors ce bon playsir, comment eussent ilz peu chanter entre les fers et les flammes? Le cœur vrayement amoureux ayme le bon playsir divin, non seulement es consolations mais aussi es afflictions; ains il l'ayme plus en la croix, es peynes et travaux, parce que c'est la principale vertu de l'amour de faire souffrir l'amant pour la chose aymee..

  A005000434 

 Certes, le Saint Esprit marque en l'Escriture Sainte le plus haut point de l'amour de Nostre Seigneur envers nous, en la Mort et Passion qu'il a souffert pour nous..

  A005000434 

 Mais la doctrine chrestienne, qui est la seule vraye philosophie, a trois principes sur lesquelz elle establit tout son exercice: l'abnegation de soy mesme, qui est bien plus que de s'abstenir des playsirs; porter sa croix, qui est bien plus que de la supporter; suivre Nostre Seigneur, non seulement en ce qui est de renoncer a soy mesme et porter sa croix, mais aussi en ce qui est de la prattique de toutes sortes de bonnes œuvres.

  A005000435 

 Aymer la volonté divine en ses commandemens, conseilz et inspirations, c'est un second degré d'amour, beaucoup plus parfait; car il nous porte a renoncer et quitter nostre propre volonté, et nous fait abstenir et deporter de plusieurs voluptés, mais non pas de toutes.

  A005000436 

 Et pour les rendre extremes, il les composa de la perte de tous ses biens et de tous ses enfans, de l'abandonnement de tous ses amis, d'une arrogante contradiction de ses plus grans confederés et de sa femme; mais contradiction pleine de mespris, moqueries et reproches: a quoy il adjousta l'assemblage de presque toutes les maladies humaines, notamment une playe universelle, cruelle, puante, horrible..

  A005000436 

 Le malin ennemi sçavoit bien que c'estoit le dernier affinement de l'amour, quand, apres avoir ouÿ de la bouche de Dieu que Job estoit juste, droiturier, craignant Dieu, fuyant le peché et ferme en l'innocence, il estima tout cela peu de chose en comparayson de la souffrance des afflictions, par lesquelles il fit le dernier et plus grand essay de l'amour de ce grand [114] serviteur de Dieu.

  A005000437 

 Les biens sont volontier receus de tous, mais de recevoir les maux il n'appartient qu'a l'amour parfait, qui les ayme d'autant plus qu'ilz ne sont aymables que pour le respect de la main qui les donne..

  A005000438 

 Nostre Seigneur ayant donné le choix a sainte Catherine de Sienne d'une couronne d'or et d'une couronne d'espines, elle choisit celle ci comme plus conforme a l'amour.

  A005000443 

 Et c'est l'importance, que l'ame fait cette resignation parmi tant de trouble, entre tant de contradictions et repugnances, qu'elle ne s'apperçoit presque pas de la faire; au moins il luy est advis que c'est si languidement, que ce ne soit pas de bon cœur ni comme il est [117] convenable: puisque ce qui se passe alhors pour le bon playsir divin se fait non seulement sans playsir et contentement, mays contre tout le playsir et contentement de tout le reste du cœur; auquel l'amour permet bien de se plaindre, au moins de ce qu'il ne se peut pas plaindre, et de dire toutes les lamentations de Job et de Hieremie, mais a la charge que tous-jours le sacré acquiescement se fasse dans le fond de l'ame, en la supreme et plus delicate pointe de l'esprit.

  A005000443 

 Et plus l'amour en cet estat est desnué de tout secours, abandonné de toute l'assistence des vertus et facultés de l'ame, plus il en est estimable de garder si constamment sa fidelité..

  A005000443 

 Il est ainsy, Theotime: l'ame est quelquefois tellement pressee d'afflictions interieures, que toutes ses facultés et puissances en sont accablees, par la privation de tout ce qui la peut alleger, et par l'apprehension et impression de tout ce qui la peut attrister; si que, a l'imitation de son Sauveur, elle commence a s'ennuyer, a craindre, a s'espouvanter, puis a s'attrister d'une tristesse pareille a celle des mourans, dont elle peut bien dire: Mon ame est triste jusques a la mort; et du consentement de tout son interieur elle desire, demande et supplie que, s'il est possible, ce calice soit esloigné d'elle, ne luy restant plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle, attachee au cœur et bon playsir de Dieu, dit par un tres simple acquiescement: O Pere eternel, mais toutefois ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A005000443 

 Or, entre tous les essays de l'amour parfait, celuy qui se fait par l'acquiescement de l'esprit aux tribulations spirituelles est sans doute le plus fin et le plus relevé.

  A005000444 

 On voudroit vivre s'il playsoit a Dieu, et de plus on voudroit qu'il pleust a Dieu de faire vivre; on meurt de bon cœur, mais on vivroit encor plus volontier; on passe d'asses bonne volonté, mais on demeureroit encor plus affectionnement.

  A005000448 

 Certes, le cœur le plus indifferent du monde peut estre touché de quelque affection tandis qu'il ne sçait encor pas ou est la volonté de Dieu: Eliezer, estant arrivé a la fontaine de Haran, vid bien la vierge Rebecca et la treuva sans doute trop plus belle et aggreable; mais pourtant il demeura en indifference jusques a ce que, par le signe que Dieu luy avoit inspiré, il conneut que la volonté divine l'avoit preparee au filz de son maistre, car alhors il luy donna les pendans d'aureilles et les brasseletz d'or.

  A005000449 

 Le cœur indifferent n'est pas comme cela, car sachant que la tribulation, quoy qu'elle soit laide, comme une [119] autre Lia, ne laisse pas d'estre fille, et fille bienaymee du bon playsir divin, il l'ayme autant que la consolation, laquelle neanmoins en elle mesme est plus aggreable; ains il ayme encor plus la tribulation, parce qu'il ne void rien d'aymable en elle que la marque de la volonté de Dieu.

  A005000450 

 Heroïque, ains plus qu'heroïque, l'indifference de l'incomparable saint Paul: Je suis pressé, dit il aux Philippiens, de deux costés; ayant desir d'estre deslivré de ce cors et d'estre avec Jesus Christ, chose trop plus meilleure, mais aussi de demeurer en cette vie pour vous.

  A005000461 

 il vinst par apres a faire cette exclamation: «O Seigneur, neanmoins, si je suis encor requis au service du [120] salut de vostre peuple, je ne refuse point le travail; vostre volonté soit faite.» Admirable indiffErence de l'Apostre, admirable celle de cet homme apostolique! Ilz voyent le Paradis ouvert pour eux, ilz voyent mille travaux en terre; l'un et l'autre leur est indiffErent au choix, et n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids a leurs cœurs: le Paradis n'est point plus aymable que les miseres de ce monde si le bon playsir divin est Egalement la et icy; les travaux leur sont un Paradis si la volonté divine se treuve en iceux, et le Paradis un travail si la volonté de Dieu n'y est pas, car, comme dit David, ilz ne demandent ni au ciel ni en la terre que de voir le bon playsir de Dieu accompli: O Seigneur, qu'y a-il au ciel pour moy, ou que veux-je en terre sinon vous?.

  A005000462 

 La volonté de Dieu est au service du pauvre et du riche, mais un peu plus en celuy du pauvre; le cœur indifferent choysira ce party.

  A005000462 

 La volonté de Dieu est en la modestie exercee entre les consolations, et en la patience prattiquee entre les tribulations; l'indifferent prefere celle-cy, car il y a plus de la volonté de Dieu..

  A005000462 

 Le bon playsir de Dieu est au mariage et en la virginité; mais parce qu'il est plus en la virginité le cœur indifferent choysit la virginité, quand elle luy devroit couster la vie, comme elle fit a la chere fille spirituelle de saint Paul, sainte Tecle, a sainte Cecile, a sainte Agathe, et mille autres.

  A005000462 

 Le cœur indifferent est comme une boule de cire entre les mains de son Dieu, pour recevoir semblablement toutes les impressions du bon playsir eternel; un cœur sans choix, egalement disposé a tout, sans aucun autre object de sa volonté que la volonté de son Dieu; qui ne met point son amour es choses que Dieu veut ains en la volonté de Dieu qui les veut: c'est pourquoy, quand la volonté de Dieu est en plusieurs choses, il choysit, a quel prix que ce soit, celle ou il y en a plus.

  A005000463 

 En somme, le bon playsir de Dieu est le souverain object de l'ame indifferente: par tout ou elle le void elle court a l'odeur de ses parfums, et cherche tous-jours [121] l'endroit ou il y en a plus, sans consideration d'aucune autre chose; il est conduit par sa divine volonté, comme par un lien tres aymable, et par tout ou elle va il la suit.

  A005000463 

 Il aymeroit mieux l'enfer avec la volonté de Dieu que le Paradis sans la volonté de Dieu: ouy mesme, il prefereroit l'enfer au Paradis, s'il sçavoit qu'en celuy la il y eust un peu plus du bon playsir divin qu'en celuy ci; en sorte que si, par imagination de chose impossible, il sçavoit que sa damnation fust un peu plus aggreable a Dieu que sa salvation, il quitteroit sa salvation et courroit a sa damnation..

  A005000468 

 Job, quant a la vie naturelle, fut ulceré d'une playe la plus horrible qu'on eut veu; quant a la vie civile, il fut moqué, baffoüé, vilipendé, et par ses plus proches; en la vie spirituelle, il fut accablé de langueurs, pressures, convulsions, angoisses, tenebres, et de toutes sortes d'intolerables douleurs interieures, ainsy que ses plaintes et lamentations font foy.

  A005000469 

 Et parce qu'elle estoit plus reconneüe es souffrances qu'es actions des autres vertus, il met l'exercice de la patience le premier, disant: Paroissons en toutes choses comme serviteurs de Dieu, en beaucoup de patience es tribulations, es necessités, es angoisses; et puis en fin, en chasteté, en prudence, en longanimité..

  A005000470 

 Ainsy nostre divin Sauveur fut affligé incomparablement en sa vie civile, condamné comme criminel de leze majesté divine et humaine, battu, foüetté, baffoüé et tourmenté, avec une ignominie extraordinaire; en sa vie naturelle, mourant entre les plus cruelz et sensibles tourmens que l'on puisse imaginer; en sa vie spirituelle, souffrant des tristesses, craintes, espouvantemens, angoisses, delaissemens et oppressions interieures qui n'en eurent ni n'en auront jamais de pareilles.

  A005000471 

 On dit que le poisson qu'on appelle lanterne de mer, au plus fort des tempestes tient sa langue hors des ondes, laquelle est si fort luisante, rayonnante et claire, qu'elle sert de phare et flambeau aux nochers; ainsy, emmi la mer des passions dont Nostre Seigneur fut accablé, toutes les facultés de son ame demeurerent comme englouties et ensevelies dans la tourmente de tant de peynes, hormis la pointe de l'esprit, qui, exempte de tout travail, estoit toute claire et resplendissante de gloire et felicité.

  A005000475 

 On ne connoist presque point le bon playsir divin que par les evenemens, et tandis qu'il nous est inconneu il nous faut attacher le plus fort qu'il nous est possible a la volonté de Dieu qui nous est manifestee ou signifiee; mais soudain que le bon playsir de sa divine Majesté comparoit, il faut aussi tost se ranger amoureusement a son obeissance..

  A005000479 

 Le bienheureux Ignace de Loyola, ayant avec tant de travaux mis sus pied la Compaignie du nom de Jesus, de laquelle il voyoit tant de beaux fruitz et en prevoyoit encor plus de beaux a l'advenir, eut neanmoins le courage de se promettre que s'il la voyoit dissiper, qui seroit le plus aspre desplaysir qu'il peust recevoir, dans demi heure apres il en seroit resolu et s'accoyseroit en la volonté de Dieu.

  A005000479 

 Saint Louys, par inspiration, passe la mer pour conquerir la Terre sainte; le succes fut contraire, et il acquiesce doucement: j'estime plus la tranquillité de cet acquiescement, que la magnanimité du dessein.

  A005000481 

 O Seigneur, vous estes le chevalier royal qui tournes a toutes mains les espritz de vos fideles amans: vous les pousses quelquefois a toute bride, et ilz courent a toute outrance es entreprises que vous leur inspires; et puis, quand il vous semble bon, vous les faites parer au milieu de la carriere, au plus fort de leur course.

  A005000487 

 Ne nous inquietons point pour nous voir tous-jours novices en l'exercice des vertus; car, au monastere de la vie devote, chacun s'estime tous-jours novice, et toute la vie y est destinee a la probation, n'y ayant point de plus evidente marque d'estre non seulement novice, mais digne d'expulsion et reprobation, que de penser et se tenir pour profés: car selon la regle de cet ordre la, non la solemnité, mais l'accomplissement des vœux rend les novices profés; or les vœux ne sont jamais accomplis tandis qu'il y a quelque chose a faire pour l'observance d'iceux, et l'obligation de servir Dieu et faire progres en son amour dure tous-jours jusques a la mort..

  A005000489 

 Attendons donq en patience nostre avancement, et en lieu de nous inquieter d'en avoir si peu fait par le passé, procurons avec diligence d'en faire plus a l'advenir..

  A005000490 

 Neanmoins elle est encor sujette aux assautz et premiers mouvemens de cette passion, qui sont certains eslans, esbranlemens et saillies du cœur irrité, que la paraphrase Caldaïque appelle tremoussemens, disant: Tremousses, et ne veuilles point pecher, ou nostre sacree version a dit: Courrouces-vous, et ne veuilles point pecher; qui est en effect une mesme chose, car le Prophete ne veut dire sinon que si le courroux nous surprend, excitant en nos cœurs les premiers tremoussemens de la cholere, nous nous gardions bien de nous laisser emporter plus avant en cette passion, d'autant que nous pecherions.

  A005000497 

 Dieu hait souverainement le peché, et neanmoins il le permet tres sagement, pour laisser agir la creature raysonnable selon la condition de sa nature, et rendre les bons plus recommandables, quand, pouvans violer la loy, ilz ne la violent pas.

  A005000500 

 Mais, en fin finale, apres que nous avons pleuré sur les obstinés et que nous leur avons rendu le devoir de charité pour essayer de les retirer de perdition, il faut imiter Nostre Seigneur et les Apostres, c'est a dire, divertir nostre esprit de la, et le retourner sur des autres objectz et a d'autres occupations plus utiles a la gloire de Dieu.

  A005000505 

 Mais parce qu'il n'avoit aucun playsir en son chant ni au son de son luth, d'autant qu'estant privé de l'ouïe il n'en pouvoit appercevoir la douceur et beauté, il ne chantoit plus ni ne sonnoit du luth que pour contenter un prince duquel il estoit né sujet, et auquel il avoit une extreme inclination de complaire, accompaignee d'une infinie obligation pour avoir esté nourri des sa jeunesse chez lui: c'est pourquoy il avoit un playsir nompareil de luy plaire, et quand son prince luy tesmoignoit d'aggreer son chant il estoit tout ravi de contentement.

  A005000505 

 Un musicien des plus excellens de l'univers, et qui jouoit parfaitement du luth, devint en peu de tems si extremement sourd qu'il ne luy resta plus aucun usage de l'ouïe; neanmoins il ne laissa pas pour cela de chanter et manier son luth delicatement a merveilles, a cause de la grande habitude qu'il en avoit, que sa surdité ne luy avoit pas ostee.

  A005000514 

 Ainsy nos cœurs, au commencement de leur devotion, ayment Dieu pour s'unir a luy, luy estre aggreables, et l'imiter en ce qu'il nous a aymés eternellement; mays, petit a petit, estans duitz et exercés au saint amour, ilz prennent imperceptiblement le change, et en lieu d'aymer Dieu pour plaire a Dieu, ilz commencent d'aymer pour le playsir qu'ilz ont eux mesmes es exercices du saint amour, et en lieu qu'ilz estoyent amoureux de Dieu, ilz deviennent amoureux de l'amour qu'ilz luy portent: ilz sont affectionnés a leurs affections, et ne se playsent plus en Dieu, mais au playsir qu'ilz ont en son amour, se contentans en cet amour entant qu'il est a eux, qu'il est dans leur esprit et qu'il en procede; car encor que cet amour sacré s'appelle amour de Dieu parce que Dieu est aymé par iceluy, il ne laisse pas d'estre nostre parce que [138] nous sommes les amans qui aymons par iceluy.

  A005000514 

 Ce chantre donques, qui chantoit au commencement a Dieu et pour Dieu, chante maintenant plus a soy mesme et pour soy mesme que pour Dieu, et s'il prend playsir a chanter, ce n'est plus tant pour contenter l'aureille de son Dieu que pour contenter la sienne; et d'autant que le cantique de l'amour divin est le plus excellent de tous, il l'ayme aussi davantage, non a cause de l'excellence divine qui y est loüee, mais parce que l'air du chant en est plus delicieux et aggreable..

  A005000514 

 Or, qui ne void qu'ainsy faisant ce n'est plus Dieu que nous cherchons, ains que nous revenons a nous mesmes, aymant l'amour en lieu d'aymer le Bienaymé; aymant, dis-je, cet amour, non pour le bon playsir et contentement de Dieu, mays pour le playsir et contentement que nous en tirons nous mesmes.

  A005000518 

 Vous connoistres bien cela, Theotime: car si ce rossignol mystique chante pour contenter Dieu, il chantera le cantique qu'il sçaura estre le plus aggreable a la divine Providence; mais s'il chante pour le playsir que luy mesme prend en la melodie de son chant, il ne chantera pas le cantique qui est le plus aggreable a la Bonté celeste, ains celuy qui est plus a son gré de luy mesme, et duquel il pense tirer plus de playsir.

  A005000519 

 Hé, vous vous trompés, mes chers amis, ne dites pas que c'est pour mieux aymer et servir Dieu: o nenni certes! c'est pour mieux servir vostre propre contentement, lequel vous-aymes plus que le contentement de Dieu.

  A005000519 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu veut que tu chantes le cantique pastoral de sa dilection emmi ton troupeau, lequel en vertu de son saint amour il te commande par trois fois de paistre, en la personne du grand saint Pierre qui fut le premier des Pasteurs? Que me respondras-tu? qu'a Rome, qu'a Paris il y a plus de delices spirituelles, et qu'on y peut prattiquer le divin amour avec plus de suavité? O Dieu, ce n'est donq pas pour vous plaire que cet homme veut chanter, c'est pour le playsir qu'il prend a cela; ce n'est pas vous qu'il cherche en l'amour, c'est le contentement qu'il a es exercices du saint amour.

  A005000520 

 Le soin mesme que nous avons a n'avoir point de distractions nous sert souvent de fort grande distraction; la simplicité es actions spirituelles est la plus recommandable.

  A005000520 

 Voules vous regarder Dieu? regardes le donq et soyes attentive a cela; car si vous reflechisses et retournes vos yeux dessus vous mesme, pour voir la contenance que vous tenes en le regardant, ce n'est plus luy que vous regardes, c'est vostre maintien, c'est vous mesme.

  A005000521 

 Helas, soudain que la suavité et satisfaction qu'il prenoit en l'amour cessera, et que les secheresses arriveront, il quittera tout la, il ne priera plus qu'en passant: or, si c'estoit Dieu qu'il aymoit, pourquoy eust-il cessé de l'aymer, puisque Dieu est tous-jours Dieu? c'estoit donq la consolation Dieu qu'il aymoit, et non le Dieu de consolation..

  A005000526 

 O que bienheureux est le cœur qui ayme Dieu sans aucun autre playsir que celuy qu'il prend de plaire a Dieu! car, quel playsir peut-on jamais avoir plus pur et parfait que celuy que l'on prend dans le playsir de la Divinité? Neanmoins, ce playsir de plaire a Dieu n'est pas a proprement parler l'amour divin, ains seulement un fruit d'iceluy, qui en peut estre separé ainsy qu'un citron de son citronnier.

  A005000527 

 Tandis, o Dieu, que je voy vostre douce face qui tesmoigne d'aggreer le chant de mon amour, helas, que je suis consolé! car, y a-il aucun playsir qui egale le playsir de bien plaire a son Dieu? Mais quand vous retires vos yeux de moy et que je n'apperçois plus la douce faveur de la complaysance que vous prenies en mon cantique, vray Dieu, que mon ame est en grande peyne! mais sans cesser pourtant de vous aymer fidelement et de chanter continuellement l'hymne de sa dilection, non pour aucun playsir qu'elle y treuve, car elle n'en a point, ains chante pour le pur amour de vostre volonté.

  A005000528 

 On a veu tel enfant malade manger courageusement, avec un incroyable degoust, ce que sa mere luy donnoit, pour le seul desir qu'il avoit de la contenter; et alhors il mangeoit sans prendre aucun playsir en la viande, mais non pas sans un autre playsir plus estimable et relevé, qui estoit le playsir de plaire a sa mere et de la voir contente.

  A005000531 

 O Dieu, mon cher Theotime, mais c'est alhors qu'il faut tesmoigner une invincible fidelité envers le Sauveur, le servant purement pour l'amour de sa volonté, non seulement sans playsir, mais parmi ce deluge de tristesses, d'horreurs, de frayeurs et d'attaques, comme fit sa glorieuse Mere et saint Jean au jour de sa Passion, qui, entre tant de blasphemes, de douleurs et de detresses mortelles, demeurerent fermes en l'amour, lhors mesme que le Sauveur, ayant retiré toute sa sainte joye dans la cime de son esprit, ne respandoit ni allegresse ni consolation quelcomque en son divin visage, et que ses yeux alangouris et couvertz des tenebres de la mort ne jettoyent plus que des regards de douleur; comme aussi le soleil, des rayons d'horreur et d'affreuses tenebres.

  A005000545 

 Mais que peut donq faire l'ame qui est en cet estat? Theotime, elle ne sçait plus comme se maintenir entre tant d'ennuis, et n'a plus de force que pour laisser mourir sa volonté entre les mains de la volonté de Dieu, a l'imitation du doux Jesus, qui, estant arrivé au comble des peynes de la croix que le Pere luy avoit prefigees, et ne pouvant plus resister a l'extremité de ses douleurs, fit comme le cerf qui hors d'haleyne et accablé de la mutte, se rendant a l'homme, jette les derniers abboys, la larme à l'œil.

  A005000549 

 Certes, nostre volonté ne peut jamais mourir, non plus que nostre esprit, mais elle outrepasse quelquefois les limites de sa vie ordinaire, pour vivre toute en la volonté divine: c'est lhors qu'elle ne sçait ni ne veut plus rien vouloir, ains elle s'abandonne totalement et sans reserve au bon playsir de la divine Providence, se meslant et detrempant tellement avec ce bon playsir, qu'elle ne paroist plus, mais est toute cachee avec Jesus Christ en Dieu, ou elle vit, non plus elle mesme, ains la volonté de Dieu vit en elle.

  A005000549 

 Et que devient la volonté humaine quand elle est entierement abandonnee au bon playsir divin? Elle [149] ne perit pas tout a fait, mais elle est tellement abismee et meslee avec la volonté de Dieu, qu'elle ne paroist plus et n'a plus aucun vouloir separé de celuy de Dieu..

  A005000551 

 Et lhors, le cœur ne dit plus: Vostre volonté soit faite et non la mienne, car il n'a plus aucune volonté a renoncer; ains il dit ces paroles: Seigneur, je remetz ma volonté entre vos mains, comme si sa volonté n'estoit plus en sa disposition, ains en celle de la divine Providence.

  A005000561 

 Benir Dieu et le remercier pour tous les evenemens que sa providence ordonne, c'est a la verité une occupation toute sainte; mays si, tandis que nous laissons le soin a Dieu de vouloir et faire ce qu'il luy plait en nous, sur nous et de nous, sans estre attentifs a ce qui se passe quoy que nous le sentions bien, nous pouvions [155] divertir nostre cœur et appliquer nostre attention en la Bonté et Douceur divine, la benissant non en ses effectz ni es evenemens qu'elle ordonne, mais en elle mesme et en sa propre excellence, nous ferions sans doute un exercice beaucoup plus eminent..

  A005000564 

 Or dites moy maintenant, mon ami Theotime, cette fille ne tesmoigna elle pas un amour plus attentif et plus solide envers son pere que si elle eust eu beaucoup de soin de luy demander des remedes a son mal, de regarder comme on luy ouvroit la veyne ou comme le sang couloit, et de luy dire beaucoup de paroles de remerciment? Il n'y a, certes, doute quelcomque en cela; car, si elle eust pensé a soy, qu'eust elle gaigné sinon d'avoir du souci inutile, puisque son pere en avoit asses pour elle? regardant son bras, qu'eust elle fait sinon recevoir de la frayeur? et remerciant son pere, quelle vertu eust elle prattiquee sinon celle de la gratitude? N'a elle pas donq mieux fait de s'occuper toute es demonstrations de son amour filial, infiniment plus aggreable au pere que toute autre vertu? [157].

  A005000566 

 Il est fort malaysé de bien exprimer cette extreme indifference de la volonté humaine qui est ainsy reduite et trespassee en la volonté de Dieu: car il ne faut pas dire, ce me semble, qu'elle acquiesce a celle de Dieu, puisque l'acquiescement est un acte de l'ame qui declaire son consentement; il ne faut pas dire non plus qu'elle accepte ni qu'elle reçoit, d'autant que accepter et recevoir sont de certaines actions qu'on peut en certaine façon appeller actions passives, par lesquelles nous embrassons et prenons ce qui nous arrive; il ne faut pas dire aussi qu'elle permet, d'autant que la permission est une action de la volonté, et par consequent un certain vouloir oysif qui ne veut voirement rien faire, mais veut pourtant laisser faire.

  A005000571 

 L'amour fit tout cela, Theotime: et c'est l'amour aussi qui, entrant en une ame affin de la faire heureusement mourir a soy et revivre a Dieu, la fait despouiller de tous les desirs humains et de l'estime de soy mesme, qui n'est pas moins attachee a l'esprit que la peau a la chair, et la desnue en fin des affections plus aymables, comme sont celles qu'elle avoit aux [160] consolations spirituelles, aux exercices de pieté et a la perfection des vertus, qui sembloyent estre la propre vie de l'ame devote..

  A005000572 

 Ouy, Theotime, le mesme Seigneur qui nous fait desirer les vertus en nostre commencement et qui nous les fait prattiquer en toutes occurrences, c'est luy mesme qui nous oste l'affection des vertus et de tous les exercices spirituelz, affin qu'avec plus de tranquillité, de pureté et de simplicité, nous n'affectionnions rien que le bon playsir de sa divine Majesté.

  A005000573 

 Car ayant tout renoncé, voire mesme les affections des vertus, pour ne vouloir ni de celles-la ni d'autres quelconques qu'autant que le bon playsir divin portera, il [161] nous faut revestir derechef de plusieurs affections, et peut estre des mesmes que nous avons renoncees et resignees; mais il s'en faut derechef revestir, non plus parce qu'elles nous sont aggreables, utiles, honnorables et propres a contenter l'amour que nous avons pour nous mesmes, ains parce qu'elles sont aggreables a Dieu, utiles a son honneur et destinees a sa gloire..

  A005000574 

 Il faut des habitz neufs a l'espouse du Sauveur: si pour l'amour de luy elle s'est despouillee de l'affection ancienne qu'elle avoit a ses parens, au païs, a la mayson, aux amis, il faut qu'elle en prenne une toute nouvelle, affectionnant tout cela en son rang, non plus selon les considerations humaines, mais parce que l'Espoux celeste le veut, le commande et l'entend, et qu' il a mis un tel ordre en la charité.

  A005000574 

 Si on s'est desnué de la vielle affection aux consolations spirituelles, aux exercices de la devotion, a la prattique des vertus, voire mesme a nostre propre avancement en la perfection, il se faut revestir d'une autre affection toute nouvelle, aymant toutes ces graces et faveurs celestes non plus parce qu'elles perfectionnent et ornent nostre esprit, mays parce que le nom de Nostre Seigneur en est sanctifié, que son royaume en est enrichi et son bon playsir glorifié..

  A005000575 

 Theotime, quicomque a tout quitté pour Dieu ne doit [162] rien reprendre que comme Dieu le veut: il ne nourrit plus son cors sinon comme Dieu l'ordonne, affin qu'il serve a l'esprit; il n'estudie plus que pour servir le prochain et sa propre ame, selon l'intention divine; il prattique les vertus, non selon qu'elles sont plus a son gré, mais selon que Dieu le desire..

  A005000585 

 Le pauvre Apelles, ne se pouvant garder d'aymer, n'osoit toutefois aymer la belle Campaspé, parce qu'elle appartenoit au grand Alexandre; mais quand il eut congé de l'aymer, combien s'en estima-il obligé a celuy qui le luy permettoit! Il ne sçavoit s'il devoit plus aymer, ou cette belle Campaspé qu'un si grand Empereur luy avoit quitté, ou ce grand Empereur qui luy avoit quitté une si belle Campaspé.

  A005000585 

 O vray Dieu, si nous le sçavions entendre, mon cher Theotime, quelle obligation aurions-nous a ce souverain Bien qui non seulement nous permet, mais nous commande de l'aymer! Helas, o Dieu, je ne sçay pas si je dois plus aymer vostre infinie beauté qu'une si divine bonté m'ordonne d'aymer, ou vostre divine bonté qui m'ordonne d'aymer une si tres infinie beauté! O beauté, combien estes vous aymable, m'estant octroyee par une si immense bonté! o bonté, que vous estes amiable de me communiquer une si eminente beauté!.

  A005000586 

 Si que les miserables damnés demeureront a jamais en une rage desesperee, de sçavoir une perfection si souverainement aymable sans en pouvoir jamais avoir ni la jouissance ni l'amour, parce que tandis qu'ilz l'ont peu aymer ilz n'ont pas voulu: ilz brusleront d'une soif d'autant plus violente que le souvenir de cette source des eaux de la vie eternelle aiguisera leurs ardeurs; ilz mourront immortellement, comme des chiens, d'une faim [167] d'autant plus vehemente, que leur memoire en affinera l'insatiable cruauté par le souvenir du festin duquel ilz auront esté privés:.

  A005000594 

 Hé, vray Dieu, combien est desirable la suavité de ce commandement, Theotime, puisque si la divine volonté le faysoit aux damnés ilz seroyent en un moment delivrés de leur plus grand malheur, et que les Bienheureux ne sont Bienheureux que par la prattique d'iceluy! O amour celeste, que vous estes aymable a nos ames! et que benie soit a jamais la Bonté laquelle nous commande avec tant de soin qu'on l'ayme, quoy que son amour soit si desirable et necessaire a nostre bonheur que sans iceluy nous ne puissions estre que malheureux! [168].

  A005000604 

 Et ne faut pas non plus, Theotime, que pendant l'enfance de nostre vie mortelle, nous laissions de faire ce qui est en nous, selon qu'il nous est commandé; puisque non seulement nous le pouvons, mais il est tres aysé, tout ce commandement estant de l'amour, et de l'amour de Dieu, qui, estant souverainement bon, est souverainement aymable.

  A005000610 

 Le miel de Narbonne est tout doux, si est bien celuy de Paris: tous deux sont pleins de douceur, mais l'un neanmoins est plein d'une meilleure, plus fine et plus forte douceur; et bien que l'un et l'autre soit tout doux, ni l'un ni l'autre n'est pas toutefois totalement doux.

  A005000611 

 Apelles faysoit mieux une fois qu'autre, il se surmontoit aucunefois soy mesme, car bien qu'il mit ordinairement tout son art et toute son attention a peindre Alexandre le Grand, si est ce qu'il ne l'y mettoit pas tous-jours totalement, ni si entierement qu'il ne luy restast des autres effortz; par lesquelz il n'employoit pas ni un plus grand artifice ni une plus grande affection, mais il l'employoit plus vivement et parfaitement: il appliquoit tous-jours tout son esprit a bien faire ces tableaux d'Alexandre, parce qu'il l'appliquoit sans reserve, mais il l'appliquoit aucunefois plus fortement et plus heureusement.

  A005000611 

 Qui ne sçait que l'on proffite en ce saint amour, et que la fin des Saintz est comblee d'un plus parfait amour que le commencement?.

  A005000611 

 Theotime, non seulement entre ceux qui ayment Dieu de tout leur cœur il y en a qui l'ayment plus et les autres moins, mais une mesme personne se surpasse maintefois soy mesme en ce souverain exercice de la dilection de Dieu sur toutes choses.

  A005000612 

 Ains, il n'y a point de doute que David, pris a part, ne fut grandement dissemblable a soy mesme en cet amour; et qu'avec son second cœur, que Dieu crea net et pur en luy, et avec son esprit droit, que Dieu renouvella en ses entrailles par la tressainte pœnitence, il ne chantast beaucoup plus melodieusement le cantique de sa dilection, qu'il n'avoit jamais fait avec son cœur et son esprit premier..

  A005000614 

 Il ayme Dieu comme son Dieu, sur toutes choses et plus que soy mesme; il ayme Rachel comme sa femme, sur toutes les autres femmes et comme luy mesme.

  A005000615 

 Or, une goutte de cet amour vaut mieux, a plus de force et merite plus d'estime que tous les autres amours qui jamais puissent estre es coeurs des hommes et parmi les choeurs des Anges; car tandis que cet amour vit, il regne et tient le sceptre sur toutes affections, faysant preferer Dieu en sa volonté a toutes choses indifferemment, universellement et sans reserve.

  A005000622 

 L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour.

  A005000627 

 Saint Luc recite que Nostre Seigneur invita a sa suite un jeune homme qui l'aymoit voirement bien fort, mais il aymoit encor grandement son pere, et pour cela vouloit retourner a luy; et Nostre Seigneur luy retranche cette superfluité d'amour et l'excite a un amour plus pur, affin que non seulement il ayme Nostre Seigneur plus que son pere, mais qu'il n'ayme son pere qu'en Nostre Seigneur: Laisse aux mortz le soin d'ensevelir leurs mortz, mais quant a toy, qui as treuvé la vie, va, et annonce le Royaume de Dieu.

  A005000628 

 Mais en fin, au dessus de toutes ces ames, il y en a une tres uniquement unique, qui est la reyne des reynes, la plus aymante, la plus aymable et la plus aymee de toutes les amies du divin Espoux, qui non seulement ayme Dieu sur toutes choses et en toutes choses, mais n'ayme que Dieu en toutes choses, de sorte qu'elle n'ayme pas plusieurs choses, ains une seule chose, qui est Dieu; et parce que c'est Dieu seul qu'elle ayme en tout ce qu'elle ayme, elle l'ayme egalement par tout, selon que le bon playsir d'iceluy le requiert, hors de toutes choses et sans toutes choses.

  A005000628 

 Or, cette sacree amante n'ayme non plus son Roy avec tout l'univers que s'il estoit tout seul sans univers, parce que tout ce qui est hors de Dieu et n'est pas Dieu ne luy est rien.

  A005000628 

 Si ce n'est qu'Hester qu'Assuerus ayme, pourquoy l'aymera-il plus lhors qu'elle est parfumee et paree que lhors qu'elle est en son habit ordinaire? Si ce n'est que mon Sauveur que j'ayme, pourquoy n'aymeray-je pas autant la montaigne de Calvaire que celle de Tabor, puisqu'il est aussi veritablement en l'une qu'en l'autre? et pourquoy ne diray je pas aussi cordialement en l'une comme en l'autre: Il est bon d'estre icy? J'ayme le Sauveur en Egypte sans aymer l'Egypte; pourquoy ne l'aymeray-je pas au festin de Simon le Lepreux sans aymer le festin? et si je l'ayme entre les blasphemes qu'on respand sur luy sans aymer les blasphemes, pourquoy ne l'aymeray-je pas parfumé de l' unguent pretieux de Magdeleyne sans aymer ni l'unguent ni la senteur? C'est le vray signe que nous n'aymons que Dieu en toutes choses quand nous l'aymons egalement en toutes choses, puisqu'estant tous-jours egal a soy mesme, l'inegalité de nostre amour envers luy ne peut avoir origine que de la consideration de quelque chose qui n'est pas luy.

  A005000634 

 Ames rares et singulieres, qui n'ont plus aucune ressemblance avec les oyseaux dé ce monde, non pas mesme avec le phœnix, qui est si uniquement rare; ains sont seulement representees par cet oyseau que pour son excellente beauté et noblesse on dit n'estre pas de ce monde, ains du Paradis, dont il porte le nom: car ce bel oyseau desdaignant la terre, ne la touche jamais, vivant tous-jours en l'air; de sorte que lhors mesme qu'il veut se delasser, il ne s'attache aux arbres que par des petitz filetz ausquelz il demeure suspendu en l'air, hors duquel et sans lequel il ne peut ni voler ni reposer.

  A005000635 

 Et lhors il faut confesser que ces arbres sont fructueux, autrement ilz ne seroyent pas bons; mais il ne faut pas nier non plus que quelques uns de leurs fruitz ne soyent infructueux, car qui niera que les chatons et le guy des arbres ne soit un fruit infructueux? Et qui niera que les menues choleres et les petitz exces de joye, de risee, de vanité et autres telles passions, ne soyent des mouvemens inutiles et illegitimes? et toutefois le juste en produit sept fois le jour, c'est a dire bien souvent.

  A005000635 

 Les ames qui, comme jeunes filles, sont encor [184] embarrassees de plusieurs affections vaines et dangereuses, ne laissent pas d'avoir quelquefois des sentimens de l'amour plus pur et supreme; mais parce que ce ne sont que des eloyses et esclairs passagers, on ne peut pas dire que ces ames soyent pour cela hors de l'estat des jeunes filles novices et apprentisses.

  A005000639 

 Y ayant tant de divers degrés d'amour entre les vrays amans, il n'y a neanmoins qu'un seul commandement d'amour qui oblige generalement et egalement un chacun d'une toute pareille et totalement egale obligation, quoy qu'il soit observé differemment et avec une infinie varieté de perfections, n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges au Ciel, qui ayent entr'elles une parfaite egalité de dilection; puisque comme une estoile est differente d'avec l'autre estoile en clarté, ainsy en sera-il parmi les Bienheureux resuscités, ou chacun chante un cantique de gloire, et reçoit un nom que nul ne sçait sinon celuy qui le reçoit.

  A005000640 

 C'est l'amour qui doit prevaloir [186] sur tous nos amours et regner sur toutes nos passions: et c'est ce que Dieu requiert de nous, qu'entre tous nos amours le sien soit le plus cordial, dominant sur tout nostre cœur; le plus affectionné, occupant toute nostre ame; le plus general, employant toutes nos puissances; le plus relevé, remplissant tout nostre esprit, et le plus ferme, exerçant toute nostre force et vigueur.

  A005000645 

 On ne connoist pas tous-jours clairement, ni jamais tout a fait certainement, au moins «d'une certitude de foy,» si on a le vray amour de Dieu requis pour estre sauvé; mais on ne laisse pas pourtant d'en avoir plusieurs marques, entre lesquelles la plus asseuree et presque infallible paroist quand quelque grand amour des creatures s'oppose aux desseins de l'amour de Dieu: car alhors, si l'amour divin est en l'ame, il fait paroistre la grandeur du credit et de l'authorité qu'il a sur la volonté, monstrant par effect que non seulement il n'a point de maistre, mais que mesme il n'a point de compaignon, reprimant et renversant tout ce qui le contrarie, et se faisant obeir en ses intentions.

  A005000647 

 Jusques a cela on n'eust presque sceu discerner quel estoit le plus grand amour en Abraham, ou celuy qu'il portoit a Sarai ou celuy qu'il avoit pour Agar; car Agar avoit part a son lit comme [189] Sarai, et de plus avoit l'avantage de la fertilité.

  A005000647 

 La divine dilection veut bien que nous ayons des autres amours, et souvent on ne sçauroit discerner quel est le principal amour de nostre cœur; car ce cœur humain tire maintefois tres affectionnement dans le lit de sa complaysance l'amour des creatures, ains il arrive souvent qu'il multiplie beaucoup plus les actes de son affection envers la creature que ceux de sa dilection envers son Createur.

  A005000647 

 Mais quand ce vint a mettre ces deux amours en comparayson, le bon Abraham fit bien voir lequel estoit le plus fort; car Sarai ne luy eut pas plus tost remonstré qu'Agar la mesprisoit, qu'il luy respondit: Agar ta chambriere est en ta puissance, fais-en comme tu voudras; si que Sarai affligea des lhors tellement cette pauvre Agar qu'elle fut contrainte de se retirer.

  A005000648 

 On demande quelle est la plus excellente gloire d'un prince, ou celle qu'il acquiert en la guerre par les armes, ou celle qu'il merite en la paix par la justice; et il me semble que la gloire militaire est plus grande, et l'autre meilleure: ainsy qu'entre les instrumens, les tambours et trompettes font plus de bruit, mais les luths et les espinettes font plus de melodie; le son des uns est plus fort, et l'autre plus suave et spirituel.

  A005000648 

 Une des perles de Cleopatra valoit mieux que le plus haut de nos rochers, mais celuy ci est bien plus grand: l'un a plus de grandeur, l'autre plus de valeur.

  A005000648 

 Une once de baume ne respandra pas tant d'odeur qu'une livre d'huile d'aspic, mais la senteur du baume sera tous-jours meilleure et plus aymable.

  A005000649 

 Il est vray, Theotime, vous verres une mere tellement embesoignee de son enfant qu'il semble qu'elle n'ayt aucun autre amour que celuy la: elle n'a plus d'yeux que pour le voir, plus de bouche que pour le bayser, plus de poitrine que pour l'allaiter, ni plus de soin que pour l'eslever, et semble que le mari ne luy soit plus rien au prix de cet enfant; mais s'il failloit venir au choix de perdre l'un ou l'autre, on verroit bien qu'elle estime plus le mari, et que si bien l'amour de l'enfant estoit le plus tendre, le plus pressant, le plus passionné, l'autre neanmoins estoit le plus excellent, le plus fort et le meilleur.

  A005000654 

 Et neanmoins il advint qu'en fin, pour je ne sçay quel sujet, cette amitié defaillit, et, selon la coustume, elle fut suivie d'une hayne encor plus ardente, laquelle regna quelque tems entre eux, jusques a ce que Nicephore, reconnoissant sa faute, fit trois divers essais de se reconcilier avec Saprice, auquel, tantost par les uns, tantost par les autres de leurs amis communs, il faisoit porter de sa part toutes les paroles de satisfaction et de sousmission qu'on pouvoit desirer.

  A005000654 

 Mais Saprice, impliable a ses semonces, refusa tous-jours la reconciliation avec autant de fierté comme Nicephore la demandoit avec beaucoup d'humilité; de maniere qu'en fin le pauvre Nicephore, estimant [192] que si Saprice le voyoit prosterné devant luy et requerant le pardon il en seroit plus vivement touché, il le va treuver chez luy, et se jettant courageusement a ses pieds: «Mon Pere,» luy dit-il, «hé, pardonnes moy, je vous supplie, pour l'amour de Nostre Seigneur.» Mais cette humilité fut mesprisee et rejettee comme les precedentes..

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000656 

 Histoire effroyable et digne d'estre grandement pesee pour le sujet dont nous parlons; car aves vous veu, mon cher Theotime, ce courageux Saprice comme il estoit hardi et ardent a maintenir la foy, comme il souffre mille tourmens, comme il est immobile et ferme en la confession du nom du Sauveur tandis qu'on le roule et fracasse dans cet instrument fait a mode de vis, et comme il est tout prest de recevoir le coup de la mort pour accomplir le point le plus eminent de la loy divine, preferant l'honneur de Dieu a sa propre vie? Et neanmoins, parce que d'ailleurs il prefere a la volonté divine la satisfaction que son cruel courage prend en la hayne de Nicephore, il demeure court en sa course, et lhors qu'il est sur le point d'aconsuivre et gaigner le prix de la gloire par le martyre, il s'abbat malheureusement et se rompt le col, donnant de la teste dans l'idolatrie..

  A005000657 

 Il est donq vray, mon Theotime, que ce ne nous est pas asses d'aymer Dieu plus que nostre propre vie, si nous ne l'aymons generalement, absolument et sans exception quelconque, plus que tout ce que nous affectionnons ou pouvons affectionner.

  A005000657 

 La charité n'est point bigearre, et toutefois elle le seroit extremement si voulant plaire au Bienaymé es choses d'extreme difficulté, elle permettoit qu'on luy despleust es choses plus faciles.

  A005000657 

 Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré.

  A005000657 

 O miserable Saprice, oseries vous bien dire que vous aymies Dieu comme il faut aymer Dieu, puisque vous ne preferies pas sa volonté a la passion de la hayne et rancune que vous avies contre le pauvre Nicephore? Vouloir mourir pour Dieu c'est le plus grand, mais non pas certes le seul acte de la dilection que nous devons a Dieu; et vouloir ce seul acte en rejettant les autres, ce n'est pas charité, c'est vanité.

  A005000658 

 Et quoy qu'il s'en treuve plusieurs qui pour la defense de l'ami engagent leurs vies, il ne s'en treuve qu'un en un siecle qui voulust engager sa liberté, ou perdre une once de la plus vaine et inutile reputation ou renommee du monde, pour qui que ce soit..

  A005000658 

 Mais l'esprit humain est foible, inconstant et bigearre; c'est pourquoy quelquefois les hommes choisissent plustost de mourir que de subir d'autres peynes beaucoup plus legeres, et donnent volontier leur vie pour des satisfactions extremement niaises, pueriles et vaines.

  A005000662 

 Vous sçaves, Theotime, quelles furent les amours de Jacob pour sa Rachel; et que ne fit il pas pour en tesmoigner la grandeur, la force et la fidelité, des lhors qu'il l'eut saluee aupres du puitz de l'abbreuvoir? Car jamais onques plus il ne cessa de mourir d'amour pour elle; et pour l'avoir en mariage il servit avec une ardeur nompareille sept ans entiers, luy estant encor advis que ce ne fut rien, tant l'amour adoucissoit les travaux qu'il supportoit pour cette bienaymee, de laquelle estant par apres frustré, il servit derechef encor sept ans durant pour l'obtenir, tant il estoit constant, loyal et courageux en sa dilection.

  A005000663 

 La pauvre Lia n'avoit plus aucun lien d'amour avec Jacob [197] que celuy de sa fertilité, par laquelle elle luy avoit fait quatre enfans masles; le premier desquelz, nommé Ruben, estant allé aux chams en tems de moisson, il y treuva des mandragores, lesquelles il cueillit et dont par apre, estant de retour au logis, il fit present a sa mere.

  A005000663 

 Or, apres tout cela, qui suffisoit pour assujettir la plus fiere fille du monde a l'amour d'un amant si fidele, c'est une honte certes de voir la foiblesse que Rachel fit paroistre en l'affection qu'elle avoit pour Jacob.

  A005000664 

 Et toutefois, revenans a nous, o vray Dieu, combien de fois faisons nous des elections infiniment plus honteuses et miserables! Le grand saint Augustin prit un jour playsir de voir et contempler a loysir des mandragores pour mieux pouvoir discerner la cause pour laquelle Rachel les avoit si ardemment desirees, et il treuva qu'elles estoyent voirement belles a la veüe et d'aggreable senteur, mais du tout insipides et sans [198] goust.

  A005000666 

 N'est ce pas une lamentable merveille de voir David, si grand a surmonter la hayne, si courageux a pardonner l'injure, estre neanmoins si furieusement injurieux en l'amour, que non content de posseder justement une grande multitude de femmes, il va iniquement usurper et ravir celle du pauvre Urie, et, par une lascheté insupportable, affin de prendre plus a souhait l'amour de la femme, il donne cruellement la mort au mari? Qui n'admirera le cœur de saint Pierre, si hardi entre les soldatz armés que luy seul de toute la trouppe de son Maistre met le fer au poing et frappe, puis, peu apres, est si couard entre les femmes, qu'a la seule parole d'une servante il renie et deteste son Maistre? Et comme peut on treuver si estrange que Rachel quittast les caresses de son Jacob pour des pommes [199] de mandragore, puisqu'Adam et Eve quitterent bien la grace pour une pomme qu'un serpent leur offre a manger?.

  A005000667 

 Si quelqu'un me disoit qu'il ne me veut pas couper un bras pour l'amour qu'il me porte, et neanmoins me venoit arracher un œil, ou me rompre la teste, ou me percer le cors de part en part: Hé, ce dirois-je, comme me dites vous que c'est par amour que vous ne me coupes pas un bras, puisque vous m'arraches un œil qui ne m'est pas moins pretieux, ou que vous me donnes de vostre espee a travers le cors, qui m'est encores plus dangereux? C'est une maxime, que «le bien provient d'une cause vrayement entiere, et le mal de chasque defaut.» Pour faire un acte de vraye charité, il faut qu'il procede d'un amour entier, general et universel, qui s'estende a tous les commandemens divins; que si nous manquons d'amour en un seul commandement, nostre amour n'est plus entier ni universel, et le cœur dans lequel il est ne peut estre dit vrayement amant, ni par consequent vrayement bon.

  A005000673 

 Mais icy bas en terre, ou nous ne voyons pas cette souveraine bonté en sa beauté, ains l'entrevoyons seulement entre nos obscurités, nous sommes a la verité inclinés et allechés, mais non pas necessités de l'aymer plus que nous mesmes; ains plustost, au contraire, quoy que nous ayons cette sainte inclination naturelle d'aymer la Divinité sur toutes choses, nous n'avons pas neanmoins la force de la prattiquer, si cette mesme Divinité ne respand surnaturellement dans nos cœurs sa tressainte charité..

  A005000674 

 Hé, de grace, Theotime, la volonté toute destinee a l'amour du bien, comme en pourroit elle tant soit peu connoistre un souverain, sans estre de mesme tant soit peu inclinee a l'aymer souverainement? Entre tous les biens qui ne sont pas infinis, nostre volonté preferera tous-jours en son amour celuy qui luy est plus proche, et sur tout le sien propre; mais il y a si peu de proportion entre l'infini et le fini, que nostre volonté qui connoist un bien infini est sans doute esbranlee, inclinee et incitee de preferer l'amitié de l'abisme de cette bonté infinie a toute sorte d'autre amour et a celuy la encor de nous mesme..

  A005000674 

 Or il est vray pourtant que, comme la claire veüe de la Divinité produit infalliblement la necessité de l'aymer plus que nous mesmes, aussi l'entreveüe, c'est a dire la connoissance naturelle de la Divinité, produit infalliblement l'inclination et tendance a l'aymer plus que nous mesmes.

  A005000675 

 Je vous dois aymer comme mon premier principe, puisque je suis de vous; je vous dois aymer comme ma fin et mon repos, puisque je suis pour vous; je vous dois aymer plus que mon estre, puisque mon estre subsiste par vous; je vous dois aymer plus que moy mesme, puisque je suis tout a vous et en vous..

  A005000675 

 Mais sur tout cette inclination est forte parce que nous sommes plus en Dieu qu'en nous mesmes, nous vivons plus en luy qu'en nous, et sommes tellement de luy, par luy, pour luy et a luy, que nous ne sçaurions, de sens rassis, penser ce que nous luy sommes et ce qu'il nous est que nous ne soyons forcés de crier: Je suis vostre, Seigneur, et ne dois estre qu'a vous; mon ame est vostre, et ne doit vivre que par vous; ma volonté est vostre, et ne doit aymer que [202] pour vous; mon amour est vostre, et ne doit tendre qu'en vous.

  A005000676 

 Que s'il y avoit ou pouvoit avoir quelque souveraine bonté de laquelle nous fussions independans, pourveu que nous peussions nous unir a elle par amour, encor serions nous incités a l'aymer plus que nous mesmes, puisque l'infinité de sa suavité seroit tous-jours souverainement plus forte pour attirer nostre volonté a son amour que toutes les autres bontés, et mesme que la nostre propre..

  A005000677 

 Mais quant a nous, Theotime, mon cher ami, nous voyons bien que nous ne pouvons pas estre vrays hommes sans avoir inclination d'aymer Dieu plus que nous mesmes, ni vrays Chrestiens sans prattiquer cette inclination: aymons plus que nous mesmes Celuy qui nous est plus que tout et plus que nous mesmes.

  A005000677 

 Mais si, par imagination de chose impossible, il y avoit une infinie bonté a laquelle nous n'eussions nulle sorte d'appartenance et avec laquelle nous ne peussions avoir aucune union ni communication, nous l'estimerions certes plus que nous mesmes; car nous connoistrions qu'estant infinie, elle seroit plus estimable et aymable que nous, et par consequent nous pourrions faire des simples souhaitz de la pouvoir aymer: mais, a proprement parler, nous ne l'aymerions pas, puisque l'amour regarde l'union; et beaucoup moins pourrions nous avoir la charité envers elle, puisque la charité est une amitié et l'amitié ne peut estre que reciproque, ayant pour fondement la communication et pour fin l'union.

  A005000681 

 Comme Dieu crea l'homme a son image et semblance, aussi a-il ordonné un amour pour l'homme a l'image et semblance de l'amour qui est deu a sa Divinité: Tu aymeras, dit il, le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur; c'est le premier et le plus grand commandement.

  A005000682 

 Le jeune Tobie, accompaigné de l'ange Raphaël, ayant abordé Raguel son parent, auquel neanmoins il estoit inconneu, Raguel ne l'eut pas plus tost regardé, dit l'Escriture, que se retournant devers Anne, sa femme: Tenes, dit il, voyes combien ce jeune, homme est semblable a mon cousin.

  A005000684 

 Mais ce discours de l'amour du prochain requiert un traitté a part, que je supplie le souverain Amant des hommes vouloir inspirer a quelqu'un de ses plus excellens serviteurs, puisque le comble de l'amour de la divine bonté du Pere celeste consiste en la perfection de l'amour de nos freres et compaignons.

  A005000690 

 Par l'envie nous nous attristons que le prochain ayt un bien plus grand ou pareil au nostre, encor qu'il ne nous oste rien de ce que nous avons; en quoy l'envie est desraysonnable, nous faysant estimer que le bien du prochain soit nostre mal.

  A005000698 

 Mais, Theotime, qui veut voir cette jalousie delicatement et excellemment exprimee, il faut qu'il lise les enseignemens que la seraphique sainte Catherine de Gennes a faitz pour declarer les proprietés du pur amour, entre lesquelles elle inculque et presse fort celle-ci: que l'amour parfait, c'est a dire l'amour estant parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'entremise ou interposition, ni le meslange d'aucune autre chose, non pas mesme des dons de Dieu, voire jusques a cette rigueur, qu'il ne permet pas qu'on affectionne le Paradis sinon pour y aymer plus parfaitement la bonté de Celuy qui le donne; de sorte que les lampes de ce pur amour n'ont point d'huile, de lumignon ni de fumee, elles sont toutes feu et flamme que rien du monde ne peut esteindre; et ceux qui ont ces lampes ardentes en leurs mains, ont la tressainte crainte des chastes espouses, non pas celle des femmes adulteres.

  A005000712 

 C'est un acte de desespoir de mettre dans une place un secours estranger qui se peut rendre le plus fort..

  A005000720 

 Les chiens sages et bien appris tirent païs ou retournent sur eux mesmes selon que le piqueur leur parle, mais les jeunes chiens apprentifs s'egarent et sont desobeissans: les grans Saintz, qui ont rendu sages leurs passions a force de les mortifier par l'exercice des vertus, peuvent aussi tourner leur cholere a toute main, la lancer et la retirer ainsy que bon leur semble; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes, ou du moins mal apprises, nous ne pouvons lascher nostre [223] ire qu'avec peril de beaucoup de desordre, parce qu'estant une fois en campaigne on ne la peut plus retenir ni ranger comme il seroit requis..

  A005000722 

 C'est cela donq, Theotime, que veut dire saint Denis a Demophile qui alleguoit l'exemple de Phinees et d'Helie; car saint Jean et saint Jaques, qui vouloyent imiter Helie a faire descendre le feu du ciel sur les hommes, furent repris par Nostre Seigneur, qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit doux, [224] debonnaire et gracieux, qui n'employoit l'indignation ou le courroux que tres rarement, lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir profiter autrement.

  A005000723 

 Une ire qui est inspiree ou excitee par le Saint Esprit n'est plus l'ire de l'homme, et c'est l'ire de l'homme qu'il faut fuir, puisque, comme dit le glorieux saint Jaques, elle n'opere point la justice de Dieu: et d'effect, quand ces grans serviteurs de Dieu employoient la cholere, c'estoit pour des occurrences si solemnelles et des crimes si excessifz, qu'il n'y avoit nul danger d'exceder la coulpe par la peine..

  A005000726 

 Ainsy l'Espouse celeste confesse que l'amour estant fort comme la mort, laquelle sapara l'ame du cors, le zele, qui est un amour ardent, est encor bien plus fort, car il ressemble a l'enfer qui sapara l'ame de la veue de Nostre Seigneur: mays jamais il n'est dit ni ne se peut dire que l'amour ou le zele soit semblable au paché, qui seul separe de la grace de Dieu.

  A005000726 

 Certes, le zele de Nostre Seigneur parut principalement a mourir sur la croix pour destruire la mort et le peché des hommes: en quoy il fut souverainement imité par cet admirable vaisseau d'election et de dilection, ainsy que le represente le grand saint Gregoire Nazianzene en paroles dorees; car, parlant de ce saint Apostre: «Il combat pour tous,» dit-il, «il respand des prieres pour tous, il est passionné de jalousie envers tous, il est enflammé pour tous, ains mesme il a osé plus que cela pour ses freres selon la chair; en sorte que, pour dire aussi moy mesme ceci fort hardiment, il desire par charité qu'iceux soyent mis en sa place aupres de Jesus Christ.

  A005000726 

 O excellence de courage et de ferveur d'esprit incroyable! il imite Jesus Christ qui pour nous fut fait malediction, qui prit nos infirmités et porta nos maladies; ou, affin que je parle plus sobrement, luy le premier apres le Sauveur ne refuse pas de souffrir et d'estre reputé impie a leur occasion.» Ainsy donq, Theotime, comme nostre Sauveur fut fouetté, condamné, crucifié, en qualité d'homme voué, destiné et dedié a porter et supporter les opprobres, ignominies et punitions deues a tous les pecheurs du monde, et a servir de sacrifice general pour le peché, ayant esté fait comme anatheme, separé et abandonné de son Pere eternel, de mesme [227] aussi, selon la veritable doctrine de ce grand Nazianzene, le glorieux Apostre saint Paul desira d'estre comblé d'ignominie, crucifié, separé, abandonné et sacrifié pour le peché des Juifz, affin de porter pour eux l' anatheme et la peine qu'ilz meritoyent.

  A005000731 

 Ayant si longuement parlé des actes sacrés du divin amour, affin que plus aysement et saintement vous en conservies la memoire je vous en presente un recueil et abbregé.

  A005000732 

 Et Celuy duquel si souvent il est escrit: Je vis moy mesme, dit le Seigneur, il a peu dire par apres, selon le langage de son Apostre: Je vis moy mesme, non plus moy mesme, mais l'homme vit en moy; Ma vie c'est l'homme, et mourir pour l'homme c'est mon proffit; Ma vie est cachee avec l'homme en Dieu.

  A005000734 

 Et partant il n'est pas dit que son esprit s'en alla, le quitta et se separa de luy; mais, au contraire, qu' il mit son esprit dehors, l'expira, le rendit et le remit es mains de son Pere eternel: si que saint Athanase remarque qu'il baissa la teste pour mourir, affin de consentir et pencher a la venue de la mort, laquelle autrement n'eust osé s'approcher de luy; et criant a pleine voix il remet son esprit a son Pere, pour monstrer que comme il avoit asses de force et d'haleyne pour ne point mourir, il avoit aussi tant d'amour qu'il ne pouvoit plus vivre sans faire revivre par sa mort ceux qui sans cela ne pouvoyent jamais eviter la mort, ni pretendre a la vraye vie.

  A005000747 

 La naturelle rayson est grandement blessee et comme a moitié morte par le peché: c'est pourquoy, ainsy mal en point, elle ne peut observer tous les commandemens, qu'elle void bien pourtant estre convenables; elle connoist son devoir, mais elle ne peut le rendre, et ses yeux ont plus de clarté pour luy monstrer le chemin que ses jambes de force pour l'entreprendre..

  A005000755 

 «Adjoustes a un homme la charité,» dit saint Augustin, «tout profite; ostes en la charité, tout le reste ne profite plus:» et a ceux qui ayment Dieu toutes choses cooperent en bien, dit l'Apostre..

  A005000759 

 Mays il y a des vertus qui, a rayson de leur naturelle alliance et correspondance avec la charité, sont aussi beaucoup plus capables de recevoir la pretieuse influence de l'amour sacré, et par consequent la communication de la dignité et valeur d'iceluy: telles sont la foy et l'esperance, qui, avec la charité, regardent immediatement Dieu, et la religion avec la penitence et devotion, [242] qui s'employent a l'honneur de sa divine Majesté.

  A005000760 

 Ainsy toutes les vertus reçoivent un nouveau lustre et une excellente dignité par la presence de l'amour sacré; mais la foy, l'esperance, la crainte de Dieu, la pieté, la penitence et toutes les autres vertus qui d'elles mesmes tendent particulierement a Dieu et a son honneur, elles ne reçoivent pas seulement l'impression du divin amour, par laquelle elles sont eslevees a une grande valeur, mais elles se penchent totalement vers luy, s'associant avec luy, le suivant et servant en toutes occasions: car en fin, mon cher Theotime, la Parole sacree attribue une certaine proprieté et force de sauver, de sanctifier et de glorifier, a la foy, a l'esperance, a la pieté, a la crainte de Dieu, a la penitence; qui tesmoigne bien que ce sont des vertus de grand prix, et qu'estant prattiquees en un cœur qui a l'amour de Dieu, elles se rendent excellemment plus fructueuses et saintes que les autres, [243] lesquelles de leur nature n'ont pas une si grande convenance avec l'amour sacré.

  A005000760 

 La charité donques est une vertu nompareille, qui n'embellit pas seulement le cœur auquel elle se treuve, mais benit et sanctifie aussi toutes les vertus qu'elle rencontre en iceluy, par sa seule presence, les embaumant et parfumant de son odeur celeste, par le moyen de laquelle elles sont rendues de grand prix devant Dieu: ce qu'elle fait neanmoins beaucoup plus excellemment en la foy, en l'esperance, et es autres vertus qui d'elles mesmes ont une nature tendante a la pieté..

  A005000761 

 C'est pourquoy, Theotime, entre toutes les actions vertueuses nous devons soigneusement prattiquer celles de la religion et reverence envers les choses divines, celles de la foy, de l'esperance et de la tressainte crainte de Dieu; parlans souvent des choses celestes, pensans et aspirans a l'eternité, hantant les eglises et services sacrés, faysans des lectures devotes, observans les ceremonies de la religion chrestienne: car le saint amour se nourrit a souhait parmi ces exercices, et respand sur iceux plus abondamment ses graces et proprietés qu'il ne fait sur les actions des vertus simplement humaines; ainsy que le bel arc-en-ciel rend odorantes toutes les plantes sur lesquelles il tumbe, mais plus que toutes incomparablement celles de l'aspalatus.

  A005000766 

 Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement.

  A005000766 

 L'autre est l'amour affectif ou affectueux, qui, comme un petit Benjamin, est grandement delicat, tendre, aggreable et aymable; mais en cela plus heureux que Benjamin, que la charité, sa mere, ne meurt pas en le produisant, ains prend, ce semble, une nouvelle vie par la suavité qu'elle en ressent..

  A005000772 

 «J'ay veu a Tivoli,» dit Pline, «un arbre enté de toutes les façons qu'on peut enter, qui portoit toutes sortes de fruitz; car en une branche on treuvoit des cerises, en une autre des noix, et es autres des raysins, des figues, des grenades, des pommes, et generalement toutes especes de fruitz.» Cela, Theotime, estoit admirable, mais bien plus encor de voir en l'homme chrestien la divine dilection sur laquelle toutes les vertus sont entees: de maniere que, comme l'on pouvoit dire de cet arbre qu'il estoit cerisier, pommier, noyer, grenadier, aussi l'on peut dire de la charité qu'elle est patiente, douce, vaillante, juste, ou plustost, qu'elle est la patience, la douceur et la justice mesme..

  A005000774 

 Ains, tant s'en faut que l'amour celeste oste aux vertus les preeminences et dignités qu'elles ont naturellement, qu'au contraire, ayant cette proprieté de perfectionner les perfections qu'elle rencontre, a mesure qu'elle treuve des plus grandes perfections elle les perfectionne plus grandement: comme le sucre es confitures assaisonne tellement les fruitz de sa douceur, que les addoucissant tous il les laisse neanmoins inegaux en goust et suavité, selon qu'ilz sont inegalement savoureux de leur nature; et jamais il ne rend les pesches et les noix ni si douces ni si aggreables que les abricotz et les mirabolans..

  A005000774 

 Ainsy, mon Theotime, si avec une egale charité l'un souffre la mort du martyre, et l'autre la faim du jeusne, qui ne void que le prix de ce jeusne ne sera pas pour cela egal a celuy du martyre? Non, Theotime; car, qui oseroit dire que le martyre en soy mesme ne soit pas plus excellent que le jeusne? Que s'il est plus excellent, la charité survenante ne luy ostant pas l'excellence qu'il a, ains la perfectionnant, luy laissera par consequent les avantages qu'il avoit naturellement sur le jeusne.

  A005000774 

 Toutes les fleurs perdent l'usage de leur lustre et de leur grace parmi les tenebres de la nuit; mais au matin, le soleil rendant ces mesmes fleurs visibles et aggreables n'egale pas toutefois leurs beautés et leurs graces, et sa clarté, respandue egalement sur toutes, les fait neanmoins inegalement claires et esclattantes, selon que plus ou moins elles se treuvent susceptibles des effectz de sa splendeur: et la lumiere du soleil, pour egale qu'elle soit sur la violette et sur la rose, n'egalera jamais pourtant la beauté de celle la a la beauté de celle ci, ni la grace d'une marguerite a celle du lys; mays pourtant, si la lumiere du soleil estoit fort claire sur la violette, et fort obscurcie par les brouillars sur la rose, alhors sans doute elle rendroit plus aggreable aux yeux la violette que la rose.

  A005000775 

 Ainsy, les menues vertus de Nostre Dame, de saint Jean, des autres grans Saintz, estoyent de plus grand prix devant Dieu que les plus relevees de plusieurs Saintz inferieurs, comme beaucoup des petitz eslans amoureux des Seraphins sont plus enflammés que les plus relevés des Anges du dernier ordre; ainsy que le chant des rossignolz apprentifs est plus harmonieux incomparablement que celuy des chardonneretz les mieux appris..

  A005000775 

 On peut souffrir la mort et le feu pour Dieu sans avoir la charité, ainsy que saint Paul presuppose et que je declaire ailleurs; a plus forte rayson, on la peut souffrir avec une petite charité: or je dis, Theotime, qu'il se peut bien faire qu'une fort petite vertu ait plus de valeur en une ame ou l'amour sacré regne ardemment, que le martyre mesme en une ame ou l'amour est alangouri, foible et lent.

  A005000776 

 Ainsy, Theotime, les petites simplicités, abjections et humiliations esquelles les grans Saintz se sont tant pleus pour se musser et mettre leur cœur a l'abri contre la vayne gloire, ayant esté faites avec une grande excellence de l'art et de l'ardeur du celeste amour, ont esté treuvees plus agreables devant Dieu que les grandes ou illustres besoignes de plusieurs autres, qui furent faites avec peu de charité et de devotion..

  A005000776 

 Pireicus a la fin de ses ans ne peignoit qu'en petit volume et choses de peu, comme boutiques de barbiers, de cordonniers, petitz asnes chargés d'herbes, et semblables menus fatras; ce qu'il faisoit, comme Pline [251] pense, pour assoupir sa grande renommee: dont en fin on l'appella peintre de basse estoffe; et neanmoins, la grandeur de son art paroissoit tellement en ses bas ouvrages, qu'on les vendoit plus que les grandes besoignes des autres.

  A005000777 

 L'Espouse sacree blesse son Espoux avec un seul de ses cheveux, desquelz il fait tant d'estat qu'il les compare aux troupeaux des chevres de Galaad, et n'a pas plus tost loué les yeux de sa devote amante, qui sont les parties les plus nobles de tout le visage, que soudain il lotie la cheveleure, qui est la plus fresle, vile et abjecte; affin que l'on sceust qu'en une ame esprise du divin amour, les exercices qui semblent fort chetifs sont neanmoins grandement agreables a sa divine Majesté..

  A005000789 

 Or, quand le cœur commence a vivre, avant que les autres parties soyent animees, sa vie, certes, est fort debile, tendre et imparfaite; mais a mesure qu'elle s'establit plus entierement dans le reste du cors, elle est aussi plus vigoureuse en chasque partie, et particulierement au cœur: et l'on void que la vie estant interessee en quelque membre, elle s'alangourit en tous les autres.

  A005000791 

 Qui ayme la liberalité et n'ayme pas la chasteté, il monstre bien qu'il n'ayme [258] pas la liberalité pour la beauté de la rayson; car cette beauté est encor plus grande en la chasteté, et ou la cause est plus forte, les effectz devroyent estre plus fortz.

  A005000791 

 Qui ayme une vertu pour l'amour de la rayson et honnesteté qui y reluit, il les aymera toutes, puisqu'en toutes il treuvera ce mesme sujet, et les aymera plus ou moins chacune, selon que la rayson y paroistra plus ou moins resplendissante.

  A005000793 

 Il est bien vray, Theotime, qu'on ne peut pas exercer toutes les vertus ensemble, parce que les sujetz ne s'en presentent pas tout a coup; ains il y a des vertus que quelques uns des plus saintz n'ont jamais eu occasion de prattiquer: car saint Paul premier hermite, par exemple, quel sujet pouvoit il avoir d'exercer le pardon des injures, l'affabilité, la magnificence, la debonnaireté? Mais toutefois, telles ames ne laissent pas d'estre tellement affectionnees a l'honnesteté de la rayson, qu'encor qu'elles n'ayent pas toutes les vertus quant a l'effect, elles les ont toutes quant a l'affection, estant prestes et disposees de suivre et servir la rayson en toutes occurrences, sans exception ni reserve..

  A005000794 

 Combien y a-il de personnes qui, par leur condition naturelle, sont sobres, simples, douces, taciturnes, voire mesme chastes et honnestes? Or tout cela semble estre vertu, et n'en a toutefois pas le merite, non plus que les mauvaises inclinations ne sont dignes d'aucun blasme, jusques a ce que, sur telles humeurs naturelles, nous ayons enté le libre et volontaire consentement.

  A005000802 

 Josué desfit certes vaillamment les ennemis de Dieu par la bonne conduite des armees qu'il eut en charge; mais Samson les desfaisoit encor plus glorieusement, qui de sa main propre, avec des maschoires d'asne, en tuoit a milliers.

  A005000802 

 L'amour celeste excelle en l'une et l'autre façon: car treuvant des vertus en une ame (et pour l'ordinaire au moins y treuve-il la foy, l'esperance et la penitence), il les anime, il leur commande, et les employe heureusement au service de Dieu; et pour le reste des vertus, qu'il ne treuve pas, il fait luy mesme leurs factions, ayant autant et plus de force luy seul qu'elles ne sçauroyent avoir toutes ensemble..

  A005000802 

 Nous semons es jardins une grande varieté de graines, et les couvrons toutes de terre comme les ensevelissans, jusques a ce que le soleil plus fort les fasse lever et, par maniere de dire, resusciter, lhors qu'elles produisent leurs feuilles et leurs fleurs avec des nouvelles graines, une chacune selon son espece: en sorte qu'une seule chaleur celeste fait toute la diversité de ces productions par les semences qu'elle treuve cachees dans le sein de la terre.

  A005000808 

 Que si on ne peut garder les commandemens sans la charité, a plus forte rayson ne peut on sans icelle avoir toutes les vertus..

  A005000812 

 Car, comme Aristote dit, que celuy qui desrobboit pour pouvoir commettre la fornication estoit plus fornicateur que larron, d'autant que son affection tendoit toute a la fornication, et ne se servoit du larcin que comme d'un passage pour y parvenir; ainsy, qui observe la chasteté pour obeir, il est plus obeissant que chaste, puisqu'il employe la chasteté au service de l'obeissance.

  A005000812 

 Les autres vertus se peuvent reciproquement entr'ayder et s'exciter mutuellement en leurs œuvres et exercices; car, qui ne sçait que la chasteté requiert et excite la sobrieté, et que l'obeissance nous porte a la liberalité, a l'orayson, a l'humilité? Or, par cette communication qu'elles ont entr'elles, elles participent aux perfections les unes des autres; car la chasteté observee par obeissance a double dignité, a sçavoir, la sienne propre et celle de l'obeissance; ains elle a plus de celle de l'obeissance que de la sienne propre.

  A005000813 

 Au demeurant, la perfection de l'amour divin est si souveraine qu'elle perfectionne toutes les vertus et ne peut estre perfectionnee par icelles, non pas mesme par l'obeissance, qui est celle laquelle peut le plus respandre de perfection sur les autres; car, encor bien que l'amour soit commandé et qu'en aymant nous prattiquions l'obeissance, si est ce neanmoins que l'amour ne tire pas sa perfection de l'obeissance, ains de la bonté de celuy qu'il ayme, d'autant que l'amour n'est pas excellent parce qu'il est obeissant, mais parce qu'il ayme un bien excellent.

  A005000817 

 Ces anciens sages du monde firent jadis des magnifiques discours a l'honneur des vertus morales, ouy mesme en faveur de la religion; mais ce que Plutarque a observé es Stoïciens est encor plus a propos pour tout le reste des payens.

  A005000818 

 Pour Dieu, Theotime, je vous prie, quelle vertu pouvoyent avoir ces gens-la qui volontairement, et comme a prix fait, renversoyent toutes les lois de la religion? Seneque avoit fait un livre Contre les superstitions, dans lequel il avoit repris l'impieté payenne avec beaucoup de liberté: Or «cette liberté,» dit le grand saint Augustin, «se treuva en ses escritz et non pas en sa vie,» puisque mesme il conseilla «que l'on rejettast de cœur la superstition, mais qu'on ne laissast pas de la prattiquer es actions; car voicy ses paroles: Lesquelles superstitions le sage observera comme commandees par les lois, non pas comme aggreables aux dieux.» Comme pouvoyent estre vertueux ceux qui, comme rapporte saint Augustin, estimoyent «que le sage se devoit tuer quand il ne pouvoit ou ne devoit plus supporter» les calamités de cette vie? et toutefois ne vouloyent pas advouer que les calamités fussent miserables, ni les miseres calamiteuses, ains maintenoyent que le sage estoit tous-jours heureux et sa vie bien heureuse.

  A005000819 

 Aussy, celuy d'entre les Stoïciens et capitaines qui, pour s'estre tué soy mesme en la ville d'Utique affin d'eviter une calamité qu'il estimoit indigne de sa vie, a esté tant loué par les cervelles profanes, fit cette action avec si peu de veritable vertu, que, comme dit saint Augustin, «il ne tesmoigna pas un courage qui voulut eviter la deshonnesteté, mais une ame infirme qui n'eut pas l'asseurance d'attendre l'adversité; car s'il eust estimé chose infame de vivre sous la victoire de Cesar, pourquoy eust il commandé d'esperer en la [270] douceur de Cesar? Comme n'eust-il conseillé a son filz de mourir avec luy,» si la mort estoit meilleure et plus honneste que la vie? Il se tua donq, ou parce qu'il envia a Cesar la gloire qu'il eust eu de luy donner la vie, ou parce qu'il apprehenda la honte de vivre sous un vainqueur qu'il haïssoit: en quoy il peut estre loué d'un gros, et encor, a l'adventure, grand courage, mais non pas d'un sage, vertueux et constant esprit.

  A005000819 

 La cruauté qui se prattique sans esmotion et de sang froid est la plus cruelle de toutes, et c'en est de mesme du desespoir; car celuy qui est le plus lent, le plus deliberé, le plus resolu, est aussi le moins excusable et le plus desesperé..

  A005000820 

 Si Lucrece ne fut pas chaste, pourquoy loue-on donq la chasteté de Lucrece? si Lucrece fut chaste et innocente en cet accident la, Lucrece ne fut elle pas meschante de tuer l'innocente Lucrece? «Si elle fut adultere, pourquoy est elle tant loüee? si elle fut pudique, pourquoy fut elle tuee?» Mais elle craignoit l'opprobre et la honte de ceux qui eussent peu croire que la deshonnesteté «qu'elle avoit soufferte violemment, tandis qu'elle estoit en vie, eust aussi esté soufferte volontairement si, apres icelle, elle fust demeuree en vie; elle eut peur qu'on l'estimast complice du peché, si ce qui avoit esté fait en elle vilainement estoit supporté par elle patiemment.» Et donq, faut-il, pour fuir la honte et l'opprobre qui depend de l'opinion des hommes, accabler l'innocent et tuer le juste? faut il maintenir l'honneur aux despens de la vertu, et la reputation au peril de l'equité? Telles furent les vertus des plus vertueux payens, envers Dieu et envers eux mesmes..

  A005000821 

 Et pour les vertus qui regardent le prochain, ilz foulerent aux pieds, et fort effrontement, par leurs lois mesmes, la principale, qui est la pieté; car Aristote, le plus grand cerveau d'entr'eux, prononce cette horrible [271] et tres impiteuse sentence: «Touchant l'exposition,» c'est a dire l'abandonnement «des enfans, ou leur education, la loy soit telle: qu'il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre; et quant aux autres enfans, si les lois et coustumes de la cité defendent qu'on n'abandonne pas les enfans, et que le nombre des enfans se multiplie a quelqu'un en sorte qu'il en ayt des-ja au double de la portee de ses facultés, il fa.ut prevenir et procurer l'avortement» Seneque, ce sage tant loüé: «Nous tuons,» dit il, «les monstres; et nos enfans, s'ilz sont manques, debiles, imparfaitz ou monstrueux, nous les rejettons et abandonnons.» De sorte que ce n'est pas sans cause que Tertulien reproche aux Romains qu'ilz exposoyent leurs enfans aux ondes, au froid, a la faim et aux chiens; et cela non par force de pauvreté, car, comme il dit, les presidens mesmes et magistratz prattiquoyent cette desnaturee cruauté.

  A005000822 

 Quelle vanité, je vous prie! Estant sur le point de mourir il dit a ses amis qu'il n'avoit peu jusques a l'heure les remercier asses dignement, et que partant il leur vouloit laisser un legat de ce qu'il avoit en soy de plus aggreable et de plus beau, et que s'ilz le gardoyent soigneusement ilz en recevroyent de grandes louanges; adjoustant que ce magnifique legat n'estoit autre chose que «l'image de sa vie.» Voyes-vous, Theotime, comme les abboys de cet homme sont puans de vanité?.

  A005000822 

 «La convoitise humaine a fait la force des payens,» dit le Concile d'Auranges, «et la charité divine a fait celle des Chrestiens.» Les vertus des payens, dit saint Augustin, ont esté non vrayes, mais vraysemblables, [272] parce qu'elles ne furent pas exercees pour la fin convenable, mais pour des fins perissables: «Fabritius sera moins puni que Catilina, non pas que celuy la fut bon, mays parce que celuy ci fut pire; non que Fabritius eut des vrayes vertus, mais parce qu'il ne fut pas si esloigné des vrayes vertus: si que, au jour du jugement, les vertus des payens les defendront, non affin qu'ilz soyent sauvés, mais affin qu'ilz ne soyent pas tant damnés.» Un vice estoit osté par un autre vice entre les payens, les vices se faysans place les uns aux autres sans en laisser aucune a la vertu; et pour ce seul unique vice de la vayne gloire ilz reprimoyent l'avarice et plusieurs autres vices, voire mesme quelquefois ilz mesprisoyent la vanité par vanité; dont l'un d'entr'eux, qui sembloit le plus esloigné de la vanité, foulant aux pieds le lit bien paré de Platon: Que fais tu, Diogene? luy dit Platon.

  A005000823 

 Ceux qui servent les princes pour l'interest font ordinairement des services plus empressés, plus ardens et sensibles; mais ceux qui servent par amour [273] les font plus nobles, plus genereux, et par consequent plus estimables..

  A005000824 

 «Y ayant de ce tems-la,» dit saint Augustin, «deux Romains grans en vertu, Cesar et Caton, la vertu de Caton fut de beaucoup plus approchante de la vraye vertu que celle de Cesar;» et ayant dit en quelque lieu que «les philosophes destitués de la vraye pieté avoyent resplendi en lumiere de vertu,» il s'en desdit au livre de ses Retractations, estimant que cette louange estoit trop grande pour les vertus si imparfaites comme furent celles des payens: qui, en verité, ressemblent à ces vers a feu et luisans qui ne sont luisans qu'emmi la nuit, et le jour venu perdent leur lueur; car de mesme, ces vertus payennes ne sont vertus qu'en comparayson des vices, mais en comparayson des vertus des vrays Chrestiens ne meritent nullement le nom de vertus..

  A005000825 

 Tesmoins les Laurens, les Vincens, les Vitaux, les Erasmes, les Eugenes, les Sebastiens, les Agathes, les Agnes, Catherines, Perpetues, Felicités, Symphoroses, Natalies, et mille milliers d'autres; qui me font tous les jours admirer les admirateurs des vertus payennes, non tant parce qu'ilz admirent desordonnement les vertus imparfaites des payens, comme parce qu'ilz n'admirent point les vertus tres parfaites des Chrestiens, vertus cent fois plus dignes d'admiration et seules dignes d'imitation..

  A005000829 

 Mays quand les vertus morales, ouӱ mesme les vertus surnaturelles, produisent leurs actions en l'absence de la charité, comme elles font entre les schismatiques, au rapport de saint Augustin, et quelquefois parmi les mauvais Catholiques, elles n'ont nulle valeur pour le Paradis; non pas mesme l'aumosne, quand elle nous porteroit a distribuer toute nostre substance aux pauvres; ni le martire non plus, quand nous livrerions nostre cors aux flammes pour estre bruslés.

  A005000829 

 Non, Theotime, sans la charité, dit l'Apostre, tout cela ne serviroit de rien, ainsy que nous monstrons plus amplement ailleurs..

  A005000830 

 Or il y a de plus: quand en la production des actions des vertus morales la volonté se rend desobeissante a sa dame, qui est la charité, comme quand par l'orgueil, la vanité, l'interest temporel, ou par quelqu'autre mauvais motif les vertus sont destournees de leur propre nature, certes alhors ces actions sont chassees et bannies de la mayson d'Abraham et de la societé de Sara, c'est a dire, elles sont privees du fruit [276] et des privileges de la charité, et par consequent demeurent sans valeur ni merite: car ces actions la, ainsy infectees d'une mauvaise intention, sont en effect plus vicieuses que vertueuses, puisqu'elles n'ont de la vertu que le cors exterieur, l'interieur appartenant au vice qui leur sert de motif; tesmoin les jeusnes, offrandes et autres actions du Pharisien..

  A005000832 

 O Dieu, Theotime, quel malheur! Si le juste se destourne de sa justice et qu'il face l'iniquité, on n'aura plus memoire de toutes ses justices, il mourra en son peché, dit Nostre Seigneur en Ezechiel: de sorte que le peché mortel ruine tout le merite des vertus; car, quant a celles qu'on prattique tandis qu'il regne en l'ame, elles naissent tellement mortes qu'elles sont a jamais inutiles pour la pretention de la vie eternelle; et quant a celles que l'on a prattiquees avant qu'il fust commis, c'est a dire tandis que la dilection sacree vivoit en l'ame, leur valeur et merite perit et meurt soudain a son arrivee, ne pouvans conserver leur vie apres la mort de la charité qui la leur avoit donnee..

  A005000833 

 Le lac que les prophanes appellent communement Asphaltite, et les autheurs sacrés mer Morte, a une malediction si grande que rien ne peut vivre de ce que l'on y met: quand les poissons du fleuve Jordain l'approchent ilz meurent, si promptement ilz ne rebroussent contremont; les arbres de son rivage ne produisent rien de vivant, et bien que leurs fruitz ayent l'apparence et forme exterieure pareille aux fruitz des autres contrees, neanmoins, quand on les veut arracher, on treuve que ce ne sont que escorces et peleures pleines de cendres qui s'en vont au vent: marques des infames pechés pour la punition desquelz cette contree, peuplee de quatre cités plantureuses, fut jadis convertie en cet abisme de puanteur et d'infection; et rien aussi ne peut, ce semble, mieux representer le malheur du peché, que ce lac abominable qui prit son origine du plus execrable desordre que la chair humaine puisse commettre.

  A005000833 

 O Dieu, nullement, Theotime: car non seulement le peché est une œuvre morte, mays elle est tellement pestilente et veneneuse, que les plus excellentes vertus de l'ame pecheresse ne produisent aucune action vivante; et quoy que quelquefois les actions des pecheurs ayent une grande ressemblance avec les actions des justes, ce ne sont toutefois qu'escorces pleines de vent et de poussiere, regardees voirement et mesme recompensees par la Bonté divine de quelques presens temporelz, qui leur sont donnés comme aux enfans des chambrieres, mais escorces pourtant qui ne sont ni ne peuvent estre savourees ni goustees par la divine justice, pour estre salariees de loyer eternel.

  A005000840 

 Dieu a promis des recompenses eternelles aux œuvres de l'homme juste, mais si le juste se destourne de sa justice par le peché, Dieu n'aura plus memoire des justices et bonnes œuvres qu'il avoit faites.

  A005000840 

 Que si neanmoins, par apres, ce pauvre homme tombé en peché se releve et retourne en l'amour divin par penitence, Dieu ne se resouviendra plus de son peché; et s'il ne se resouvient plus du peché, il se resouviendra donques des bonnes œuvres precedentes et de la recompense qu'il leur avoit promise, puisque le peché, qui seul les avoit ostees de la memoire divine, est totalement effacé, aboli, aneanti: si que alhors la justice de Dieu oblige sa misericorde, ou plustost la misericorde de Dieu oblige sa justice, de regarder derechef les bonnes œuvres passees, comme si jamais il ne les avoit oubliees; autrement le sacré penitent n'eust pas osé dire a son Maistre: Rendes moy l'allegresse de vostre salutaire, et me confirmes de vostre esprit principal. Car, comme vous voyes, non seulement il requiert une nouveauté d'esprit et de cœur, mais il pretend qu'on luy rende l'allegresse que le peché luy avoit ravie: or cette allegresse n'est autre chose que le vin du celeste amour, qui res-jouit le cœur de l'homme..

  A005000847 

 Or, nous adjoustons quelquefois une fin de moindre perfection que n'est celle de nostre action, quelquefois aussi nous adjoustons une fin d'egale ou semblable perfection, et parfois encor une fin plus eminente et relevee.

  A005000847 

 de plaire a Dieu? qui sont trois diverses fins, dont la premiere est moindre, la seconde n'est pas presque plus excellente, et la troisiesme est beaucoup plus eminente [285] que la fin ordinaire de l'aumosne: si que nous pouvons, comme vous voyes, donner diverses perfections a nos actions, selon la varieté des motifs, fins et intentions que nous prenons en les faysant..

  A005000848 

 Cet autre se communie a Pasques pour ne point estre blasmé de son voysinage et pour obeir a Dieu; qui doute qu'il ne fasse bien? Mais s'il se communie autant ou plus pour eviter le blasme que pour obeir a Dieu, qui doute qu'il ne fasse impertinemment, egalant ou preferant le respect humain a l'obeissance qu'il doit a Dieu? Je puis jeusner le caresme, ou par charité affin de plaire a Dieu, ou par obeissance parce que l'Eglise l'ordonne, ou par sobrieté, ou par diligence pour mieux estudier, ou par prudence affin de faire quelque espargne requise, ou par chasteté affin de dompter le cors, ou par religion pour mieux prier.

  A005000848 

 Or, si je veux, je puis assembler toutes ces intentions et jeusner pour tout cela, mais en ce cas il faut tenir bonne police a ranger ces motifs: car si je jeusnois principalement pour espargner, plus que pour obeir a l'Eglise, plus pour bien estudier que pour plaire a Dieu, qui ne void que je pervertis le droit et l'ordre, preferant mon interest a l'obeissance de l'Eglise et au contentement de mon Dieu? Jeusner pour espargner est [286] bon; jeusner pour obeir a l'Eglise est meilleur; jeusner pour plaire a Dieu est tres bon: mais encores qu'il semble que de trois biens on ne puisse pas composer un mal, si est-ce que qui les colloqueroit en desordre, preferant le moindre au meilleur, il feroit sans doute un desreglement blasmable..

  A005000848 

 Tenes, voyla cet homme qui entre en charge pour servir le public et pour acquerir de l'honneur: s'il a plus de pretention de s'honnorer que de servir la chose publique, ou qu'il soit egalement desireux de l'un et de l'autre, il a tort et ne laisse pas d'estre ambitieux, car il renverse l'ordre de la rayson, egalant ou preferant son interest au bien public; mais si, pretendant pour sa fin principale de servir le public, il est bien ayse aussi parmi cela d'accroistre l'honneur de sa famille, certes, on ne le sçauroit blasmer, parce que non seulement ses deux pretentions sont honnestes, mais elles sont bien rangees.

  A005000849 

 Qui veut plaire a Dieu et a Nostre Dame fait tres bien; mais qui voudroit plaire a Nostre Dame egalement ou plus qu'a Dieu, il commettrait un desreglement insupportable, et on luy pourroit dire ce qui fut dit a Caïn: Si vous aves bien offert, mais aves malpartagé, cesses, vous aves peché.

  A005000849 

 Un homme qui n'invite qu'un de ses amis n'offence nullement les autres; mais s'il les invite tous et qu'il donne les premieres seances aux moindres, reculant les plus honnorables au bas bout, n'offence-il pas ceux ci et ceux la tout ensemble? ceux ci parce qu'il les deprime contre la rayson, ceux la parce qu'il les fait paroistre sotz.

  A005000850 

 Or le souverain motif de nos actions, qui est celuy du celeste amour, a cette souveraine proprieté, qu'estant plus pur il rend l'action qui en provient plus pure: si que les Anges et Saintz de Paradis n'ayment chose aucune pour autre fin quelcomque que pour celle de l'amour de la divine Bonté et par le motif de luy vouloir plaire; ilz s'entr'ayment voirement tous tres ardemment, ilz nous ayment aussi, ilz ayment les vertus, mais tout cela pour plaire a Dieu seulement.

  A005000854 

 Purifions donq, Theotime, tant que nous pourrons, toutes nos intentions: et puisque nous pouvons respandre sur toutes les actions des vertus le motif sacré du divin amour, pourquoy ne le ferons nous pas? rejettans es occurrences toutes sortes de motifs vicieux, comme la vayne gloire et l'interest propre, et considerans tous les bons motifs que nous pouvons avoir d'entreprendre l'action qui se presente alhors, affin de choisir celuy du saint amour, qui est le plus excellent de tous, pour en arrouser et detremper tous les autres.

  A005000855 

 Qui desrobbe pour ivroigner, il est plus ivroigne que larron, selon Aristote; et celuy donques qui exerce la vaillance, l'obeissance, l'affection envers sa patrie, la magnanimité, pour plaire a Dieu, il est plus amoureux divin que vaillant, obeissant, bon citoyen et magnanime, parce que toute sa volonté, en cet exercice, aboutit et vient fondre dans l'amour de Dieu, n'employant tous les autres motifs que pour parvenir a cette fin.

  A005000857 

 Origene, certes, et Tertulien aymerent tellement la blancheur de la chasteté qu'ilz en violerent les plus grandes regles de la charité: l'un ayant choisi de commettre l'idolatrie plustost que de souffrir une horrible vilenie de laquelle les tyrans vouloyent souiller son cors, l'autre se separant de la tres chaste Eglise Catholique sa Mere, pour mieux establir, selon son gré, la chasteté de sa femme.

  A005000858 

 Reduisons donques toutes les vertus a l'obeissance [290] de la charité: aymons les vertus particulieres, mais principalement parce qu'elles sont aggreables a Dieu; aymons excellemment les vertus plus excellentes, non parce qu'elles sont excellentes, mais parce que Dieu les ayme plus excellemment: ainsy le saint amour vivifiera toutes les vertus, les rendant toutes amantes, aymables et sur-aymables..

  A005000862 

 de la prudence, pour discerner quelz sont les moyens plus propres pour parvenir au bien et a la vertu; 5.

  A005000863 

 la science, au contraire, n'est autre chose que le mesme amour qui nous tient attentifs a nous connoistre nous mesmes et les creatures, pour nous faire remonter a une plus parfaite connoissance du service que nous devons a Dieu; 4.

  A005000865 

 Mays si ayans delicieusement joui de ces amoureuses faveurs nous voulons retourner en terre pour tirer le prochain a ce mesme bonheur, du premier et plus haut degré, ou nous avons rempli nostre volonté d'un zele tres ardent et avons parfumé nostre ame des parfums de la charité souveraine de Dieu, nous descendons au second degré, ou nostre entendement prend une clarté nompareille, et fait provision des conceptions et maximes plus excellentes pour la gloire de la beauté et bonté divine; de la nous venons au 3.

  A005000865 

 nous taschons de leur imprimer la sainte pieté, affin que reconnoissans Dieu pour Pere tres aymable, ilz luy obeissent avec une crainte filiale; et au dernier degré nous les pressons de craindre les jugemens de Dieu, affin que meslant cette crainte d'estre damnés avec la reverence filiale, ilz quittent plus ardemment la terre pour monter au Ciel avec nous..

  A005000866 

 La charité ce pendant comprend les sept dons, et ressemble a une belle fleur de lys, qui a six feuilles [293] plus blanches que la neige, et au milieu les beaux marteletz d'or de la sapience, qui poussent en nos cœurs les goustz et savouremens amoureux de la bonté du Pere nostre Createur, de la misericorde du Filz nostre Redempteur et de la suavité du Saint Esprit nostre Sanctificateur.

  A005000870 

 Ah, Jonathas, mon frere, disoit David, tu estois aymable sur l'amour des femmes! et c'est comme s'il eut dit: tu meritois un plus grand amour que celuy des femmes envers leurs maris.

  A005000870 

 Telle, certes, est la crainte de l'ame qui a [294] l'excellente dilection: car elle s'asseure tant de la souveraine bonté de son Espoux, qu'elle ne craint pas de le perdre, mais elle craint bien toutefois de ne jouir pas asses de sa divine presence et que quelqu'occasion ne le fasse absenter pour un seul moment; elle a bien confiance de ne luy desplaire jamais, mais elle craint de ne luy plaire pas autant que l'amour le requiert; son amour est trop courageux pour entrer voire mesme au seul soupçon d'estre jamais en sa disgrace, mais il est aussi si attentif qu'elle craint de ne luy estre pas asses unie: ouy mesme, l'ame arrive quelquefois a tant de perfection qu'elle ne craint plus de n'estre pas asses unie a luy, son amour l'asseurant qu'elle le sera tous-jours, mais elle craint que cette union ne soit pas si pure, simple et attentive comme son amour luy fait pretendre.

  A005000871 

 De cette sacree crainte des divines espouses, furent touchees ces grandes ames de saint Paul, saint François, sainte Catherine de Gennes et autres, qui ne vouloyent aucun meslange en leurs amours, ains taschoyent de le rendre si pur, si simple, si parfait, que ni les consolations ni les vertus mesmes ne tinssent aucune place entre leur cœur et Dieu; en sorte qu'elles pouvoyent dire: Je vis, mais non plus moy mesme, ains Jesus Christ vit en moy; «Mon Dieu m'est toutes choses;» Ce qui n'est point Dieu ne m'est rien; Jesus Christ est ma vie; «Mon amour est crucifié;» et telles autres paroles d'un sentiment extatique..

  A005000872 

 Vous verres toutefois, Theotime, une honneste dame, qui, ne voulant pas manger son pain en oysiveté, non plus que celle que Salomon a tant loüee, couchera la soye en une belle varieté de couleurs sur un satin bien blanc, pour faire une broderie de plusieurs belles fleurs, qu'elle rehaussera par apres fort richement d'or et d'argent selon les assortissemens convenables.

  A005000876 

 Toutefois, encor que la dame dont nous avons parlé ne veuille pas laisser l'eguille en l'ouvrage quand il sera fait, si est ce que, tandis qu'elle y a quelque chose a faire, si elle est contrainte de se divertir pour quelqu'autre occurrence, elle laissera l'eguille piquee dans l'œillet, la rose ou la pensee qu'elle brode, pour la treuver plus a propos quand elle retournera pour ouvrer.

  A005000885 

 Et comme celuy qui donne une grenade la donne voirement pour les grains et le suc qu'elle a au dedans, mais ne laisse pas pourtant de donner aussi l'escorce, comme une dependance d'icelle, de mesme, bien que le Saint Esprit, entre ses dons sacrés, confere celuy de la crainte amoureuse aux ames des siens, affin qu'elles craignent Dieu en pieté, comme leur Pere et leur Espoux, si est-ce, toutefois, qu'il ne laisse pas de leur donner encor la crainte servile et mercenaire, comme un accessoire de l'autre plus excellente.

  A005000896 

 Aussi les tonnerres, tempestes, foudres, sont appellés voix du Seigneur par le Psalmiste, qui dit de plus qu' elles font la parole d'iceluy, parce qu'elles annoncent sa crainte et sont comme ministres de sa justice; et ailleurs, souhaittant que la divine Majesté se fasse redouter a ses ennemis: Lances, dit-il, des esclairs, et vous les dissiperes; descoches vos dards, et vous les troubleres; ou il appelle les foudres, sagettes et dards du Seigneur.

  A005000896 

 Les esclairs, tonnerres, foudres, tempestes, inondations, tremble-terre et autres telz accidens inopinés excitent mesme les plus indevotz a craindre Dieu; et la nature, prevenant le discours en telles occurrences, pousse le cœur, les yeux et les mains mesmes devers le ciel pour reclamer le secours de la tressainte Divinité, selon le sentiment commun du genre humain, qui est, dit Tite Live, que ceux qui servent la Divinité prosperent, et ceux qui la mesprisent sont affligés.

  A005000900 

 La crainte donq de ceux qui, comme esclaves, observent la loy de Dieu pour eviter l'enfer est fort bonne; mais beaucoup plus noble et desirable est la crainte des Chrestiens mercenaires, qui, comme serviteurs a gages, travaillent fidellement, non pas certes principalement pour aucun amour qu'ilz ayent encores envers leurs maistres, mais pour estre salariés de la recompense qui leur est promise.

  A005000900 

 O si l'œil pouvoit voir, si l'aureille pouvoit ouïr, ou qu'il peust monter au cœur de l'homme ce que Dieu a preparé a ceux qui le [303] servent, hé, quelle apprehension auroit-on de violer les commandemens divins, de peur de perdre ces recompenses immortelles! quelles larmes, quelz gemissemens jetteroit on quand par le peché on les auroit perdues! Or, cette crainte neanmoins seroit blasmable si elle enfermoit en soy l'exclusion du saint amour; car qui dirait: je ne veux point servir Dieu pour aucun amour que je luy veuille porter, mais seulement pour avoir les recompenses qu'il promet, il ferait un blaspheme, preferant la recompense au Maistre, le bienfait au Bienfacteur, l'heritage au Pere, et son propre proffit a Dieu tout puissant; ainsy que nous avons plus amplement monstré au Livre second..

  A005000901 

 Mais en fin, quand nous craignons d'offencer Dieu, non point pour eviter la peyne de l'enfer ou la perte du Paradis, mais seulement parce que Dieu estant nostre tres bon Pere nous luy devons honneur, respect, obeissance, alhors nostre crainte est filiale, d'autant qu'un enfant bien né n'obeit pas a son pere en consideration du pouvoir qu'il a de punir sa desobeissance, ni aussi parce qu'il le peut exhereder, ains simplement parce qu'il est son pere; en sorte qu'encor que le pere serait viel, impuissant et pauvre, il ne laisserait pas de le servir avec egale diligence, ains, comme la pieuse cigoigne, il l'assisterait avec plus de soin et d'affection: ainsy que Joseph, voyant le bon homme Jacob son pere, vieux, necessiteux et reduit sous son sceptre, il ne laissa pas de l'honnorer, servir et reverer avec une tendreté plus que filiale, et telle, que ses freres l'ayant reconneüe, estimerent qu'elle opereroit encor apres sa mort, et l'employerent pour obtenir pardon de luy, disans: Vostre pere nous a commandé que nous vous dissions de sa part: Je vous prie d'oublier le crime de vos freres, et le peché et malice qu'ilz ont exercé envers vous.

  A005000902 

 Car, comme les jeunes garçons qui commencent a monter a cheval, quand ilz sentent leur cheval porter un peu plus haut, ne serrent pas seulement les genoux, ains se prennent a belles mains a la selle, mais quand ilz sont un peu plus exercés ilz se tiennent seulement en leurs serres, de mesme les novices et apprentifs au service de Dieu, se treuvans esperdus parmi les assautz que leurs ennemis leur livrent au commencement, ilz ne se servent pas seulement de la crainte filiale, mais aussi de la mercenaire et servile, et se tiennent comme ilz peuvent pour ne point deschoir de leur pretention.

  A005000909 

 En qualité de beatitude, elle nous fait prendre a faveur extreme et singulier honneur les affrontz, calomnies, vituperes et opprobres que le monde nous fait, et nous fait quitter, renoncer et rejetter toute autre gloire sinon celle qui procede du bienaymé Crucifix, pour laquelle nous nous glorifions en l'abjection, abnegation et aneantissement de nous mesmes; ne voulans autres marques de majesté que la couronne d'espines du Crucifix, le sceptre de son roseau, le mantelet de mespris qui luy fut imposé, et le throsne de sa Croix, sur lequel les amoureux sacrés ont plus de contentement, de joye, de gloire et de felicité, que jamais Salomon n'eut sur son throsne d'ivoire..

  A005000914 

 C'en est de mesme des amateurs des richesses et des ambitieux de l'honneur; car ilz sont rendus esclaves de ce qu'ilz ayment, et n'ont plus de cœur en leur poitrine, ni d'ame en leurs cœurs, ni d'affections en leur ame que pour cela..

  A005000915 

 Non vrayement, Theotime; qui aura l'amour de Dieu un peu abondamment, il n'aura plus ni desir, ni crainte, ni esperance, ni courage, ni joye que pour Dieu, et tous ses mouvemens seront accoysés en ce seul amour celeste..

  A005000916 

 L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu.

  A005000917 

 O quand sera-ce donques que l'amour sensuel servira l'amour divin? Ce sera lhors, Theotime, que l'amour armé, parvenu jusques au zele, asservira nos passions par la mortification, et bien plus, lhors que la haut au Ciel l'amour bienheureux possedera toute nostre ame en paix..

  A005000919 

 Ainsy je puis combattre le desir des richesses et voluptés mortelles, ou par le mespris qu'elles meritent, ou par le desir des immortelles; et par ce moyen l'amour sensuel et terrestre sera ruiné par l'amour celeste, ou comme le feu est esteint par l'eau a cause de ses qualités contraires, ou comme il est esteint par le feu du ciel a cause de ses qualités plus fortes et predominantes..

  A005000919 

 En quoy donq prens-tu cette esperance? Je puis aussi resister a cette esperance luy en opposant une plus solide: Espere en Dieu, o mon ame, car c'est luy qui deslivrera tes pieds du piege; Jamais nul n'espera en luy, qui ait esté confondu; Jette tes pretentions es choses eternelles et perdurables.

  A005000919 

 Mais donq, quelle methode doit on tenir pour ranger les affections et passions au service du divin amour? Les medecins methodiques ont tous-jours en bouche cette maxime, que «les contraires sont gueris par leurs contraires;» et les spagyriques celebrent une sentence opposee a celle la, disans que «les semblables sont gueris par leurs semblables.» Or, comme que c'en soit, nous sçavons que deux choses font disparoistre la lumiere des estoiles: l'obscurité des brouillas de la nuit, et la plus grande lumiere du soleil; et de mesme nous combattons les passions, ou leur opposant des passions contraires, ou leur opposant des plus grandes [311] affections de leur sorte.

  A005000920 

 Voulant une autre fois les guerir d'une basse joye, il leur en assigne une plus relevee: Ne vous res-jouisses pas, dit il, dequoy les espritz malins vous sont sujetz, mais dequoy vos noms sont escritz au Ciel; et luy mesme aussi rejette la joye par la tristesse: Malheur a vous qui ries, car vous pleureres..

  A005000921 

 Et comme l'arc-en-ciel touchant l'aspalatus luy oste son odeur et luy en donne une plus [312] excellente, aussi l'amour sacré touchant nos passions, leur oste leur fin terrestre et leur en donne une celeste.

  A005000925 

 On ne peut enter un greffe de chesne sur un poirier, tant ces deux arbres sont de contraire humeur l'un a l'autre: on ne sçauroit, certes, non plus enter l'ire, ni la cholere, ni le desespoir sur la charité, au moins seroit il tres difficile.

  A005000940 

 Un grand religieux de nostre aage a escrit que la disposition naturelle sert de beaucoup a l'amour contemplatif, et que les personnes de complexion affective et amante y sont plus propres.

  A005000941 

 [319] Et puis, bien que les ames enclines a la dilection ayent d'un costé quelque disposition qui les rend plus propres a vouloir aymer Dieu, d'autre part, toutefois, elles sont si sujettes a s'attacher par affection aux creatures aymables, que leur inclination les met autant en peril de se divertir de la pureté de l'amour sacré par le meslange des autres, comme elles ont de facilité a vouloir aymer Dieu: car le danger de mal aymer est attaché a la facilité d'aymer..

  A005000943 

 Le cœur de naturel doux aymera plus aysement, plus aimablement, plus doucement, mais non pas plus solidement ni plus parfaitement; ains, l'amour qui naistra emmi les espines et repugnances d'un naturel aspre et sec, sera plus brave et plus glorieux, comme l'autre sera aussi plus delicieux et gracieux..

  A005000948 

 Qu'est-ce qui presse si fort les avettes d'accroistre leur miel, sinon l'amour qu'elles ont pour luy? O cœur de mon ame, qui es creé pour aymer le bien infini, quel amour peux tu desirer sinon cet amour qui est le plus desirable de tous les amours? Helas, o ame de mon cœur, quel desir peux-tu aymer sinon le plus aymable de tous les desirs? O amour des desirs sacrés, o desirs du saint amour! o que j'ay convoité de desirer vos perfections!.

  A005000955 

 Pourquoy penses-vous, Theotime, que les chiens en la sayson primtaniere perdent plus souvent qu'en autre tems la trace et piste de la beste? C'est parce, disent les chasseurs et les philosophes, que les herbes et fleurs sont alhors en leur vigueur; si que la varieté des odeurs qu'elles respandent estouffe tellement le sentiment des chiens, qu'ilz ne sçavent ni choisir ni suivre la senteur de la proye entre tant de diverses senteurs que la terre exhale.

  A005000956 

 Le lys n'a point de sayson, ains fleurit tost ou tard selon qu'on le plante plus ou moins avant en terre; car si on ne le pousse que trois doigtz en terre, il fleurira incontinent, mais si on le pousse six ou neuf doigtz, il fleurira aussi tous-jours plus tard a mesme proportion.

  A005000957 

 Les ames qui desirent tout de bon d'aymer Dieu ferment leurs entendemens aux discours des choses mondaines, pour l'employer plus ardemment es meditations des choses divines, et ramassent toutes leurs pretentions sous l'unique intention qu'ilz ont d'aymer uniquement Dieu.

  A005000957 

 Pour cela, les Saintz se retirerent es solitudes, affin que, despris des sollicitudes mondaines, ilz vacassent plus ardemment au celeste amour; pour cela, l'Espouse [323] sacree fermoit l'un de ses yeux, affin d'unir plus fortement sa veüe en l'autre seul, et viser plus justement par ce moyen au milieu du cœur de son Bienaymé qu'elle veut blesser d'amour; pour cela, elle mesme tient sa perruque tellement plicee et ramassee dans sa tresse, qu'elle semble n'avoir qu' un seul cheveu, duquel elle se sert comme d'une chaisne pour lier et ravir le cœur de son Espoux, qu'elle rend esclave de sa dilection.

  A005000958 

 Un religieux demanda au bienheureux Gilles ce qu'il pourroit faire de plus aggreable a Dieu; et il luy respondit en chantant: «Une a un, une a un;» c'est a dire, «une seule ame a un seul Dieu.» Tant de desirs et d'amours en un cœur sont comme plusieurs enfans sur une mammelle, qui ne pouvans tetter tous ensemble, la pressent tantost l'un, tantost l'autre, a l'envi, et la font en fin tarir et dessecher.

  A005000962 

 La curiosité, l'ambition, l'inquietude, avec l'inadvertence et inconsideration de la fin pour laquelle nous sommes en ce monde, sont cause que nous avons mille fois plus d'empeschemens que d'affaires, plus de tracas que d'oeuvre, plus d'occupation que de besoigne; et ce sont ces embarrassemens, Theotime, c'est a dire les niaises, vaynes et superflues occupations desquelles nous nous chargeons, qui nous divertissent de l'amour de Dieu, et non pas les vrays et legitimes exercices de nos vocations.

  A005000997 

 Certes, es bas et menus exercices de devotion la charité se prattique non seulement plus frequemment, mais aussi pour l'ordinaire plus humblement, et par consequent plus utilement et saintement..

  A005000997 

 Les avettes picorent dans les lys, les flambes et les roses, mais elles ne font pas moins de buttin sur les menues petites fleurs du romarin et du thim; ains elles y cueillent non seulement plus de miel, mais encor de meilleur miel, parce que dedans ces petitz vases, le [329] miel se treuvant plus serré, s'y conserve aussi bien mieux.

  A005000998 

 Ces condescendances aux humeurs d'autruy, ce support des actions et façons agrestes et ennuyeuses du prochain, ces victoires sur nos propres humeurs et passions, ce renoncement a nos menues inclinations, cet effort contre nos aversions et repugnances, ce cordial et doux aveu de nos imperfections, cette peyne continuelle que nous prenons de tenir nos ames en egalité, cet amour de nostre abjection, ce benin et gracieux accueil que nous faysons au mespris et censure de nostre condition, de nostre vie, de nostre conversation, de nos actions: Theotime, tout cela est plus fructueux a nos ames que nous ne sçaurions penser, pourveu que la celeste dilection le mesnage.

  A005001003 

 Ainsy y a il des ames qui font beaucoup de bonnes œuvres et croissent fort peu en charité, parce qu'elles les font ou froidement et laschement, ou par instinct et inclination de nature plus que par inspiration de Dieu ou ferveur celeste; et au contraire, il y en a qui font peu de besoigne, mais avec une volonté et intention si sainte, qu'elles font un progres extreme en dilection: elles ont peu de talent, mais elles le mesnagent si fidelement, que le Seigneur les en recompense largement.

  A005001007 

 Mais il est vray aussi que, comme si l'on ente la vigne sur l'olivier il ne luy communique pas seulement plus parfaitement son goust, mais la rend encor participante de son suc, ne vous contentes pas aussi d'avoir la charité et avec elle la prattique des vertus, mais faites que ce soit par et pour elle que vous les prattiques, affin qu'elles luy puissent estre justement attribuees..

  A005001018 

 Mais, Theotime, il ne se faut pas arrester la: ains, pour faire un excellent progres en la devotion, il faut non seulement au commencement de nostre conversion, et puis tous les ans, destiner nostre vie et toutes nos actions a Dieu, mais aussi il les luy faut offrir tous les jours, selon l'exercice du matin que nous avons enseigné [335] a Philothee; car en ce renouvellement journalier de nostre oblation nous respandons sur nos actions la vigueur et vertu de la dilection, par une nouvelle application de nostre cœur a la gloire divine, au moyen dequoy il est tous-jours plus sanctifié..

  A005001022 

 En cette sorte devons nous entreprendre les plus grandes affaires et les plus aspres tribulations qui nous puissent arriver.

  A005001022 

 Mais quand elles seront de longue haleyne, il faudra de tems en tems, et fort souvent, repeter cet exercice, pour continuer plus utilement nostre union a la volonté et bon playsir de Dieu, prononçans cette briefve mais toute divine protestation de son Filz: Ouy, o Pere eternel, je le veux de tout mon cœur, parce qu'ainsy a-il esté aggreable devant vous.

  A005001026 

 Il sacrifia, certes, toutes les plus fortes affections naturelles qu'il pouvoit avoir, Ihors qu'oyant la voix de Dieu qui luy disoit: Sors de ton pais, et de ta parentee, et de la mayson de ton pere, et viens au païs que je te monstreray, il sortit soudain et se mit promptement en chemin, sans sçavoir ou il iroit.

  A005001026 

 J'adjouste au sacrifice de saint Charles celuy du grand patriarche Abraham, comme une vive image du plus fort et loyal amour qu'on puisse imaginer en creature quelconque.

  A005001028 

 Hé, voyes donq, de grace, quel holocauste ce saint homme fit en son cœur! sacrifice incomparable, sacrifice qu'on ne peut asses estimer, sacrifice qu'on ne peut asses louer! O Dieu! qui sçauroit discerner quelle des deux dilections fut la plus grande, ou celle d'Abraham qui pour plaire a Dieu immole cet enfant tant aymable, ou celle de cet enfant qui pour plaire a Dieu veut bien estre immolé, et pour cela se laisse lier et [339] estendre sur le bois, et comme un doux aignelet attend paisiblement le coup de mort, de la chere main de son bon pere?.

  A005001030 

 D'autre part, neanmoins, ne voyes vous pas, Theotime, qu'Abraham remasche et roule plus de trois jours dans son ame l'amere pensee et resolution de cet aspre sacrifice? N'aves vous point de pitié de son cœur paternel, quand, montant seul avec son filz, cet enfant plus simple qu'une colombe luy disoit: Mon pere, ou est la victime? et qu'il luy respondoit: Dieu y prouvoyra, mon filz.

  A005001031 

 Renonçons a cette malheureuse liberté, et assujettissons pour jamais nostre franc arbitre au parti de l'amour celeste; rendons nous esclaves de la dilection, de laquelle les serfs sont plus heureux que les rois.

  A005001036 

 La Bonté divine consideree en elle mesme n'est pas seulement le premier motif de tous, mais le plus grand, le plus noble et le plus puissant, car c'est celuy qui ravit les Bienheureux et comble leur felicité.

  A005001052 

 Or en fin, pour conclusion, la Mort et Passion de Nostre Seigneur est le motif le plus doux et le plus violent qui puisse animer nos cœurs en cette vie mortelle: et c'est la verité que les abeilles mistiques font leur plus excellent miel dans les playes de ce Lyon de la tribu de Juda, esgorgé, mis en pieces et deschiré sur le mont de Calvaire; et les enfans de la Croix se glorifient en leur admirable probleme, que le monde n'entend pas: de la mort, qui devore tout, est sortie la viande de nostre consolation; et de la mort, plus forte que tout, est issue la douceur du miel de nostre amour.

  A005001053 

 Aussi, la haut en la gloire celeste, apres le motif de la Bonté divine conneüe et consideree en elle mesme, celuy de la mort du Sauveur sera le plus puissant pour ravir les espritz bienheureux en la dilection de Dieu; en signe dequoy, en la Transfiguration, qui fut un eschantillon de la gloire, Moyse et Helie parloyent avec Nostre Seigneur de l'exces qu'il devoit accomplir en Hierusalem.

  A005001087 

 Et non seulement y avoir trouvé toutes choses conformes à la saincte Doctrine des saincts Peres et Docteurs de l'Eglise, et adjustees au niveau de la Foy Catholique, Apostolique, et Romaine: mais d'abondant confessons ingenuëment y avoir rencontré tant d'avantages pour l'entiere recommandation de l'Amour de Dieu, tant d'ordre et de lumiere à le faire aisément concevoir, tant d'attraicts si puissants à luy gaigner les Ames; que nous estimons que ce sublime et Divin subject a vrayement rencontré cette fois celuy qu'il luy falloit pour dignement le [349] manier et l'estaller en public: et que l'esclat de son excellence et grandeur eust tousjours esté plus sombre et moindre parmy les hommes, quant à sa parfaite cognoissance, si ce Reverendissime Prelat, esgalement sçavant et Religieux, n'eust employé son net esprit et sa riche plume à le traicter.

  A005001133 

 Nostre rayson, ou, pour parler avec lesescholes, nostr'ame entant qu'ell'est raysonnable, est le vray temple du grand Dieu, car c'est la ou plus particulierement il reside.

  A005001133 

 est de discourir selon les revelations generales; la quatriesme n'est pas a proprement parler une puissance de discourir ou raysonner, ains plus tost une certaine eminente et supreme pointe de la rayson et faculté mentale, qui n'est point conduite par la lumiere du discours ni de la rayson, mays par une simple veüe de l'entendement, lequel acquiesce et se sousmet avec la volonté au secret et bon playsir de Dieu..

  A005001135 

 Et de mesme, en cette tres intime ou superieure portion de la faculté raysonnable, se treuvent la foy, representee par les tables escrittes par le doigt de Dieu, par lesquelles il declaire sa volonté; l'esperance, delaquelle les promesses aboutissent a la fleurissante vie cæleste; et la charité, plus douce que la manne a nostre cœur, plus prætieuse que l'or devant Dieu.

  A005001139 

 Mays faut il pas qu'en effect je sois infiniment belle, puisque [parmi] les noyres obscurités et au travers de tant de tenebres sombres, entre lesquelles je ne puis estre veiie ains seulement entreveüe, neanmoins encor suis-je si aggreable que le roy de l'ame, qui est l'esprit, m'ayme tres uniquement, et fendant la presse de toutes autres connoissances me reçoit et me loge dans sa plus belle chambre, et me fait asseoir comme reyne dans le trosne plus relevé de ses acquiescemens, d'ou je donne la loy et assujettis, comme mon captif, tout discours et tout sentiment humain.

  A005001139 

 Mon Dieu, ma Philothee, pourrois-je bien exprimer ceci? La foy est la grand'amie de nostr'entendement, si que elle peut bien dire aux sciences du monde, qui se veulent presque rendre ses compaignes, comme l'Espouse sacree disoit aux Cantiques: O discours humains, je suis brune, mais je suis belle: je suis brune, car je suis entre les brunes obscurités des simples revelations, qui me font paroistre noyre et me rendent presque mesconnoissable; mais je suis pourtant extremement belle en moy mesme, et qui me verroit icy bas comm'on me void la haut au Ciel, il verroit bien que je suis plus blanche que le lis.

  A005001140 

 Quelle merveille fut ce que tant de merveilles miraculeuses furent faites par N. S r entre les Juifz, et que les Juifz entr'icelles creurent si peu a la sainte verité? Car ces merveilles rendoyent la doctrine de Celuy qui les faysoit infiniment croyable; mais dautant que les cœurs n'estoyent pas disposés a recevoir le don de la foy, et que sans la foy ce qui est le plus croyable n'est pas creu, partant ilz demeurerent en leur infidelité: ilz voyoyent le fond des argumens, et n'acquiesçoyent point a la conclusion.

  A005001142 

 En ce sanctuaire se practique l'encensement des oraysons plus parfaites, on y reçoit la manne secrette et cachee dans la cruche d'or, c'est a dire les divins Sacremens, et sur tout l'eucharistique.

  A005001142 

 Mays sur tout on y void l'Arche de l'alliance, qui represente la charité, par l'or, le prince des metaux, et qui est le plus pretieux et le prix des autres, parce que par la proportion quilz ont avec iceluy on les estime; et par le boys de Sethim, beau et incorruptible, par ce que la foy et l'esperance cesseront, les Sacremens se descouvriront, mays la charité demeurera parfaite en sa beauté au Ciel; au milieu de laquelle, comm'en ses entrailles, est la loy de Dieu, parce que la plus excellente action de l'amour se fait en obeissance.

  A005001146 

 C'est la vraye volonté de Dieu que nous ayons tous les moyens requis a faire nostre salut, aussi les avons nous tous suffisamment, et mesme, pour la plus part, nous les avons abondamment et surabondamment.

  A005001147 

 Il conserve soigneusement le privilege [de] nostre liberté entre les graces de sa liberalité: il comble quelquefois la liberté de doux attraitz ou d'attrayantes douceurs, mais il ne l'estouffe jamais, il ne la suffoque point, ains luy laisse tous-jours l'aspiration et respiration libre pour recevoir ou rejetter son inspiration; car en fin ce sont des douceurs, et ce ne seroyent pas des douceurs si c'estoyent des violences: il la tire sans la tiranniser, et cela, ce me semble, ne tesmoigne pas moins la verité de la volonté de Dieu pour nostre salut; ains, au contraire, ceste volonté est dautant plus veritable qu'elle est plus douce et plus suave, dautant plus aymable qu'ell'est plus amiable..

  A005001155 

 Mays de pœnitence pour avoir offencé Dieu, il y en a si peu d'apparence entre les Philosophes, que ceux qui ont esté les plus vertueux, comme les Stoiciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais, et en ont fait une maxime aussi insolente comme celle sur laquelle ilz l'ont fondee, que l'homme sage ne pechoit point.

  A005001172 

 Et ceste repentance morale est attachee a la connoissance et amour de Dieu que la nature peut fournir, et [est] une dependance de la religion morale; et comme la nature peut fournir a l'homme plus de connoissance que d'amour des choses divines, ains en a fourni, ainsy que dit saint Paul des Philosophes, qui ayans conneu Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu (y ayant plus d'aysance de bien penser que de bien dire, et infiniment plus de bien dire que de bien faire), aussi la nature a fourni plus de connoissance que Dieu estoit offencé par le peché, que de repentance pour reparation de l'offence.

  A005001172 

 Mays il suffit, pour oster quelques uns de nos plus sçavans Theologiens de doute, que non seulement la nature peut çonnoistre que Dieu est offencé par les pechés, mais qu'aussi elle l'a conneu, et a enseigné que pour cela il s'en failloit repentir..

  A005001173 

 Or sachans que nous avons offencé Dieu, plusieurs motifs nous peuvent porter a la repentance, et bien souvent ilz s'entresuivent tous les uns apres les autres; comme quand, sous la conduite de quelque directeur, nous allons excitans la contrition par les meditations qui ont, a cet effect, esté mises en l' Introduction: et en effect, il est bon de faire cette suite pour plus profondement jetter les fondemens d'une parfaite resolution..

  A005001178 

 Et qui seroit le pere qui treuvast bonne la volonté d'un enfant, quand il dirait que si son pere ne luy avoit præparé un bon hæritage il l'offenceroit? Mays je dis que ces repentances que la consideration de nostre propre interest, quoy que spirituel et louable, produit en nous, n'enferment point et ne comprenent point encor l'amour [de] Dieu; elles ne le rejettent pas, mais elles ne le contiennent pas non plus; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas exclus ou forclos, mais il n'y est enclos non plus.

  A005001178 

 Le bien n'est pas bien pour nous quand il forclost le mieux qui est en nostre liberté et qui nous est plus propre..

  A005001180 

 On craint plus d'estre damné pour des certains pechés que pour d'autres, et partant la repentance en vient plus tost que des autres.

  A005001180 

 Or toutes ces repentances qui procedent de la crainte de l'enfer, du desir du Ciel, de la consideration des autres maux et inconveviens que le peché nous apporte, elles sont quelques fois si fortes [370] qu'elles arrachent de nos ames toutes les affections qu'elle avoit eues au peché, et la determinent a ne vouloir plus pecher: et lhors elles s'appellent attritions des pœnitens.

  A005001180 

 Que si elles ne sont pas si puissantes qu'elles nous desengagent du tout de l'affection du peché, ou elles ne sont pas attritions, ou elles sont attritions des impœnitens: car, par exemple, n'arrive-il pas maintefois qu'un homme se repentira estrangement d'un peché, comme d'avoir battu son pere ou sa mere, par ce que la difformité de ce peché, et lhorreur, et mesme les exaggerations et vehementes reprehensions d'iceluy quil ouira dire a un bon praedicateur, le toucheront, et neanmoins ne se repentira nullement de la fornication quil a commise? Il y a des pechés desquelz la vilenie et le malheur est plus sensible que des autres, et comme souvent ilz sont plus attrayans que les autres avant quilz soyent commis, ilz desplaysent aussi plus fort estans perpetrés.

  A005001187 

 Et cet amour qui donne mouvement a la repentance est un vray amour, mais non encor parfait, jusques a ce que son mouvement soit en son plus haut degré; car alhors, soudain l'amour parfait est produit en l'ame, c'est a dire la tresste vertu de charité qui rend l'ame toute chere a son Dieu.

  A005001232 

 Le nom d'ami, estant dit en commun ne veut dire qu'une tres simple amitié, mais dit a l'oreille, en secret, il veult dire merveilles, et a mesure quil se dit plus secretement et particulierement, plus il est doux et aymable..

  A005001233 

 Outre cela, l'amour parle plus avec les yeux et la contenance qu'avec le reste; voyre mesme le silence et la taciturnité luy sert de parole.

  A005001237 

 Mays au second Psalme, ell'est prise en mauvaise part, pour l'attentive et ordinaire pensee des rebelles contre la fidelité deüe a N. S. le Roy Jesus: P our quoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont ilz medité choses vaines? Or neanmoins, par ce qu'en l'Escriture S te ce mot est pris le plus souvent en bonne part, pour l'attentive pensee qu'on a aux choses saintes pour s'exciter a les aymer, il est maintenant ordinairement tenu pour saint, a esté canonizé par le commun consentement des Theologiens, aussi bien que celuy d'ange et de zele, comm'au contraire, celuy de dæmon et de dol a esté diffamé; si que maintenant, quand ceux qui traittent des choses divines parlent de la meditation, ilz entendent celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A005001238 

 Ainsy plusieurs prennent playsir a faire des cogitations sur divers objetz, et sont tous-jours songears et attentifs, et ne sçauroient dire pourquoy; ains, la plus part du tems, ilz sont attentifz par inadvertence, et s'ilz pouvoyent ilz ne feroyent nullement telles pensees, ni n'y prendroyent playsir, qui souvent mesme leur sont desagreables; tesmoin celuy qui disoit: Mes cogitations se sont dissipees, tormentant mon cœur.

  A005001238 

 La pensee et l'estude est de tous objectz, mais la meditation, ainsy que nous en parlons maintenant, n'est qu'es objectz la consideration desquelz nous peut rendre meilleurs et plus devotz.

  A005001240 

 24, qui estoit un animal net et pur, sortoit devers le soir pour mediter, pour prier ou se retirer en Dieu, pour conferer avec Dieu, pour exercer son esprit en Dieu, pous s'aliener de soy mesme; car les plus sçavans interpretes expliquent ainsy ce passage: Parap.

  A005001243 

 ...et l'ayant treuvé elle le succe, le tire, le savoure, s'en charge, le reduit en son cœur, met a part ce qu'elle void luy estre plus necessaire, et fait les resolutions convenables pour le tems de la tentation.

  A005001247 

 La meditation ne semble avoir qu'une seule difference d'avec l'estude, qui consiste en la fin; car l'estude tend a nous rendre plus doctes, et la meditation a nous rendre plus affectionnés a Dieu.

  A005001249 

 L'amour presse les yeux a regarder tous-jours plus attentivement, et la veüe presse le cœur d'aymer tous-jours plus ardemment ce Bienaymé..

  A005001250 

 Il est vray que le regard ayant excité l'amour, l'amour ne s'arreste pas es bornes jusques auxquelles le regard l'a poussé, car en ce monde nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance; dont S t Thomas asseure que «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour de Dieu.

  A005001250 

 Mays qui a plus de force, ou l'amour pour faire regarder ou le regard pour fair'aymer? Certes, egalement.

  A005001251 

 Mays pourtant il arrive souvent que la volonté esmeüe par la connoissance passe plus avant, et par le propre playsir qu'elle ressent d'estre appliquee a son object aymable elle s'avance extremement en l'amour; n'ayant plus besoin pour cela de l'action [de] l'entendement, ains seulement de la force du sentiment qu'ell'a de son bien, duquel l'union l'attire puissamment a soy par la propre jouissance.

  A005001251 

 Ne voyons nous pas, Philothee, que la cholere esmeüe par la connoissance de quelqu'injure fort legere, si promptement elle n'est bridee, elle passe tout outre et devient infiniment plus grande que le sujet ne requiert? La connoissance donne la naissance aux passions, mais non pas la mesure.

  A005001251 

 [384] Il est vray, la volonté ne connoit pas le bien que par l'entremise [de] l'entendement; mais apres qu'elle l'a conneu, elle mesme en sent le playsir, et le playsir la porte plus avant en l'amour: si que en mangeant, l'appetit va croissant.

  A005001253 

 A vostre advis, Philothee, qui connoist mieux la bonté du vin: ou le medecin absteme qui n'en beut onques, ou le gromeur et taste vin de Greve? Celuy-la, sans doute, en sçait plus par discours, et celluy ci par experience.

  A005001253 

 C'est pourquoy, apres que la connoissance de la foy nous a provoqué [386] au commencement de l'amour, la connoissance de l'experience, par laquelle nous goustons, touchons et voyons la bonté de Dieu sous la conduite de l'amour, produit en nous un autr'amour plus grand; puis cet amour un goust plus excellent, et ce goust un amour plus eminent.

  A005001253 

 Ceux qui me goustent auront encor faim, et ceux qui me boivent auront encor soif. Qui goustoit plus Dieu, ou le bon Guillaume Ocham, que quelques uns ont estimé le plus subtil des mortelz, ou S te Cath.

  A005001253 

 Et comme l'on void sous les effortz des vens les vagues s'entrepresser l'une lautre et s'eslever plus haut, comm'a l'envi, par le rencontre l'une de lautre, ainsy l'amour aiguise le goust et le goust affine l'amour.

  A005001253 

 Mays qui l'ayme plus? qui l'estime plus? Indubitablement celuy ci, qui, le savourant et experimentant sa douceur, sa force res-jouissante, a un certain motif pressant pour le bien aymer.

  A005001253 

 Qui ayme plus la lumiere et qui l'estime plus: ou celuy qui estant né aveugle et n'ayant jamais joüy des effectz de cette noble clarté sçauroit neanmoins tous les discours qu'en font les Philosophes et toutes les louanges que les sçavans luy donnent, ou celuy qui avec une veüe bien claire sent et ressent l'aggreable splendeur d'un beau soleil levant? Celuy-lâ, certes, en a plus de science, celui [ci] plus de jouissance; celuy [la] en a une certaine connoissance morte, ou pour le moins languissante, celuy ci une connoissance vive, animee, et qui respand dans le cœur un amour fort affectionné.

  A005001255 

 Il faut pourtant bien advoüer que quand non seulement la volonté est delectee par son object, mais que l'entendement eh connoist la bonté plus parfaitement, la volonté est bien plus fortement portee et attachee; car ell'est poussee et tiree tout ensemble a son objet, poussee par l'entendement, tiree par la delectation: et partant, «si l'homme» sçavant, dit S t Th., 2.

  A005001270 

 Car ainsy, Dieu respandant dedans le cœur le vin, plus doux que le miel, de son s t amour, et en faysant sentir l'odeur a nos facultés, vous les voyes, par cet aymable attrait, rentrer dedans le cœur comme dedans leur ruche, doucement et delicieusement..

  A005001271 

 L'ame est plus ou ell'ayme qu'ou ell'anime: et ou estoit le Bien Aymé de cette Bienaymee, sinon dedans ses entrailles, dans ses flancz? c'est pourquoy toute son ame estoit ramassee dedans elle mesme, et a mesure que la divine Majesté s'estoit, par maniere de dire, restressie et appetissee dedans son ventre virginal, son ame aggrandissoit et magnifioit son infinie bonté, son esprit tressailloit en Dieu son Sauveur, c'est a dire en ses entrailles, ou Dieu estoit.

  A005001275 

 Mays ayes compassion a sa passion, ell'est transportee d'amour: c'est pourquoy elle s'excuse en disant que le vin des mammelles, ou les mammelles, c'est a dire les amours, plus fortz que le vin, l'ont enivree.

  A005001277 

 Ainsy les grans princes mesme ramassent plus soigneusement leurs barons et chevaliers quand ilz doivent estre en la presence de quelqu'autre grand prince; et comme le soleil, par sa veue, fait recueillir en soymesme les flambes, les touchant seulement de son rayon: car ainsy Dieu touchant d'un trait de ses inspirations les cœurs qui le regardent et se mettent en sa presence, il les ramasse et recueille tout en eux mesme, pour estr'attentifs a Dieu.

  A005001280 

 Or, l'ame qui est en ce doux sommeil et qui n'a que la seule simple attention delicieuse de son Espoux, ne voudroit jamais partir de la, ni changer ce repos, non pas mesme au plus grand bien de ce monde.

  A005001282 

 Mais [396] apres que la fraicheur du lait a aucunement appaysé la chaleur appetissante de leur petite poitrine, et que les douces vapeurs quil envoye au cerveau commencent a les endormir, Philothee, vous les verries fermer leurs petitz yeux tout bellement et ceder au sommeil, sans quilz facent plus aucun'autre action que celle d'un lent et tendre mouvement des levres, avec lequel ilz succent et avalent imperceptiblement le lait, sans y penser certes, mais non pas sans playsir, car si [on] leur oste ce bien ilz s'esveillent et pleurent amerement; si que tesmoignans de l'aigreur en la privation, ilz font asses connoistre qu'ilz avoyent de la douceur en la possession.

  A005001282 

 N'aves vous jamais veu (et j'emprunte cette similitude d'une des plus grandes Sulamites de cet aage, la mere Therese), ou n'aves jamais pris garde, ma chere Philothee, aux petitz enfans, qui, s'attachans a la mammelle de leur mere, grommelent au commencement, succent ardamment, pressent des levres et serrent si fort le sucheron et tetin, que mesme ilz font douleur a leur mere.

  A005001284 

 Elle ne luy demande rien, car elle ne veut que luy qu'ell'a treuvé; elle ne cherche plus rien, car ell'a treuvé Celuy qu'elle cherchoit; elle ne s'amuse pas a discourir par l'entendement, par ce qu'elle void d'une veüe simple et si douce son Bienaymé, que le discours la divertiroit et mettroit en travail: et mesme quelquefois elle ne le void point par l'entendement, et ne se soucie point de le voir, se contentant de le sentir par le seul ayse de la volonté, comme la S te Vierge, qui ayant N. S. en son ventre, le sentoit sans le voir, ou comme S te Elizabeth qui, sans le voir, jouissoit du fruit de sa presence en la Visitation.

  A005001284 

 Or cett'orayson de quietude se fait ainsy: l'ame ayant ramassé ses puissances et sentant qu'ell'est unie avec son Espoux, elle n'a [397] plus sujet de s'empresser, car ell'a treuvé Celuy que son cœur ayme, elle n'a plus a faire que de dire: Je le tiens et ne l'abandonneray point.

  A005001287 

 O Dieu, Philothee, quilz font une grande faute! car ilz troublent volontairement le doux repos que Dieu leur avoit donné, et en lieu de s'occuper en l'amour de Dieu ilz s'occupent en l'amour d'eux mesme; en lieu de se tenir attentifs a Dieu ilz sont attentifz a eux mesmes, et ne se tenant plus a Dieu qui les contentoit, ilz s'attachent au contentement quil leur donne: comme si un esclave que le roy auroit attaché a soy par une chaisne d'or pour le sauver, en lieu de considerer la bonté de ce prince consideroit la valeur de la chaisne.

  A005001290 

 Neanmoins, l'ame qui est en cette quietude voudrait bien n'estre point distraitte; sa paix serait bien plus douce si on ne luy faysoit point de bruit au tour, si elle n'avoit nul sujet de se remuer ni quant au cors ni quant au cœur: car en fin toute l'ame prend contentement a cette presence, et partant elle y voudrait estre toute; mais ne pouvant quelquefois empescher quelque sorte de divertissement, au moins conserve elle la paix en la faculté par laquelle elle la reçoit, qui est la volonté.

  A005001290 

 Volonté laquelle n'a garde de se fascher de la distraction des autres facultés, car a mesure qu'elle voudrait avoir soin de les empescher et se fascheroit de leur divertissement, elle se divertirait elle mesme de son objet, perdrait son contentement, et en lieu de la quietude aupres de Dieu, elle se mettrait a la course apres les autres puissances, lesquelles aussi bien elle ne sçauroit ramener plus puissamment que perseverant en sa paix, alaquelle petit a petit en fin les autres reviennent par la douceur que la volonté reçoit, delaquelle elle leur communique certains ressentimens, comme des odeurs, qui les attirent au retour..

  A005001293 

 Et quoy! donques tu ne desires rien sinon d'estre statue, lâ dedans cette niche? Non vrayement, sinon que mon maistre ne voulut plus que je fusse cela; mais tandis quil luy plait que je ne soys autre chose qu'une statue, je ne veux aussi estre que cela..

  A005001301 

 Ainsy, treschere Philothee, N. S. attirant un'ame a soy par l'orayson de recueillement dont nous avons parlé, et ayant ramassé toutes ses puissances sur le sein de sa bonté plus que maternelle, et, par maniere de dire, l'ayant toute repliee devers luy, il la joint, et la serre et colle sur soy et sur son visage.

  A005001302 

 Qu'est ç'a dire, tenir collée, tenir attache et ravir, sinon unir fort serré? L'ame se serre donq et se presse sur ses objects quand elle s'y affectionne, et se presser et serrer a l'object n'est autre chose que s'unir de plus fort; car presser et serrer une chose contr'un'autre ou sur un'autre n'est autre chose que la joindre et unir davantage; le serrement et pressement c'est le progres et perfection, accroissement et augmentation de l'union..

  A005001303 

 Or icy donques (et ceci doit estre au commencement du chap.) nous ne parlons pas de l'union generale du cœur avec Dieu, mais de certains actes particuliers que le cœur fait, pour non seulement estr'uni, mais estre plus uni, plus serré et plus joint a Dieu.

  A005001305 

 Quelquefois, par la seule volonté qui s'estend et se serre le plus estroittement a son Dieu: Hé, Seigneur, quand seray-je tout en vous? Quand viendray et paroistray devant vostre face? Joignes, Seig r, de plus en plus cett'ame a vostre bonté; et cœt..

  A005001306 

 Quelquefois cett'union se fait encor avec l'entendement, qui de plus en plus se serre a Dieu, non pour l'entendre, mais pour estre avec son object, par ce que la volonté le tire apres soy et l'applique a cela, l'amour respandant dans l'entendement ce playsir special d'estre fiché en Dieu; comme nous voyons quil respand une profonde et speciale attention en nos yeux pour regarder fixement ce que nous aymons, quoy que les yeux d'ailleurs eussent d'autres objectz plus aggreables..

  A005001307 

 Quelquefois cett'union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent autour de la volonté, non pour s'unir elles mesme a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour ne point destourner la volonté, ains luy donner toute commodité de s'unir de plus en plus a ce divin objet; c'est pourquoy, de peur de la destourner, elles la suivent, car si les autres puissances estoyent appliquees a leurs particuliers objectz, l'ame qui opere par elles seroit distraitte et divertie par la varieté des actions, et ne pourroit pas si parfaitement s'employer a celle de l'amour.

  A005001312 

 Eux, quoy qu'endormis, sont en plus grande union en effect, et elle, est en plus grand exercice d'union; puisqu'eux, quoy quilz soyent incomparablement plus unis qu'elle, neanmoins ilz ne font nul exercice de leur union, et celle ci, incomparablement moins unie qu'eux, est neanmoins en l'exercice et en l'actuelle prattique de l'union..

  A005001312 

 Ilz sont plus estroittement unis en effect et en affection encores, car leurs affections, quoy que dormantes, sont toutes engagees indissolublement a l'amour de leur Maistre; mays pourtant cett'ame qui est la en l'orayson, ell'est plus avant en l'exercice de l'union qu'eux.

  A005001312 

 Mays en cet endroit nous ne parlons pas du lien permanent par lequel nostr'ame est attachee a Dieu en vertu des resolutions que la sainte charité nous donne: c'est sans doute, Philothee, que la charité est un lien et lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus attaché a Dieu, plus indissolublement, plus inseparablement, plus estroittement.

  A005001312 

 Philothee, imagines vous donques que (il importe que vous m'entendies) S t Paul, S t Augustin, S t Denis, S t François, S te Catherine de Sienne ou de Genes sont encor en ce [406] monde, et quilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonn'ame, mais non si s te comm'eux, car il y en a peu qui leur soient comparables, qui est en l'orayson d'union a mesme tems: je vous demande, chere Philothee, qui est plus joint a Dieu, plus uni, plus attaché? O Dieu, vous me confesseres que ce sont ces heureux personnages; car leur charité, qui est, comme l'un d'eux tesmoigne, le lien de perfection, est bien plus grande et plus forte que celle de cett'autre ame qui est en l'orayson d'union.

  A005001313 

 Ainsy un'ame qui est en l'exercice de l'union, et qui est parvenue jusques a l'inhæsion, si on la retire de cet exercice ell'en ressent de la douleur; elle ne se peut oster de la: si on destourne son entendement, elle se tient a la volonté; et si on la fait encor desprendre de la volonté, l'occupant a quelque exercice fort divertissant de celuy la, elle retourne a tous momens du costé de son cher object, faysant des traitz d'union [407] comm'a la desrobbee; experimentant la peyne et le serrement de cœur du grand S t Pol, car ell'est pressee de deux desirs: l'un d'estre delivree de l'occupation alaquelle on l'appelle, et demeurer avec Jesus Christ; l'autre, d'aller neanmoins a l'œuvre de l'obeissance que l'union mesme avec Jesus Christ luy enseigne estre plus requise..

  A005001313 

 Voyes vous ce petit enfant attaché au tetin et au col de sa mere: si on le veut arracher de la pour le porter en son berceau, par ce quil en est tems, il marchande et dispute tant quil peut pour ne point la quitter, et se serre plus estroittement a elle; si on luy fait desprendre une main il s'acroche de l'autre, et si on l'arrache du tout il se met a pleurer, il regarde devers son giste d'amour quil prefere a tout autre, et ne pouvant plus estre avec elle il la reclame, et va criant tendrement et plaintivement sa mamma, mamma.

  A005001314 

 Ainsy un'ame collee a Dieu n'est plus en soy, mays en Dieu, comme le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille..

  A005001314 

 Or la Mere Therese dit excellemment que cett'union estant parvenue jusque a cette perfection que nous venons de dire, elle n'est point differente de l'extase, suspension ou pendement; mais que seulement on l'appelle union ou suspension quand ell'est courte, extase et ravissement quand ell'est longue: car en effect, l'ame attachee a son Dieu, si serré que toutes ses puissances sont employees a cela, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; comm'un cors crucifié n'est plus en soymesme, mais en la croix.

  A005001315 

 Abismes cette goutte d'eau dedans l'ocean de vostre bonté, affin qu'elle ne soit plus qu'en vous! Puysque vostre cœur m'ayme et me veut pour soy, hé, pourquoy ne me ravit il, puis que je le veux bien? Tires moy, je courray a la suite de vos attraitz, et me jetteray dedans vostre sein paternel pour n'en bouger es siecles des siecles.

  A005001315 

 Il ne reste plus que de vous advertir que comme tous les exercices d'amour se prattiquent, ou par des oraysons et operations spirituelles de longue duree, ou par des oraysons et eslancemens courtz, passagers et frequens, ainsy cet exercice de l'union avec Dieu se prattique egalement es longues oraysons et contemplations, et es courtes et enflammees oraysons jaculatoires et elevations de cœur appliquees a cett'intention.

  A005001320 

 Ell'a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes en sa propre volonté; et lhors qu'ell'est plus sujette a ses inclinations et volontés, nous disons qu'ell'est dure spirituellement, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, et vous en donneray un de chair; c'est a dire, je vous osteray vostre obstination et dureté spirituelle.

  A005001320 

 Mays l'amour, egal, ains surmontant la mort en force et pouvoir, amollit quelquefois et attendrit les cœurs et les ames beaucoup plus que les ennuys..

  A005001321 

 Et affin que vous sachies que cette fonte et cest escoulement est reciproque, voyes, Philothee, ce que l'Espouse dit: Tes mammelles, dit-elle, sont meilleures que le vin, jettant l'odeur des parfums plus parfaitz.

  A005001321 

 Et comme le vin, plus il est fort moins il peut estre retenu dans le tonneau quil ne s'espanche et ne sorte par dessus, ainsy l'amour de l'Espoux ne pouvoit demeurer en son cœur quil ne se respandit; et parce que l'amour ne va pas sans l'ame, l'ame mesme de l'Espoux s'estoit respandue, dont ell'adjouste: Vostre nom est un'huile respandue; vous ne respandes pas seulement vos affections, mais vous estes vous mesme un baume respandu.

  A005001321 

 Le baume est une liqueur espaisse et non fluide de soymesme, et plus il est gardé plus il s'espaissit, et mesm'en fin il s'endurcit et devient rouge et transparent; mais la chaleur le dissoult et rend fluide.

  A005001321 

 Les mammelles signifient l'amour, qui a son siege dans [le] cœur et dans la poitrine; or cest amour est plus fort [410] et meilleur que le vin, respandant un odeur admirable en suavité.

  A005001321 

 Qu'est ce a dire, mon ame s'est fondue? Elle s'est attendrie, elle ne s'est plus tenüe en elle mesme, mais s'est escoulee devers ce Bienaymé, elle s'est toute desfaite en elle mesme.

  A005001322 

 Ainsy l'ame laquelle, quoy qu'aymante, demeuroit neanmoins en elle mesme, par cette liquefaction elle sort hors de soymesme et se laisse escouler en son Bien Aymé, non seulement pour s'unir a luy, mays pour se mesler et imbiber toute a luy, en sorte que ce ne soit plus qu'une chose avec luy; ainsy que de l'eau naphe et de l'eau rose meslees ensemble se fait une seule eau de senteur..

  A005001322 

 Elle commence par une parfaite complaysance que l'amant prend en la chose aymee; cette complaysance engendre une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucune force ni vigueur pour se tenir en elle mesme, ne pouvant plus demeurer en soy ou elle n'a plus aucun'attention ni playsir, ains comm'un baume fondu qui n'a plus aucune subsistence, elle se laisse tout'aller et s'escoule toute en son amant: elle ne se jette pas, ni elle ne se joint pas, ni elle ne se serre pas, mais elle tumbe, par maniere de dire, et flue, comm'une cire fondue, en ce qu'ell'ayme; elle ne peut se soustenir en elle mesme, ains se dissout et se deffait, s'escoulant toute dans le cœur qu'ell'ayme.

  A005001322 

 Mays voyes comme le vent meridionnal les ramasse et les fait fondre, en sorte qu'elles se desfont et convertissent toutes en eau; lhors, ne se pouvant maintenir en elles mesme, elles tumbent et s'escoulent en bas, non seulement se joignant a la terre, mais se meslant intimement et s'imbibant avec la terre qu'elles destrempent, si que de la terre et d'elles ne sont plus deux choses, mais une seule chose composee de ces deux elemens.

  A005001323 

 Car dites moy, Philothee, si une goute d'eau naturelle jettee dedans un ocean de eau naphe ou d'eau imperiale, pouvoit parler et dire ce qu'ell'est devenue, ne dirait elle pas: Je suis, ains je ne suis plus moy mesme, mais cet ocean est en moy et mon estre est caché en cet abisme d'eau imperiale.

  A005001323 

 Et aussi, ceux qui sont tumbés en cet exces d'amour en ressentent les effectz de l'extase, car, revenuz a eux mesme, ilz ne touchent plus ni voyent les playsirs de la terre qu'avec degoust, ont un extreme aneantissement d'eux mesme, n'estiment rien que le Ciel, et demeurent extremement alangouris quant aux sens exterieurs, et voudroyent ne jamais estre revenus a eux mesme, sil playsoit ainsy a Dieu, ains avoir perseveré en ce meslange, ou plustost abismement d'eux mesme en Dieu.

  A005001323 

 Il semble que telle fut la passion amoureuse qui fit dire au grand s t Paul: Je vis, mais non plus moy, ains Jesuschrist vit en moy; et quand il disoit ailleurs: Nostre vie est cachee en Dieu avec Jesuschrist.

  A005001327 

 Rien ne penetre plus avant dans le cœur que l'amour, car il outrepasse tous les sens, et l'entendement mesme, et va percer jusques au fin fons de la volonté et se fait faire place a toutes les autres affections de l'ame.

  A005001330 

 (Il faut mettre ceci par comparayson. Une ville prise par les Romains, lhors que les soldatz de Rome se sont renduz les plus fortz, ilz arborent l'estendart, et cœt.; ainsy le Roy paysible des cœurs, Jesus Christ, ayant pris le cœur de sa chere Sulamite et l'ayant remply de mille passions amoureuses, il mit l'estendart d'amour sur son cœur.) Or lhors, tout'amoureuse qu'ell'est, il la presse, et descoche de tems en tems mille traitz d'amour, par exces, luy monstrant combien il est encor plus aymable qu'elle ne l'ayme: et elle, qui n'a pas tant de force pour aymer que d'amour pour s'efforcer d'aymer davantage, voyant ses effortz n'estre pas asses fortz pour aymer selon son desir Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent toute blessee; et autant d'eslancemens qu'elle fait, autant elle reçoit de secousses d'amour.

  A005001332 

 Et le desir qui ne peut reuscir est comm'un dard dans les flancz d'un courage genereux; mays pourtant la douleur que l'on en reçoit est une douleur aggreable, car quicomque desire d'aymer, il ayme aussi a desirer, et s'estimeroit le plus miserable homme du monde sil ne desiroit pas d'aymer ce quil voyd estre si souverainement aymable: il desire d'aymer, voyla sa douleur; mays il ayme a desirer, voyla sa consolation..

  A005001333 

 Autrement, leur amour seroit egalement et delicieux et douleureux: delicieux pour la possession d'un si grand bien, douloureux pour le desir d'un plus grand amour.

  A005001333 

 Vray Dieu, Philothee, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont au Ciel n'ont pas tous un egal amour, et voyans tous neanmoins que Dieu est plus aymable qu'ilz ne l'ayment ni l'aymeront jamais, sans doute ilz periroyent et pasmeroyent eternellement d'un desir d'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu, quilz voyent avoir si misericordieusement et surabondamment recompensé leurs merites par l'amour (je parle des esleuz qui ont esté en usage de franc arbitre), ne leur imposoit l'admirable repos dont ilz jouissent; car ilz ayment si uniquement la volonté de Dieu, que le contentement de Dieu les contente et sa volonté arreste la leur, et acquiescent parfaitement d'estre bornés en leur amour pour l'amour de la volonté divine.

  A005001334 

 Jamais nous ne blessons un cœur d'amour que nous n'en soyons atteintz, et de voir un cœur blessé cela nous sert de blesseure: c'est pourquoy les ames devotes, quand elles considerent que Dieu est touché, ains blessé d'amour pour elles, elles en reçoivent une reciproque blesseure, dautant plus grande qu'elles voyent de ne pouvoir jamais tant aymer que l'amour divin le requiert..

  A005001336 

 Quelque fois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir du tems que nous avons esté sans aymer Dieu, d'ou, ce semble, procedoit cette voix de S t Augustin: «O que tard je t'ay» reconneu, «Beauté antique!» Car la vie est plus ennuyeuse que la mort a ceux qui connoissent que la vie est sans vie tandis qu'on vit sans aymer la vraye vie..

  A005001338 

 Certes, l'amour est ainsy aigredoux, et tandis que nous sommes en ce monde il n'a jamais sa douceur pure, par ce quil n'y est pas parfait ni assovi; neanmoins il ne laisse pas d'estr'aggreable, et son aigreur mesme rend plus aymable sa douceur, comme sa douceur rend son aigreur extremement suave..

  A005001338 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains rangés et serrés ensemble, et par sa couronne, represente naifvement, selon l'advis de s t Greg., la sainte charité, enflammee de l'amour de son Dieu, contenant toute la varieté des vertus, et qui est la seule vertu couronnee de la gloire; mays son suc, Philothee, comme nous sçavons, qui est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé de douceur et d'aigreur, qu'on ne sçauroit discerner sil est plus aggreable par ce quil a une douceur aigrette, ou par ce quil a un'aigreur doucette.

  A005001339 

 Telle fut la sagette d'amour que Dieu descocha dedans le cœur de la grande s te Catherine de Gennes au premier commencement de sa conversion, dont elle demeura toute changee, et comme toute morte au monde et aux choses creées pour n'aymer plus que le Createur..

  A005001340 

 Et si, c'est sa vie que d'estre «indigent,» car si une fois il est rassassié il n'est plus en ardeur, et par consequent n'est plus amour..

  A005001341 

 Voyes les [Apostres], deschaux, nuds, pauvres, indigens, parmi les ondes de la mer, sur la dure, mendians; et en somme tellement aneantis au monde, [que] si le monde est une mayson ilz en sembloyent les ballieures, sil est une pomme ilz en sembloyent les peleures; comme dit cet Apostre qui pour avoir plus souffert que nul autre le pouvoit aussi mieux dire.

  A005001342 

 Oyes la tressainte Sullamite comm'elle s'escrie: Quoy qu'a rayson de mille consolations que mon amour me donne, je sois plus belle que ne furent jamais les riches pavillons de Salomon, plus belle certes que le Ciel mesme, car il est la tente inanimee du Roy, et je suis son pavillon animé, je suis neanmoins noyre, deschiree, poudreuse et toute gastee de tant de blesseures et des coups que ce mesm'amour me donne.

  A005001345 

 Ou bien, on sait que l'arbrisseau du baume a pour son fruit cette pretieuse liqueur qui est la plus odorante et excellente de toutes, mais ce fruit il ne le peut produire que le maistre ne vienne luy donner l'incision.

  A005001346 

 Dont le premier a une si vehemente inflammation de cœur, que la chaleur se faysant faire place aux costes, les eslargit et en rompit la quatriesme et cinquiesme, affin quil peut recevoir plus d'air pour se rafraichir; et le second, a cause des flammes de l'amour assaillant, tumboit en defaillance et se pasmoit, et estoit contraint d'appliquer des linges trempés en l'eau froide, pour moderer son ardeur.

  A005001354 

 Mays quant a nous autres, nous avons de la jalousie pour Dieu en un'autre façon, car nous ne voulons pas quil n'ayme plusieurs choses avec nous, ains toutes les choses; et a mesure que nous l'aymons davantage, nous desirons quil ayme plusieurs autres avec nous, dautant que son cœur infini et son amour immense est plus que suffisant pour aymer toutes les creatures quil luy plait, en sorte que l'amour quil porte a toutes ne soit point diminué par celuy quil porte a une chacune, ni celuy quil porte a une chacune, par celuy quil porte a toutes..

  A005001356 

 Ainsy, donq, l'amour fait une s te jalouzie et cree en nous un zele lequel estant vray fait des merveilles: car, procedant de l'amour, il n'agit que pour l'amour et par l'amour; et partant, plus il est excellent, plus il est doux; plus il est fort, plus il est suave et discret.

  A005001363 

 C'est une tressainte reverence que l'amour produit, qui nous fait souverainement desirer d'estr'agreables a Dieu et ne permettre que nous perdions aucun'occasion de luy estre tous-jours plus aggreables.

  A005001363 

 Ce zele nous fait desirer de plaire de plus en plus a N. S. et de nous conformer parfaitement a ses desirs et intentions..

  A005001365 

 L'envie s'attriste que le prochain ayt un bien pareil ou plus grand que nous, encor quil nous laisse le nostre, nous estant advis que l'avantage quil a, ou la ressemblance au nostre, nous oste la gloire ou le contentement que nous aurions au nostre: en quoy l'envie est desraysonnable, vivant d'imagination, et ne voulant que le prochain jouisse du sien, quoy que justement et saintement.

  A005001366 

 Qui vid jamais une plus aspre vengeance que celle dont les enfans de Jacob userent contre Sichem pour le violement de Dina, de l'integrité delaquelle ilz avoyent rayson d'estre jaloux, puisqu'elle estoit leur seur? Certes, lhors que Dieu s'est pleynement donné a un'ame par amour, il en est infiniment jaloux, et chastie asprement les infidelités qu'elle commet.

  A005001368 

 Mays voyes cette jalousie delicatement exprimee par S te Catherine de Genes presqu'en tous les enseignemens des proprietés du pur amour qu'elle donne si admirablement; car il ne se peut rien adjouster a ce qu'elle dit pour monstrer que l'amour parfait, c'est a dire parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'interposition ni le meslange d'aucune autre affection dans le cœur quil possede, non pas mesme des dons de Dieu, car il ne veut pas mesme qu'on [432] affectionne le Paradis sinon pour y plus aymer Dieu.

  A005001369 

 Non pas certes que le s t amour, pour vehement quil soit, puisse estre excessif en soymesme ni en ses inclinations; mais par ce quil employe a l'execution de ses ordonnances l'entendement, auquel il commande de chercher les moyens de faire reuscir ses intentions, et la hardiesse et cholere pour les prattiquer, il advient que souvent l'entendement prend des voyes insolentes, trop aspres et violentes, et que l'audace ou cholere estant esmeüe fait plus [433] qu'on ne luy commande, et que par ainsy le zele est exercé indiscrettement et desreglement, dont il devient mauvais..

  A005001371 

 Carpus, homme excellent en pureté et sainteté, et lequel il y a grande apparence avoir esté Evesque de Candie, en eut un tel desplaysir qu'onque en sa vie il n'en avoit souffert de tel; et se laissa porter si avant par [434] cette passion que, s'estant levé selon sa coustume pour prier a la minuit, plein d'un'indignation implacable, il concluoyt a part soy quil n'estoit pas raysonnable que les hommes impies vescussent plus long tems, et sur cela prioit que sans misericorde il fit mourir d'un coup de foudre ces deux hommes ensemble.

  A005001374 

 C'est un acte de desespoir de mettre dedans une citadelle un secours estranger qui se peut aysement rendre le plus fort.

  A005001377 

 Si c'est une ire inspiree, ou au moins excitee par le S t Esprit, ce n'est plus l'ire de l'homme; mais si elle n'est pas excitee du S t Esprit, quoy quil semble qu'elle serve au zele ne le croyons pas, au moins ayons beaucoup de desfiance de son service, car le zele doit estre juste, et la cholere n'opere point la justice..

  A005001383 

 C'est cela, Philothee, que S t Denis veut representer a Demophile qui alleguoyt l'exemple de Phinees et d'Helie; car S t Jean et S t Jaques, qui vouloyent imiter Helie, furent repris par N. S., qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit un esprit et un zele doux, debonaire et benin, et qui n'employoit la vengeance et cholere que tres rarement, et lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir prouffiter autrement.

  A005001384 

 5; la discretion de la lumiere y doit estre pour discerner quel moyen est plus [441] propre pour repoulser le mal.

  A005001391 

 Ainsy l'ame desnuee, par un absolu despouillement et renoncement es mains de l'amour divin, de l'amour du pais, de la mayson, du pere, de la mere, des enfans, de lhonneur mondain, de l'estime, de la conversation, de la consolation interieure et spirituelle, de l'inclination a tel ou tel exercice spirituel, helas! alhors elle ne sçait plus que faire.

  A005001391 

 Et tel semble que fut l'estat de s t Paul, car il tumba a terre, sans veüe, sans mouvement, sans action ni interieure ni exterieure; et pour monstrer que son ame estoit toute desnuee en un absolu despouillement de toute affection et volonté, il dit a N. S r: Seigneur, que voules vous que je face? Comme sil vouloit dire: Je ne puis plus rien faire ni exterieurement ni interieurement, ma volonté ne peut plus rien vouloir que ce que vous voudres qu'elle veuille; que voules vous que je veuille? quelles affections vous plait il que je prenne? et quand, et comment? L'ame donq dit: Seigneur, puisque vous m'aves despouillé de moymesme et de ma volonté, Doce me facere voluntatem tuam, quia Deus meus es tu.

  A005001391 

 Mays par ce que demeurer en l'estat de cette parfaite nudité on ne le peut longuement en ce monde, apres tous ces despouillemens et cett'heureuse mort, il se faut revestir, mais non plus des habitz du viel homme dont on s'est despouillé, ains des habitz d'un homme nouveau; non plus d'un cors mortel, ni d'une peau mortelle, ni d'habitz perissables, mais d'un cors resuscité et d'affections divines, celestes; affections non plus venantes de nostre propre election, mais affections emanees et procedees du pur amour de Dieu.

  A005001391 

 Que si son pere luy disoit: reprens ta robbe, et puis metz ton pourpoint dessus, et puis ta chemise dessus, il le ferait selon le commandement, et non plus par election; comme s t Pierre prid ses sandales, puis sa robbe, a mesure que l'Ange le luy disoit.

  A005001392 

 O que bienheureux sont les pauvres d'esprit! Bienheureux sont les nuds d'esprit, car Dieu les revestira comm'il revest les lis, d'ornemens plus beaux que ne furent onques ceux de Salomon.

  A005001398 

 ...qui a descouvert une beauté nouvelle par la contemplation, ne se contente pas de l'admirer, mais va de plus en plus enfonçant sa consideration sur son objet pour treuver davantage de merveilles.

  A005001398 

 Et comme ceux qui s'arrestent en la pleyne lumiere du soleil, pour le playsir quilz ont a voir plus clairement les choses, tantost apres ilz sentent la chaleur, et ceux qui y sont pour recevoir la chaleur ne peuvent tenir les yeux si biens fermés quilz n'en voyent la lueur, ainsy ceux qui sont ravis en la contemplation des misteres en passent pour l'ordinaire aysement au ravissement de l'amour, et ceux qui sont en l'extase d'amour se treuvent pour l'ordinaire saysis de l'extase de l'admiration.

  A005001399 

 Neanmoins, les deux extases ne sont pas tellement appartenantes l'un'a lautre que l'une ne soit souvent sans lautre: car, comme les Philosophes ont eu plus de connoissance de la Divinité quilz n'ont eu d'amour pour elle, aussi les simples Chrestiens ont souvent plus d'amour que de connoissance; et par consequent l'exces de la connoissance n'est pas tous-jours suivi de l'exces de l'amour, non plus que l'exces de l'amour de celuy de la connoissance.

  A005001401 

 Je ne dis pas quil ne se puisse faire qu'on ayt des ravissemens, des visions, voire qu'on puisse avoir l'esprit de prophetie sans avoir la charité; car c'est chose certaine que comm'on peut avoir la charité sans estre ravi, aussi on peut estre ravi, avoir des visions et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui a plus de clarté en l'entendement, par le ravissement, que de chaleur en la volonté pour aymer Dieu, il doit estre en grand peyne [447] et souci, ou que son ravissement ne soit naturel, ou quil soit procuré par le malin, ou quil n'en devienne plus enflé qu'edifié, et quil ne soit, comme Saul, Balaam et Caiphe, entre les prophetes, et non entre les esleuz..

  A005001401 

 Mays pour moy, il me suffira de vous en proposer deux principales marques, de la vraye extase divine: l'un'est que la vraye extase s'attache plus a la volonté qu'a l'entendement, elle l'esmeut et eschauffe, et remplit d'une puissante affection envers Dieu; si que quand l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, ell'est grandement a soupçonner.

  A005001402 

 C'est lhors que nous ne vivons pas selon nostre rayson naturelle, mais au dessus; lhors que nous ne nous contentons pas de vivre selon les vertus civiles et morales, mais selon les perfections divines et chrestiennes; lhors que, renonçans mesme aux choses loysibles, nous passons outre a une vie plus relevee que la vie humaine.

  A005001404 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit luy mesme sa vie, a la faveur, neanmoins, des rayons du soleil, pour en recevoir une plus belle et plus vigoureuse; les bigatz et vers de soye changent de vie, et de vers deviennent papillons; comme font aussi les abeilles, qui naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, puis enfin deviennent mousches.

  A005001404 

 Qu'est ça a dire: Vous estes mortz? C'est a dire: Vous ne vives plus de la vie naturelle, vous ne vives plus de la vie des hommes; et comme par la mort l'ame ne vit plus en son cors, aussi maintenant vous ne [448] vives plus en vous mesme et dedans l'enclos de vostre propre condition, vostre ame vit non seulement au dessus de son cors, mays au dessus de sa propre condition.

  A005001407 

 Quand donques vous voyes un homme qui a des extases et est hors et dessus soy en l'orayson, et neanmoins il ne l'est pas en sa vie, il vit selon le sens, selon le monde, et n'a point d'exces de pieté, de mortification, de conversation en sa vie: quil ayt tant d'exces quil voudra en l'orayson, telz ravissemens sont grandement perilleux et douteux; ce sont ravissemens qui le peuvent rendre plus admirable, mais non pas plus saint.

  A005001408 

 6, quand il dit que nostre viel homme est crucifié ensemblement avec Nostre Seigneur, et que nous sommes morts au peché avec luy, et que de mesme nous sommes resuscités avec luy pour marcher en nouveauté de vie, affin de ne servir plus au peché.

  A005001408 

 Et c'est la s te extase delaquelle principalement parle S t Paul quand il dit: Je vis, mais nomplus moy, ains J. C. vit en moy; ainsy quil l'explique plus clairement ailleurs, Ro.

  A005001410 

 Or, quicomque a cette nouvelle vie parfaitement, il ne vit plus ni en soy, ni pour soy, ni a soy, ains il vit en N. S. Estimes, dit s t Paul, que vous estes vrayement morts au peché et vivans a Dieu, en J. C. N. S..

  A005001411 

 Cor. 5, cet admirable amant de Dieu fait un argument admirable, et le plus pressant qui fut jamais fait, ce me semble, pour nous porter a cett'extase de vie delaquelle nous [451] parlons.

  A005001411 

 Mais quand nous presse elle le plus? Æstimantes (hebraismus), lhors que nous estimons et pensons attentivement; elle nous presse, œstimans, lhors que nous sommes estimans, que nous estimons, ceci.

  A005001412 

 C. est mort pour nous, nostre vie nous est donnee par sa mort, nous ne vivons que par ce quil est mort, nous luy devons donques toute nostre vie: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui est mort pour nous; nostre vie ne doit plus estre qu'en luy, a luy et pour luy, puisqu'il est mort en nous, pour nous et a nous..

  A005001412 

 Que s'ensuit il de la? Il s'ensuit donques, exclame de tout cœur l'Apostre, que ceux qui vivent, ne vivent plus desormais a eux mesme, mais a Celuy qui est mort pour eux.

  A005001413 

 L'aigle devenue grande commença a chasser aux oyseaux; puis s'estant rendue plus forte, elle se rua sur les bestes sauvages, apportant tous-jours sa proye a sa chere maistresse, comm'en reconnoissance de la nourriture qu'elle avoit receue d'icelle.

  A005001414 

 Que reste-il, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesme, que nous rapportions toutes nos proyes, toutes nos œuvres, toutes nos intentions et actions a ce sauverain Seigneur, et que nous consacrions a son amour tous les momens de nostre vie; et que le considerans sur la croix comme sur son bucher d'honneur, ou il brusle d'amour et meurt d'un amour douloureux plus que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour, nous nous jettions sur luy en la croix, nous nous crucifions sur luy, et mourions courageusement pour l'amour de Celuy qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir..

  A005001415 

 Ainsy se fait l'extase de l'amour, quand on ne vit plus en l' homme viel mais en Jesuschrist, homme nouveau; quand on vit, non selon l'inclination humaine, mais au dessus de toute rayson, par l'amour du souverain object et de la Divinité..

  A005001420 

 Tous les esleuz meurent en l'amour de Dieu; car l'amour de Dieu et la grace n'estant non plus differens que le feu entant quil est lumineux et beau, et le feu entant quil est chaud et ardent, qui ne meurt en l'amour de Dieu ne meurt pas en la grace de Dieu, et qui meurt hors de la grace de Dièu il n'est pas esleu, car ceux la seulz sont esleuz desquelz Dieu praevoit quilz mourront en sa grace.

  A005001423 

 Ce qui se fait par maniere de ravissement, lhors que l'ame attiree par son object amoureux, affin de se joindre de plus pres, ne pouvant tirer apres soy le cors, elle s'eslance de son costé et l'object la ravit du sien, en telle sorte qu'elle le quitte; et pour s'unir a son Bienaymé elle quitte sa bienaymee chair, l'amour attirant et tirant aussi durement et fortement l'ame que l'enfer pour la faire tenir separee du cors.

  A005001423 

 Il faut qu'auparavant l'amour luy ayt tout fait quitter; qu'il luy ait mis des pendans aux oreilles, l'ayant rendu souple aux semonces amoureuses de l'Espoux; des brasseletz aux mains, l'ayant disposee a l'execution de toutes inspirations; quil luy ayt changé ses habitz, ou plus tost toutes ses habitudes, inclinations et humeurs terrestres [455] et mondaines, et quil luy ayt fait quitter pere, mere, mayson et toutes choses, comme le bon Eliezer fit envers la belle Rebecca.

  A005001423 

 Ou bien, comme le feu dans le boys separe les parties ignees et aeriennes, les evaporant en fumee, et laisse la les matieres terrestres et grossieres; ou comme la force du feu separe dans l'allambiq l'eau naphe du cors des fleurs, ainsy l'amour, quand il est enflammé, separe l'ame du cors: ce qui est le plus violent effect que l'amour face en un'ame, et faut que l'ame qui est ainsy tiree hors du cors soit grandement deschargee de toutes sortes d'affections pesantes, terrestres et corporelles, et qu'elle ne tienne plus a rien du monde.

  A005001425 

 Certes, encor faut nommer ce grand bienheureux homme, le venerable Bede, qui ayant sceu l'heure de sa mort, alla a Vespres le jour de l'Ascension, et estant en son siege debout, appuyé sur les accoudoirs, sans aucune maladie, finissant Vespres il finit sa vie perissable, pour commencer celle en laquelle tout est mattin et n'y a plus de Vespres; Marullus.

  A005001425 

 S t Estienne, S t Jaques le [457] mineur, le grand S t Paul, S t André et la plus part des Martirs sont mors priant Dieu, et par consequent en l'acte de l'amour.

  A005001430 

 Outre tous ces Saintz, j'ay treuvé deux histoires, lesquelles sont dautant plus croyables aux amans qu'elles sont admirables; car l'amour de Dieu, comme dit l'Apostre, omnia credit, il croit volontier, notamment ce qui magnifie son regne.

  A005001430 

 de Civit. c. 8, les miracles qui se font, pour illustres qu'ilz soyent, «a peyne les sçait on au lieu mesme ou ilz se font,» et encor que ceux qui les ont veu les racontent, on a peyne de les croire; mays pour cela ilz ne laissent pas d'estres veritables, et en matiere de religion les ames bien faites ont plus de suavité a croire les choses esquelles il y a plus de difficulté et d'admiration..

  A005001433 

 Puys, en sortant comme resuscité avec luy, il va en Emaus avec les deux pelerins, et en fin il retourne sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension; et la, prosterné sur les marques et vestiges des pieds du Sauveur, qui les y laissa imprimees admirablement, il les bayse de sa bouche comme sil eut voulu y coller ses levres; et apres avoir retiré a soy toutes les forces de son amour, comme un archer fait la chorde de son arc quand il veut descocher sa fleche, se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «Ah mon doux Jesus,» dit il, «je ne sçai plus ou vous suivre en la terre; accordes, de grace, a ce cœur, que maintenant il vous suive et aille vers vous au Ciel.

  A005001433 

 «Sans doute donques,» dit le medecin, «son cœur s'est esclatté d'exces et de ferveur d'amour et de joye.» Et pour mieux s'asseurer en son jugement il l'ouvrit, et treuva ce brave cœur tout ouvert, et ce sacré mot gravé au dedans: «Jesus mon amour!» L'amour donques fit en ce cœur l'office de la mort, separant l'ame du cors, et, sans autre concurrence de cause, l'amour donna la mort, mays mort d'amour, plus aymable que cent mille vies..

  A005001434 

 Et le medecin le voyant mort, se jetta sur sa poitrine, et fondant en larmes et souspirs: «En verité,» dit il tout haut, «o serviteur de Dieu, Basile, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort maintenant que quand je vous vis hier que vous ne mourustes pas.».

  A005001434 

 S t Basile avoit fait un'extreme amitié avec un grand medecin juif, en intention de l'attirer a la foy de N. S.; ce que neanmoins il ne peut onques faire jusques a ce que, estant arrivé a l'article de la mort, il s'enquit du medecin quell'opinion il avoit de sa santé: lequel, luy ayant tasté le poulz, respondit quil n'y avoit plus de remede, et que devant que le soleil fut couché il ne seroit plus en vie.

  A005001435 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient il de dire a N. S.: Vous estes mon Filz, et je vous ayme comme mon Filz? et a qui fut il jamais dit par N. S., de toutes les creatures: Vous estes ma Mere, et je vous ayme comme ma Mere, mays comme ma Mere toute mienne, et comme ma Mere a qui je suis tout sien? En somme, si jamais il y eut une si grande union entre un serviteur extremement amoureux de son maistre quil peut dire de n'avoir point d'autre vie que celle de son maistre, l'union de la Vierge avec son Filz pouvoit bien faire cet effect, car ce n'estoit plus union mais unité entre cette si douce Mere et ce Enfant delicieux..

  A005001435 

 Cette tressainte Vierge n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz; et si jamais il fut dit avec verité par S t Luc que les premiers Chrestiens n'avoyent qu' un [463] cœur et qu'un'ame, et par S t Pol, quil vivoit voirement luy mesme, mais non plus luymesme, ains Nostre Seig r vivoit en luy, a rayson de l'extreme union d'amour que ce divin Apostre sentoit entre son cœur et celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit morte ou ell'animoit et vive ou ell'aymoit, combien plus veritable est il que la Mere et le Filz n'avoyent qu'une mesme vie, et que la Mere ne vivoit que de la vie de son Filz! Mere la plus aymante et la plus aymee qui pouvoyt jamais estre; mays amour de Filz et de Mere plus eminent, parfait et superexcellent que celuy, non de s t Paul seulement, mais des Cherubins et Seraphins, et encor de tous amours imaginables, dautant que les noms de mere et de filz sont excellens en matiere d'amour au dessus de tout autre nom.

  A005001435 

 En fin, quant a N. D., il m'a tous-jours esté impossible de croire qu'elle mourut d'autre mort que de la mort d'amour; car c'est la plus noble mort de toutes, et qui est deue a la plus noble vie de toutes celles des pures creatures, et les Anges desireroyent de mourir, silz avoyent dequoy pouvoir mourir, de cette s te mort.

  A005001435 

 Mays noms qui conviennent uniquement a cette Mere et a ce Filz, puisque toutes les autres meres partagent avec le pere la production de leurs enfans, et les enfans reciproquement la reconnoissance qu'ilz doivent a rayson de leur production entre le pere et la mere; mays icy toute la production du Filz, en ce qui dependoit de la generation humaine, appartient a la Mere, qui seule a donné le concours a la vertu du S t Esprit pour la conception de ce divin Enfant: si que leur amour et leur union est dautant plus excellente qu'ell'a un nom different de tous les autres amours.

  A005001436 

 Ainsy, chere Philothee, la tressainte Vierge ayant assemblé dedans son cœur la vive memoire de tous les plus aymables misteres qu'ell'avoit veu et senti se passer entre son Filz et elle, mais sur tout celuy de la croix, et [464] faysant d'un costé un perpetuel mouvement de meditation sur iceux, et de l'autre costé recevant tous-jours a droit fil les plus ardans rayons des inspirations divines, le Soleil de justice regardant tous-jours la poitrine et les entrailles de l'amour de sa Mere, comme le lit auquel il s'estoit reposé au midi, le feu sacré de l'amour l'enflamma si ardemment, qu'ell'en mourut, toute transportee entre les bras de la dilection de son cher Enfant.

  A005001436 

 Le phœnix envielly, ramasse sur le haut de quelque montaigne une quantité de boys aromatiques, sur lesquels, comme sur son lit d'honneur, il va finir ses jours; car lhors que le soleil au fort de son midi jette ses rayons plus ardans, cet unique oyseau battant des aysles pour contribuer son mouvement a l'action du soleil, il fait que son bucher odorant prend feu, et s'allumant entierement le consume et reduit en cendre.

  A005001444 

 Et quand il y auroit un peu plus de prieres en l'un qu'en l'autre, neanmoins ce n'est pas chose qui face une difference remarquable pour laquelle la volonté de Dieu soit plus tost en l'une qu'en lautre.

  A005001444 

 Mays es menues actions ordinaires et qui ne sont pas de grande consequence, esquelles mesme la faute seroit aysement reparable quand il y en auroit, il n'est pas besoin de plus grand'attention pour discerner ce que Dieu veut, que celle qui est ordinaire et par laquelle on n'est point arresté; ains il se faut contenter de ce que d'abord l'amour de Dieu et du prochain nous suggere.

  A005001444 

 Que je visite plus tost un malade qui a besoin de consolation que d'aller recevoir moy mesme quelque consolation au sermon, il y a peu de difference; je feray donq ce qui me semblera meilleur d'abord, sans lasser mon esprit a disputer.

  A005001452 

 C'est un plus grand amour de recevoir aggreablement les maladies, incommodités, pauvretés, injures que Dieu nous envoye.

  A005001452 

 Dont l'ame, a l'imitation de celle de son Sauveur, commence a s'ennuyer, puis a craindre, puis a s'espouvanter, puis a s'attrister, en sorte qu'elle peut dire qu'elle est triste jusques a la mort: dont l'ame tout entiere, et du consentement de toutes ses facultés et puissances tant exterieures qu'interieures, raysonnables et intellectuelles, desire, demande et prie qu'on esloigne d'elle ce calice; et ne luy reste plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle touchant Dieu et estant tout attachee a luy, dit par un simple acquiescement: Vostre volonté soit faite.

  A005001453 

 Or, plus cet amour est simple, desnué de tout secours, abandonné de toute l'assistence des vertus et facultés de l'ame, plus il est fidele et vaillant, plus il est estimable de garder sa fidelité..

  A005001454 

 Bref, l'amour ayme l'amer et le doux a cause de la volonté de Dieu, dont l'un et lautre procede; mais il ayme plus l'amer, par ce quil n'est aymable que pour la volonté de Dieu; si que l'amour, [468] sans crainte de mesprendre, se peut abandonner a la suite de [la] volonté divine en l'amer, ce qu'elle n'oseroit faire entre les douceurs, lesquelles estant aymables et en Dieu et en elles mesmes, il est souvent advis qu'on les ayme pour Dieu, et on les ayme pour elles mesmes.

  A005001455 

 Mays je dis, on voudroit vivre sil playsoit a Dieu, et on voudroit quil luy pleut, et seroit on plus ayse quil luy pleut de nous faire vivre; on meurt de bon cœur, mais on vivroit encor de meilleur cœur; on passe volontier, mais on demeureroit encor plus volontier.

  A005001456 

 Mays l'indiSerence de nostre volonté en la volonté de Dieu passe bien plus avant; car elle ne treuve rien d'aymable que la volonté de Dieu, et par tout ou la volonté de Dieu se treuve egale elle est egalement contente.

  A005001457 

 J'ay dit, en presence de la volonté de Dieu, parce qu'en son absence le cœur le plus indifferent du monde peut estre touché de quelque sorte d'affection.

  A005001458 

 Le cœur indifferent n'ayant esgard qu'a la volonté de Dieu, reçoit egalement et sans difference ce que Dieu luy envoye, mal ou bien; et bien que la tribulation, comme une autre Lia, soit laide, neanmoins, parce que la volonté du Pere celeste est autant accomplie [469] en elle comme en la consolation, il l'ayme autant comme la consolation, ains d'autant plus qu'il n'y voit rien d'aymable que la seule volonté de Dieu.

  A005001462 

 Comme, par exemple, la volonté de Dieu est au mariage et en la virginité; mais par ce quil y en a plus en la virginité le cœur indifferent choysira la virginité, quand elle luy devroit couster la vie, comm'a la chere fille de s t Paul, [470] Tecla, a s te Cascile, a s te Agathe.

  A005001462 

 Ell'est en la modestie observee entre les consolations, et en la patience exercee parmi les tribulations: le cœur indifferent choysira le dernier, parce quil y a plus de la volonté de Dieu; parce que n'ayant aucun autre objet que la volonté de Dieu, par tout ou il la void et a mesure quil en void, il s'y porte sans consideration d'aucune autre chose, puysqu'en la presence de Dieu rien ne le touche, il oublie tout et ne tient conte de rien.

  A005001462 

 En somme, le cœur indifferent est comm'un cœur de cire pour Dieu, affin de recevoir avec egale facilité toutes les impressions quil plait a sa divine Providence luy donner; c'est un cœur pliable, sans nulle resistence entre les mains de Dieu; c'est un cœur qui n'a point de choix, egalement disposé a tout ce que la volonté de Dieu veut, n'ayant autre object de sa volonté que celle de Dieu; qui n'a point d'amour aux choses que Dieu veut, ains seulement a la volonté de Dieu: c'est pourquoy, pour peu quil voye la volonté de Dieu inclinée d'une part, encor quil y en ayt de l'autre part, sans avoir nulle sorte d'egard a tout le reste il court ou la volonté de Dieu semble plus grande.

  A005001462 

 La volonté de Dieu est au service du pauvre et du riche; sil y en a plus au service du pauvre le cœur indifferent choysira ce party.

  A005001463 

 Il aymeroit mieux l'enfer avec la volonté de Dieu que le Paradis sans la volonté de Dieu, ouy mesme que le Paradis avec un peu moins de la volonté de Dieu; en sorte que, par imagination de chose impossible, sil sçavoit que sa damnation fut un peu plus aggreable a Dieu que sa salvation, il aymeroit mieux sa damnation que sa salvation..

  A005001463 

 Les cœurs mondains sont de diverses humeurs: les uns suivent les honneurs, et ou il y a plus d'honneur ilz y courent plus ardemment, au travers de mille dangers, mille peynes, mille maux; les autres suivent l'utilité, et sans avoir egard a chose quelcomque, ou il y en a plus, ilz y vont plus impetueusement; les autres suivent la volupté, au peril de lhonneur, des biens et de la santé; et «chacun est tiré de ce qui luy plait.» Le cœur indifferent n'a point d'autr'attrait que la volonté de Dieu, si que les tourmens, les travaux luy sont inconsiderables en presence de la volonté de Dieu.

  A005001467 

 Grande celle du roy S t Louys a entreprendre le voyage d'outremer, mais plus remarquable a [471] acquiescer si doucement au dur succes de la guerre.

  A005001474 

 En souffrant ce quil plait a Dieu, ou es biens de la vie civile, ou en ceux de la naturelle, ou en ceux de la surnaturelle, ou en tous trois ensemblement: a l'exemple de Job, qui, quant a la vie civile, fut mocqué, baffoüé et tenu pour fol par ses plus chers amis, qui est le haut point de mortification; quant a la vie naturelle, fut ulceré de l'ulcere le plus dur de tous, et de tant de sortes de maladies quil ne s'en peut exprimer davantage; en la spirituelle, souffrant des abandonnemens, des langueurs, des pressures, convulsions, estraintes, angoisses et douleurs spirituelles insupportables, ainsy que ses plaintes et lamentations font foy.

  A005001483 

 Quand nostre cœur, Philothee, ayme son Dieu et quil s'apperçoit de cet amour, quil escoute et entend son chant, quil a le sentiment de l'amour quil porte a Dieu, et des vertus et saintes passions et [474] affections que cet amour produit, o Dieu, Philothee, que ce cœur est amoureux de son amour, quil est affectionné a ses affections, quil a de playsir a complaire a Dieu, quil a de suavité en son cantique de dilection! C'est lhors quil apperçoit la presence de l'Espoux; et un contentement se respand en toutes ses facultés, plus delicieux que l'odeur du baume et que tous les parfums.

  A005001484 

 Il est certes malaysé d'aymer Dieu qu'on n'ayme quant et quant l'amour qu'on luy porte, non seulement par ce qu'il est amour tendant a Dieu, mays aussi par ce quil est amour [475] procedant de nostre cœur; mays neanmoins cela se peut faire, et se doit procurer pour la plus grande pureté de l'amour..

  A005001484 

 Il est vray que le cantique de Dieu estant plus excellent, il l'ayme davantage, non par ce que Dieu est plus excellent, mais par ce que son cantique est plus excellent.

  A005001484 

 Si je n'ayme mon amour que par ce quil tend a Dieu, Philothee, j'ayme Dieu en mon amour et mon amour en Dieu; mais si j'ayme mon amour qui tend en Dieu par ce quil est mien, par ce que c'est moy qui ayme, par ce que cest amour qui va vers Dieu sort de moy, part de mon cœur, par ce quil nayt en moy et qu'en fin c'est mon amour (dautant qu'estant amour de Dieu comme de son object, il est amour de mon cœur comme de son sujet), qui ne void que ce n'est plus Dieu que je regarde, mays que de Dieu je suis revenu a moymesme, et que j'ayme cest amour par ce quil est mien, non par ce quil est a Dieu? L'amour de Dieu m'avoit emporté a Dieu, il m'avoit tiré de moymesme pour me complaire en Dieu, et maintenant, l'amour de moymesme me rapporte a moymesme pour me complaire en ma complaysance, pour aymer non plus Dieu, mays mon amour de Dieu: et dautant que c'est l'amour de Dieu que j'ayme, qui est le plus aggreable amour de tous, l'amour que j'en ay m'amuse plus aggreablement, plus fortement et intimement.

  A005001486 

 Car si nostre chantre chante pour Dieu, il chantera plus volontier le cantique que Dieu desirera le plus de luy; mais sil chante pour le playsir quil prend a chanter, il ne chantera pas le cantique qui est plus aggreable a Dieu, ains celuy qui luy est plus aggreable a luy mesme.

  A005001487 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu te veut en ton diocæse, puis quil t'en a donné la charge, et non pas a la cour, ni mesme a Romme parmi ces delices spirituelles? Ouy; mais, icy dira-il, je prattique l'amour divin a Romme avec plus de suavité.

  A005001493 

 Le cœur indifferent ne travaillant plus pour aucun playsir, non pas mesme pour le plus pur playsir qu'on puisse avoir, qui est le playsir de plaire a Dieu, il ne travaille que pour l'amour de la volonté de Dieu: amour pur, desnué et quitte de toute autre sorte d'interest.

  A005001496 

 Autre chose est avoir la volonté conforme et vouloir ce que Dieu veut; autre chose, avoir la volonté aneantie et convertie en celle de Dieu, car on ne veut plus, mays on laisse que Dieu veuille pour nous..

  A005001496 

 Nous ne disons plus: Verumtamen non mea voluntas, sed tua fiat, car nous n'en avons plus; mais nous disons: In manus tuas commendo spiritum meum; ce n'est plus un acquiescement de nostre volonté a la volonté divine, mais c'est un aneantissement.

  A005001497 

 Seigneur, je ne veux rien de tous les evenemens, car je vous les laisse vouloir pour moy a vostre gré; mais au lieu de m'occuper a vouloir ces evenemens, j'occuperay ma volonté a vous benir de ces evenemens, car il est tous-jours [477] meilleur de s'occuper entierement a l'amour filial, puisqu'il est plus cher au Pere que cent mille autres vertus..

  A005001498 

 O chere ame, que vous estes heureuse de n'employer point vostre volonté a vouloir, mays a jouir de ce que plus vous pouvies vouloir, desirer et souhaiter, qui sont les suaves amour! de vostre Espoux..

  A005001500 

 C'est la façon en laquelle Nostre Seigneur exprime par Isaïe les sentimens et peynes de sa Passion: Dominus Deus aperuit, etc. Voyla qu'il proteste qu'il les attend avec une sousmission la plus douce, la plus tranquille qu'il est possible: Je ne contredis point, dit-il, ni je ne dis que je les [accepte,] mais je laisse mon esprit entre vos mains; ni je ne vay au devant, ni je ne fuis, mais je les attens, prest a tout ce qu'il vous plaira faire de moy; et comme j'ay laissé mon cors entre les mains des cruelz executeurs de la volonté des Juifz et de Pilate, comme une petite brebis qui est entre les mains et a la mercy de celuy qui la tond, qui se laisse tourner en toutes postures sans resistance, aussi, o Pere eternel, remetz-je et abandonne mon esprit entre vos mains, affin que vous exercies vostre volonté sainte sur iceluy a vostre gré, sans contradiction ni resistance quelconque..

  A005001501 

 Et comme un homme embarqué ne se remue point de son mouvement, mais seulement se laisse remuer, ainsy un cœur embarqué sur la volonté et providence de Dieu il n'a plus aucun vouloir par son election, mays en vertu de l'election qu'il a fait de ne rien vouloir de soy mesme, mais suivre le vouloir de Dieu; il ne se [478] porte pas a vouloir, mais se laisse porter a vouloir, sans election ni consideration quelconque, par la seule non resistance; il ne pense pas s'il a une volonté a sousmettre, il n'en sent point, mais se laisse porter et emporter au gré de la volonté divine, avec laquelle il pense estre une mesme chose: c'est la souveraine perfection de l'union.

  A005001506 

 ...gloire d'un monarque, ou celle quil acquiert en la guerre par les armes, ou celle quil merite en la paix par la justice? Sans doute, la gloire militaire est plus grande, mais celle de la paix est meilleure; comme le bruit du tambour et le son des trompettes est bien plus grand que celuy du luth ou de l'espinette, mais celuy ci est aussi meilleur, plus suave et delicieux.

  A005001506 

 Un'once de baume ne respandra pas tant d'odeur que fera une livre d'huile d'aspic, mais pourtant l'odeur du baume sera tous-jours meilleure et plus prætieuse..

  A005001507 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu comme Dieu, en qualité de Dieu, pour peu quil ayt de cet amour, il præferera Dieu a toutes choses en toutes les occasions qui se presenteront de faire [479] choix, ou la perte de Dieu ou la perte de la creature: car si bien il aura peut estre d'autres amours plus ardantes et passionnees, neanmoins cellui ci sera le meilleur et le plus prætieux.

  A005001507 

 Et comme une des perles de Cleopatra valoit mieux que tous les rochers de nos montaignes, bien que ceux ci soyent plus gros, plus pesans, plus hautz et de plus d'usage, ainsy un brin de vray amour de Dieu vaut mieux que tous les autres amours de nos cœurs, pour pressans et ardens qu'ilz soyent.

  A005001507 

 Il est vray, Philothee, vous verres une mere tellement embesoignee de son enfant, qui semble qu'elle n'ayt aucun autre amour que celuy la: elle n'a plus d'yeux que pour le regarder, ni plus de baysers que pour le caresser, ni plus de soin que pour l'eslever, ni plus de poitrine que pour l'alaiter, et semble qu'ell'ayt quitté l'amour du mari pour celuy de l'enfant; mays pourtant, sil failloit venir au choix de perdre ou l'un ou lautre, alhors on verroit bien qu'ell'estime plus son mari que dix enfans, et que si bien l'amour de l'enfant estoit le plus empressé, le plus tendre, le plus passionné, lautre neanmoins estoit le plus excellent, le plus fin et le meilleur.

  A005001507 

 Les chiennes font plusieurs petitz d'une littee, et les lionnes n'en font jamais qu'un; mais aussi c'est un lyon que les lionnes font, qui est plus estimable que cent mille chiens..

  A005001508 

 En quoy donq consiste l'excellence de ce vray amour de Dieu au dessus de tous autres amours? En ce que cet amour, quoy que moins sensible et pressant que les autres, il met Dieu en tell'estime dedans nos ames et fait que nous le prisons si hautement, que nous quitterions plus tost toutes choses que de le quitter, le preferans a tout et le cherissans sur tout, lhors que nous sommes reduitz a la necessité ou de le quitter ou de quitter tout autre chose: et c'est l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui nous est commandé.

  A005001512 

 Y ayant donques tant de degrés d'amantz, qui tous doivent observer la loy de Dieu et estre sauvés par ce chemin, N. S. a establi un commandement qui les regarde tous et les oblige tous; lequel est aussi observé par un chacun des esleuz, quoy que differemment et avec une infinie varieté de perfections; n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges ni d'estoiles au ciel, qui ayent un'absolue egalité et parité de perfection et de charité..

  A005001514 

 S t Denis et S t Aug in dient que plusieurs ont estimé que le nom d'amour panchoit plus tost a signifier l'amour charnel que le spirituel; et que pour cela il est mieux, es choses sacrees, d'user du mot de dilection que de celuy d'amour, mays S t Denis......................................................

  A005001520 

 Or, outre cela, Nostre Seigneur voulant favoriser l'homme pieux, affin de rendre le paradis du cœur humain plus aggreable et delicieux, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de nostre ame une fontaine surnaturelle que nous appelions grace, composee de la foy, esperance et charité, qui espanche ses eaux sur toute nostre ame et l'arrouse tout entierement, la rendant gracieuse, amene et grandement aymable a sa divine Majesté.

  A005001521 

 La comparayson estant meilleure de l'odeur des roses, sur laquelle les autres odeurs en l'affinant s'affinent elles mesme, quoy que plus excellentes qu'elles, dont on employe ou les roses, ou l'eau rose, ou le jus de rose en presque toutes les eaux odorantes: car ainsy les vertus morales, saintes, [484] perfectionnent les vertus naturelles, et en les perfectionnant s'en affinent elles mesme, et agissent plus excellemment avec icelles que sans icelles.

  A005001527 

 Il est bien raysonnable que l'œuvre de Dieu soit plus excellente que celle de l'homme, et qu'ell'estende sa force plus avant a destruire son contraire.

  A005001527 

 La grace est un œuvre de Dieu, c'est pourquoy la reparation qu'elle fait est bien plus grande que n'est la ruine du peché, lequel est nostre œuvre.

  A005001533 

 Il faut avouer que quand la charité non seulement se treuve en l'ame qui fait les actions des vertus, mays qu'elle mesme les ordonne, elle les rend incroyablement plus nobles, car la vertu alhors est comme un instrument que la charité employe.

  A005001535 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du [486] matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000074 

 Certes, nous voulons croire de nostre prochain, que ç'a esté un bon zele, plustost qu'aucune autre consideration, qui l'a induit à les mettre au jour: mais nous ne sçaurions luy estre si indulgentes que nous ne nous plaignions charitablement de luy, non de nous avoir osté ce qui sembloit estre nostre (car nous n'avons rien à nous, et les biens spirituels le sont encor moins que les autres parce qu'ils doivent estre plus communiqués), mais d'avoir soustrait ces Entretiens d'une telle sorte, que, les tirant avec peine, il a esté impossible qu'il ne les ayt mis en pieces et qu'il ne les ayt donnés par lambeaux comme il les avoit pris.

  A006000096 

 Or, ceste desobeissance formelle et ce mespris des choses bonnes et saintes n'est jamais sans quelque peché, pour le moins veniel, non pas mesme és choses qui ne sont que conseillées: car bien qu'on puisse ne point suivre les conseils des choses saintes, par l'élection d'autres choses, sans aucunement offenser, si est-ce qu'on ne peut pourtant les laisser par mespris et contemnement, sans offense; d'autant que tout bien ne nous oblige pas à le suivre, mais ouy bien à l'honorer et estimer, et par consequent, à plus forte raison, à ne le point mespriser et vilipender..

  A006000104 

 Car lors que l'esprit de l'homme ne se conduit que selon ses inclinations et aversions, qu'arrive-il qu'une perpetuelle inconstance, et varieté de fautes? Hier j'estois joyeux, le silence me desagreoit, et la tentation me suggeroit que j'estois oyseux; aujourd'huy que je seray melancolique, elle me dira que la recreation et entretien est encore plus inutile: hier, que j'estois en consolation, le chanter me plaisoit; aujourd'huy, que je suis en secheresse, il me deplaira, et ainsi des autres..

  A006000106 

 Ne plaise pas à Dieu que jamais aucune des Filles de la Visitation s'esgare si fort du chemin de l'amour de Dieu, qu'elle s'aille perdre dedans ce mespris des Regles, par desobeissance, dureté et obstination de cœur; car, que luy pourroit-il arriver de pis ni de plus malheureux? attendu mesme qu'il y a si peu de regles particulieres et propres de la Congregation; la pluspart et quasi toutes estant, ou bien des regles generales qu'il faudroit qu'elles observassent en leurs maisons du monde si elles vouloient vivre tant soit peu avec honneur, reputation et crainte de Dieu, [9] ou bien qui regardent la manifeste bienseance d'une maison devote ou les officieres en particulier..

  A006000109 

 Et quant aux violements de la Regle qui ne se font point par pure desobeissance ni par mespris, s'ils se font par nonchalance, infirmité, tentation ou negligence, on s'en pourra et devra confesser comme de peché veniel, ou bien comme de chose où il y peut avoir peché veniel: car, bien qu'il n'y ait aucune sorte de peché en vertu de l'obligation de la Regle, il y en peut neantmoins avoir à raison de la negligence, nonchalance, precipitation ou autres tels defauts, puisqu'il arrive rarement que voyant un bien propre à nostre [10] avancement, et notamment estant invitees et appellées à le faire, nous le laissions volontairement sans offenser; car tel delaissement ne procede que de negligence, affection depravée ou manquement de ferveur, et s'il nous faut rendre compte des paroles qui sont vrayement oyseuses, combien plus d'avoir rendu oyseuse et inutile la semonce que la Regle nous fait à son exercice!.

  A006000112 

 Il faut croire qu'à mesure que le divin amour fera progres és ames des Filles de la Congregation, il les rendra tousjours plus exactes et soigneuses à l'observation de leurs Constitutions, quoy que d'elles mesmes elles n'obligent point sous peine de peché mortel ni veniel; car si elles obligeoient sous peine de la mort, combien estroittement les observeroit-on? Or, l'amour est fort comme la mort; donques les attraits de l'amour sont aussi puissans à faire executer une resolution comme les menaces de la mort.

  A006000112 

 Le zele, dit le sacré Cantique, est dur et ferme comme l'enfer; les ames, donques, qui ont le zele, feront autant et plus en vertu d'iceluy, qu'elles ne feroient pour la crainte de l'enfer: si bien que les Filles de la Congregation, par la suave violence de l'amour, observeront autant exactement leurs Regles, Dieu aydant, que si elles y estoient obligées sous peine de damnation eternelle..

  A006000124 

 Car encor que nous ne courions pas, il suffit que, Dieu aydant, nous courrons: ceste Congregation, non plus que les autres Religions, n'estant pas une assemblée de personnes parfaites, mais de personnes qui pretendent de se perfectionner; non de personnes courantes, mais de personnes qui pretendent courir, et lesquelles pour cela apprennent premierement à marcher le petit pas, puis à se haster, puis à cheminer à demi course, puis en fin à courir..

  A006000124 

 Genereuse pour pretendre au plus haut point de la perfection chrestienne, nonobstant toutes imperfections et foiblesses presentes, en s'appuyant, par une parfaite confiance, sur la misericorde divine, à l'exemple de celle qui disoit à son Bien Aimé: Tirez moy, nous courrons apres vous en l'odeur de vos onguents, comme si elle eust voulu dire: De moy mesme je suis immobile, mais quand vous me tirerez je courray.

  A006000127 

 Mais neantmoins, si quelques Sœurs avoient des aversions aux choses pieuses, bonnes et approuvées, ou bien des inclinations aux choses moins pieuses, si elles me croyent elles useront de violence, et contreviendront le plus qu'elles pourront à leurs aversions et inclinations, pour se rendre vrayement maistresses d'elles mesmes, et servir Dieu par une excellente mortification: repugnant ainsi à leurs repugnances, contredisant à leurs contradictions, declinant de leurs inclinations, se divertissant de leurs aversions, et en tout et par tout faisant regner l'authorité de la raison, principalement és choses esquelles on a du loisir pour prendre resolution.

  A006000128 

 Advoüons franchement que les autres Congregations sont meilleures, plus riches et plus excellentes, mais non pas pourtant plus aymables ni desirables pour nous, puisque Nostre Seigneur a voulu que ce fust nostre patrie et nostre barque, et que nostre cœur fust marié à cest Institut; suivant le dire de celuy auquel quand on demanda quel estoit le plus agreable sejour et le meilleur aliment pour l'enfant: Le sein, dit-il, et le lait de sa mere; car bien qu'il y ait de plus beaux seins et de meilleurs laits, si est ce que pour luy il n'y en a point de plus propre ni de plus aymable.

  A006000128 

 Ainsi les femmes doivent preferer leurs maris à tout autre, non en honneur, mais en affection; ainsi chacun prefere son païs aux autres, en amour non en estime, et chaque nocher cherit plus le vaisseau dans lequel il vogue que les autres, quoy que plus riches et mieux fournis.

  A006000132 

 Ce mot tant celebre entre les Anciens, « Cognois-toy toy-mesme, » encores qu'il s'entende de la cognoissance de la grandeur et excellence de l'ame, [19] pour ne la point avilir et prophaner en des choses indignes de sa noblesse, il s'entend aussi de la cognoissance de nostre indignité, imperfection et misere: d'autant que tant plus que nous nous cognoistrons miserables, tant plus nous nous confierons en la bonté et misericorde de Dieu; car, entre la misericorde et la misere, il y a une certaine liaison si grande, que l'une ne se peut exercer sans l'autre.

  A006000133 

 Vous voyez donc que tant plus nous nous cognoissons miserables, tant plus nous avons occasion de nous confier en Dieu, puisque nous n'avons rien de quoy nous confier en nous mesmes.

  A006000135 

 J'ay accoustumé de dire que le throsne de la misericorde de Dieu c'est nostre misere: il faut donc, d'autant que nostre misere sera plus grande avoir aussi une plus grande confiance..

  A006000136 

 Ce n'est donc que pour cela qu'il faut faire cest abandonnement, lequel autrement seroit inutile, et ressembleroit ceux des anciens philosophes, qui ont fait des admirables abandonnemens de toutes choses et d'eux-mesmes, pour une vaine preétention de s'adonner à la philosophie: comme Epictete, tres-renommé philosophe, lequel estant esclave de condition, à cause de sa grande sagesse on le vouloit affranchir; mais luy, par un renoncement le plus extreme de tous, ne voulut point sa liberté et demeura ainsi volontairement en son esclavage, avec une telle pauvreté, qu'apres sa mort on ne luy trouva rien qu'une lampe, qui fut vendue bien cher à cause qu'elle avoit esté à un si grand homme.

  A006000137 

 Ce que j'entens selon la partie superieure de nostre ame, car il n'y a point de doute que l'inferieure et l'inclination naturelle tendra tousjours plustost du costé de l'honneur que du mespris, des richesses que [23] de la pauvreté; quoy qu'aucun ne puisse ignorer que le mespris, l'abjection et la pauvreté ne soient plus agreables à Dieu que l'honneur et l'abondance de beaucoup de richesses.

  A006000138 

 Ainsi les Saints qui sont au Ciel ont une telle union avec la volonté de Dieu, que s'il y avoit un peu [25] plus de son bon plaisir en enfer ils quitteroient le Paradis pour y aller.

  A006000138 

 Il faut de plus remarquer qu'il y a des choses esquelles il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à celle de son bon plaisir: comme si je tombe malade d'une grosse fievre, je voy en cest evenement que le bon plaisir de Dieu est que je demeure en indifference de la santé ou de la maladie; mais la volonté de Dieu signifiée est que moy, qui ne suis pas sous l'obeissance, j'appelle le medecin et que j'applique tous les remedes que je puis (je ne dis pas les plus exquis, mais les communs et ordinaires), et que les Religieux, qui sont sous un Superieur, reçoivent les remedes et traittement qui leur sont presentés, en simplicité et soubmission; car Dieu le nous a signifié en ce qu'il donne la vertu aux remedes, la Sainte Escriture le nous enseigne en plusieurs endroits et l'Eglise l'ordonne.

  A006000138 

 Or cela fait, que la maladie surmonte le remede, ou le remede surmonte le mal, il en faut estre en parfaite indifference, en telle sorte que si la maladie et la santé estoient là devant nous et que Nostre Seigneur nous dist: Si tu choisis la santé je ne t'en osteray pas un grain de ma grace, si tu choisis la maladie je ne te l'augmenteray pas aussi de rien, mais au choix de la maladie il y a un peu plus de mon bon plaisir; alors l'ame qui s'est entierement delaissée et abandonnée entre les mains de Nostre Seigneur choisira sans doute la maladie, pour cela seulement qu'il y a un peu plus du bon plaisir de Dieu; ouy mesme quand ce seroit pour demeurer toute sa vie dans un lict, sans faire autre chose que souffrir, elle ne voudroit pour rien du monde desirer un autre estat que celuy-là.

  A006000139 

 En fin l'abandonnement est la vertu des vertus: c'est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le merite, ce semble, de la patience et le fruict de la perseverance; grande est ceste vertu, et seule digne d'estre pratiquée des plus chers enfans de Dieu.

  A006000143 

 Vous dites maintenant, s'il est bien possible que nostre volonté soit tellement morte en Nostre Seigneur que nous ne sçachions plus ce que nous voulons ou ce que nous ne voulons pas.

  A006000144 

 Vous voudriez aussi sçavoir si une ame encore bien imparfaite pourroit demeurer utilement devant Dieu avec ceste simple attention à sa sainte presence en l'oraison Et je vous dis que si Dieu vous y met, vous y pouvez bien demeurer, car il arrive assez souvent que Nostre Seigneur donne ces quietudes et tranquillités à des ames qui ne sont pas bien purgées; mais tandis qu'elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors l'oraison, faire des remarques et des considérations necessaires à leur amendement; car, quand bien Dieu les tiendroit tousjours fort recueillies, il leur reste encor assez de liberté pour discourir avec l'entendement sur plusieurs choses indifferentes: pourquoy donc ne pourront-elles pas considerer et faire des resolutions pour leur amendement et pour la pratique des vertus? Il y a des personnes fort parfaites ausquelles Nostre Seigneur ne donne jamais de telles douceurs ni de ces quietudes, qui font tout avec la partie superieure de leur ame, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la pointe de la raison: et ceste mort icy est la mort de la croix, laquelle est beaucoup plus excellente et plus genereuse que l'autre, que l'on doit plustost appeller un endormissement qu'une mort; car ceste ame qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui dormant dans un vaisseau sur [29] une mer tranquille ne laisse pas d'avancer.

  A006000153 

 Mais il ne faut pas seulement considerer ceste varieté, changement, mutation et instabilité és choses transitoires et materielles de ceste vie mortelle; nullement, ains il les faut considerer encor estre aussi dans le succes de nostre vie spirituelle, où la fermeté et constance est d'autant plus necessaire, que la vie spirituelle est relevée au dessus de la vie mortelle et corporelle.

  A006000154 

 Je me veux faire entendre plus familierement: la pluspart des personnes du monde se laissent gouverner et conduire à leurs passions, et non à la raison; aussi sont-ils pour l'ordinaire bijarres, varians et changeans en leurs humeurs.

  A006000158 

 Si je parlois devant des personnes qui ne m'entendissent pas, je tascherois de leur inculquer le mieux qu'il me seroit possible ce que je viens de dire; mais vous sçavez que j'ay tousjours tasché de vous inculquer bien avant dans la memoire ceste tres-sainte egalité d'esprit, comme estant la vertu la plus necessaire et particuliere de la Religion.

  A006000162 

 De plus, il faut considerer la grande paix et egalité d'esprit de la tres-sainte Vierge et de saint Joseph, en leur constance parmi l'inegalité si grande des divers accidens qui leur arrivoient, ainsi que nous avons dit.

  A006000163 

 Quand donc on dit, l'Ange du Seigneur, cela se doit entendre ainsi, à sçavoir, l'Ange destiné à la conduite de la maison et famille de Nostre Seigneur, et plus specialement dedié pour son service, et de la tres-sainte Vierge..

  A006000167 

 Estoit-il plus qualifié, et doué de quelque grace speciale ou particuliere? Cela ne se peut, veu que Nostre Seigneur est Dieu et homme tout ensemble, et que Nostre Dame, estant sa Mere, a par consequent plus de grace et de perfection que tous les Anges ensemble: neantmoins l'Ange commande, et il est obei.

  A006000167 

 Et maintenant nous autres, serons-nous si osés de dire que nous nous gouvernerons bien nous mesmes, comme n'ayans plus besoin de direction ni de l'ayde de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire, ne les estimant assez capables pour nous? Dites-moy, l'Ange estoit-il plus que Nostre Seigneur ou Nostre Dame? avoit-il meilleur esprit et plus de jugement? Nullement.

  A006000167 

 Mais de plus, voyez l'ordre qui se garde en ceste sainte famille.

  A006000167 

 Mais je suis plus que l'Ange, pouvoit-elle dire, et que saint Joseph.

  A006000167 

 Qui pourroit entrer en doute que Nostre Dame ne valust mieux que saint Joseph, et qu'elle n'eust plus de discretion et de qualités propres pour le gouvernement que son Espoux? Neantmoins, l'Ange ne s'adresse point à elle de tout ce qui est requis de faire, soit pour aller ou pour venir, ni en fin pour quoy que ce soit.

  A006000168 

 Grand cas de l'esprit humain, qui ne veut point se rendre capable d'adorer les secrets mysteres de Dieu et sa tres-sainte volonté, s'il n'a quelque sorte de cognoissance pourquoy cecy ou cela! J'ay meilleur esprit, dit-on de soy, plus d'experience, et semblables belles raisons qui ne sont propres qu'à produire des inquietudes, des humeurs bijarres, des murmures.

  A006000172 

 Mais je considere qu'il n'est pas seulement requis de nous reposer en la divine Providence pour ce qui regarde les choses temporelles, ains beaucoup plus pour ce qui appartient à nostre vie spirituelle et à nostre perfection.

  A006000173 

 Nous avons des tendretés sur nos corps qui sont grandement contraires à la perfection; mais plus, sans comparaison, celles que nous avons sur nos esprits.

  A006000173 

 Se peut-il imaginer une affliction plus extreme que celle que saint Joseph ressentit lors qu'il s'apperceut que la glorieuse Vierge estoit enceinte, sçachant bien que ce n'estoit pas de son fait? Son affliction et sa detresse estoit d'autant plus grande que la passion de l'amour est plus vehemente que les autres passions de l'ame; et de plus, en l'amour, la jalousie est l'extremité de la peine, ainsi que le declare l'Espouse au Cantique des Cantiques: L'amour, dit-elle, est fort comme la mort, car l'amour fait les mesmes effets en l'ame qu'au corps la mort; mais la jalousie est dure comme l'enfer.

  A006000174 

 Je le croy, mais est-elle comparable à celle de laquelle nous venons de parler? Il ne se peut; et si cela est, considerez, je vous prie, si nous avons raison de nous en plaindre et lamenter, puisque saint Joseph ne se plaint point, ni n'en tesmoigne rien en son exterieur: il n'en est point plus amer en sa conversation, il n'en fit pas la mine à Nostre Dame, il ne la traitta point mal; ains simplement il souffre sa peine, et ne veut faire autre chose que la quitter: Dieu sçait ce qu'il pouvoit faire en ce sujet.

  A006000175 

 Ce sont deux cordes egalement discordantes et necessaires d'estre accordées que la chanterelle et la basse, à fin de bien jouer du luth; il n'y a rien de plus discordant que le haut avec le bas: neantmoins, sans l'accord de ces deux cordes, l'harmonie du luth ne peut estre agreable.

  A006000177 

 De mesme, mes filles, quand on nous donne quelque charge ne disons pas: Mon Dieu! je suis si brusque, si l'on me donne telle charge je feray mille traits d'empressement; je suis desja si distraite, si l'on me donne un tel office je le seray bien plus; mais si l'on me laissoit dans ma cellule, je serois si modeste, si tranquille, si recueillie.

  A006000185 

 Il faut de plus, outre l'entremise de la raison, qu'il y ayt une certaine correspondance, ou de vocation ou de pretention ou de qualité, entre ceux qui contractent de l'amitié: ce que l'experience nous enseigne clairement, car n'est-il pas vray qu'il n'y a point de plus vraye amitié ni de plus forte que celle qui est entre les freres? L'on n'appelle pas l'amour que les peres portent à leurs enfans amitié, ni celuy que les enfans ont pour leurs peres, parce qu'il n'y a pas ceste correspondance dont [55] nous parlons, ains sont differens: l'amour des peres estant un amour majestueux et plein d'authorité, et celuy des enfans pour leurs peres, un amour de respect et de sousmission; mais entre les freres, à cause de la ressemblance de leur condition, la correspondance de leur amour fait une amitié ferme, forte et solide.

  A006000186 

 Ce qui est dit de Dieu se doit aussi entendre de l'amour du prochain, pourveu toutesfois que l'amour de Dieu surnage tousjours au dessus et tienne le premier rang: mais apres, nous devons aymer nos Sœurs de toute l'estendue de nostre cœur, et ne nous contenter pas de les aymer comme nous-mesme, ainsi que les commandemens de Dieu nous obligent; mais nous les devons aymer plus que nous-mesme, pour observer les regles de la perfection evangelique, qui requiert cela de nous.

  A006000186 

 Ceci est grandement considerable: Aymez-vous ainsi que je vous ay aymés; car cela veut dire, plus que vous-mesme.

  A006000187 

 Il ne faudroit pas aussi si frequemment user de caresses, et à tout propos dire des paroles emmiellées, les jettant à belles poignées sur les premieres qu'on rencontre; car tout ainsi que si l'on mettoit trop de sucre sur une [58] viande elle tourneroit à dégoust, à cause qu'elle seroit trop douce et trop fade, de mesme les caresses trop frequentes seroyent rendues dégoustantes et l'on ne s'en soucieroit plus, sçachant que cela se fait par coustume.

  A006000187 

 Je dis qu'il faut user de caresses en certains temps; car il ne seroit pas à propos d'estre aupres d'une malade avec autant de gravité que l'on seroit ailleurs, ne la voulant non plus caresser que si elle estoit en pleine santé.

  A006000188 

 Ainsi voyons-nous qu'il ne nous faut pas estonner si nous ne sommes pas esgalement doux et suaves, pourveu que nous aymions nostre prochain de l'amour du cœur, selon toute son estendue, et comme Nostre Seigneur nous a aymés: c'est à dire plus que nous-mesmes, le preferant tousjours à nous en toutes choses dans l'ordre de la sainte charité, et ne luy refusant jamais rien que nous puissions contribuer [60] pour son utilité, excepté de nous damner, ainsi que nous avons desja dit.

  A006000188 

 C'est bien la verité, que nous devons tous avoir ceste pretention d'atteindre et donner droit dans le blanc de la vertu, laquelle nous devons desirer ardemment: [59] mais pourtant nous ne devons pas perdre courage quand nous ne rencontrons pas droittement l'essence de la vertu, ni nous estonner, pourveu que nous donnions dans le rond, c'est à dire au plus pres que nous pourrons; car c'est une chose que les Saints mesmes n'ont pas sceu faire en toutes les vertus, n'y ayant que Nostre Seigneur et Nostre Dame qui l'ayent peu faire.

  A006000188 

 Il n'y a rien de plus doux que saint Augustin, ses escrits sont la douceur et suavité mesme; au contraire, saint Hierosme estoit extremement austere: pour en sçavoir quelque chose, voyez-le en ses epistres, il se courrouce quasi tousjours.

  A006000188 

 Neantmoins, tous deux estoient grandement vertueux; mais l'un avoit plus de douceur, l'autre une plus grande austerité de vie, et tous deux (quoy que non pas esgalement ni doux ni rigoureux) ont esté des grands Saints.

  A006000190 

 C'est à ceux qui ont plus besoin de nous auxquels nous devons tesmoigner nostre amour plus particulierement; car c'est là où nous monstrons mieux que nous aymons par charité, que non pas en aymant ceux qui nous donnent plus de consolation que de peine.

  A006000190 

 Je dis à cela, que bien que nous soyons obligés d'aymer davantage ceux qui sont plus vertueux, de l'amour de complaisance, nous ne les devons pas pourtant plus aymer de l'amour de bienveuillance, et ne leur devons pas tesmoigner plus de signes d'amitié; et cela pour deux raisons.

  A006000190 

 La premiere est que Nostre Seigneur ne l'a pas fait, ains il semble qu'il ayt plus monstré d'affection aux imparfaits qu'aux parfaits, puisqu'il a dit qu'il n'estoit pas venu pour les justes, ains pour les pecheurs.

  A006000190 

 Mais hors de là, il faut tascher de faire que nous aymions tous esgalement, puisque Nostre Seigneur n'a pas dit: Aymez ceux qui sont plus vertueux, ains indifferemment: Aymez-vous les uns les autres ainsi que je vous ay aymés, sans en exclure aucun, pour imparfait qu'il soit..

  A006000190 

 On demande sur ce sujet si on oseroit tesmoigner davantage d'affection à une Sœur que l'on estime plus vertueuse, que non pas à une autre.

  A006000191 

 Il se peut faire qu'une Sœur laquelle vous verrez chopper fort souvent et commettre force imperfections, sera plus vertueuse et plus agreable à Dieu (ou pour la grandeur du courage qu'elle conserve parmi ses imperfections, ne se laissant point troubler ni inquieter de se voir si sujette à tomber, ou bien par l'humilité qu'elle en retire, ou encores par l'amour de son abjection) que non pas une autre laquelle aura une douzaine de vertus, ou naturelles ou bien acquises, et laquelle aura moins d'exercice et de travail, et par consequent peut estre, moins de courage et d'humilité que non pas l'autre que l'on void si sujette à faillir.

  A006000191 

 La seconde raison pour laquelle nous ne devons pas rendre des tesmoignages d'amitié aux uns plus qu'aux autres, et ne devons nous laisser aller à les aymer davantage, est que nous ne pouvons pas juger qui sont [62] les plus parfaits et qui ont le plus de vertu; car les apparences exterieures sont trompeuses, et bien souvent ceux qui vous semblent estre les plus vertueux (comme j'ay dit autre part) ne le sont pas devant Dieu, qui est celuy-là seul qui peut les recognoistre.

  A006000192 

 Et toutes doivent sçavoir que nous les aymons de cest amour du cœur; et partant il n'est pas besoin d'user de tant de paroles, que nous les aymons cherement, que nous avons une certaine inclination à les aymer particulierement, [63] et autres semblables; car pour avoir une inclination pour une plus que pour les autres, l'amour que nous luy portons n'en est pas plus parfait, ains peut estre, plus sujet à changement à la moindre petite chose qu'elle nous fera.

  A006000192 

 Il faut donc nous tenir en l'affection que nous devons avoir pour nos Sœurs le plus esgalement que nous pourrons, pour les raisons susdites.

  A006000193 

 C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appellés; car, ce [64] n'est pas assez d'assister le prochain de nos commodités temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour: mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obeissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y resistions.

  A006000193 

 Or pour bien tesmoigner que nous l'aymons, il faut luy procurer tout le bien que nous pouvons, tant pour l'ame que pour le corps, priant pour luy, et le servant cordialement quand l'occasion s'en presente: d'autant que l'amitié qui se termine en belles paroles n'est pas grand'chose, et n'est pas s'aymer comme Nostre Seigneur nous a aymés, lequel ne s'est pas contenté de nous asseurer qu'il nous aymoit, mais a voulu passer plus outre, en faisant tout ce qu'il a fait pour preuve de son amour.

  A006000195 

 Celuy pourtant qui previendra son prochain és benedictions de douceur, sera le plus parfait imitateur de Nostre Seigneur..

  A006000195 

 Le support des imperfections du prochain est un des principaux points de cest amour: Nostre Seigneur nous l'a monstré sur la croix, lequel avoit un cœur si doux envers nous et nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui luy causoyent la mort, et qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire, car le peché que les Juifs commirent fut un monstre de meschanceté.

  A006000196 

 Il faut de plus remarquer que l'amour cordial est attaché à une vertu qui est comme une dependance de cest amour, et c'est une confiance toute enfantine.

  A006000196 

 Les Sœurs ne croiront pas pour cela que vous n'en ayez point, et vos imperfections seront peut estre plus dangereuses que si elles estoyent descouvertes et qu'elles vous causassent de la confusion, ainsi qu'elles font à celles qui sont plus faciles à les laisser paroistre à l'exterieur.

  A006000196 

 Vous aurez fait une faute ou une lourdise, il est vray; mais c'est devant vos Sœurs qui vous ayment cherement, et partant qui vous sçauront bien supporter en vostre defaut, et en auront plus de compassion sur vous que de passion contre vous.

  A006000219 

 Mais d'autant qu'elle, nous fait plus abaisser et humilier par la cognoissance de ce que nous sommes de nous-mesmes, par le peu d'estime qu'elle fait de tout ce qui est en nous et de nous, d'autant aussi nous fait-elle grandement estimer à cause des biens qui sont en nous, et non pas de nous, qui sont la foy, l'esperance, l'amour de Dieu, pour peu que nous en ayons, comme aussi une certaine capacité que Dieu nous a donnée de nous unir à luy par le moyen de la grace; et quant à nous autres, nostre vocation, qui nous donne asseurance, autant que nous la pouvons avoir en ceste vie, de la possession de la gloire et felicité eternelle.

  A006000219 

 Or, l'humilité nous empesche de nous glorifier et estimer à cause de ces biens là, d'autant qu'elle n'en fait non plus de cas que d'un neant et d'un rien; et en effet, cela se doit par raison, n'estant point des biens stables et qui nous rendent plus agreables à Dieu, ains muables et sujets à la fortune.

  A006000221 

 Et ainsi elle fait ce discours en elle-mesme: si Dieu m'appelle à un estat de perfection si haute qu'il n'y en ayt point en ceste vie de plus relevée, qu'est-ce qui me pourra empescher d'y parvenir, puisque je suis tres-asseurée que Celuy qui a commencé l'œuvre de ma perfection la parfera? Mais prenez garde que tout cecy se fait sans aucune presomption, d'autant que ceste confiance n'empesche pas que nous ne nous tenions tousjours sur nos gardes, de crainte de faillir; ains elle nous rend plus attentifs sur nous-mesmes, plus vigilans et soigneux de faire ce qui nous peut servir pour l'avancement de nostre perfection..

  A006000222 

 La tres sainte Vierge Nostre Dame nous fournit à ce sujet un exemple tres-remarquable lors qu'elle prononça ces mots: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car en ce qu'elle dit qu'elle est servante du Seigneur, elle fait un acte d'humilité le plus grand qui se peut faire, d'autant qu'elle oppose aux louanges que l'Ange luy donne, qu'elle sera Mere de Dieu, que l'enfant qui sortira de ses entrailles sera appellé le Fils du Tres-Haut, dignité la plus grande que l'on eust peu jamais imaginer, elle oppose, dis-je, à toutes les louanges et grandeurs sa bassesse [77] et son indignité, disant qu'elle est servante du Seigneur.

  A006000223 

 Pareillement, à faute de ceste generosité, il se fait fort peu d'actes de vraye contrition; d'autant qu'apres nous estre humiliés et confondus devant la divine Majesté en consideration de nos grandes infidelités, nous ne venons pas à faire cest acte de confiance, nous relevant le courage par une asseurance que nous devons avoir que la divine Bonté nous donnera sa grace, pour desormais luy estre fidelles et correspondre plus parfaitement à son amour.

  A006000223 

 Si donc il est ainsi, qui m'asseurera que je ne manqueray point à la grace desormais, puisque je luy ay manqué tant de fois par le passé? Je responds que la generosité fait que l'ame dit hardiment et sans rien craindre: Non, je ne seray plus infidelle à Dieu; et parce qu'elle sent en son cœur ceste resolution de ne l'estre jamais, elle entreprend sans rien craindre tout ce qu'elle sçait la pouvoir rendre [78] agreable à Dieu, sans exception d'aucune chose; et entreprenant tout, elle croid de pouvoir tout, non d'elle-mesme, ains en Dieu auquel elle jette toute sa confiance; et pour ce elle fait et entreprend tout ce qu'on luy commande et conseille..

  A006000224 

 Mais nous autres, nous sommes si joyeux que rien plus, de tesmoigner que nous sommes bien humbles et que nous avons une basse estime de nous-mesmes, et semblables choses, qui ne sont rien moins que la vraye humilité, laquelle ne nous permet jamais de resister au jugement de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire..

  A006000225 

 Et de plus, Isaïe luy dit que pour preuve de la verité de ce qu'il luy disoit, qu'il demandast à Dieu un signe au ciel ou bien en la terre, et qu'il le luy donneroit.

  A006000226 

 Je dis qu'il ne vous faut pas tous-jours croire quand vous dites, poussées peut estre de découragement, que vous estes des miserables et toutes remplies d'imperfections; non plus qu'il ne faut pas croire que vous n'en ayez point quand vous n'en dites rien, estant pour l'ordinaire telles que vos œuvres vous font paroistre.

  A006000228 

 Et par apres, l'on passe au découragement qui nous fait dire: O non, il ne faut plus rien esperer de moy, je ne feray jamais rien qui vaille, c'est perdre le temps que de me parler; et là dessus, nous voudrions quasi que l'on nous laissast là, comme si l'on estoit bien asseuré de ne pouvoir jamais rien gagner avec nous.

  A006000228 

 Les Filles de la Visitation sont toutes appellées à une tres-grande perfection, et leur entreprise est la plus haute et la plus relevée que l'on sçauroit penser; d'autant qu'elles n'ont pas seulement pretention de s'unir à la volonté de Dieu, comme doivent avoir toutes les creatures, mais de plus, elles pretendent de s'unir à ses desirs, voire mesme à ses intentions, je dis avant mesme qu'elles soyent presque signifiées; et s'il se pouvoit penser quelque chose de plus parfait et un degré de plus grande perfection que de se conformer à la volonté de Dieu, à ses désirs et à ses intentions, elles entreprendroyent [82] sans doute d'y monter, puisqu'elles ont une vocation qui les y oblige.

  A006000236 

 O mon Dieu, que nous serions heureux si nous pouvions nous accoustumer à faire ceste response à nos cœurs lors qu'ils sont en soucy de quelque chose: Nostre Seigneur y pourvoira; et qu'apres cela nous n'eussions plus d'anxieté, de trouble ni d'empressement, non plus qu'Isaac! car il se tut apres, croyant que le Seigneur y pourvoiroit, ainsi que son pere luy avoit dit..

  A006000236 

 O que c'est un vray et solide fondement que la parole de Dieu, car elle est infaillible! Abraham sort donc pour accomplir la volonté de Dieu avec une simplicité nompareille; car il ne fit non plus de consideration ni de replique que lors que Dieu luy avoit dit qu'il sortist de sa terre et de sa parenté, et qu'il allast au lieu qu'il luy monstreroit, sans le luy specifier, à fin qu'il s'embarquast plus simplement dans la barque de sa divine providence.

  A006000238 

 Car, qu'est-ce que Dieu desire de vous sinon ce qu'il ordonna à ses Apostres et ce pourquoy il les envoya par le monde, qui estoit ce que Nostre Seigneur mesme estoit venu faire en ce monde, qui fut pour donner la vie aux hommes? et non seulement cela, dit-il, mais à fin qu'ils vescussent d'une vie plus abondante, qu'ils eussent la vie et une vie meilleure, ce qu'il a fait en leur donnant la grace.

  A006000238 

 Mais ne vous contentez pas de cela: faites qu'ils vivent, et d'une vie plus parfaite par le moyen de la doctrine que vous leur enseignerez; ils auront la vie en croyant à ma parole que vous leur exposerez, mais ils auront une vie plus abondante par le bon exemple que vous leur donnerez.

  A006000239 

 De mesme, mes cheres filles, estes-vous maintenant commandées d'aller çà et là en divers lieux, pour faire [89] que les araes ayent la vie, et qu'elles vivent d'une meilleure vie: car, qu'est-ce que vous allez faire sinon tascher de donner cognoissance de la perfection de vostre Institut, et par le moyen de ceste cognoissance attirer plusieurs ames à embrasser toutes les observances qui y sont comprises et encloses? Mais sans prescher et conferer les Sacremens et remettre les pechés, ainsi que faisoyent les Apostres, n'allez-vous pas donner la vie aux hommes? mais, pour parler plus proprement, n'allez-vous pas donner la vie aux filles? puisque peut estre cent et cent filles qui se retireront à vostre exemple dans vostre Religion, se fussent perdues demeurant au monde, lesquelles iront jouïr au Ciel, pour toute eternité, de la felicité incomprehensible.

  A006000239 

 Et n'est-ce pas par vostre moyen que la vie leur sera donnée, et qu'elles vivront d'une vie plus abondante, c'est à dire d'une vie plus parfaite et plus agreable à Dieu? vie qui les rendra capables de s'unir plus parfaitement à la divine Bonté, car elles recevront de vous les instructions necessaires pour acquerir le vray et pur amour de Dieu, qui est ceste vie plus abondante que Nostre Seigneur est venu donner aux hommes.

  A006000242 

 Vous ne sçauriez croire, sans en avoir l'experience, combien ceste pratique apportera de profit en vos ames; car au lieu de vous amuser à desirer ces moyens et puis ces autres de vous perfectionner, vous vous appliquerez plus simplement et fidellement à ceux que vous rencontrerez en vostre chemin..

  A006000244 

 Or quant à nous autres, non seulement nous demeurerons tous jours unis par ensemble, mais bien plus, car nostre union s'ira tous les jours plus perfectionnant, et ce doux et tres-aymable lien de la sainte charité sera tousjours de plus en plus serré et renoué à mesure que nous nous avancerons en la voye de nostre propre perfection; car nous rendant plus capables de nous unir à Dieu, nous nous unirons davantage les uns aux autres, si qu'à chaque Communion que nous ferons nostre union sera rendue plus parfaite, car nous unissant avec Nostre Seigneur nous demeurerons tousjours plus unis ensemble: aussi la reception sacrée de ce Pain celeste et de ce tres-adorable Sacrement s'appelle Communion, c'est à dire comme union.

  A006000247 

 Quelle grace, je vous prie, d'estre employées au service des ames que Dieu ayme si cherement, et pour lesquelles sauver Nostre Seigneur a tant souffert! Certes, c'est un honneur nompareil et duquel vous devez, mes cheres filles, faire un tres-grand estat: et pour vous y employer fidellement, ne plaignez ni peine, ni soin, ni travail, car tout vous sera cherement recompensé, bien qu'il ne faille pas se servir de ce motif pour vous encourager, ains de celuy de vous rendre plus agreables à Dieu et d'augmenter d'autant plus sa gloire..

  A006000248 

 Il est mieux que nous ne les voyions point en nous, car cela nous tient en humilité et nous donne plus de sujet de nous mesfier de nos forces et de nous-mesmes, et fait que nous jettons plus absolument toute nostre confiance en Dieu.

  A006000248 

 Quand la charge que l'on nous donne est honnorable devant les hommes, tenons-nous humbles devant Dieu; quand elle est plus abjecte devant les hommes, tenons-nous plus honnorés devant la divine Bonté.

  A006000248 

 Quand on nous donneroit le choix, les plus abjects seroyent les plus desirables et ceux qu'il faudrait embrasser plus amoureusement; mais cela n'estant pas à nostre choix, embrassons les uns comme les autres d'un mesme cœur.

  A006000248 

 Quant à moy, j'admire comment il se peut faire que nous ayons plus d'inclination d'estre employés à une chose qu'à une autre, estant en Religion principalement, où une charge et une besogne est autant agreable à Dieu qu'une autre, puisque c'est l'obeissance qui donne le prix à tous les exercices de la Religion.

  A006000249 

 Apres cecy, que vous sçaurois-je plus dire, mes cheres Sœurs, puisqu'il semble que tout nostre bonheur soit compris en ceste toute aymable pratique? Je vous representeray l'exemple des Israëlites, avec lequel je finiray.

  A006000250 

 Ne craignez pas que rien vous manque, car il sera tousjours avec vous tant que vous n'en choisirez point d'autre; ayez seulement un grand soin d'accroistre vostre amour et vostre fidelité envers sa divine Bonté, vous tenant le plus pres de luy qu'il vous sera possible, et tout vous succedera en bien.

  A006000254 

 Et considerant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils, j'ay pensé que je vous devois donner des loix toutes d'amour, lesquelles j'ay prises des colombes, en consideration de ce que le Saint Esprit avoit bien voulu prendre la forme de colombe, et d'autant plus aussi que toutes les ames qui sont dediées au service de la divine Majesté sont obligées d'estre comme des chastes et amoureuses colombes.

  A006000255 

 Et cent autres loix qu'elles ont, qui sont infiniment aymables et utiles à observer par les ames qui sont dediées en la Religion au service plus special de la divine Bonté.

  A006000255 

 Quelle plus belle loy, je vous prie, que celle de l'honnesteté! car il n'y a rien de plus honneste que les colombes, elles sont propres à merveille; bien qu'il n'y ait rien de plus sale que les colombiers et les lieux où elles font leurs nids, neantmoins on ne vid jamais une colombe salie: elles ont tousjours leur pennage lis et qu'il fait grandement bon voir au soleil.

  A006000256 

 Mais j'ay consideré que si je vous donnois quelques loix que vous eussiez desja, vous n'en feriez pas grande estime: j'en ay donc choisi trois tant seulement, qui sont d'une utilité nompareille estant bien observées, et qui apportent une tres-grande suavité à l'ame qui les considere, parce qu'elles sont toutes d'amour et extremement delicates pour la perfection de la vie spirituelle; ce sont trois secrets qui lont d'autant plus excellens pour acquerir la perfection qu'ils sont moins cognus de ceux qui font profession de l'acquerir, au moins de la plus grande partie..

  A006000258 

 Mille fois plus heureuse est l'ame qui, laissant tout le soin d'elle-mesme et de tout ce qui luy est necessaire à son cher et bien-aymé Colombeau, ne pense qu'à couver et fomenter ses petits pour luy plaire et luy donner generation; car elle jouît dés ceste vie d'une tranquillité et d'une paix si grande qu'il n'y en a point de comparable, ni de repos égal au sien en ce.

  A006000258 

 O que nous serions heureux si nous faisions tout pour nostre aymable Colombeau qui est le Saint Esprit! car il prendroit le soin de nous; et à mesure que nostre confiance par laquelle nous nous reposerions en sa providence seroit plus grande, plus aussi son soin s'estendroit sur toutes nos necessités.

  A006000259 

 Ce desir est celuy que nous avons apporté venant en Religion, qui est d'embrasser les vertus religieuses, c'est l'une des branches de l'amour de Dieu et l'une des plus hautes qui soit en cest arbre divin; mais ce desir ne se doit pas estendre plus loin que les moyens qui nous sont marqués dans nos Regles et Constitutions pour parvenir à ceste perfection que nous avons pretendu d'acquerir en nous obligeant à la poursuite; ains il le faut couver et fomenter tout le temps de nostre vie, à fin de faire que ce desir devienne un beau petit colombeau qui puisse ressembler à son Pere, qui est la perfection mesme.

  A006000262 

 C'est bien dit qu'il faut tousjours s'avancer, respondis-je; mais nostre avancement ne se fait pas comme vous pensez, par la multitude des exercices de pieté, ains par la perfection avec laquelle nous les faisons, nous confiant tousjours plus en nostre cher Colombeau et nous desfiant davantage de nous-mesmes.

  A006000263 

 Grande folie de ceux qui s'amusent à desirer d'estre martyrisés aux Indes, et ne s'appliquent pas à ce qu'ils ont à faire selon leur condition! mais grande tromperie aussi à ceux qui veulent plus manger qu'ils ne peuvent digerer.

  A006000263 

 Lire force livres spirituels, [109] sur tout quand ils sont nouveaux, bien parler de Dieu et de toutes les choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, à devotion, ouïr force predications, faire des conferences à tout propos, communier bien souvent, se confesser encores plus, servir les malades, bien parler de tout ce qui se passe en nous pour manifester la pretention que nous avons de nous perfectionner, et au plus tost qu'il se pourra: ne sont-ce pas là des choses fort propres pour nous perfectionner et parvenir au but de nos desseins? Ouy, pourveu que tout cela se fasse selon qu'il est ordonné, et que ce soit tousjours avec dependance de la grace de Dieu; c'est à dire que nous ne mettions point nostre confiance en tout cela, pour bon qu'il soit, ains en un seul Dieu, qui nous peut seul faire tirer le fruict de tous nos exercices..

  A006000267 

 Il faut donc, pour conclusion de ceste premiere loy que je vous donne, vous confier pleinement en Dieu et faire tout pour luy, quittant entierement le soin de vous-mesmes à vostre cher Colombeau, lequel usera d'une prevoyance nompareille sur vous; et d'autant que vostre confiance sera plus vraye et plus parfaite, sa providence sera plus speciale..

  A006000268 

 Elles disent donc: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais; et pour vous faire mieux entendre ce que je veux dire, je vous presente un exemple.

  A006000268 

 Il ne se plaint point que Dieu lui ayt osté les moyens qu'il avoit de faire tant de bonnes œuvres, ains il dit avec la colombe: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais; non des aumosnes, car il n'a pas de quoy, mais en ce seul acte de sousmission et de patience qu'il fit se voyant privé de tous ses biens et de ses enfans, il fit plus qu'il n'avoit fait par toutes les grandes charités qu'il faisoit durant le temps de sa prosperité, et se rendit plus agreable à Dieu en ce seul acte de patience, qu'il n'avoit fait en tant et tant de bonnes œuvres qu'il avoit faites durant sa vie; car il falloit avoir un amour plus fort et genereux pour cest acte seul, qu'il n'avoit esté besoin pour tous les autres mis ensemble..

  A006000268 

 J'ay pensé de vous donner pour seconde loy la parole que disent les colombes en leur langage: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, disent-elles.

  A006000268 

 Job, ce grand serviteur de Dieu, qui a esté loué de la bouche de Dieu mesme, ne se laissa vaincre d'aucune affliction qui luy survint; ains, plus Dieu luy ostoit de ses petits colombeaux et plus il en faisoit.

  A006000269 

 Il nous en faut donc faire de mesme pour observer ceste aymable loy des colombes, nous laissant despouiller par nostre souverain Maistre de nos petits colombeaux, c'est à dire des moyens d'executer nos desirs, quand il luy plaist de nous en priver, pour bons qu'ils soyent, sans nous plaindre ni lamenter jamais de luy comme s'il nous faisoit grand tort; ains nous devons nous appliquer à doubler, non nos desirs ni nos exercices, mais la perfection avec laquelle nous les faisons, taschant par ce moyen de gagner plus par un seul acte, comme indubitablement nous ferons, que nous ne ferions pas avec cent autres faits selon nostre propension et affection.

  A006000270 

 O il ne faut pas ainsi faire; ains, plus Dieu nous prive de la consolation, et plus nous devons travailler pour luy tesmoigner nostre fidelité.

  A006000270 

 Plus donc l'on m'en oste et plus j'en fais: c'est la seconde loy que je desire grandement de vous voir observer..

  A006000270 

 Un seul acte fait avec secheresse d'esprit vaut mieux que plusieurs faits avec une grande tendreté, parce que, comme j'ay desja dit en parlant de Job, il se fait avec un amour plus fort, quoy qu'il ne soit pas si tendre ni si agreable.

  A006000270 

 Voyez, je vous prie, ceste pauvre ame, comment elle se lamente de sa disgrace; [115] son mescontentement paroist jusques sur son visage, elle a sa contenance abattue et melancolique, et s'en va toute pensive, et si confuse que rien plus.

  A006000273 

 Le bon-heur aussi de ceux qui auront observé la seconde loy sera grand; car s'estans laissé despouiller par le Maistre, qui est Nostre Seigneur, de tous leurs petits colombeaux, et ne s'estans nullement faschés ni despités, ains ayant eu le courage de dire: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, demeurans sousmis au bon plaisir de Celuy qui les aura despouillés, ils chanteront d'autant plus courageusement là haut au Ciel le cantique tres-aymable: Dieu soit beni, emmi les consolations eternelles, qu'ils l'auront chanté de meilleur cœur parmi les desolations, langueurs et desgousts de ceste vie mortelle et passagere, durant laquelle il nous faut tascher de conserver soigneusement la continuelle et tres-aymable egalité d'esprit.

  A006000278 

 Et ce vray despouillement se fait par trois degrés: le premier est l'affection du despouillement, qui s'engendre en nous par la consideration de la beauté de ce despouillement; le second degré est la resolution qui suit l'affection, car nous nous resolvons aisément à un bien que nous affectionnons; le troisiesme est la pratique, qui est le plus difficile..

  A006000280 

 Les seconds biens sont ceux du corps: la beauté, la santé et semblables choses qu'il faut renoncer; et puis, il ne faut plus aller au miroir regarder si on est belle, ni se soucier non plus de la santé que de la maladie, au moins quant à la partie superieure; car la nature se ressent tousjours, et crie quelquefois, specialement quand l'on n'est pas bien parfait.

  A006000282 

 Je dis bien plus, que si j'ay envie de voir quelqu'un pour quelque chose utile et qui doit reussir à la gloire de Dieu, si son dessein de venir est traversé et que j'en ressente un peu de peine, voire mesme que je m'empresse un peu pour divertir les 'occasions qui le retiennent, je ne fais rien de contraire à la vertu du despouillement, pourveu que je ne passe point jusques à l'inquietude..

  A006000283 

 C'est une faute que plusieurs font: ils se forment des chimeres en l'esprit, et pensent que le chemin du Ciel est estrangement difficile; en quoy ils se trompent et ont bien tort, car David disoit à Nostre Seigneur que sa loy estoit trop douce; et à mesure que les meschans la publioyent dure et difficile, ce bon Roy disoit qu'elle estoit plus douce que le miel.

  A006000284 

 Il faut aussi examiner à bon escient s'il est vray, comme il nous semble quelquefois, que nous n'ayons point nos affections engagées: par exemple, si quand l'on vous loue vous venez à dire quelque parole qui agrandisse la louange que l'on vous donne, ou bien quand vous la recherchez par paroles artificieuses, disant que vous n'avez plus la memoire ou l'esprit si bon que vous souliez avoir pour bien parler, hé! qui ne void que vous pretendez que l'on vous die que vous parlez tousjours extremement bien? Cherchez donc au fond de vostre conscience si vous y pouvez trouver de l'affection à la vanité.

  A006000284 

 Or, nos affections sont si pretieuses, puisqu'elles doivent estre toutes employées à aymer Dieu, qu'il faut bien prendre garde de ne les pas loger en des choses inutiles; et une faute, pour petite qu'elle puisse estre, faite avec affection, est plus contraire à la perfection que cent autres faites par surprinse et sans affection,.

  A006000285 

 Or, les actes de charité qui se font autour de ceux que nous aymons de ceste sorte sont mille fois plus parfaits, d'autant que tout tend purement à Dieu; mais les services et autres assistances que nous faisons à ceux que nous aymons par inclination sont beaucoup moindres en merite, à cause de la grande complaisance et satisfaction que nous avons à les faire, et que, pour l'ordinaire, nous les faisons plus par ce mouvement que par l'amour de Dieu.

  A006000286 

 De maniere que quand ceux auxquels je fais ces caresses sçauroyent que je les leur fais parce que je leur ay de l'aversion, ils ne s'en devroyent point offencer, ains les estimer et cherir davantage que si elles partoyent d'une affection sensible; car les aversions sont naturelles, et d'elles-mesmes ne sont pas mauvaises quand nous ne les suivons pas; au contraire, c'est un moyen de pratiquer mille sortes de bonnes vertus, et Nostre Seigneur mesme nous a plus à gré quand avec une extreme repugnance nous luy allons baiser les pieds, que si nous y allions avec beaucoup de suavité.

  A006000286 

 Les caresses mesmes et signes d'amitié que nous faisons contre nostre propre [126] inclination aux personnes auxquelles nous avons de l'aversion, sont meilleures et plus agreables à Dieu que celles que nous faisons attirés de l'affection sensitive.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000287 

 Souvent nous pensons aymer une personne pour Dieu, et nous l'aymons pour nous-mesmes; nous nous servons de ce pretexte, et disons que c'est pour cela que nous l'aymons, mais en verité nous l'aymons pour la consolation que nous en avons: car n'y a-t'il pas plus de suavité de voir venir à vous une ame pleine de bonne affection, qui suit extremement bien vos conseils et qui va fidelement et tranquillement dans le chemin que vous luy avez marqué, que d'en voir une autre toute inquietée, embarrassée et foible à suivre le bien, et à qui il faut dire mille fois une mesme chose? sans doute vous aurez plus de suavité.

  A006000288 

 Comme par exemple, je me trouve à une porte avec une plus jeune que moy, et je me retire pour luy donner le devant; à mesure que je pratique ceste humilité, elle doit avec douceur pratiquer la simplicité, et essayer à une autre rencontre de me prevenir.

  A006000288 

 Et non seulement il n'en faut pas estre marrie, mais il faut estre disposée à contribuer tout ce que nous pouvons pour cela, jusques à nostre peau, s'il en estoit besoin; car, pourveu que Dieu soit glorifié, nous ne nous devons pas soucier par qui; de telle sorte que [128] s'il se presentoit une occasion de faire quelque œuvre de vertu et que Nostre Seigneur nous demandast qui nous aymerions mieux qui la fist, il faudroit respondre: Seigneur, celle qui la pourra faire plus à vostre gloire.

  A006000289 

 Je vous ayme mieux avec plus d'humilité et moins d'autres perfections, qu'avec plus d'autres perfections et moins d'humilité.

  A006000289 

 Or, encor que nous puissions juger de la vertu d'autruy, si ne faut-il pourtant jamais determiner qu'une [129] personne soit meilleure qu'une autre, parce que les apparences sont trompeuses; et tel qui paroist fort vertueux à l'exterieur et aux yeux des creatures, devant Dieu le sera moins qu'un autre qui paroist beaucoup plus imparfait.

  A006000296 

 Ce qui est modestie à un homme sera immodestie à un autre homme, à cause de sa qualité; la gravité est extremement bien-seante à une personne âgée, qui seroit affectée à une plus jeune, à laquelle convient une modestie plus rabaissée et plus humiliée..

  A006000296 

 La modestie d'une femme du monde est autre que celle d'une Religieuse: une fille qui estant dans le monde voudroit tenir la veuë aussi basse comme nos Sœurs, ne seroit pas estimée, non plus que nos Sœurs si elles ne la tenoyent plus basse que les filles du monde.

  A006000298 

 De plus, je remarque la bonté d'Arsenius à se rendre coulpable et sa fidélité à s'en corriger, bien que ce fust une chose si legere qu'elle n'estoit pas mesme une immodestie estant en la cour, quoy qu'elle le fust estant parmi ces Peres.

  A006000302 

 La science n'est pas necessaire pour aymer Dieu, ainsi que dit saint Bonaventure; car une simple femme est autant capable d'aymer Dieu comme les plus doctes hommes du monde.

  A006000303 

 La modestie interieure tient l'ame entre ces deux estats, en mediocrité de desirs de sçavoir ce qui est necessaire, et rien plus..

  A006000304 

 La preuve s'en fait en tous les saints Peres qui ont fait profession tres-grande de l'oraison; car ils ont tous jugé que la posture la plus modeste y aydoit beaucoup, comme se tenir à genoux, les mains jointes ou les bras en croix.

  A006000307 

 Ce qui faisoit ainsi parler ce Saint estoit, si je ne me trompe, à cause qu'il parloit à des courtisans qu'il voyoit tellement pancher du costé de la delicatesse, qu'il estoit besoin de leur parler ainsi un peu plus asprement; comme ceux qui veulent redresser un jeune arbrisseau ne le redressent pas seulement au pli qu'ils veulent luy donner, mais ils le font mesme courber de l'autre costé à fin qu'il ne retourne à son pli.

  A006000307 

 Il y a une chose qui semble nous contrarier en ce point, en la Vie de saint Hilarion; car un jour parlant à quelque gentilhomme qui l'estoit allé voir, il luy dit « qu'il n'y avoit point d'apparence de rechercher la netteté en un cilice, » voulant dire qu'il ne falloit point rechercher de la netteté en nos corps, qui ne sont que charognes puantes et toutes pleines d'infection: mais cela estoit plus admirable en ce grand Saint, que non pas imitable.

  A006000311 

 Il fit une priere si fervente et si humble, qu'il obtint la grace de n'estre jamais plus sujet à l'impatience.

  A006000315 

 Pour ce qui est de l'oraison, elle ne nous est pas moins utile ni moins agreable à Dieu pour y avoir beaucoup de distractions; ains elle nous sera peut estre plus utile que si nous y avions beaucoup de consolations, parce qu'il y a plus de travail, pourveu neantmoins que nous ayons la fidelité de nous retirer de ces distractions et n'y laissions point arrester nostre esprit volontairement.

  A006000317 

 Allez tousjours, dit-on à ces ames desireuses de leur perfection, allez en la voye de vostre vocation en simplicité, vous amusant plus à faire qu'à desirer: c'est le plus court chemin..

  A006000317 

 Demandez-vous comment il faut faire pour se tenir tousjours avec un grand respect devant Dieu, comme estans tres-indignes de ceste grace? Il n'y a point d'autre moyen de le faire que comme vous le dites: regarder qu'il est nostre Dieu, et que nous sommes ses foibles creatures, indignes de cest honneur; comme faisoit saint François, qui passa toute une nuict interrogeant Dieu en ces termes: « Qui estes-vous, et qui suis-je? » En fin, si vous me demandez: Comment pourray-je faire pour acquerir l'amour de Dieu? je vous diray: En le voulant aymer; et au lieu de vous appliquer à penser et demander comment vous pourrez faire pour unir vostre esprit à Dieu, que vous vous mettiez en la pratique par une continuelle application de vostre esprit à Dieu, et je vous asseure que vous parviendrez bien plus [150] tost à vostre pretention par ce moyen-là que non pas par aucune autre voye; car à mesure que nous nous dissipons nous sommes moins recueillis, et partant moins capables de nous unir et joindre avec la divine Majesté, qui nous veut tout sans reserve.

  A006000318 

 Certes, nous nous trompons; car il n'y a point de plus grand secret que de faire et travailler fidellement en l'exercice du divin amour, si nous pretendons de nous unir au Bien-Aymé..

  A006000318 

 O certes, si cela estoit en mon pouvoir, je serois le plus parfait homme du monde; car si je pouvois donner la perfection aux autres sans qu'il fallust rien faire, je vous asseure que je la prendrois premierement pour moy.

  A006000319 

 Mais je voudrais bien que l'on remarquast que quand je dis qu'il faut faire, j'entends tousjours parler de la partie superieure de nostre ame; car pour toutes les repugnances de l'inferieure il ne se faut non plus estonner que les passans font des chiens qui abbayent de loin.

  A006000322 

 En fin il faut sçavoir que nous ne devons jamais cesser de faire des bonnes resolutions, encore que nous voyons bien que selon nostre ordinaire nous ne les pratiquons pas, voire, quand bien nous verrions qu'il est impossible de les pratiquer quand l'occasion s'en presentera; et cela, il le faut faire avec plus de fermeté que si nous sentions en nous assez de courage pour reussir de nostre entreprise, disant à Nostre Seigneur: Il est vray que je n'auray pas la force de faire ou supporter telle chose de moy-mesme, mais je m'en resjouïs, d'autant que ce sera vostre force qui le fera en moy; et sur cest appui, allez à la bataille courageusement, et ne doutez point que vous n'en rapportiez la victoire.

  A006000329 

 L'obeissance plus ordinaire a trois conditions: la premiere c'est d'agréer la chose que l'on nous commande et y plier doucement nostre volonté, aymant à estre commandés; car ce n'est pas le moyen de nous rendre vrays obeissans de n'avoir personne qui nous commande, comme de mesme ce n'est pas le moyen d'estre doux que de demeurer seul dans un desert.

  A006000330 

 C'est un acte de grande humilité de faire toute sa vie par obeissance un mesme exercice qui soit abject, car il peut arriver force tentations que l'on seroit bien capable de quelque chose de plus grand.

  A006000330 

 Or, ceste troisiesme condition est la plus difficile de toutes, à cause de la legereté et inconstance de l'esprit humain; car à ceste heure nous aymons faire une chose, et tantost nous ne la voudrions pas regarder.

  A006000332 

 La perseverance plus difficile est és choses interieures, car pour les materielles et exterieures, elles sont assez faciles.

  A006000334 

 Mais s'il arrive que sur ceste premiere opinion toutes deux voulussent ceder, il ne faudroit pas demeurer là sur ceste contestation, ains regarder lequel seroit le plus raisonnable et meilleur, et puis le faire simplement; et faut que cela soit conduit par la discretion, car il ne seroit pas à propos de quitter une chose qui seroit de necessité pour condescendre à une chose indifferente.

  A006000339 

 Car comme ceste oraison n'est autre chose qu'un renoncement de nous-mesmes en Dieu, quand l'ame dit avec verité: Je n'ay plus de volonté sinon la vostre, Seigneur, alors elle est toute unie à Dieu; de mesme, renonçans nostre volonté pour faire tousjours celle du prochain, c'est la vraye union avec le prochain: et faut faire tout cela pour l'amour de Dieu..

  A006000340 

 Si neantmoins une grande œuvre est faite avec autant de charité que la petite, sans doute celuy qui la fait a beaucoup plus de merite et de recompense.

  A006000341 

 Que si quelquefois pendant le silence il nous vient devotion de dire un Ave maris stella ou un Veni Creator Spiritus ou quelque autre chose, il n'y a point de difficulté que nous ne le puissions dire et qu'il ne soit bon; mais il faut bien prendre garde que cecy se fasse sans prejudice d'un plus grand bien.

  A006000342 

 Vous ne pouvez non plus promettre à personne de dire un nombre de prieres pour eux.

  A006000346 

 Il y a une troisiesme obeissance qui est celle de laquelle je veux parler, comme estant la [169] plus parfaite, qui se nomme amoureuse; et c'est de ceste-cy de laquelle Nostre Seigneur nous a monstre exemple tout le temps de sa vie..

  A006000350 

 Helas! vous ne faites rien plus que les mondains, car ils en font bien de mesme; et non seulement ils obeissent aux commandemens de ceux qu'ils ayment, mais ils n'estimeroyent pas leur amour bien satisfait s'ils ne suivoyent encor au plus pres qu'ils peuvent leurs inclinations et affections, ainsi que fait le vray obeissant, tant à l'endroit de ses Superieurs comme de Dieu mesme.

  A006000352 

 Mais pourquoy Nostre Seigneur mesme ne luy dit-il pas ce qu'il devoit faire, sans le renvoyer plus loin, luy qui avoit bien daigné luy parler pour le convertir? Saint Paul fit tout ce qui luy fut commandé.

  A006000357 

 A quoy le Pere respondit fort doucement: Bien, mon Frere, vous n'avez pas voulu obeir simplement et promptement; mais que voulez-vous gager que l'arbre sera plus obeissant que vous? Ce qui arriva; car le lendemain on le trouva tout sec, et ne porta jamais fruict.

  A006000362 

 Assez meurt martyr qui bien se mortifie; c'est un plus grand martyre de perseverer toute sa vie en obeissance, que non pas de mourir tout d'un coup par un glaive.

  A006000362 

 En fin il adora leur idole, et ces meschans se mocquans de luy le battirent tres-bien, et puis le laisserent revenir en son monastere, où estant arrivé plus mort que vif, tout pâle et transi, saint Pachome qui luy estoit allé au devant luy dit: Eh bien, mon fils, [184] comme va? qu'y a-t'il que vous estes si défait? Lors, le pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jetta en terre et confessa sa faute; à quoy le Pere remediant promptement, faisant prier les Freres pour luy et luy faisant demander pardon à Dieu, le remit en bon estat, et puis luy donna de bons advertissemens, disant: Mon fils, souviens-toy qu'il vaut mieux avoir de petits desirs de vivre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidelité à l'observance des Regles sans entreprendre ni desirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands desirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont bons qu'à enfler nos cœurs d'orgueil et nous faire mesestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux.

  A006000362 

 Le saint Pere tascha de moderer ceste ferveur; mais plus il en disoit, et plus l'autre s'eschauffoit en sa poursuite.

  A006000362 

 Mais passant plus outre, et laissant à part l'obeissance generale aux commandemens de Dieu et parlant de l'obeissance religieuse, je dis que si le Religieux n'obeit, il ne sçauroit avoir aucune vertu, parce que c'est l'obeissance qui le rend principalement Religieux, comme estant la vertu propre et particuliere de la Religion.

  A006000362 

 O qu'il fait bon vivre à l'abri de la sainte obeissance, plustost que nous retirer d'entre ses bras pour chercher ce qui nous semble plus parfait! Si tu te fusses contenté, ainsi que je t'avois dit, de te bien mortifier en vivant, lors que tu ne voulois rien moins que la mort, tu ne fusses pas tombé comme tu as fait; mais bon courage, souviens-toy de vivre desormais en sousmission, et t'asseure que Dieu t'a pardonné.

  A006000363 

 La moindre petite chose faite par obeissance est tres-agreable à Dieu: mangez par obeissance, vostre manger est plus agreable à Dieu que les jeusnes des anachoretes s'ils sont faits sans obeissance; reposez-vous par obeissance, vostre repos est plus meritoire et plus agreable à Dieu que non pas le travail volontaire.

  A006000364 

 Quel bonheur plus utile et desirable que cela? Certes, le vray obeissant, pour dire cela en passant, ayme ses Regles, les honnore et les estime uniquement comme le vray chemin par lequel il doit s'acheminer à l'union de son esprit avec Dieu; et partant il ne se départ [186] jamais de ceste voye, ni de l'observance des choses qui y sont dites par forme de direction, non plus que de celles qui y sont commandées.

  A006000365 

 O non, ma fille: les Superieurs, [187] non plus que les confesseurs, n'ont pas tousjours intention d'obliger les inferieurs par les commandemens qu'ils font, et quand ils le veulent faire, ils usent du mot de commandement sur peine de desobeissance; et alors les inferieurs sont obligés d'ober sur peine de peché, bien que le commandement fust fort leger et de chose de peu; mais autrement non.

  A006000366 

 O certes, nous ne pouvons pas empescher que la pensée ne nous en vienne, mais de s'y arrester, c'est ce qu'il ne faut point faire; car si Balaam fut bien instruit par une asnesse, à plus forte raison devons-nous croire que Dieu qui nous a donné ceste Superieure, fera bien qu'elle nous enseignera selon sa volonté, bien que peut estre ce ne sera pas selon la nostre.

  A006000367 

 C'est sans doute que j'auray plus de satisfaction, quant à la partie inferieure de mon ame, de faire ce qu'une Superieure me commande à laquelle j'ay de l'inclination, que non pas à faire ce que l'autre [191] me dit à laquelle je n'en ay du tout point; mais pourveu que j'obeisse également quant à la partie superieure il suffit, et mon obeissance vaut mieux quand j'ay moins de plaisir à la faire, parce que c'est là où nous monstrons que c'est pour Dieu et non pour nostre plaisir que nous obeissons.

  A006000367 

 Il n'y a rien de plus commun clans le monde que ceste façon d'obeir à ceux que l'on ayme; mais pour l'autre, elle est extremement rare et ne se pratique qu'és Religions..

  A006000368 

 Bien que l'on voye pour l'ordinaire en toutes les Religions les Novices fort exacts et mortifiés, ce n'est pas qu'ils soyent plus obligés que les Profés: ô non, car ils ne le sont encore nullement, ains ils perseverent en obeissance pour parvenir à la grace de la profession; mais les Profés y sont obligés en vertu des vœux qu'ils ont faits, lesquels il ne suffit pas d'avoir faits pour estre Religieux, si on ne les observe.

  A006000368 

 Nostre Seigneur se monstra plus exact en sa mort qu'en son enfance à se laisser manier et plier, ainsi que j'ay dit tantost.

  A006000370 

 Sçavez-vous ce qu'il faut faire quand nous sommes corrigés et mortifiés? il nous faut prendre ceste mortification comme une pomme d'amour et la cacher en nostre cœur, la baisant et caressant le plus tendrement qu'il nous est possible.

  A006000371 

 Il vous semble que les Superieurs ont la consolation sur le bord des levres et qu'ils la respandent facilement dans le cœur de ceux qu'ils veulent, ce qui n'est pas neantmoins; car ils ne peuvent pas tousjours estre de mesme humeur non plus que les autres.

  A006000372 

 Parce que l'entendement et le jugement representent à la volonté que cela ne se doit pas, ou qu'il faut user d'autres moyens pour faire ce que l'on dit, que ceux qui nous sont marqués, elle ne peut se sousmettre, d'autant qu'elle fait tousjours plus d'estat des raisons que le propre jugement luy monstre que non pas d'aucune autre, car chacun croid que son propre jugement est le meilleur.

  A006000374 

 Il faut faire les mesmes excuses d'une personne ivre et de nostre propre jugement; car l'un n'est pas guere plus capable de raison que l'autre.

  A006000374 

 Un jour David estant en la campagne avec ses soldats lassés et harassés de faim, ne trouvant plus de quoy manger, il envoya vers le mary d'Abigaïl pour avoir quelques vivres.

  A006000375 

 Nos Sœurs ayment trop leur propre abjection pour faire ainsi; tant s'en faut qu'elles s'en troublent, qu'au contraire elles prendront un plus grand courage et plus de soin de s'amender, non pas pour eviter d'estre adverties, car je suppose qu'elles ayment souverainement tout ce qui les peut rendre viles et abjectes à leurs yeux, ains à fin de faire tousjours mieux leur devoir et se rendre capables de leur vocation.

  A006000375 

 Si une Sœur vous dit des paroles qui ressentent le murmure, et que d'ailleurs ceste Sœur ayt le cœur en douceur, sans doute il faut que tout confidemment vous luy disiez: Ma Sœur, cela n'est pas bien fait; mais si vous vous appercevez qu'il y ayt quelque passion esmeuë dans son cœur, alors il faut destourner le propos le plus [200] dextrement que l'on peut.

  A006000379 

 Et ainsi elle doubloit ceste premiere fin de l'amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres petites pretentions, desquelles elle fut reprise de Nostre Seigneur: Marthe, Marthe, tu te troubles de plusieurs choses, bien qu' une seule soit necessaire, qui est celle que Magdelaine a choisie et qui ne luy sera point ostée. Cest acte donc de charité simple qui fait que nous ne regardons et n'avons autre visée en toutes nos actions que le seul desir de plaire à Dieu est la part de Marie, qui est seule necessaire, et c'est la simplicité, vertu laquelle est inseparable de la charité, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun meslange de propre interest, autrement ce ne seroit plus simplicité; car elle ne peut souffrir aucune doublure des creatures ni aucune consideration d'icelles, Dieu seul y trouve place..

  A006000380 

 Les payens, voire ceux qui ont le mieux parlé des autres vertus, n'en ont eu aucune cognoissance, non plus que de l'humilité; car de la magnificence, de la liberalité, de [203] la constance, ils en ont fort bien escrit; mais de la simplicité et de l'humilité, rien du tout.

  A006000380 

 Soyez prudens comme le serpent, dit-il à ses Apostres, mais passez plus outre, et soyez simples comme la colombe.

  A006000383 

 Apres que l'ame simple a fait une action qu'elle juge se devoir faire, elle n'y pense plus; et s'il luy vient à la pensée ce que l'on dira ou que l'on pensera d'elle, elle retranche promptement tout cela, parce qu'elle ne peut souffrir aucun divertissement en sa pretention, qui est de se tenir attentive à son Dieu pour accroistre en elle son amour.

  A006000385 

 Mais d'où pensons-nous que vienne ce trouble, sinon du manquement de simplicité, d'autant que l'on s'amuse souvent à penser: que dira-t'on ou que pensera-t'on? au lieu de penser à Dieu et à ce qui nous peut rendre plus agreables à sa Bonté..

  A006000386 

 Et si vous en demeurez en peine, ce n'est que l'immortification qui fait cela; car à quel propos diray-je ce qui n'est pas necessaire pour mon [208] utilité, en laissant ce qui me peut plus mortifier? La simplicité, comme nous avons desja dit, ne cherche que le pur amour de Dieu, lequel ne se trouve jamais si bien qu'en la mortification de nous-mesmes; et à mesure que la mortification croist, nous nous approchons d'autant plus du lieu où nous devons trouver son divin amour.

  A006000386 

 Mais de plus, je pense, quant à moy, qu'il est meilleur et plus expedient de dire à la Superieure les pensées qui nous mortifient le plus, que non pas plusieurs autres qui ne servent de rien, sinon pour accroistre l'entretien que vous faites avec elle.

  A006000386 

 Mais si je dis une telle chose, j'en demeureray plus en peine que devant que l'avoir dite.

  A006000390 

 Car, je vous prie, y a-t'il jamais eu une vocation plus speciale que celle de saint Paul, en laquelle Nostre Seigneur luy parla luy-mesme pour le convertir? et neantmoins il ne voulut pas l'instruire, ains le renvoya à Ananie, disant: Va-t'en, tu trouveras un homme qui te dira, ce que tu auras à faire.

  A006000390 

 Et nous autres penserons estre plus favorisés de Dieu que saint Paul, croyans qu'il [214] nous veut conduire luy-mesme sans l'entremise d'aucune creature.

  A006000391 

 Vous retirerez plus d'utilité de ce que vous ferez suivant la direction de vos Superieurs, que non pas en suivant vos instincts interieurs, qui ne proviennent pour l'ordinaire que de l'amour propre qui, sous couleur de bien, recherche de se complaire en la vaine estime de nous-mesmes..

  A006000392 

 C'est bien la vraye verité que vostre bien dépend de vous laisser conduire et gouverner par l'Esprit de Dieu [215] sans reserve, et c'est cela que pretend la vraye simplicité que Nostre Seigneur a tant recommandée: Soyez simples comme des colombes, dit-il à ses Apostres; mais il ne s'arreste pas là, leur disant de plus: Si vous n'estes faits simples comme un petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume de mon Pere.

  A006000392 

 L'ame qui a la parfaite simplicité n'a qu'un amour, qui est pour Dieu; et en cest amour elle n'a qu'une seule pretention, qui est celle de reposer sur la poitrine du Pere celeste, et là, comme un enfant d'amour, faire sa demeure, laissant entierement tout le soin de soy-mesme à son bon Pere, sans que jamais plus elle se mette en peine de rien, sinon de se tenir en ceste sainte confiance; non pas mesme les desirs des vertus et des graces qui luy sembloyent estre necessaires ne l'inquietent point.

  A006000396 

 Apres que nous aurons dit cela, mes [218] tres-cheres filles, que reste-t'il sinon d'expirer et mourir de la mort de l'amour, ne vivant plus à nous-mesmes, mais Jesus Christ vivant en nous? Alors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et de la tendreté que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser à la queste des satisfactions et perfections de nous-mesmes; et embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de ceste simple et amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progrés, nous le ferons grandement; sans aller, nous avancerons, et sans nous remuer de nostre place nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice.

  A006000405 

 Allant donc en Hierusalem, il voulut passer par une ville de Samarie, mais les Samaritains ne le voulurent pas permettre; dequoy saint Jacques et saint Jean entrerait en colere, et furent tellement indignés contre les Samaritains de l'inhospitalité qu'ils faisoyent à leur Maistre, qu'ils luy dirent: Maistre, voulez-vous que nous fassions tomber le feu du ciel pour les abysmer et les chastier de l'outrage qu'ils vous font? Et Nostre Seigneur leur respondit: Vous ne sçavez de quel esprit vous estes, voulant dire: Ne sçavez-vous pas que nous ne sommes plus au temps d'Helie qui avoit un esprit de rigueur? Et bien qu'Helie fust un tres-grand serviteur de Dieu, et qu'il fist bien en faisant ce que vous voulez faire, neantmoins vous autres ne feriez pas bien en l'imitant, d'autant que je ne suis pas venu pour punir et confondre les pecheurs, ains pour les attirer doucement à penitence et à ma suite..

  A006000405 

 Mais Nostre Seigneur qui estoit tres-facile à condescendre, raffermit toutefois son visage, car l'Evangeliste use de ces mesmes mots, pour aller en Hierusalem, à fin que les Apostres ne le pressassent plus de n'y pas aller.

  A006000408 

 Avoir l'amour de la fin de nostre Institut, sçavez-vous [226] que c'est? C'est estre exactes à l'observance des moyens de parvenir à ceste fin, qui sont nos Regles et Constitutions, et estre fort diligentes à faire tout ce qui en dépend et qui sert à les observer plus parfaitement: cela, c'est avoir l'esprit de nostre Religion.

  A006000408 

 Mais il faut que ceste exacte et ponctuelle observance soit entreprise en simplicité de cœur, je veux dire qu'il ne nous faut pas vouloir aller au delà, par des pretentions de faire plus qu'il ne nous est marqué dans nos Regles; car ce n'est pas par la multiplicité des choses que nous faisons que nous acquerons la perfection, mais c'est par la perfection et pureté d'intention avec laquelle nous les faisons.

  A006000408 

 Quant à la fin de vostre Institut, il ne la faut pas chercher en l'intention des trois premieres Sœurs qui commencerent, non plus que celle des Jesuites au premier dessein qu'eut saint Ignace; car il ne pensoit à rien moins qu'à faire ce qu'il a fait par apres, comme de mesme saint François, saint Dominique et les autres qui ont commencé des Religions.

  A006000409 

 Estant donc ainsi sequestrés de toutes choses, nous nous retirons en l'intime de nos cœurs pour plus parfaitement nous unir à sa divine Majesté..

  A006000409 

 Mais beaucoup plus parfaitement nous unissons-nous à Dieu par le vœu d'obeissance, d'autant que nous renonçons à toute nostre ame, à toutes ses puissances, ses volontés et toutes ses affections, pour nous sousmettre et assujettir non seulement à la volonté de Dieu, mais à celle de nos Superieurs, laquelle nous devons tousjours regarder comme estant celle de Dieu mesme; et cecy est un tres-grand renoncement, à cause des continuelles productions des petites volontés que fait nostre amour propre.

  A006000410 

 Or, pour venir en particulier à la fin pour laquelle nostre Congregation de la Visitation a esté erigée, et [228] par icelle comprendre plus aisement quel est l'esprit particulier de la Visitation, j'ay tousjours jugé que c'estoit un esprit d'une profonde humilité envers Dieu et d'une grande douceur envers le prochain; d'autant qu'ayant moins de rigueur pour le corps, il faut qu'il y avt tant plus de douceur de cœur.

  A006000410 

 Tous les anciens Peres ont determiné que, où l'aspreté des mortifications corporelles manque, il y doit avoir plus de perfection d'esprit; il faut donc que l'humilité envers Dieu et la douceur envers le prochain supplée en vos maisons à l'austerité des autres.

  A006000411 

 L'esprit de douceur est tellement l'esprit de la Visitation, que quiconque y voudroit introduire plus d'austerités qu'il n'y a pas maintenant, destruiroit incontinent la Visitation; d'autant que ce seroit faire contre la fin pour laquelle elle a esté dressée, qui est pour y pouvoir recevoir les filles et femmes infirmes, qui n'ont pas des corps assez forts pour entreprendre, ou qui ne sont pas inspirées et attirées de servir et s'unir à Dieu par la voye des austerités que l'on fait és autres Religions.

  A006000411 

 La bien-heureuse Mere sainte Therese dit admirablement bien le mal qu'apportent ces petites entreprises de vouloir faire plus que la Regle n'ordonne et que la Communauté ne fait; et particulierement si c'est la Superieure, le mal en sera plus grand; car tout aussi tost que ses filles s'en appercevront, elles voudront incontinent faire le mesme, et elles ne manqueront pas de raison pour se persuader qu'elles le feront bien, les unes poussées de zele, les autres pour luy complaire, et tout cela servira de tentation à celles qui ne pourront ou ne voudront pas faire de mesme..

  A006000411 

 Vous me direz peut estre: S'il arrive qu'une Sœur ayt une complexion robuste, peut-elle pas bien [229] faire des austerités plus que les autres, avec la permission de la Superieure, en sorte que les autres Sœurs ne s'en apperçoivent pas? je responds à cela qu'il n'y a point de secret qui ne passe secrettement à une autre; et ainsi de l'une à l'autre l'on vient à faire des Religions dans les Religions et des petites ligues, et puis tout se dissipe.

  A006000412 

 Et s'il se rencontre des Sœurs qui ayent des corps forts et robustes, à la bonne heure; il ne faut pas [230] pourtant qu'elles veuillent aller plus viste que celles qui sont foibles..

  A006000412 

 Il ne faut jamais introduire, permettre ni souffrir ces particularités en Religion, excepté neantmoins en certaines necessités particulieres; comme s'il arrivoit qu'une Sœur fust pressée de quelque grande vexation ou tentation, alors ce ne seroit pas un extraordinaire de demander à la Superieure de faire quelques penitences plus que les autres; car il faut user de la mesme simplicité que font les malades, qui doivent demander les remedes qui leur semblent les pouvoir soulager.

  A006000412 

 Que s'il y avoit une Sœur qui fust si genereuse et courageuse que de vouloir parvenir à la perfection dans un quart d'heure, faisant plus que la Communauté, je luy conseillerois qu'elle s'humiliast et se sousmist à ne vouloir estre parfaite que dans trois jours, allant le train des autres.

  A006000413 

 Jacob donc sortant de la maison de son beau pere Laban, avec toutes ses femmes, ses enfans, ses serviteurs et ses troupeaux, pour s'en retourner chez luy, craignoit extremement de rencontrer son frere Esaü, d'autant qu'il pensoit qu'il fust tousjours irrité contre luy, ce qui n'estoit plus.

  A006000414 

 Accommodons-nous donc volontiers avec les infirmes qui y peuvent estre receuës, et je vous asseure que nous n'arriverons pas plus tard pour cela à la perfection; ains au contraire, ce sera cela mesme qui nous y conduira plus tost, parce que n'ayant pas beaucoup à faire nous nous appliquerons à le faire avec la plus grande perfection qu'il nous sera possible.

  A006000414 

 Et c'est en quoy nos œuvres sont plus agreables à Dieu, d'autant qu'il n'a pas esgard à la multiplicité des choses que nous faisons pour son amour, comme nous avons tantost dit, ains seulement à la ferveur de la charité avec laquelle nous les faisons.

  A006000415 

 La bien-heureuse Mere sainte Therese dit que ses filles estoyent tellement exactes, qu'il falloit que les Superieures eussent un tres-grand soin de ne rien dire [232] qui ne fust tres-bon à faire, parce que, sans autre semonce, elles se portoyent incontinent à le faire, et que pour plus parfaitement observer leurs Regles, elles estoyent pointilleuses à la moindre petite dependance.

  A006000416 

 Je ne puis assez dire de quelle importance est ce poinct, d'estre ponctuel à la moindre chose qui sert à plus parfaitement observer la Regle, comme aussi de ne vouloir rien entreprendre davantage, sous quelque pretexte que ce soit, parce que c'est le moyen de conserver la Religion en son entier et en sa premiere ferveur; et le contraire de cela est ce qui la destruit et fait décheoir de sa premiere perfection.

  A006000416 

 Mais quant à certaines petites ferveurs que nous avons aucunes fois, qui sont passageres et qui pour l'ordinaire sont des effets de nostre nature, lesquelles nous font desirer la Communion, il ne faut point avoir esgard à cela, non plus que les mariniers n'en ont point à un certain vent qui se leve à la pointe du jour, lequel est produit des vapeurs qui s'eslevent de la terre et n'est pas de durée, ains cesse tout aussi tost que lesdites vapeurs sont un peu surlevées et dissipées; et partant, le patron du navire qui le cognoist, ne crie point au vent et ne desploye point les voiles pour voguer à la faveur d'iceluy.

  A006000416 

 Vous me [233] demandez s'il y auroit plus de perfection à se conformer tellement à la Communauté, que mesme l'on ne demandast point à faire de Communion extraordinaire? Qui en doute, mes cheres filles? si ce n'est en certains cas, comme seroit és festes de nostre Patron ou du Saint auquel nous avons eu devotion toute nostre vie, ou quelque necessité fort pressante.

  A006000417 

 Elle ne veut point faire des choses excellentes et extraordinaires qui la pourroyent faire estimer des creatures; et par ainsi elle se tient fort basse en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté, ni rien de plus que les autres, et ainsi toute sa sainteté est cachée à ses yeux: Dieu seul la void, qui se delecte en sa simplicité, par laquelle elle ravit son cœur et s'unit à luy.

  A006000417 

 Il y a une certaine simplicité de cœur en laquelle consiste la perfection de toutes les perfections, et c'est ceste simplicité qui fait que nostre ame ne regarde qu'à Dieu, et qu'elle se tient toute ramassée et resserrée en elle-mesme pour s'appliquer avec toute la fidelité qui luy est possible à l'observance de ses Regles, sans s'espancher à desirer ni vouloir entreprendre de faire plus que cela.

  A006000418 

 Jamais il ne faut ni penser ni croire que pour ne faire rien de plus que les autres et suivre la Communauté, [235] nous ayons moins de merite.

  A006000418 

 nos Regles ni à l'esprit d'icelles, estant une plus grande perfection de se tenir dans leur simple observance et suivre la Communauté, que vouloir aller au delà.

  A006000419 

 A cela je vous responds que ce n'est pas une regle generale qu'il faille faire tout ce à quoy on a de la repugnance, non plus que de s'abstenir des choses auxquelles on a de l'inclination; car si une Sœur a de l'inclination à dire l'Office divin, il ne faut pas qu'elle laisse d'y assister sous pretexte de se vouloir mortifier.

  A006000419 

 Au demeurant, le temps des festes qui est laissé en liberté pour faire ce que l'on veut, chacune le peut employer selon sa devotion; mais il est vray pourtant, qu'ayant demeuré trois heures, vcire plus dans le chœur avec la Communauté, il est beaucoup à craindre que le quart d'heure que vous y demeurez davantage ne soit un petit morceau que vous donnerez à vostre amour propre..

  A006000419 

 Mais, dites-vous, c'est par mortification que vous demeurez un peu plus dans le chœur aux jours de feste que les autres, parce que le temps vous y a desja bien [236] duré durant deux ou trois heures de suitte que toutes y ont demeuré.

  A006000420 

 Mais remarquez que ce que j'ay dit plusieurs fois, qu'il faut estre fort ponctuelles à l'observance des Regles et à la moindre petite dependance, ne se doit pas entendre d'une ponctualité de scrupule: ô non, car cela n'a pas esté mon intention; mais d'une ponctualité de chastes espouses, qui ne se contentent pas d'éviter de desplaire à leur celeste Espoux, ains veulent faire tout ce qu'elles peuvent pour luy estre tant soit peu plus agreables.

  A006000420 

 Par l'humilité nous nous unissons avec Dieu, nous sousmettant à l'exacte observance de ses volontés qui nous sont signifiées dans nos Regles; car nous devons pieusement croire qu'elles ont esté dressées par son inspiration, estant receuës par la Sainte Eglise et approuvées par Sa Sainteté, qui en sont des signes tres-evidens; [237] et partant, nous les devons aymer d'autant plus tendrement, et les serrer sur nos poitrines tous les jours plusieurs fois en forme de recognoissance envers Dieu qui nous les a données.

  A006000420 

 Par la douceur de cœur nous nous unissons avec le prochain par une exacte et ponctuelle conformité de vie, de mœurs et d'exercices, ne faisant ni plus ni moins que ceux avec lesquels nous vivons et que ce qui nous est marqué en la voye en laquelle Dieu nous a mis ensemble, employant et arrestant toutes les forces de nostre ame à les faire avec toute la perfection qui nous sera possible.

  A006000424 

 Mais, me direz-vous, maintenant que c'est l'heure de la recreation, j'ay un tres-grand desir d'aller faire oraison pour m'unir plus immediatement avec la souveraine Bonté.

  A006000424 

 Ne puis-je pas bien penser que la loy qui ordonne de faire la recreation ne m'oblige pas, puisque j'ay l'esprit assez jovial de moy-mesme? O non, [241] il ne faut non plus le penser que le dire; si vous n'avez pas besoin de vous recreer, il faut neantmoins faire la recreation pour celles qui en ont besoin.

  A006000425 

 Et faut bien se garder de penser que les infirmes soyent plus inutiles en Religion que les forts, ou qu'ils fassent moins et ayent moins de merite, parce que tous font également la volonté de Dieu.

  A006000430 

 Le grand saint Thomas, qui avoit un des plus grands esprits qu'on sçauroit avoir, quand il formoit quelques opinions il les appuyoit sur des raisons les plus pregnantes qu'il pouvoit; et neantmoins, s'il trouvoit quelqu'un qui n'approuvast pas ce qu'il avoit jugé bon, [245] ou y contredist, il ne disputoit point ni ne s'en offençoit point, ains souffroit cela de bon cœur; en quoy il tesmoignoit bien qu'il n'aymoit pas sa propre opinion, bien qu'il ne la desapprouvast pas aussi; il laissoit cela ainsi, qu'on la trouvast bonne ou non.

  A006000432 

 Il y a certes des grands esprits qui sont fort bons, mais qui sont tellement sujets à leurs opinions et les estiment si bonnes que jamais ils n'en veulent démordre; et il faut bien prendre garde de ne les leur demander à l'impourveüe, car apres il est presque impossible de leur faire cognoistre et confesser qu'ils ont failli, d'autant qu'ils se vont enfonçant si avant en la recherche des raisons propres à soustenir ce qu'ils ont une fois dit estre bon, qu'il n'y a plus de moyen, s'ils ne s'adonnent à une excellente perfection, de les pouvoir faire dédire.

  A006000433 

 Les personnes melancoliques y sont d'ordinaire plus attachées que ceux qui sont d'humeur joviale et gaye, car ceux-cy sont aisement tournés à toute main et faciles à croire ce qu'on leur dit.

  A006000434 

 Il est bien vray que nous ne pouvons pas empescher ce premier mouvement de complaisance qui nous vient quand nostre opinion est approuvée et suivie, car cela ne se peut éviter, mais il ne se faut pas amuser à ceste complaisance; il faut benir Dieu, puis passer outre sans se mettre en peine de la complaisance, non plus que d'un petit ressentiment de douleur qui vous viendroit si vostre opinion n'estoit pas suivie ou trouvée bonne.

  A006000434 

 Il est tousjours plus utile de la mespriser sans la vouloir regarder, et la chasser si promptement quand on l'apperçoit, qu'on ne sçache pas ce qu'elle vouloit dire.

  A006000435 

 Donques, la chose qui a esté proposée estant determinée, il n'en faut plus parler, non plus qu'y penser, sinon que ce fust une chose notablement mauvaise; car alors, s'il se pouvoit trouver encore quelque invention pour en détourner l'execution ou y mettre remede, il le faudroit faire le plus charitablement qu'il se pourroit et le plus insensiblement, à fin de ne troubler personne, ni mespriser ce qu'ils auroyent trouvé bon..

  A006000435 

 Vous demanderez peut estre si ce n'est pas nourrir ceste imperfection de rechercher d'en parler par apres avec celles qui ont esté de nostre advis, lors qu'il n'est plus question d'en prendre resolution, estant desja determiné ce qui s'en doit faire.

  A006000436 

 Le seul et unique remede de guerir le propre jugement c'est de negliger ce qui nous vient en la pensée, nous appliquant à quelque chose de meilleur; car si nous nous voulons laisser aller à faire attention sur toutes les opinions qu'il nous suggerera és diverses rencontres et occasions, qu'arrivera-t'il sinon une continuelle distraction et empeschement des choses plus utiles et qui sont propres à nostre perfection, nous rendans incapables et invalides pour faire la sainte oraison? Car ayant donné la liberté à nostre esprit de s'amuser à la consideration de telles tricheries, il s'enfoncera tousjours plus avant, et nous produira pensées sur pensées, opinions sur opinions et raisons sur raisons, qui nous importuneront merveilleusement en l'oraison.

  A006000437 

 C'est, comme j'ay dit plusieurs fois, la derniere chose que nous quittons, et toutesfois c'est une des choses la plus necessaire à quitter et renoncer pour l'acquisition de la vraye perfection; car autrement nous n'acquerrons pas la sainte humilité, qui nous empesche et nous defend de faire aucune estime de nous ni de tout ce qui en dépend; et partant, si nous n'avons la pratique de ceste vertu en grande recommandation, nous penserons tousjours estre quelque chose de meilleur que nous ne sommes, et que les autres nous en doivent de reste.

  A006000440 

 Mais il y en a d'autres qui s'ayment plus de l'amour affectif, et ce sont ceux qui sont fort tendres d'eux-mesmes, et qui [252] ne font jamais que se plaindre, dorloter, mignarder et conserver, et lesquels craignent tant tout ce qui leur peut nuire que c'est grande pitié.

  A006000440 

 S'ils sont malades, quand ils n'auroyent mal qu'au bout du doigt, il n'y a rien de plus mal qu'ils sont, disent-ils; ils sont si miserables! Nul mal, pour grand qu'il soit, n'est jamais comparable à celuy qu'ils souffrent, et on ne peut trouver assez de medecins pour les guerir; ils ne cessent de se medeciner, et en pensant conserver leur santé, ils la perdent et ruinent tout à fait; si les autres sont malades, ce n'est rien.

  A006000441 

 Il y avoit en ceste maison une fille qui faisoit son essay; elle estoit merveilleusement douce, maniable, sousmise et obeissante, en fin elle avoit les conditions plus necessaires pour estre vraye Religieuse.

  A006000441 

 Je me souviens d'une histoire, dés que je passay en revenant de Paris en une maison religieuse, qui sert à mon propos; et certes, j'eus plus de consolation en ce rencontre que je n'en avois eu en tout mon voyage, bien que j'eusse fait rencontre de beaucoup d'ames fort vertueuses; mais ceste-cy me consola entre toutes.

  A006000442 

 Si la Superieure ou la Maistresse ne vous ont pas si bien receuës comme vous voudriez, une fois, voire plusieurs, il ne faut pas se fascher pourtant, ni juger qu'elles fassent tousjours de mesme; ô non, Nostre Seigneur les touchera peut estre de son esprit de suavité pour les rendre plus agreables à vostre premier retour..

  A006000443 

 Il ne faut pas craindre non plus, encore qu'elles soyent un peu rigoureuses à faire la correction sur tel defaut; car, ma chere fille, vous ne leur ostez pas la confiance de vous la faire: allez donc tout simplement leur dire vostre mal.

  A006000443 

 Peut estre que vous ne le direz pas à la Superieure ou à celle qui vous peut faire prendre du soulagement, mais ouy plus facilement aux autres, parce, dites-vous, que vous voulez souffrir cela pour Dieu.

  A006000444 

 Je croy bien que vous prenez plus de plaisir et de confiance de dire vostre mal à celle qui n'est point chargée de vous faire prendre du soulagement qu'à celle qui a ce soin et ce pouvoir; car tandis que vous faites ainsi, chacun plaint ma Sœur telle, et se met-on en besogne pour pourvoir de remedes, au lieu que si vous le disiez à la Sœur qui a charge de vous, il faudroit entrer en sujetion de faire ce qu'elle ordonneroit: et cependant, c'est ceste benite sujetion que nous evitons tousjours de tout nostre cœur, l'amour propre recherchant d'estre gouvernante de nous-mesme et maistresse de nostre propre volonté.

  A006000446 

 Ceste tendreté est beaucoup plus insupportable és choses de l'esprit que non pas és corporelles; et si, elle est par malheur plus pratiquée et nourrie par les personnes spirituelles, lesquelles voudroyent estre saintes du premier coup, sans vouloir neantmoins qu'il leur couste rien, non pas mesme les souffrances des combats que leur cause la partie inferieure, par les ressentimens qu'elle a és choses contraires à la nature; et cependant, veuillons ou non, il faudra que nous ayons le courage de souffrir, et par consequent de resister à ces efforts tout le temps de nostre vie en plusieurs rencontres, si nous ne voulons faire banqueroute à la perfection que nous avons entreprise.

  A006000447 

 Que si neantmoins il nous eschappe d'y faire des fautes, par cy par là, ne nous arrestons pourtant pas; mais relevons nostre courage pour estre plus fidelles à la premiere occasion, et passons outre, faisant du chemin en la voye de Dieu et au renoncement de nous-mesmes..

  A006000448 

 Vous demandez en apres, si la Superieure vous voyant plus triste que d'ordinaire, vous demande que vous avez, et vous voyant prou de choses en l'esprit qui vous faschent, vous ne pouvez pourtant dire ce que c'est, comment il faut que vous fassiez.

  A006000449 

 Et comme apres la confession il n'est pas temps de s'examiner pour voir si on a bien dit tout ce que l'on a fait, ains c'est le temps de se tenir attentif aupres de Nostre Seigneur en tranquillité, avec lequel nous nous sommes reconciliés, et luy rendre graces de ses bien-faits, n'estant nullement necessaire de faire la recherche de ce que nous pourrions avoir oublié, de mesme en est-il apres avoir rendu compte: il faut dire tout simplement ce qui nous vient; apres, il n'y faut plus penser.

  A006000452 

 Mais aussi il dit par apres: Ne servez point vos maistres à l'œil, voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A006000453 

 Il faut avec simplicité rapporter une fois nos raisons, si elles nous semblent bonnes; mais au partir de là, acquiescer sans plus de repliques à ce que l'on nous dit, et par ainsi faire mourir nostre jugement, que nous estimons si sage et prudent au dessus de tout autre..

  A006000454 

 Elles ne seront plus attachées aux caresses, puisque cela est contraire à la generosité de leur devotion, laquelle fera desormais qu'elles s'attacheront si absolument au desir de plaire à Dieu qu'elles ne regarderont plus autre chose, si elle n'est propre pour les avancer en l'accomplissement de ce desir.

  A006000454 

 O Dieu! ma Mere, nos Soeurs sont tellement resolues d'aymer la mortification, que ce sera une chose agreable de les voir: la consolation ne leur sera plus rien au prix de l'affliction, des secheresses, des repugnances, tant elles sont desireuses de se rendre semblables à leur Espoux.

  A006000459 

 Mesme nous ne devons pas vouloir entreprendre la pratique de tous, ains seulement de ceux qui sont plus conformes à nostre vocation; car il y en a qui sont tellement opposés les uns aux autres, qu'il seroit impossible tout à fait d'embrasser la pratique de l'un sans oster le moyen de pratiquer l'autre.

  A006000460 

 Nous avons dit de plus que Dieu nous signifie sa volonté par ses inspirations; il est vray, mais pourtant il ne veut pas que nous discernions de nous-mesmes si ce qui nous est inspiré est sa volonté, ni moins qu'à tort et à travers nous suivions ses inspirations.

  A006000461 

 Ainsi il se sousmettoit en tout ce en quoy il n'y avoit point d'offense de Dieu, à la volonté de ses Freres, lesquels sans doute suivoyent leur inclination propre, mais encore plus particulierement les seculiers qui le faisoyent aussi tourner à toute main, selon leur volonté.

  A006000461 

 Il y a de plus la volonté du bon plaisir de Dieu, laquelle nous devons regarder en tous les evenemens, je veux dire en tout ce qui nous arrive: en la maladie, en la mort, en l'affliction, en la consolation, és choses adverses et prosperes, bref en toutes choses qui ne sont point preveües.

  A006000462 

 De plus, j'ay une autre consideration, qui est, qu'apres ce qui est de la volonté de Dieu qu'il a signifiée, je ne puis mieux cognoistre la volonté de son bon plaisir, ni plus asseurement, que par la voix de mon prochain; car Dieu ne me parle point, moins m'envoye-t'il des Anges pour me declarer ce qui est de son bon plaisir.

  A006000468 

 Es choses de consequence, il ne faut non plus perdre le temps à les considerer, mais il s'en faut addresser à nos Superieurs, à fin de sçavoir d'eux ce que nous avons à faire; apres quoy, il n'y faut plus penser, ains s'arrester absolument à leur opinion, puisque Dieu nous les a donnés pour la conduite de nostre ame en la perfection de son amour.

  A006000468 

 Que si l'on doit ainsi condescendre à la volonté d'un chacun, beaucoup plus le doit-on faire à celle des Superieurs, lesquels nous devons tenir et regarder parmi nous comme la personne de Dieu mesme; aussi sont-ils ses lieutenans.

  A006000469 

 C'est voirement une chose bien dure à l'amour propre que d'estre sujet à toutes ces rencontres, Il est vray; mais ce n'est pas aussi cest amour là que nous devons contenter ni escouter, ains seulement le tres-saint amour de nos ames, Jesus, qui demande de ses cheres espouses une sainte imitation de la parfaite obeissance qu'il rendit, non seulement à la tres-juste et bonne volonté de son Pere, mais aussi à celle de ses parens, et qui plus est, de ses ennemis lesquels sans doute suivirent leurs passions aux travaux qu'ils luy imposerent; et cependant le bon Jesus ne laisse de s'y sousmettre doucement, humblement, amoureusement.

  A006000470 

 Sainte Gertrude fut faite Religieuse en un monastere où il y avoit une Superieure laquelle recognoissoit fort bien que la bien-heureuse Sainte estoit d'une complexion foible et delicate; c'est pourquoy elle la faisoit traitter plus delicatement que les autres Religieuses, ne luy laissant pas faire les austerités que l'on avoit de coustume de faire en ceste Religion.

  A006000474 

 Je voudrois bien, de plus, que l'on eust un grand soin d'estre bien veritables, simples et charitables en la confession (veritable et simple est une mesme chose): dire bien clairement ses fautes, sans fard, sans artifice, faisant attention que c'est à Dieu que nous parlons, auquel rien ne peut estre celé; fort charitables, ne meslant aucunement le prochain en vostre confession.

  A006000474 

 Vous avez eu des pensées d'imperfection sur le prochain, des pensées de vanité, voire mesme de plus mauvaises; vous avez eu des distractions en vos oraisons; si vous vous y estes arrestées deliberément, dites-le à la bonne foy, et ne soyez pas contentes de dire que vous n'avez pas apporté assez de soin à vous tenir recolligées durant le temps de l'oraison; mais si vous avez esté negligentes à rejetter une distraction, dites-le, car ces accusations generales ne servent de rien à la confession..

  A006000475 

 Je remarque que quand j'escris à une personne sur du mauvais papier, et par consequent avec un mauvais caractere, elle me remercie avec autant d'affection que quand je luy escris sur du meilleur papier et [278] avec de plus beaux caracteres.

  A006000479 

 Aussi feroit-on un tres-grand mal d'aller dire à un confesseur: J'ay bien encore quelque faute, mais ma Superieure m'a defendu de m'en confesser; car outre que cela n'est nullement vray, vous obligez le confesseur à vous faire dire ceste faute, à laquelle peut estre, ne cognoissant [279] ni le fond ni l'estat de vostre ame, ni la rondeur de vostre maniere de vie, il y croira trouver du peché, et se mettra à blasmer la Superieure d'imprudence, d'ignorance et d'un mauvais gouvernement, murmurant contre vostre Institut, lequel en verité vous donne autant ou plus de liberté pour la conscience qu'en puissent avoir aucunes Religieuses.

  A006000484 

 Il faut discerner en s'accusant, les petites obeissances d'avec les importantes, les choses d'ordonnance d'avec celles de conseil; car les confessions doivent estre tellement nettes et entieres que rien plus.

  A006000487 

 Quant à l'acte de contrition, il faut avoir un vray regret du mal passé et une bonne resolution de ne le plus commettre; et à cest effect, le Confiteor, qui est la confession generale des Chrestiens, se doit dire bien devotement devant Dieu.

  A006000489 

 Ouy vrayement, ma tres-chere fille, vous pouvez vous approcher de la Communion avec un peché veniel, sinon que par humilité vous vous en voulussiez priver avec congé, ou bien demander licence de vous confesser; mais certes, je repugne fort que l'on se confesse plus souvent que les autres, cela ne sert qu'à donner soupçon que l'on a quelque grande chose..

  A006000495 

 Faites en l'experience en un petit agnelet qui ne fait que naistre: monstrez-luy la peau d'un loup; quoy qu'il soit mort, il se mettra à fuir, il beelera, il se cachera sous les flancs de sa mere; mais monstrez-luy un cheval, qui est bien une plus grosse beste, il ne s'en espouvantera nullement, ains il se jouera avec luy.

  A006000495 

 Il faut donc confesser que ceste inclination d'aymer les uns plus que les autres est naturelle; et l'on le void mesmes aux bestes, lesquelles n'ayant point de raison, ont toutesfois de l'aversion et de l'inclination naturellement.

  A006000495 

 Or, pour monstrer que cecy est naturel, d'aymer les [288] uns par inclination et non pas les autres, ne void-on pas que si deux hommes entrent dans un tripot où deux autres jouent à la paume, d'abord ceux qui entrent auront de l'inclination que l'un gaigne plustost que l'autre? Et d'où vient cela, puisqu'ils ne les ont jamais veus ni l'un ni l'autre, ni n'en avoyent jamais ouy parler, ne sçachant point si l'un est plus vertueux que l'autre? c'est pourquoy ils n'ont point de raison d'en affectionner plus l'un que l'autre.

  A006000496 

 Or, de ces aversions naturelles il n'en faut pas faire grand cas, non plus que des inclinations, pourveu que nous sousmettions le tout à la raison.

  A006000497 

 O jamais il ne faut s'amuser à ceste recherche; car nostre amour propre, qui ne dort jamais, nous dorera si bien la pillule qu'il nous fera accroire qu'elle est bonne; je veux dire qu'il nous fera voir qu'il est vray que nous avons certaines raisons lesquelles nous sembleront bonnes, et puis, celles-là estans approuvées de nostre propre jugement et de l'amour propre, il n'y aura plus de moyen de nous empescher de les trouver justes et raisonnables.

  A006000497 

 Quel remede à ces aversions, puisque nul n'en peut estre exempt, pour parfait qu'il soit? Ceux qui sont d'un naturel aspre auront de l'aversion à celuy qui sera fort doux, et estimeront ceste douceur une trop grande mollesse, bien que ceste qualité de douceur soit la plus universellement aymée.

  A006000498 

 Mais il les faut combattre et abattre quand on void que le naturel passe plus outre, et nous veut faire departir de la sousmission que nous devons à la raison, qui ne nous permet jamais de rien faire en faveur de nos aversions, non plus que de nos inclinations quand elles sont mauvaises, de crainte d'offencer Dieu.

  A006000499 

 Je dis bien plus, car je vous asseure que nous prendrions plaisir à ne lire jamais qu'un mesme livre, pourveu qu'il fust bon et qu'il parlast de Dieu; ains, quand il n'y auroit que ce seul nom de Dieu nous serions contens, puisque nous trouverions tousjours assez de besogne à faire, apres l'avoir leu et releu plusieurs fois.

  A006000499 

 La seconde demande est: Comment on se doit comporter en la reception des livres que l'on nous donne à lire? La Superieure donnera à une des Sœurs un livre qui traitte fort bien des vertus; mais parce qu'elle ne l'ayme pas, elle ne fera point de profit de sa lecture, ains elle le lira avec une negligence d'esprit; et la raison est, qu'elle sçait desja sur le doigt ce qui est comprins dans [291] ce livre, et qu elle auroit plus de desir que l'on luy en fist lire un autre.

  A006000500 

 Mais le mal d'où procede tout cecy est que nous cherchons tousjours nostre propre satisfaction, et non pas nostre plus grande perfection.

  A006000500 

 Or de dire: Parce que je ne l'ayme pas, je n'en feray point de profit, ce n'est pas une bonne consequence, non plus que de dire: Je le sçay desja tout par cœur, je ne sçaurois prendre plaisir à le lire.

  A006000500 

 Si on vous en donne un que vous avez desja leu plusieurs fois, humiliez-vous, et vous asseurez [292] que c'est Dieu qui le veut ainsi à fin que vous vous amusiez plus à faire qu'à apprendre, et que sa Bonté vous le donne pour la seconde et troisiesme fois parce que vous n'avez pas fait vostre profit de la premiere lecture.

  A006000500 

 Vous donne-t'on un livre que vous sçavez desja tout ou presque tout par cœur? benissez-en Dieu, d'autant que vous comprendrez plus facilement sa doctrine.

  A006000503 

 L'on recherche voirement qu'ils ne soyent pas de mauvais exemple; mais de n'avoir point d'imperfection l'on n'y prend pas garde, pourveu qu'ils ayent les conditions de l'esprit qui sont necessaires; d'autant qu'il s'en trouveroit bien de plus parfaits, qui pour cela ne seroyent pas tant capables d'estre Superieurs.

  A006000505 

 Vous me demandez de plus, touchant ce poinct, si la Superieure ou la Directrice ne doit point tesmoigner de repugnance que les Sœurs voyent ses defauts, et que c'est qu'elle doit dire quand une fille se vient accuser tout simplement à elle de quelque jugement ou pensée qu'elle a fait, qui la marque d'imperfection; comme seroit si quelqu'une avoit pensé que la Superieure auroit fait une correction avec passion.

  A006000506 

 Vingt ans apres, il pensa qu'il pouvoit bien faire quelque badinerie sous pretexte de recréer les Freres, croyant que ses passions fussent desja tellement mortifiées qu'elles n'eussent plus le pouvoir de le faire passer au delà d'une simple recreation.

  A006000508 

 L'on ne sçait ce qui est plus considerable, ou la force du courage de saint Paul à reprendre saint Pierre, ou l'humilité avec laquelle saint Pierre se sousmit à la correction qui luy estoit faite, voire pour une chose en laquelle il pensoit bien faire et avoit une fort bonne intention.

  A006000511 

 Or, pour le regard de la derniere question, qui est si l'on ne doit pas tousjours faire quelque petite particularité à la Superieure de plus qu'au reste des Sœurs, tant au vestir qu'au manger, elle sera tantost resolue; car en un mot, je vous dis que non, en façon quelconque, si ce n'est de necessité, ainsi comme l'on fait à chacune des Sœurs.

  A006000512 

 Qu'y a-t'il plus à dire? Comment il faut faire pour bien conserver l'esprit de la Visitation et empescher qu'il ne se dissipe? L'unique moyen est de le tenir enfermé et enclos dans l'observance des Regles.

  A006000517 

 A plus forte raison sommes-nous obligés de couvrir ceux du prochain, luy en faisant toutes-fois la correction fraternelle, ainsi que la Constitution vous enseigne.

  A006000517 

 D'aller dire à une Sœur que la Superieure a dit cecy et cela d'elle, c'est une faute plus griefve que l'on ne pense, et la Superieure la doit fortement reprendre, faisant voir à sa Communauté la grandeur de ce manquement et la beauté de la vertu contraire; mais tousjours, que la defaillante ne soit point nommée.

  A006000526 

 Mais parlant plus particulierement de la vocation religieuse, je dis que plusieurs sont bien appelles de Dieu en la Religion, mais il y en a peu qui maintiennent et conservent leur vocation; car ils commencent bien, mais ils ne sont pas fidelles à correspondre à la grace, ni perseverans en la pratique de ce qui peut conserver leur vocation et la rendre bonne et asseurée.

  A006000530 

 Il est bien vray que je l'ay eue beaucoup plus forte que je n'ay à ceste heure; mais comme elle n'est pas de durée, cela me fait croire qu'elle n'est pas bonne..

  A006000530 

 Il ne faut non plus [313] un examen de dix ou douze docteurs pour voir si l'inspiration est bonne ou mauvaise, s'il la faut suivre ou non; mais il faut bien correspondre et cultiver le premier mouvement, et puis ne se pas mettre en peine s'il vient des dégousts et des refroidissemens touchant cela; car si l'on tasche tousjours de tenir sa volonté bien ferme à vouloir rechercher le bien qui nous est monstré, Dieu ne manquera pas de faire reussir le tout à sa gloire.

  A006000530 

 Quand elles ont les premiers mouvemens un peu forts, rien ne leur est difficile, il leur semble qu'elles franchiront toutes les difficultés; mais quand elles sentent ces vicissitudes, et que ces sentimens ne sont plus si sensibles en la partie inferieure, il leur semble que tout est perdu et qu'il faille tout quitter: l'on veut et l'on ne veut pas; ce que l'on sent alors n'est pas suffisant pour faire quitter le monde.

  A006000532 

 Car bien que ceux-cy viennent à Dieu comme despités contre le monde qui les a faschés, ou bien à cause de quelques travaux et afflictions qui les ont tourmentés, si ne laissent-ils pas de se donner à Dieu d'une franche volonté; et bien souvent telles personnes reussissent bien au service de Dieu et deviennent des grands Saints, et quelques fois plus grands que ceux qui y sont entrés par des vocations plus apparentes..

  A006000534 

 Il y en a encor d'autres desquels les motifs ont esté [317] encor plus mauvais que cestuy-cy.

  A006000534 

 Mais la divine Providence qui s'estoit servie de ce moyen pour le retirer du monde, convertit sa fin et son intention mauvaise en bonne, et celuy qui pensoit prendre les autres fut pris luy-mesme; car il n'eut pas plus tost demeuré quelques jours avec ces bons Religieux, qu'il fut tout à fait changé.

  A006000542 

 Et, bien qu'elles ayent de la repugnance à ces remedes et les prennent avec grande difficulté, cela ne veut rien dire, pourveu qu'elles ne laissent pas d'en user; car les medecines sont tousjours ameres au goust, et n'est pas possible qu'on les reçoive avec la suavité que l'on feroit si elles estoyent bien appetissantes; mais avec tout cela elles ne laissent pas de faire leur operation, et quand elles la font meilleure, c'est lors qu'elles font le plus de travail et de peine.

  A006000542 

 Neantmoins, l'on y doit faire plus de consideration qu'en la premiere reception, car aussi l'on a eu plus de moyen de remarquer leur humeur, actions et habitudes; l'on void bien les passions qu'elles ont.

  A006000543 

 Or, il n'y a point de doute que celles-cy n'ayent plus de peine et de difficulté que celles qui auront le naturel plus doux et traittable, et qu'elles seront plus sujettes à faire des fautes, que d'autres qui seront mieux nourries; mais neantmoins, si elles veulent bien estre gueries et tesmoignent une volonté ferme à vouloir recevoir les remedes, [326] quoy qu'il leur couste, à celles-là je donnerois ma voix nonobstant ces cheutes; car ces filles-là, apres beaucoup de travail, font de grands fruicts en la Religion, deviennent des grandes servantes de Dieu et acquierent une vertu forte et solide, car la grace de Dieu supplée au defaut; et n'y a point de doute que souvent où il y a moins de la nature, il y a plus de la grace.

  A006000549 

 L'on demande en troisiesme lieu, s'il ne faut pas [332] faire consideration de donner sa voix à une fille qui n'est pas cordiale, ou qui n'est pas égale à l'endroit de toutes les Sœurs, et qui a fait voir qu'elle a plus d'inclination à l'une qu'à l'autre.

  A006000549 

 Voyez-vous, ceste inclination est la derniere piece de nostre renoncement; car avant que l'on puisse arriver à ce point de n'avoir aucune inclination à l'une plus qu'à l'autre, et que ces affections soyent tellement mortifiées qu'elles ne paroissent point, il y faut du temps.

  A006000550 

 Le Saint Esprit doit presider aux Communautés, et selon la varieté des opinions on se resout pour faire comme l'on juge plus expedient pour sa gloire.

  A006000557 

 Or, l'intention est pure lors que nous recevons les Sacremens, ou faisons quelque autre chose quelle qu'elle soit, pour nous unir à Dieu et pour luy estre plus agreables, sans aucun meslange de propre interest.

  A006000559 

 La troisiesme preparation c'est l'humilité, qui est une vertu fort necessaire pour recevoir abondamment les graces qui découlent par les canaux des Sacremens; parce que les eaux ont bien accoustumé de couler plus vistement et plus fortement quand les canaux sont posés en des lieux panchans et tendans en bas..

  A006000560 

 Les personnes les plus spirituelles se reservent pour l'ordinaire la volonté d'avoir des vertus; et quand elles vont à la Communion: O Seigneur, disent-elles, je m'abandonne entierement entre vos mains, mais plaise vous me donner la prudence pour sçavoir vivre honnorablement; mais de simplicité, ils n'en demandent point.

  A006000560 

 O ce n'est pas là le moyen de faire ceste union, que de se reserver toutes ses volontés, pour belle apparence qu'elles ayent; car Nostre Seigneur se voulant donner tout à nous, veut que reciproquement nous nous donnions entierement à luy, à fin que l'union de nostre ame avec sa divine Majesté soit plus parfaite, et que nous puissions dire veritablement, apres ce grand parfait entre les Chrestiens: Je ne vis plus moy, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy..

  A006000562 

 Et pour ce qui est des vertus, aucune fois il est plus à propos et meilleur pour nous de ne les pas avoir en habitude que si nous les avions, pourveu toutesfois que nous en fassions les actes à mesure que les occasions s'en presentent; car la repugnance que nous sentons à pratiquer quelque vertu nous doit servir pour nous humilier, et l'humilité vaut tousjours mieux que tout cela..

  A006000562 

 L'on peut bien communier pour diverses fins: comme pour demander à Dieu d'estre delivrés de quelque tentation ou affliction, soit pour nous ou pour nos amis, [341] ou pour demander quelque vertu, pourveu que ce soit sous ceste condition de nous unir par ce moyen plus parfaitement à Dieu, ce qui n'arrive pourtant pas bien souvent; car au temps de l'affliction l'on est ordinairement plus uni à Dieu, parce que l'on se ressouvient plus souvent de luy.

  A006000565 

 Si vous devenez par le moyen de la tres-sainte Communion, fort douce (puisque c'est la vertu qui est propre à ce Sacrement, [343] qui est tout doux, tout suave, tout miel), vous retirerez le fruict qui luy est propre, et ainsi vous vous advancerez; mais si, au contraire, vous ne devenez point plus humble ni plus douce, vous meritez que l'on vous leve le pain, puisque vous ne voulez pas travailler..

  A006000568 

 Il ne faut pas non plus se tourmenter quand l'on ne se souvient pas de ses fautes pour s'en confesser; car il n'est pas croyable qu'une ame qui fait souvent son examen, ne remarque bien pour s'en ressouvenir les fautes qui sont d'importance.

  A006000577 

 Il faut aussi avoir une grande determina.ti.on de n'abandonner jamais l'oraison, pour aucune difficulté qui s'y puisse rencontrer, et n'y aller avec aucune preoccupation de desirs d'y estre consolée et satisfaite; car cela ne seroit pas rendre nostre volonté unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison nous soyons resolus de souffrir la peine des continuelles distractions, secheresse et dégoust qui nous y [348] surviendront, demeurans aussi constantes que si nous y avions eu beaucoup de consolation et de tranquillité; puisque c'est une chose certaine que nostre oraison ne sera pas moins agreable à Dieu, ni à nous moins utile pour estre faite avec plus de difficulté.

  A006000578 

 C'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde pour nous enseigner ce que nous devions faire; et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modelle, nous devons grandement estre exactes à considerer ses actions pour les imiter, parce que c'est l'une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous faisons que de les faire parce que Nostre Seigneur les a faites; c'est à dire, pratiquer les vertus parce que nostre Pere les a pratiquées et comme il les a pratiquées.

  A006000578 

 La premiere methode doncques pour s'entretenir à l'oraison, c'est de porter quelque poinct, comme les mysteres de la Mort, Vie et Passion de Nostre Seigneur, lesquels sont les plus utiles; et.

  A006000579 

 Elles peuvent demeurer ainsi utilement, cela est bon; mais generalement parlant, il faut faire que toutes les filles commencent par la methode d'oraison qui est la plus seure, et qui porte à la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disons qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur: on y marche en asseurance.

  A006000581 

 Mais pour les autres manieres d'oraison plus relevée, sinon que Dieu les donne absolument, je vous prie que l'on ne s'y ingere point de soy-mesme et sans l'advis de ceux qui conduisent..

  A006000581 

 Or ceste façon icy est bien plus haute et meilleure que la premiere, et si, elle est plus sainte et plus asseurée; c'est pourquoy il s'y faut porter facilement, pour peu d'attrait que l'on y ayt, observant en tout degré d'oraison de tenir son esprit dans une sainte liberté pour suivre les lumieres et mouvemens que Dieu nous y donnera.

  A006000586 

 O quel Saint est le glorieux saint Joseph! Il n'est pas seulement Patriarche, ains le coryphée de tous les Patriarches; il n'est pas simplement Confesseur, mais plus que Confesseur, car dans sa confession sont encloses les dignités des Evesques, la generosité des Martyrs et de tous les autres Saints.

  A006000592 

 Qu'est-ce que le glorieux saint Joseph, sinon un fort boulevard qui a esté establi au dessus de Nostre Dame, puisqu'estant son Espouse, elle luy estoit sujette et il avoit soin d'elle? Au contraire donques que saint Joseph fust establi au dessus de Nostre Dame pour luy faire rompre son vœu de virginité, il luy a esté donné pour compagnon d'icelle, et à fin que la pureté de Nostre Dame peust plus admirablement perseverer en son integrité sous le voile et l'ombrage du saint mariage et de la sainte union qu'ils avoyent par ensemble.

  A006000593 

 Car encor que la palme soit le prince des arbres, elle est neantmoins le plus humble, ce qu'elle tesmoigne en ce qu'elle cache ses fleurs au printemps où tous les autres arbres les font voir, et ne les laisse paroistre qu'au gros des chaleurs.

  A006000596 

 Il n'y a point de doute, mes cheres Sœurs, que saint Joseph ne fust plus vaillant que David et n'eust plus de sagesse que Salomon; neantmoins, le voyant reduit en l'exercice de la charpenterie, qui eust peu juger cela s'il n'eust esté esclairé de la lumiere celeste, tant il tenoit resserrés tous les dons signalés dont Dieu l'avoit gratifié? Mais quelle sagesse n'avoit-il pas, puisque Dieu luy donnoit en charge son Fils tres-glorieux et qu'il estoit choisi pour estre son gouverneur? Si les princes de la terre ont tant de soin, comme estant une chose tres-importante, de donner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfans, puisque Dieu pouvoit faire que le gouverneur de son Fils fust le plus accompli homme du monde en toutes sortes de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui estoit son Fils tres-glorieux, Prince universel du ciel et de la terre, comment se pourroit-il faire que l'ayant peu il ne l'ayt voulu et ne l'ayt fait? Il n'y a donc nul doute que saint Joseph n'ayt esté doué de toutes les graces et de tous les dons que meritoit la charge que le Pere eternel luy vouloit donner, de l'œconomie temporelle et domestique de Nostre Seigneur et de la conduite de sa famille, qui n'estoit composée que de trois, qui nous representent le mystere de la tres-sainte et tres-adorable Trinité.

  A006000597 

 Vous entendez donc combien la dignité de saint Joseph estoit relevée, et combien il estoit rempli de toutes sortes de vertus; neantmoins, vous voyez d'ailleurs combien il estoit rabaissé, et humilié plus qu'il ne se peut dire ni imaginer.

  A006000598 

 Mais si saint Joseph estoit soigneux de tenir resserrées ses vertus sous l'abri de la tres-sainte humilité, il avoit un soin tres-particulier de cacher la pretieuse perle de sa virginité; c'est pourquoy il consentit d'estre marié, à fin que personne ne la peust cognoistre, et que dessous le saint voile du mariage il peust vivre plus à couvert.

  A006000599 

 De mesme, les ames justes craignant de perdre le prix et la valeur de leurs bonnes œuvres, les resserrent ordinairement dans une boite; mais non dans une boite commune, non plus que les onguens pretieux, ains dans une boite d'albastre, telle que celle que sainte Magdelaine respandit ou vuida sur le chef sacré de Nostre Seigneur lors qu'il la restablit en la virginité non essentielle mais reparée, laquelle est quelquefois plus excellente, estant acquise et restablie par la penitence, que non pas celle qui n'ayant point receu de tare est accompagnée de moins d'humilité.

  A006000600 

 Il a une tres-grande part en ce thresor divin qu'il avoit chez luy, qui est Nostre Seigneur et nostre Maistre, et cependant il se tient si rabaissé et humilié qu'il ne semble point qu'il y ayt de part; et toutefois il luy appartient plus qu'à nul autre apres la tres-sainte Vierge, et nul n'en peut douter, puisqu'il estoit de sa famille et le Fils de son Espouse [363] qui luy appartenoit.

  A006000600 

 J'ay accoustumé de dire, que si une colombe (pour rendre la comparaison plus conforme à la pureté des Saints dont je parle) portoit en son bec une datte laquelle elle laissast tomber dans un jardin, diroit-on pas que le palmier qui en viendroit appartient à celuy à qui est le jardin? Or, si cela est ainsi, qui pourra douter que le Saint Esprit ayant laissé tomber ceste divine datte, comme un divin Colombeau, dans le jardin clos et fermé de la tres-sainte Vierge, jardin seellé, et environné de toutes parts des hayes du saint vœu de virginité et chasteté toute immaculée, lequel appartenoit au glorieux saint Joseph comme la femme ou l'espouse à l'espoux, qui doutera, dis-je, ou qui pourra dire que ce divin palmier qui porte des fruicts qui nourrissent à l'immortalité, n'appartienne quant et quant à ce grand saint Joseph, lequel pourtant ne s'en esleve point davantage, n'en devient point plus superbe, ains en devient tousjours plus humble?.

  A006000600 

 Mais quelle plus parfaite humilité se peut-il imaginer que celle de saint Joseph? Je laisse à part celle de Nostre Dame, car nous avons desja dit que saint Joseph recevoit un grand accroissement en toutes les vertus par forme de reverberation que celles de la tres-sainte Vierge faisoyent en luy.

  A006000602 

 La palme monstre sa force et sa constance en ce que, plus elle est chargée, et plus elle monte en haut et devient plus haute; ce qui est tout contraire non seulement aux autres arbres mais à toutes autres choses, car plus l'on est chargé, et plus l'on s'abaisse contre terre.

  A006000604 

 Le diable est tellement ennemy de l'humilité, parce que, manque de l'avoir, il fut dechassé du Ciel et precipité aux enfers (comme si l'humilité pouvoit mais dequoy il ne l'a pas voulu choisir pour compagne inseparable), qu'il n'y a invention ni artifice duquel il ne se serve pour faire decheoir l'homme de ceste vertu, et d'autant plus qu'il sçait que c'est une vertu qui le rend infiniment agreable à Dieu; si que nous pouvons bien dire: Vaillant et fort est l'homme qui, comme saint Joseph, persevere en icelle, parce qu'il demeure tout ensemble vainqueur du diable et du monde, qui est rempli d'ambition, de vanité et d'orgueil..

  A006000604 

 Mais quelle vaillance et quelle force ne tesmoigne-t'il pas en la victoire qu'il remporta sur les deux plus grands ennemis de l'homme, le diable et le monde? et cela par la pratique exacte d'une tres-parfaite humilité, comme nous avons remarqué, en tout le cours de sa vie.

  A006000604 

 Pour ce qui est de sa constance, combien je vous prie, la fit-il paroistre lors que voyant Nostre Dame enceinte, et ne sçachant point comment cela se pouvoit faire, mon Dieu, quelle detresse, quel ennuy, quelle peine d'esprit n'avoit-il pas? Neantmoins il ne se plaint point, il n'en est point plus rude ni plus mal gratieux envers son Espouse, il ne la maltraitte point pour cela, demeurant aussi doux et aussi respectueux en son endroit qu'il souloit estre.

  A006000607 

 Dieu veut qu'il soit tousjours pauvre, qui est une des plus puissantes espreuves qu'il nous puisse faire, et il s'y sousmet amoureusement, et non pas pour un temps, car ce fut toute sa vie.

  A006000609 

 Que nous reste-t'il plus à dire maintenant, sinon que nous ne devons nullement douter que ce glorieux Saint n'ayt beaucoup de credit dans le Ciel aupres de Celuy qui l'a tant favorisé que de l'y eslever en corps et en ame; ce qui est d'autant plus probable que nous n'en avons nulle relique ça bas en terre, et il me semble que nul ne peut douter de ceste verité; car, comme eust peu refuser ceste grace à saint Joseph Celuy qui luy avoit esté si obeissant tout le temps de sa vie? Sans doute que Nostre Seigneur descendant au Limbe, fut arraisonné par saint Joseph en ceste sorte: Mon Seigneur, ressouvenez-vous, s'il vous plaist, que quand vous vinstes du Ciel en terre je vous receus en ma maison, en ma famille, et que dés que vous fustes né je [369] vous receus entre mes bras.

  A006000610 

 Il nous obtiendra, si nous avons confiance en luy, un saint accroissement en toutes sortes de vertus, mais specialement en celles que nous avons trouvé qu'il avoit en plus haut degré que toutes autres, qui sont la tres-sainte pureté de corps et d'esprit, la tres-aymable vertu d'humilité, la constance, vaillance et perseverance; vertus qui nous rendront victorieux en ceste vie de nos ennemis, et qui nous feront meriter la grace d'aller jouïr en la vie eternelle des recompenses qui sont preparées à ceux qui imiteront l'exemple que saint Joseph leur a donné estant en ceste vie; recompense qui ne sera rien moindre que la felicité eternelle, en laquelle nous jouirons de la claire vision du Pere, du Fils et du Saint Esprit.

  A006000614 

 La question que nostre Mere me fait, de vous declarer, mes cheres filles, la pretention que l'on doit avoir pour entrer en Religion, est bien la plus importante, la plus necessaire et la plus utile qui se puisse faire.

  A006000617 

 Par consequent, vous qui pretendez à l'habit, et vous autres qui pretendez la sainte Profession, regardez bien plus d'une fois si vous avez assez de resolution pour mourir à vous-mesmes et ne vivre qu'à Dieu.

  A006000618 

 Pensez-vous que ces bons Religieux du desert qui sont parvenus à une si grande union avec Dieu, y soyent arrivés en suivant leurs inclinations? Certes nenny; ils se sont mortifiés es choses les plus saintes, et bien qu'ils eussent grand goust à chanter les divins cantiques, à lire, prier et autres choses, ils ne le faisoyent point pour se contenter eux-mesmes.

  A006000620 

 Quand vostre Regle vous dit « que l'on demande les livres à l'heure assignée, » pensez-vous que ce soit pour l'ordinaire ceux qui vous contentent le plus que l'on vous donne? Nullement, ce n'est pas là l'intention de la Regle; et ainsi des autres exercices.

  A006000623 

 On ne requiert pas de vous que vous n'ayez point de passions; il n'est pas en vostre pouvoir, et Dieu veut que vous les ressentiez jusques à la mort pour vostre plus grand merite; ni mesme qu'elles soyent peu fortes, car ce seroit dire qu'une ame mal habituée ne peut estre propre à servir Dieu.

  A006000624 

 De mesme, mes cheres filles, prenez l'espée de la, mortification en main pour tuer et aneantir vos passions; et celle qui en aura le plus à tuer sera la plus vaillante, si elle veut cooperer à la grace.

  A006000624 

 Les Levites donc prirent l'espée en main, et le plus brave c'estoit celuy qui en tua le plus.

  A006000625 

 Vous estes bien heureuses, mes cheres filles, au prix de nous autres dans le monde; lors que nous demandons le chemin, l'un dit: C'est à droite, l'autre: C'est à gauche, et en fin le plus souvent on nous trompe; mais vous autres, vous n'avez qu'à vous laisser porter.

  A006000632 

 Je luy dis que si j'estois Religieux, je pense que je ferois cecy: je ne demanderois point à communier plus souvent que la Communauté le fait; je ne demanderois point à porter la haire, le cilice, la ceinture, à faire des jeusnes extraordinaires, ni disciplines, ni aucune autre chose; je me contenterois de suivre en tout et par tout la Communauté.

  A006000632 

 Ma Mere, je parlois un jour à une excellente Religieuse qui me demandoit si ayant desir de communier plus souvent que la Communauté on le peut demander à la Superieure.

  A006000635 

 Mais pour l'employ exterieur, ne pourroit-on pas, dites-vous, desirer les charges basses parce qu'elles sont plus penibles et qu'il y a plus à faire et à s'humilier pour Dieu? Ma fille, David disoit qu'il aymoit mieux estre abject en la maison du Seigneur, que d'estre grand parmi les pecheurs; et: Il est bon, Seigneur, dit-il, que vous m'ayez humilié, à fin d'apprendre vos justifications. Or neantmoins, ce desir est fort suspect et peut estre une cogitation humaine.

  A006000636 

 Ceste bonne femme, estant dans le lict avec une grosse fievre, pratiqua plusieurs vertus; mais celle que j'admire le plus est ceste grande remise qu'elle fit d'elle-mesme à la providence de Dieu et au soin de ses superieurs, demeurant en sa fievre, tranquille, paisible et sans aucune inquietude, ni sans en donner à ceux qui estoyent aupres d'elle.

  A006000636 

 Heureux seront les Religieux et Religieuses qui feront ceste grande et absolue remise entre les mains de leurs Superieurs, lesquels, par le motif de la charité, les serviront et pourvoiront soigneusement à tous leurs besoins et necessités, car la charité est plus forte et presse de plus pres que la nature..

  A006000637 

 Mais ce qui est encore plus admirable, c'est qu'elle le voit dans sa maison, où il la regarde et elle le regarde aussi; et si, elle ne luy dit pas un seul mot de son mal pour l'exciter à avoir pitié d'elle, ni ne s'empresse à le toucher pour estre guerie.

  A006000639 

 Nostre mal, quel qu'il soit, est incomparable, et celuy que les autres souffrent n'est rien au prix; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A006000640 

 Dites-vous ce que je desire qui vous demeure le plus engravé dans l'esprit, à fin de le mettre en pratique? Hé! que vous diray-je, mes tres-cheres filles, sinon ces deux cheres paroles que je vous ay desja tant recommandées: Ne desirez rien, ne refusez rien? En ces deux [388] mots je dis tout, car ce document comprend la pratique de la parfaite indifference.

  A006000667 

 Nous vous mandons, et par ces presentes, signees de nostre main, enjoignons que vous ayez à faire saisir et arrester tous les Exemplaires dudit livre, en quelque part qu'ils seront trouvez, et que vous contraigniez et fassiez contraindre tous ceux qui s'en trouveront saisis, de les vous delivrer, par toutes voyes dettes et raisonnables, pour estre lesdits Exemplaires supprimez, faisant faire, comme nous faisons par ces dictes presentes, tres-expresses deffences à tous Libraires et Imprimeurs, de reimprimer ledict livre, nonobstant ledict Privilege. et permission, que nous avons revoqué, revoquons, et à peine de confiscation des exemplaires, de cinq cens livres d'amande et autre plus grande peine s'il y eschet; nonobstant oppositions, ou Appellations quelconques, pour lesquelles ne sera differé, et dont si aucunes interviennent, Nous avons reservé et reservons la cognoissance, à Nous et à nostre Conseil, et icelle interditte à tous autres Juges.

  A006000670 

 Et plus bas Par le Roy..

  A006000681 

 Voulons et nous plaist qu'en faisant mettre au commencement, ou à la fin dudict Livre un bref, ou sommaire extraict des presentes, ensemble le consentement et permission dudict sieur Evesque de Geneve, elles soyent tenuës pour suffisamment signifiées, et venuës à la cognoissance de tous, comme si plus particulierement elles estoyent exprimées: Car tel est nostre plaisir.

  A006000739 

 Par tout là où je me trouverois j'y appliquerois bien mon esprit le plus qu'il me serait possible, [et] à bien observer les Regles et Constitutions.

  A006000741 

 Et tousjours je tascherois le mieux que je pourrois de faire toutes mes actions en la presence de Dieu, avec le plus d'humilité et d'amour qu'il me seroit possible, car on apprend ceans à faire ainsi, n'est-il pas vray? Et qu'avons-nous à faire nous autres que cela? [399] rien du tout.

  A006000741 

 Si nous avons bien eu le courage de quitter ce que nous avions au monde, il en faut bien plus avoir pour nous quitter nous-mesmes.

  A006000748 

 Ceste humilité icy, si elle ne passe pas plus avant, elle n'est pas grande chose, et en effect elle est fort commune; car il se trouve peu de personnes qui vivent avec tant d'aveuglement qu'ils ne cognoissent assez clairement leur vileté, pour peu de consideration qu'ils fassent; mais neantmoins, si bien ils sont contrains de se voir pour ce qu'ils sont, ils seroyent extremement marris si quelqu'autre les tenoit pour tels.

  A006000749 

 O Jesus, vous respondront-ils, excusez-moy, je ne vaux rien et ne suis que la misere mesme et imperfection; mais ce pendant ils sont extremement ayses de s'entendre louer, et encor plus si vous le croyez comme vous le dites.

  A006000749 

 Parlez à une femme la plus vaine du monde, à un courtisan de mesme humeur, dites-leur voir: Mon Dieu, que vous estes braves, que vous avez de merite! je ne vois rien qui approche de vostre perfection.

  A006000750 

 Le troisiesme degré est d'avouer et confesser nostre vileté et abjection quand les autres la descouvrent: car souventesfois nous disons bien nous-mesmes, voire avec sentiment, que nous sommes pervers et miserables, mais nous ne voudrions pas qu'un autre nous devançast en ceste declaration; et si l'on le fait, non seulement nous n'y prenons pas plaisir, mais de plus nous nous en piquons, qui est une vraye marque que nostre humilité n'est pas parfaite ni de la fine.

  A006000752 

 Le cinquiesme, qui est le dernier et le plus parfait de tous les degrés d'humilité, c'est non seulement d'aymer le mespris, mais de le desirer, de le rechercher et s'y complaire pour l'amour de Dieu: et ceux qui parviennent icy sont bien heureux, mais le nombre en est fort petit.

  A006000762 

 Le plus ordinaire sejour de l'ame devote doit estre au pied de la Croix de Nostre Seigneur, car l'on obtient davantage de Dieu par le chemin de l'humilité et reverence; et il ne se faut pas trop avancer par la voye de la confiance, de peur qu'il ne nous arrive comme à l'Espouse, qui pria son Amy de luy monstrer le lieu où il reposoit sur le midy.

  A006000763 

 A mesure que l'on s'abaisse par humilité, à mesure l'on croist en vertu, et non plus.

  A006000763 

 La rose croist entre les espines: de mesme, les meilleures et plus solides vertus croissent [402] et se maintiennent parmi les plus dures contradictions.

  A006000770 

 La femme vertueuse est d'autant plus excellente dans sa vertu, que son sexe semble estre fresle et fragile..

  A006000772 

 C'est une des plus grandes graces que nous puissions recevoir de Nostre Seigneur que la cognoissance de ce que nous sommes, par quelque voye que ce soit..

  A006000776 

 Il ne faut pas desirer d'arriver à la perfection tout à coup; il faut aller le chemin commun et ordinaire, qui est le plus seur..

  A006000777 

 Apres que Nostre Seigneur se fut transfiguré, les disciples ne virent plus que luy: en tout ce que nous faisons nous ne devons rien voir que Nostre Seigneur..

  A006000779 

 Saint Bernard disoit: Tant plus je m'examine diligemment, plus je trouve de defauts en ma conscience.

  A006000780 

 Les mortifications qui ne sont point apprestées à la sauce de nostre propre volonté sont les meilleures et plus excellentes, et aussi celles que l'on rencontre par les rues sans y penser et que l'on ne cherche pas, et celles qui nous sont journalieres quoy que petites..

  A006000781 

 Il est meilleur et plus seur d'establir le royaume des vertus en guerre qu'en paix, bien qu'il ne faille desirer ni la paix ni la guerre; mais si cela estoit remis à nostre choix, il faudroit choisir la guerre, parce qu'il y auroit plus de tesmoignage de nostre fidelité..

  A006000787 

 Il faut tousjours que les Filles de la Visitation se tiennent pour novices, recevant avec humilité d'un chacun les advis qui font arriver le plus tost à la perfection.

  A006000787 

 Nous sommes obligés d'une obligation particuliere de nous perfectionner et nous donner à Dieu sans reserve quelconque, et quand on se sent pauvre et desnué de vertus il faut avoir de plus grandes pretentions de bien faire.

  A006000809 

 Nous luy dismes plusieurs fois qu'il en recevrait beaucoup d'incommodités; il dit tousjours que non, et qu'il serait mieux qu'il ne meritoit, et de plus, qu'il serait proche de ses cheres filles.

  A006000809 

 » Et nous [407] dit avec une façon si pleine d'humilité et de douceur: « Je voy bien que vous avez envie de vous defaire de moy; mais, je vous prie, permettez que je loge là, et ne vous mettez nullement en peine que je ne sois pas bien; car en verité je couche à Neci dans une chambre qui est dix fois plus froide que celle-là.

  A006000818 

 Luy parlant s'il trouvoit bon qu'en nos maisons on nourrist les confesseurs, il respondit: « Pour moy, si j'estois confesseur de Sainte Marie, ce que je ne merite pas (il est vray que je ne le merite pas; ce bien seroit le plus grand bonheur pour moy que je peusse jamais esperer, que de me voir confesseur de la Visitation et deschargé de toute autre chose), mais si cela estoit, j'aymerois mieux me nourrir comme je pourrois, que de donner l'incommodité aux Religieuses de m'apprester mes repas, et leur donner cognoissance de mes imperfections quand je serais ennuyé, degousté et un peu difficile aux viandes.

  A006000820 

 O Dieu, est-il possible qu'on prenne si mal les choses, et qu'on suive si fort ses inclinations! N'ont-elles point remarqué en tant d'endroits des Constitutions, la tranquillité qui leur est tant recom mandée, laquelle ne se doit jamais perdre pour chose que ce soit? J'ay remarqué ces affections à nos Sœurs d'Annessy: quand elles ont des charges, elles ne voudroyent pas que rien leur manquast, et quand elles ne les ont plus, elles ne s'en soucient pas.

  A006000827 

 Mais que pour les confessions ordinaires il n'en faut pas beaucoup dire; le plus, deux ou trois.

  A006000829 

 Et quant à l'acte de contrition, il dit que pour le bien faire il faut avoir un regret du mal passé et une resolution de ne le plus commettre, et le detester de tout son cœur.

  A006000829 

 Le bon acte de contrition consiste à avoir une ferme resolution de ne vouloir plus offencer Dieu..

  A006000831 

 Si on le fait, ne vous en mettez pas en peine, non plus que si on vous mesprisoit, et n'amusez point vostre esprit à tout cela..

  A006000832 

 Il faut suivre les discours quand Nostre Seigneur nous y attire, mais il faut tascher de nous advancer à la perfection par la voye la plus simple et n'estre pas si fine.

  A006000842 

 L'oraison est une pure attention de nostre esprit en Dieu; tant plus elle est simple et desnuée de sentiment, et plus elle est oraison.

  A006000842 

 Pour nous bien preparer pour l'oraison il faut y aller avec une grande humilité et recognoissance de nostre neant, invoquant l'assistance du Saint Esprit et celle de nostre bon Ange, et se tenir bien coye durant ce temps-là, en la presence de Dieu, croyant qu'il est plus en nous que nous-mesme; et, bien que nostre oraison soit privée de discours et consideration, il n'y a nul danger, car elle ne depend point du discours ni de la consideration.

  A006000849 

 Il ne faut pas pleurer inutilement, car si nous devons rendre compte des paroles inutiles, à plus forte raison des larmes jettées sans sujet.

  A006000854 

 Quant au bon et vray gouvernement, il ne depend point des talens naturels, mais de la grace surnaturelle, laquelle donne beaucoup plus parfaitement l'experience qui est necessaire, que ne fait toute la sagesse et prudence humaine, quoy qu'avec moins d'esclat, en quoy consiste son excellence..

  A006000856 

 Il n'y a chemin plus asseuré que celuy de la souffrance, pourveu qu'on souffre avec amour, douceur et patience, et par là on pourra imiter Nostre Seigneur et tous les Saints.

  A006000861 

 Il est vray que la charité donne le prix à nos œuvres, et n'y a que Dieu qui la puisse donner; attendez-la plus de luy que de vous-mesme.

  A006000869 

 C'est de faire toutes nos actions pour sa plus grande gloire, et avoir son cœur attentif à luy; et ne pensez pas pour cela qu'il faille estre tousjours à genoux.

  A006000871 

 Et quand les tentations d'envie viennent de ce que nos Soeurs font mieux, ou sont plus aymées que nous, il faut tordre son cœur comme une serviette pour le faire venir à la raison..

  A006000882 

 Il nous dit que ce qu'il avoit mis dans les Constitutions cela n'estoit pour autre cause que pour celles qui n'ont pas la confiance de le dire à elle-mesme, mais que les plus confidentes sont les meilleures..

  A006000885 

 Saint Bernard dit qu'il y a peu de personnes qui se rencontrent semblables à la conduite, mais pourtant, que celle de la douceur et suavité est la plus utile; qu'on avoit beau faire et regarder de quel costé que l'on voudrait, il faut tousjours venir là..

  A006000895 

 En fin, mes cheres filles, il s'en faut aller; je viens finir la consolation que j'ay receue jusques à present avec vous: qu'avons-nous à dire? Rien plus, sans doute.

  A006000896 

 Il respondit que non, que cela n'estoit pas contraire à la simplicité et qu'il estoit bon de le faire; mais que qui voudroit regarder leurs vertus pour esplucher celles qui sont plus vertueuses que les autres, ou à fin de censurer et murmurer de leurs vertus pour y trouver à redire, ce serait là où il y aurait du mal.

  A006000896 

 On luy demanda s'il n'estoit pas mieux et plus simple de regarder les vertus de Dieu que non pas celles des Superieures et des Soeurs.

  A006000899 

 Il ne faut non plus craindre qu'il nous en vienne, pourveu que nous tenions tous-jours nostre volonté superieure ferme en Dieu; et au lieu de nous amuser à de vaines craintes, il nous faut tenir nostre cœur en Dieu et nous unir à luy: car en fin il ne faut rien desirer ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun desir sinon en ce que Dieu veut faire de nous.

  A006000900 

 Il vaut mieux estre en sa cellule par obeissance, faisant un petit ouvrage, ou lisant, ou faisant que sçay-je moy quoy; et si on le fait avec plus d'amour que ne fait celle qui est à la cuisine, qui a beaucoup de peine et se brusle les yeux, si elle le fait avec moins d'amour, l'autre a plus de merite: car ce n'est pas par la multiplicité de nos œuvres que nous plaisons à Dieu, mais par l'amour avec lequel nous les faisons..

  A006000900 

 Vous demandez si on ne peut pas desirer des charges basses, parce qu'elles sont penibles, et semble qu'il y ayt plus à faire pour Dieu et plus de merite que de demeurer en sa cellule.

  A006000901 

 Et ne faut point faire ces jugemens, où il y a plus de merite; pour nous autres il n'y faut point regarder, et je n'ayme point cela de vouloir tousjours regarder au merite, car les Filles de Sainte Marie ne doivent faire leurs actions que pour la plus grande gloire de Dieu.

  A006000901 

 Il est à craindre qu'en voulant [428] choisir où il y a plus de merite, nous ne donnions le change à nostre esprit.

  A006000902 

 Ce n'est pas cela que je veux dire, Monseigneur, de regarder où il y a plus de merite; mais seulement parce qu'aux charges penibles il semble qu'il y ayt plus à faire pour Dieu que d'estre en sa cellule.

  A006000902 

 Il arrive assez souvent qu'on est aussi uni à Dieu par l'action que dans la solitude; mais en fin, je reviens tousjours: où il y a plus d'amour il y a plus de perfection..

  A006000902 

 Je vous dis bien plus: voila une personne qui souffre le martyre pour Dieu avec une once d'amour, elle merite beaucoup, car on ne sçauroit donner davantage que sa vie; mais une autre personne qui ne souffrira qu'une chiquenaude avec deux onces d'amour aura beaucoup plus de merite, parce que c'est la charité et l'amour qui donne le prix à tout.

  A006000902 

 Que si une Sœur estant en la cuisine, tenant la poële sur le feu, a plus d'amour et de charité que l'autre, le feu materiel ne le luy ostera point, au contraire, il luy aydera à estre plus agreable à Dieu.

  A006000902 

 Vous sçavez que la contemplation est meilleure que l'action et vie active; mais si en la vie active il s'y trouve plus d'union, elle est meilleure.

  A006000902 

 « Ce n'est pas par la grandeur de nos actions que nous plaisons à Dieu, comme j'ay desja dit, mais par l'amour avec lequel nous les faisons; car une Sœur qui sera en sa cellule, ne faisant qu'un petit ouvrage, meritera plus qu'une autre qui aura bien de la peine, si elle le fait avec moins d'amour.

  A006000903 

 O mon Dieu, quand sera-ce que nos Sœurs n'auront plus tant de desirs, et qu'elles s'amuseront à faire et à ne rien vouloir que ce que Dieu veut, la volonté duquel nous est signifiée par nos Regles et Superieurs!.

  A006000904 

 Je ne dis pas qu'absolument l'on [429] n'en parle point, mais qu'il est plus parfait de n'en rien dire, et se mettre en l'exercice.

  A006000914 

 « Ma fille, vostre demande est de tres-grande importance; les confessions doivent estre tellement nettes et entieres que rien plus.

  A006000915 

 Comme par exemple: la [433] cloche nous appelle le matin, qui est la voix de Dieu, et je demeure un quart d'heure apres qu'elle aura sonné; qui ne void qu'en cela ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui nous font faire le peché (car c'est un peché veniel cela), mais le mouvement de paresse par lequel nous desobeissons? Et pour la Regle, ma fille, il n'y a nul doute que les fautes que l'on fait contre ne soyent plus grandes que celles que l'on fait contre les Constitutions; car les Regles sont les fondemens de la Religion, et les Constitutions ne sont que des marques et des traces pour nous faire mieux observer la Regle.

  A006000916 

 [Aux manquements] qui se font contre la Regle par surprise, il n'y a point de peché, non plus qu'en ceux qui se font par surprise de nos passions.

  A006000917 

 Mais de deux cens il n'y en a pas deux qui le sçachent faire, les plus saints mesme y sont bien empeschés; ce qui est cause qu'on apporte de grands embarras et un amas d'imperfections en la confession, sans distinguer nullement le peché d'avec l'imperfection; et cela met bien souvent les confesseurs en peine, car il faut qu'ils distinguent pour voir s'il y a peché, et par consequent matiere d'absolution.

  A006000923 

 Mais je vous diray bien que les Superieures se sentent obligées à une sainte austerité en l'observance de la Regle; cela les rend plus retenues.

  A006000934 

 Mais il faut au commencement examiner la source de nostre aversion, qui souvent se trouve proceder de nostre imperfection; parce que quand le mal est cogneu il est plus facile à guerir, et l'ayant recogneu il faut mortifier la passion d'où il procede..

  A006000936 

 Un exemple: il y en a qui [438] ont une grande inclination à la propreté, et concevront de l'aversion contre une personne malpropre, et feront une correction plus aspre pour ceste messeance que non pas pour quelque grand peché; or, cela est une grande imperfection.

  A006000939 

 Il y a tousjours un petit mot à dire sur le sujet des aversions, bien que non pas pour nous arrester beaucoup, car nous l'avons desja dit d'autres fois qu'il ne se faut pas estonner si l'on ne rit pas de si bonne grace que si l'on n'en avoit point, non plus que quand on se trouve mal; car en ces deux occasions, pourveu que l'on se sousrie un peu et que l'on ne tienne pas sa contenance refrognée quand on nous parle, nous nous devons contenter; car quand la [439] passion est fort esmeue il est bien difficile de faire meilleure mine, au moins avec ceux auxquels nous avons de l'aversion ou quand le mal nous presse.

  A006000949 

 Les mortifications que nous choisissons, encores qu'elles soyent repugnantes à nostre nature, depuis que nous en avons fait l'election, il n'y a plus de difficulté parce que nostre nature en tire de la vanité; mais celle qui est faite par nos Superieurs, il la faut recevoir comme de la main de Dieu, avec honneur et humilité.

  A006000950 

 Nous devons grandement aymer de faire et voir faire aux Soeurs tout ce qui leur peut profiter et les avancer à la perfection, et en faire beaucoup d'estime; car ces petites pratiques, encor qu'elles semblent de peu de valeur, sont plus utiles que les grandes.

  A006000959 

 Et si bien j'ay laissé la liberté à Philothée de le faire ou de ne le pas faire, selon qu'elle jugera luy estre convenable, s'occupant durant icelle à des autres prieres, soit mentales ou vocales, je l'ay fait parce que je ne la cognois pas tousjours ceste Philothée; mais cest exercice me semble estre meilleur pour estre plus conforme à l'intention de la sainte Eglise.

  A006000959 

 Outre le bien que vous ferez en vous assubjettissant à l'entendre comme les autres, puisque tout doit aller d'un mesme air à la Visitation, vous observerez de plus le conseil du grand saint Bernard, lequel dit qu'il faut, aux prieres communes, joindre nostre attention à l'intention pour laquelle elles sont faites.

  A006000969 

 Mais dites-vous, ma chere fille, si les Sœurs ont une Superieure qui ne les reçoive point avec l'esprit de suavité quand elles viennent à elle, soit quand elles ont besoin de luy parler ou qu'elles demandent quelque congé, et par ce moyen leur oste la confiance de recourir à elle en leurs necessités, s'il leur seroit point permis de s'adresser à celle qui tient sa place et son authorité quand elle n'y est pas, sous le pretexte de ne pas tant importuner la Superieure, et de plus, à fin d'avoir le congé que peut estre elle ne leur donneroit pas? O non certes, ma chere Sœur, l'on ne doit pas faire cela, sinon que la Superieure fust tellement empeschée que l'on l'incommodast bien de luy parler.

  A006000971 

 Mon Dieu, que les Sœurs qui auroyent une Superieure qui ne les aymeroit pas seroyent heureuses! bien que cela ne se puisse, car la Superieure ayme tousjours les Sœurs de cest amour effectif dont nous avons parlé, leur procurant tout le bien qu'elle peut par l'exercice de sa charge, selon qu'elle y est obligée; mais de cest amour effectif, tendre et mignard que nous desirons si cherement, c'est de celuy-là que je veux dire; car moins la Superieure nous aymera de ceste sorte, et moins d'amusement nous aurons autour [444] de cest amour, si que nous aurons plus de temps pour nous occuper de Nostre Seigneur et pour nous tenir retirées aupres de Dieu qui doit estre nostre soin particulier..

  A006000972 

 Car, comme l'amour de la propre opinion, quand elle s'attache és choses de la foy, nous fait tomber en heresie et nous rend malheureux (comme il advint aux Anges qui, s'estans trop attachés à l'opinion qu'ils avoyent formée qu'ils devoyent estre quelque chose davantage qu'ils n'estoyent, furent par leur opiniastreté à soustenir et aymer leur opinion rendus, d'Anges glorieux, diables, eternellement damnés et eternellement attachés au mal, si que jamais plus ils ne s'en peuvent desprendre; où au contraire les Anges pour s'estre sousmis, se sont tellement attachés à Dieu que jamais ils n'en peuvent estre destachés, car ayans par la subtilité de leur esprit une fois penetré le fond de quelque verité ils n'en demordent jamais), de mesme, si nous n'apprenons à negliger et nous mocquer de la varieté de l'esprit humain, nous perdrons le temps à nous tourmenter en nous voyant si esloignés de ceste egalité apres laquelle nous aspirons, et de laquelle pourtant nous ne jouirons point absolument tandis que nous serons en ceste vie, ceste grace estant reservée aux esprits bienheureux là haut au Ciel.

  A006000972 

 Et bien que, comme je viens de dire, nous ne la puissions pas avoir absolument en sa perfection en ceste vie, nous devons pourtant tascher de l'avoir au plus haut degré que nous pourrons..

  A006000973 

 Les personnes qui font estai de servir Dieu le plus fidelement qu'elles peuvent, ne sont pas exemptes de l'ambition, non, mais elles l'exercent aux desirs des choses interieures, souhaitans les vertus au plus haut degré de leur perfection; [445] mais l'amour tendre et affectif ayant plus de pouvoir sur elles que non pas sur les mondains, les fait amuser à ce desir sans s'appliquer soigneusement et laborieusement à la recherche de venir à chef de leur pretention et sainte entreprise, parce qu'il leur cousteroit cher de renoncer à soy-mesme en tant d'occasions.

  A006000973 

 Or sus, n'avons-nous pas assez dit touchant ceste tendreté que nous avons sur nous-mesme, tant de l'interieur qui regarde l'esprit, comme des choses qui regardent le corps? Les plus spirituels s'ayment bien aussi de l'amour effectif; car nous avons dit que les mondains s'ayment grandement de cest amour, se souhaitans par une affection pleine d'ambition tant de biens et tant d'honneurs qu'ils n'en sont jamais contens.

  A006000974 

 Je l'ay dit à Philothée; à plus forte raison le doivent faire ceux qui en ont fait le vœu.

  A006000974 

 Nostre glorieux Pere saint Augustin dit dans vos Regles que celuy-là est plus heureux lequel n'a pas besoin de beaucoup, que celuy qui a besoin de beaucoup de choses de quoy les autres se passent bien.

  A006000976 

 Il y en a qui demandent des croix, et ne leur semble jamais que Nostre Seigneur leur en donnera assez pour satisfaire à leur ferveur; moy je n'en demande point, seulement je desire de me tenit prest pour porter celles qu 'il plaira à sa Bonté de m'envoyer, le plus patiemment et humblement que je pourray.

  A006000977 

 En fin j'aymerois mieux porter une petite croix de paille que l'on me mettrait sur les espaules sans mon choix, que non pas d'en aller couper une bien grande dans un bois avec beaucoup de travail, et la porter par apres avec une grande peine; et je croirois, comme il seroit veritable, estre plus agreable à Dieu avec la croix de paille que non pas avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, parce que je la porterais avec plus de satisfaction pour [447] l'amour propre qui se plaist tant à ses inventions et si peu à se laisser conduire et gouverner en simplicité, qui est ce que je vous desire le plus.

  A006000978 

 Je mangerais tousjours ce qui se rencontrerait de mon costé, et selon mon appetit ou necessité, et puis je laisserais le reste, bien que ce fust ce qui seroit plus à mon goust; mais si j'avois bien du degoust, je choisirais ce que je pourrais mieux manger: hors de là, je prendrais sans choix ce qui me seroit donné et au mesme ordre qu'il me seroit donné..

  A006000979 

 Non, ma chere Sœur, la charité ne requiert pas que les Sœurs se tiennent en attention pour recognoistre et remarquer si quelque chose ne manque point à quelques unes, tandis qu'elles n'en ont point de charge; mais si elles apperçoivent quelque necessité en une Sœur elles doivent en advertir la Superieure tout simplement, sans l'agrandir ni la diminuer, non plus que si c'estoit pour elles-mesmes..

  A006000980 

 A cela, ma chere fille, je vous responds que ce qui a esté fait pour ce regard jusques à present n'a pas esté mal; mais si est-ce pourtant que desormais il ne le faut plus faire.

  A006000980 

 Vous demandez si c'est manquer à l'observance et faire mal que de choisir une serviette plus deliée pour la Superieure, et ne luy donner pas celle qui se rencontre, sans choix, comme l'on fait aux [448] autres Sœurs.

  A006001000 

 Je sçay que les Peres Jesuites, s'ils se rencontrent cent fois le jour, ils tirent tousjours le bonnet; et pour vous, vous vous ferez l'enclin de la teste seulement lors que vous vous rencontrerez; et pour observer plus d'esloignement des manieres du monde, aux seculieres vous ferez des enclins.

  A006001005 

 « La sobrieté est de manger selon sa necessité, rien de plus, chacune selon sa portée; les melancoliques pour l'ordinaire mangent plus que les autres.

  A006001021 

 En leur faisant ses adieux, il leur dit qu'elles monteroyent et s'envoleroyent comme des passereaux, et prendroyent leur essor sur les celestes monts en la terre des vivans; ou bien comme des chastes colombes en leur colombier, esloignées de toutes sortes de bruits et du tumulte du monde, et par consequent plus capables de la vraye tranquillité d'esprit, pour respandre leur ramage en la presence de leur celeste Espoux.

  A006001021 

 « Mais sçachez, ma fille, » adjousta-t'il, « que ce ne sera pas sans me faire violence, car je vois le monde d'un certain œil que Dieu me fait la grace de devenir tousjours plus simple et moins mondain parmi les artifices de la Cour.

  A006001021 

 » Et il dit à la Superieure qu'il avoit beaucoup plus senti de devotion en son Monastere que despuis son despart de Paris.

  A006001027 

 Cependant l'arondelle ne changeroit pas en façon quelconque sa pauvre couchette, au precieux lict branlant du cinnamologue; elle repose plus à son aise dans son vil panier, qu'elle ne ferait dans l'odoriferant cabinet de ce royal oyseau.

  A006001027 

 Donc, preferez les autres Ordres au vostre en honneur et en estime, mais preferez le vostre à tous les autres en amour, comme plus proportionné à vostre capacité.

  A006001027 

 Vostre Congregation, mes filles bien-aimées, est un nid d'arondelles, elle est bastie de faciles constitutions selon vostre portee; laissez les autres Congregations, establies sur des hauts statuts, ardus et sublimes, pour les cinnamologues, c'est à dire pour les esprits plus parfaits.

  A006001030 

 Chacun se mit en devoir d'en chercher, et de tous les quartiers quasi de la Chrestienté, les Evesques, les Cardinaux et les Princes en envoyerent si grande quantité, que l'on fut contraint d'escrire en divers endroits qu'il y en avoit plus qu'il ne falloit.

  A006001030 

 Faites vous resolution d'estre chaste? Ouy; ô bien, je le seray, et quoy qu'il en puisse arriver, je mourray plustost que de consentir à la moindre impureté du monde: que le diable arme ses puissances, je ne le craindray point; je suis plus forte que luy, Dieu est mon Pere et il combatra pour moy.


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
  A007000126 

 Le lieu me donne courage, puysque j'y vois mon Reverendissime Prælat avec la fleur de son clergé, mon vray pere spirituel; j'y vois le meilleur de la ville en laquelle ayant esté nourri et eslevé en ma plus tendre jeunesse, je l'honnore et m'en pense prævaloir comme d'une bonne mere.

  A007000126 

 On me dira que cela s'entend de ceux qui avoyent receu le Saint Esprit; hé bien, pourquoy ne le recevray je pas avec vous? Si feray certes, si comme les Apostres et disciples nous nous mettons unanimement avec devotion a prier Dieu cum Maria Matre Jesu, laquelle [2] affin qu'elle nous assiste de son intercession, mes Freres, a ce mien commencement, jettons nous plus fervemment que jamais a ses piedz et la saluons; et puys, in nomine Domini laxabo rete.

  A007000126 

 Que si les peres et meres, quoy qu'ilz prisent plus les aisnés, ilz caressent neantmoins et cherissent plus tendrement les plus petitz, je vous accorde, Messieurs, que comme la rayson le veut bien, vous prisies plus tous les autres prædicateurs; mays je demande par droit de petitesse et de minorité d'estre cheri, et qu'on prenne en bonne part mes affections au lieu auquel j'ay jetté les premieres semences du fruict duquel maintenant je vous offre les premices.

  A007000128 

 En l'incomprehensible et beaucoup plus indicible abisme de ceste eternité en laquelle regne glorieusement la Majesté divine, le Pere eternel, regardant sa propre substance et infinité, conceut en son entendement et produisit, parla et dict une parolle ou un Verbe, representant et exprimant si parfaittement sa substance, essence et divinité, qu'a ce Verbe il communiqua sa propre essence et divinité, engendrant en ceste maniere son Filz aussi vrayement Dieu que le Pere, et par la mesme divinité que le Pere.

  A007000132 

 Neantmoins, par une certaine appropriation et commodité de langage, les œuvres qui ressentent plus le pouvoir ont accoustumé d'estre accommodëes au Pere, comme la creation et semblables, parce qu'il est source et origine de toute puyssance et divinité; les œuvres qui ont plus d'apparence de sagesse, au Filz, digne generation de l'entendement paternel; celles de bonté, au Saint Esprit, amour et charité unique du Pere et du Filz..

  A007000137 

 Et comme des gourmans, nous disons qu'ilz ont l'ame en la panse, et de certaine nation, qu'elle a l'ame au bout des doigtz, pour ce que ne monstrant d'ailleurs guere de bon entendement, elle en faict plus paroistre es ouvrages manuelz, ainsy (et vaille la comparayson tant qu'elle pourra) nous disons le Saint Esprit descend la ou il faict quelque particuliere operation et participation de ses graces, ou pour le moins quelque nouvelle demonstration, comme quand il descendit sur Nostre Seigneur en son Baptesme; car la il ne communiqua pas nouvelle grace, Jesus en ayant la plenitude des sa conception, mais il donna seulement l'attestation de sa grandeur..

  A007000139 

 Ne sçaves vous pas que le plus souvent, l'esté principalement, avant que pleuvoir il tonne et fait vent? Ainsy aujourd'huy il tonne et fait vent, pour monstrer qu'il veut pleuvoir les douces pluyes des consolations du Saint Esprit, ainsy qu'il est escrit: Flabit spiritus ejus, et fluent aquæ.

  A007000140 

 Alhors ces pauvres laboureurs en plus grand soucy, avec plus de souspirs et affligees affections, estendans leurs mains noyres au ciel, empoignans la chandelle beniste, prient le Createur de destourner son ire, representans la misere de la pauvre famille, si ceste nuëe vient a l'effect dont elle menace; quand voicy que goutte a goutte ceste nuëe descend toute en pure eau, et abbreuve ces si alterees campaignes a souhait, ressemblant plustost a une grosse rosëe qu'a une impetueuse pluÿe.

  A007000140 

 Lhors le laboureur a bien dequoy louer Dieu de voir son jardin et campaignes reverdoyer plus que jamais, les fleurs se redresser, et tous les fruictz, par maniere de dire, reprendre l'haleyne que la chaleur leur avoit ostëe, et representer aux pauvres semeurs le banquet prætendu d'une abondante cueillette..

  A007000141 

 Mais ce bruit, ce vent, ceste impetuosité, au lieu de frayeur se changea en une douce pluye des graces celestes, qui abbreuva si a souhait leurs courages, que des lhors il ne se parla plus de secheresse, ni d'aridité, ni de fletrisseure; car il leur arriva ce qui est dict de l'homme de bien par le saint roy David, lequel dict: Tanquam lignum quod plantatum est secus decursus aquarum, quod fructum suum dabit in tempore suo; et folium ejus non defluet, et omnia quæcumque faciet prosperabuntur..

  A007000141 

 Tous ensemble faisoyent prieres pour impetrer la sainte rosëe de l'Esprit consolateur, quand voyci ce vent impetueux et ce bruit du ciel remplir de frayeur leurs craintifz courages, et leur faire jetter de plus en plus des souspirs de prieres a la divine Majesté.

  A007000143 

 Et d'autant que le feu est plus noble que l'eau, d'autant est ceste reformation plus grande que la formation; et d'autant que le feu est plus actif que l'eau et plus puyssant, reduisant en feu quasi tout ce qui luy est præsenté en un moment, ce que l'eau ne fait pas, aussi y a il plus de puyssance et de majesté a reformer le monde qu'a le former, a le renouveller qu'a le creer.

  A007000144 

 Or les theologiens, non contens de sçavoir resolument que plus admirable a esté la Majesté divine en la reformation qu'en la formation du monde, ains que plus est admirable la justification du simple et seul pecheur, laquelle neantmoins se faict tous les jours en cent mille lieux du Christianisme, non contens, dis je, de le sçavoir, ilz demandent entr'eux le pourquoy, affin par apres de pouvoir rendre conte aux curieux de leur dire, et de faire mieux connoistre aux hommes la grace que Dieu leur [11] faict quand il les appelle a pœnitence.

  A007000149 

 Ce n'est donq pas merveille si le Saint Esprit ayant fecondé les eaux pour l'institution du monde, il a voulu feconder le feu pour la restitution d'iceluy; car besoin estoit de plus d'efficace pour le r'habiller que pour le faire..

  A007000152 

 Et spiritu oris ejus; et par le Saint Esprit, qui est respiré par la bouche et sapience du Pere comme un souspir d'amour, toute leur vertu a esté perfectionnëe et tellement establie, que des lhors, selon la plus probable opinion, non seulement quant a la foy, qui est chose certaine, mais mesme quant aux mœurs, les Apostres ne firent onques faute.

  A007000153 

 Il va poursuyvant, que les Apostres fortifiés par cest Esprit desracineront la gloire et vanité mondaine: Et comminuet eas tanquam vitulum Libani; c'est a [16] dire, le Seigneur ayant consolé, conforté, corroboré avec ce son, ce vent et ce feu les cœurs des Apostres, par leur ministere il fracassera, il fera sauter, il dissipera cedros Libani, c'est a dire les plus haut eslevés mescreans et infidelles: et ainsy est il advenu, mes Freres.

  A007000153 

 O quelle est la memoire du glorieux Apostre saint Pierre, pauvre pescheur, deschaussé, desnué et simple! Grand est le palais, la basilique, le monument de saint Pierre; celle de Neron n'est plus rien.

  A007000153 

 Ou sont ces glorieux Cesars, ou sont tant de grans personnages en guerre qui estoyent du tems des Apostres? Ou eux, ou leur posterité ne se sont ilz pas mis a genoux aux piedz des Apostres ou de leurs successeurs? Dites moy un peu, ou est la memoire de Neron? il ne s'en parle plus qu'en mal.

  A007000161 

 Et de cest enfantement des Apostres que s'ensuit il? Deus revelabit condensa; il s'ensuit que le sombre et touffu bois et forest de l'ignorance et aveuglement du monde a esté esclairci et descouvert, les arbres en ont esté abattus et rués par terre, si qu'apres ceste descouverte il n'y a personne qui puisse plus dire: Quis ostendit nobis bona? car par tout le son de la trompette evangelique a esté ouÿ, pour nous advertir de quel costé nous nous devons jetter a la retraitte, et par [19] tout il y a des autelz dressés a sa Majesté et des temples, si que in templo ejus omnes dicent gloriam..

  A007000167 

 Je ne veux pas m'amuser [22] beaucoup icy, car s'il plaist a Dieu de se servir de moy en ce ministere, je vous en parleray plus d'une fois.

  A007000169 

 Ceux cy sont les plus advisés, car il n'est permis de mesdire sans danger, en ce tems ou nous sommes, de personne sinon de l'Eglise, de laquelle chacun est censeur, chacun la sindique.

  A007000170 

 O mon ame, n'est ce pas toy qui es cause de ce mal, qui as faict tant de pechés sur pechés, tant d'offenses, tant de laschetés que justement l'ire de Dieu est tombëe sur tout un peuple? Ne sçais tu pas qu'autrefois, s'ilz se fussent trouvé dix hommes de bien, le bon Dieu, pour leur respect, eust gardé toute une ville de ruine (au Gen., 18 )? Ah, que peut estre manquoit il le dixiesme en ce païs; que si tu te fusses reformé, peut estre eusses tu accompli le nombre: o quel grand bien! Et ne me respons pas: Pourquoy les autres n'y ont ilz advisé? car ilz en ont plus affaire que toy.

  A007000173 

 Gardes, mes Freres, car c'est offencer Dieu de demander la paix pour faire des superfluités, pour des passetems; il la faut demander pour plus commodement le servir, comme faysoit ce Prophete: Ut sine timore, de manu inimicorum nostrorum liberati, serviamus illi; et comme fait l'Eglise: « Ut et corda nostra mandatis tuis dedita, et, hostium sublata formidine, tempora sint tua protectione tranquilla.

  A007000176 

 L'Evangeliste dict bien qu'il y avoit des hommes et des femmes, a fin de monstrer que tous devons attendre le Saint Esprit; mays il nomme celle cy, pour monstrer qu'elle estoit plus que femme, comme la Dame des Apostres, et partant il ne dict pas qu'elle fut avec les Apostres, mays les autres estoyent avec elle et sa suite.

  A007000179 

 Mais de cecy, une autre fois; il faudra que vous me facies ce bien que de m'assister pour ouyr des louanges de ceste Vierge un peu plus amplement; et ce pendant je la prieray qu'elle me rende capable.

  A007000194 

 Quand je considere que l'Eglise nostre Mere nous propose en la joyeuse octave de la nativité de saint Jan la solemnité de la mort douloureuse de saint Pierre, sçachant qu'elle est conduitte du Saint Esprit, je crois qu'elle le faict pour quelque similitude et rapport qu'il y a entre la mort de l'un et la nativité de l'autre; pensëe en laquelle je suys d'autant plus confirmé, que je vois que la mesme Eglise appelle aussi bien naissance la mort de saint Pierre que la nativité de saint Jan, voyant que non seulement en la mort, mays encores en leur vie mesme, j'y trouve certaine alliance et grande ressemblance, quoy qu'en certains pointz il y aye de la dissimilitude, comme il y en a tousjours entre les choses du Viel et du Nouveau Testament..

  A007000195 

 Certes, quand j'ay leu au Genese que Dieu fit deux grans luminaires au ciel, l'un pour præsider et esclairer le jour et l'autre pour la nuict, incontinent j'ay pensé que c'estoyent ces deux grans Saintz, saint Jan et saint Pierre; car ne vous semble il pas que saint Jan soit le grand luminaire de la Loy mosaïque, laquelle n'estoit qu'une ombre ou comme une nuict au regard de la clairté de la Loy de grace, puysqu'il estoit plus que prophete? Encores qu'il ne fust pas lumiere, toutesfois il portoit tesmoignage de la lumiere, par [33] quelque participation de la lumiere laquelle in tenebris lucet; Joan., I.

  A007000196 

 Ce que je ne dis pas pour vous faire entendre que saint Jan ne sceust bien la verité, mais affin que vous sçachies que comme saint Pierre, qui estoit le luminaire qui præsidoit au jour, parle ouvertement, aussi saint Jan, pour s'accommoder au tems auquel il præsidoit, qui estoit le tems des ombres et des figures, il parle plus couvertement..

  A007000197 

 Mais puysque nous sommes sur le mistere de la vocation de saint Pierre, je vous veux descouvrir a ce propos une consideration plus profonde..

  A007000198 

 Pharao avoit commandé aux sages-femmes des Hebrieux qu'elles tuassent tous les enfans masles d'Israël; la mere de Moyse, l'ayant enfanté et gardé troys moys, en fin ne le pouvant plus cacher, elle le mit en un panier de joncs qu'elle accommoda le mieux qu'elle peut, puys l'exposa parmi certaines herbes aquatiques au bord de l'eau; et la fille de Pharao y venant pour se baigner, l'appercevant, le fit prendre, et voyant que ce petit enfant estoit fort beau, par bonheur elle le fit nourrir par sa mere propre; et parce qu'elle l'avoit retiré des eaux, elle l'appella Moyse, c'est a dire retiré; Exod., 1 et 2.

  A007000203 

 Mais les derniers sont sanctifiés, non seulement d'une sanctification commune qu'on appelle justification, ains d'une sanctification singuliere de laquelle ilz ne peuvent plus descheoir.

  A007000206 

 Les philosophes ayant recherché, il y a plus de deux mille ans, les causes du flux et reflux de la mer, ne l'ont jamais sceu comprendre; mais je ne vous donne pas ce terme pour sçavoir la solution de ceste question: estudies seulement par imitation la sainteté de ces deux grans Saintz, et la pluspart de ceux qui sont icy le sçauront dans peu de tems..

  A007000207 

 Mais je ferois tort au passage de la Sainte Escriture que j'ay cité au commencement de ce sermon, si je m'arrestois davantage a poursuyvre les ressemblances qui sont entre la nativité de saint Jan et la mort de saint Pierre, puysque j'ay tant d'occasion de faire une comparayson plus haute, c'est a sçavoir entre la mort de saint Pierre et celle de nostre divin Sauveur..

  A007000209 

 Car il y a plusieurs noms qu'elle n'a pas seulement en apparence et similitude mays en verité, comme Mere de grace, Mere de Dieu, et par consequent Reyne des Anges et Imperatrice du Ciel et de la terre, Advocate des pecheurs, Mere de misericorde; car celle qui est vrayement Mere de Dieu a tous ces tiltres avec plus de rayson, ce semble, qu'un roy ne porte le nom de son royaume.

  A007000211 

 Le lieu ou saint Pierre a esté crucifié, c'est Rome sans doute, car ainsy le rapporte toute l'antiquité; de quoy nos adversaires sont bien marris, et veulent non seulement nier qu'il soit mort a Rome, mais encores qu'il y aye reside, avec des raysons les plus impertinentes et frivoles qu'on se puisse imaginer.

  A007000214 

 Combien plus, dis je, penses vous que ce divin Sauveur fust espris de l'amour de saint Pierre, qui estoit comme son image, plongé dans les eaux de la tribulation du martire? Nonne oportuit, dict il aux disciples d'Emaüs, Christum pati, et ita intrare in gloriam suam? Luc., 24; de mesme je diray: Nonne oportuit Petrum pati, et ita intrare in gloriam Domini sui? Ouy sans doute, car Nostire Seigneur luy avoit dict: Sequere me; viens a la gloire, mays comme moy..

  A007000214 

 Et si Narcisse qui n'ayma jamais aucune personne, fut si espris voyant sa propre ressemblance, combien plus Nostre Seigneur qui ne fit jamais qu'aymer? Aussi son cher Disciple disoit de luy: Cum dilexisset suos, in finem dilexit eos, Joan., 13; et en un autre lieu, il est dit: In charitate perpetua dilexi te; Hierem., 31.

  A007000216 

 D'où vient cela? Un excellent docteur de nostre tems croit que c'estoit a fin que saint Pierre fust adverti de ne point s'enorgueillir, et qu'il se souvinst de ce qu'il estoit devant que Nostre Seigneur l'appellast Pierre; mays il y a, comme j'estime, un plus profond mystere.

  A007000218 

 Or, il me semble que ce grand Saint estant sur la croix, disoit a telles gens ces parolles que saint [46] Pol disoit aux Galates: De cætero nemo mihi molestus sit; ego enim stigmata Domini mei in corpore meo porto; comme s'il vouloit dire: Que personne ne me vienne plus reprocher mon peché; car, outre que je m'en suis lavé dans mes larmes, maintenant je fais preuve de ma fidelité, reparant par ma mort la faute que j'avois commise par la crainte de la mort..

  A007000218 

 Saint Pierre une fois fit le courageux, disant a Nostre Seigneur: Etiam si oportuerit me mori tecum, non te negabo (Matt., 26 ); puys, a la voix d'une chambriere, il le renia troys foys, et ayant reconneu son peché, tout incontinent il se retira pour le pleurer amerement; et non seulement alhors, mays il le pleura toute sa vie, ainsy que dict saint Clement, de sorte qu'il pouvoit bien dire: Seigneur, vous m'arrouseres de l'hyssope de la contrition, et je seray nettoyé de mon peché; vous me laveres dans l'eau de mes larmes, et je seray plus blanc que la neige.

  A007000219 

 De plus, Nostre Seigneur, quand il mourut, avoit tousjours la face et les yeux tournés contre la terre, pour monstrer qu'il n'auroit pas moins de soin de son Eglise apres sa mort qu'avant icelle, et qu'il vouloit tousjours en estre le Pasteur; saint Pierre renversa la teste contre la terre, et les yeux contre le ciel, pour monstrer qu'en mourant il quittoit sa charge a son successeur.

  A007000223 

 Saint Pierre est pierre fondamentale fondëe sur la premiere, et seulement pour l'Eglise militante; pierre ferme, rocher asseuré au milieu de la mer de ce monde, et lequel, plus il est battu, moins change-il de place..

  A007000225 

 Ainsy voudrois-je que ceux qui pensent sçavoir quelque chose, et, appuyés sur ceste imagination, laissent croistre la pointe et vivacité de leur esprit, par un certain raysonnement humain, si longue, que, par une certaine presomption d'eux mesmes, ilz ne veulent plus recevoir la saine doctrine de l'Eglise, qu'ilz viennent briser leur raysonnement [51] contre ceste pierre: Beatus qui allidet parvulos suos ad petram.

  A007000226 

 Et quand on vient aux pieds du prestre pour les confesser, qu'est ce autre chose sinon apporter les petitz de sa volonté a la pierre? Et notes encores, mes chers auditeurs, qu'il dict parvulos suos, pour nous monstrer qu'il ne faut pas attendre que nos pechés soyent inveterés pour les confesser; car quand ilz sont inveterés, il est tres difficile de les bien declairer et encores plus de s'en amender: Quoniam tacui, dict David, inveteraverunt ossa mea.

  A007000256 

 De plus, quand les Apostres voyoient estre advenu le tems de la tribulation prædicte par Nostre Seigneur ainsy infalliblement, ce leur estoit un'arre que le tems de la recompence prædict, Et gaudium vestrum nemo tollet a vobis, Gaudete et exultate, quoniam merces, viendroit aussy infalliblement.

  A007000268 

 Ou bien, par un plus haut mistere, Nostre Seigneur dormant en croix entre deux larrons, fut frappé sur le costé, dont sortit sanc et eau, et forma son Eglise; ainsy saint Pierre, affin quil suyvit Celuy qui luy avoit commandé: Sequere me. [65].

  A007000280 

 Ainsy nostre Sauveur voyant que la divine Majesté de son Pere avoit extremement a cœur ceste bague ou dragme, la nature humaine, sans s'informer ni du prix ni d'autre chose, de premier abord pour nous racheter, il presente, d'une tres pure et tres liberale affection, un prix que ni nous ni les Anges ne valons pas, une satisfaction beaucoup plus grande que tous les pechés du monde n'avoyent peu meriter; d'ou saint Pol, en la 1.

  A007000280 

 Le gentilhomme saysi de l'amour d'une damoyselle, voyant qu'elle desire extremement une bague rare, ou seule en toute la province, surpris d'affection, ne demandera pas de quel prix est ceste bague, mais de prime abord en presentera prodiguement plus qu'elle vaut, ne regardant aucunement au prix, pourveu qu'il aye ce dont il pense contenter sa chere dame.

  A007000281 

 Mays en ceste similitude se rencontre une grande dissimilitude: c'est qu'encores que la tablette ne vaille pas les cent escuz, l'espouse neantmoins vaut cent mille fois et infiniment plus, au lieu que la nature humaine, laquelle doit estre guerie, ne vaut rien au prix du sang de Nostre Seigneur..

  A007000282 

 Ce cheval estoit affollé par son [68] peché: que faict nostre Sauveur? Sans regarder a la valeur de ce cheval, il donne un prix qui vaut infiniment plus, et pour nourrir ce chien caignardier, il tue l' aigneau qui est luy mesme..

  A007000282 

 Disons donques plustost que Nostre Seigneur a faict comme le cavalier lequel ayant un cheval faict a sa façon et qu'il ayme fort, l'appellant son favori, ce cheval estant piqué ou foulé, ou bien ayant quelque aposteme, ce cavalier pour le guerir, sans regarder a la valeur du cheval, employe en drogues plus que le cheval ne valut jamais.

  A007000283 

 Grande consignation fut celle par laquelle Nostre Seigneur consigna es mains de la justice paternelle tout son prætieux sang, duquel la moindre goutte valoit plus que tous les mondes que tu te pourrois imaginer, o mon Frere, ne sçauroyent valoir.

  A007000283 

 Ou bien disons que Nostre Seigneur ressemble au pere qui ayant son filz saysi pour crime, sans regarder a autre chose, donne au prince pour delivrer son filz plus que toutes les amendes a toute rigueur ne pouvoyent monter.

  A007000284 

 Et de vray, qu'est ce faire satisfaction d'honneur, sinon faire et exhiber honneur? Or est-il que l'honneur est plus grand a proportion de celuy qui le rend; car le moindre honneur que faict un prince vaut plus sans comparayson que tous les honneurs que sçauroit rendre un homme de basse condition, d'autant que « honor est in honorante » (I Ethic., chap. 3), l'honneur est dans celuy qui le rend..

  A007000284 

 La satisfaction est d'autant plus grande et plus valable que la personne qui la faict est grande, signalëe et de plus de merite.

  A007000284 

 Mays s'il m'envoye son filz propre, lequel me faict satisfaction et me prie ne me plus tenir pour offencé, c'est un grand honneur; ceste satisfaction est plus grande que l'injure ne pouvoit estre.

  A007000284 

 » Pourquoy? d'autant qu'injurier [69] un grand est plus de peché qu'injurier un petit, et la moindre satisfaction que faict un grand vaut mieux que toutes les injures qu'il peut faire: ainsy quand on auroit receu un soufflet d'un grand, s'il monstre d'en estre fasché, c'est asses.

  A007000285 

 Disons donques: si l'honneur est d'autant plus grand que celuy qui le faict est grand, si la satisfaction est d'autant plus grande que celuy qui la faict est grand, quelle devra estre la satisfaction, quel l'honneur de celuy qui est infiniment grand? L'honneur rendu, la satisfaction faitte par un personnage infini ne peut estre sinon infinie.

  A007000287 

 Jamais vous ne vous trouvastes plus esbahis que si vous lises deux passages qui sont en Job.

  A007000287 

 Je ne sçaurois que vous dire, sinon que ces parolles sont dites en la personne de Nostre Seigneur (ainsy qu'estime saint Gregoire, au septiesme de ses Morales, chap. 2), lequel a rayson de son infinie dignité, pouvoit bien dire que la moindre de ses peynes estoit sans comparayson plus considerable que tous les pechés de ses membres, qu'il appelle siens.

  A007000287 

 Mais au dernier chapitre c'est bien chose plus admirable de voir que Nostre Seigneur dict que Job a [71] parlé droittement et justement devant luy, et commande a ses amis qu'ilz le prennent pour intercesseur.

  A007000288 

 C'est ainsy que parlent les deux luminaires de la theologie, saint Thomas, Docteur angelique, et mon fervent et seraphique Pere saint Bonaventure, desquelz le premier dict que la redemption de Nostre Seigneur « a esté mesme surabondante et plus que suffisante.

  A007000288 

 Huguenotz, que dites vous de nous autres? vous semble il pas que nous reconnoissons comme il faut la grace de Nostre Seigneur, sa redemption et mediation? A vostre advis, ceste façon de discourir de la redemption ressent elle pas de la vraye Espouse de Jesus Christ? Nous parlons bien plus magnifiquement de ce mystere que vous, et vous faites les bons valetz.

  A007000290 

 Dicite invitatis quia parata sunt omnia mais pour cela, ny plus ny moins, si on n'y va, etc..

  A007000297 

 Et de vray, de quoy devrions nous avoir plus de desir que de la vie eternelle? S'il se trouvoit un medecin si fortuné qui trouvast quelque herbe qui peust asseurer cinquante ans de vie, mon Dieu, comme chacun y courroit, on n'y espargneroit rien.

  A007000298 

 La vie eternelle, qui la considere bien, est suffisante pour esmouvoir les cœurs les plus endurcis..

  A007000300 

 Elle vient le mieux a propos du monde au tems ou nous sommes, ou tant de miseres demandent bien un peu plus de frequentation de pieté..

  A007000301 

 Et comment ce que Paris, avec son œil clairvoyant de Sorbonne, a receu avec tant de contentement, une petite cervelle le voudra contreroller? Mays pour coupper chemin a toutes murmurations, ce que son Altesse et nos Princes honnorent tant a Turin et par tout, le voudrions nous censurer? Et s'il faut conclure en termes plus fortz, ce que le Saint Siege apostolique, regle infallible de bien faire, a confirmé de son authorité... [79].

  A007000311 

 4, le peuple hebreu sentit tant de consolation que tout le peuple tumbant sur sa face loua et benit Dieu qui les avoit ainsy prosperé, quelle joÿe, quelle consolation devrons nous recevoir aujourdhuy en la memoyre de l'Exaltation de la tressainte [Croix,] laquelle, ayant esté terrassëe et abbatue par les infidelles, [80] fut en semblable jour, par ce grand cappitayne Hæraclius, relevëe et redressëe? D'autant plus grande pour vray, mes Freres, doit estre nostre consolation qu'en cest ancien Temple ne furent onques offerts que veaux, boucqs, aigneaux; mays sur la Croix, le Filz aeternel de Dieu.

  A007000312 

 C'est pourquoy, comme l'ancien [peuple] fit feste en commemoration de ce benefice, aussy l'Eglise la faict en commemoration de cestuy ci, ayant bien plus d'occasion de priser l'abjection de ceste Croix, que l'ancien, la magnificence de son Temple.

  A007000312 

 Que si nous voulons considerer la convenance quil y a eu entre l'ædification du Temple de Salomon et l'Exaltation de ceste sainte Croix, je suys asseuré que les devotz y en trouveront plus de deux mays je me contenteray d'en dire une.

  A007000328 

 Or, ce discours de la paralysie spirituelle est bien l'un des plus necessaires que vous puissies ouÿr.

  A007000328 

 [85] Plaise a Dieu que je le puysse aussi bien faire comme il est utile et prouffitable, quoy que peut estre il ne soit pas des plus aggreables qu'on puysse faire; car il y a en cest aage une infinite de paralytiques spirituelz lesquelz ne pensent pas l'estre, et ne cherchent point la guerison d'une si estrange maladie, auxquelz je puys bien dire ce qui est porte par un Prophete: Ossa arida, audite Mot Domini; oyes un peu que c'est de vostre mal..

  A007000337 

 S'il faut se confesser: O que cela est fascheux, o que c'est une chose mal savoureuse! et ne considerent pas qu'il n'est pas des pechés comme des fruictz qui meurissent sur l'arbre et puys tombent d'eux mesmes, mais qu'au contraire, plus ilz demeurent en l'ame, tant plus malaysé est il de les arracher.

  A007000337 

 Si tu sçavois, aussi bien que tu ne penses pas, combien Nostre Seigneur t'attend en grande affection! Tobie envoyant en Rages l'Ange a Gabel, luy dict: Scis quoniam numerat pater meus dies, et si tardavero una die plus, contristabitur anima ejus..

  A007000338 

 Ne faites pas comme l'Espouse [90] es Cantiques, qui trouva des excuses quand son amy vint disant qu'elle estoit au lict; elle le voulut par apres chercher et elle ne le retrouva plus.

  A007000341 

 Ego dixi, car quand Jesus le dira, comme juge, [92] il ne sera plus medecine.

  A007000364 

 Ce mot de saint Bernard, le melliflueux Prévôt de Clairvaux, me venait à l'esprit: Malheur au jeune homme qui devient profès avant d'être novice, et cette parole encore plus grave du roi David: C'est en vain que vous vous levez avant le jour; levez-vous après vous être reposés, vous qui mangez le pain de la douleur.

  A007000366 

 Oui, votre aimable et douce présence, Pères vénérables, me ranime et me réconforte à tel point qu'il serait difficile de dire ce qui m'a le plus vivement impressionné, de la terreur que j'éprouvais ou du bonheur que je ressens.

  A007000367 

 Mais moi qui suis préposé à ceux dont la modestie, la force, la prudence, la charité l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer dans le Prélat le plus accompli, en sorte que chacun d'eux mériterait d'être Prévôt, quelle crainte puis-je avoir en cette occasion? Pourquoi m'arrêter à mon jeune âge, à mon inexpérience, à mon manque de talents, puisque dans mes fonctions je n'aurai jamais à user d'admonitions, de [96] mesures de discipline ou de correction? A moins que, comme disaient les anciens, on ne veuille « instruire Minerve, » ou, selon notre proverbe, « prêcher saint Bernard » ou parler latin parmi les Cordeliers, au milieu desquels nous sommes.

  A007000372 

 C'est ainsi que nous lui rapportons plus facilement « ces biens qui procèdent tous de lui.

  A007000372 

 Tout cela, mes Pères, n'est que trop vrai; mais je vous supplie de répéter avec moi pour notre consolation: Dieu a coutume de choisir ce qu'il y a de plus infime en ce monde pour confondre ce qui est fort, et généralement, c'est de la bouche des enfants et de ceux qui sont encore à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000416 

 Cette prière et votre si agréable et si douce présence (la vôtre surtout, Révérendissime Evêque, qui nous cause d'autant plus de bonheur qu'elle était moins attendue), Pères vénérables, mes auditeurs à la fois très aimants et très aimés, mes chers parents et amis, etc., cette prière, dis-je, et votre présence ont apaisé le trouble de mon âme.

  A007000416 

 Vénérables Pères, je débute par cette prière que j'ai déjà répétée plusieurs fois, et que je me propose de répéter désormais plus souvent encore.

  A007000417 

 Le développement de ces deux points devrait, si j'étais quelque peu orateur, merveilleusement enflammer mon éloquence et exciter en vous la plus grande attention.

  A007000417 

 Voici l'entreprise que je propose à vos délibérations; elle est aussi grande que difficile, elle n'est pourtant pas plus impossible qu'elle n'est indigne de nous: il s'agirait de recouvrer Genève, ce siège antique de votre assemblée.

  A007000418 

 Entre plusieurs difficultés qu'offrait ma traversée sur cette mer, la première, non moins grave et plus proche que toutes les autres, fut ma nomination par le bon plaisir du Souverain Pontife, à la Prévôté du Chapitre de l'Eglise Cathédrale de Saint-Pierre de Genève..

  A007000421 

 Oui, la présence de votre tout aimable et bienveillante assemblée, Pères vénérables, me ranime et me réconforte à tel point qu'il serait difficile de dire ce qui m'a le plus vivement impressionné, de la terreur que j'éprouvais ou du bonheur que je ressens..

  A007000422 

 Ce Prévôt aurait à craindre, qui eût été préposé à des hommes difficiles à contenir dans le devoir; mais moi, mes Pères, quelle appréhension puis-je avoir [102] en cette occasion, en face de vous dont la charité et la prudence l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer du Prévôt le plus accompli? Pourquoi rappeler mon inexpérience et ma faiblesse, puisque dans mes fonctions, je n'aurai jamais à user, de mesures de discipline ou de correction? A moins qu'on ne veuille « instruire Minerve, » « prêcher saint Bernard, » ou, selon notre proverbe, poser pour la latinité parmi les Cordeliers..

  A007000428 

 C'est ainsi que nous lui rapportons plus facilement « ces biens qui procèdent tous de lui.

  A007000428 

 Rappelez-vous, je vous prie, et considérez que Dieu choisit ordinairement ce qu'il y a de plus infime et de plus infirme en ce monde pour confondre ce qui est fort, et que, généralement, c'est de la bouche des [103] enfants et de ceux qui sont à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000429 

 Je répéterai donc sincèrement, quoique dans une condition différente et bien inférieure, ce que disait autrefois le plus sage des hommes: Je suis l'être le plus insensé et je ne possède pas la sagesse des hommes; je n'ai pas appris la sagesse, je ne connais pas la science des saints.

  A007000433 

 Mais, je le constate, vous me recevez tous avec les plus aimables félicitations.

  A007000434 

 Ainsi le plus grand se comportera comme le plus petit, ainsi, grâce à une sincère charité, les premiers seront les derniers et les derniers les premiers.

  A007000438 

 Faisons refluer à leur source les courants de nos péchés, et là, comme desséchés par le Soleil éternel dans notre propre cœur, que ces courants n'offrent plus de cette eau de scandale ni à nos ennemis ni à nous.

  A007000438 

 Ils devraient au moins reconnaître leurs vices, et ceux d'autrui ne les scandaliseraient plus.

  A007000439 

 S'il en est ainsi, et c'est la vérité, combien sera-t-il plus facile d'enlever par les engins de la prière et des bonnes œuvres, une ville au modeste circuit, humble et méprisée! En avant donc et courage, excellents Frères, tout cède à la charité; l'amour est fort comme la mort, et à celui qui aime, rien n'est difficile..

  A007000440 

 Nous laisserait-elle donc insensibles cette douleur que nous devrions éprouver au sujet d'un exil d'autant plus lourd et moins honorable que nos péchés à tous en prolongent la durée? Les Israëlites s'assirent sur les rives des fleuves de Babylone, et pleurèrent au souvenir de Sion.

  A007000440 

 Que ferons-nous donc, Chanoines de Genève? Ne sommes-nous pas exilés et pèlerins sur une terre étrangère, celle que nous habitons et foulons aux pieds? Asseyons-nous [110] donc sur ces rivages des fleuves de Babylone, c'est-à-dire de la confusion, des péchés; pleurons au souvenir de cette Sion genevoise, jadis si glorieuse des trophées du Christ, et aujourd'hui, pour les crimes de notre époque et de nos ancêtres, gisant accablée sous la plus honteuse servitude de l'hérésie..

  A007000448 

 Quant à vous, je vous rends d'immortelles actions de grâces, Illustrissime et Révérendissime Prélat, pour avoir, par votre très auguste présence, relevé l'éclat de cette assemblée où je compte mes plus chers amis, ceux que j'aime plus que le miel et le rayon de miel, plus que l'or et la topaze.

  A007000469 

 Certes, l'Eglise propose au commencement le plus brief [Evangile], mais plein de substance; je ne diray que ce qui faict a propos..

  A007000525 

 Et au dernier environnement, Ihors que les prestres auront sonné plus longuement et puissamment, que tout le peuple crie tant qu'il pourra, et les murailles tomberont, et chacun entrera par l'endroit ou il se trouvera, par dessus les murailles.

  A007000529 

 C'est ceste ville laquelle, plus que toute autre, se peut vanter que le sçavoir de son bastisseur a esté rendu admirable en son edification, selon le dire du Psalmiste: Mirabilis facta est scientia tua ex me; c'est d'elle qu'on peut dire: Gloriosa dicta sunt de te, civitas Dei..

  A007000529 

 Qui trouvera mauvais que j'appelle l'ame de l'homme une ville, puysque les philosophes l'ont bien appellëe un petit monde, puysqu'elle est « l'abbregé » de toutes les perfections « du monde, » recueillant en soy tous les grades plus parfaitz d'iceluy, comme tout le plus beau d'une province se retrouve en la ville principale d'icelle? En ceste ame encores, vous semble il pas qu'il y ayt un magazin qui vaut plus que tous ceux d'Anvers ou de Venise, puysque la memoyre retire toutes les idees de tant de varietés de choses? Vous semble il pas qu'il y ayt un brave ouvrier, puysqu'en l'entendement possible, toutes choses s'y font en des especes incomparables? Vous semble il pas qu'il y ayt un ouvrier, lequel avec cent millions d'yeux et de mains, comme un autre Argus, faict plus d'ouvrage que tous les ouvriers du monde, puysqu'il n'y a rien au monde qu'il ne represente? qui est l'occasion qui a faict dire aux philosophes que l'ame estoit tout en puyssance.

  A007000531 

 Or, ces murailles icy doivent tomber devant nostre Jesus, non plus filz de Navé mais Filz de Marie, a celle fin qu'il entre dans nostre ame et s'en rende possesseur.

  A007000536 

 Or, cecy n'est pas une petite incivilité, que Dieu parlant a nous, nous ne voulions l'escouter, ne plus ne moins que si nous parlions a Dieu sans y penser; de maniere que de ceux la Nostre Seigneur dict: Populus hic auribus me honorat, cor autem eorum longe est a me.

  A007000538 

 Vistes vous jamais un plus prompt jugement que celuy que fit David, lhors que Natan luy parla de sa faute en la personne d'un tiers? Peut estre n'eust il pas esté si facile s'il eust parlé directement a luy mesme.

  A007000565 

 D'icy il propose ne plus offencer, et se desplaict avoir perdu son Paradis, et se lamente de sa perte.

  A007000585 

 Ceste ci est l'une des plus notables et signalëes sentences de l'Evangile, en laquelle la maniere de bien et deüement servir Dieu est exprimee et declairee par Dieu mesme.

  A007000588 

 Les disciples de Nostre Seigneur baptizoyent une grande multitude de personnes en Judee, et beaucoup plus que saint Jan Baptiste n'avoit fait; dequoy Nostre Seigneur s'appercevant les Scribes et Pharisiens estre irrités, pour l'envie qu'ilz avoyent sur luy, et n'estant encores venu le tems de sa Passion, voyant le peu de proffit qu'il faisoit en Judee, et pour donner commencement a sa sainte prædication, il s'en alla en Galilee et s'arresta en Capharnaum, qui estoit sur les limites de Zabulon et Nephtali, suivant la prophetie d'Isaye: Primo tempore alleviata est terra Zabulon, et terra Nephtali.

  A007000591 

 Heureuse Rebecca, qui venant a la fontaine y trouvas le valet d'Abraham qui te rendit espouse d'Isaac; mais [148] plus heureuse Samaritaine, qui venant a l'eau maintenant, y trouves Nostre Seigneur qui, de pecheresse que tu estois, te rend sa fille et son espouse..

  A007000592 

 Parlant aussi seul avec elle, il avoit plus de commodité de luy faire confesser son peché, dont la femme luy dict, dixit ergo ei mulier Samaritana (parce qu'elle n'eust pas commencé; Bern., 1.

  A007000597 

 Elle croid que Nostre Seigneur est plus grand que Jacob et donne une meilleure eau, mais elle la demande pour le temporel, encores non esclairëe..

  A007000628 

 Qui me donnera maintenant la grace de vous dire en si bonne façon la douce nouvelle de la venue que Nostre Seigneur doit bien tost faire en vos consciences par la sainte Communion, que vous luy allies au devant par desir et devotion, jettant les robbes de vos ames et les rameaux de vos affections, par mortification? O que ce seroit bien faire la memoyre de ce glorieux triomphe, puysque nous triompherions nous mesmes de nostre plus grand ennemy, qui est nostre chair, comme vrays enfans et hæritiers de ceste auguste et triomphante Majesté du Sauveur.

  A007000631 

 Ce seroit quelque chose de plus doux s'il eust dict: Vita hominis est in militia super terram, car encores se trouve-il des gens qui ont le repos et leur ayse en guerre; dequoy font foy ceux qui s'y enrichissent [158] et engraissent, butinans paisiblement ores sur celuy cy, ores sur cestuy la.

  A007000632 

 Et vrayement, c'est pitié que de ceste guerre; car estant entre de si grans amis comme l'esprit et la chair, y a il rien de plus deplorable? Saint Pol, Rom., 7, se lamentant de ceste guerre, apres avoir au long descrit les assaultz qu'il sentoit en soy mesme, il s'ecrie: Infelix ego homo, quis me liberabit de corpore mortis hujus? Qui me delivrera? car je ne m'en peux deffaire.

  A007000633 

 C'est pour vray indubitablement que si l'esprit n'avoit affaire qu'avec la chair seulement, il en seroit bien tost le vainqueur; car il est beaucoup plus fort et adroit: Spiritus quidem promptus est, caro autem infirma; Marc., 14.

  A007000635 

 15, se tenant a la porte du palais de son trop bon pere, la il flattoit et corrompoit le peuple; et en fin fit si bien par ses secrettes menëes, qu'il fit la guerre et chassa son pere de son siege: ainsy le cors demeure tousjours a la porte, car « nihil est in intellectu quod prius non fuerit in sensu, » et la, corrompt les objectz, prattique ores en ceste façon, ores en l'autre, et ainsy se rend le plus fort.

  A007000635 

 Que diray je plus? ceste chair a telle intelligence en nous mesmes, que pourveu qu'elle connoisse nos forces, incontinent elle nous ruine.

  A007000637 

 Que si ainsy est, que ferons nous, mes Freres? D'apaiser l'ennemy, il n'est pas possible, il est inexorable; car qui plus le flatte, plus l'aigrit: Qui amat animam suam, perdet eam; Cum loquebar illis, impugnabant me gratis; Ps.

  A007000653 

 Nostre Seigneur ne faict autre chose que nous bien enseigner ces trois leçons: comme il faut croire, esperer et aymer; mays sur tout en ces quarante jours esquelz il conversa apres sa resurrection avec ses Apostres, et plus particulierement en l'apparition recitëe aujourd'huy..

  A007000653 

 Nunc autem manent fides, spes, charitas, tria hæc; major autem horum est charitas: Maintenant demeurent ces troys choses, foy, esperance et charité; mais la plus grande d'icelles est la charité; I.Cor., 13.

  A007000654 

 Mais comme se peut il faire qu'ilz croyent, puysqu'ilz ont veu et touché? Le sens a faict comme le fourrier qui loge un autre et n'y demeure pas; car il a logé la foy dans le cœur des Apostres et dans les nostres, et neantmoins n'y demeure plus en credit, car la foy estant arrivëe, le sens cesse, comme l'esguille introduit la soye, etc..

  A007000669 

 Si le prophete Jonas se consola tant au lierre que Nostre Seigneur luy avoit præparé, que l'Escriture dict: Et lætatus est Jonas super hedera lætitia magna, quelle doit estre l'allegresse des Chrestiens en la tressainte Croix de Nostre Seigneur, sous laquelle ilz sont bien plus a l'ombre que Jonas n'estoit sous le lierre; ilz sont mieux defendus et contregardés que Jonas ne fut par le lierre: Absit mihi, etc. Or, disons donques: Que Jonas se resjouisse au lierre; qu'Abraham fasse festin aux Anges sous l'arbre (Gen., 18 ); qu'Ismaël soit exaucé sous l'arbre au desert (Gen., 21 ); qu'Helie soit nourry sous le genevre en la solitude (3. Reg., 19 ): quant a nous, nous ne voulons autre ombre que celle de la Croix, autre festin que celuy qui nous y est praeparé.

  A007000671 

 Car, que diray-je jamais de plus admirable que ce que je vay dire? que Nostre Seigneur mesme a appris en ce livre une chose qu'il n'avoit jamais sceu, une leçon qu'il n'avoit jamais appris en toute son æternité.

  A007000671 

 Et ne trouves pas estrange que je vous renvoye a ce livre pour y apprendre vostre leçon, car c'est le plus excellent livre de tous ceux qui jamais furent composés: et partant, qui desire la gloire de la [173] science, qu'il s'approche avec la sainte pensëe et qu'il lise ce saint livre; il y apprendra la plus profonde doctrine qui fut onques.

  A007000674 

 Mais que nous sert il de produire tant de tesmoins en une chose si claire? Nostre Seigneur ne veut que nous apprenions autre chose plus particulierement que la debonnaireté et l'humilité.

  A007000674 

 Ou voules vous donques aller sinon a la Croix pour l'apprendre? dont saint Pol, le plus savant des hommes qui furent onques, s'escrie: Arbitratus sum me nihil scire nisi Jesum Christium, et hunc crucifixum..

  A007000675 

 Je me suis estendu sur ceste premiere glorification que nous devons avoir en la Croix, pour vous conjurer d'y [175] penser et repenser tous les jours le plus souvent que pourres, et parmi la nuict toutes les fois que vous vous esveilleres.

  A007000676 

 Voicy maintenant la seconde glorification: c'est que nostre salut y est, c'est la ou Nostre Seigneur nous a sauvés; car combien que toutes les actions de sa vie, jusques aux plus petites, ayent esté infiniment suffisantes pour operer nostre salut, neantmoins la volonté de Dieu son Pere et la sienne a esté de ne l'accomplir qu'en la Croix.

  A007000680 

 Ainsy cest arbre vous sera bien plus venerable quand vous y considereres son excellent fruict pendu; ainsy ces espines, quand avec la rose; ainsy cest aubespin, quand avec ce rossignol qui y habite..

  A007000681 

 Disons donques que ce saint bois de la Croix est singulierement venerable; car s'il est escrit, Psal. 131: Adorabo in loco ubi steterunt pedes ejus, comme n'honnorerons nous pas ubi stetit totum corpus? Et partant, il s'ensuit: Surge, Domine, in requiem, etc. Et si on faysoit, dict saint Hierosme, tant d'honneur au tabernacle, etc., combien plus au bois de la Croix, sur lequel a esté estendu le cors de Dieu incarné, qui a esté arrousé, teint et penetré de son sang [178] prætieux.

  A007000705 

 Mays outre ce, le banquet est excellent; car la viande est la plus praetieuse: Caro mea vere est cibus.

  A007000724 

 On void souventesfois es bonnes et grosses villes, et peut estre l'aures vous bien remarqué, qu'arrivant quelque signalé operateur, il faict incontinent publier son arrivëe, et les maladies desquelles il faict profession de guerir plus particulierement, affin que ceux qui en sont travaillés viennent au secours vers luy.

  A007000725 

 Hé, qui voudries vous donques qui les receust? N'est ce pas l'honneur au medecin d'estre recherché des malades, et d'autant plus que leurs maladies sont incurables? Nostre Seigneur, non tant pour repousser la temerité de ces Pharisiens, que pour nous donner courage de nous approcher de luy, rejette bien loin par similitudes ceste consideration pharisaïque.

  A007000726 

 Mays pensons y premierement un peu de pres, affin que le desir de nous approcher de Nostre Seigneur nous vienne d'autant plus grand; et puys nous verrons les moyens de nous en approcher, et les consolations que nous aurons en ce saint approchement, affin que reconnoissant le bannissement auquel les pechés constituent l'ame, nous nous ostions au plus tost de peché si nous y sommes, nous nous gardions de jamais y retourner, et nous approchions tousjours de plus pres de Nostre Seigneur.

  A007000733 

 C'estoit pour figurer que ce second et veritable David devoit laisser approcher de luy les pauvres et necessiteux, les affligés et les miserables, ceux qui gemissent sous le pesant fardeau des infirmités corporelles, et beaucoup plus ceux qui sont accablés sous l'espouvantable fardeau du peché..

  A007000739 

 Il tire des plus grans pecheurs les exhalaisons saintes, qui sont les considerations de leurs fautes, jusques a un certain degré de crainte et d'apprehension, jusques a la moyenne region de l'air, considerant qu'ilz sont entre le Paradis et l'enfer, entre la damnation et salvation.

  A007000739 

 Il va dardant ses rayons sur les justes et injustes, et des plus fangeux bourbiers, il tire les vapeurs en haut, lesquelles, arrivëes a certaine distance, sont converties en une douce pluÿe, laquelle descendant donne vie et faict germer les fruictz.

  A007000741 

 N'attendons plus: Hora est jam nos de somno surgere, puysque nous sçavons que peccatores recipit.

  A007000752 

 [194] Il est vostre Seigneur et Maistre, parce que c'est luy qui vous a faict et formé; il n'y a point de plus juste tiltre pour posseder quelque chose que de l'avoir faite.

  A007000753 

 Le diable nous avoit osté a nostre naturel Seigneur, et encores qu'il n'eust nul droit, si est ce que Nostre Seigneur nous acheta, et acheta ce qui estoit sien affin de nous faire plus siens, si plus siens nous pouvions estre.

  A007000753 

 » La moindre goutte du sang de Nostre Seigneur valoit plus que nous; et neantmoins, affin de nous rendre plus siens, il le voulut tout donner: Copiosa apud eum redemptio.

  A007000756 

 Et d'autant plus deves vous estre humbles, qu'estans ses taillables a misericorde, vous l'aves si souvent offencé; dont vous deves avoir si grande confusion, que d'humilité et de honte, vous retournies au neant auquel vous esties, en un nul estre, nulle vertu, nulle qualité, avant que Dieu vous tirast du miserable estat ou vous esties parmi le neant pour vous faire ses serviteurs.

  A007000760 

 La on ne sert plus Dieu visitant les malades, la on ne visite point les prisonniers, la on ne jeusne plus, la on ne faict plus l'aumosne, la on ne reschauffe plus les refroidis, la on ne vestit plus les nudz, pource que hyems transiit et recessit.

  A007000761 

 Dequoy j'entre en admiration comme il se peut faire que l'homme ou l'Ange ayment Dieu, et comme Dieu s'ayme soy mesme; car si aymer est desirer du bien a une personne, comme voules vous qu'on ayme Dieu a qui on ne sçauroit desirer aucun bien? Car, puysque Dieu est toute sorte de bien, on ne luy sçauroit desirer aucun bien qu'il ne l'aye plus parfaittement qu'on ne sçauroit desirer; et si il l'a, pourquoy le desirera-on? Et puys, au bout de tout cela, le bien en Dieu est essentiel; de maniere que comme ce seroit chose hors de propos de s'amuser a desirer qu'un Ange soit Ange, puysque c'est sa nature d'estre Ange, et de desirer que les Maures soyent noirs, puysque c'est leur nature, aussi semble il hors de propos de desirer que Dieu ayt quelque bien, puysqu'il a tout bien par nature..

  A007000761 

 Mais oyes comme cela va, car vous me pourries dire: Hé quoy, n'ayment-ilz pas Dieu? Aymer, mes Freres, c'est vouloir et desirer du bien, et ne sçauroit-on dire quelle difference il y a entre la bienveuillance et l'amitié, ne plus ne moins qu'on ne sçauroit dire quelle difference il y a entre haïr et vouloir du mal a une personne.

  A007000763 

 L'ame regardant en Dieu l'infiny merite de sa bonté, et que d'ailleurs en ce sauverain Estre rien ne manque, mays y est plus parfaittement quod factum est ( in ipso vita erat ), elle ne desire pas qu'autre bien luy arrive, pource qu'il est impossible.

  A007000778 

 Ce n'est asses pour estre tesmoin de verité d'alleguer l'Escriture; car qui allegua jamais plus que les Arriens? Les Libertins mesmes, pour monstrer qu'il ne faut point d'Escriture, alleguent l'Escriture, contre lesquelz mesme Calvin escrit; le diable mesme..

  A007000812 

 44, apres qu'il a descrit l'Espoux, beau sur tout, mesme visiblement, il descrit l'Espouse de mesme: Astitit regina a dextris tuis in vestitu deaurato, circumdata varietate; et plus bas: Vultum tuum deprecabuntur omnes divites plebis.

  A007000815 

 Donques en ce verset, il parle de ce que devoit estre [210] le Christianisme et l'Eglise, et la compare a troys des plus nobles et illustres choses du monde.

  A007000833 

 Si son espoux la façonnoit a sa volonté, je crois qu'il la feroit la plus belle, la plus vertueuse, la plus saine et de la plus longue vie qu'on se pourrait imaginer; car il n'est telle affection que de l'espoux vers l'espouse, quoy que souvent au progres du mariage, on change de volonté par le malheur de nostre mauvaise nature.

  A007000837 

 Et ce pendant Nostre Seigneur regnera et se dilatera en son Eglise, parmi et en despit de tous ses plus grans ennemis, suyvant ce qu'a ce propos atteste le Psalmiste au Ps.

  A007000838 

 Donq, avec ceste verge de la sainte Loy, domine au milieu de tes ennemis, qu'est ce a dire sinon que tousjours ceste Eglise seroit stable et visible, en laquelle Nostre Seigneur regneroit et domineroit, voire parmi les plus grandes bourrasques et tempestes des afflictions? Il n'y aura donq jamais tempeste qui empesche Nostre Seigneur de regner en l'Eglise; car autrement il ne domineroit pas parmi ses ennemis, mays demeureroit sans seigneurie et domination en ce monde.

  A007000842 

 Les autres donques voyant qu'il n'y avoit point d'honneur de dire, ou qu'il n'y avoit point d'Eglise, ou qu'elle estoit invisible, ont dict qu'au tems qu'ilz s'esleverent il n'y avoit plus aucune Eglise, mais que tout estoit apostasie, idolatrie et superstition; qu'elle estoit morte et esteinte, pleine d'erreurs, et que par eux elle a esté resuscitëe: et contre ceux cy, j'ay monstré maintenant que ce feu est inextinguible, car voyes vous pas la consequence?.

  A007000854 

 Comment donques surget spiritale? si c'est un cors, comme spiritale? C'est a dire non plus grossier, corruptible, pesant, sujet aux dimensions.

  A007000857 

 A plus proprement parler, il faudrait appeller Eucharistie, Sacrement de benediction, Calix benedictionis; 1 Cor. 10..

  A007000864 

 La rayson: Un amy laisse son image le plus au vif, et sil pouvoit encores plus, etc. Sic Deus dilexit mundum.

  A007000865 

 Si Adam par la communication reale de sa chair nous faict mourir, etc. Et c'est la plus grande gloire de Dieu..

  A007000873 

 Ni la ceremonie et forme; nom plus que celle des advérsaires, qui font le matin, ou on dict l'Epistre aux Chorinth., ou on ne lave point les pieds; mays a sçavoir si en la Cene Nostre Seigneur fit le sacrifice.

  A007000873 

 Quand on demande si Nostre Seigneur et les Apostres ont dict Messe, il ne faut pas chercher le mot, non plus que celuy de Sacrement, de Trinité, de Cene, mais la chose.

  A007000880 

 Parce que cela est plus a la gloire de Dieu.

  A007000902 

 Ceste Espouse, ames chrestiennes, ou c'est l'Eglise, ou c'est l'ame devote qui est en l'Eglise; et comment que ce soit, par ces paroles qu'elle dict par le sage Salomon, elle monstre que Nostre Seigneur, vray Espoux et de l'ame et de l'Eglise, luy estoit perpetuellement en memoyre, comme le plus aymé de tous les aymés et le plus aymable de tous les aymables.

  A007000904 

 Et de vray, comment pourroit elle plus proprement et briefvement representer a nostre entendement la Passion de Nostre Seigneur?.

  A007000913 

 Parce que l'enfant seroit fol, qui se plairoit a voir le gibet ou son pere auroit esté pendu; ne pensons donques plus a la Passion.

  A007000914 

 De plus, nos adversaires disent qu'il ne faut pas luy porter l'honneur qu'on luy porte; l'Eglise, au contraire.

  A007000921 

 Constantin defendit qu'on n'y pendist plus: Ut honori esset, non horrori; Aug., [238] Sermo 18 De Verbis.

  A007000930 

 Et nos plus proches devanciers, suyvant le sacré ton de leurs ayeulz en une devotieuse harmonie, chantoyent a tous coups, en tous lieux Ave Maria, pensans se rendre tres aggreables au Roy celeste, honnorans reveremment sa Mere, et ne sçachans ou rencontrer maniere plus propre pour l'honnorer qu'en imitant les honneurs et respectz que Dieu mesme luy avoit decreté et accommodé selon son bon playsir, pour l'en faire honnorer, le jour que sa divine Majesté voulut tant honnorer en ceste Vierge tout le reste des hommes, que de se faire homme luy mesme.

  A007000934 

 Si donques Marie n'apporte point que de bonne doctrine, n'ayant jamais rien dict en l'Evangile que saintement, pourquoy nous defendra on de la saluer? Si elle est sainte et la plus sainte, pourquoy ne la saluerons nous? Est ce la doctrine que Nostre Seigneur nous a appris, disant tant de fois: Pax vobis, pax vobis? Et en saint Matthieu, 28, rencontrant les Maries: Avete, leur dict il..

  A007000936 

 Or, estant ainsy arresté que c'est chose sainte de saluer la Vierge, je vous demande quelle salutation pourroit on trouver plus sainte que celle cy? l'Autheur saint, les parolles saintes.

  A007000937 

 Mais qui diroit jamais les saintz mouvemens que reçoit le cœur devot en ceste sainte Salutation? Ceste Salutation repræsente le tressaint mistere de l'incarnation, et partant l'Eglise adjouste aux paroles de l'Ange, qui portent desja ce mistere gravé, celles de sainte Elizabeth: Benedictus fructus ventris tui, pour le repræsenter encores plus expressement.

  A007000952 

 Ainsy le faut il croire sans doute; et partant, voulant aujourd'huy vous monstrer avec ces paroles un des premiers et plus importans fondemens de la doctrine chrestienne, je vous supplie, demandons a ce celeste Consolateur son ayde, laquelle pour mieux obtenir, il nous y faut employer l'intercession de tous les Saintz, particulierement de la glorieuse Vierge, a laquelle partant nous presenterons l' Ave Maria..

  A007000952 

 C'est un viel axiome entre les philosophes que tout homme desire de sçavoir: « Omnis homo natura scire desiderat, » dict Aristote; en quoy l'esprit humain est si ardent, que l'ennemy ne sceut trouver tentation plus grande pour decevoir nostre premier pere que de luy proposer: Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, Vous seres comme des dieux, sçachans le bien et le mal; Genes., 3.

  A007000955 

 C'est signe qu'il avoit beaucoup dict de choses quand il dict qu'il en a encor beaucoup a leur dire; et puisque nous n'avons point ces choses-la en escrit, c'est signe qu'il y a beaucoup plus de paroles dites que d'escrites.

  A007000989 

 Entre les signalëes faveurs que la bonté de Dieu fit a son bon serviteur Abraham nostre grand pere, l'une fut a mon advis, des plus grandes, lhors qu' en la vallee de Mambré, sa divine Majesté le vint visiter en son tabernacle visiblement, ainsy que raconte le Genese, chap. 18; car quel homme estoit ce qu'Abraham, affin que vous le visities? Apparuit ei Dominus in convalle Mambre.

  A007000990 

 Et maintenant, auditoire devot, le mesme Seigneur se presente a nous pour nous visiter, un par essence en trinité de personnes, non plus par une exterieure apparition, mais [par] une interne illumination de la foy, en ceste bonne vallëe de l'Eglise, puysqu'aujourd'huy l'Eglise celebre une grande solemnité a la gloire de la toute puyssante, toute bonne et infinie Trinité, Pere, Filz et Saint Esprit, affin de graver en nostre courage l'honneur et l'hommage supreme que nous luy devons.

  A007000990 

 » Ce que pour obtenir avec plus d'abondance, employons y le credit de la Fille du Pere, de la Mere du Filz et de l'Espouse du Saint Esprit.

  A007000996 

 Chantons donques: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc. Je sçay bien que vous n'entendes pas ce mistere, ni moy aussi, mays il me suffit que nous le croyions tant mieux; et ce que j'en ay dict n'est pour autre fin que pour vous le representer davantage, et vous ayder a le croire plus distinctement.

  A007000997 

 Nous chanterons tousjours Gloria Patri, d'autant plus encores que Calvin et Beze et leurs hæresies, veulent que toutes les trois Personnes ayent leur divinité de soy et non par communication; qui est un blaspheme estrange, car ainsy il n'y auroit ni Filz ni Saint Esprit.

  A007000998 

 O malheur de nostre aage, o vanité, o arrogance de l'esprit humain, qui entreprend de disputer des verités si eslevees par de si foibles raysons! Ce mot de personne, o Calvinistes, signifie bien plus que vous ne dites, et les docteurs sçavent que personne est le suppost d'une nature intelligente, que c'en est le proprietaire et le possesseur; tellement qu'une Personne divine, c'est celuy qui possede et a en propre la nature divine..

  A007000998 

 Outre plus, disent ilz, ce n'est pas bien parler latin.

  A007000999 

 Et quant a ceste belle objection que ce mot n'est pas latin, ignores vous encores que quand il a pleu a Dieu, en l'exces de son amour, nous descouvrir de nouvelles verités, il a fallu chercher de nouveaux motz pour les exprimer? Ignores vous que les motz sont faictz pour les choses, et non les choses pour les motz, et qu'il se faut bien garder d'assujettir les choses aux parolles, et beaucoup plus de renoncer aux choses les plus saintes et les plus divines pour ne pas rencontrer dans le langage usité parmi les Romains des dictions qui les signifient? Suyvant ceste maxime de vostre eschole, il faudroit encores rejetter le mistere fondamental de nostre salut, [260] l'Incarnation du Verbe æternel, pource que ce mot d'incarnation ne se trouve point dans la pure latinité.

  A007000999 

 O malheureux et infortunés docteurs, qui ayment mieux estre latins que chrestiens! C'est une des ruses du diable, qui, sous couleur de quelque plus grande pureté de latin, tend a nous enlever la creance des premiers et plus importans misteres de nostre sainte religion.

  A007001005 

 Nous devons glorifier Dieu par la Passion de son Filz; or, ceste Passion n'est plus præsente pour rendre gloire a Dieu par icelle, il faut donq [263] recourir a sa memoire.

  A007001031 

 Pour apaiser plus facilement les conflits sur la foi..

  A007001041 

 De même plus tard, au temps de Moïse; la maison de David, Bethléem même, etc. Ainsi, au tems de l'Evangile, c'est de la maison de Pierre que l'on doit attendre le Christ glorificateur; c'est en elle qu'on recevra le Christ.

  A007001060 

 Mays je ne voudroys pas que vous pensassies qu'en ces sermons je veuille alleguer ce que j'en pourrois dire; non, je ne diray que ce qui me semblera de plus singulier [269] et pregnant.

  A007001067 

 Et quoy donq, feres vous les misteres plus grans de l'Ancien que du Nouveau? Si la Cene n'est qu'une signification, ell'est beaucoup moindre que ceste figure.

  A007001068 

 Ou [272] l'Eucharistie donq est plus qu'une repræsentation, etc. Mays regardons un peu de plus pres.

  A007001072 

 Saint Remy, il y a plus de 700 ans, l'a interpreté: « Id quod manducabunt adorabunt.

  A007001089 

 Au Concile de Nicëe 2, il y a 800; au Concile Gangrense, il y en [a] plus de 1200, canone ult., qui commence: « Si quis, superbiæ usus affectu.

  A007001117 

 Je ne crois pas que jamais plus chaud'alarme fut donnee que celle que les Prophetes donnent aux hommes pour le jour du jugement, ce pendant que l'un crie, Is.

  A007001125 

 Si mon Joannis, diligis me plus his? Etiam, Domine, tu scis quia amo te.

  A007001126 

 Ex comparatione facta intelligimus distinctionem: plus iis? Tomas, Natanael, Jacobus et Joannes filii Zebedei.

  A007001175 

 De même, les Ubiquitaires semblent ne plus voir autre chose que le Christ.

  A007001175 

 Les Ubiquitaires ressemblent au peuple d'Israël révolté qui disait: Notre âme est languissante, nos yeux ne voient plus que la manne.

  A007001179 

 De plus, la foi, l'espérance, la charité et tous les Sacrements sont glorifiés par l'Eucharistie..

  A007001180 

 La chair ne sert de rien, c'est vrai; le fer non plus ne brûle pas, néanmoins quand il est incandescent, il brûle.

  A007001215 

 Ce passage: La chair ne sert de rien, ne prouve rien, pas plus que cet autre: Ni la chair, ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu. Quant à ces mots: C'est l'esprit qui vivifie, les paroles que je dis, etc., ils ne répugnent pas au [290] sens des textes cités, car ils ne leur sont ni contradictoires ni contraires.

  A007001231 

 Voyez plus haut la [295] citation de Claude de Saintes.

  A007001253 

 De plus, nous avions dit que le Christ avait parlé trois fois de son Sacrement: lorsqu'il le promit, lorsqu'il l'institua, lorsqu'il en instruisit saint Paul.

  A007001278 

 Mais la figure la plus exacte est.

  A007001307 

 Saint Cyprien, De la Cène: « Ce même pain des Anges que nous mangeons ici-bas sous les voiles sacramentels, au Ciel, nous nous en nourrirons plus véritablement, sans l'entremise du corps, sans Sacrement.

  A007001320 

 O rare et admirable semence, semence tirëe du Ciel, jettëe en terre, montant au Ciel; semence laquelle d'elle mesme produit le fruict æternel, mays semence delicate, laquelle si elle n'est receuë en une bonne terre, ne fructifie en aucune façon, mays [laisse] d'autant plus abominable le terroir, qu'elle est admirable et prætieuse.

  A007001324 

 Que si vous voules voir plus clairement, voyes premierement en quelle façon se reçoit ceste semence: Hi sunt, dict il, qui in corde bono audientes Mot retinent.

  A007001333 

 La semence fructifie plus es vallëes qu'es montaignes; ainsy est elle comparëe a la pluÿe, laquelle se ramasse et descend es vallëes.

  A007001346 

 Encores que tant au ciel qu'en la terre Dieu soit tousjours par une parfaitte præsence en tous lieux comme il dict par Hierem., 23: Cœlum et terrain ego impleo, et ce que saint Pol dict, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus movemur et sumus, si est-ce neantmoins qu'il y a certains lieux lesquelz luy estant consacrés, sont appellés mayson de Dieu, habitation, lieu, temple, tabernacle, non pas pour ce qu'il soit plus la qu'ailleurs (parlant de Dieu en sa divinité), mays pour ce que la il confere particulierement ses graces et benedictions, et la il faict plus de demonstration de sa gloire..

  A007001347 

 Ce que nos adversaires ne voulant entendre, pour trouver occasion de se separer d'avec l'Eglise leur douce Mere et faire mesnage a part, affin de mieux seconder les impressions de leurs cervelles, ilz ont dict a ceux qui leur ont voulu prester l'oreille, que nous disions Dieu n'estre pas par tout et n'ouÿr pas nos oraysons par tout, ains qu'en l'eglise il avoit « l'oreille plus pres de nous, » pour user des termes de leur maistre.

  A007001347 

 Nous sçavons bien que Dieu est par tout, et que prope est invocantibus eum ou que ce soit; neantmoins nous sçavons bien aussi qu'il assiste particulierement aux lieux qui luy sont dediés, y respandant plus liberalement ses graces, estant de son bon playsir que la il soit adoré..

  A007001348 

 En fin il faut bien que sa divine Majesté assiste plus la qu'ailleurs, puysque Salomon demande, ut exaudias preces servi tui in loco isto.

  A007001348 

 Mays je ne veux pas m'entretenir en cecy, car je ne pense pas qu'il y ayt icy personne tant ennemy de l'antiquité, qui ne porte honneur particulier aux eglises, comme maysons de Dieu; seulement je vous mettray un argument en main a ce propos, lequel vous pouves porter en face de tous les plus esveillés de nos adversaires..

  A007001349 

 Aussi en certains lieux nous faict il des benefices plus qu'es autres, Dieu est en tous lieux, Dieu est en tous tems; il y a certains tems qui luy sont sacrés et esquelz il veut estre particulierement honnoré; pourquoy n'y aura il aussi certains lieux? C'est comme nostre ame, qui estant par tout le cors, neantmoins est dite estre au cœur ou au cerveau; ainsy Nostre Seigneur est particulierement aux cieux pour ce qu'il y descouvre sa gloire, et es eglises pour ce qu'il y communique particulierement ses graces.

  A007001349 

 Et pourquoy donques y a il des jours qui sont appellés saintz, consacrés, dediés, et qui s'appellent jours de Dieu, jours du Seigneur? Dieu est il plus en ces jours la qu'es autres? Non [313] veritablement.

  A007001349 

 Si pour ce que Dieu est en tous lieux il n'a point de lieu qui luy soit plus sacré l'un que l'autre, dites moy, pourquoy ferons nous aucunes festes? car s'il est en tous lieux, aussi est il en tous tems.

  A007001350 

 Mays sur tout les Chrestiens y doivent avoir une plus grande reverence que les autres; car si les Juifz portoyent tant d'honneur a leur Temple dans lequel on ne sacrifioit que des animaux, quelle reverence doivent avoir les Chrestiens lesquelz sçavent que l'eglise est le lieu auquel est sacrifié Jesus Christ, ou le cors de Nostre Seigneur est reservé, si que nous pouvons bien dire ce que le bon homme Jacob disoit quand Dieu luy eut faict part de ses merveilles: Vere Dominus est in loco isto; Gen., 28..

  A007001353 

 Qui est ce qui ne juge devoir servir Dieu, et qui est ce d'entre les Chrestiens qui, [316] sçachant les grandes recompenses que Dieu donne a ses serviteurs, ne desire le servir? Mais quoy, ilz perdent tout le merite en ce qu'ilz retardent trop, et font comme l'Espouse es Cantiques, laquelle sentant son Espoux a la porte, fit difficulté de se lever pour luy ouvrir; apres, elle voulut luy ouvrir, mays il ne s'y trouva plus; elle le chercha, et ne le trouva plus.

  A007001364 

 Elle est plus desirable que l'or et le topaze, plus douce que le sucre et le miel, elle resjouït l'esprit et esclaire les yeux, comme chante David..

  A007001364 

 Que si cela se peut dire de toute sorte de verité, combien plus, je vous supplie, mes chers Freres, de la verité qui est la premiere et la plus excellente de toutes, je dis de la verité chrestienne, au prix de laquelle toutes les autres verités ne sont presque pas tant verités que vanités; « verité plus belle que ne fut onques ceste fameuse Helene, » pour la beauté de laquelle moururent tant de Grecz et de Troyens, dict saint Augustin, puysque pour l'amour d'icelle sont mortz infiniment plus de gens d'honneur et de Martirs tressaintz.

  A007001364 

 Toutes choses sont esbranlëes par sa force, » disoit le sage Zorobabel, qui pour cest apophthegme fut reputé le [320] plus judicieux de tous les Persans et Medois.

  A007001365 

 Mais aussi, si aupres d'icelle je vous fais voir la face du mensonge contraire, je ne doute nullement que la laydeur incroyable de celuy cy ne vous face beaucoup plus admirer et cherir la beauté de celle-la.

  A007001366 

 Considerons cecy plus particulierement, et voyons quelle des troys façons est plus convenable a la presence et manducation du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement..

  A007001366 

 La premiere sorte est reelle, mays grossiere, naturelle et charnelle; la seconde est spirituelle, metaphorique et peu veritable; la troisiesme est autant reelle que la premiere, autant spirituelle que la seconde, elle est plus admirable que la premiere et plus admirable que la seconde.

  A007001367 

 Ainsy le fut le cors de Jezabel par les chiens, [322] ilz le mangerent reellement et de fait, et charnellement aussi, car ilz le deschirerent comme estant corruptibile, ilz le traisnerent ça et la comme estant pesant, ilz le mordirent comme estant espais, et en fin, ne plus ne moins qu'une chair de cheval ou de bœuf.

  A007001368 

 Et partant, tout estonnés de ceste promesse, ilz disoyent entre eux: Comme peut celuy cy nous donner sa chair a manger? Et voyans qu'il persistoit [323] a les en asseurer, mesme avec son plus grand serment ilz adjousterent: Ce propos est bien dur, et qui le peut ouÿr?.

  A007001369 

 Et a qui est ce que les cheveux ne dresseroyent d'horreur et que la chair ne frissonneroit s'il luy failloit manger un cors humain et boire le sang d'un homme? Mais d'autant plus cela pouvoit sembler fort cruel aux auditeurs de Nostre Seigneur, que et luy et eux aussi estoyent Juifz de nation et de religion.

  A007001372 

 Combien de fois nous objectent ilz que si nous mangeons reellement le cors de Nostre Seigneur, donques il faut que nous le deschirions, maschions et rongions; et de la, ilz passent a des argumens si insolens et extravagans, qu'il n'est pas possible de plus.

  A007001372 

 Mais y a il jamais eu en l'hæresie effronterie plus arrogante que celle la?.

  A007001381 

 O Seigneur, je loüeray de tout mon cœur vostre toute puyssance pourveu que vous ouvries mes levres a vos loüanges; j'adoreray vostre Majesté au saint Sacrement, pourveu que vous ternes tousjours vos paroles en mon cœur: car vos paroles m'instruiront que vous y estes Homme Dieu, reellement et veritablement, et que ceste vostre praesence n'est non plus impossible a vostre volonté, quoy qu'incomprehensible a nos foibles entendemens, que le reste de vos œuvres admirables.

  A007001385 

 Je veux dire une chose peut estre tres parfaitement præsente en un lieu sans y occuper lieu; ains les choses, d'autant que plus parfaittement elles sont præsentes a quelque lieu, moins elles y occupent de place: dequoy les exemples vous feront foy..

  A007001388 

 Nous disions Dimanche, et le prouvasmes suffisamment, qu'un seul cors peut estre en deux lieux; donques deux cors peuvent estre en un lieu, n'y ayant non plus de difficulté que deux cors n'ayent qu'un lieu, que de dire que deux lieux n'ayent qu'un mesme cors.

  A007001394 

 Si c'est le premier, comme vostre œil peut il contenir tant de choses, estant si petit? comme peut il avoir tant de rayons qu'il en faut pour couvrir toute une montaigne qu'il voit tout a coup, et occuper l'espace de cinquante lieuës de loin? le fil le plus deslié du monde, en si grand espace, feroit un tres gros peloton.

  A007001395 

 On me dira: Comme se peut il faire qu'il y soit invisible et impalpable? Cela est aysé; car quand on voulut jetter Nostre Seigneur du sommet de la montaigne, il passa a travers d'eux sans y estre ni veu ni apperceu; quand, apres la resurrection, il laissa ses disciples en Emails, il disparut devant eux et ne le virent plus, encor qu'auparavant ilz le vissent et que leurs yeux fussent ouvertz..

  A007001396 

 Il n'y a donq plus de difficulté de tous ces costés la.

  A007001398 

 Il n'y a donq plus de doute qu'elle se puisse faire.

  A007001399 

 Donq ce n'est plus pain si c'est le cors de Nostre Seigneur; car si ce qu'il prit en ses benistes mains n'estoit pas changé, il ne failloit pas dire que ce fut autre chose que ce qui estoit auparavant.

  A007001403 

 Saint Cyprien, qui vivoit il y a plus de treize cens ans, in sermone De Cæna Domini: « Panis iste quem Dominus Discipulis porrigebat, non effigie sed natura mutatus, omnipotentia Verbi factus est caro.

  A007001407 

 Et premierement, je produiray saint Chrisostome qui vivoit il y a plus de douze cens ans, et lequel pour son excellence a esté loué et appellé « Bouche d'or », homil 61 ad Populum Antiochenum: « Considera, quæso, mensa regalis est, Angeli ministrantes, ipse Rex adest et tu adstas oscitans? Igitur adora, et communica.

  A007001410 

 Et Origene, plus ancien encores, homil. 5 in diversa, dict qu'en ce Sacrement nous recevons en nous comme en nostre mayson, le cors de Nostre Seigneur: « Dis donques, » dict il, « Domine, non sum dignus, » etc..

  A007001425 

 De peur que par un praejugé et supposition fause vos entendemens ne soyent atteintz de quelque passion contre nous, chers auditeurs, pendant qu'on vous pourrait avoir faict accroire que le differend qui est entre nous et nos adversaires ne gist en autre, sinon en ce qu'ilz ne veulent rien croire que ce qui est es Escritures, et [que] nous voulions fonder nostre doctrine ailleurs que sur icelles, je vous supplie de croire qu'en ce particulier differend (ni en pas un autre aussi, non plus qu'eux) nous ne voulons ceder a eux en l'honneur que nous avons juré aux Saintes Escritures; mays que tout au contraire nous protestons ne vouloir le demesler que par la seule, pure et expresse parolle de Dieu, ainsy que nous fismes Dimanche.

  A007001433 

 De plus, l'intention de Nostre Seigneur en sa sainte Cene, faysant son testament, estoit de laisser un gage a son Espouse de l'amour qu'il luy portoit, amour si grand que de vouloir mourir pour elle.

  A007001441 

 Maintenant monstrons le un peu plus particulierement contre les argumens de nos adversaires..

  A007001506 

 Qu'ai-je dû faire de plus pour ma vigne que je n'aie fait? Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israel? car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur: revenez et vivez..

  A007001565 

 Le sang du Christ parle plus avantageusement que le sang d'Abel.

  A007001578 

 par ce que le ciel est le plus admirable de ses ouvrages: Cœli enarrant; [Ps.] 18..

  A007001603 

 Mays sur tout en ce tems de Caresme ou nous aspirons a la penitence, il nous faut attendre de recevoir des attaques plus rudes et plus frequentes qu'en aucune autre sayson.

  A007001603 

 Voicy bien la description du duel le plus grand et le plus memorable qui fut jamais veu: les parties sont tres puissantes de costé et d'autre, hardies et courageuses a toute extremité, les armes dangereuses, l'inimitié irreconciliable; la fin ne peut estre que la victoire, car il n'y a point de composition qui puisse terminer ce combat.

  A007001706 

 L'effect fut premierement la plus grande gloire de Dieu: Infirmitas hæc non est ad mortem, sed pro gloria Dei..

  A007001707 

 Or, ceste gloire de Dieu vint de la resurrection du Lazare, d'autant plus admirable, 1.

  A007001707 

 qu'elle fut faitte plus solemnellement: Jesus autem elevans sursum oculos, dixit..

  A007001708 

 Derechef, l'effect deuxiesme de ceste priere est que ces femmes receurent une plus grande faveur qu'elles ne demandoyent; elles ne demandoyent que la guerison du Lazare leur frere, et Nostre Seigneur le resuscita..

  A007001710 

 O sainte affliction, o benite tribulation qui nous faict recourir a ce celeste Consolateur! Certes, entre tous les prouffitz de la tribulation qui ne sont pas petitz, je trouve celuy cy l'un des plus excellens, qu'elle nous faict revenir a Nostre Seigneur.

  A007001750 

 Mangeons, non avec le vieux levain... Je vis, non plus moi.

  A007001776 

 Ainsy: Nec qui plus collegerat habuit amplius.

  A007001776 

 Mais, o comme ces deux induisent, etc.; car qu'est ce quil y a de plus difficile? Que la substance soit sans ses accidens? Pourquoy plus tost? etc. Que les accidens sans substance? Et en la manne, gustus erat quasi similæ cum melle; bien plus: tout goust; Sap. 16.

  A007001776 

 Qu'un cors soit sans dimensions? Nec qui plus, etc. Quoy en plusieurs lieux? Voyes exactement ce texte.

  A007001828 

 La femme douée de grâces, Marie pleine de grâce, trouvera la gloire. Si Iaaïe [a dit]: Son sépulcre sera glorieux, combien plus le corps de Marie, la vivante demeure de Dieu..

  A007001829 

 Comment es-tu tombé, Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Mais la glorieuse Vierge: Je descendrai et je serai semblable à la plus humble.

  A007001857 

 Si je vous appartiens parce que vous m'avez créé, combien plus parce que vous m'avez créé une seconde [396] fois! Mais que ne devrions-nous pas faire pour éviter l'enfer? Il m'a mené et ramené.

  A007001876 

 J'attendois de voir imprimee l'orayson funebre prononcee aux superbes funerailles faittes en Lorraine avec tant de magnificence pour honnorer la sepulture de Monseigneur vostre pere, esperant que par ce moyen je serois facilement excusé de mettre celle cy sous la presse; mais cest espoir ne m'estant reusci, et ne pouvant plus differer d'obeyr a qui a pouvoir de me commander, au moins esperé-je d'estre beaucoup plus aysement excusé si je laisse sortir ceste orayson si mal polie et avec tant de defautz, quand on considerera que c'est par une humble obeyssance.

  A007001877 

 Il vous fera resouvenir que vous estes fille d'un si grand prince, sa fille unique, sa chere fille; mays il adjoustera que vous estes fille de son esprit et de sa foy plus que de son cors, puysqu'il vous a receuë de Dieu par les prieres du grand saint François, duquel aussi vous portes le nom, et que par ce vous estes plus obligee de vous resjouyr en la vie et gloire de son esprit, que de regretter la mort de son cors.

  A007001877 

 Vous y verres que la vie de Monseigneur vostre pere a esté l'une des plus belles et accomplies entre celles des princes des derniers siecles, et comparable a celle des plus excellens de l'antiquité.

  A007001886 

 Je ne le devrois pas aussi; car si je devois exprimer la grandeur de la perte qu'en reçoit tout le Christianisme, ce seroit sur vostre face, Messieurs, que je tirerais, comme un [400] autre Timanthe, le voyle du silence, puisque je ne vois en toute ceste triste compaignie que ses plus chers et fidelles amis, ou ses plus intimes et affectionnés serviteurs.

  A007001886 

 Je ne le pourrais pas, parce que la perte que nous avons faitte avec toute l'Eglise est si grande, qu'estant extremement sensible elle en est d'autant plus indicible; aussi est il tres difficile de trouver asses de passion pour exprimer un grand dueil.

  A007001887 

 Il n'est, ce me semble, besoin de vous attendrir le cœur, puisque vous en ressentes la plus grande passion.

  A007001887 

 Il ne m'est donques pas necessaire de vous esmouvoir a regretter ce prince, puisque c'est vous qui y aves le principal interest, et qui, plus sensibles aux affections du public, connoisses trop bien la perte que nous avons faite.

  A007001888 

 Permettes moy, je vous supplie, puysqu'aussi bien les larmes que nous espandons pour nos amis nous meneront plustost a eux qu'elles ne nous les rameneront, et que les pleurs apres la mort sont de tardives preuves d'amitié, permettes moy, dis je, Messieurs, que je revoque vos [401] espritz a la consolation, plustost que de les provoquer a une plus grande affliction.

  A007001894 

 Que si ce discours est pauvrement paré, c'est pour rendre plus d'honneur et de reverence au prince qu'il celebre, comme quelques peuples du Nouveau Monde envoyent leurs deputés a leur roy au moindre equipage qu'il leur est possible, pour rendre de tant plus remarquable leur bassesse et humilité en comparayson de la gloire et majesté de leur roy..

  A007001894 

 [402] Que s'il est ainsy, me voicy riche d'affection, de simplicité et de fidelité pour entreprendre le discours des vertus du prince decedé, lequel j'envoye de bon cœur a son ame, c'est a dire a cest esprit que j'espere, mays que je crois estre au Ciel, et a celuy lequel estant en terre n'est pourtant qu'une mesme ame avec luy, non plus que par le mariage ilz ne furent qu'un mesme cors icy bas.

  A007001896 

 Mays, helas, que nous sommes trompés! Ilz sont en la paix et au repos de la vraye et constante vie, et nous sommes bien avant dans la mort, en laquelle nous nous enfonçons tous-jours de plus en plus jusques a tant que nous l'ayons passee..

  A007001896 

 Nous nous imaginons qu'ilz sont mortz et en la mort, et ilz ne le sont plus; ilz le furent seulement au dernier instant de ceste vie mortelle.

  A007001901 

 Helas, que ce terme est court! La pluspart de nous a desja beaucoup plus employé d'annees; les uns n'y vont pas si viste que les autres, mais presque tous neanmoins y vont tousjours plus viste qu'ilz ne voudroyent.

  A007001901 

 Nous avons mille peynes et travaux pour parvenir ou il est; pourquoy serons nous faschés qu'il y soit arrivé? Pourquoy pleurerons nous tant le trespas de ce prince, lequel pleureroit, s'il estoit en lieu de larmes, avec beaucoup plus de rayson le retardement du nostre, que nous n'avons pas pleuré l'avancement du sien? Nolo vos ignorare de dormientibus, ut non contristemini, sicut et cæteri qui spem non habent.

  A007001905 

 O saint et celeste Esprit, o bel Ange de lumiere et de paix, qui fustes assigné a ce prince pour protecteur de son ame, et qui aves esté fidelle tesmoin des bonnes actions que Dieu luy a inspirees et que vous aves sollicitees, je suis vostre humble serviteur et devot; [408] suggeres maintenant a ma foible memoire ce que vous en jugerés de plus digne d'honneur et d'imitation..

  A007001907 

 Le prince Philippe Emmanuel duc de Mercœur receut abondamment des biens de la premiere façon, sur lesquelz il bastit un excellent ediffice de perfection de ceux de la seconde sorte; car quant au premier, Dieu le fit naistre de deux maysons des plus illustres, anciennes et catholiques qui soyent entre les princes de l'Europe.

  A007001908 

 Mays tous s'accordent bien que ç'a esté une pepiniere plantureuse et feconde d'une grande quantité d'empereurs et de roys, et des plus genereux princes de toute la Chrétienté, et qu'il n'y a contree en laquelle elle n'aye heureusement planté les lauriers et les palmes de sa valeur et pieté..

  A007001911 

 La mayson de Saxe, l'une des plus puissantes et anciennes de toute l'Allemagne, ayant fourni a l'empire plusieurs grans empereurs, electeurs, defenseurs et conducteurs d'armes, produisit, il y a plusieurs centaines d'annees, le prince Berard, tres vaillant et tres catholique, lequel donna heureux commencement a la serenissime mayson de Savoÿe, laquelle, d'aage en aage sans interruption, a continué jusques a present autant magnanime que constante en la religion.

  A007001914 

 Et a la verité, l'extraction sert de beaucoup et a un grand pouvoir sur nos desseins, voire sur nos actions mesmes, soit pour la sympathie des passions que nous empruntons souvent de nos predecesseurs, soit pour la memoire que nous conservons de leur prouesse, soit aussi pour la bonne et plus curieuse nourriture que nous en recevons..

  A007001915 

 Donques le duc de Mercœur considerant qu'il y a autant de difference entre la vertu et la noblesse qu'entre la lumiere et la splendeur, l'une esclàirante de soy et l'autre d'emprunt, louant Dieu d'avoir moyen de rendre ses actions plus exemplaires, il a tous-jours eu soin de ne rien faire qui peust obscurcir ou amoindrir la grande splendeur que la generosité de ses ancestres luy avoit acquis; et entant qu'il luy a esté possible, il l'a non seulement conservee, mais de beaucoup augmentee..

  A007001917 

 Il estoit donq des plus temperans en son vivre, attendu qu'il ne mangeoit que comme par force et ne beuvoit presque que de l'eau.

  A007001917 

 Pour moy, je tiens qu'il n'est pas plus difficile qu'un fleuve passe par la mer sans se saler, que de demeurer en la cour sans y apprendre et prattiquer des mœurs corrompues.

  A007001917 

 Quant a la temperance, qui n'est autre chose qu'un retranchement des playsirs et delices de ce monde, elle se trouve en ce prince au plus haut degré.

  A007001919 

 Car il avoit une exacte connoissance et prattique des mathematiques, que le fameux Bressius luy avoit enseignees; il avoit aussi l'usage de l'eloquence et la grace de bien exprimer ses belles conceptions, non seulement en ceste nostre langue françoise, mays mesme en allemande, italienne et espagnole, esquelles il estoit beaucoup plus que mediocrement disert; et neanmoins il n'employa jamais son bien dire en choses vaines, ou pour mieux dire, il ne voulut abuser de ce beau talent que Dieu luy avoit si liberalement departi, ains il l'employa a la persuasion des choses utiles, louables et vertueuses.

  A007001919 

 Et ce que je prise le plus, il estoit fort instruit en ceste partie de la theologie morale qui nous enseigne les regles de bien establir la conscience.

  A007001920 

 Quicomque est doux a l'endroit de ses domestiques, l'est beaucoup plus envers les autres.

  A007001921 

 Il ne s'attribuoit rien de ses richesses que la puissance de les dispenser, sçachant bien que la lueur de l'or et celle de l'espee ne nous doivent non plus esblouir l'une que l'autre..

  A007001924 

 Tesmoin aussi le comte de Chaligny, lequel ayant consacré le printems de ses plus belles annees a la pieté, a peu apres rendu le fruit d'une tressainte mort au retour de plusieurs braves exploitz par luy executés en la sainte guerre de Hongrie, sous la conduitte et a l'imitation de ce sien frere..

  A007001926 

 Ces exercices ordinaires luy servans comme d'une continuelle preparation a la Communion, il n'oublioit pas aux festes solemnelles de faire une entiere reveuë de toutes ses actions pour s'esprouver soy mesme avec une severité extreme, a celle fin de recevoir plus dignement le tressaint Sacrement de l'Eucharistie auquel il avoit une devotion inestimable, se croyant beaucoup plus asseuré de la victoire en guerre quand il rencontroit ou attaquoit les ennemis de l'Eglise le jeudy, pour estre l'institution de ce saint Sacrifice, ou bien le samedy, jour que nos peres ont destiné a l'honneur de Nostre Dame..

  A007001928 

 Mais ou vay je? Ne sçay je pas en quel danger de naufrage je me precipite, me hazardant a de telles louanges? Je cours bien encor une plus grande fortune, si je single en ceste mer sans fond et sans fin des vertus et genereux exploitz de ce prince.

  A007001931 

 Despuis lequel tems jusques a ce qu'il alla chercher des nouveaux lauriers jusques a l'un des coins du septentrion, il s'est trouvé, selon la diversité des occurrences, en plusieurs sieges, assaillant et defendant en diverses armees, rencontres et batailles, ou Dieu l'a tellement favorisé que jamais il n'a eu conduitte qu'elle n'ayt esté suivie d'une heureuse victoire; dont j'aurois a dire de luy beaucoup plus de choses que le tems qui m'est prefix, voire que la vie d'un homme ne pourroit suffire a reciter; mais je ne puis sinon esbaucher et desseigner grossierement l'idee d'un genereux prince chrestien, que le grand duc de Mercœur a exprimé en soy mesme par tant de vertus et de braves exploitz d'armes qu'il a produit..

  A007001931 

 Que restoit il donq a ce prince pour dedier a Dieu, sinon son cors et sa vie? Ce qu'il fit par le desir continuel qu'il eut des sa plus tendre jeunesse de faire la guerre [419] contre les infidelles, desir que Dieu luy a donné la grace d'assovir avec la gloire que la Hongrie et tout le Christianisme sçait et tesmoigne.

  A007001932 

 Et combien que je peusse dire icy en termes generaux et d'une haleyne, qu'en toutes les parties de sa vie il a fait paroistre en luy toutes les qualités qui se peuvent desirer en un grand prince pour le rendre parfait, toutesfois, pour parler plus distinctement, il me sera plus a propos de ne vous faire plus attendre la monstre de la piece, laquelle, comme elle a esté la derniere de sa vie, a aussi esté la plus glorieuse pour luy, la plus aggreable pour sa memoire et la plus utile a la republique chrestienne, et en laquelle, comme en une riche tapisserie, vous verres la tisseure d'autant de faitz d'armes et de vertus que l'œil de vos entendemens en sçauroit desirer..

  A007001933 

 On ne parloit plus que des progres de l'armee turquesque et de son cimeterre, quand, le vray Soleil de justice suscita ce vaillant et genereux prince, qui volontairement et librement, je ne diray pas seulement de gayeté mais encores de pieté de cœur, part de son païs, et, comme un autre Machabee, se rend en l'armee chrestienne au commencement du mois d'octobre, l'annee 1599.

  A007001945 

 Mais nostre general le sçachant fit aussi de son costé rapprocher son armee, et ayant prins avec soy environ six vingtz chevaux françois s'avança jusques dans la ville, de laquelle il ne pouvoit abandonner le soin, pour la visiter et asseurer; mais il n'y fut pas plus tost, qu'elle fut investie de huict mille chevaux, suyvis d'un gros de six vingtz mille hommes.

  A007001945 

 Nostre general fit bien faire plusieurs sorties par lesquelles plusieurs Turcz furent prisonniers; mais ce pendant ceste effroyable armee se loge entre la ville et nostre armee, laquelle n'estoit presque plus qu'un cors sans ame, estant privee de la presence de son general, lequel neanmoins ne la laissa gueres en cest estat; car ayant donné bon ordre aux affaires de la ville, voilé et favorisé de la nuict, il sort et se vint rendre parmi sa chere trouppe, de laquelle il fut receu, et notamment de l'archiduc Mathias, avec une joye inestimable qui fut aussi suivie de braves et signalés exploitz..

  A007001946 

 Apres lequel exploit nostre armee demeura six jours a la campaigne; et le grand duc de Mercœur ne voyant plus aucun ennemy autour de luy, vint avec le merite de mille palmes et d'autant de lauriers en la ville de Vienne, ou il fut receu avec la joye, les acclamations et benedictions que l'on peut penser, et avec autant d'appareil que l'on eust sceu faire pour l'Empereur en cas pareil..

  A007001946 

 Il me seroit, a la verité, du tout impossible de vous representer par parolles la valeur et prudence avec laquelle ce prince attaquoit les escarmouches avec l'armee des ennemis, desengageant ceux qui parfois s'engageoyent temerairement, regaignant les logis et petitz fortz occupés par les Turcz, faysant paroistre pendant dix sept jours entiers que les deux armees furent presque en continuel combat, un parfait assemblage de toutes les parties requises en un grand chef d'armees, et principalement en trois grandes journees esquelles il combattit si heureusement, qu'il y gaigna plusieurs canons et fit un carnage de Turcz des plus signalés qui se soit fait en nostre aage; auquel, entre plusieurs autres chefz, Mechmet Kiaïa bascha de Bude et le bascha de Caiaie demeurerent mortz, desquelz les testes furent envoyees [426] pour estre baillees en eschange de plusieurs Chrestiens.

  A007001955 

 Je m'en resjouys avec vous, o belle France, et loué soit nostre Dieu que de vostre arsenal soit sortie une espee si vaillante, et que l'Empire soit venu a la queste d'un lieutenant general a la cour de vostre grand Roy, auquel c'est une grande gloire d'estre le plus grand guerrier d'un royaume duquel sortent des princes qui au reste du monde sont estimés et tenuz les premiers.

  A007001956 

 Mais parce que la vie doit estre comme une image dont toutes les parties doivent estre belles, et que la conclusion est la plus remarquable partie de l'œuvre, voyons un peu, je vous supplie, quelle fin eut une si belle vie.

  A007001957 

 Me voicy arrivé par sa grande misericorde a la fin de ceste vie mortelle; sa toute bonté ne veut pas que j'arreste plus longuement parmi tant de miseres.

  A007001958 

 Et comme l'on void que le mouvement naturel est tous-jours plus fort en la fin qu'au commencement, aussi sa devotion et pieté en ceste derniere action fit tout l'effort de ses saintz mouvemens.

  A007001958 

 Il ne l'eut pas plus tost veu, que tout languissant et foible de cors, mays fort et ferme d'esprit, ayant « plus de foy que de vie, » il se jetta hors de son lict, et se prosternant en terre il adora son Sauveur, plein de larmes, de parolles devotes et de mouvemens religieux, luy presente son ame et luy dedie son cœur, puys le reçoit avec toute l'humilité et la ferveur que sa grande foy luy peut suggerer en ce dernier passage.

  A007001958 

 L'aumosnier ayant donq pris ce gage sacré de nostre redemption au lieu le plus voysin qu'il peut, l'apporta a ce prince malade, lequel l'attendoit avec une devotion et avec des souspirs ineffables.

  A007001958 

 Mais parce qu'il n'y a aucun exercice de la foy catholique a Noremberg, l'on luy denia ce dernier bien qu'il desiroit plus que tout autre, toutesfois avec mille protestations et excuses, et entr'autres que le mesme avoit esté refusé a la reyne Elizabeth quand elle vint en France.

  A007001959 

 Quand je dis que le duc de Mercœur est decedé, je dis aussi un grand duc et grand prince; mais ce qui est plus que tout cela et ou le monde ne peut atteindre, je dis ensemble un grand selon Dieu, grand en foy et religion, grand en vertu et preudhommie, grand en douceur et debonnaireté, grand en merites et bienfaitz, grand en prudence et en conseil, grand en reputation et honneur devant Dieu et devant les hommes, grand en toutes sortes et manieres.

  A007001960 

 Et comme il advient en un grand fleuve dont l'embouchure est estroitte, qu'avec plus d'impetuosité il se desgorge en la mer, ou [à] l'arbre qui veut mourir, que pour la derniere fois il porte du fruit plus que l'ordinaire, les vertus qui auparavant faisoyent en luy leurs fonctions a part, tant qu'il a vescu en ce monde, se sont icy jointes ensemble pour luy faire dire avec saint Paul: Cum infirmor, tunc potens sum, pour marcher au devant de luy, servir de fanal dans les tenebres du trespas, et pour faire que cest arbre, sur les rameaux duquel tant d' oyseaux ont reposé et a l'abri duquel tant d'animaux ont repeu, tombant du costé du midy, c'est a dire en estat de grace et de gloire, y demeure eternellement.

  A007001961 

 Ne penses plus a sa vie pour regretter sa mort, mais penses plustost a sa mort pour imiter sa vie, de laquelle si vous voules avoir une perpetuelle idee devant les yeux et en conserver un brief memorial, resouvenes vous de sa devise: « Plus fidei quam vitæ.

  A007001962 

 Au lieu donques que ce prince disoit estant icy: « Plus de foy que de vie, » maintenant il chante pour cantique: Tout de vie et point de foy..

  A007001962 

 Il eut a la verité tous-jours « plus de foy que de vie; » car sa foy fut tous-jours maistresse de sa vie.

  A007001963 

 Hé, qui sera ce courageux Helisee qui la recueillira? Qui sera ce brave prince qui, marchant sur les pas de ce grand conducteur d'armees, avec « plus de foy que de vie, » poursuivra les victoires qu'il a si bien commencees contre les ennemis du Crucifix? Permettes moy que je vous expose une mienne pensee.

  A007001963 

 Non, croyes-moy, je vous supplie, qu'il n'a point de plus grand soucy que celuy que je dis..

  A007001963 

 Si l'esprit de ce prince a quelque soin de nous, comme il n'en faut pas douter, je crois que c'est principalement pour le desir qu'il a que quelqu'un luy succede [433] qui puisse comme luy porter pour sa devise: « Plus de foy que de vie.

  A007001964 

 Il me semble que je le voy nous arraisonnant avec une grace celeste presque en ces termes: Quis consurget mihi adversus malignantes? aut quis stabit mecum adversus operantes iniquitatem? Je suis maintenant en ceste vie heureuse ou la foy n'arrive point, ou il n'y a plus d'esperance, car la clarté a chassé la foy, et la jouissance a banni l'esperance.

  A007002020 

 Le coq blanc est plus redoutable au lion..

  A007002020 

 [4.] Pour instruire plus convenablement.

  A007002037 

 Ce mesme Dieu, avec sa sainte providence, voulant creer le monde spirituel de son Eglise, y a mis comme en un divin firmament deux grans luminaires; mais l'un plus grand, l'autre moindre.

  A007002037 

 Le plus grand c'est son Filz Jesus Christ nostre Sauveur et Maistre, abisme de lumiere, source de splendeur, vray Soleil de justice; le moindre, c'est la tressainte Mere de ce grand Filz, Mere toute glorieuse, toute resplendissante et vrayement plus belle que la lune.

  A007002037 

 Mais en fin, quand l'heure fut venue en laquelle ce pretieux soleil devoit se coucher et porter ses rayons a l'autre hemisphere de l'Eglise qui est le Ciel et la trouppe angelique, que pouvoit-on attendre sinon les obscurités d'une nuict tenebreuse? La nuict aussi arriva tout aussi tost et succeda au jour; car tant d'afflictions et persecutions qui survindrent aux Apostres, qu'estoit ce qu'une nuict? Mais ceste nuict eut encor son luminaire qui l'esclaira, affin que ses tenebres fussent plus tolerables; car la bienheureuse Vierge demeura en terre parmi les disciples et fidelles.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002041 

 La rayson fondamentale est parce que Nostre Dame n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz, elle ne pouvoit donq avoir qu'une mesme mort; elle ne vivoit que de la vie de son Filz, comme pouvoit-elle mourir d'autre mort que de la sienne? C'estoyent a la verité deux personnes, Nostre Seigneur et Nostre Dame, mais en un cœur, en une ame, en un esprit, en une vie; car si le lien de charité lioit et unissoit tellement les Chrestiens de la primitive Eglise, que saint Luc asseure qu'ilz n'avoyent qu' un cœur et une ame (aux Actes, 4 ), combien avons nous plus de rayson de dire et croire que le Filz et la Mere, Nostre Seigneur et Nostre Dame, n'estoyent qu' une ame et qu'une vie?.

  A007002042 

 C'est pourquoy, si saint Paul ne vivoit que de la vie de Nostre Seigneur, Nostre Dame aussi ne vivoit que de la mesme vie, mais plus parfaitement, mais plus excellemment, mais plus entierement..

  A007002042 

 O peuple, ceste union, ce meslange et liaison de cœurs estoit grande qui faysoit dire telles parolles a saint Paul, mais non pas comparable avec celle qui estoit entre le cœur du Filz Jesus et celuy de la Mere Marie; car l'amour que Nostre Dame portoit a son Filz surpassoit celuy que saint Paul portoit [443] a son Maistre, d'autant que les noms de mere et de filz sont plus excellens en matiere d'affection que les noms de maistre et de serviteur.

  A007002044 

 Le glaive de la parolle de Dieu, lequel, comme parle l'Apostre, est plus penetrant qu'aucune espee a deux taillans.

  A007002051 

 L'amour a accoustumé de faire recevoir les contre coups des afflictions de ceux que l'on cherit: Quis infirmatur, et ego non infirmor? Qui est malade, que je ne le sois? qui reçoit un coup de douleur, que je n'en reçoive le contre coup? dit le saint Apostre; et neanmoins l'ame de saint Paul ne touchoit pas de si pres au reste des fidelles, comme l'ame de Nostre Dame touchoit et attouchoit de fort pres, et de si pres que rien plus, a Nostre Seigneur, a son ame et a son cors, duquel elle estoit la source, la racine, la Mere.

  A007002051 

 Quand on donne quelque grand et puissant coup sur une chose, tout ce qui la touche de plus pres en est participant et en reçoit le contre coup.

  A007002052 

 Disons un peu plus clairement: une flesche dardee rudement contre une personne, ayant outrepercé son cors, percera encores celuy qui se trouvera tout touchant et joint a luy.

  A007002053 

 C'est la verité, o peuple, plus les paroles de Nostre Seigneur furent douces, plus furent elles cuisantes a la Vierge sa Mere, et le seroyent a nous si nous aymions son Filz.

  A007002053 

 Quelle plus douce parole que celle qu'il dit a sa Mere et a saint Jean, paroles tesmoins asseurés de la constance de son amour, de son soin, de son affection a ceste sainte Dame; et neanmoins ce furent des paroles qui sans doute luy furent extremement douleureuses.

  A007002054 

 Et quoy, me dires-vous, mourut elle alhors? J'ay des-ja dit que quelques uns qui l'ont ainsy voulu dire ont fort [446] erré, et que l'Escriture tesmoigne qu'elle estoit encor vivante au jour de la Pentecoste, et qu'elle persevera avec les Apostres aux exercices de l'orayson et communion, et de plus que la tradition est qu'elle vescut plusieurs annees despuis.

  A007002059 

 Il est donq mort d'amour, et c'est ce qui fait que son sacrifice de la croix fut un holocauste, parce qu'il y fut consumé par ce feu, invisible mais d'autant plus ardent, de sa divine charité qui le rend sacrificateur en ce sacrifice, et non les Juifz ou Gentilz qui le crucifierent, d'autant qu'ilz n'eussent sceu luy donner la mort par leurs actions, si son amour, par le plus excellent acte de charité qui fut onques, n'en eust permis et commandé le dernier effect, puysque tous les tourmens qu'ilz luy firent fussent demeurés sans effect, s'il n'eust voulu leur permettre la prise sur sa vie et leur donner force sur luy: Non haberes potestatem adversum me, nisi datum tibi esset desuper..

  A007002060 

 Elle ne faisoit que languir, sa vie n'estoit plus qu'en defaillances et ravissemens, elle se fondoit en elle mesme par tant de chaleurs, si que elle pouvoit bien dire ordinairement: Stipate me floribus, fulcite me malis, quia amore langueo; Appuyes moy de fleurs, environnes moy de pommes, car je languis d'amour.

  A007002060 

 O que l'amour divin est bien plus actif et puyssant! Son object, son principe est bien plus grand; c'est pourquoy ce n'est pas chose estrange si je dis que Nostre Dame en mourut.

  A007002061 

 Helas, son thresor estoit au Ciel, c'est a dire son Filz, son cœur n'estoit donq plus en elle; la estoit le cors qu'elle aymoit tant, os de ses os, chair de sa chair; la voloit ceste sainte aigle: Ubicumque fuerit corpus, ibi congregabuntur et aquilæ.

  A007002062 

 Ah, si tant de vierges, comme sainte Catherine de Sienne, sainte Claire de Montefalco, ont bien eu ceste grace, pourquoy non Nostre Dame, laquelle ayma son Filz et sa mort et sa croix incomparablement plus que ne firent onques tous les Saintz et les Saintes? Aussi n'estoit elle plus qu'amour, et en nostre langage, l'anagramme de Marie n'est autre chose que aimer: aimer c'est Marie, Marie c'est aimer.

  A007002062 

 Ceste Vierge assemblant en son cœur la croix, la couronne, la lance de Nostre Seigneur, les posa au plus haut de ses pensees, et faisant sur ce buscher un grand mouvement de continuelle meditation, le feu en sortit aux rayons des lumieres de son Filz.

  A007002063 

 Ah, cela se croit des cors d'Helie et Enoch lesquelz, comme il est dit en l'Apocalypse, mourront, mais pour trois jours seulement et sans corruption; combien plus de la Vierge, de laquelle la chair immaculee a une si estroitte alliance avec celle du Sauveur, qu'on ne sçauroit imaginer aucune imperfection en l'une que le deshonneur ne rejaillisse [451] sur l'autre.

  A007002063 

 Mais comme le phœnix resuscite bien tost apres sa mort et reprend une nouvelle et plus heureuse vie, ainsy ceste bienheureuse Vierge ne demeura gueres (ce ne fut au plus que trois jours) sans resusciter; son cors ne fut point sujet a la corruption apres la mort, cors qui n'en receut jamais pendant sa sainte vie.

  A007002067 

 Et certes, les cigoignes ont ceste naturelle pieté envers leurs peres et meres desja caduques et vieux, que lhors que l'aspreté de la sayson et du tems les contraint a faire passage et retraitte en lieu plus chaud, elles les saisissent, s'en chargent et les portent sur leurs aysles, pour en quelque façon contrechanger le benefice qu'elles ont reçeu en leur education.

  A007002067 

 Il ne faut pas douter que le Sauveur n'aye voulu observer ce commandement qu'il a fait a tous les enfans, au plus haut point de perfection que l'on peut imaginer.

  A007002069 

 Aussi fut-ce la plus belle et magnifique entree qui fut jamais veuë au Ciel apres celle de son Filz; car quelle ame y fut jamais receuë si pleyne de perfections, si [454] richement paree en vertus et privileges? Elle monte du desert du monde inferieur, mais neanmoins tant parfumee de dons spirituelz que le Ciel, hors la personne de son Filz, n'a rien de comparable.

  A007002070 

 Mais nostre sainte Dame ayant esté comblee de grace en sa conception, des qu'elle eut l'usage de sa rayson n'a jamais cessé de prouffiter et croistre de plus en plus en toutes sortes de vertus et de graces, si que l'amas d'icelles en fut incomparable: Multæ filiæ congregaverunt divitias, sed tu supergressa es universas; Plusieurs ames ont assemblé des richesses, mais vous les aves toutes surpassees..

  A007002070 

 Mays parlons des plus parfaitz.

  A007002071 

 Mays en ceste sainte journee en laquelle Nostre Dame arriva au royaume de son Filz, penses comme le Pere eternel luy aura dit: Toute ma gloire est tienne, o mon bienaymé Filz; ta Mere est venue vers toy, fais la habiter au plus haut grade, en la meilleure et eminente place de ce royaume.

  A007002071 

 Nostre Seigneur venant en ce monde chercha la plus basse place qui y fut et n'en trouva point de plus basse par humilité que la Vierge; maintenant il la remonte en la plus haute du Ciel par gloire.

  A007002071 

 O qu'elle fut abondante en delices, puisqu'elle avoit esté si abondante en bonnes œuvres et travaux en ce monde! Aussi fut-elle establie au plus haut lieu de la gloire des Saintz.

  A007002073 

 L'Eglise qui va tous-jours par le chemin royal et se tient dans le milieu de la vertu, ne combattit pas moins les uns que les autres, mais determinant contre les uns que la Vierge n'estoit que creature et que partant on ne devoit luy faire aucun sacrifice, elle establit contre les autres que neanmoins ceste sainte Dame, pour avoir esté Mere du Filz de Dieu, devoit estre reconneuë d'un honneur special, infiniment moindre que celuy de son Filz, mays infiniment plus grand que celuy de tous les autres Saintz.

  A007002074 

 Et pour moy, j'ay accoustumé de dire qu'en certaine façon la Vierge est plus creature de Dieu et de son Filz que le reste du monde; pour autant que Dieu a creé en elle beaucoup plus de perfections qu'en tout le reste des creatures, qu'elle est plus rachetee que tout le reste des hommes, parce qu'elle a esté rachetee non seulement du peché, mays du pouvoir et de l'inclination mesme du peché, et que racheter la liberté d'une personne qui devroit estre esclave, avant qu'elle le soit, est une grace plus grande que de la racheter apres qu'elle est captive.

  A007002075 

 Bref, nous la nommons belle, et belle plus que tout le reste des creatures, mais belle comme la lune qui reçoit sa clarté de celle du soleil, car elle reçoit sa gloire de celle de son Filz.

  A007002076 

 Si Jesus Christ prie au Ciel, il prie en sa vertu; mais la Vierge ne prie que comme nous en la vertu de son Filz, mais avec plus de credit et de faveur.

  A007002077 

 Et reginæ laudaverunt eam: et non seulement le peuple, mais les ames plus relevees, les prelatz, les docteurs, les princes et monarques l'ont loüee et magnifiee; et comme les oyseaux commencent a gazouiller chacun en son ramage a la pointe du jour, ainsy tous se sont evertués a celebrer ses honneurs, comme elle mesme l'avoit præveu, disant: Beatam me dicent omnes generationes, a la suitte desquelz tous les fidelles doivent, et vous le deves plus particulierement, o Parisiens, l'invoquer et luy obeyr, qui sont les deux premiers honneurs que nous luy pouvons rendre et qu'elle nous a invité a luy rendre..

  A007002079 

 Ceste Vierge, o peuple, vous demande sur tout pour la plus asseuree demonstration de vostre devotion en son endroit, que vous ayes son Filz pour Roy de vostre cœur et de vostre ame, qu'il regne en vous et que ses commandemens soyent mis en execution.

  A007002079 

 Mais elle ne demeura gueres morte, mais fut resuscitee, et monta du desert de ce monde la haut en Paradis, ou elle est au supreme degré de toutes les creatures; et tout cela pour la plus grande gloire de son Filz, pour laquelle elle prie pour nous et nous demande que nous luy soyons fidelles serviteurs..

  A007002081 

 O tres sacree et tres heureuse Dame, qui estes au plus haut du Paradis de felicité, helas, ayes pitié de nous qui sommes au desert de misere; vous estes en l'abondance des delices, et nous sommes en l'abisme des desolations; impetres nous la force de bien porter toutes afflictions, et que nous soyons tous-jours appuyés sur vostre Bien-aymé, seul appuy de nos esperances, seule recompense de nos travaux, seule medecine de nos maux.

  A007002081 

 Soyes propice au Roy: vostre grand père [461] David fit du bien au filz de Jonathas pour la memoire des services et offices receuz de Jonathas, et ce Roy est petit filz d'un de vos plus fidelles et devotz serviteurs, le bienheureux saint Louys; nous vous prions de luy donner vostre protection au nom de ce saint Roy.

  A007002131 

 Il est vrai que les rois aux mœurs dépravées et corrompues sont des rois, que Dieu donne dans sa fureur; mais combien plus [465] heureux est l'état gouverné par un roi sage! Vos lis parleront par analogie, ces lis qui, d'après saint Ambroise, fleurissent et conservent leur éclat même quand la tige et les feuilles sont desséchées; leur épanouissement toutefois est bien plus beau quand ils sont entourés de feuilles printanières..

  A007002133 

 Craignant que ses sujets pauvres fussent délaissés, il entendait leurs causes en personne deux fois la semaine, en un lieu convenable, quelquefois sous un arbre, pour se rendre plus accessible aux paysans: il s'est fait tout à tous..

  A007002134 

 Ce qu'il observait aussi pour les aumônes, afin que les plus dignes fussent récompensés selon leur mérite..

  A007002135 

 Hélas! que son peuple a dégénéré! Les commerçants n'ont plus de conscience, les nobles, plus de religion..

  A007002135 

 Les plus vives sollicitations ne purent jamais l'amener à promettre de cette sorte: Je m'engage à faire telle chose ou à renier Dieu.

  A007002173 

 Quelle force plus que celle de l'amour nous prive de nos biens? La chaleur des rayons du soleil nous oblige à rejeter nos vêtements; mais cet astre même revêt les arbres de fleurs et de feuilles.

  A007002195 

 Je vis un trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, etc.; et les livres furent ouverts, et un autre livre qui est le livre de vie; et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000129 

 Les Israélites n'usèrent jamais d'aliment plus solide que lorsqu'ils se nourrissaient de la manne; ils murmurent cependant et en demandent Un autre: Jésus s'était illustré par mille miracles, et cependant ils en exigent encore..

  A008000133 

 Mais l'interprétation est très difficile, Et il ne lui sera donné d'autre signe que celui du Prophète Jonas. 1 re interprétation, celle d'un grand nombre: c'est-à-dire la résurrection du Christ, etc. Mais il y a là de nombreuses difficultés; car la résurrection [du Christ] n'était pas plus un signe pour eux que Son ascension ou [la résurrection] des morts, etc. 2 me.

  A008000155 

 Plusieurs donc pensent que le Christ l'avait interrogé sur sa maladie et même sur les causes de son mal, voilà pourquoi Jésus dit: Ne pèche plus désormais.

  A008000184 

 Purifier-moi encore plus.

  A008000236 

 Nulle union plus grande que celle de la nourriture.

  A008000274 

 Il se retira de devant la face du Seigneur. [ Leur face ] est devenue plus noire que le charbon.

  A008000296 

 Il en sera de même assurément, auditeurs: si nous voyons l'Ascension du Christ, le trésor le plus abondant de ses dons nous sera communiqué.

  A008000298 

 S'agit-il [21] de la pénitence, Novat enseigne qu'aucune n'est suffisante, Pélage, que la plus légère suffit.

  A008000300 

 Dieu est plus grand que notre cœur.

  A008000303 

 Mais enfin il y a plus.

  A008000303 

 Voyez en effet, je vous prie, ce corps, non plus charnel, mais spirituel, qui pénètre les cieux.

  A008000331 

 Vous voyes que je vay faire un discours tout d'amour, mais que je ne puis faire si le Saint Esprit, amour celeste, ne m'inspire, et que Celle qui par luy a receu plus d'amour que nulle creature ne m'en impetre la grace.

  A008000350 

 A son tour, la Vierge fut hors d'elle-même; [30] Pour moi, vivre, c'est le Christ, et mourir m'est un gain; Je vis, non plus moi.

  A008000351 

 Ce zèle atteignit son plus haut degré en Marie.

  A008000391 

 In Ægipto fuit circa sex annos, plus minusve.

  A008000405 

 Quand le monde sera mort en vous, vous pourrez être un peu plus libres.

  A008000406 

 Allaite cet Enfant; sois plus vigilant dans les commencements.

  A008000408 

 Joseph qui plus tard devait si bien interpréter les songes, en faisait dans son enfance; David, avant d'être l'admirable pasteur d'Israël, paissait les troupeaux de son père: ainsi, le Christ fabriquait des croix, lui qui, plus tard, devait être si excellemment crucifié et crucifiant..

  A008000408 

 Jésus demeura en Egypte environ six ans, plus ou moins.

  A008000430 

 Itaque dono tibi quod unum habeo, meipsum; hoc munus, rogo, boni consule, cogitesque alios, cum tibi multa dederint, plus sibi reservasse.

  A008000431 

 Condendis laudibus tabernaculi Beatæ Virginis non est timendum ne Ecclesia plus accipiat; ita Collyridianos repressit.

  A008000431 

 [Ibid.,] 36, plus dederunt quam opus esset, et Moyses prohibuit, et fabri nimium distrahebantur excipiendis muneribus.

  A008000438 

 Jamais le Christ n'a reçu de don plus magnifique.

  A008000449 

 Exode, XXXV: Le peuple offre spontanément de l'huile, du bois, des poils de chèvre, de l'airain, de l'argent, de l'or, des pendants d'oreille, des bijoux, des pierres précieuses; on fît don de peaux de brebis, etc. On donna plus qu'il ne fallait.

  A008000490 

 Eh! qu'il s'en aille ce temps de la chair, qu'il disparaisse; périssent ces jours et qu'ils ne comptent plus dans l'année, qu'ils soient effacés dans un éternel oubli.

  A008000493 

 Oui, mes Frères, nous mourons; de plus en plus, le Royaume des cieux approche, et par la pénitence nous sont préparés d'indéfectibles trésors.

  A008000494 

 Elle se revêtit d'abord d'un cilice et se couvrit de cendre; elle mit ensuite ses plus beaux vêtements et s'orna de tous ses joyaux.

  A008000495 

 Il y a plus.

  A008000497 

 Quant à celui qui veut amasser, il doit se préoccuper des plus petites choses, des nouvelles et des anciennes, être fidèle en peu de choses, ne rien mépriser; mettre sa main aux choses fortes, au négoce, et en même temps, tenir le fuseau.

  A008000497 

 Vous verrez bien les abeilles se poser sur les roses, les lis et les plus grandes fleurs; mais elles ne récoltent pas moins sur le thym, le romarin et les autres moindres fleurettes, et leur travail y est plus fructueux, à cause de la multitude de ces fleurs, et parce que le miel, dans ces petits vases, se conserve mieux et s'évapore moins.

  A008000498 

 Ce jeûne simule la faim, rien de plus.

  A008000500 

 Et si, comme plusieurs le pensent, entre autres Suarez, l'intention formelle et actuelle n'est pas nécessaire, du moins est-il mieux et plus assuré de l'avoir telle et de fixer les yeux sur Dieu.

  A008000505 

 La mortalité est la ressemblance de la chair de péché; bien plus, on peut même l'appeler péché, car la mort est l'effet du péché.

  A008000506 

 Renversez les impies et ils ne seront plus: tournez sens dessus dessous le pécheur, c'est-à-dire, soumettez la chair qui commandait, elevez l'esprit qui gisait a terre; ainsi retourné il ne sera plus pécheur; son grabat le portait, il porte maintenant son grabat.

  A008000527 

 Et afin que ses enfants observent cette règle: Mes Frères [dit-elle,] l'heure est venue, etc. C'est l'enthymème de saint Paul: Notre salut est maintenant plus proche que lorsque nous avons cru; la nuit passe et le jour [59] approche; donc l'heure est venue de nous lever de notre sommeil.

  A008000550 

 Si les fils de Jacob avaient su qu'un jour Joseph serait vice-roi d'Egypte et leur juge, ils l'auraient assurément reçu avec la plus grande affabilité lorsqu'il vint les visiter en Dothaïn.

  A008000561 

 Plus quam Propheta, quia non solum prædixit sed ostendit; angelus munere, non natura..

  A008000563 

 Sic fiet ut in die judicii, quem-admodum hodie dixit de Joanne: Quid existis in mundum videre? Quibus providere et servire? Arundines? mollibus? prophetas? Etiam plus quam prophetas, quia prseviderunt ventura et sibi providerunt.

  A008000578 

 Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User des choses de cette vie avec plus de rigueur que les honnêtes gens qui vous entourent dénote la crainte de l'intempérance ou la tendance au scrupule; en user avec excès est preuve de prétention (comme ces histrions qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent d'habits royaux) ou de corruption.».

  A008000579 

 Plus qu'un Prophète, parce que Jean n'a pas seulement prédit, il a encore montré; ange par son office, non par nature..

  A008000580 

 Ainsi au jour du jugement, il redira comme il dit aujourd'hui de saint Jean: Qu'êtes-vous allés voir dans le monde? Pour qui furent vos prévoyances et vos soins? Pour des roseaux, pour des hommes mollement vêtus, pour des prophètes? Oui, plus que des prophètes, car ils annoncèrent l'avenir et s'y préparèrent.

  A008000583 

 2 e opinion, celle de saint Ambroise, toute mystique, laisse à penser ce que je viens de dire plus haut, dans cette colonne..

  A008000586 

 5 e, comme je l'ai dit plus haut.

  A008000604 

 Il ne sera plus besoin de diviser le jour de la nuit, car au Ciel le jour sera eternel pour les Saintz, et pour les autres, la nuit eternelle; non plus les signes mais les effectz, non plus les jours mais les eternites.

  A008000604 

 Le Ciel n'a plus besoin de ces astres, car les cors des Bienheureux tiendront leur place: Fulgebunt justi sicut sol, et sicut stellæ splendentes in perpetuas æternitates; ni la terre d'estre eclairee, car il ny aura plus d'yeux pour voir.

  A008000607 

 Bien plus, cette crainte même serait péché, parce qu'il jugerait le châtiment plus à craindre que la faute et que Dieu, et qu'il estimerait son avantage au-dessus de tout et de Dieu même.

  A008000607 

 quand, sans faire la réflexion indiquée plus haut, on redoute simplement l'enfer; ce fut la crainte des Ninivites.

  A008000625 

 Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? En ce peu de mots, saint Jean exprime les deux plus beaux titres du Christ: qui doit venir et que nous attendons.

  A008000628 

 Parce que la bonté est de soi communicative; de là cette maxime: Il est plus heureux de donner que de recevoir.

  A008000639 

 Le son des trompettes les effraya, par ce quil se fit au coeur de la nuit, lhors quilz estoyent au plus profond de leur sommeil; la lumiere des lampes les espouvanta, par ce qu'a l'improuveue ilz la virent paroistre entre les potz casses.

  A008000665 

 Malgré l'amertume des condiments, cette composition, par l'adjonction de la farine de la récompense, n'offre plus rien d'amer.

  A008000665 

 Voici l'amertume: «Souviens-toi, ô homme;» dans le jeûne, les pleurs et les gémissements; mais voilà que la mort qui suit n'est plus amère: c'est la possession d'un trésor au Ciel.

  A008000667 

 Comme s'il disait: Veux-tu être en sûreté, ne te détourne pas après de nombreux amants; commence par la connaissance de toi-même, et tiens pour certain que si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes, tu suivras les traces de tes troupeaux, c'est-à-dire de tes diverses affections, tu paîtras tes chevreaux, c'est-à-dire les affections mauvaises, près des tentes d'hommes étrangers qui se glorifient d'être mes rivaux, et paissent les âmes, mais de vent..

  A008000667 

 L'Epoux répond; il place les premiers éléments de la connaissance de Dieu dans la connaissance de soi-même: Si tu t'ignores, ô la plus belle.

  A008000671 

 Ne savez-vous pas que le plus souvent les démons ne demandent pas de grandes choses aux devins et aux magiciens, mais un [83] poil de barbe, une rognure d'ongle? Si tu les donnes, tu es pris.

  A008000674 

 Pour revenir à notre sujet Si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les créatures; [84] mais cela brièvement, [1.] Qu'elle est noble l'âme, puisqu'elle est l'image et la ressemblance de Dieu! Comme Phidias, représentant Minerve, au centre du bouclier, [etc.]: Faisons l'homme à notre image (littéralement, avec notre image et notre ressemblance ).

  A008000694 

 Personne ne doute, d'après saint Bernard, qu'il ne soit beaucoup plus grand que le premier Joseph..

  A008000727 

 La Providence ne s'occupe pas seulement des plus grandes choses, comme du décor des cieux, c'est-à-dire de la disposition des sphères célestes, de la variété de leur cours et de leurs mouvements, de la place et de l'ordre des étoiles et des planètes, etc.; mais aussi des moindres, comme [89] de la génération du serpent, de celle de la couleuvre, animal bien petit et le moindre de tous ceux qui se communiquent la vie sans génération spontanée.

  A008000728 

 C'est ainsi que le Ciel est appelé mer de verre, et plus explicitement: Mais la cité elle-même était en or pur, semblable au verre très clair.

  A008000732 

 Ou plus simplement encore, il fut tiré du néant: Dieu a orné les cieux d'Anges, et par sa main toute-puissante le mauvais esprit lui-même fut créé et tiré du néant, ce qui est une répétition emphatique.

  A008000734 

 Et le Seigneur fit un fouet de cordes; car le démon s'était enorgueilli de l'excellence de sa nature, et cette excellence devint la plus grande cause de ses tourments.

  A008000734 

 L'ambition, en effet, demeure; bien plus, leur orgueil monte toujours, et plus leur volonté s'exalte par l'ambition, plus ils s'abaissent en réalité dans leur abjection..

  A008000734 

 L'enfant se met peu en peine d'être déshérité de son père, mais laissez-le grandir; plus sou esprit deviendra pénétrant, plus grande sera sa douleur.

  A008000734 

 Plus le désir de dominer est puissant, plus douloureuse est la servitude.

  A008000734 

 Pourquoi ses tourments sont-ils sans pareils? Parce qu'il a une plus haute intelligence, et qu'il comprend à fond la grandeur de la perte qu'il a faite.

  A008000734 

 [93] Or, Satan se sentait pressé par l'ambition la plus forte: Dieu lui laissa cette ambition et s'en servit comme d'un fouet pour le tourmenter.

  A008000735 

 L'avare mérite-t-il une punition? Va, pour te punir sois toujours plus avare; sois toujours plus luxurieux, au point de perdre tout repos, etc. Les pécheurs seront punis par leurs propres péchés.

  A008000735 

 La calomnie ne blessa pas les Apôtres ni les autres amants de l'humilité; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton orgueil, ton arrogance qui te fait plus vivement sentir l'injure qui t'est faite..

  A008000735 

 La doctrine d'Epictète me plaît extrêmement: Comment punirons-nous l'ambitieux? Qu'il soit plus ambitieux encore.

  A008000735 

 Voyez les pères et les mères; ils pèchent s'ils rient en voyant leurs enfants s'abandonner à de mauvais propos, aux pires débuts de la vanité; le Seigneur tressera des cordes, et ces mêmes enfants accableront leurs parents d'autant de douleurs, etc. «On n'est blessé que par soi-même.» La pauvreté ne blessa pas Job, ne blessa pas saint François; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton impatience.

  A008000736 

 Rien de plus agréable à Dieu, de plus utile pour vous.

  A008000758 

 Plus les Anges sont élevés en gloire, plus leurs idées sont universelles.

  A008000761 

 Mais, il est plus heureux de donner que de recevoir.

  A008000787 

 Après avoir parlé du poisson callionyme et du fiel conservé en souvenir: O Dieu! Chrétiens, ici est conservé le mémorial de la foi; le plus auguste sacrement de la foi est exposé à vos yeux.

  A008000790 

 Pour la Vierge au pied de la Croix: Et ton âme. Et après la dernière parole, la comparer à la reine de Saba qui n'avait plus son esprit, c'est-à-dire la respiration, son esprit, la force de comprendre, tant elle était saisie d'admiration; elle n'avait pas son esprit, mais il était tout en son Fils.

  A008000793 

 Et le Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort pour eux.

  A008000822 

 La mort des saints est précieuse. Plusieurs meurent pour la foi, par amour; d'autres par amour, pour l'amour; mais la mort la plus précieuse est celle qui vient de l'amour, pour l'amour et par amour.

  A008000827 

 De parfums de myrrhe. Il s'agit ici de la myrrhe la plus exquise; non celle de la mortification, mais celle du mérite de la mortification.

  A008000827 

 Elle fait au Ciel les prières les plus ardentes: «Tous ressentent votre secours.» 5.

  A008000827 

 Personne ne peut, [etc.] Rien de plus élevé.

  A008000843 

 Talaris est ut cæterorum; nam quid proderit vestem habere et non talarem, quando insidiatur maxime calcaneo nostro diabolus, serpens? Sed non modo talarem, sed etiam plus quam talarem, ita ut ad posteros quoque perveniat, ut Hesteris vestimentum.

  A008000850 

 Le Seigneur use de paraboles pour graver plus profondément sa doctrine; comme on se sert d'aiguille et de soies pour introduire le fil.

  A008000852 

 Qui a été créé selon Dieu, c'est-à-dire à la plus parfaite image de Dieu; dans la sainteté de la vérité, c'est-à-dire dans la vraie sainteté..

  A008000854 

 Celui d'Esther, à queue, et qui [110] appartient aux Saints en tant que [par leurs exemples] ils communiquent leurs vertus [à ceux qui viennent après eux.] Il descend jusqu'aux pieds, comme les deux autres; car à quoi bon porter une robe qui ne descendrait pas jusqu'au talon, quand c'est surtout à notre talon que le démon, vrai serpent, tend ses embûches? Mais cette robe fait plus que de couvrir les pieds, elle se prolonge encore vers ceux qui suivent, comme celle d'Esther.

  A008000854 

 Celui-de Jacob, qui revêtit les plus beaux vêtements d'Esaü.

  A008000871 

 Elle vient comme une femme vulgaire pour être purifiée; elle vient comme mère pour offrir au Très-Haut le don qui pouvait lui être le plus agréable.

  A008000873 

 S'attaquant donc à la femme, comme étant la plus faible: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé, dit-il, de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? De tous, c'est-à-dire, pourquoi vous a-t-il commandé de n'en manger aucun; c'est l'opinion commune.

  A008000902 

 Jusqu'ici tous l'avaient entendu ainsi, et je m'étonne que ceux-là même qui ignorent le plus les questions théologiques prétendent l'expliquer autrement.

  A008000930 

 Il faut dire vrai, l'amour [du père] pour les enfant» est admirable, encore plus pour les fils selon la grâce que pour les fils selon la nature.

  A008000932 

 Sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, Salomon débute par un souhait d'union: Qu'il me baise (qu'est-ce à dire: qu'il me baise, sinon qu'il vienne et s'unisse à moi par l'Incarnation, ce mystère où la Sagesse sortant de la bouche du Très-Haut, s'unit à notre chair? De là ces mots: Venez, Seigneur, et ne tardez plus.

  A008000933 

 Le chevreuil gagne le sommet des monts pour voir plus distinctement à ses pieds toutes choses et contempler de plus près le soleil.

  A008000934 

 Venez, Seigneur, et ne tardez plus.

  A008000988 

 Il est nourriture dans l'Eucharistie, il est de plus l'aliment mystique des cœurs de tous les hommes.

  A008000989 

 Aussi, parmi les Pères les plus pieux, trois surtout professèrent envers ce mystère un culte spécial: saint Augustin: «Ce mystère est le sein qui m'allaite;» saint Bernard, qui dans une vision contempla cette naissance; saint François, comme chacun le sait..

  A008000993 

 Pauvreté la plus abjecte.

  A008000997 

 Voyez la douceur de cet Enfant: plus fort que Samson, il veut pourtant [127] être emmaillotté; il se montre aimable au milieu d'animaux qui le sont si peu.

  A008001000 

 Il y a plus.

  A008001000 

 Qu'il soit votre manne, votre miel, ce Roi, et qu'il régisse vos cœurs et vos corps jusqu'à ce rucher des cieux, où vous ferez un miel bien plus savoureux, etc..

  A008001013 

 Sed antequam ordiamur, prions la plus aymable, la plus aymee et la plus aymante Espouse, affin que nous puissions parler du plus aymable, du plus ayme et du plus aymant Espoux..

  A008001064 

 Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ), comme un fleuve de souffrances et d'afflictions, puis se changea en lumière et en soleil au jour de son Assomption: Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, choisie comme le soleil? Et, chose plus admirable encore, cette lumière, ce soleil se répandit en eaux très abondantes; c'est-à-dire que depuis son Assomption, la Vierge, par ses prières, nous a obtenu de très nombreuses grâces..

  A008001067 

 Elle vécut de la plus noble vie, et mourut de la plus noble mort.

  A008001067 

 Probablement à 63 ans, plus probablement à 72, d'après ce que dit saint Denis, Des Noms Divins, chap. III; car saint Denis ne se convertit qu'en l'an 52 du Seigneur, comme le remarque Baronius.

  A008001070 

 Et ce cortège d'Anges n'est point une fiction, car le Christ dit lui-même que l'âme de Lazare fut escortée par les Anges; à combien plus forte raison l'âme et le corps de la Vierge! Ensuite elle chanta son Magnificat..

  A008001072 

 Sara aima Ismaël comme son enfant, jusqu'au jour où elle le vit jouer avec son fils, c'est-à-dire, d'après Sa, se moquer de lui; dès lors, elle ne voulut plus l'aimer.

  A008001099 

 Et omnes simul, afferte ou des oeilletz, ou plus tost des oeillades interieures de la meditation; afferte des pensees sans nombre, et voyes que cette fille est nee pour nostre bonheur, voyes qu'ell'est l'amante de nos coeurs, nostre chere Dame, les delices des Anges, et la dilection du Pere, du Filz et du Saint Esprit.

  A008001099 

 Sic et nos qui præsumus afferamus rosas, quæ simbolum sunt authoritatis et dignitatis, quæ nunquam est sine spinis curarum; et rosse quae nihil aliud sunt quam multitudo foliorum rubicundorum quæ cordis figuram habent, in uno caule unitorum eique affixorum, et præterea quæ excelsiores sunt cæteris floribus, mere floribus, quæ in arbusto crescunt; car qui void une rose, void une multitude de feuilles rouges atachees a un bouton, toutes faites en guise de cœur, et cet un arbre fait pour la plus belle fleur, la ou les autres simples fleurs croissent en des tiges herbeux.

  A008001110 

 Assurément, la conclusion tirée de ces mots de saint Paul: J'ai aimé Jacob, etc., est faible, car ici Jacob est un nom patronymique, et de plus il est question de la bénédiction temporelle, non de la spirituelle.

  A008001110 

 En vérité, Jérémie (chap. I) paraît avoir été sanctifié dans le sein de sa mère; Lyranus le croit, mais Sa explique ce passage de la sanctification de prédestination, l'assimilant ainsi à saint Paul, lequel parlant de lui-même: [ Celui ] qui m'a choisi, dit-il, dès le sein de ma mère, pour prêcher l'Evangile, etc. Quant à Jacob, voir Péreira sur ces mots: L'aîné servira le plus jeune.

  A008001116 

 Tous ces dons reposent sur l'or d'une humilité amoureuse (l'or est de tous les métaux le plus lourd et le plus précieux), et sur eux est fondée la vraie charité, pourpre du roi et robe nuptiale.

  A008001117 

 Les roses ne sont autre chose qu'une multitude de feuilles rouges ayant la forme de cœur, unies et fixées sur une même tige; elles surpassent, de plus, toutes les autres fleurs, les simples fleurs qui croissent sur des arbustes.

  A008001140 

 Bien que Calepin et Maldonat diffèrent un peu d'opinion entre eux et avec d'autres auteurs, il n'importe, car la différence des deux expressions ne porte que sur le plus et sur le moins.

  A008001141 

 L'homme a été créé à la ressemblance de Dieu; donc, l'amour du prochain tend à ce que nous aimions en lui la ressemblance et l'image de Dieu, c'est-à-dire [que nous contribuions] à rendre cette image et cette ressemblance de plus en plus parfaite.

  A008001142 

 La [148] plupart des interprètes unissent les deux mots nouveau et sien, parce qu'il était dit dans l'ancienne Loi: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais dans la nouvelle: comme je vous ai aimés, c'est-à-dire, plus que soi-même.

  A008001144 

 Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Il y a plus: Qu'as-tu que tu n'aies dérobé? Nous sommes redevables au Christ de ses grâces, de ses Sacrements, de son sang: il nous a tout donné..

  A008001145 

 «On n'est blessé que par soi-même.» Si un cheval t'avait donné un coup de pied, serais-tu raisonnable de vouloir le lui rendre? En fait, cependant, il t'a plus nui que l'homme qui t'aurait donné un soufflet.

  A008001168 

 Il faut de plus véritablement prier; or, nos prières sont plutôt des simulacres de prières que des prières.

  A008001169 

 L'amour-propre augmente également les biens et les maux, comme le vin fortifie les humeurs et les inclinations, rend plus violent le poison de la ciguë et donne aux mets plus de force nutritive.

  A008001201 

 Saint Grégoire de Nazianze: Les évêques sont les peintres de la vertu, sujet le plus excellent de tous..

  A008001262 

 Adorer le Christ est le plus ancien des preceptes; lui refuser l'adoration, la plus ancienne des heresies.

  A008001262 

 Aussi, les Anges sont-ils les premiers à adorer le Christ: Gloire à Dieu au plus haut des cieux.

  A008001262 

 L'Eglise celebre cette derniere adoration par une fête des plus solennelles, car dans ces premices de la gentilite, elle-même adora le Seigneur.

  A008001289 

 En jetant des cris; voir plus haut.

  A008001313 

 Saint Jérôme à Eustochium: «Quand tu pries, tu parles à l'Epoux; quand tu lis, c'est lui qui te parle.» ( De la garde de la Virginité.) Saint Bernard: «La parole, l'exemple, la prière, mais la plus grande de ces trois choses c'est la prière.» Cette prière est la théologie mystique..

  A008001335 

 Comme votre esprit vous a portés à errer loin de Dieu, vous le rechercherez de nouveau avec dix fois plus d'ardeur..

  A008001339 

 Mais le signe le meilleur et le plus certain, c'est l'amendement de la vie.

  A008001356 

 Or, [ leur moindre sollicitude ] était pour leurs femmes, etc.; mais leur plus grande crainte était pour la sainteté du Temple.

  A008001370 

 Dans cette prédication générale, de quoi parlerai-je avec plus de convenance que de la pénitence, sujet par lequel commence, duquel traite et auquel aboutit tout l'Evangile? Saint Jean, dans l'église duquel je suis, m'y invite, ainsi que l'Evangile [qui se lit aujourd'hui,] selon le rite lyonnais et selon le romain; on y trouve ces mots: Désormais tu prendras les hommes; et j'y suis encore invité par la consécration de ce maître-autel, car l'autel lui-même, au sens mystique, représente le cœur: Or, le vrai sacrifice est un esprit affligé.

  A008001389 

 Et d'Abel il est écrit dans l'Epître aux Hébreux: C'est par la foi qu'Abel offrit a Dieu une hostie meilleure que celle de Caïn, c'est-à-dire des premiers-nés et de ce qu'il y avait de plus gras [ dans son troupeau ].

  A008001423 

 S'il arrivait du mal aux mauvais, du bien aux bons, où serait le plus grand?.

  A008001427 

 Cette prière paraît n'être pas exaucée; car quelquefois, et même le plus souvent, les méchants sont heureux et les bons malheureux.

  A008001430 

 Le plus grand servira le plus petit; en l'éprouvant, non en lui obéissant.

  A008001434 

 Mais n'est-ce pas une même chose être bon et avoir le cœur droit? Il existe certes une bonté naturelle: J'avais reçu en partage une bonne âme, et devenant bon de plus en plus, je suis parvenu a conserver un corps sans souillure. Et je ne me souviens pas d'avoir lu dans l'Ecriture qu'un homme soit appelé bon de la bonté surnaturelle, bien que j'aie trouvé le mot de bonne volonté.

  A008001462 

 Nous avons déjà touché ces points plus haut; mais ce qui concerne proprement ce texte, nous l'expliquerons selon les quatre sens qu'il peut présenter..

  A008001465 

 Saint Thomas démontre très clairement ce fait en disant que dans la loi de nature les prêtres étaient les aînés, et que par suite, ils recevaient une part d'héritage deux fois plus grande, comme on peut le constater pour Joseph et Jacob..

  A008001466 

 Malheur à vous, hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et qui négligez les choses les plus graves de la loi, la miséricorde, la justice et la foi; il fallait faire ceci et ne pas omettre cela, [190].

  A008001520 

 Mais vous direz peut-être: Si les baisers étaient si fréquents entre les anciens Chrétiens, pourquoi ne le sont-ils plus aujourd'hui? Je vous demande moi: Pourquoi en temps de salubrité, tous se touchent-ils réciproquement, personne ne fuit l'haleine ou le vêtement d'autrui; et en temps de peste, pourquoi tous se fuient-ils les uns les autres? Vous me direz: C'est qu'en temps de peste tout contact est dangereux.

  A008001527 

 Noter en sixième Heu: Pourquoi Jacob pleura-t-il? Les Hébreux, d'après Lyranus, disent que ce fut à cause de sa pauvreté et de son mauvais équipage, comme il est dit plus haut dans l'histoire d'Eliphaz.

  A008001528 

 S'il en était ainsi, pour parler franchement, il n'y aurait pas tant de filles trompées; mais voilà, elles ne parlent que lorsqu'il n'en est plus temps.

  A008001571 

 Et que pouvois-je rencontrer de plus desirable?.

  A008001593 

 Pourquoi donc a-t-il créé le monde? Ecoutez la réponse du plus sage des hommes: Le Seigneur a tout fait pour lui, et l'impie même [qui doit servir à sa gloire] au jour mauvais.

  A008001596 

 La Sulamite, la pacifique, possède des camps, et ces camps combattent rangés en chœurs; or le chœur est composé d'une multitude de chanteurs: Une multitude de la milice céleste se réunit, chantant et disant: Gloire au plus haut des cieux, etc. Ainsi David triomphait du démon et l'enchaînait par son chant.

  A008001597 

 Voir plus haut, folio 60, verso..

  A008001599 

 Cependant, l'objet de ces cantiques a plus ou moins d'etendue; car il y a quatre espaces de chants: [1.] le Phrygien, belliqueux; semblable au son des trompettes qui retentirent au siege de Jericho et contre Madian: de cette sorte parait avoir ete le cantique ou l'hymne dite par le Christ apres la cene.

  A008001600 

 De plus, il y a des cantiques prophétiques, comme celui-ci: Deus, Deus, respice in me; des cantiques didactiques: Nisi Dominus œdificaverit domum; des cantiques laudatifs: Magnificat, Gloria in excelsis; des cantiques d'exhortation: Beati.

  A008001660 

 De là: J'ai dit aux hommes iniques: Ne commettes plus l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre Dieu. C'est comme s'il disait: Pourquoi te glorifies-tu dans ta malice, toi qui es puissant en iniquité? Tout le jour ta langue a médité l'injustice, tu as fait ton œuvre de séduction comme un rasoir affilé.

  A008001661 

 Mais il me paraît plus vraisemblable qu'il s'agissait d'une corne naturelle.

  A008001665 

 C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité.

  A008001666 

 De plus, Tolet, au même endroit, et Bellarmin, sur le Psaume LXXX, pensent que ce verset: Sonnez de la trompette en ce premier jour du mois, ne s'applique qu'à la fête des trompettes, parce que les autre néoménies n'avaient rien de très solennel et que l'on n'observait le repos sabbatique qu'à la seule néoménie de septembre où se rencontrait la fête des trompettes.

  A008001666 

 Voir Tolet sur le chap. VII de saint Jean, où il traite des fêtes en usage chez les Juifs; il regarde la délivrance d'Isaac comme cause probable de l'institution de cette fête, quoiqu'il admette comme une cause plus probable encore le son des trompettes qui retentissaient lorsque la Loi fut donnée sur le mont Sinaï.

  A008001671 

 J'ai dit aux hommes iniques: Ne commettez plus l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre Dieu.

  A008001675 

 Au reste, que personne ne m'importune plus, car je porte en mon corps les stigmates du Seigneur Jésus.

  A008001695 

 La question est: pourquoi plutôt la maison de David que celle de Salomon, ou de Roboam, d'Ezéchias, de Josaphat, de Josias? Nous répondons que le règne de David fut le plus illustre..

  A008001696 

 Comme un bel olivier dans la campagne; l'olivier a une admirable propriété: planté par des vierges, il croît plus touffu.

  A008001696 

 Dans la première onction il reçut un cœur pur et un esprit droit ( Vous avez aimé la justice et haï l'iniquité ); dans la seconde, le saint esprit de prophétie; dans la troisième, l'esprit parfait; et comme le Christ, il a été oint d'une manière plus excellente que ceux qui devaient participer a sa gloire.

  A008001697 

 » Dieu a coutume de confondre ce qui est fort par ce qu'il y a de plus faible; la, sa force a été cachée.

  A008001698 

 Car lorsque nous étions ennemis, [etc.] Saint Bernard: [Le Christ a eu] une charité plus grande, puisqu'il est mort même pour ses ennemis..

  A008001699 

 Il pécha, mais fit ensuite la plus célèbre pénitence; voilà pourquoi on parle du trône de David, de la maison de David.

  A008001721 

 Toutefois, il a apporté aux Chrétiens de plus grandes forces, de plus puissants secours.

  A008001723 

 Voir plus haut, sermon IV. Notre Prophète dit au contraire: Il est venu, il a visité, racheté, etc., pour accomplir ses miséricordes envers nos pères.

  A008001724 

 Toutefois, pour nous Chrétiens, c'est d'une manière beaucoup plus absolue que nous sommes délivrés de nos ennemis.

  A008001725 

 Et ainsi les Sacrements nous offrent un secours bien plus puissant..

  A008001749 

 Et pourquoi? Parce que dans l'alliance de Dieu avec les hommes, les plus grands biens promis ne seront donnés qu'à la mort du testateur et que cette volonté de Dieu tire toute sa force et son effet de la [232] mort.

  A008001753 

 Je rattache la fin au début: Dieu nous a fait miséricorde, car il s'est lui-même donné à nous, comme un gage plus précieux que tout.

  A008001763 

 Dominus, de Joanne: Prophetam, etiam dico, plus quam Prophetam; at Joannes: Non sum.

  A008001791 

 Après que vous aurez tout fait, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles. Le Seigneur dit de Jean: Un Prophète, oui, je vous le dis, plus qu'un Prophète; mais Jean répond: Je ne le suis pas.

  A008001793 

 Je parlerai non plus moi, mais le Christ parlera en moi, et [238] comme je ne suis pas digne d'aller à lui, j'y enverrai mes amis, et entre autres la Bienheureuse Vierge..

  A008001794 

 Haimon, d'après saint Thomas, dit que Capharnaum signifie campagne de graisse ou champ de consolation; mais il faut croire aux plus autorisés..

  A008001796 

 Toutefois, Dieu parle pour ce qui doit être fait sur-le-champ, mais il pense pour ce qu'il ne fera que plus tard et en quelque sorte progressivement selon les vues de sa Providence..

  A008001797 

 Quoi qu'il en soit, dans sa fuite, Onésime vint à Rome, fut reçu par Paul captif, recommandé à Philémon, succéda plus tard à Timothée comme Evêque d'Ephèse, et fut ensuite lapidé à Rome, où saint Ignace, dans sa lettre aux Ephésiens, déclare l'avoir vu.

  A008001805 

 Cette erreur affectée de l'intelligence est plus dangereuse que celle de la volonté.

  A008001810 

 On peut à peine supporter une injure récente; mais le Christ a supporté la haine la plus actuelle et la plus violente; et pour les ennemis qui répandaient son sang, il a répandu la prière de la miséricorde.

  A008001822 

 Zeuxis fit une luite ou il print grand playsir, et escrivit dessous «qu'elle seroit plus tost enviee qu'imitee.» Et ecce Evangelistæ nobis pugnam tanquam in tabula pingunt, quæ ne doit point estre enviee ains aymee, parce que son issue est heureuse pour nous; et non seulement elle doit estre aymee, mais imitee..

  A008001850 

 Il choisit le lieu le plus convenable, c'est-à-dire le désert.

  A008001851 

 La Pénitence nous rend plus forts, comme des chevaux blessés par la dent du loup; voir Pline.

  A008001853 

 Et ce que dit Barradas de la troisième tentation ne s'y oppose pas; car Satan avait pris et porté le Seigneur, et bien qu'il eût emprunté cette forme, il espérait que le Seigneur pourrait croire en lui; de plus, il jouait le rôle d'un ennemi désespéré..

  A008001885 

 Dieu créa le monde dans le plus bel ordre; de là son nom de mundus qui signifie pur, et de cosmos, ordre, et d' univers (à la fois un et divers).

  A008001887 

 C'est l'opinion de Barradas que je préfère suivre parce que c'est la plus commune.

  A008001890 

 Cet article de la résurrection a paru aux philosophes le plus difficile à admettre: passer du néant à l'être! Mais les Pères l'ont énergiquement défendu.

  A008001891 

 De la même fournaise sortent une matière plus pure que la brise, et des bois noirs et des charbons.

  A008001916 

 Et l'Apôtre: Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et qui manifestera les secrètes pensées des cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; et les livres furent ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la vie); et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A008001943 

 Après la résurrection, l'appel, la séparation et la discussion, il ne restera plus qu'à porter la sentence.

  A008001944 

 Rien de plus incroyable que ce que nous ne voulons pas croire; la rigueur du jugement excite la haine de tout homme pervers, Nous l'oublions volontairement, ou bien nous nous [261] bornons à de vaines et subtiles conjectures sur ce qui doit arriver en ce jour.

  A008001946 

 Ainsi, après la discussion, j'entends, d'une part, et je vois le Christ étincelant des rayons de bénédiction: Venez, bénis; et faisant descendre de l'autre côté la nuit la plus sombre, [je l'entends prononcer cette sentence]: Allez, maudits..

  A008001946 

 De son sommet, dit Pline, on peut contempler les deux hémisphères, si bien qu'à [262] deux heures du matin on y voit d'une part l'obscurité de la nuit la plus profonde, de l'autre, le plein jour dans tout son éclat.

  A008001949 

 Mon âme s'est liquéfiée par l'amour de grâce, quand mon Bien-Aimé a parlé; combien plus se liquéfiera-t-elle par l'amour de gloire!.

  A008001951 

 Et peut-être ce choix ne vous sera plus jamais proposé! O éternité, éternité! [265].

  A008001979 

 Hélas! Celui qui a créé l'oreille n'entendra pas? Celui qui a façonné l'œil ne considère pas? O Verbe de Dieu, vous ne répondez pas une parole? Parfois, l'amour fait la sourde oreille (Pierre, m'aimes-tu? Pierre, m'aimes-tu?) afin que nous criions plus fort..

  A008002020 

 Plusieurs des commentateurs pensent que le Christ interrogea le malade sur lès causes et la durée de son infirmité, et que le malade confessa ses péchés; c'est pour cela que Jésus lui dit: Ne pèche plus désormais..

  A008002022 

 D'après saint Bernard, ces paroles expriment les trois degrés de la vie et de la santé spirituelle: Lève-toi, regarder vers le Ciel ( ceux qui ne goûtent plus les choses de la terre ); prends ton grabat, c'est asservir le corps; marcher dans la loi du Seigneur..

  A008002048 

 Ainsi la reine de Saba n'avait plus son esprit.

  A008002089 

 Le plus souvent, on meurt comme on a vécu: ainsi voit-on mourir sur mer ceux qui vivent sur mer, et sur les montagnes ceux qui habitent les montagnes.

  A008002124 

 Caïphe, en effet, [286] le plus méchant des hommes, porta un jugement très sacré: Il est avantageux, qu'un seul homme meure pour le peuple, afin que toute la nation ne périsse pas.

  A008002124 

 De même que ni Luther ni les autres n'eussent erré s'ils avaient enseigné dans la chaire et par l'autorité de Pierre; mais dès qu'ils commencèrent à enseigner en dehors de cette autorité, ils tombèrent dans les plus graves erreurs..

  A008002128 

 Hélas! combien nos pères ont connu de ces hommes, et plût au Ciel qu'il n'en existât plus! 2.

  A008002130 

 A plus forte raison ne faut-il pas rejeter leur enseignement.

  A008002158 

 Et après la Résurrection, il voulut garder de cette Passion le plus éclatant souvenir, tant dans l'Eglise militante que dans l'Eglise triomphante: ici-bas, dans l'Eucharistie: Vous annoncerez la mort du Seigneur; au Ciel, dans les stigmates qu'il conserve..

  A008002158 

 Et comme nous parlons sans cesse de ce que nous désirons le plus, car la main indique la partie qui souffre, la langue indique l'amour [dont on est animé], ainsi le Christ parle continuellement de sa Passion.

  A008002158 

 Parmi les véhéments désirs du Christ, entre tous ceux qui pressèrent son cœur, le plus ardent fut celui qu'il exprimait ainsi; Je suis venu jeter le feu [291] dans le monde, et que veux-je sinon qu'il s'allume? Je dois être baptisé d'un baptême, et comme je me sens pressé jusqu'à ce qu'il s'accomplisse! Le feu de la charité s'allume au baptême de la Passion, et le baptême de la Passion se consomme dans le feu de la charité.

  A008002164 

 La vocation de Lia fut mauvaise, Lia toutefois fut plus fidèle que Rachel.

  A008002193 

 Le Seigneur voyant un jeune homme triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses disciples étaient tout étonnés de ses paroles; mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses [296] d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un chameau de passer] par le trou d'une aiguille, etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé? Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc. De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais procédons par ordre: il y a quatre sortes de bons et de mauvais riches.

  A008002198 

 Ils pèchent de même au sujet des legs pieux, etc. (Haliète, aigle marin; voir plus bas, page 342.) Retenir le bien d'autrui; en disposer.

  A008002239 

 Voici la couche de Salomon; soixante vaillants guerriers, des plus vaillants d'Israël, l'environnent, tous portant des glaives et très habiles dans les combats; chacun a son glaive sur sa cuisse 'a cause des craintes nocturnes.

  A008002240 

 Eh! malheureux hérétiques, comment donc enlèverait-il l'Eglise à ses vignerons? Il ne la leur enlèvera pas, parce qu'ils ne le mettront jamais à mort, car il ne meurt plus; non, il ne la leur enlèvera jamais, et cette vigne gardera la haie, le pressoir, les exercices religieux, et la tour jusqu'à l'arrivée du Seigneur.

  A008002240 

 L'Eglise n'a jamais mis à mort ses prophètes, elle leur a fait, au contraire, le plus bienveillant accueil: voyez les Basile, les Antoine, les Pacôme, les François, les Benoît..

  A008002276 

 En tout ce passage, voici le point le plus difficile; et même, nous dit saint Augustin, sermon XI des [306] Paroles du Seigneur, «il n'y en a pas de plus difficile dans toute l'Ecriture.

  A008002286 

 Ne pouvant nier les miracles, ceux du moins qui nous sont racontés par les plus sérieux auteurs, comme serait saint Augustin, ils prétendent que ces prodiges sont des stratagèmes du démon..

  A008002316 

 Cieux, soyez frappés de stupeur sur cela, et vous, portes du ciel, soyez dans la plus grande désolation; mon peuple a fait deux maux.

  A008002316 

 Or, le Seigneur s'étonnait, ou plutôt il nous montrait une chose étonnante, à savoir qu'à la vue de tant de prodiges, les hommes qui lui devaient la plus grande reconnaissance, auxquels il avait porté le plus de secours, ne se convertissaient pas.

  A008002357 

 Il faut corriger les arrogants avec force, les timides avec le plus de bonté possible..

  A008002357 

 Ne reprends point durement un homme plus âgé que toi, mais supplie-le comme s'il était ton père.

  A008002357 

 Reprendre avec humilité un supérieur ou quelqu'un de plus âgé que soi.

  A008002357 

 Reprendre un inférieur avec plus de fermeté, afin d'en être à la [318] fois aimé et craint.

  A008002373 

 Omnia verba emphasim habent: supercertari, esvertuer, non solum certari, sed graviter et vaillamment, plus quam certari; semel, non bis; eidem omnino semper, traditæ, traditæ..

  A008002388 

 Bien plus, il n'a pas ordonné d'écrire, si ce n'est ce qu'il voulait apprendre aux Evèques d'Asie.

  A008002389 

 Tous les mots sont énergiques: combattre vigoureusement, s'évertuer, non seulement combattre, mais combattre avec vigueur et vaillamment, faire plus que combattre; [ transmise ] une fois, pas deux; pour la foi toujours absolument la même, transmise par la Tradition, par la Tradition..

  A008002390 

 Ainsi donc, d'après les paroles de saint Paul, toute la doctrine se divise en deux parties: Soit par nos discours, soit par notre Epître; car la partie de la doctrine la meilleure et la plus nécessaire, est après tout la partie écrite, personne n'en doute.

  A008002391 

 Voyez tous les hérétiques, les Hébreux eux-mêmes et d'autres, n'ont-ils pas eu l'Ecriture? Et pourtant, ils n'ont pas cru; bien plus, ils sont tombés dans l'erreur.

  A008002393 

 De plus, l'Epître de saint Jude mentionne la prophétie d'Hénoch.

  A008002427 

 Nous traiterons brièvement aujourd'hui les points que nous avons omis hier concernant la Tradition, et nous ne sortirons pas de notre plan, car le célibat des prêtres est l'une des plus importantes Traditions de l'Eglise, et il nous fallait nécessairement en parler au début de notre Evangile.

  A008002430 

 Voir plus haut, folio 157, l'enseignement de saint Epiphane..

  A008002462 

 Le plus terrible de tout est ce qui arriva à Ananie et à Saphire.

  A008002462 

 Plus terrible encore est le châtiment relaté au chap. n° du IV e Livre des Rois: Elisée se rendait de Jéricho à Béthel; quarante-deux enfants furent dévorés par les ours, en punition de ce qu'ils s'étaient moqués du Prophète en l'appelant chauve.

  A008002462 

 Terrible sentence! Dans le II e Livre des Rois, nous voyons un fait bien plus terrible.

  A008002464 

 Hélas! aujourd'hui on ne vend plus dans les temples les brebis, les bœufs, etc., mais ces temples mêmes sont vendus: on en traite; ecclésiastiques confidentiaires.

  A008002465 

 O abomination de la désolation! l'ennemi a porté la main sur tout ce qu'elle avait de plus désirable, car elle a vu les nations entrer dans son sanctuaire, nations au sujet desquelles il était ordonné qu'elles n'entreraient point dans le sanctuaire de Dieu.

  A008002467 

 [On ne s'étonne plus des plaintes de Jérémie:] Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie? comment les pierres du sanctuaire ont-elles été dispersées aux coins de toutes les places? Comment les fils de Sion, qui étaient si illustres et revêtus de l'or le plus pur, ont-ils été traités comme des vases d'argile, ouvrage des mains du potier? Hélas! avec quelle irrévérence vous-mêmes apportez dans les temples des bœufs, des brebis, des colombes: des pensées immondes, terrestres, comme les bœufs et les brebis; et volages, comme les colombes..

  A008002498 

 Te voilà guéri, mais ne pèche plus désormais..

  A008002504 

 Mais quand les autres sont frappés, il ne faut pas juger qu'ils le sont pour leurs péchés, comme le faisaient les amis de Job, la femme de Tobie et les barbares [dont il est question] dans les Actes, chap. XXVIII. Un esclave éthiopien portait un objet recouvert d'un voile; interrogé sur ce qu'il portait: «Je ne l'aurais pas voilé,» dit-il, «si j'avais voulu vous le faire connaître.» Euclide, questionné sur la nature de Dieu et sur ce qui lui est le plus agréable, répondit: «J'ignore le reste, mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'il hait les curieux.».

  A008002505 

 Bien plus, n'eût-il pas été aveugle, que le Christ, par ses remèdes, l'eût rendu aveugle pour le moment.

  A008002505 

 L'obéissance des Chrétiens doit être aveugle parce que la foi ne voit pas, mais elle croit, et plus son objet est obscur, plus elle s'y complaît; elle se délecte dans les vérités difficiles à comprendre.

  A008002508 

 J'ai noté de plus la gradation suivie par le Christ: il vit d'abord l'aveugle, comme le soleil voit la terre en agissant sur elle; lui couvrit les yeux de boue, c'est-à-dire, lui fit connaître sa misère; [puis lui adressa ces paroles:] Va à la piscine de Siloé, nom qui signifie mission.

  A008002521 

 Naim civitas ad radices montis Hermon, duabus leucis a Nazareth distans, et plus una a monte Thabor, ex Borchardo.

  A008002538 

 Naïm est une ville sise, d'après Borchard, au pied de l'Hermon, à deux lieues de Nazareth et à plus d'une lieue du mont Thabor.

  A008002580 

 commis par celui qui devait le moins le commettre: qui avait reçu d'innombrables bienfaits (sujet d'une plus noire ingratitude), et qui avait promis nominativement de demeurer constamment fidèle.

  A008002580 

 pour la cause la plus futile; 6.

  A008002581 

 C'est ainsi que, en bien des circonstances, le péché provient du choc subit des passions; mais ce péché dure peu et se guérit plus facilement..

  A008002585 

 Caïn tomba peu à peu dans le plus noir péché, 1.

  A008002625 

 L'éléphant qui est le plus doux des animaux est aussi le plus cruel.

  A008002625 

 On peut appliquer à ceux que troublent les passions, les paroles du Psaume CVI au sujet des navigateurs; de même l'histoire de Barach et de Sisara, car Sisara, après une grande crainte, s'endormit dans la plus profonde sécurité..

  A008002625 

 Voilà donc Pierre, s'estimant le plus intrépide de tous, immédiatement ébranlé par la seule parole d'une servante; il renie, il craint.

  A008002631 

 Néanmoins il n'a pas eu des passions, mais seulement des propassions; il est donc plus convenable de les réfuter par l'exemple des hommes les plus saints, de Pierre surtout qui était juste, et qui cependant, après la Communion, le lavement des pieds, etc., est troublé par la crainte.

  A008002632 

 Qui, en effet, était plus affermi que Pierre, soutenu par l'Eucharistie et par tant d'avertissements du Christ? Néanmoins il tomba.

  A008002633 

 Parce que la gloire de Dieu éclate davantage par le repentir des pécheurs: Plus grande est la joie, etc.; or, les Saints ne se réjouissent que de la plus grande gloire de Dieu.

  A008002634 

 Ainsi Pierre est désormais le plus humble: ne dominant point sur le clergé; il supporte les répréhensions de saint Paul.

  A008002634 

 Le pasteur doit se considérer comme entouré d'infirmités; et celui qui a eu besoin de pénitence accorde plus facilement aux autres le pardon.

  A008002688 

 Le plus souvent, hélas! ce qui sourit vu de loin, déplaît lorsqu'il faut en venir à l'exécution.

  A008002688 

 Vouloir en général se convertir est une bien grande chose, vouloir se convertir au plus tôt est plus grand encore, mais le vouloir à l'heure même est ce qu'il y a de plus grand.

  A008002716 

 Voir plus haut: Tobie, Bathuel; Lazare sortant du tombeau mains et pieds liés..

  A008002720 

 La grâce ne te fait pas plus défaut que la nature.

  A008002720 

 Rien n'est plus futile que ce raisonnement.

  A008002740 

 Hic est Propheta, et plus quam Propheta.

  A008002745 

 Sed ecce, o felices nos, quibus pax advenit præter spem omnium, cum tanto honore Principis, qui a mesure son espee avec celle du plus puissant Roy.

  A008002760 

 Dans mon dernier sermon que je fis ici le lundi de la Pentecôte, c'était pour moi, disais-je, le temps de parler, parce que des langues de feu nous avaient été données, à nous, successeurs des Apôtres; mais c'est [370] aujourd'hui le temps de parler bien plus haut, car si c'était alors la fête des langues, c'est maintenant le temps de la voix, parce que nous célébrons le Saint qui est la voix de Celui qui crie.

  A008002761 

 Et je m'en félicite, car vous avez toujours été pour moi un auditoire bienveillant; si, à la vérité, vous avez eu bon nombre d'orateurs plus habiles, vous n'en avez pas eu de plus affectionné.

  A008002762 

 Jean étant né, tous s'émerveillaient de cette miraculeuse naissance: la mère était stérile et n'était plus en âge d'avoir des enfants, le père avait perdu la voix et l'avait recouvrée, et tous se disaient les uns aux autres: Que pensez-vous que sera cet enfant? Et Zacharie prophétisant: Et toi, dit-il, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut, etc., car tu précéderas, c'est-à-dire, tu seras le Prophète, le Précurseur.

  A008002763 

 Celui-ci est Prophète, et plus que Prophète.

  A008002765 

 Ainsi les Anges résument de cette sorte tout le livre de la Rédemption: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

  A008002767 

 Mais combien nous sommes heureux! Voici que la paix nous arrive contre toute attente, et pour la plus grande gloire de notre Prince qui a mesuré son épée avec celle du plus puissant Roi.

  A008002824 

 Je suis cloué à la croix avec le Christ; je vis, non plus, [etc.] [381].

  A008002844 

 Grande tentation [de Jean]; comme celle de l'ange, elle éveille une correspondance dans l'intime de l'amour-propre; c'est pourquoi l'ange, sans être attaqué extérieurement par la tentation, etc. Celle qu'il soutient est plus forte que la tentation de nos premiers parents... Oh! si elle nous était offerte, que ferions-nous? [Les envoyés de la Synagogue] étaient pjêts à croire tout ce qu'il dirait..

  A008002872 

 Dans cette milice, dit saint Chrysostôme dans sa VIII e homélie sur saint Matthieu, «les femmes ont souvent combattu plus vaillamment que les hommes.» Saint Ambroise, livre I Des Vierges, les appelle invincibles et infatigables soldats de la chasteté..

  A008002873 

 Sainte Geneviève ne possédait rien: fille de bergers, elle était bergère elle-même, comme Rachel, Rébecca, et les autres vierges antiques; de plus, elle ne fut jamais asservie à la vanité..

  A008002874 

 Où est le sage? où est le scribe? où est l'investigateur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde? Ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes.

  A008002938 

 C'est par la foi que Moïse devenu grand, nia d'être fils de la fille de Pharaon, préférant être affligé avec le peuple de Dieu plutôt que de goûter pour un temps le plaisir du péché, estimant l'opprobre du Christ une richesse plus grande que le trésor des Egyptiens, parce qu'il envisageait la récompense.

  A008002959 

 Les Gentils, qui ne vivent pas selon la raison, semblables aux chameaux, après avoir déposé le joug de l'idolâtrie, entrent plus facilement que les Juifs.

  A008002959 

 Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu: Les chameaux difformes figurent les âmes des Gentils; le Fils de Dieu est l' aiguille dont la pointe est la Divinité, la partie plus épaisse, l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa Passion que nous entrons.

  A008002960 

 Saint Augustin, d'après Jansénius [de Gand], et saint Grégoire, d'après saint Thomas: L' aiguille perçante est la Passion; le chameau qui entre, le Christ, chargé de nos péchés; le chameau entre plus facilement, car, s'il n'était entré, [395] jamais riche ou orgueilleux ne serait entré.

  A008002961 

 Les deux hypothèses sont impossibles; mais la première serait plus facilement réalisée par Dieu à qui les créatures irraisonnables ne font nulle résistance; la seconde plus difficilement, car, par son libre arbitre, l'homme lui résiste.

  A008002961 

 Saint Augustin, sur ce texte: Il en fera de plus grandes encore..

  A008002999 

 Ex hoc autem matrimonio consurgit aliud privilegium Sancti Joseph, quia etsi pater naturalis Christi Domini non sit, est tamen plus quam pater putativus, plus quam socer, et Christus licet non sit filius Joseph est tamen filius suus; il n'est pas son filz, mais un filz sien.

  A008002999 

 O Dieu! vous voyes des-ja la plus part ce que je veux dire, mays il est expedient que je l'explique pour les simples.

  A008003051 

 Il faut éviter les erreurs des Messaliens ou des Euchites qui exagéraient, et celles des Pélagiens et des Wiclefistes; voir plus haut.

  A008003057 

 Or je vais développer les deux mots les plus importants.

  A008003058 

 En mon nom, comme Médiateur (déjà les anciens priaient de la sorte, mais implicitement; nous, nous prions ainsi plus explicitement, plus formellement, comme notre foi aussi est plus explicite); sans cela nous ne serions pas dignes d'être regardés.

  A008003083 

 Noter cela pour comprendre soit le grand avantage qu'il y a d'être avec Marie, soit la préséance d'honneur qui place Marie au-dessus de tous, comme étant la plus digne; car nous ne disons pas que le prince voyage ou est avec son courtisan, nous disons que celui-ci est avec son prince..

  A008003087 

 Ces mots: L'aîné servira le plus jeune, comme l'observe avec raison saint Augustin, ne peuvent s'appliquer aux personnes que moralement, comme par exemple lorsque Esaii a servi Jacob en le persécutant.

  A008003090 

 Dans ceste pensee je dis: O mon Dieu, quelle [414] consolation et jubilation de cœur doivent avoir les Chrestiens, considerant l'exaltation de la sainte Croix, laquelle ayant esté terrassee et abbatue par les infidelles, fut relevee et redressee par ce genereux cappitaine Heradius! Certes, nostre joye doit estre d'autant plus grande, qu'en cest ancien Temple il n'y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des aigneaux, etc.; mays sur la Croix et en la Croix, le Filz eternel de Dieu s'est offert et immolé..

  A008003091 

 Ceste Croix devance d'une grande traitte la magnificence de l'ancien Temple, de tout autant que le sacrifice de la sainte Croix surpasse tous les autres; et il n'y a point de bons Chrestiens qui ne doivent aymer plus tendrement la pauvreté, l'abjection et les douleurs de la Croix de Jesus Christ que les anciens Juifz n'aymoyent les richesses, la magnificence et les delices de leur Temple..

  A008003092 

 Les bons Juifz ont tousjours essayé de rebastir leur Temple quand les ennemis l'ont abbatu ou qu'ilz y ont fait des bresches; de mesme les bons Chrestiens doivent tousjours travailler a exalter la sainte Croix, quand plus les ennemis s'efforçent d'en abbattre l'honneur et la devotion..

  A008003095 

 Je conseille volontier a mes devotz et devotes, pour se rafraischir plus souvent la memoire de la tressainte Croix, qu'ilz en portent tousjours une ou a leur col ou a leurs chapeletz, et qu'ilz ne soyent jamais sans avoir une croix sur eux pour la voir et bayser souvent, car le bayser est un signe d'amitié: et c'est pourquoy Jesus Christ, le parfait Amant de nos ames, baysoit ses Apostres quand ilz revenoyent a luy; et saint Paul enseignoit a ses disciples: Salues vous l'un l'autre de ma part, en vous donnant le saint bayser..

  A008003098 

 Aux Religieuses et autres gens d'Eglise, je presente la croix de la solitude, du celibat et de l'abnegation du monde; croix sainte, qui a vrayement touché celle de Nostre Seigneur; croix pretieuse portee par la Vierge des vierges, Nostre Dame, qui apres son adorable Filz a esté la plus sainte, la plus innocente et la plus entierement crucifiee de toutes les ames amantes de la tres sainte Croix..

  A008003104 

 Il y a si grand nombre de croix pour les personnes mariees et chargées de famille qu'il n'est pas besoin de leur en destiner de particulieres; neanmoins, celle que je leur presente plus volontier c'est le support mutuel, l'amitié fidelle et non interrompue par des amours estrangers, et le soin de l'eslevation des enfans; en donnant bon exemple a toute la famille, ne se pas rendre criminel des crimes d'autruy..

  A008003105 

 Les vefves ne manquent non plus de croix.

  A008003109 

 Mes oreilles, qui entendent avec tant de consolation les sept paroles prononcees sur la Croix, ne prendront plus de playsir aux vaines loüanges, aux faux rapportz, aux discours abaissant mon prochain, aux vains propos, aux devis inutiles..

  A008003129 

 Alleluia! oh! que cette courte prière est excellente! qu'elle est énergique! Car elle ne signifie pas simplement: Louez Dieu, mais elle exprime les louanges divines d'une manière ineffable, avec l'accent de l'amour, avec l'enthousiasme du cœur; c'est un langage céleste qu'on ne peut traduire en aucune langue; c'est un cri d'allégresse, un ravissement d'admiration, l'élan de la plus vive reconnaissance..

  A008003133 

 Ces plaies sont les sources d'eau vive que l'amour du Sauveur nous a creusées clans son propre corps, et dont il a été écrit par Isaïe que nous y puiserons avec joie les grâces les plus abondantes: Haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris.

  A008003138 

 Et si elle célèbre maintenant l'auguste sacrifice de la Messe au milieu d'un concert harmonieux d' Alleluia, ce n'est pas pour que ses enfants oublient que l'oblation de la céleste Victime est la plus vive représentation du sacrifice de la Croix.

  A008003138 

 Non, cette tendre Epouse, fille du Calvaire, née du sang de Jésus, présente toujours à nos yeux les plaies de son divin Epoux pour exciter nos cœurs aux sentiments de la plus tendre compassion.

  A008003139 

 L'Eglise nous invite toujours à fixer nos yeux sur le Crucifix qui nous représente Jésus élevé en croix; tout le poids de son corps qui ne porte que sur ses plaies, sa chair et ses veines qui se déchirent de plus en plus, ses nerfs qui se brisent, et ses os qui se disloquent les uns après les autres en sorte qu'on peut les compter, comme l'avait prédit le Prophète: Dinumeraverunt omnia ossa mea..

  A008003142 

 Mais en même temps, dit toujours saint Bonaventure, «la bienheureuse Passion de notre Sauveur doit exciter dans un cœur chrétien la plus sainte allégresse et le [427] ravissement de la joie la plus vive: In hac beatissima Passione datur nobilissimi gaudii materia et vehemens exsultatio.» «Eh! qui pourrait ne pas être transporté de joie en se voyant, par l'heureux effet des plaies de Jésus, arraché à la damnation éternelle, à l'esclavage du péché, à la tyrannie du démon! Quis non exsultet et gaudeat, cum cernit seipsum per hanc beatissimam Passionem liberatum a damnatione aeterna, a culpae ignominia, a potestate diabolica!» «Quelles bornes pourrions-nous donner aux transports de notre allégresse, quand nous considérons qu'un Dieu nous a aimés jusqu'à se réduire pour nous à tant d'humiliations et de souffrances! Sed quis non exsultet in immensum, cum cernit Deum ipsum in tantum diligere ut tantae vilitati et pœnalitati subjecerit semetipsum pro eo!».

  A008003144 

 «Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables, devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et [428] Dominum dominantium et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!».

  A008003145 

 Ah! nous pouvons bien assurer qu'il nous aime infiniment plus que nous ne nous aimons nous-mêmes.

  A008003145 

 Plus enim sine comparatione me diligit, quam ego meipsum.» Ses plaies sont un monument éternel de sa charité, mais de la charité la plus tendre et la plus généreuse.

  A008003156 

 Ce n'est plus une créature faible et timide que le moindre péril épouvante; c'est un héros intrépide qui ne respire que le bonheur de souffrir et de mourir pour Jésus.

  A008003158 

 Quelle plus grande miséricorde en effet que de donner sa vie pour d'infâmes criminels condamnés au supplice! «In quo enim clarius quam in vulneribus tuis eluxisset, quod tu, Domine, suavis et mitis, et multœ misericordiœ? Majorem enim miserationem nemo habet quam ut animam suam ponat quis pro addictis morti et damnationi.» Par la large ouverture que la lance fit au côté de mon bon Maître, [432] je pénètre jusqu'à son cœur; là je me repose dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, et j'y prends abondamment tout ce qui me manque pour payer ce que je dois à sa justice: «Ego fidenter quod ex me mihi deest, usurpo mihi ex visceribus Domini, quoniam misericordiae affluunt.».

  A008003163 

 La troisième, la plus spacieuse et la plus chère à mon cœur, sera dans la plaie que la lance fit à son côté.


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
  A009000067 

 La tres sainte Eglise a accoustumé de nous preparer dès la veille des grandes solemnités, à fin que nous venions à estre plus capables de reconnoistre les grans benefices que nous avons receus de Dieu en icelles.

  A009000068 

 C'est pourquoy il prit soin de faire que les Israëlites se preparassent par la consideration d'un si grand benefice, pour se rendre plus dignes de le recevoir.

  A009000070 

 Les Chrestiens ont esté plus esclairés, et ont eu l'honneur de sçavoir que l'homme a esté fait Dieu et que Dieu s'est fait homme, bien qu'ils ne soyent pas capables de comprendre la grandeur du mystere de l'Incarnation et de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur, car c'est un mystere caché dans l'obscurité des tenebres de [3] la nuit; non pas que le mystere soit tenebreux en soy mesme, car Dieu n'est que lumiere.

  A009000071 

 Dieu faisoit pleuvoir de nuit la manne dans le desert pour les enfans d'Israël; et à fin que les Israëlites eussent plus de sujet de luy en sçavoir gré, il voulut dresser luy mesme le festin et la table, car vous avez entendu que Moyse dit: Vous sçaurez que le Seigneur vous a retirés de l'Egypte, et au matin vous verrez sa gloire.

  A009000071 

 Dieu voulant de mesme faire un benefice signalé et incomparablement aymable aux hommes qui vivent sur la terre comme en un desert, où ils ne font que souspirer et aspirer pour la jouissance de la terre promise qui est nostre patrie celeste, vient luy mesme en personne nous l'apporter, et ce au plus fort de la nuit.

  A009000073 

 La tres sainte Vierge produit son Fils Nostre Seigneur virginalement en terre comme il fut produit de son Pere eternellement au Ciel, avec cette difference neanmoins, qu'elle le produit de [5] son sein et non pas dans son sein, car dès qu'il en fut sorti il n'y rentra plus; mais son Pere celeste l'a produit de son sein et en son sein, car il y demeurera eternellement..

  A009000074 

 C'est donc à juste rayson que la tres sainte Vierge a un nom qui signifie estoille, car tout ainsy que les estoilles produisent leur lumiere virginalement et sans en recevoir aucun detriment en elles mesmes, ains en paroissent plus belles à nos yeux, de mesme Nostre Dame produisit cette lumiere inaccessible, son Fils tres beni, sans en recevoir aucun detriment ni souiller aucunement sa pureté virginale; mais avec cette difference neanmoins, qu'elle le produit sans effort ni secousse et violence quelconque, ce que ne font pas les estoilles, ainsy que l'on voit, car elles produisent leur lumiere par secousses et, ce semble, avec violence et forcement..

  A009000078 

 O que ce pain a un goust incomparablement delectable pour les [7] ames qui le mangent dignement! Quelle delectation, je vous prie, de se nourrir du pain descendu du ciel, du pain des Anges! Toutefois, ce qui le rend plus delectable est l'amour avec lequel il nous est donné par Celuy mesme qui est le don et le donateur tout ensemble.

  A009000080 

 Mais qu'est-ce que representent ces bergers? Les uns disent qu'ils representent les pasteurs de l'Eglise, comme sont les Evesques, les Superieurs des Religions, les curés et tous ceux qui ont charge d'ames; c'est l'opinion d'une [8] partie des saints Peres que Nostre Seigneur revele plus particulierement ses mysteres à ceux-là, d'autant qu'ils sont commis de la part de Dieu pour les faire puis apres entendre à leur troupeau, aux ames qui leur sont commises.

  A009000081 

 O que c'est un mystere grandement suave que celuy de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur! Tous et un chacun y peut rencontrer un grand sujet de consolation; mais plus ceux qui seront mieux preparés et qui auront, à l'imitation de ces bergers, bien veillé sur leur troupeau.

  A009000082 

 Et tout ainsy que nous le voyons emmaillotté et serré dans des bandelettes et maillots par sa tres benite Mere, il entend de nous inciter à bander et serrer toutes nos passions, affections, inclinations, et en fin toutes nos puissances tant interieures qu'exterieures, nos sens, nos humeurs et tout ce que nous sommes, dans les maillots de la sainte obeissance, pour ne vouloir jamais plus nous gouverner ni user de nous mesmes, de crainte d'en mesuser, sinon autant que l'obeissance nous le pourra permettre..

  A009000084 

 Qu'avons nous de plus à dire sinon que le mystere de la Nativité de Nostre Seigneur est un mystere de la Visitation? Comme la tres sainte Vierge fut visiter sa cousine sainte Elizabeth, de mesme il nous faut aller fort souvent le long de cette octave visiter le divin Poupon couché dans la creche, et là nous apprendrons de ce souverain Pasteur des bergers à conduire, gouverner et ranger nos troupeaux, de sorte qu'ils soyent aggreables à sa Bonté.

  A009000084 

 Qu'est-ce, je vous prie, que nous pourrions porter à ce divin Berger qui luy fust plus aggreable que le petit agnelet de nostre amour, qui est la principale partie de nostre troupeau spirituel, car l'amour est la premiere passion de l'ame.

  A009000085 

 Mais saint Joseph et la tres glorieuse Vierge receurent des consolations indiciblement plus grandes, parce qu'ils luy assisterent et demeurerent arrestés à sa presence pour le servir selon leur pouvoir.

  A009000086 

 Anne, mere de Samuel, demeura longuement sans avoir des enfans, ce qui luy causoit une si grande bigearrerie que l'on ne la trouvoit jamais de mesme humeur; car quand elle voyoit des femmes qui s'esjouissoyent avec leurs enfans, elle se lamentoit et se chagrinoit dequoy elle n'en avoit pas, et quand elle en voyoit quelques unes qui se plaignoyent de leurs enfans, elle se resjouissoit dequoy Dieu ne luy en donnoit point; mais dès qu'elle eut le petit Samuel, dès lors on ne la vit jamais plus inegale.

  A009000086 

 Nous avions quelques excuses [12] sans doute de nous chagriner et estre changeans en nos humeurs tandis que nous n'avions pas cet Enfant tant aymable qui nous vient de naistre ou qui naistra demain; mais desormais il ne nous sera plus loysible, puisque en luy consiste tout le sujet de nostre joye et de nostre bonheur..

  A009000087 

 Mais dès qu'elles ont choisi Nostre Seigneur pour leur Roy, elles doivent, à guise de chastes avettes ou abeilles mystiques, se ranger aupres de luy et ne sortir jamais de leur ruche, sinon pour la cueillette des exercices de charité qu'il leur commande de prattiquer à l'endroit du prochain; et soudain apres se retirer et ramasser aupres de ce Roy tant aymable, pour mesnager et conserver le miel des saintes et amoureuses conceptions qu'elles tirent de la presence sacrée de nostre souverain Seigneur, lequel, par des simples regards qu'il fait sur nos ames, cause en elles des [13] ardeurs et affections nompareilles de le servir et aymer tousjours plus parfaitement..

  A009000093 

 Mais comme en eust-elle eu besoin, veu qu'elle avoit produit son Fils plus purement que ne fait l'estoille son rayon, rayon qui rend l'estoille d'autant plus belle à nos yeux qu'elle le produit plus frequemment? Elle vient donques, nostre sacrée Maistresse, non pour se purifier en elle mesme, ains seulement en l'imagination de plusieurs qui, ne sçachans pas qu'elle estoit exempte d'observer la Loy, eussent murmuré dequoy elle ne l'observoit pas..

  A009000093 

 Or, nostre chere Dame et Maistresse n'avoit point besoin de purification, elle qui estoit plus belle que le soleil, plus pure que la lune et plus admirable que l'aurore.

  A009000094 

 C'est un abus de croire pouvoir arriver à ce point de perfection de n'avoir plus rien à faire, car nostre amour propre va tousjours produisant quelques rejetons d'imperfection qu'il faut retrancher.

  A009000094 

 Elle n'eut non plus besoin de purification dès cette heure là; mais nous autres, il est tres necessaire que nous sçachions cette verité, qui est que tant que nous serons en cette miserable vie nous aurons tousjours besoin de nous purifier et de renoncer à nous mesme, et cette vie ne nous est donnée pour autre fin.

  A009000098 

 Au renoncement de nous mesme nous faisons encor quelque chose qui nous contente, parce que c'est nous mesmes qui agissons, mais icy il faut prendre la croix telle qu'on nous l'impose; et en cecy il y a desja moins de nostre choix, c'est pourquoy c'est un point de perfection de beaucoup plus grand que le precedent.

  A009000100 

 Je diray bien davantage: il y a quelquefois plus de vertu à porter une croix de paille que non pas une croix bien pesante, parce qu'il faut plus appliquer son attention, de crainte de la perdre.

  A009000100 

 Je veux dire qu'il peut y avoir plus de vertu à retenir une parolle qui nous a esté defendue par nos Superieurs, ou bien à ne pas lever la veùe pour regarder quelque chose que l'on a bien envie de voir, que non pas de porter la haire, parce que dès qu'on l'a sur le dos il n'est plus besoin d'y penser; mais en ces menues obeissances il faut avoir une grande attention pour n'y pas faillir..

  A009000100 

 Par exemple, un Religieux se sousmettroit volontiers à faire des grandes austerités, comme de jeusner, porter la haire, faire des rudes disciplines, et tesmoigneroit de la repugnance à obeir lors qu'on luy commande de ne pas jeusner, ou bien de prendre du repos, et telles choses auxquelles il semble y avoir plus de recreation que de peine.

  A009000101 

 Sainte Gertrude fut faite Religieuse en un monastere où il y avoit une Abbesse ou Superieure laquelle reconnoissoit fort bien que la bienheureuse [19] Sainte estoit d'une complexion foible et fort delicate; c'est pourquoy elle la faisoit traitter plus delicatement que non pas les autres Religieuses, tant pour le vestir que pour la nourriture, et ne luy laissoit pas faire les austerités qu'on avoit accoustumé de faire en cette Religion.

  A009000103 

 Au premier, qui est de renoncer à nous mesme, doivent estre mises, comme nous l'avons dit, ces deux esgales et invariables resolutions, à sçavoir mon, de se resoudre à avoir tous-jours quelque chose à purger et mortifier pendant que nous serons en ce monde, puisque nostre purgation ne se doit finir qu'avec nostre vie; et l'autre, d'avoir bon courage pour ne point nous estonner d'avoir beaucoup à faire, ains de travailler tousjours le plus fidellement que nous pourrons.

  A009000119 

 Il faut que nous sçachions que le diable donne souvent cette tentation aux ames les plus pieuses, plus retirées et plus adonnées au service de Dieu; aussi est-ce celles-là particulierement qu'il cherche, car il sçait bien qu'il aura plus d'honneur, c'est à dire d'honneur infernal, pour l'acquisition d'une de ces ames, que non pas de beaucoup d'autres moins pieuses; et il fait cela aussi pour la haine perpetuelle qu'il porte à Dieu.

  A009000119 

 Il faut vrayement faire ce qui t'est commandé, mais fais le tant plus laschement, et quand l'on ne te verra pas, hé, ne le fais pas.

  A009000120 

 Vaines sont les pensées des personnes du monde qui croyent que les ames pieuses ne sont point tentées; mais plus vaines et frivoles sont les plaintes et complaintes que les ames devotes font de leurs tentations et aridités, puisqu'elles peuvent beaucoup gagner par icelles..

  A009000132 

 La premiere consideration est celle cy: Jesus estant monté sur la montagne se mit à prier, et estant en priere il fut transfiguré, et sa face devint plus reluisante que le soleil et ses vestemens blancs comme la neige.

  A009000134 

 Hé, ne le voyez-vous pas en nostre mystere d'aujourd'huy? Ces trois Apostres ayans veu la gloire de Nostre Seigneur ne laisserent par apres de le quitter en sa Passion, et saint Pierre qui avoit parlé tousjours plus hardiment, commit neanmoins un tres grand peché reniant son Maistre.

  A009000134 

 Saint Jean y demeura ferme aux pieds de son Maistre, et jamais plus on ne trouve qu'il commit des pechés.

  A009000135 

 Aujourd'huy il se veut transfigurer et faire voir un eschantillon de sa gloire à ses trois Apostres, il se met en oraison et en extase, et y estant, il fut veu la face plus reluisante que le soleil et ses vestemens plus blancs que neige; et c'est nostre premiere consideration.

  A009000136 

 L'une est neanmoins plus profitable que l'autre; comme de mesme il y a plus de profit à accomplir la volonté de Dieu, ou bien à l'aymer en quelque evenement qui nous contrarie, que non pas à [30] escouter parler Nostre Seigneur emmy la consolation que l'on reçoit aucunefois en l'oraison..

  A009000137 

 Cecy est le souverain degré de la perfection, de ne voir plus que Nostre Seigneur en quoy que nous fassions.

  A009000137 

 Il ne faut cependant voir que Dieu, ne chercher plus que luy, ni avoir aucune affection que pour luy, et nous serons bienheureux.

  A009000137 

 Les Apostres estans relevés (car ils tomberent sur leur face entendant la voix du Pere eternel), ne virent plus que Jesus seul.

  A009000137 

 Les ames qui sont parvenues à ce degré de perfection ont un soin tout particulier de regarder et se tenir aupres de Nostre Seigneur crucifié sur le Calvaire, parce qu'elles l'y trouvent plus seul qu'en nul autre lieu.

  A009000137 

 Plusieurs s'empescheront bien de regarder les hommes et les choses de ce monde, mais il en est extremement peu qui ne se regardent point eux mesmes; ains les plus spirituels recherchent et choisissent entre les exercices de devotion ceux qui sont plus à leur goust et plus conformes à leurs inclinations.

  A009000147 

 Je sçay bien, vouloit-il dire, que conversant parmi les hommes il faut que vous ayez de la prudence pour assembler diverses sortes de pretentions, mais aussi je veux que vous soyez simples, en les reduisant toutes en une, qui est ma plus grande gloire..

  A009000147 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, nous le fait bien voir quand il asseure que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux; voulant dire: Ma mie, ma toute chere, ma colombe, tu m'as regardé de tes deux yeux, mais maintenant tu as fermé l'œil gauche avec lequel tu voyois les recompenses eternelles, parce que [33] tu en es toute asseurée en perseverant en mon amour; tu ne regardes donques plus que moy, ni ne penses plus qu'en moy, car tes cheveux, à sçavoir tes pensées, tu les as toutes reduites en une qui est pour moy, c'est pourquoy tu m'as ravi le cœur.

  A009000149 

 Les Religieux de ce temps cy eussent bien esté plus discrets, car ils eussent au moins respondu: [34] O Maistre, si nous faisons cela, qu'est ce qu'on dira? On le trouvera mauvais, cela nuira à vostre reputation.

  A009000150 

 Nul ne peut comprendre le bonheur d'une ame qui est desliée et conduite à Nostre Seigneur par le moyen de la grace; mais, o Dieu, combien plus grand est le bonheur de celle de qui l'on deslie encores l'amour! Et pourquoy deslier l'ame et l'amour? Parce que le Seigneur en a besoin: de l'ame pour la sauver, et de l'amour pour luy estre reservé.

  A009000151 

 Mais, o Dieu, il faut que cet amour soit pur, qu'il nous fasse entreprendre la prattique de toutes les vertus [35] egalement, et non pas selon nostre choix; car bien souvent nous nous faschons dequoy nous avons fait quelque legere faute en la vertu que nous affectionnons, et ne nous mettons point en peine d'avoir fait un defaut beaucoup plus grand en une autre vertu qui sera peut estre plus excellente.

  A009000152 

 Ils sont en un continuel combat contre leurs ennemis, qui sont leurs propres passions et inclinations, desquelles en fin ils demeurent [36] maistres, les assujettissant toutes à la rayson, qui n'est pas une petite victoire, ains est plus grande que de conquerir et gagner plusieurs villes..

  A009000155 

 O les Religieux de ce temps icy eussent bien esté plus discrets, car ils eussent au moins salué la compagnie, d'autant qu'il ne faut pas estre incivil; ou bien ils eussent recommandé au roy tout plein d'affaires pieuses apres l'avoir sacré.

  A009000155 

 Or, il ne faut jamais contrevenir à l'obeissance pour la prattique d'aucunes vertus, puisqu'il n'y en a point de plus necessaire aux Religieux.

  A009000156 

 Cet exemple confirme ce que j'ay ja dit, et de plus nous sommes enseignés que si nous voulons crier veritablement vive le Roy, il faut que nous nous despouillions de tout, voire mesme que nous aneantissions toutes nos passions, humeurs et inclinations, les sousmettant avec tout nostre estre aux pieds de la divine Majesté pour estre parfaitement sujets à sa sainte volonté; car l'on ne peut dire vive le Roy, pendant qu'il y a des rebelles en son royaume.

  A009000156 

 Lors tous commencerent à despouiller leurs robes et les mirent toutes l'une sur l'autre, de sorte qu'ils en firent un throsne sur lequel ils assirent le nouveau roy; apres quoy ils se prindrent tous à crier: Vive le roy! monstrant par cet acte qu'ils se sousmettoyent à luy le plus parfaitement qu'il leur estoit possible.

  A009000161 

 Chose admirable que Dieu nous ayt tant aymés que de laisser mourir son Fils pour nous, qui avions merité la mort! Nostre Maistre ne s'est pas contenté de mourir pour nous d'une mort commune, mais a choisi la plus pleine d'abjection et d'ignominie qui se pouvoit jamais penser.

  A009000161 

 Nostre Seigneur a choisi la mort de la croix pour nous tesmoigner son amour, d'autant que l'amour qu'il avoit pour nous ne pouvoit se satisfaire en choisissant une mort plus douce.

  A009000161 

 O Dieu, [39] que vos secrets jugemens sont admirables et incomprehensibles! Admirables et tres grans sont ceux que nous sçavons et comprenons, mais bien plus, sans nulle comparaison, sont grans et aymables ceux que nous ne sçavons pas.

  A009000161 

 Plus on ayme, plus on desire de souffrir pour la chose aymée.

  A009000163 

 C'est pourquoy, voulant mourir, il ne choisit pas d'estre estouffé ni estranglé, qui est une mort bien plus courte que celle de la croix; nous monstrant par ce choix que nous ne nous devons point ennuyer de la longueur ni de la quantité de nos souffrances, voire durassent-elles jusques à la fin de nostre vie, puisqu'elles ne sçauroyent jamais approcher ni entrer en comparaison avec celles qu'il a endurées pour nous.

  A009000163 

 Nous aurions voirement rayson d'en demeurer surpris si nous nous appuyions en nos forces, mais il faut se confier en la vertu de Dieu qui est pour nous si nous combattons pour son amour, et dire à l'imitation de son Apostre: Je suis plus fort lors que je me sens plus foible.

  A009000164 

 Le Sauveur [41] par sa nudité monstroit qu'il estoit la pureté mesme, et de plus, qu'il remettoit les hommes en estat d'innocence.

  A009000166 

 Que me reste-t-il plus à adjouster, sinon à vous convier d'escouter ce que saint Paul nous recommande aujourd'huy, qui est que nous taschions de ressentir en nous ce que nostre Maistre a ressenti en ce jour pour nous? Qu'est-ce que ce grand Saint veut dire? Veut-il que nous ressentions un amour purement affectif pour Nostre Seigneur sur la croix? veut-il que nous pleurions de compassion? O non, ce n'est pas ce que le Sauveur demande de nous que l'amour affectif qui nous fait jetter des larmes ou nous cause tant de desirs sans effects; l'enfer est plein de ces desirs.

  A009000167 

 De plus, il faut que nous gardions ce ressentiment le reste de nostre vie, sans vouloir jamais estre consolés de la mort de nostre divin Sauveur, ains que nos esprits gardent ce continuel regret, et soyent morts par la continuelle mortification de leurs superfluités, à l'imitation du grand saint Ignace qui disoit que l'on ne pensast pas qu'il vescust, puisqu'il avoit crucifié son amour, ou que son amour estoit crucifié.

  A009000167 

 Il avoit bien rayson, ce grand Saint, d'asseurer qu'il ne vivoit plus, car oster l'amour de nos ames c'est leur oster la vie.

  A009000167 

 Il vouloit signifier qu'il avoit tellement mortifié son amour propre qu'il n'en avoit plus, ou qu'il l'avoit tout logé en Nostre Seigneur crucifié.

  A009000168 

 En fin, l'amour a fait mourir nostre Maistre, il ne reste plus sinon que nous vivions d'amour pour luy; mais non pas d'un amour tel quel, ains d'un amour semblable au sien (je ne dis pas esgal, car il ne se peut), d'un amour fort et courageux qui croisse emmi les contradictions, sans se lasser jamais de combattre pour ce divin Amant..

  A009000176 

 J'ay donques approuvé le desir qui m'esmeut à parler [46] de l'oraison, bien que ce ne soit pas mon dessein d'expliquer chaque espece d'icelle, parce que l'on en sçait plus par experience qu'il ne s'en peut dire.

  A009000179 

 De mesme, la meditation se fait lors que nous arrestons nostre entendement sur un mystere duquel nous pretendons tirer des bonnes affections, car si nous n'avions cette intention ce ne seroit plus meditation, ains estude.

  A009000179 

 Il vouloit dire: Lors que le petit de l'arondelle est tout seul et que sa mere est allée querir l'Herbe chelidoine pour luy faire recouvrer la veuë, il crie, il piole, d'autant qu'il ne sent plus sa mere proche de luy et qu'il ne voit goutte.

  A009000179 

 Pour sçavoir que c'est que meditation il faut entendre les paroles du roy Ezechias lors que la sentence de mort luy fut prononcée, laquelle fut despuis revoquée par sa penitence: Je crieray, dit-il, comme le poussin de l'arondelle, et mediteray comme la colombe au plus fort de ma douleur.

  A009000180 

 Celle qui se fait par authorité ne se doit non plus appeller priere; aussi voit-on que si une personne qui a beaucoup d'authorité [48] dessus nous, comme sont peres, seigneurs ou maistres, use de ce mot de priere, nous luy disons incontinent: Vous pouvez commander, ou: Vos prieres me servent de commandement.

  A009000183 

 Les philosophes payens disoyent que l'homme est un arbre renversé, d'où nous pouvons conclure combien l'oraison est necessaire à l'homme, puisque l'arbre n'ayant suffisamment de terre pour couvrir ses racines, ne peut subsister; aussi l'homme qui n'a une particuliere attention aux choses celestes, ne sçauroit non plus subsister.

  A009000189 

 La question seroit bien tost resolue si nous disions que tous les hommes peuvent prier et que tous le doivent faire, mais à fin de mieux satisfaire les esprits nous traitterons cette matiere plus au long..

  A009000190 

 Or, Dieu ne peut rien demander par grace, ains tout par authorité; de plus, il ne peut avoir besoin de rien, d'autant qu'il possede toutes choses: c'est donques tout asseuré que Dieu ne peut ni ne doit prier.

  A009000191 

 Plusieurs des anciens Peres, et mesme saint Gregoire Nazianzene, enseignent que Nostre Seigneur Jesus Christ ne peut non plus prier (entant que Dieu il est tout evident, puisqu'il est un mesme Dieu avec son Pere; nous en avons desja parlé).

  A009000191 

 Pourtant, c'est une verité toute asseurée que si bien Nostre Seigneur demande ce qu'il veut par justice, il ne laisse pas, entant qu'homme, de s'humilier devant son Pere, luy parlant avec une si grande reverence et faisant de plus profonds actes d'humilité que jamais creature n'a sceu ni n'a peu faire; si que sa demande se peut appeller priere..

  A009000196 

 Il faut donques, pour bien faire oraison, que nous reconnoissions que nous sommes pauvres et que nous nous humiliions grandement; car ne voyez-vous pas qu'un tireur d'arbalete quand il veut descocher un grand trait, plus il veut tirer haut et plus il tire la corde de son arc en bas? Ainsy faut-il que nous fassions quand nous voulons que nostre priere aille jusqu'au Ciel; il faut que nous nous approfondissions par la connoissance de nostre rien.

  A009000197 

 Ne voyez-vous pas que les grans voulant faire monter une fontaine au plus haut de leurs chasteaux, vont prendre la source de cette eau en quelque lieu fort eslevé, puis la conduisent par des tuyaux, la faisant descendré autant qu'ils veulent qu'elle monte? car autrement l'eau ne monteroit jamais.

  A009000198 

 L'encens est bien plus proprement le symbole de l'esperance, parce qu'estant mis dessus le feu il jette tousjours sa fumée en haut; aussi faut il que l'esperance soit posée dessus la charité, [54] autrement ce ne seroit plus esperance, ains presomption.

  A009000201 

 Lors que Jacob voulut avoir la benediction de son pere Isaac, sa mere luy fit apprester un cabri en la sauce de la venaison, parce qu'Isaac l'aymoit; mais de plus elle luy fit mettre des gans de poils, parce qu'Esaü, le fils aisné à qui appartenoit la benediction, estoit tout velu.

  A009000208 

 Sans doute on luy fait tort de l'appeller pecheur, car il ne l'est plus, puisqu'il deteste desja son peché; et si bien le Saint Esprit n'est pas encores en son cœur par residence, il y est neanmoins par assistance.

  A009000211 

 Entre les biens spirituels il y en a de deux sortes: les uns nous sont necessaires pour nostre salut, et ceux cy nous les devons demander à Dieu simplement et sans condition, car il nous les veut donner; les autres biens, quoy que spirituels, nous les devons demander sous les mesmes conditions que les biens corporels, sçavoir, si c'est la volonté de Dieu et si c'est pour sa plus grande gloire; et sous ces conditions nous pouvons tout demander.

  A009000212 

 Il y en a qui pensent que s'ils estoyent doués de sapience ils seroyent bien plus capables pour aymer Dieu, et cela n'est pas.

  A009000212 

 Lors, saint Bonaventure luy respondit que la science ne luy aydoit point à aymer Dieu, et qu'une simple femme le pouvoit autant aymer que les plus doctes hommes du monde..

  A009000212 

 Vous vous resouviendrez bien qu'une fois le frere Gilles s'en alla trouver saint Bonaventure et luy dit: O que vous estes heureux, mon Pere, d'estre si sçavant, car vous pouvez bien plus aymer [59] Dieu que nous autres qui sommes ignorans.

  A009000213 

 Mais qui ne voit la tromperie de ceux qui sont tous-jours apres leur pere spirituel pour se plaindre dequoy ils n'ont point de ces tendretés et consolations en leurs oraisons? Ne voyez-vous pas que si vous en aviez vous ne pourriez eschapper à la vaine gloire, et ne sçauriez empescher que vostre amour propre ne s'y compleust, en sorte que vous vous amuseriez plus aux dons qu'au Donateur? C'est donques une grande misericorde que Dieu vous fait de ne vous en point donner; et ne faut pas perdre courage pour cela, puisque la perfection ne consiste pas à avoir de ces gousts et tendretés, ains à avoir nostre volonté unie à celle de Dieu.

  A009000215 

 Nous devons donc demander premierement que son nom soit sanctifié, c'est à dire qu'il soit reconneu et adoré par tous les hommes; en suite de quoy nous demandons ce qui nous est le plus necessaire, à sçavoir que son Royaume nous advienne, que nous puissions estre des habitans du Ciel; et puis, que sa volonté soit faite.

  A009000217 

 L'on ne sçavoit s'il estoit celeste ou terrestre, car si bien il touchoit aucunefois la terre pour prendre ses necessités, il se relevoit soudain et se jettoit du costé du Ciel, se nourrissant plus des viandes [61] celestes que non pas des terrestres.

  A009000218 

 Les prieres de ceux qui les font comme ce papegay sont en abomination à Dieu qui regarde plus au cœur de celuy qui prie que non pas aux paroles qu'il dit..

  A009000220 

 Mais les prieres qui sont de commandement ont un prix tout autre, à cause de l'obeissance qui y est attachée, et c'est sans doute qu'il y a aussi plus de charité..

  A009000222 

 Mais peut estre dirons nous que si nous avions veu une fois les Anges à nos Offices nous y apporterions plus d'attention et de reverence.

  A009000231 

 Mais en tout cas, la posture qui nous apporte le plus d'attention est la meilleure.

  A009000232 

 C'est en quoy ce Temple estoit plus aggreable à la divine Majesté, d'autant qu'il n'y avoit nulle sorte de nation qui ne peust venir luy rendre ses hommages en ce lieu.

  A009000233 

 Mais apres, il y a un degré ou estage qui est desja un peu plus haut, à sçavoir, une connoissance que nous avons par le moyen de la consideration; par exemple, un homme qui aura esté maltraitté en un lieu cherchera, par le moyen de la consideration, comme il pourra faire pour n'y pas retourner.

  A009000234 

 Les personnes les plus avancées ont aucunefois de si grandes tentations, mesme de la foy, qu'il leur semble que toute l'ame consent, tellement elle est troublée; elles n'ont que cette fine pointe qui resiste, et c'est cette partie de nous-mesme qui fait l'oraison mentale, car bien que toutes ses autres facultés et puissances soyent remplies de distractions, l'esprit, sa fine pointe, fait l'oraison..

  A009000235 

 La premiere se fait par voye de meditation, en cette sorte: nous prenons un mystere, par exemple Nostre Seigneur crucifié, et puis nous l'estant ainsy representé, nous considerons ses vertus: l'amour qu'il a porté à son Pere, lequel luy a fait souffrir la mort, et la mort de la croix, plustost que de luy desplaire, ou pour mieux dire, à fin de luy complaire; la grande douceur, humilité et patience avec laquelle il souffrit tant d'injures; en fin sa grande charité à l'endroit de ceux qui le mirent à mort, priant pour eux emmy ses plus grandes douleurs.

  A009000238 

 L'Espoux conclut par apres: Enivrez-vous, mes tres chers; et qu'est-ce qu'il veut dire? Vous sçavez bien que l'on n'a pas accoustumé de mascher le vin, ains on ne fait que l'avaler; ce qui nous represente la contemplation en laquelle on ne masche plus, ains on ne fait qu'avaler.

  A009000248 

 Je remarque que l'Evangile raconte les imperfections et pechés de ce bienheureux Saint, et l'une de ses plus grandes tares, qui est, comme l'on tient, son ambition et presomption, au lieu de raconter ses perfections, vertus et excellences; au lieu de le louer et exalter, il semble qu'il le blasme et vitupere.

  A009000248 

 Mais nostre Mere l'Eglise, Espouse de Jesus Christ, fait tout au contraire; car bien qu'elle ayme uniquement ses enfans, neanmoins lors qu'elle les veut louer et exalter, elle raconte exactement les pechés qu'ils ont commis avant leur conversion, à fin de magnifier la majesté de Celuy qui les a sanctifiés pour sa plus grande gloire et honneur, [73] faisant reluire sa misericorde infinie avec laquelle il les a relevés de leurs miseres et pechés, les comblant de tant de graces et de son saint amour..

  A009000249 

 Non certes, nos miseres et nos foiblesses, pour grandes qu'elles soyent et ayent esté, ne nous doivent pas descourager, mais nous doivent faire abaisser et nous jetter entre les bras de la misericorde divine, laquelle sera d'autant plus glorifiée en nous que nos miseres seront plus grandes, si nous venons à nous en relever; ce que nous devons esperer de faire moyennant sa sainte grace..

  A009000250 

 Le grand saint Chrysostome parlant de saint Paul le loue le plus pertinemment qu'il se peut, et avec tant d'honneur et d'estime que c'est chose admirable de voir comme il raconte ses vertus, perfections, excellences, les prerogatives et graces desquelles Dieu l'a orné et enrichi.

  A009000250 

 Mais apres tout cecy, ce mesme Saint, pour faire voir que ces dons ne venoyent pas de luy, mais de la bonté infinie de la divine Majesté qui l'avoit fait ce qu'il estoit, il parle de ses defauts et raconte exactement ses pechés et imperfections, disant: Voyez-vous ce petit bossu et contrefait (car il estoit petit de stature comme de mauvaise mine), comme Dieu en a fait un vaisseau d'election; ce grand pecheur et grand persecuteur des Chrestiens, comme il l'a rendu de loup aigneau; ce chagrin, cet opiniastre, cet orgueilleux et ambitieux, comme il l'a comblé et rempli de tant de graces et benedictions, le rendant si humble et charitable qu'il dit de soy qu'il est le moindre et le plus petit des Apostres et le plus grand des pecheurs, et qu'il se fait tout à tous pour les gagner tous.

  A009000251 

 Il est vray qu'il les aymoit grandement, specialement saint Jean, son bien-aymé Disciple, qui estoit le cœur le plus aymable que l'on peust s'imaginer.

  A009000252 

 Il s'en trouve fort peu, voire mesme entre les plus spirituels, qui regardent purement Dieu sans rechercher leur propre contentement, ne desirant que le contenter et non se contenter soy mesme..

  A009000252 

 Or, c'est l'amour propre qui faisoit cela; [75] elle n'avoit garde de luy dire: Je veux une telle chose, octroyez-moy cette grace; o non, car l'amour propre est plus sage et discret que cela, il fait faire des preambules et harangues bien composées, avec une humilité feinte et fausse, à fin que l'on pense que nous sommes bien braves et prudens.

  A009000253 

 La pluspart de nous autres, si nous nous examinons bien, nous trouverons que nos demandes sont grandement impures et imparfaites: si nous sommes à l'oraison, nous voulons que Dieu nous parle, qu'il nous vienne visiter, consoler et recreer, nous luy disons qu'il fasse cecy, qu'il nous donne cela; et s'il ne le fait pas, quoy que pour nostre plus grand bien, nous nous en inquietons, troublons et affligeons..

  A009000254 

 Ouy, car nostre jugement veut gaigner par dessus tous les autres et ne se veut point sousmettre, ni nostre propre volonté non plus.

  A009000257 

 Le divin Sauveur dit à ses Apostres sur ce sujet de l'ambition de ces deux Saints: Ne pensez pas que pour avoir des preeminences et dignités en mon Royaume vous ayez pour cela plus de gloire et d'amour.

  A009000257 

 O non, car ma Mere qui n'a pas esté esleüe à telle dignité, ne lairra pourtant d'avoir infiniment plus de gloire et d'amour au Ciel que vous et d'autres aussi..

  A009000257 

 Vous autres que j'ay choisis et esleus pour estre as sis sur des throsnes pour juger avec moy au jour du jugement, vous n'en serez pas plus haut et n'aurez pas plus de gloire pour cela.

  A009000258 

 Saint Jean fut martyr de la premiere maniere, Dieu ne permettant pas qu'il fust martyr effectif, ains seulement de volonté et affection; car l'huile bouillant qu'on avoit preparé pour le mettre, et dedans lequel on le mit, ne luy fit aucun mal, ains luy fut aussi doux et suave que si c'eust esté un bain des plus aggreables.

  A009000261 

 Lors que quelque grande princesse ou seigneur meurt d'une mort inopinée, on ouvre son corps pour voir de quelle maladie il est mort, et quand on a trouvé la cause de son trespas l'on est content et ne passe-t-on pas plus outre.

  A009000264 

 La premiere, pour ce que l'on auroit horreur de descouvrir dans les cœurs des meschans et grans pecheurs des choses si sales, horribles et tant de miseres; car sainte Catherine, qui avoit receu ce don de Dieu, de [80] penetrer les consciences et connoistre les pechés les plus secrets, en avoit une si grande horreur, qu'il failloit qu'elle se destournast pour s'empescher de les voir.

  A009000266 

 Certes, lors qu'il nous vient de ces [81] ardens desirs de faire de grandes choses pour Dieu, nous devons alors plus que jamais nous approfondir en l'humilité et defiance de nous mesmes et en la confiance en Dieu, nous jettant entre ses bras, reconnoissant que nous n'avons nul pouvoir pour effectuer nos resolutions et bons desirs, ni faire chose quelconque qui luy soit aggreable; mais en luy et avec sa grace toutes choses nous seront possibles.

  A009000268 

 Nous devons servir la divine Majesté le mieux et le plus fïdellement que nous pourrons, observant exactement ses commandemens, ses conseils et ses volontés, et avec le plus de perfection, de pureté et d'amour qu'il nous sera possible, et ne nous point enquerir de la recompense qu'il nous donnera, laissant cela à sa Bonté qui ne manquera pas de nous recompenser d'une gloire infinie et incomprehensible, se donnant soy mesme à nous pour recompense, tant il fait d'estat et a aggreable ce que nous faisons pour luy.

  A009000274 

 L'on a tousjours fait de grandes solemnités à la reception des ames qui se sont consacrées à Dieu pour le servir en Religion; mais je remarque que l'on en a tousjours fait davantage pour celle des filles que non pas pour celle des hommes; et pour moy je crois que c'est parce qu'estant d'un sexe plus fragile, l'on doit d'autant plus admirer et solemniser la force qu'elles ont à se desprendre de toutes les choses de la terre.

  A009000275 

 C'est au Saint Esprit à qui nous en devons rendre la gloire, d'autant qu'il se plaist à choisir les choses les plus foibles et viles pour manifester sa grandeur et son incomprehensible bonté..

  A009000275 

 Mais pourquoy donques, s'il est vray que vous l'estimez tant, ne vous retirez-vous en Religion pour appartenir plus entierement à Nostre Seigneur et le servir plus parfaitement, puisque vous n'avez point de legitime occasion de demeurer dans le monde? O Dieu, je ne me puis destacher de telles et telles choses que j'ayme tant; je le desirerois bien, mais je ne puis.

  A009000275 

 [85] Confessez donques que vous manquez de force et de courage et que vous vous laissez surmonter par des ames que vous estimiez plus foibles et plus fragiles que vous.

  A009000277 

 Vous ne possederez plus rien en propre, l'on ne preschera plus vos louanges, il ne sera plus fait aucune mention de vous, non plus que si vous n'estiez plus au monde.

  A009000277 

 Voyez-vous, nous n'avons point accoustumé de tromper les filles qui se presentent pour estre receues dans les Religions; car nous leur disons qu'elles meurent en y entrant, et qu'il ne faudra plus qu'elles vivent à tout ce à quoy elles ont vescu au monde.

  A009000279 

 Mieux vaudroit mesme estre eslevé en dignités contre nostre volonté (et il y aurait sans comparaison plus d'humilité à les accepter), que non pas de les refuser par nostre choix et eslection, nous en reconnoissant indignes.

  A009000280 

 Bref, il faut que vous mouriez à vostre vie civile, leur repetons-nous, car, ainsy que nous avons desja dit, vous n'aurez plus de reputation, l'on ne parlera plus de vous que comme d'une personne morte; aussi vous revestira-t-on du sac noir qui vous en doit faire resouvenir..

  A009000280 

 Les habits que nous leur donnons font assez entendre tout cela, mais particulierement le voile que nous leur mettons dessus la teste, lequel leur monstre qu'elles ne se doivent plus servir de leurs sens ni de leurs puissances [87] pour aucune chose de la terre, ains que, comme des filles mortes, rien ne devra plus vivre en elles de tout ce qui y a vescu jusques à l'heure presente.

  A009000280 

 Mais ce n'est pas tout, car nous disons à ces filles qui veulent entrer en Religion qu'il faut mourir à tous leurs sens, à sçavoir, qu'il ne faut plus avoir d'yeux pour voir ni d'oreilles pour ouïr, et ainsy des autres; on leur devra donques retrancher leurs fonctions.

  A009000281 

 O sans doute, il y a une vertu secrette qui opere en cecy; c'est la force des attraits du Saint Esprit qui le fait ainsy pour sa plus grande gloire..

  A009000282 

 C'est un grand talent que celuy de vivre chrestiennement et en l'observance des commandemens de Dieu; neanmoins celuy qui en a receu deux, c'est à dire qui avec celuy cy a receu celuy de vouloir pretendre à la perfection de la vie chrestienne, est desja beaucoup plus favorisé; mais, o Dieu, combien grand est le bonheur de celuy qui a receu en outre les trois talens auxquels sont encloses toutes les perfections chrestiennes! Ce sont ces trois principaux conseils de Nostre Seigneur: l'obeissance, [88] la chasteté et la pauvreté; ce sont ces trois vœux effectuels qui nous unissent à Dieu (je dis effectuels, et non pas seulement voués).

  A009000288 

 Or, ne sçachant comme ils le pourroyent faire pour luy estre plus aggreables, ils se mirent en priere; et la nuit il leur fut dit [90] en songe d'aller sur le monticule nommé Esquilin, et de faire bastir une eglise à l'honneur de la sacrée Vierge Nostre Dame en l'endroit qu'ils trouveroyent couvert de neige.

  A009000292 

 O que ceux là sont heureux qui estans inspirés, comme ce bien heureux Jean et sa femme, de se dedier et consacrer à Dieu avec tout ce qu'ils possedent, ont recours à la priere pour connoistre en quel lieu ils le pourront faire pour sa plus grande gloire et pour l'honneur de [92] nostre tres digne Maistresse; car, ainsy que nous l'avons desja declaré, point de devotion pour Dieu sans affection de plaire à Nostre Dame..

  A009000295 

 Dieu est jaloux de nostre amour, c'est pourquoy il va jettant ses inspirations sur des ames qu'il separe d'entre les autres, lesquelles par une puissante resolution se viennent consacrer et dedier leur cœur avec toutes ses affections, leur corps et leurs biens à son honneur et gloire, choisissant l'estat de la Religion pour y vivre avec plus de perfection et moins de danger de se perdre et divertir de leur sainte resolution..

  A009000296 

 Ces ames donques qui sont si genereuses que de se venir toutes abandonner à Dieu sans aucune reserve, se jettant sous les loys de la Religion et se liant si estroittement que jamais plus elles ne s'en peuvent desprendre, font non seulement comme toutes les fleurs jaunes qui se vont tousjours tournant du costé du soleil, mais aussi comme celle qu'on appelle tourne-soleil, laquelle ne se contente pas de tourner sa fleur, ses feuilles et sa tige contre iceluy, ains encores, par une secrette merveille, tourne aussi sa racine qui est dessous terre.

  A009000296 

 Cet estat est certes le plus parfait apres celuy de ceux qui sont sous le caractere de la consecration episcopale, d'autant que l'on ne s'en peut plus departir.

  A009000297 

 Elles disent à Nostre Seigneur, à l'imitation du grand saint Paul: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? Et ayant dit cela, elles se sousmettent à la conduite de leurs Superieurs, pour ne jamais plus estre maistresses d'elles mesmes ni de leur volonté, evitant par ce moyen la sentence du grand saint Bernard qui asseure que «celuy qui se gouverne soy mesme est gouverné par un grand sot.» Hé, pourquoy voudrions-nous estre maistres de nous mesme pour ce qui regarde l'esprit, puisque nous ne le sommes pour ce qui est du corps? Ne sçavons-nous pas que les medecins lors qu'ils sont malades appellent d'autres medecins pour juger des remedes qui leur sont propres? De mesme les advocats ne plaident pas leur cause, d'autant que l'amour propre a accoustumé de troubler la rayson..

  A009000298 

 Je laisse tout plein d'autres proprietés, comme seroit de dire qu'elle ne tombe jamais dessus la mer, au moins dessus la haute mer; et je pourrois adjouster que de mesme la sacrée et particuliere inspiration de se donner à Dieu sans reserve ne tombe point sur les ames qui voguent sur la haute mer de ce miserable monde et qui y sont eslevées sur les plus hautes dignités.

  A009000298 

 Nostre Seigneur pouvoit bien faire tomber de la manne comme il fit anciennement au desert pour les Israëlites, ou bien couvrir des plus belles fleurs cette place qu'il avoit choisie; mais il ne le voulut pas, d'autant qu'ès qualités de la neige se peuvent retrouver les conditions necessaires aux ames qu'il a esleües pour estre plus specialement siennes en la Religion.

  A009000299 

 Cela monstre assez qu'il ne se trouvoit rien de plus blanc.

  A009000299 

 Escoutez le Psalmiste royal David, lors que se plaignant à Dieu dequoy son ame estoit devenue par le peché plus noire qu'un ethiopien, il le prie qu'il luy plaise l'arrouser de son hyssope, et par ce moyen elle sera rendue plus blanche que la neige..

  A009000300 

 C'est en effect une certaine liqueur de misericorde qui retire le pecheur de son iniquité et la luy pardonne; mais l'autre de ses mammelles dont il nourrit les parfaits et les perfectionne tousjours davantage, jette une liqueur plus douce que le miel et plus suave que le nectar et l'ambroisie; elle est toute sucrée.

  A009000301 

 Desormais elles ne luy seront plus sujettes, ains au contraire elles seront sujettes aux Regles de leur Institut.

  A009000301 

 O qu'elle est obeissante la neige! Telles sont les ames qui se dedient au Seigneur, car elles sont souples et se sousmettent absolument sous la discretion et conduite de ceux qui commandent, sans se laisser plus maistriser par leur propre volonté ni jugement.

  A009000302 

 Je sçay bien qu'il faut manger et boire pour sustenter le corps, à fin qu'estant joint à l'ame, ils puissent par ensemble passer le cours de cette vie [97] selon l'ordonnance de Dieu; de mesme qu'il faut dormir pour, par apres, estre plus vigoureux pour servir la divine Majesté.

  A009000302 

 La vocation religieuse est une vocation feconde, d'autant qu'elle rend les actions les plus indifferentes, fertiles et tres meritoires.

  A009000302 

 Les paysans et ceux qui labourent la terre asseurent que lors qu'il tombe mediocrement de la neige en hiver, la prise en sera plus belle l'année suivante, d'autant qu'elle empesche la terre des grandes gelées.

  A009000303 

 De mesme, ils ne vont point dormir parce qu'ils ont sommeil ni parce qu'il faut dormir pour rendre le corps plus vigoureux, car si le temps n'en est venu et la cloche, qui est le signe de l'obeissance, ne les y fait aller, ils n'iront point.

  A009000303 

 Or, ceux qui sont en la Religion font toutes ces actions bien plus particulierement au nom de Dieu, d'autant qu'ils les font toutes par obeissance.

  A009000314 

 Encores que les oyseaux viennent souvent en la terre et y demeurent, on ne laisse pas de les appeller oyseaux du ciel; ainsy, ces personnes religieuses, quoy qu'elles soyent en la terre elles n'y ont point leur cœur, car elles le lancent si souvent du costé du Ciel et ont leurs desirs, affections et pensées tellement tournés vers Dieu, ne visant qu'à luy complaire, que ce ne sont plus des poissons, mais des oyseaux du Ciel.

  A009000314 

 Qu'elles sont heureuses ces ames! parce qu'encores qu'on puisse se sauver et arriver à la perfection parmi le monde en toutes sortes de conditions loysibles, neanmoins ceux qui voguent en cette mer sont en plus grand danger de faire naufrage et se perdre; tandis qu'en Religion l'on peut avec plus de facilité faire son salut et parvenir à la perfection..

  A009000315 

 Il ne faut point penser que nous soyons plus aggreables à Dieu par un autre exercice que par celuy-cy, car sa volonté est que nous fassions celuy-là; partant nous le devons faire de bon cœur, et non pas en desirer un autre, où nous ne trouverons peut estre pas sa volonté mais la nostre, et ce, à nostre confusion..

  A009000315 

 Les personnes du monde ne sont point en un estat stable, car pour grande que soit la dignité en laquelle elles se trouvent eslevées, elles en peuvent descheoir; mais les ecclesiastiques et Religieux sont en un estat stable, parce que, par le moyen des vœux qu'ils font, ils se lient estroittement à Dieu, en sorte qu'ils ne peuvent plus demordre de leur resolution.

  A009000316 

 Aujourd'huy ils veulent estre d'une Religion, et demain d'une autre; ils se plaisent aujourd'huy en la compagnie d'une personne, demain ils s'y desplairont et ne la voudront plus voir ni ouïr parler; ils ayment à cette heure une chose, tantost ils l'abhorreront.

  A009000317 

 Le glorieux Archange au contraire, et tous ceux de sa compagnie, reconnoissans qu'ils n'estoyent rien au prix de Dieu, firent en un moment, et avec tant de perfection et stabilité, la resolution cuite sous la cendre de la sainte humilité, qu'ils se sousmirent à la divine Majesté pour luy estre eternellement dediés et accomplir ses saintes volontés non seulement aux choses excellentes, mais aux plus viles et abjectes.

  A009000317 

 Or, l'aliment qui a le plus de rapport avec la nature des Anges, c'est la volonté de Dieu.

  A009000317 

 Vous sçavez que chacun vit et se nourrit mieux en mangeant de la chair parce qu'elle a plus de rapport avec la substance de nos corps.

  A009000321 

 Si on luy demande pourquoy elle fait cela, elle respondra que c'est à fin de monter plus legerement et à son ayse cette montaigne.

  A009000321 

 Si vous leur demandez pourquoy, elles diront que c'est à fin de s'unir plus promptement à la divine Bonté et monter plus legerement à la perfection de son amour, car c'est une montaigne difficile que celle cy, parce que c'est la montaigne de Calvaire, de croix et d'afflictions; neanmoins elle est suave, douce et aggreable pour les ames genereuses et fortes.

  A009000322 

 Avec quel amour s'employent-ils en cet office, quelle douceur exercent-ils autour des petits enfans! Si vous leur demandez ce qu'ils font aupres de ces berceaux, veu que ces enfans n'ont point l'usage de rayson et ne sont capables de faire le bien ou de correspondre à leurs inspirations, ils vous diront qu'ils leur donnent du lait, et qu'à mesure qu'ils vont croissant ils leur donnent de plus grandes inspirations.

  A009000323 

 Ils leur doivent donner du lait lors qu'elles sont encores foibles et tendres en la devotion; et à mesure qu'elles vont croissant et qu'elles sont plus fortes, ils leur doivent presenter du pain, c'est à dire leur aggrandir le courage pour les faire croistre et avancer en la perfection de l'amour divin et aux vrayes et solides [107] vertus, les y excitant plus par leurs exemples que par leurs paroles..

  A009000325 

 Nous voulons qu'on regarde en nous tout ce qui est excellent, les qualités, offices et charges auxquelles nous sommes eslevés, que l'on nous estime pour cela, quoy que vrayement nous n'en soyons pas plus à estimer ni plus grans devant Dieu; et nous voulons au contraire qu'on ignore nostre vileté et qu'on ne regarde jamais nostre misere, nos defauts et imperfections.

  A009000326 

 Car cette dignité est si excellente qu'elle surpasse en certaine façon celle des Esprits angeliques, quoy qu'ils soyent plus heureux, estans en lieu asseuré et voyans Dieu face à face.

  A009000328 

 Bienheureuses donques sont les ames humbles d'une [109] humilité vraye; car, tant de reverences qu'il vous plaira, tant de paroles d'humilité que vous voudrez, tout cela est peu de chose si vous n'avez au cœur l'humilité vraye et sincere, qui vous fasse connoistre vostre vileté, vos miseres, defauts et imperfections, vous reconnoissant la plus miserable de toutes les creatures et vous sousmettant de bon cœur à toutes pour l'amour de Nostre Seigneur.

  A009000328 

 Il en est comme de l'amour de Dieu et du prochain: ce sont deux amours qui ne vont point l'un sans l'autre, et à mesure que nous aymons plus Dieu, aussi aymons-nous plus le prochain..

  A009000328 

 Plus nous avons de charité, plus nous avons d'humilité.

  A009000330 

 Cela nous represente que nous devons faire toutes nos actions, soit de boire, manger, travailler, marcher et parler, à l'abri de l'arbre de la Croix et en presence des Anges, ayant tousjours devant les yeux le divin Sauveur crucifié, pour nous mirer en luy et nous conformer à sa vie, nous moulant sur ce divin portrait, l'imitant au plus pres qu'il nous sera possible selon nostre petit pouvoir.

  A009000347 

 En somme, l'Escriture le raconte comme la chose la plus excellente qui se puisse dire..

  A009000347 

 Il y avoit des couches battues d'or et d'argent; les musiques les plus belles et accomplies des instrumens et accords les plus harmonieux; les parterres les plus artificieux et diaprés d'une varieté innombrable de fleurs.

  A009000347 

 Le lieu où se faisoit ce festin estoit le plus beau et magnifique: les piliers estoyent d e marbre, le pavé d'esmeraudes, les tapisseries toutes rehaussées de soye, de fil d'or et d'argent, le plancher tout azuré.

  A009000347 

 Les invités estoyent les plus grans princes de cette contrée, et le festin dura cent et quatre vingts jours avec toute cette grande magnificence.

  A009000347 

 Là il est raconté que le roy Assuerus fit un festin le plus admirable qui se puisse voir et entendre, car toutes les conditions requises et qui se peuvent souhaitter en un banquet pour le rendre insigne et remarquable se trouverent en iceluy.

  A009000347 

 Quant aux viandes, elles estoyent des plus excellentes; les vins, les plus exquis et delicieux qui se peussent trouver.

  A009000348 

 Celuy qui le fait est Dieu mesme, qui surpasse en grandeur et dignité tout ce qui est et peut estre, et cette personne royale et divine assiste au festin, mais qui plus est, il est luy mesme la viande qui repaist et rassasie les conviés et esleus par les admirables communications qu'il fait de soy mesme.

  A009000348 

 En ce festin de l'Aigneau sans macule, comme dit saint Jean, se rencontre tout ce que nous avons remarqué en celuy d'Assuerus; mais en une façon beaucoup plus excellente, parce qu'en iceluy sont jointes ensemblement toutes les conditions requises pour rendre un banquet magnifique et du tout admirable.

  A009000348 

 Je n'ay point trouvé d'histoire et de discours plus propre pour vous representer la gloire et felicité des Saints que ce banquet du roy Assuerus, puisque cette felicité n'est autre qu'un festin ou banquet auquel nous sommes invités et où ceux qui sont receus sont rassasiés et assouvis de toutes sortes de delices.

  A009000350 

 L'on voit en cette gloire des choses si relevées et excellentes que Dieu, avec l'infinité de sa toute puissance, n'en peut pas produire de plus grandes.

  A009000351 

 Quant à la premiere chose qui fait la gloire essentielle des Saints, qui est la Divinité, il ne se peut rien voir ni rien ne peut estre de plus grand, Dieu estant, comme disent les theologiens, un Estre par dessus tout estre, un acte tres pur et tres simple.

  A009000351 

 Rien n'est plus grand que Dieu avec l'infinité de sa puissance, et il ne peut rien creer de plus haut que luy mesme; car s'il pouvoit creer quelqu'autre plus grand ou plus haut que luy il ne seroit pas Dieu, puisque Dieu est un Estre par dessus tout estre, que nul ne peut esgaler.

  A009000352 

 La seconde chose est la maternité de la Sainte Vierge, qui est l'œuvre la plus excellente que la toute puissance du Seigneur puisse operer en une simple creature; car, comme pouvoit-il l'eslever plus haut que de la faire Mere de Dieu, c'est à dire de luy mesme?.

  A009000353 

 La troisiesme chose est la gloire, gloire la plus grande qui se puisse creer, puisqu'elle a pour objet Dieu mesme, qui est une clarté et lumiere increée par laquelle on voit toutes les autres lumieres, lesquelles sortent de celle cy comme de leur source et origine sans la pouvoir tant soit peu interesser.

  A009000354 

 C'est là qu'ils reçoivent la mesure pleine, et comble, et qui regorge de toutes parts, parce que la joye et liesse dont ils jouissent en cette gloire essentielle par la connoissance des plus profonds mysteres les rassasie tres parfaittement.

  A009000354 

 En cette claire vision de Dieu ils descouvrent et viennent à l'intelligence des autres plus hauts et plus inscrutables mysteres, dont ils ont la connoissance avec une telle allegresse qu'ils n'en peuvent souhaitter ni desirer de plus grande.

  A009000354 

 Hé, combien pensez-vous qu'ils ressentent de suavité en la claire veuë du mystere ineffable de la tres sainte Trinité, de l'eternité du Pere, du Fils et du Saint Esprit? Quelle joye de comprendre que le Fils n'est pas moindre que le Pere, que le Pere pour estre Pere n'est point plus grand que le Fils, et que le Saint Esprit est en tout esgal au Pere et au Fils! Quelle suavité de voir que le Fils est eternel et aussi ancien que le Pere, et le Saint Esprit aussi bien que le Pere et le Fils, et que ces trois Personnes ayant une mesme essence, ne font qu'un seul Dieu!.

  A009000355 

 Je lisois hier en la Vie du bienheureux Ignace, fondateur des Jesuites, que Dieu luy descouvrit un jour le mystere de l'ineffable et tres adorable Trinité, de laquelle vision il receut tant de clarté et de lumiere en son entendement qu'il en faisoit despuis des discours les plus relevés qui se puissent entendre; et demeura plusieurs jours à escrire ce qu'il avoit appris, remplissant divers cahiers des choses plus hautes et plus subtiles qui soyent en la theologie.

  A009000358 

 En cette gloire essentielle, l'entendement demeurera tout plein de clarté et de connoissance, tant de l'estre et grandeur de Dieu que de ce que le Sauveur a fait et souffert pour nous, des graces qu'il nous a communiquées, comme de tous les plus hauts et profonds mysteres de la tres sainte Trinité, de l'Incarnation et de tout ce qui concerne la divinité et humanité de Nostre Seigneur, ainsy que de ce qui regarde Nostre Dame..

  A009000361 

 Qu'est-ce qui cause plus de joye aux prosperités de cette vie, sinon l'esperance qu'elles seront de longue durée? Comme au contraire, rien ne rabat ni diminue tant la joye sinon la crainte qu'elle ne dure pas long temps et ne vienne tost à passer.

  A009000363 

 Cette gloire accidentelle vient de plusieurs choses, mais specialement de la contemplation et claire vision de tous les habitans du Ciel; car vous sçavez que tous n'ont pas de la gloire esgalement, ains en degrés differens: les uns en ont plus que les autres, mais neanmoins tous sont contens et rassasiés.

  A009000364 

 Si vous les regardez, ils sont tous deux vestus de drap d'or et sont contens, d'autant qu'un chacun en a suffisamment pour son habillement; et quoy que le premier qui en a sept aunes en ayt plus que celuy qui n'en a que trois ou quatre, si est-ce que celuy cy ne luy en porte aucune envie, parce qu'il y a autant de drap en sa robbe qu'il luy en faut pour le couvrir.

  A009000364 

 Voyla un bon pere de famille qui habille de drap d'or deux siens enfans; neanmoins tous deux n'estans pas de mesme taille et grandeur, il en faut plus à l'un qu'à l'autre; il en faudra six ou sept aunes à l'un, et à l'autre il n'en faudra que trois ou quatre.

  A009000365 

 Tous en cette vie n'entendent pas esgalement le son et accord d'une musique: celuy qui a l'ouïe un peu dure ne peut pas si bien remarquer tout ce qui se fait en icelle pour rendre la melodie en sa perfection, quoy qu'il entende et sçache la musique, comme celuy qui a l'oreille plus subtile; et bien que le premier se resjouisse en la suavité qu'il prend à ouyr cette musique, si est-ce toutefois qu'il ne ressent pas une suavité aussi grande que celuy qui a l'ouye plus subtile, quoy que tous deux soyent contens..

  A009000366 

 Toutefois, et les uns et les autres sont satisfaits, bien que le contentement des uns soit beaucoup plus excellent que celuy des autres..

  A009000369 

 Il aura l'impassibilité qui ne peut estre offensée ni alterée aucunement, sans jamais estre sujet à la maladie ni incommodité, et sa clarté sera plus belle que celle du soleil.

  A009000369 

 Il aura une telle subtilité qu'il ne sera empesché d'aucun obstacle, une agilité telle qu'il n'y aura trait d'arbalete qui aille si viste; et comme il sera plus subtil que le rayon du soleil, de mesme sera-t-il aussi agile que les mouvemens de l'esprit, et il ira plus viste que le vent.

  A009000371 

 Il n'y a point de façon ni de mesure pour aymer: la façon d'aymer Dieu c'est de l'aymer plus que tout et au delà de tout.

  A009000377 

 Mais avec quelle ferveur d'esprit pensez-vous que cette bien heureuse Infante du Ciel desiroit de quitter la mayson de ses pere et mere, pour se plus absolument dedier et consacrer au service de son Espoux celeste qui l'attiroit et amorçoit par l'odeur de ses parfums, ainsy que le dit la Sulamite: O mon Bien-Aymé, ton nom est comme un baume ou huile respandu, c'est pour quoy les jeunes filles t'ont desiré et sont allées apres toy; ains tu n'es pas seulement parfumé, tu es le parfum mesme et le baume.

  A009000378 

 De plus, la Sainte Vierge et Nostre Seigneur son glorieux Fils, ayant eu l'usage de rayson dès le ventre de leur mere, furent par consequent doués de beaucoup de science; neanmoins ils la cacherent sous les loix d'un profond silence, car pouvant parler en naissant ils ne le voulurent pas faire, ains s'assujettirent à ne parler qu'en leur temps.

  A009000380 

 O Dieu, quelle melodie! o qu'elle l'entonna mille fois plus gracieusement que ne firent jamais les Anges; de quoy ils furent tellement estonnés, que troupe à troupe, ils venoyent pour escouter cette celeste harmonie et, les cieux ouverts, ils se penchoyent sur les balustres de la salle de la Hierusalem celeste pour regarder et admirer [127] cette tres aymable Pouponne.

  A009000381 

 Il n'y avoit pas non plus de la disproportion de demeurer si long temps à la mammelle, veu l'aage avancé que l'on atteignoit alors.

  A009000381 

 Ou bien encores, et cecy est la rayson la plus probable, Abraham fit alors ce banquet parce qu'à cette heure là son fils estoit desja capable de donner quelque esperance de luy, d'autant qu'en cet aage on commence à mettre les enfans dans la voye en laquelle on desire qu'ils marchent..

  A009000383 

 Certes, il est tres veritable, et ce jour est d'autant plus plein de contentement que nous avons plus de connoissance du bonheur qu'il y a d'estre absolument dedié à Dieu..

  A009000389 

 Les enfans ne sont ni bons ni mauvais, car ils ne sont non plus capables de choisir le bien que le mal.

  A009000389 

 Quant au premier point, à sçavoir qu'elle vient se dedier à Dieu en son enfance, comme pourrions-nous faire cela, veu que nous ne sommes plus en cet aage là et que nous n'y sçaurions jamais plus retourner, car le temps perdu ne se peut recouvrer? Dites-vous qu'il n'y a plus de remede? O pardonnez-moy, il y a du remede en toutes choses.

  A009000389 

 Si la virginité est reparée par l'humilité et si la chaste vefve est rendue vierge glorieuse et triomphante, pourquoy voulez-vous que nous ne puissions regaigner le temps perdu, par la ferveur et diligence à bien employer celuy que nous avons presentement? Il est tres veritable que le bonheur de ceux qui se sont dediés et consacrés à la divine Majesté dès leur adolescence est tres grand, d'autant plus que Dieu le desire et s'y complaist grandement, se plaignant du contraire lors [131] qu'il dit par son Prophete que les hommes sont tellement pervertis que dès leur adolescence ils ont quitté sa voye et ont pris le chemin de perdition.

  A009000390 

 Il est tres certain que la divine Bonté desire le temps de nostre jeunesse comme estant le plus propre pour nous employer en son service.

  A009000390 

 Mais, me direz-vous, quel est le temps le plus propre pour nous dedier et consacrer tout à Dieu, apres que nous avons passé nostre adolescence? Oh, quel il est? c'est le temps present, tout à cette heure; c'est le vray temps, car celuy qui est passé n'est plus nostre, le futur n'est pas non plus en nostre pouvoir, c'est donques le moment present qui est le meilleur..

  A009000396 

 Helas! est-ce si grande chose? N'y a-t-il pas quelquefois plus de consolation que de mescontentement de le faire? Il faut se priver du mariage.

  A009000396 

 O Dieu, tout bien consideré, qu'est-ce que nous quittons? Le tracas du mesnage où le plus souvent les choses vont de travers et contre nostre volonté.

  A009000396 

 Que [135] faut-il de plus quitter? Les conversations? Helas! je suis tres asseuré que l'on n'y a pour l'ordinaire que du mescontentement, car ou l'on ne nous a pas assez honnorés selon que nous le desirions, ou l'on ne nous a pas assez cheris, ou l'on a dit quelque chose qui nous a despieu; en un mot, les playsirs que l'on y a sont le plus souvent tres degoustans à nostre goust mesme..

  A009000397 

 Mais, est-ce cela tout ce qu'il faut quitter? O non, il reste le plus difficile, qui est nous mesme, nostre propre volonté: il la faut aneantir tout à fait sans aucune reserve.

  A009000397 

 Or, que luy en arriva-t-il? Le bienheureux saint Basile, qui l'aymoit grandement à cause de sa pieté et bonne vie, sçachant cela, luy escrivit une lettre qui contenoit ces mots: O pauvre homme, qu'as-tu fait? Tu as quitté l'estat de senateur et les fonctions de ta charge, et partant tu n'es plus senateur; et neanmoins tu n'es pas un bon moine.

  A009000398 

 Dieu ne se contente pas de nos offrandes quand elles ne sont pas accompagnées de celle de nostre propre cœur, car il est comme l'aigle qui se repaist plus pleinement du cœur des oyseaux qu'elle prend pour sa proye que non pas des autres parties de leur corps.

  A009000405 

 Il y a des festes que la sainte Eglise celebre beaucoup plus solemnellement que d'autres.

  A009000406 

 Cet Ange l'ayant abordé le salua disant: Je te salue, o homme le plus fort d'entre tous les hommes, le Seigneur est avec toy.

  A009000410 

 De plus, quand il fut question de revenir d'Egypte apres la mort d'Herode, s'ils eussent eu quelque bien en Israël ils n'eussent pas mis en doute s'ils iroyent là ou s'ils retourneroyent en Judée; mais parce qu'ils n'avoyent rien, ou fort peu par tout, ils ne sçavoyent de quel costé aller.

  A009000410 

 Et en premier lieu, se peut-il voir ou penser une pauvreté plus pauvre que celle du Sauveur? Voyez comme il renonce à la maison de son Pere et de sa Mere, voire mesme devant sa naissance, car il vient au monde en une ville laquelle si bien elle luy appartenoit en quelque façon, puisqu'il estoit de la lignée de David, neanmoins il renonce tellement à tout, que le voyla reduit dans une estable destinée à la retraitte des bestes.

  A009000411 

 En fin, il n'y a rien en luy qui trouve du contentement, sinon un peu le goust, recevant ce lait tres sacré venu du Ciel que sa tres benite Mere luy fait tirer de ses mammelles, car il faut confesser qu'il estoit meilleur que le vin le plus delicieux; mais cela ne duroit que jusques à ce qu'il eust passé le gosier..

  A009000412 

 O abnegation non plus ouye que celle cy! estant à son pouvoir d'operer des miracles, il n'en fait point.

  A009000415 

 Neanmoins il y a une autre cause bien plus haute pour laquelle le Sauveur print et retint tousjours ce nom, mais je ne la veux dire qu'en passant.

  A009000416 

 La rose croist sans artifice et n'a presque point besoin de cultivage, aussi ne cultive-t-on point celles qui croissent aux champs; son odeur est fort suave estant fraische, mais beaucoup plus estant seche.

  A009000417 

 Cecy nous doit faire comprendre que les afflictions, tenebres interieures et ennuys d'esprit, qui sont quelquefois si grans entre les personnes les plus spirituelles et qui font profession de la devotion, qu'il leur semble presque d'estre du tout abandonnées de Dieu, ne les reduisent jamais neanmoins à telles extremités, qu'elles ne [145] puissent tousjours respandre devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres sacrée volonté et d'une continuelle promesse de ne le vouloir point offencer..

  A009000417 

 Il choisit en outre la rose entre toutes les autres fleurs pour l'amour qu'il portoit à la sainte pauvreté parce qu'il n'y a rien de plus pauvre que la rose: elle n'a que des espines et ne requiert point, comme nous avons dit, que l'on s'employe apres elle pour la cultiver.

  A009000418 

 On leur asseure qu'elles seront eternellement unies avec la divine Majesté, mais apres avoir renoncé entierement à elles mesmes, à toutes leurs passions, affections et inclinations, faisant une absolue transmigration, car nous leur disons: Si vous avez aymé à vivre selon vostre propre volonté et à faire estime de vostre propre jugement, desormais il ne le faudra plus, ains rien plus estimer que l'obeissance et la sousmission; il faudra reduire tant qu'il vous sera possible vos passions à neant, pour ne vivre plus selon icelles ains selon la perfection qui vous sera enseignée..

  A009000418 

 On ne trompe jamais ces ames qui se viennent presenter pour estre offertes et sacrifiées à la divine Bonté; car on leur promet qu'elles jouiront des richesses de la felicité eternelle, mais à condition qu'elles renonceront d'abord aux terriennes et perissables; on leur dit qu'il faut quitter la mayson de ses parens et sa patrie d'effect et d'affection, pour n'en avoir jamais plus que celle de Nostre Seigneur, qui est la Religion en laquelle elles entrent.

  A009000419 

 Et pour conclusion, nous ne leur promettons pas qu'elles seront espouses de Nostre Seigneur glorifié sinon apres qu'elles l'auront esté de Nostre Seigneur crucifié, non plus que nous ne leur presentons pas la couronne d'or sinon apres qu'elles auront pris celle d'espines..

  A009000419 

 Nous leur mettons un voile sur la teste pour leur monstrer qu'elles seront cachées aux yeux du monde, et si par le passé elles ont affecté d'estre conneuës et estimées, desormais il ne se fera plus aucune mention d'elles; le voile empeschera que l'on sçache si elles sont belles, de bonne grace, ou aggreables, et partant il faut renoncer à l'affection qu'elles pourroyent avoir à tout cela.

  A009000420 

 Et tout ainsy que les abeilles rejettent et abhorrent tous les parfums estrangers, c'est à dire qui ne proviennent point des fleurs sur lesquelles elles cueillent leur miel (et qu'ainsy ne soit, portez leur du musc ou de la civette, et vous les verrez incontinent se resserrer et fuir cette senteur, parce qu'elle provient de la chair), de mesme les amans de la Croix rejettent toutes sortes de senteurs, je veux dire de consolations terriennes et mondaines, que le diable, le monde et la chair leur presentent, pour n'odorer jamais plus aucun parfum que celuy qui provient de la croix, des espines, des fouets, de la lance de Nostre Seigneur.

  A009000420 

 Les espoux du monde baillent à leurs espouses des carcans, des bracelets, des bagues, des velours, des satins et semblables bagatelles; de plus, ils font des festins à leurs noces.

  A009000420 

 Toutes ces choses sont les atours et les bagues que l'Espoux donne à son Espouse, d'autant qu'elles sont les plus riches pieces de son cabinet.

  A009000429 

 Ainsy sommes nous, nous autres, quand nous sommes baptizés, environnés de mille sortes d'inclinations tendantes au mal; mais beaucoup plus miserablement lors que, par nostre malheur, nous venons à suivre ces mauvais penchans et affections depravées.

  A009000431 

 Mais les Apostres ont fait cette offrande bien plus entierement et plus parfaittement que nul autre, d'autant qu'ils ont prattiqué la perfection beaucoup plus excellemment que nul autre.

  A009000432 

 Mais apres, en la Pentecoste, ils firent l'offrande parfaitte, d'autant qu'ils ne presenterent plus seulement des javelles, ains des pains cuits par le feu de l'amour de Dieu.

  A009000434 

 Les anciens Peres ont distingué par ces deux pains les deux amours, affectif et effectif; les autres ont dit que ces deux pains signifient nostre propre jugement ou entendement et nostre propre volonté; et cecy, à mon advis, est la meilleure interpretation et qui fait plus à mon propos.

  A009000435 

 Ils offrirent les aignelets de toutes leurs affections, à fin de n'en avoir jamais plus que pour l'amour celeste.

  A009000435 

 Mais apres que cette premiere ferveur fut esteinte, il n'y eut plus que des particuliers qui suivissent cette perfection evangelique; et d'autant qu'il y a une extreme difficulté de s'y adonner demeurant dans le monde, ceux qui veulent faire cette genereuse entreprise en sortent et se viennent renfermer dans les monasteres..

  A009000436 

 Il est certain que tous les hommes, en quelle vocation qu'ils soyent, se peuvent et se doivent dedier et donner à Nostre Seigneur; mais il y a voirement grande difference entre les offrandes de ceux qui demeurent au monde et de ceux qui le quittent tout à fait pour se consacrer plus absolument à l'exercice du divin amour..

  A009000437 

 Elles assujettissent, il est vray, toutes les puissances de leur ame, toutes leurs affections, passions et inclinations et en fin tout elles mesmes à la regle de la perfection par l'exercice continuel de l'obeissance aux Regles et Constitutions de leur Institut; mais c'est une sujetion si douce et si aymable qu'elle donne mille fois plus de consolation que non pas la liberté que les mondains ont de vivre selon leur volonté, liberté qui à proprement parler est une tyrannie, d'autant que pour l'ordinaire elle les porte à faire ce que leur conscience leur dicte qu'il faut eviter pour vivre selon Dieu..

  A009000437 

 En fin on s'essaye tant que l'on peut durant cette année de leur noviciat, de les rendre capables de venir faire cette derniere offrande d'elles mesmes en laquelle, par le moyen des vœux, elles se lient totalement et sans s'en pouvoir jamais desdire au service de la divine Majesté, service qui est voirement plus honnorable que les royautés et les empires.

  A009000437 

 On tasche de bouleverser toutes leurs affections, [153] pour qu'elles n'en ayent jamais plus que pour Dieu et selon sa tres sainte volonté.

  A009000439 

 Elles sont determinées à ne jamais plus occuper leur entendement à la consideration des choses terrestres et caduques, ains à celle des vrays biens eternels et à la connoissance de Dieu et d'elles mesmes.

  A009000439 

 Elles suivront constamment les conseils de ceux que Dieu leur a donnés pour leur conduitte, se rendans souples à suivre leurs volontés; elles sont resolues de faire les œuvres des ames fortes et genereuses, n'ayans pas moindre pretention que de parvenir au plus haut point de la perfection chrestienne, sans se descourager au bien, mais s'appuyans et s'asseurans en la faveur et protection de la divine Bonté, qui ayant commencé l'œuvre de leur perfection la parachevera, moyennant qu'elles luy soyent fidelles..

  A009000440 

 Elles seront fidelles à la prattique du don de pieté, regardant et honnorant Dieu comme leur Pere, d'autant qu'il veut que nous l'appellions de ce nom tant aymable; puis elles feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour luy plaire, tenant les prochains pour enfans de Dieu comme elles, et par consequent pour leurs freres, à fin d'exercer plus parfaittement toute sorte de pieté et d'offices de charité en leur endroit.

  A009000454 

 Nostre tres aymable et non jamais assez aymée Dame et Maistresse, la glorieuse Vierge, n'eut pas plus tost donné son consentement aux paroles de l'Ange saint Gabriel, que le mystere de l'Incarnation fut accompli en elle.

  A009000457 

 Au demeurant, ne pensez-vous point, mes tres cheres Sœurs, que ce qui incita plus particulierement nostre glorieuse Maistresse à faire cette visite ce fut sa charité tres ardente et une tres profonde humilité qui la fit passer avec cette vistesse et promptitude les montagnes de Judée? O certes, mes cheres Sœurs, ce furent ces deux vertus qui la pousserent et luy firent quitter sa petite Nazareth, car la charité n'est point oysive: elle bouillonne dans les cœurs où elle regne et habite, et la tres sainte Vierge en estoit toute remplie, d'autant qu'elle avoit l'amour mesme en ses entrailles.

  A009000457 

 Elle estoit en des continuels actes d'amour, non seulement envers Dieu avec lequel elle estoit unie par la plus parfaitte dilection qui se puisse dire, mais encores elle avoit l'amour du prochain en un degré de tres grande perfection, qui luy faisoit desirer ardemment le salut de tout le monde et la sanctification des ames; et sçachant qu'elle pouvoit cooperer à celle de saint Jean, encores dans le ventre de sainte Elizabeth, elle y alla en grande diligence.

  A009000462 

 Ainsy la glorieuse Vierge ne manqua point d'humilité, ni ne fit aucune faute contre icelle quand elle [162] asseura que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, non plus que saint Paul quand il s'escrioit: Qui est-ce qui me pourra separer de la charité? car elle sçavoit qu'entre toutes les autres vertus, celle-là touche et attire le cœur de Dieu..

  A009000462 

 D'autres tiennent l'opinion contraire, et celle-cy est la plus probable; ils pensent que Nostre Dame entendoit parler de la vertu d'humilité, et qu'elle connoissoit bien que c'estoit cette vertu qui avoit attiré le Fils de Dieu dans ses entrailles.

  A009000462 

 Le grand Apostre saint Paul ne confessoit-il pas qu'il avoit la charité, par des parolles si asseurées qu'il semble parler avec plus de presomption que d'humilité? Il disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Sera-ce les chaisnes, les tribulations, la mort, la croix, le feu, le glaive? Non, rien ne me pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000463 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, apres avoir consideré par le menu son Espouse, jetta ses yeux sur sa chaussure et sur sa demarche, ce qui le contenta si fort qu'il confessa en estre tout espris: Oh, dit-il, ta chaussure m'est aggreable; que tu as de bienseance en ton marcher! Nous lisons aussi en la Sainte Escriture que quand Judith alla trouver Holophernes elle s'estoit extremement bien parée; son visage estoit doué de la plus rare beauté qui se puisse voir, ses yeux estincelans, ses levres pourprines, ses cheveux esparpillés et flottans sur ses espaules.

  A009000464 

 Et qu'est-ce que ces sandales et cette chaussure de la Vierge, sinon son humilité representée par les souliers, qui sont les plus vils accoustremens dont on se sert pour l'ornement du corps, car ils sont tousjours contre terre, foulant la fange et la boue.

  A009000467 

 Son divin Fils en rendit mesme tesmoignage lors que cette bonne femme voyant le miracle qu'il venoit de faire et s'appercevant du murmure des Juifs, se leva et cria à haute voix: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées; à quoy le Sauveur respondit: Plus heureux est celuy qui entend la parole de Dieu et la garde.

  A009000468 

 Mais celuy de Nostre Dame n'estoit point pecheur, ains le Sauveur des pecheurs et Celuy qui venoit pour oster le peché du monde, partant elle n'en estoit aucunement chargée, ains plus legere et plus agile.

  A009000471 

 De plus, elle adjouste que l'enfant qu'elle porte a tressailli de joye à son arrivée.

  A009000471 

 Et si tous les Prophetes desiroyent le Messie promis en la Loy et se resjouissoyent sçachant que tout s'accomplirait en son jour, combien plus devons-nous penser que saint Jean fut rempli d'allegresse voyant au travers le sein de sa mere le vray Messie promis, le Desiré des Patriarches, qui le venoit visiter pour commencer [167] par luy l'œuvre de nostre Redemption en le retirant du bourbier du peché originel!.

  A009000471 

 Puis elle dit: Vous estes bienheureuse, Madame, parce que vous avez creu; et de plus, vous estes benite par dessus toutes les femmes.

  A009000471 

 Vous estes bienheureuse d'avoir creu à tout ce que l'Ange vous a dit, parce que vous avez fait voir en cela que vous avez plus de foy qu'Abraham.

  A009000473 

 La tres sainte Vierge entendant ce que sa cousine Elizabeth disoit à sa louange, s'humilia et rendit de tout la gloire à Dieu; puis confessant que tout son bonheur, comme j'ay dit, procedoit de ce qu'il avoit regardé l'humilité de sa servante, elle entonna ce beau et admirable cantique Magnificat, cantique qui surpasse tous ceux qui avoyent esté chantés par les autres femmes: plus excellent que celuy de Judith, plus beau sans nulle comparaison que celuy que chanta la sœur de Moyse apres que les enfans d'Israël eurent passé la mer Rouge et que Pharaon et les Egyptiens furent ensevelis dans ses eaux, en somme plus beau que ceux qui ont esté chantés par Simeon et par tous les autres dont l'Escriture fait mention..

  A009000494 

 Les Anges luy demandent: Pourquoy pleures-tu? comme s'ils eussent voulu dire: N'as-tu pas bien sujet de te resjouir et d'essuyer tes larmes en nous voyant? Quoy, la splendeur et beauté de nos faces, l'esclat de nos vestemens, nostre magnificence plus grande que celle de Salomon, n'est-elle pas capable de t'apaiser? O certes non, mon cœur ne se peut contenter à moins que de Dieu.

  A009000494 

 Magdeleine ne s'amuse point autour de ces celestes Esprits, ni à la beauté de leur visage, ni à la blancheur de leurs vestemens, ni moins encores à leur maintien plus que royal.

  A009000497 

 Les Religieux et Religieuses ont esté de tout temps fort loués et estimés à cause de ce parfait abandonnement de toutes choses; mais laissons les Religieux et ne parlons que des Religieuses, puisqu'il est plus à mon propos..

  A009000497 

 Mais escoutez, je vous prie, le maistre de tous et le Prince des Apostres: Voicy, dit-il à Nostre Seigneur, que nous avons tout quitté; quelle recompense en aurons-nous? Sur quoy le grand saint Bernard luy parle en ces termes: O pauvre saint Pierre, comme vous pouvez-vous ainsy vanter d'avoir tout quitté, et quelle rayson avez-vous d'exagerer l'abandonnement que vous avez fait, disant que vous avez quitté toutes choses, puisque vous n'estiez qu'un pauvre pescheur et n'aviez quitté qu'une petite barque et des rets? A quoy il respond luy mesme: C'est assez tout quitter et abandonner que de ne se reserver point de pretentions au monde, et qui plus est, de se quitter et abandonner soy mesme.

  A009000499 

 Si vous la voulez avoir il est en vostre pouvoir, mais aussi il faudra faire l'abandonnement parfait de tout, et ce qui est encores plus, il vous faudra quitter vous mesme, le pur amour de Dieu ne pouvant souffrir aucun compagnon.

  A009000501 

 Chacun sçait qu'il n'y a rien de plus vil dans une mayson que les balayeures, si que l'on ne voit l'heure qu'elles en soyent dehors.

  A009000501 

 Voyez ce que saint Paul fit pour pouvoir dire veritablement ces paroles: Je ne vis plus moy, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A009000502 

 Il est vray, mes cheres filles, mais si la difficulté vous estonne, je vous presente trois petites considerations qui yous feront connoistre l'entreprise estre plus facile que vous ne pensez et qui vous serviront de consolation..

  A009000502 

 Vous avez abandonné les biens exterieurs; mais de sousmettre vostre propre jugement, assujettir vostre entendement à celuy d'une [175] Superieure, et renoncer tellement vostre propre volonté qu'elle ne paroisse plus et qu'elle soit absolument sujette et obeissante à ses ordonnances, c'est une chose bien difficile et bien malaysée; il est besoin d'un grand courage pour faire cela.

  A009000504 

 Mais remarquez, je vous supplie, comme le Sauveur prattiqua la grandeur de son courage au plus excellent acte de l'amour qu'il nous a monstré avoir pour nous en sa Mort et Passion.

  A009000504 

 Vous l'aurez d'autant plus grand que vous serez plus petites en vous mesmes.

  A009000505 

 Ce sont ces vertus qui luy firent sans doute meriter d'estre, apres sa tes sacrée Fille, avantagée de plus de graces que nulle autre femme, et en particulier d'appartenir de si pres à l'humanité tres sainte de nostre doux Sauveur et Maistre......................................................................................................................................

  A009000505 

 Ne doutez point qu'elle ne vous prenne en sa protection si vous venez faire vos offrandes avec humilité et simplicité de cœur, puisque ce sont les vertus qui ont le plus relui en elle durant le cours de sa vie, jointes à celle de suivre fidellement les attraits et les inspirations celestes.

  A009000513 

 Mais ce qui est plus admirable, voyez-la sur le mont de Calvaire: ni elle ne jette des eslans, ni elle ne dit un seul mot; elle est aux pieds de son Fils, et c'est cela seul qu'elle desire.

  A009000515 

 Dites moy maintenant, si Marthe n'eust eu soin que de plaire à Nostre Seigneur, se fust-elle tant embesoignée? Non certes, car un seul mets bien appresté suffisoit pour sa nourriture, veu mesme qu'il prenoit plus de playsir qu'on l'escoutast comme faisoit Marie.

  A009000515 

 Et parce qu'elle aymoit grandement sa sœur, elle desiroit qu'elle s'embesoignast comme elle pour servir son tres cher Maistre, qui neanmoins prenoit plus de playsir à l'exercice de Marie, dans le cœur de laquelle il distilloit, par le moyen de ses paroles, des graces plus grandes que nous ne sçaurions penser..

  A009000517 

 Ce fut avec un amour et gloire incomparable, avec une magnificence d'autant plus grande au dessus de tous les Saints, que ses merites surpassoyent tous les leurs..

  A009000518 

 Il s'en trouveroit assez qui s'estonneroyent, disant: Comment est-ce que Nostre Seigneur, qui aymoit si tendrement et si fortement sa sainte Mere, ne luy donna le privilege de ne point mourir? Puisque la mort est la peine du peché, et qu'elle n'en avoit jamais fait aucun, pourquoy est-ce qu'il la laissa mourir? O mortels, que vos pensées sont contraires à celles des Saints, que vos jugemens sont esloignés de ceux de la divine Majesté! Ne sçavez vous pas que la mort n'est plus ignominieuse, ains qu'elle est pretieuse despuis que Nostre Seigneur et Maistre se laissa attacher par elle sur l'arbre de la croix? Ce n'eust point esté un advantage ni un privilege pour la Sainte Vierge de ne point mourir, ains elle avoit tousjours desiré la mort dès qu'elle la vit dans les bras et dans le cœur mesme de son tres sacré Fils.

  A009000521 

 Les chandelles et flambeaux apportent trop de clarté, partant il faut mettre des lampes nourries d'huile parfumée; et ces lampes jettant des continuelles exhalaisons, donnent plus de suavité et de recreation à la compagnie.

  A009000521 

 Les grans de ce monde font aucunefois des assemblées, et le plus souvent fort inutiles.

  A009000521 

 O que ces lampes ont respandu des odeurs suaves devant la divine Majesté durant le cours de leur vie, mais beaucoup plus à l'heure de la mort.

  A009000521 

 Or, ces lampes venant à s'esteindre, rendent une bien plus excellente odeur et remplissent la chambre d'une plus grande suavité.

  A009000522 

 Or, si les Saints ont esté des lampes ardentes et odoriferantes, combien plus la tres sainte Vierge, la perfection de laquelle surpasse toutes celles des Bienheureux; voire mesme si elles estoyent toutes assemblées [183] en une, elles ne seroyent pas comparables à la sienne.

  A009000523 

 Il dit que Jesus Christ a esté eslevé d'autant plus haut au dessus de tous les Cherubins et autres Esprits angeliques que son nom est relevé par dessus tous les autres noms.

  A009000523 

 Mais avec quel triomphe, mais avec quelle magnificence croyez-vous qu'elle fut accueillie de son Fils bien aymé en contreschange de l'amour avec lequel elle l'avoit receu venant en terre? Il faut bien croire qu'il ne fut pas mesconnoissant, ains qu'il la recompensa d'un degré de gloire d'autant plus grand au dessus de tous les Esprits bienheureux, que ses merites surpassoyent ceux de tous les Saints ensemble.

  A009000524 

 L'ame tres sainte de Nostre Dame ayant quitté son corps tres pur, il fut porté au sepulcre et rendu à la terre ainsy que celuy de son Fils, car il estoit bien raysonnable que la Mere n'eust pas plus de privilege que le Fils.

  A009000525 

 L'Arche de l'alliance dans laquelle estoyent les tables de la Loy ne pouvoit estre atteinte d'aucune corruption, d'autant qu'elle estoit faite de bois de cedre qui est incorruptible; combien estoit-il plus raysonnable que cette Arche en laquelle avoit reposé le Maistre de la Loy, fust exempte de toute corruption? La resurrection de la tres sainte Vierge est declarée par ces paroles: Levez-vous, Seigneur, vous, et l'Arche de vostre sanctification.

  A009000529 

 Il y en a extremement peu qui n'en ayent, pour spirituels qu'ils soyent; et d'autant qu'on est plus spirituel, d'autant plus l'envie est-elle fine et comme imperceptible; elle fait ses actes si dextrement que l'on a prou peine de les remarquer.

  A009000529 

 Quand on loue quelqu'un et qu'on reserve un peu de la louange que nous savons qui luy est deue, qu'est-ce qui fait cela sinon l'envie que nous avons de ses vertus? Mais Marthe fait son petit coup et jette son petit trait d'envie par forme de joyeuseté, et cette cy est la plus fine.

  A009000532 

 Disons cecy un peu plus clairement.

  A009000533 

 Voyez-vous cette personne qui a dessein de la prattiquer? Elle commence à faire pacte avec ses yeux qu'ils ne regarderont que pour les choses necessaires et non point autrement; et pour cela elle leur fera comme aux esperviers que l'on chaperonne quand on ne leur veut pas donner le vol et à fin de les porter plus aysement sur le poing.

  A009000536 

 Et qu'ainsy ne soit, escoutez le grand Apostre: La charité est douce, elle est patiente, elle est benigne, elle est condescendante, elle est humble, elle est affable, elle supporte tout; en fin elle comprend en soy toutes les perfections des autres vertus, mais beaucoup plus excellemment qu'elles ne font pas elles-mesmes.

  A009000539 

 Il semble que l'Assomption de Nostre Dame fut en certaine façon plus glorieuse et triomphante que non pas l'Ascension de Nostre Seigneur, d'autant qu'à l'Ascension il n'y avoit que des Anges qui luy vinssent au devant, mais en l'Assomption de sa tres sainte Mere le Roy des Anges y vint luy mesme.

  A009000549 

 Maistre, quel est le plus grand.

  A009000556 

 Or, d'autant que la dedicace de nostre cœur à la divine Majesté se fait par l'amour, je suivray mot à mot ce que Nostre Seigneur dit en [192] l'Evangile qui court cette semaine à un docteur de la loy qui luy demanda quel estoit le plus grand commandement.

  A009000556 

 Si j'eusse eu le temps, j'eusse parlé d'une certaine dedicace pieuse qui se fait par la frequentation du temple, c'est à dire de l'eglise; mais je ne parleray pour cette heure que de la dedicace du cœur, asseuré que je suis que les ames pour lesquelles je presche maintenant y prendront plus de playsir.

  A009000558 

 Mais dites-moy, de grace, se peut-il rencontrer un objet plus excellent que la Divinité mesme? Laissant à pari son incomparable beauté, considerons son indicible bonté qui nous a par tant et tant de façons tesmoigné [193] qu'elle nous ayme et desire infiniment que nous l'aymions.

  A009000558 

 Or, quand ce vient à nostre choix d'eslire un objet pour le principal but de nostre amour, certes nous aurions grand tort de ne le pas chercher entre tous les sujets qui sont aymables, à fin de choisir le plus excellent.

  A009000564 

 Ces ames donques que je dis estre comparables au second archer, sont celles qui se retirent du commun du peuple pour mener une vie plus parfaite, soit qu'elles s'en sequestrent tout à fait ou non, et qui ne se contentent pas de vivre selon l'observance des commandemens de Dieu, mais passant plus outre, embrassent la prattique de ses conseils; partant elles descochent le plus souvent qu'elles peuvent des traits et des sagettes dans le cœur de la divine Majesté par des eslancemens fervens et affectionnés de leur esprit.

  A009000564 

 Mais il y a des ames plus nobles et genereuses qui, sçachans que la suffisance ne suffit pas en ce qui est d'aymer Dieu, passent plus outre.

  A009000567 

 Puis, parlant de sa mort: Nul n'ayme d' un plus grand amour que celuy qui met son ame pour son ami, c'est à sçavoir qui donne sa propre vie.

  A009000568 

 L'aymer de toute nostre pensée, c'est penser en luy le plus souvent que nous pouvons.

  A009000569 

 Si vous aymez bien Dieu vous aurez un grand soin de rechercher sa presence à fin de vous unir tousjours plus avec sa divine Bonté, non point pour la consolation qu'il y a de jouir de cette presence, ains simplement pour satisfaire à son amour qui le desire ainsy; vous rechercherez le Dieu de toutes consolations et non pas les consolations de Dieu.

  A009000571 

 Mais Dieu nous ayme pour le Ciel, partant il ayme plus l'ame que le corps; de mesme devons-nous faire nous autres.

  A009000579 

 Les autres viennent pour avoir le Paradis, parce qu'ils sçavent qu'on l'acquiert plus facilement en Religion où, sequestrés des fatras de ce siecle et vivant en l'observance, ils pourront plus facilement arriver au Ciel.

  A009000579 

 Les uns par desespoir, ne sçachant plus que faire au monde; le monde ne voulant plus d'eux, ils s'en viennent en [202] Religion.

  A009000580 

 Toutes ces pretentions sont fort imparfaites et ne sont point dressées selon l'intention pour laquelle Nostre Seigneur a institué les Religions, qui est «pour s'unir plus parfaittement à Dieu» et estre crucifié avec Jesus Christ au «mont de Calvaire,» pour vivre avec luy au Ciel, et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau.

  A009000581 

 Je me souviens qu'au temps où j'estois jeune garçon, l'on ne voyoit point tant de pompe, les enfans alloyent vestus plus simplement; mais à cette heure il faut tant despendre [203] de choses pour la vanité que rien plus; les dames de Paris sont tousjours à songer à inventer de nouvelles vanités pour despendre le bien de leurs maris.

  A009000581 

 Mais despuis elles se sont mesme enviellies, car l'on voit maintenant beaucoup plus de vanité qu'autrefois, plus d'avarice, plus de convoitise des playsirs mondains, plus d'ambition pour les honneurs et grandeurs.

  A009000583 

 Encores que cette derniere pretention paroisse bonne, ce n'est pourtant pas l'intention pour laquelle les Religions sont instituées: c'est à fin de servir plus parfaittement à Dieu et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau, car entrant en Religion il n'y faut point apporter les coustumes du monde.

  A009000583 

 O ma chere fille, si vous voulez demeurer en Religion il n'y faut point apporter les moeurs du monde, mais vous despouiller du viel homme: de ces petites esmotions de colere que l'on ressent quand on nous reprend, car personne n'ayme la correction; de ces tendretés sur nous mesme quand on nous contrarie, de ces larmes de compassion et ces petits ressentimens d'impatience aux contradictions qu'on nous fait sur nos humeurs et inclinations, de la propre estime de nous mesme, du desir d'estre estimé de bonne mayson et quelque chose de plus que les autres.

  A009000583 

 Saint Basile escrivant à Syncleticus, qui de senateur s'estoit fait Religieux, il luy mandoit: O mon frere, qu'as-tu fait? «Tu as desfait un senateur et tu n'as pas fait un Religieux.» Tu n'es plus senateur, car tu as quitté cette charge; tu n'es pas bon Religieux, d'autant que tu vis avec les coustumes que tu as portées du monde.

  A009000584 

 Qu'est ce à dire cela: ma vertu se perfectionne en ton infirmité? C'est à dire en nostre foiblesse, lors que nous croyans plus infirmes pour entreprendre le bien, nous nous appuyons totalement en Dieu, reconnoissans nostre petitesse et que nous ne pouvons rien de nous mesmes sans la grace divine.

  A009000597 

 Je ne m'arresteray pas non plus au deuxiesme sens de cette parabole, qui regarde l'appel general fait à tous les hommes pour les inviter à parvenir au festin royal de l'eternité, à la semonce duquel neanmoins plusieurs ne se veulent pas rendre.

  A009000597 

 Les uns, comme les plus malheureux, ne refusent pas seulement d'y venir, s'excusans sur leurs affaires, mais ils mesprisent, rejettent et maltraittent les inspirations que le Seigneur leur envoye comme des messagers celestes.

  A009000603 

 O Dieu, quel acte d'obeissance est celuy cy! Quel exces de complaisance pour le Pere eternel, lequel avoit desja dit au baptesme de Nostre Seigneur qu'il estoit son Fils bien aymé! Combien pensez-vous qu'il receut de contentement voyant qu'il luy rendoit le dernier et le plus [212] excellent tesmoignage de sa souveraine dilection et sousmission?.

  A009000603 

 Outre cela, quel playsir pensez-vous qu'il eut de voir son Fils attaché sur la croix pour obeir à sa divine Majesté? Chacun sçait le contentement que les peres reçoivent en l'obeissance que leurs enfans leur rendent; et plus ceux cy se monstrent sujets et obeissans à leurs volontés plus aussi ils reçoivent de complaisance à les aymer.

  A009000604 

 Cela estant ainsy, qui peut douter que le jour de la Passion de Nostre Seigneur et Maistre ne soit un jour de joye et de delices pour les Anges et pour les hommes, puisque c'est en iceluy qu'il a fait paroistre le grand amour qu'il nous portait, comme il l'asseure luy mesme: Nul n'a plus grand amour que celuy qui met son ame, c'est à dire sa vie, pour celuy qu'il ayme..

  A009000608 

 Me voyci maintenant à ce que je voulois dire, et pour ne laisser plus vos attentions en suspens, je vous declareray que cette robe d'Esther represente fort bien la robe nuptiale de laquelle il faut que les ames soyent revestues pour estre trouvées aggreables par le grand Assuerus, par nostre divin Sauveur; mais principalement les Religieux et Religieuses qui luy sont presentées pour estre ses espouses et qui pretendent de parvenir à son lit nuptial..

  A009000611 

 Au lieu de tout cela, on donne un voile aux Religieuses, qui rejettent toutes ces vanités; et de mesme que leur divin Espoux est couronné d'une couronne d'espines, comme estant le Roy des miserables, ainsy couvrent-elles leurs testes du voile d'abjection et du mespris non seulement de toutes les vanités, mais aussi d'elles mesmes, pour estre plus conformes à leur Bien-Aymé..

  A009000611 

 Les filles du monde portent leurs cheveux esparpillés et poudrés, leur teste est ferrée comme l'on ferre les pieds des chevaux, elles sont plus empanachées et bouquetées qu'il ne se peut dire; bref, elles portent quantité d'affiquets.

  A009000612 

 Les Religieux et Religieuses doivent avoir cette robe tres grande, ce qui represente le bon exemple; et ne se faut pas contenter quelle aille jusqu'en terre et jusqu'à la fin de leur vie, mais aussi qu'elle passe plus outre; que l'odeur de leur sainteté charge celles qui viennent apres elles, qu'il y ait tousjours une bonne brassée de leurs bons exemples propre à estre portée, par imitation, par tous ceux qui entendront parler d'elles..

  A009000618 

 Mes tres cheres Sœurs, ayant un mot à vous dire de la part de Nostre Seigneur, je ne puis vous entretenir plus utilement que de vous parler des medecins et des malades, puisqu'il est à mon propos à cause de la feste que nous celebrons aujourd'huy de deux grans Martyrs et medecins tant du corps que de l'esprit.

  A009000620 

 C'est la verité que plus nous croirons et confesserons que nous sommes infirmes, d'autant plus tost nous serons gueris et rendus sains.

  A009000620 

 Comme au contraire, si nous croyons que nous sommes sains, robustes et gaillars, c'est alors que nous sommes plus mal et en plus grand danger; car ceux qui sont malades et ne croyent pas l'estre, ne veulent point suivre les ordonnances du medecin ni prendre aucun medicament, pensans qu'ils n'en ont pas besoin, et partant ils ne guerissent point, ains viennent à mourir.

  A009000620 

 Il crea les Anges en estat de justice et de grace, quoy qu'ils en receurent chacun differemment, les uns plus, les autres moins selon leur rang; neanmoins tous en furent parfaitement [217] doués autant qu'il estoit requis pour estre aggreables à Dieu et posseder la felicité et beatitude eternelle.

  A009000620 

 Mais ceux qui croyent estre malades se sousmettent volontiers aux commandemens du medecin et à prendre tous les remedes qu'on juge leur estre propres pour les guerir, tellement qu'ils sont plus facilement remis en parfaite santé..

  A009000621 

 Il y a des ames grandement malades et si chargées de pechés et d'imperfections qu'elles sont bien dignes de [218] compassion, d'autant qu'elles sont en plus grand peril, parce qu'estans pleines de rancune, d'orgueil, presomption et de mille autres defauts, elles s'estiment neanmoins bien parfaites et bien saines et ne reconnoissent pas leurs maladies; partant elles ne recourent point au medecin, croyans n'en avoir aucune necessité, c'est pourquoy elles viennent à mourir de la mort eternelle..

  A009000626 

 Certes, toutes les ames chrestiennes sont espouses de nostre Sauveur et Maistre et sont creées pour participer à sa gloire; neanmoins les Religieuses sont particulierement destinées au lit nuptial de l'Espoux celeste, car on ne sçauroit nier qu'elles ne soyent plus specialement ses espouses qu'aucune autre des creatures.

  A009000626 

 Elles sont en fin cette unique; c'est pourquoy il faut qu'elles taschent de se laver, nettoyer et purifier, voire des moindres defauts qui les peuvent rendre desaggreables à leur divin Espoux à fin de paroistre devant luy toutes belles, toutes pures, candides et ornées des vertus qui sont plus à son gré..

  A009000626 

 Quand je considere le bonheur de ces ames que Dieu a choisies de toute eternité pour les mettre en la sainte Religion, à fin de «vaquer» plus soigneusement à la purgation de leurs maladies et imperfections pour acquerir «la perfection du divin amour,» j'ay de la jalousie pour elles, d'autant qu'elles sont tres particulierement les espouses de l'Espoux celeste.

  A009000627 

 Mais les ames religieuses ont mille fois plus de facilité parce que leur amour n'est point partagé; elles le logent tout en leur celeste Espoux, qui est l'unique objet de leurs affections et pretentions, auquel elles se sont entierement dediées et consacrées pour estre siennes à toute eternité, sans reserve ni exception; elles n'ont autre desir que de l'aymer et de luy plaire et taschent d'aneantir leur amour propre pour faire vivre et regner l'amour de Dieu, car ces deux amours ne peuvent compatir ensemble.

  A009000628 

 Lors qu'ils furent arrivés au sommet de la montagne il commença à les instruire, nous donnant à entendre qu'il faut que ceux qui veulent enseigner les autres montent premierement à la montagne de la perfection à fin que leurs enseignemens ayent plus d'efficace.

  A009000633 

 L'humilité est une petite vertu et la moindre de toutes en apparence, qui, de sa condition et nature, penche tousjours en bas parce qu'elle se cache et aneantit au fond de la terre et du neant; la charité c'est la premiere, la plus excellente et la plus relevée, car elle embrasse Dieu, et neanmoins elle se veut unir à l'humilité avec laquelle elle est mariée..

  A009000636 

 Et non seulement devant Dieu, car cela est facile (il est bien aysé à une mouche de se tenir pour rien au respect d'un elephant), mais devant les creatures; s'estimant la moindre et la plus imparfaite de toutes, elle s'aneantit, s'abaisse, se tient pour vile, abjecte et denuée de tout bien.

  A009000636 

 Non seulement elle se reconnoist pour telle en soy mesme, mais ce qui est plus parfait, elle veut, desire et se resjouit que tout le monde la regarde et traitte pour telle.

  A009000639 

 Quand je vois que la plus grande partie des hommes ne respirent rien moins que l'humilité, qu'ils la fuyent pour rechercher les honneurs, les charges relevées et les grandes dignités, qu'ils sont pleins de presomption et de superbe, mon Dieu, cela m'est insupportable! Et ne sçavez-vous pas, o mondains, que le mauvais riche pour s'estre enflé d'orgueil, comme il tesmoigna en mesprisant le pauvre Lazare, est maintenant aux enfers pour toute eternité? Mais lors que ces personnes du monde vont [227] un peu aux eglises entendre la sainte Messe, qu'elles communient à Pasques et font quelque aumosne, elles pensent pour cela estre saintes, tellement qu'il ne faut plus que les canonizer et les mettre sur les autels.

  A009000642 

 Bienheureuses sont donques les ames auxquelles Dieu a fait tant de misericorde que de les avoir appellées à une Religion où la sainte communauté est exactement observée, car elles ont certes plus de moyens et de facilité pour acquerir la tres sainte humilité; et partant, ayant l'humilité elles ont par consequent la vraye pauvreté d'esprit à laquelle est jointe et attachée la felicité eternelle, puisque Nostre Seigneur et Maistre la leur a promise disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, c'est à sçavoir les humbles, d'autant que le Royaume des cieux est à eux..

  A009000642 

 Le grand saint François aymoit uniquement cette vertu de pauvreté, et beaucoup plus qu'un amant n'ayma [228] jamais son amante, et que le grand Alexandre n'ayma jamais ses richesses.

  A009000643 

 Helas! voyez comme les mondains se comportent quand ils veulent mettre quelques uns de leurs enfans en Religion: ils regardent pour l'ordinaire d'y mettre les plus laids, inutiles et contrefaits, quoy que Nostre Seigneur veuille tousjours le plus beau et le meilleur, comme il est aussi raysonnable de le luy donner.

  A009000649 

 Et cecy est la derniere partie, sur laquelle je m'arresteray principalement parce qu'elle est plus à la gloire de la tres sacrée Vierge..

  A009000650 

 Mais comme si le Sauveur eust voulu encherir et non pas diminuer la louange que l'on rendoit à sa tres sainte [231] Mere, il poursuit le cantique d'honneur qui estoit entonné par sainte Marcelle à la faveur de Nostre Dame, disant: Il est vray, mais plus heureuse encores est-elle d'avoir escouté la parole de mon Pere et de l'avoir gardée.

  A009000651 

 Quel est celuy qui soit tousjours d'une mesme humeur? A cette heure nous voulons une chose, tantost nous ne la voudrons plus, mais nous en desirerons une autre; dans peu de temps nous sommes joyeux et puis tristes, en somme ce n'est qu'un perpetuel changement.

  A009000652 

 Nostre Dame ne peut jamais descheoir de la premiere grace qu'elle receut de la souveraine Majesté parce qu'elle alla tousjours adherant à la divine volonté, si qu'elle meritoit sans cesse de nouvelles graces; et plus elle en recevoit, plus son ame se rendoit capable d'adherer à Dieu, en sorte qu'elle s'unissoit plus que jamais et affermissoit sa premiere conjonction avec luy.

  A009000655 

 Mais soudain, les ayant fait relever, il cacha derechef sa toute puissance sous le manteau d'une sainte mansuetude et debonnaireté; si que dès lors ils l'empoignerent et le conduisirent à la mort sans que plus ils vissent en luy aucune resistance, leur permettant de non seulement le tondre comme un doux aignelet, mais encores de luy [234] oster jusqu'à sa propre peau.

  A009000656 

 Elle obeit plus parfaitement à la parolle de Dieu que nulle autre, aussi se donna-t-elle plus absolument à luy que nulle autre.

  A009000658 

 Pourtant il ne vouloit pas que tous fissent une esgale offrande, car il vouloit que les riches, comme opulens, offrissent selon [235] leurs richesses et les pauvres, selon leur pauvreté; de sorte qu'il ne se fust pas contenté si les riches eussent fait des offrandes convenables aux pauvres, parce que cela eust ressenti l'avarice, non plus qu'il n'eust pas esté content que les pauvres eussent fait l'offrande des riches, d'autant que c'eust esté presomption.

  A009000662 

 Mais outre toutes ces festes, ç'a esté la coustume de tous ceux qui se sont plus specialement dediés à Dieu, comme les Religieux et Religieuses, de prendre un jour particulier pour reconfirmer leurs vœux à fin de mieux [237] obeir au grand Apostre qui nous conseille de bien affermir nostre vocation.

  A009000663 

 Adjoustons neanmoins encores ce mot, qui est qu'elle fut obeissante à la divine Majesté, non seulement à ses commandemens, ains à ses volontés et à ses inspirations; et c'est en quoy il faut que nous prenions garde, mes cheres ames, de l'imiter au plus pres qu'il nous sera possible.

  A009000663 

 O Dieu, si vous voulez estre redouté vous ne serez pas humble, car il n'y a rien qui soit plus contraire à l'humilité.

  A009000664 

 Il ne faut non plus d'exemption en cette obeissance qu'en l'offrande que Dieu veut que nous luy fassions de nous mesme, car si Nostre Dame n'eust pas esté aggreable à la divine Majesté sans cette absolue obeissance, comme Nostre Seigneur le monstre par la louange qu'il luy donna apres celle de cette benite femme mentionnée en nostre Evangile, beaucoup moins le serons-nous, nous autres.

  A009000673 

 C'est de ce feu dont Nostre Seigneur parloit lors qu'il dit: J'ay apporté le feu du Ciel en terre, et que veux-je sinon qu'il brusle? O Dieu, quelle grace d'estre touché de ce feu tres beni, car jamais plus on ne se plaist ès ardeurs qui luy sont contraires..

  A009000673 

 Car qui ne voit que non seulement ils ont esté touchés, mais esclairés et enflammés du feu du Saint Esprit, en sorte qu'ils n'ont autre attention que d'exterminer et aneantir l'amour charnel et perissable? Qu'est-ce, je vous supplie, qui auroit peu esteindre le feu de la convoitise des richesses ou des honneurs, que les Religieux et Religieuses renoncent pour jamais en faisant le vœu de pauvreté, s'ils n'eussent esté touchés de cette flamme sacrée et tres aymable de l'amour de Dieu, qui les a tirés d'entre le peuple pour les mettre ès lieux où plus à souhait ils peussent monstrer les effects de son infinie misericorde exercée en leur endroit? O Dieu, qu'ils sont heureux d'avoir donné entrée à ce feu celeste! car tout ainsy que le feu du ciel esteint celuy de la terre, de mesme le feu sacré exterminera et consommera celuy de la concupiscence qui regne et domine en nostre chair.

  A009000674 

 Quelle plus grande sagesse, je vous supplie, que celle des Religieux qui connoissans leur foiblesse pour demeurer dans le monde, emmi les continuelles occasions de se perdre, s'en retirent pour plus à souhait servir Dieu fidellement? Ils ont esté touchés de ce feu du Saint Esprit lequel leur a fait connoistre, par un petit rayon de sa lumiere, qu'ils ont plusieurs maladies spirituelles auxquelles il faut remedier pour ne point tomber au peril de la mort eternelle..

  A009000676 

 Et comme les medecins jugent que le repos et la tranquillité aydent beaucoup à recouvrer plus promptement la santé, de mesme les Religieux se retirent au port de la tranquillité qui est la Religion, pour plus aysement acquerir la santé de leurs ames qui est la sainteté..

  A009000678 

 De là vient qu'ils tiennent pour malheureux les serviteurs parce qu'ils sont sujets à leurs maistres, et plus encores les esclaves, d'autant qu'ils ne sont pas maistres de leur liberté..

  A009000678 

 Ils estiment estre sages de conserver ou d'acquerir leur liberté, d'estre maistres de leur volonté; et qui a plus de cette miserable liberté est consideré comme le plus sage et le plus heureux.

  A009000679 

 Les Religieux ne veulent pas estre si insensés que ceux cy, lesquels le sont d'autant plus qu'ils ne le pensent pas estre, ains s'estiment si sages qu'ils ne tiennent nul compte des autres hommes, ne les croyant pas mesme capables de leur servir de planche, eu esgard à leur grande sagesse et preudhommie.

  A009000681 

 La folie des mondains fait d'autant plus connoistre et estimer la sagesse de ceux qui renoncent à leur propre liberté et s'assujettissent volontairement pour jamais.

  A009000683 

 O que c'est une grande sagesse de ne s'estimer pas assez sage pour se conduire soy mesme! Je sçay bien que si nous nous laissions gouverner par la rayson elle nous meneroit bien avant dans le Ciel; mais le peché a tellement gasté et tracassé nos puissances interieures, que la partie inferieure de nostre ame a pour l'ordinaire plus de pouvoir pour nous tirer au mal que non pas la partie superieure pour nous [246] faire tendre du costé du bien.

  A009000684 

 De mesme les Religieux ne seront point tenus pour sages s'ils ne recherchent de tout leur pouvoir d'aller tousjours plus avant au chemin de la perfection, puisqu'ils s'y sont obligés de leur propre mouvement, car nul ne les y a peu contraindre.

  A009000684 

 Quiconque sera plus fidelle à cette sainte sousmission sera tenu pour le plus sage.

  A009000686 

 C'est cette droite intention qui amene icy ces filles pour se sacrifier à Nostre Seigneur par la resolution inviolable d'estre toutes à Dieu; elles ne se contentent pas d'observer ses commandemens, car elles ont esté touchées de cet amour du Saint Esprit qui fait qu'elles ne veulent pas seulement s'unir à Dieu par la prattique d'iceux comme le reste des Chrestiens, mais, par une pretention plus genereuse et amoureuse, elles se viennent obliger à l'observance de ses conseils et de ses volontés, pour estre tant soit peu plus unies au Ciel avec sa divine Bonté..

  A009000687 

 O que vous estes heureuses, mille fois plus que les imperatrices et les reynes, non seulement parce qu'apres avoir esté espouses de Jesus crucifié en cette vie vous le serez de Jesus glorifié là haut en sa gloire, mais aussi parce que la Croix du Sauveur est mille fois, et sans comparaison, plus honnorable que les sceptres et couronnes et les royaumes tout entiers de ce monde perissable.

  A009000695 

 Et premierement, quelle humilité plus grande et plus profonde se peut-il imaginer que celle que Nostre Seigneur et Nostre Dame pratiquent en venant au Temple, [251] l'un pour y estre offert comme tous les autres enfans des hommes pecheurs, et l'autre se venant purifier? C'est chose certaine que Nostre Seigneur ne pouvoit estre obligé à cette ceremonie, puisqu'il estoit la pureté mesme et qu'elle ne regardoit que les pecheurs.

  A009000695 

 Quant à Nostre Dame, quelle necessité avoit-elle de se purifier, puisqu'elle n'estoit ni ne pouvoit estre souillée, ayant receu une grace si excellente dès l'instant de sa conception que celle des Cherubins et des Seraphins ne luy est nullement comparable? car si bien Dieu les prevint de sa grace dès leur creation pour les empescher de tomber en peché, neanmoins ils n'y furent pas confirmés dès cet instant en sorte qu'ils ne peussent plus prevariquer, ains le furent par apres en vertu du choix qu'ils firent de se servir de cette premiere grace, et par la volontaire sousmission de leur franc arbitre.

  A009000696 

 C'est la plus grande de toutes les vertus purement morales, car je n'entens pas parler de l'amour de Dieu et de la charité, celle-cy n'estant pas seulement une vertu particuliere ains une vertu generale qui se respand sur toutes les autres, et dont elles tirent leur splendeur.

  A009000696 

 O Dieu, quelle grandeur de Nostre Seigneur et de Nostre Dame qui est sa Mere! Que c'est une consideration belle, et la plus utile et profitable que nous sceussions faire que celle cy, de l'humilité que le Sauveur a si cherement aymée! Il semble qu'elle ait esté sa bien aymée et qu'il ne soit descendu du Ciel pour venir en terre que pour l'amour d'elle.

  A009000696 

 Plus la dignité des personnes qui s'humilient est grande, plus aussi l'acte d'humilité qu'elles font est estimable.

  A009000697 

 Et encherissant cette humilité il adjouste: et la mort de la croix, mort la plus ignominieuse et pleine d'abjection sur tout autre genre de mort..

  A009000697 

 Il a dit luy mesme: Il n'y a point de plus grand amour que de mettre sa vie pour la chose aymée.

  A009000697 

 Or, il a vrayement donné sa vie pour cette vertu, car il a fait en mourant le plus excellent et le plus souverain acte d'humilité qui se puisse jamais imaginer.

  A009000701 

 Nostre Seigneur, comme un bon et amoureux medecin de nos ames, prend le mal en sa racine, et au lieu de [254] l'orgueil il vient premierement planter la belle et utile plante de la tres sainte humilité, vertu qui est d'autant plus necessaire que son vice contraire est plus general entre tous les hommes.

  A009000702 

 Dès qu'ils se furent une fois humiliés, ils persevererent tout le temps de leur vie et ne se voulurent plus relever; car Nostre Seigneur, et sa tres benite Mere à son imitation, s'humilia jusques à la mort et la mort de la croix.

  A009000703 

 Nous sommes l'impureté mesme, et nous voulons qu'on nous croye purs et saints; folie grande à la verité plus qu'il ne se peut dire.

  A009000703 

 Prenez, je vous prie, une fille d'Eve: comme quoy n'est-elle pas ambitieuse de l'honneur et de se faire estimer? Certes, si bien ce mal est general entre les hommes, cependant il semble que ce sexe y soit plus enclin que tout autre.

  A009000704 

 Passons au second point, et disons que nostre divin Sauveur et sa tres benite Mere ont tousjours accompagné leur humilité d'une parfaite obeissance; obeissance qui eut tant de puissance sur l'un et sur l'autre qu'ils ont plus aymé mourir, et de la mort de la croix, que de manquer d'obeir.

  A009000705 

 Apres, elle persevera tousjours en obeissance, ainsy que nous voyons aujourd'huy, puisqu'elle vient au Temple pour obeir à la loy de la purification, bien qu'elle n'eust nulle necessité de l'observer ni son Fils non plus, comme nous l'avons desja touché au premier point; ains c'estoit une [257] obeissance purement volontaire, et pour estre volontaire et non necessaire elle n'en estoit pas moindre.

  A009000706 

 Elle vient donques aujourd'huy au Temple pour lever tout ombrage aux hommes qui l'auroyent peu considerer, et pour nous monstrer encores que nous ne nous devons pas contenter d'eviter les pechés ains l'ombre des pechés, ne nous arrestans pas non plus à la resolution que nous avons faite de ne point commettre tel ou tel peché, mais fuir mesme les occasions qui nous pourroyent servir de tentation d'y tomber.

  A009000707 

 O combien cet exemple que Nostre Seigneur et Nostre Dame nous donnent de la tres sainte obeissance nous [258] devroit inciter à nous sousmettre absolument et sans aucune reserve à l'observance de tout ce qui nous est commandé, et ne nous pas contenter de cela, mais observer encores les choses qui nous sont conseillées pour nous rendre plus aggreables à la divine Bonté! Mon Dieu, est-ce si grand chose de nous voir obeir, nous autres qui ne sommes nés que pour servir, puisque le Roy supreme à qui toutes choses doivent estre sujettes s'est bien voulu assujettir à l'obeissance? Recueillons donques cet exemple sacré que nous donnent le Sauveur et la glorieuse Vierge, et apprenons à nous sousmettre, à nous rendre souples, maniables et faciles à tourner à toutes mains par la tres sainte obeissance, et non pas pour un temps ni pour certains actes particuliers, ains pour tousjours, tout le temps de nostre vie jusques à la mort..

  A009000710 

 Si nous ne le conduisons avec nous, nous aurons la mesme punition dont Joseph menaça ses freres, à sçavoir qu'ils ne verroyent plus sa face et n'auroyent rien de luy s'ils ne luy menoyent leur petit frere..

  A009000711 

 Il est plus probable que ce fut saint Joseph que non pas la sacrée Vierge, pour deux raysons, dont l'une est que les peres venoyent offrir leurs enfans, comme y ayans plus de part que la mere mesme; l'autre, que les femmes n'estans pas encores purifiées n'osoyent pas approcher de l'autel où se faisoyent les offrandes.

  A009000711 

 O qu'heureux sont ceux qui vont au Temple disposés pour recevoir cette grace, d'obtenir de cette divine Mere ou de son cher Espoux Nostre Seigneur et Maistre, car l'ayant entre nos bras nous n'avons plus rien à desirer, et pouvons bien chanter ce divin cantique: Laissez maintenant aller vostre serviteur en paix, o mon Dieu, puisque mon ame est pleinement satisfaite, possedant tout ce qui est de plus desirable soit au Ciel soit en la terre..

  A009000713 

 Helas, ne voyez-vous pas que tout cela n'est pas rendre vostre volonté capable d'estre unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison vous soyez resolue d'y souffrir la peine des continuelles distractions, secheresses et degousts qui vous y surviendront, demeurant aussi contente que si vous y aviez beaucoup de consolations et de tranquillité, puisque c'est une chose certaine que vostre oraison ne sera pas moins aggreable à Dieu, ni à vous moins utile, pour estre faite avec plus de difficultés.

  A009000717 

 Que nous reste-t-il donc plus à dire maintenant, sinon qu'ayant dès cette vie perissable et mortelle le Saint Esprit en nous, nous tenant en grand respect et reverence devant la divine Majesté en attendant avec sous-mission l'evenement de nostre perfection et ajustant, autant qu'il nous sera possible, nostre volonté à celle de Dieu, nous aurons le bonheur de porter le Sauveur entre nos bras, et au moyen de cette grace nous serons bienheureux eternellement.

  A009000725 

 Si nous avons des larmes, pleurons tout simplement, car nous ne les sçaurions jetter pour un plus digne sujet; mais ne nous arrestons pas là, passons à des considerations plus utiles selon que le requiert le patir de nostre Sauveur..

  A009000726 

 Quelle sentence plus belle et plus vraye peut estre prononcée, que celle du plus meschant d'entre tous les hommes, ce miserable Caïphe: Il est requis qu'un homme meure (c'est à dire, un homme le plus excellent d'entre tous les hommes), de peur que tous les autres ne perissent, que toutes les gens ne perissent.

  A009000728 

 Aussi tost que les Anges eurent peché ils furent en mesme temps confirmés en leur malice par la volontaire election qu'ils firent du mal et de ce qui pouvoit estre desaggreable à Dieu; si que dès lors il n'y eut plus d'esperance pour eux de s'en pouvoir desprendre.

  A009000728 

 Dès qu'ils eurent esleu le peché ils furent rendus ses esclaves; ils furent cloués et attachés de telle façon à la perdition que jamais plus il ne leur sera possible de s'en destacher.

  A009000729 

 Mais pour nous acquerir cette vie, Nostre [269] Seigneur nous l'a achetée au prix de son sang et a livré la sienne: donques nostre vie n'est pas nostre, ains sienne, nous ne sommes plus à nous, ains à luy.

  A009000729 

 O quelle pensée suave et aggreable plus qu'il ne se peut dire, quelle joye, quelle douceur de cœur, quelle delectation doit causer à l'homme cette verité, que Nostre Seigneur est son Redempteur et qu'il tient la vie de luy! La vie luy a esté donnée à fin qu'il la donnast à un chacun et que tous la tinssent de luy comme il la tenoit de son Pere.

  A009000729 

 Puisqu'il nous a achetés, nous sommes ses esclaves; quel heureux esclavage! Il ne faut donques plus vivre pour nous ains pour luy.

  A009000730 

 Il souffre beaucoup plus qu'il ne se peut jamais imaginer, mais pourtant il ne pense point à luy ni à ce qu'il endure; il fait tout au contraire de nous autres qui ne pouvons penser qu'à nostre douleur quand nous en avons, et oublions presque toutes autres choses; ouy mesme un mal de dents nous oste le souvenir de ce qui est autour de nous, tant nous nous aymons nous mesmes et nous sommes attachés à cette miserable chair..

  A009000736 

 Chose estrange certes, en mesme temps que les hommes pervers et malheureux vomissoyent contre sa divine Majesté et contre celle de son Pere ces blasphemes insupportables: S'il est tout puissant comme il dit, et se confie en son Pere qui l'a envoyé, qu'il l'appelle maintenant et qu'il le sauve; s'il veut que nous croy ions en luy, qu'il se sauve maintenant soy mesme; il dit qu'il restablira le Temple en trois jours, et semblables paroles vrayement diaboliques, Nostre Seigneur, dis-je, à mesme temps eslançoit vers Dieu des souspirs de compassion et des parolles plus douces que le miel et le sucre à fin qu'il leur pardonnast leurs forfaits et leur donnast sa grace.

  A009000737 

 Mais outre la grace qu'il octroye aux pecheurs, il la demande pour eux à son Pere celeste avec une charité si artificieuse qu'il ne l'appelle point son Dieu ni Seigneur, comme nous verrons qu'il fera cy apres en parlant pour soy, ains il l'appelle mon Pere, sçachant bien que ce mot si tendre estant prononcé par l'amour cordial, est plus respectueux que celuy de mon Seigneur, et que partant il seroit plus tost exaucé.

  A009000742 

 Et quoy, me direz-vous, qu'y a-t-il autre chose? Quoy, mes chers Sœurs? Il y a une certaine delicatesse spirituelle dont il devoit faire present à ses plus chers amis, delicatesse qui n'est autre qu'un moyen tres singulier pour conserver la grace acquise et pour parvenir au plus haut degré de gloire.

  A009000742 

 Regardant donques de ses yeux pleins de compassion sa tres benite Mere, qui estoit debout au pied de la croix avec son bien aymé disciple, il ne luy voulut pas donner la grace ou la demander pour elle, car elle la possedoit desja fort excellemment, ni moins luy promettre la gloire, car elle en estoit toute asseurée; mais il luy donna une certaine union de cœur et amour tendre pour le prochain, cet amour des uns pour les autres qui est un don des plus grans que sa bonté fasse aux hommes..

  A009000743 

 Nostre divin Maistre nous enseignoit par là que si nous voulons avoir part en son testament et aux merites de sa Mort et Passion, il faut que nous nous aymions tous les uns les autres de cet amour tendre et grandement cordial du fils envers la mere et de la mere envers le fils, qui est en quelque façon plus grand que non pas celuy des peres..

  A009000744 

 En quoy certes ont grand tort ceux qui pensent qu'elle fut tellement outrée de douleur qu'elle en demeura pasmée; car sans doute cela n'est point, ains elle demeura ferme et constante, bien que son affliction fust la plus grande que jamais femme aye ressenti pour la mort de son enfant, parce qu'il ne s'en est jamais trouvé qui ayt eu autant d'amour qu'elle en avoit pour Nostre [276] Seigneur, non seulement parce qu'il estoit son Dieu, mais aussi parce qu'il estoit son Fils tres cher et tres aymable..

  A009000745 

 Grande fut la constance de la tres sainte Vierge et du bien aymé Disciple; c'est pourquoy celuy cy fut favorisé du don que sa bonté luy fit de sa tres sainte Mere, Mere la plus aymable qu'il soit possible d'imaginer.

  A009000745 

 L'amour de Nostre Dame estoit vrayement plus fort et plus tendre qu'il ne se peut dire, et par consequent sa douleur plus vehemente que toute autre en la Mort et Passion de Jesus Christ; mais comme cet amour estoit selon l'esprit, conduit et gouverné par la rayson, il ne produisit point de mouvement desreglé en l'affliction qu'elle ressentit se voyant privée de son Fils, qui luy causoit une consolation incomparable.

  A009000747 

 Or, pour nous monstrer qu'il n'estoit pas seulement une fleur, ains qu'il estoit un bouquet composé de l'assemblage des plus belles et plus odoriferantes fleurs que l'on sceust rencontrer, il a voulu garder le nom de fleurissant sur l'arbre de la croix.

  A009000748 

 Ces quatre fleurs ne sont autre que quatre vertus des plus remarquables et des plus necessaires.

  A009000749 

 Quant à la premiere, Nostre Seigneur ne prattiqua-t-il pas au temps de sa Passion l'humilité la plus profonde, la plus veritable et sincere qui se puisse imaginer, ains [278] la plus inimaginable, dans tous les tourmens et abjections qu'il endura? Ne prattiqua-t-il pas cette vertu tout le temps de sa vie? Elle fut certes tres grande en ce que se pouvant faire appeller Hierosolymitain ou bien de Bethleem, ville où il estoit né et qui appartenoit à son grand pere David, il ne le voulut neanmoins pas, pour monstrer qu'il choisissoit tout au contraire des grans de ce monde, lesquels prennent les noms les plus honnorables qu'ils peuvent.

  A009000751 

 Mais que pensez-vous qu'il faisoit, ce doux Sauveur de nos ames, durant ce silence? Il rentroit en soy mesme et consideroit le mystere de son abjection; car l'humilité, qu'est-ce autre chose sinon un rentrement en nous mesme pour nous considerer plus meurement? Et que cela ne soit ainsy il nous le fait entendre par ce qu'il dit par apres: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? Ayant consideré sa pauvreté, non tant [279] exterieure que beaucoup plus interieure, il eslança cette parole de parfaite humilité, faisant connoistre sa disette, son abjection et son delaissement.

  A009000752 

 Mais encores, que pensons-nous que nostre doux Sauveur fist durant ce long silence? Pour moy je crois sans doute qu'il regardoit tous les enfans de la Croix, et tous les hommes voirement bien, mais plus specialement ceux qui tireroyent du fruit de sa Mort et Passion.

  A009000752 

 O Dieu, quelle douceur du cœur de nostre Maistre qui nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire! car il n'y a point de plus grand peché que de haïr Dieu qui n'est en façon quelconque capable d'estre haï en soy mesme.

  A009000753 

 Cette patience fut grande plus qu'il ne se peut dire; car jamais l'on n'entendit nulle plainte sortir de la bouche du Sauveur, il ne rendit nul tesmoignage, comme nous faisons nous autres, de la grandeur de sa souffrance à fin d'esmouvoir ceux qui estoyent presens à compassion sur luy.

  A009000753 

 Et quant aux douleurs interieures, elles estoyent sans comparaison plus grandes.

  A009000754 

 Mais quelle fut la douleur de nostre Maistre oyant ces detestables blasphemes que ses ennemis vomissoyent contre luy et contre son Pere celeste, et voyant que leur rage ne se pouvoit assouvir à force de le tourmenter? Sans doute, cela luy outreperçoit le cœur plus sensiblement encores que les clous ne perçoyent ses pieds et ses tres benites mains.

  A009000756 

 Nostre mal, pour petit qu'il soit, est incomparable, et ceux que les autres souffrent ne sont rien en comparaison; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A009000757 

 O l'admirable parolle que celle cy: Tout est consommé! c'est à sçavoir: Il ne reste plus rien à faire de ce qui m'a esté commandé.

  A009000757 

 Que les Religieux et Religieuses seroyent heureux si à la fin de leur vie ils pouvoyent dire bien veritablement avec le Sauveur: Tout est consommé; j'ay fait tout ce qui m'estoit commandé soit par les Regles, soit par les Constitutions ou par les ordonnances des Superieurs; j'ay persevere fidellement en tous mes exercices, il ne me reste plus rien à faire..

  A009000758 

 Il est vray, vouloit-il dire, que tout est consommé et que j'ay tout accompli ce que vous m'aviez commandé; mais pourtant, si telle est vostre volonté que je demeure encor davantage sur cette croix pour souffrir plus long temps, j'en suis content; je remets mon esprit entre vos mains, vous en pouvez faire tout ainsy qu'il vous plaira.

  A009000758 

 Mais plus excellente que toute autre est la quatriesme vertu, car elle est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le merite, ce semble, de la patience et le fruit de la perseverance; grande est cette vertu, et seule digne d'estre prattiquée des plus chers enfans de Dieu: c'est la tres aymable indifference.

  A009000771 

 Voyez mes mains, touchez mes blesseures; je suis bien moy mesme, ne craignez plus, la paix soit en vous.

  A009000772 

 Grand certes est le chastiment que Dieu tire de nous lors qu'il nous laisse entre les mains de nos ennemis, qu'il retire son divin secours et ne nous tient plus en sa tres sainte protection.

  A009000773 

 Or cela n'est pas; au contraire, en l'affliction et en la tribulation Dieu se tient plus pres de nous, d'autant que nous avons plus besoin de sa protection et de son secours..

  A009000774 

 Bien, dit Gedeon, je crois ce que vous m'annoncez, mais à fin d'en estre plus certain je voudrois qu'il vous pleust m'en donner quelques signes par lesquels je puisse reconnoistre que veritablement il arrivera tout ainsy que vous m'asseurez.

  A009000778 

 Comme s'il eust voulu dire: Qu'avez-vous? Je vois bien, mes Apostres, que vous estes tout craintifs et peureux; mais desormais vous n'en avez plus aucun sujet, car je vous ay acquis la paix que je vous donne.

  A009000778 

 Desormais ne soyez plus couards ni peureux, car la guerre est finie.

  A009000778 

 Mais à cette heure ne craignez plus, la paix soit en vos cœurs; car je suis demeuré victorieux et ay terrassé tous mes adversaires: j'ay vaincu le diable, le monde et la chair.

  A009000779 

 Tout ce que je donne à mes plus chers, c'est la paix; c'est pourquoy, Pax vobis, et à tous ceux qui croiront en moy..

  A009000784 

 Apres cette victoire, il s'en retourneroit tout triomphant dans la ville principale, chargé neanmoins de blesseures, et rencontrant ses sujets il leur diroit: Courage, mes amis, voyla les playes avec lesquelles je vous ay acquis la paix; demeurez en repos, ne craignez plus, car j'ay terrassé nos ennemis.

  A009000785 

 Touchez, dira-t-il Dimanche à saint Thomas, touchez de vos doigts les playes de mes pieds et de mes mains; mettez, si bon vous semble, toute vostre main dans mon costé, et voyez que je suis bien moy mesme; ayant fait cela, ne soyez plus incredule mais fidelle.

  A009000787 

 Il n'y a rien qui ne puisse estre rangé et gouverné par l'homme que le seul homme; car si bien le pouvoir que Dieu avoit donné à Adam au paradis terrestre sur tous les animaux a receu quelque deschet par le peché, si est-ce pourtant que l'homme peut dompter les bestes les plus farouches, par l'entremise de la rayson dont Dieu l'a doué, ainsy que l'experience s'en fait tous les jours.

  A009000788 

 C'est ce qu'il a le plus inculqué à ses Apostres; si que le glorieux saint Paul dit ne vouloir sçavoir ni prescher autre chose que Jesus Christ crucifié, qui nous a pacifiés et donné cette paix par laquelle nous luy soyons rendus semblables en toutes choses, à luy, dis-je, qui est le Prince de paix, et qui a fait la paix tant en la terre qu'au Ciel.

  A009000794 

 Certes, on ne sçait plus de [297] quel biais prendre ces personnes qui se servent de cette fausse prudence, parce que, faute de simplifier leur entendement, elles ne veulent pas entendre les raysons qu'on leur donne et en apportent cent contraires pour soustenir leurs opinions, quoy que bien souvent mauvaises; dès qu'elles s'y sont une fois attachées, l'on ne sçait plus que faire avec elles..

  A009000798 

 Que nous serions heureux si nous nous occupions aussi des promesses que non seulement au Baptesme, mais, la pluspart d'entre nous, par le moyen des vœux, nous avons faites à Dieu de luy estre fidelles et de ne nous arrester jamais qu'à ce qui nous pourra rendre plus aggreables à ses yeux! Si les Religieux et Religieuses accomplissoyent les promesses qu'ils ont faites d'observer fidellement leurs Regles et Constitutions et de suivre les conseils qui leur seront donnés, ils possederoyent, dis-je, la paix en leurs ames, Nostre Seigneur viendrait en eux et leur dirait: Paix vous soit, comme il fit à ses Apostres..

  A009000799 

 Bref, nostre volonté est si pleine de pretentions et de desseins que bien souvent elle ne fait rien que s'amuser à les regarder l'un apres l'autre, ou bien tous à la fois, au lieu de s'occuper à en faire reussir quelques uns des plus profitables..

  A009000799 

 Le troisiesme soldat de nostre esprit et le plus fort de [299] tous c'est la volonté, car nul ne peut surmonter la liberté de la volonté de l'homme; Dieu mesme qui l'a creé ne veut en façon quelconque la forcer ni violenter.

  A009000799 

 Neanmoins elle est si lasche que bien souvent elle se laisse gaigner aux persuasions de la chair, se rendant à ses efforts, bien qu'elle sçache que la chair est le plus dangereux ennemy de l'homme; c'est cette felone Dalila qui tue meschamment le pauvre Samson qui l'aymoit si cherement.

  A009000800 

 De mesme, pourriez-vous bien dire, en aymant Dieu je rencontre plusieurs autres choses, comme les livres, les vertus, [300] l'oraison, le prochain que j'ayme voirement bien; cependant mon dessein principal estant de n'aymer que Dieu, fait que j'ayme toutes ces choses et que je m'en sers, mais ce n'est qu'en passant, pour m'exciter à l'aymer davantage, et tousjours plus parfaitement, car tel est mon vouloir et je n'en veux jamais point d'autre..

  A009000801 

 En fin finale, si nous voulons avoir la paix en nous mesme il ne faut avoir qu'une seule volonté, ainsy que nous avons dit, non plus que saint Paul qui ne pretendoit sçavoir et prescher qu'une seule chose, Nostre Seigneur Jesus Christ crucifié.

  A009000803 

 La tempeste estant grande et les matelots ne sçachant plus que faire pour eviter le peril eminent auquel ils se voyoient presque reduits, s'en vont au fond du navire, où trouvant le pauvre Jonas qui dormoit, non d'un sommeil de paix mais d'un sommeil de detresse, ils luy dirent: Quoy, miserable, tu dors en cette affliction! Et s'estant enquis d'où il estoit: Oh! respondit-il, je suis un miserable homme qui fuis de devant la juste indignation de Dieu irrité contre moy.

  A009000804 

 Les enfans de la paix font une continuelle guerre à la chair qui leur cause des attaques tres violentes, laquelle n'a pourtant pas le pouvoir de troubler leur repos, non plus que le diable et le monde, ainsy que nous avons desja dit..

  A009000804 

 Mais beaucoup plus vraye et plus grande est celle que possedent [302] ceux qui ne vivent pas seulement selon les commandemens, ains en l'observance des conseils et selon la regle de la vertu, car la vraye paix se trouve en la parfaite mortification.

  A009000805 

 Elle a des ruses estranges pour dresser des embusches à nostre esprit; mais si nous nous tenons fermes dans le donjon, accompagnés des trois soldats dont nous avons parlé, nous serons tousjours les plus forts et possederons la vraye paix qui nous tient contens emmi les injures, les mespris, les afflictions, les contradictions et en fin emmi tout ce qui nous arrive de contraire à la nature..

  A009000807 

 Il faut passer par tous les degrés, commençant par les plus bas et montant l'un apres l'autre jusqu'au plus haut.

  A009000810 

 Et ce qui leur faisoit prendre opinion qu'il l'estoit, fut que tandis que ces soldats le traittoyent comme j'ay dit, il avoit? une joye telle dans le cœur qu'elle paroissoit sur sa face, et à mesure qu'on luy disoit plus d'injures il sembloit estre plus joyeux et content.

  A009000811 

 Lors le bon novice respondit: Certes, il me semble que j'ay bien rayson de rire et d'estre content, car je possede la paix en mon ame parmi toutes les attaques et risées que vous me faites; mais de plus, j'ay un grand sujet de contentement, car en verité vous m'estes bien plus doux et gracieux que n'a pas esté mon maistre que vous voyez là, lequel m'a icy amené; car il m'a tenu trois ans en telle sujetion, qu'il failloit que je fisse quelque present à tous ceux qui me maltraittoyent pour recompense de l'offence qu'ils m'avoyent faitte.

  A009000812 

 Or, telle paix ne s'acquiert en cette vie que par l'union de l'entendement, de la memoire et de la volonté avec l'esprit, ainsy que nous avons monstré tantost; de plus, elle ne se peut trouver hors de la sainte Eglise, ainsy que l'experience nous l'enseigne tous les jours, et en fin finale elle ne se rencontrera jamais qu'en l'obeissance du saint Evangile lequel n'est que paix.

  A009000821 

 Ce n'est donques pas sans juste rayson que l'on a accoustumé de faire des grandes solemnités en la reception ou Profession des Religieux et Religieuses, puisque ce n'est pas seulement le jour où ils sont sevrés et retirés de la mammelle, de la jouissance des consolations terrestres et perissables, à fin d'estre sustentés de viandes plus solides et qui les nourrissent à l'immortalité, le bon Pere celeste les fortifiant petit à petit par l'exercice des vertus appartenantes aux plus forts, telles qu'elles se trouvent en Religion.

  A009000821 

 Ce n'est pas non plus seulement pour ce que c'est le jour de leur naissance spirituelle auquel ils reçoivent la grace divine et renouvellent les promesses qu'ils ont faittes, ou que l'on a fait pour eux en leur Baptesme, de vivre selon les commandemens de Dieu; mais ils solemnisent beaucoup plus parfaittement et se resjouissent davantage en cette journée, d'autant que c'est celle de leur renaissance.

  A009000821 

 Ce que pour mieux faire, ils embrassent la vie religieuse en laquelle ils peuvent plus facilement qu'en nulle autre, demeurer inviolables en leurs resolutions..

  A009000822 

 Cependant, la Religion est un continuel exercice de mortification, de renoncement et despouillement de soy mesme; il faut crucifier la chair avec toutes ses sensualités, la propre volonté avec tous ses desirs, renoncer au monde et à toutes les [309] choses terrestres pour n'aspirer plus qu'apres les biens eternels et n'avoir plus autre desir que de plaire à Dieu, plus de volonté que la sienne et celle des Superieurs qui ont la charge des Religieux..

  A009000823 

 Nonobstant tout cela, nous ne laisserons pas de nous venir ranger sous l'estendart de vostre sainte protection, estans tres asseurées que puisque vostre Bonté nous a appellées à cette maniere de vie plus parfaite que la commune des mondains, voire de ceux qui font profession de vivre tres chrestiennement dans le monde, vostre mesme Bonté nous fortifiera et nous baillera la grace de bien faire ce que nous entreprenons aujourd'huy pour la gloire de vostre saint nom et pour le salut de nos ames; car nous croyons fermement que, selon la parolle de vostre saint Apostre, si nous mourons avec vous en cette vie, nous ressusciterons avec vous en la gloire..

  A009000824 

 C'est une chose des plus necessaires pour nostre salvation que de faire de saintes conversations en cette vie, car, à dire vray, nous sommes quasi pour l'ordinaire tels que ceux que nous aymons et pratiquons..

  A009000827 

 Grande fut la tristesse et l'ennuy que receut saint Thomas quand il ouyt que ses compagnons avoyent veu Nostre Seigneur, et il se laissa tellement preoccuper l'esprit et l'entendement de cette passion, qu'il commença à s'opiniastrer et croire que cela n'estoit pas; et plus on vouloit le retirer de son incredulité, plus aussi il s'opiniastroit à soustenir qu'il n'en croiroit rien.

  A009000830 

 L'orgueil ou la vanité ne leur peut permettre un petit defaut que tout incontinent ils n'entrent en de grans troubles qui les portent par apres au desespoir: O Dieu, il ne faut plus rien attendre de moy, je ne feray jamais rien qui vaille! C'est bien dit; hé, pensiez-vous estre si brave que de ne point faillir? En toutes sortes d'arts il faut estre apprentif, premier que d'estre maistre..

  A009000831 

 Je suis Celuy qui est, partant ne sois plus incredule, mais fidelle.

  A009000831 

 Nostre Seigneur tout bon et tout misericordieux, ne pouvant plus souffrir que cette chere brebis de son troupeau demeurast errante et vacillante en la foy, vient tout doux et debonnaire trouver saint Thomas en presence des autres Apostres, et apres les avoir salués selon son [313] accoustumée, disant: Paix vous soit, il s'addresse au plus malade de tous.

  A009000832 

 C'est donc pour la conserver ou acquerir que ces ames viennent maintenant se dedier au service de la divine Majesté, resolues qu'elles sont de luy consacrer si entierement leurs cœurs, leurs corps et de plus leurs volontés, qu'elles ne s'en puissent jamais plus servir que pour suivre en toutes choses la volonté de Dieu qui leur sera signifiée par la direction des Regles et Constitutions de la Religion, direction qui les conduira à l'entiere mortification d'elles mesmes, «pour le service de la dilection» de leur celeste Espoux.

  A009000850 

 Mais le present qu'il fait en ce jour à son Eglise doit estre tenu pour le plus excellent, d'autant que c'est le Pere et le Fils qui l'envoyent..

  A009000854 

 Le don de crainte est le plus universel, car nous voyons que les meschans mesme ont de la crainte et frayeur entendans parler de la mort, du jugement et des peines eternelles.

  A009000855 

 Il ne faut pas non plus se tenir dans la crainte, ni moins la tenir dans nos cœurs, car c'est la place de l'amour, ains seulement la laisser à la porte de nostre cœur, à fin qu'elle soit preste pour secourir l'amour, ainsy que j'ay dit.

  A009000856 

 La pieté n'est autre chose qu'une crainte filiale, qui ne nous fait plus regarder Dieu comme nostre Juge, ains comme nostre Pere, auquel nous redoutons de desplaire et desirons d'aggreer..

  A009000859 

 C'est en quoy consiste le don de force et la grandeur de courage: à se surmonter soy mesme pour s'assujettir à Dieu, mortifiant et retranchant de nos esprits toutes leurs superfluités et imperfections pour petites qu'elles soyent, sans aucune reserve; et de plus, ce don nous fait entreprendre de parvenir à la plus haute perfection, sans craindre la difficulté qu'il y a pour l'acquerir..

  A009000860 

 Mais estans ainsy resolus et fortifiés pour embrasser la vraye prattique des vertus, il faut que nous ayons le don de conseil pour choisir celles qui nous sont le plus necessaires selon nostre vocation; car, bien qu'il soit [320] tousjours bon de prattiquer les vertus, si faut-il pourtant les sçavoir prattiquer par ordre.

  A009000860 

 Que sçay-je moy, si en telle occasion il ne sera point plus expedient que je ne prattique la patience sinon interieurement et non pas exterieurement, ou bien si je dois joindre l'une avec l'autre? Il faut donques avoir le don de conseil à fin de suivre l'exercice que le don de force et de courage nous a fait commencer, et pour que nous ne nous trompions point nous mesmes, choisissant les vertus selon nos inclinations et non selon nostre necessité, regardant seulement à l'escorce et non point à la vraye essence des vertus..

  A009000861 

 Mais remarquez, je vous supplie, que je dis par la meditation et oraison, et non par la curiosité, speculation et estude, comme font les theologiens; car une simple et pauvre femmelette sera plus capable de le faire que non pas les plus excellens docteurs qui auront moins de pieté.

  A009000861 

 Voyons cette pauvre femme: elle s'en ira promptement reconnoistre sur la Croix du Sauveur, voire mesme dans le cœur de Dieu, cette maxime de la perfection: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; au mystere de l'Incarnation elle remarque la mesme maxime, et de plus celle de l'humilité et abjection.

  A009000864 

 N'est-ce pas une plus grande merveille de voir une ame decorée de plusieurs grandes vertus que non pas le ciel decoré d'estoiles? Les jours se donnent charge l'un à l'autre d'annoncer la gloire de Dieu; et qui ne sçait que les Saints en ont fait de mesme, se resignant leurs vertus les uns aux autres? A saint Anthoine succeda saint Hilarion, à saint Hilarion d'autres Saints, et ils iront ainsy tousjours perseverant..

  A009000864 

 Que veux-je dire par tout cecy, sinon que nous, qui [322] sommes plus que les cieux et que tout ce qui est creé, puisque le tout a esté fait pour nous et non point nous pour eux, sommes beaucoup plus capables d'annoncer la gloire de Dieu que non pas les cieux ou les astres.

  A009000869 

 Apres que saint Augustin a raconté ce grand conteste et divorce, ce grand combat et contention qu'il avoit sur le point de sa conversion, en ses deux parties, l'inferieure et la superieure, combat le plus grand qui se puisse voir, appercevant en fin les yeux de la misericorde qui desja le regardoyent, il s'escrie au commencement du Livre neufviesme de ses Confessions: O Seigneur, vous avez regardé vostre serviteur et le fils de vostre servante.

  A009000869 

 Ayant donques à m'entretenir avec vous, quel meilleur sujet pourrois-je prendre que ces paroles du Psalmiste: Dirupisti, et ce qui suit? Mais pour rendre mon discours plus familier, je le diviseray en trois points: au premier nous verrons quels sont les liens desquels saint Augustin estoit lié; au second, quel sacrifice de louange il a offert à Nostre Seigneur; et au troisiesme, quel est ce calice du salutaire..

  A009000870 

 Je ne m'arresteray pas à vous en beaucoup parler, car vous avez ce livre où vous le lirez avec bien plus de playsir, parce que vous y verrez les choses tout au long, mieux que je ne les vous sçaurois rapporter.

  A009000874 

 Et certes, ce peché est detestable et le plus dangereux de tous.

  A009000874 

 Que si bien il n'est pas si grand que le blaspheme et la haine de Dieu, si est-il le plus difficile de tous à s'en depetrer et desbrouiller..

  A009000876 

 Les aigles, au contraire, qui n'ont point cette beauté en leur plumage et cette apparence exterieure, font neanmoins des œuvres plus nobles et solides.

  A009000877 

 Au contraire, les bons esprits font des œuvres bonnes et solides et ne s'enflent point, ains deviennent plus humbles et rabaissés.

  A009000882 

 On ne peut nier le devoir qu'un chacun a de louer Dieu à cause de ses bienfaits, non plus que l'on ne sçauroit nier qu'il y a un Dieu createur et gouverneur du monde.

  A009000887 

 Qu'est-ce en effect que l'Eglise de Dieu sinon des chœurs et des armées, et qui sont ces chœurs sinon, comme j'ay desja dit, tous les Chrestiens qui [331] chantent continuellement les louanges divines en toutes sortes d'estats et de conditions? Saint Louys (duquel nous avons celebré la feste ces jours passés), le plus grand Saint entre les roys et le plus grand roy entre les Saints, estoit arrivé au plus haut point de la perfection chrestienne.

  A009000887 

 Toutefois, par ces chœurs et ces armées nous devons entendre particulierement les Religieux et ecclesiastiques, lesquels non seulement louent Dieu par psalmes, hymnes et cantiques, ains de plus, tant par les sermons que par les fonctions propres à leur estat, taschent d'attirer les autres à la connoissance de la verité, à fin de les exciter à louer Dieu..

  A009000888 

 Le chant des Religieux n'est pas si haut que celuy des autres, mais il est plus melodieux; ils ressemblent aux oyseaux qui sont dans des cages pour recreer leur maistre par leur gazouillement..

  A009000890 

 Et de plus, c'est le playsir de ce seigneur: n'est-il pas maistre de son bien pour en faire ce qu'il luy plaist? Cessez donques vos murmures, et que cela vous suffise puisqu'il le veut ainsy..

  A009000891 

 Et non seulement cela, mais de plus, ceux qui travaillent pour l'Eglise sont merveilleusement fortifiés pour s'acquitter de leurs fonctions et perseverer aux travaux qui les accompagnent, par cette douce harmonie, c'est à dire par les prieres que les ames religieuses appliquent pour ce sujet..

  A009000896 

 Aussi est-ce la derniere chose que nous quittons, et qui nous fait plus de peine à renoncer.

  A009000896 

 Voyez-vous, il ne parle que de sa liberté; si bien est-ce la plus riche piece de l'homme, car, comme j'ay dit, c'est la vie de nostre cœur; c'est donc le plus pretieux don que nous puissions faire.

  A009000897 

 Certes, on ne sçait ce qu'on doit plus admirer, ou la sincerité avec laquelle il parle sans aucun doute ni scrupule, ou le style admirable avec lequel il fait entendre ce qu'il ressentoit en soy mesme.

  A009000897 

 Il s'estoit tellement donné soy mesme qu'il ne sçavoit plus ce qu'il estoit.

  A009000900 

 Saint Augustin, dit au sujet de ces paroles addressées par Nostre Seigneur à Magdeleine, Va-t-en à mes freres: Pour marcher il faut faire deux pas: mourir et renoncer à toutes les choses qui sont hors de nous, et mourir et renoncer à soy mesme, qui est le plus difficile.

  A009000909 

 C'est une verité qui a tant et tant de fois esté dite par la Sainte Escriture et par les anciens Peres, que la perfection chrestienne n'est autre chose qu'une abnegation du monde, de la chair et de la propre volonté, qu'il semble qu'elle n'aye plus besoin d'estre repetée.

  A009000914 

 Et saint Augustin parlant du monde dit: Qu'est-ce que le monde? Ce n'est autre chose que l'homme; et l'homme, qu'est-ce autre chose que le monde? Comme s'il vouloit dire: L'homme a tellement mis et attaché ses affections aux honneurs, richesses, dignités, preeminences et propre estime qu'il a pour cela perdu le nom d'homme et receu celuy de monde; et le monde a si fort tiré à soy les affections et appetits de l'homme qu'il ne s'est plus appellé monde mais homme..

  A009000914 

 Quant au [342] monde, la sacrée Vierge en fit en sa naissance les plus parfaits et les plus entiers renoncemens qui se puissent faire.

  A009000918 

 Tu n'es pas senateur d'autant que tu as quitté ton estat pour te faire moine, et partant il n'est plus à toy; tu n'es pas moine parce qu'avec tes affections tu vas courant apres ce qui est du monde.

  A009000919 

 Voyez-les à l'entour de son berceau, et oyez comme tout esmerveillés de la beauté de cette Dame ils dient ces paroles du Cantique des Cantiques: Qui est celle-cy qui monte du desert comme une verge de fumée sortant de la myrrhe, de l'encens et de toutes sortes de parfums odoriferans? Puis, la considerant encores de plus pres, ravis et hors d'eux mesmes ils poursuivent leur admiration: Qui est celle-cy qui chemine comme l'aurore à son lever, belle comme la lune, choisie comme le soleil, terrible comme un [345] bataillon de soldats rangés? Cette fille n'est pas encor glorifiée, mais la gloire luy est promise; elle l'attend non en esperance comme les autres, mais en asseurance.

  A009000921 

 Concluons donques, d'apres ce grand Saint, que le plus haut tiltre qu'on puisse donner à la Sainte Vierge c'est de l'appeller Mere de Dieu..

  A009000921 

 Elle n'eut pas l'usage de rayson en la mesme façon que nostre Sauveur, cela n'appartenoit qu'à luy seul; mais elle l'eut en une façon plus excellente que saint Jean Baptiste, d'autant qu'elle estoit choisie pour une dignité plus grande que n'estoit celle de ce Saint.

  A009000922 

 Nous autres sommes de pauvres gens, nous naissons en la plus grande misere qui se puisse voir, car nous sommes comme des bestes qui n'avons en nostre enfance ni discours ni rayson.

  A009000922 

 Or, il n'y a point de doute qu'estant esleuë pour une plus haute dignité que celle de saint Jean, elle n'ayt eu l'usage de rayson en une façon plus excellente.

  A009000924 

 Car voyez-vous, c'est l'ennemie la plus desloyale, la plus traistreuse et perfide qui se puisse dire; aussi le continuel renoncement qu'on en doit faire est certes bien difficile.

  A009000924 

 Il n'y a point de doute que celuy cy ne soit encores plus difficile que l'autre, aussi est-il d'un degré plus haut.

  A009000928 

 Que veut signifier ce silence qu'elles gardent, sinon qu'elles ne doivent plus avoir de langue que pour chanter avec Moyse ce beau cantique de la divine misericorde, qui les a non seulement retirées comme des Israelites de la tyrannie de Pharaon, c'est à dire du diable qui les tenoit en esclavage et servitude, mais encores qui n'a point permis qu'elles fussent englouties dans les ondes de la mer Rouge de leurs iniquités..

  A009000929 

 Or, les exercices de ce renoncement doivent estre continuels, car tant que vous vivrez vous trouverez tous-jours de quoy renoncer à vous mesme; et ce renoncement sera d'autant plus excellent que vous le ferez avec plus de ferveur.

  A009000929 

 Quant au troisiesme renoncement, qui est le plus important de tous, à sçavoir de renoncer à soy mesme, [350] il est bien plus difficile que les deux autres.

  A009000947 

 De plus aussi, ces sacrées semonces sont proferées par les hommes qui ne peuvent pas donner à leurs discours la force et vertu qu'ils desireroyent.

  A009000948 

 Cette-cy est plus relevée et fait dans les ames de merveilleux effects.

  A009000951 

 Et quoy, dit-il, vous vous estonnez que l'Empereur qui n'est qu'un homme comme un autre m'ayt escrit et envoyé un de ses ambassadeurs, et vous ne vous estonnez point que Nostre Seigneur nous parle dans la Sainte Escriture? Voire, non content de cela, il nous envoye ses messagers, qui sont ses Anges, pour nous faire entendre ses volontés, et de plus il vient encores luy mesme s'incarner et demeurer sur cette terre pour nous enseigner en propre personne.

  A009000955 

 Il faut donques bien digerer ce que nous meditons, en tirant de bons desirs, de bonnes affections et resolutions, lesquelles nous cacherons ensuite en un coin de nostre cœur pour nous en servir aux occasions et les prattiquer en toutes sortes [361] de rencontres, en telle sorte que nous ne soyons plus nous mesme, mais que les affections et resolutions prises en l'oraison paroissent en toute nostre vie..

  A009000959 

 Le grand saint François fut admirable en la digestion qu'il fit des maximes sacrées qu'il entendit en l'Evangile, car il se convertit absolument et les changea tellement en soy qu'il n'estoit plus luy mesme, ains estoit devenu ce que ces maximes signifioyent.

  A009000961 

 En fin, si nous travaillons fidellement pendant cette vie en entendant et gardant la parole de Dieu, comme nous avons dit, nous serons bienheureux non seulement en icelle, mais beaucoup plus en l'autre, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000961 

 Que vous reste-t-il plus sinon de bien entendre et garder la parole divine, à sçavoir vos Regles et Constitutions, et vous convertir tellement en elles que vous soyez desormais vostre vocation mesme? Les Religieuses ne doivent avoir autre soin que celuy là, d'autant que dans leurs Regles et Constitutions elles voyent la volonté de Dieu qui leur [364] signifie et monstre ce qu'elles ont à faire pour parvenir à la perfection et union avec sa divine Majesté.

  A009000967 

 Comment donques ferons-nous pour l'aymer d'un amour de bienveuillance? Nous ne pouvons exercer ces actes que par imagination de chose impossible, comme en luy disant que si nous luy pouvions souhaitter plus de gloire et de perfection qu'il n'en a, nous le luy desirerions et procurerions s'il estoit en nostre pouvoir.

  A009000967 

 On peut donc exercer cet amour envers Dieu, mais pour celuy de bienveuillance il semble impossible, car puisqu'il est infini et l'infinité mesme, on ne luy sçauroit souhaitter plus de sainteté et de perfection qu'il n'en a. Il est immense en grandeur, il surpasse infiniment en gloire les Cherubins et Seraphins, les Vertus, les Throsnes, tous les Anges et Esprits celestes; il a plus de perfection que tous les Saints et Saintes ensemble, et toute la leur, voire mesme celle de la glorieuse Vierge Marie, n'est rien en comparaison de celle du Fils de Dieu.

  A009000968 

 Cette charité n'est autre que la communion des Saints, et quand nous mourrons nous serons plus unis avec eux que nous ne sommes pas avec les plus chers amis que nous ayons ça bas en terre..

  A009000977 

 L'Eglise, non plus que les Saints, ne pretend pas que nous louions tousjours le Seigneur sans intermission, ni moins encores que nous passions les nuits entieres ou tous les jours en prieres; ains tousjours signifie que nous le fassions le plus souvent que nous pourrons, que nous rejettions frequemment nos cœurs en luy, que nous le louions en quelque temps et heure de la nuit et du jour, comme il se fait en l'Eglise.

  A009000979 

 Quand nous taschons de nous perfectionner de plus en plus, de procurer la sanctification [373] des autres, contribuant de nostre costé tout ce que nous pouvons, que nous desirons que tous louent et benissent Dieu, puisque tous le peuvent et doivent faire, que tous soyent saints, puisque tous le peuvent estre, nous causons une gloire accidentelle aux Bienheureux, laquelle ils n'auroyent pas sans cela.

  A009000980 

 La passion de l'amour est la premiere et la plus forte qui soit en l'ame; de là vient que l'amour nous rend tellement propre ce que nous aymons, que nous disons communement que les biens de la chose aymée sont plus à celuy qui ayme qu'à celuy qui les possede.

  A009000982 

 O non, car les ambitieux sont tousjours à contester qui d'entre eux aura plus d'honneur et telles autres choses, chacun voulant devancer son compagnon.

  A009000984 

 Il s'addressa à ses Apostres pour nous faire voir que c'estoit pour eux et ceux qui les ensuivroyent qu'il prononçoit principalement la premiere et la derniere des beatitudes: Bienheureux les pauvres d'esprit, bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice; car ils devoyent pratiquer cette pauvreté d'une façon speciale, et souffrir plusieurs persecutions comme personnes dediées plus particulierement à Nostre Seigneur.

  A009000986 

 Mais les Apostres et ceux qui les ont imités de plus pres ont prattiqué la pauvreté d'esprit selon l'intention de Nostre Seigneur, car ils quitterent tout pour le suivre et supporterent beaucoup d'incommodités qui sont ordinaires aux pauvres.

  A009000987 

 Et passant plus outre, il vouloit estre luy mesme sacrifié pour eux.

  A009000987 

 Non seulement, disoit-il, je veux me sacrifier moy mesme pour vostre salut, mais qui plus est, je me veux laisser sacrifier et vendre par d'autres.

  A009000987 

 Par exemple, je me veux non seulement discipliner, ains je veux souffrir que d'autres me disciplinent; car si je me disciplinois tout seul, quand j'en aurois assez il seroit en mon pouvoir de m'arrester et ne passer plus outre; mais me laissant discipliner par d'autres à leur gré, encores que je fusse tout meurtri ils ne laisseront pas pour cela de frapper.

  A009000988 

 Car que pensez-vous qui aye fait supporter avec tant de suavité l'aspreté des deserts à nos anciens Peres, en sorte qu'elle leur sembloit peu de chose, sinon cette pauvreté qu'ils cherissoyent si tendrement que rien plus? Saint François [378] n'en estoit-il pas passionné comme un jeune homme de sa maistresse qu'il aymeroit grandement? Aussi l'appelloit-il sa dame et estoit-il tousjours en attention pour en ressentir les incommodités, prenant en icelles tous ses delices.

  A009000999 

 Les anciens Peres, apres avoir tout consideré, s'arrestent avec admiration sur la plus vile et abjecte partie de toutes; car entre autres choses, Dieu avoit ordonné qu'on mist une cuve entre le tabernacle exterieur auquel demeuroit le peuple qui venoit pour offrir des sacrifices, et le tabernacle interieur où demeuroyent les prestres de la Loy; ou bien entre les deux autels, c'est à dire entre l'autel des holocaustes et celuy des parfums.

  A009001001 

 Quelques autres Peres tiennent que cette cuve represente la penitence, et ceux cy approchent de la verité encores de plus pres, ce me semble; car qu'est-ce autre chose la penitence sinon des eaux dans lesquelles il est du tout expedient que nous lavions nos pieds et nos mains, je veux dire nos œuvres et affections souillées et tachées de tant de pechés et imperfections? O mes cheres arnes, il est vray que la seule porte pour entrer au Ciel est la Redemption, sans laquelle nous n'y eussions jamais eu d'acces; mais à fin que cette Redemption nous soit appliquée il faut que nous fassions penitence.

  A009001002 

 Certes ils ont rayson, car cette doctrine n'est autre que l'eau dont quiconque boira n'aura plus soif, et, comme dit Nostre Seigneur, elle rejaillira jusques à la vie eternelle.

  A009001003 

 Lors nous les verrons avec un contentement indicible, tout glorieux par leur reunion à l'ame avec laquelle ils n'auront plus aucun divorce ni rebellion, ains luy seront absolument sousmis et sujets.

  A009001003 

 Quels sont ces tresors sinon nos ames qui, comme des tabernacles interieurs, sont cachées dans nos corps? Mais tout ainsy que l'ame anime et donne la vie au corps, aussi la doctrine evangelique la nourrit et vivifie, luy fournissant la lumiere et la force pour la conduire et la faire arriver à cet autre tabernacle plus interieur où habite le Tres Haut.

  A009001005 

 Me voyci maintenant sur le sujet de la feste de nostre tres chere Mere et Maistresse que nous celebrons aujourd'huy; car, je vous prie, quel plus beau et pretieux mirouer vous sçauroit-on presenter que celuy-cy? N'est-ce pas le plus excellent qui soit en la doctrine evangelique? N'est-ce pas elle qui l'a le plus ornée et enrichie, tant par ce qu'elle mesme a prattiqué que par les exemples admirables qu'elle nous a laissés? Certes, il n'y a point de Saint ni de Sainte qui luy puisse estre parangonné, car cette glorieuse Vierge surpasse en dignité et excellence non seulement les Saints, mais aussi les plus hauts Seraphins et Cherubins.

  A009001006 

 Que si le Sauveur fit une telle grace à celuy qui devoit estre son precurseur, qui pourra douter que non seulement il ayt fait la mesme faveur, mais qu'il n'ayt avantagé d'un privilege beaucoup plus grand et tout particulier celle qu'il avoit choisie pour estre sa Mere? Pourquoy ne l'auroit-il pas sanctifiée dès le sein maternel aussi bien que saint Jean?.

  A009001008 

 Il y a deux sortes de fleurs, les roses et les œillets, qui jettent la suavité de leur odeur differemment; car les roses sont plus odorantes dans la matinée, et leur parfum en ce temps-là est plus suave; les œillets, au contraire, [385] sont plus odorans sur le soir et leur senteur est plus forte et aggreable.

  A009001009 

 Cette aymable Pouponne ne fut pas plus tost née qu'elle commença d'employer sa petite langue à chanter les louanges du Seigneur, et tous ses autres petits membres pour le servir.

  A009001009 

 Sa divine Bonté luy inspira de se retirer de la mayson de ses pere et mere pour s'en aller au Temple, et là le servir plus parfaitement.

  A009001011 

 Elle s'y offrit et consacra avec telle ferveur, amour et humilité que les Anges et plus hauts Seraphins qui se promenoyent sur le balustre et galerie du Ciel en demeuroyent tout ravis, s'estonnant comme en la terre il se peust trouver une creature si pure, et qu'une ame revestue de corps humain peust faire une offrande et oblation si parfaite.

  A009001014 

 Au plus fort de ces blasphemes et injures une femme esleva sa voix (laquelle les saints Peres disent estre sainte Marcelle, mais comme l'Evangeliste ne la nomme pas, il vaut mieux dire seulement que c'estoit une femme), et surprise d'admiration pour le divin Maistre s'escria: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! Alors le peuple tout estonné se tut, et le Sauveur se retournant du costé de cette femme lu y respondit: Plustost bienheureux ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009001015 

 Et Nostre Seigneur luy respondit: Il est vray que le ventre qui m' a porté est bienheureux et les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses; car quel plus grand bonheur pouvoit arriver à une femme que de porter dans son sein Celuy qui est esgal au Pere, «Celuy que les cieux ne peuvent comprendre?» O que veritablement ce sein dans lequel le Fils de Dieu a pris chair humaine est heureux, et que cette Vierge a receu d'honneur ayant donné son plus pur sang pour former la sacrée humanité du Sauveur de nos ames! Partant, il est bien vray, o femme, ce que tu dis que non seulement ce sein, mais encores les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses, d'autant qu'elles ont nourri Celuy qui sustente toutes les creatures.

  A009001016 

 Neanmoins je te dis maintenant que quoy que ma Mere soit si heureuse parce qu'elle m'a porté dans son ventre et que j'ay succé ses mammelles, elle l'est beaucoup plus parce qu'elle a ouÿ la parole de Dieu et l'a gardée.

  A009001016 

 O que ce sein donc est bienheureux, semble dire Nostre Seigneur, puisqu'il est plus pretieux [389] que l'Arche d'alliance; et partant, que cette femme est bienheureuse, parce qu'elle est ma Mere.

  A009001019 

 Ils sont bien tous, en la cour et en la presence du prince, lequel regarde les uns, jette des œillades plus particulieres sur les autres, rit contre cestuy cy, parle à celuy là, donne des dignités aux uns, favorise les autres, que sçay-je moy, telles ou semblables choses qui se passent tous les jours parmi les cours des roys.

  A009001019 

 Mais il y en a que le prince favorise bien davantage et auxquels il tesmoigne un plus particulier amour: ce sont ceux qu'il fait entrer dans son cabinet pour s'entretenir avec eux, leur descouvrir ses secrets et leur communiquer ses conceptions.

  A009001019 

 Tous sont appellés, et plusieurs entendent l'inspiration, differemment neanmoins; les uns plus, les autres moins.

  A009001020 

 De ce nombre a esté la sacrée Vierge; c'est elle qui a esté menée au cabinet de Dieu et à laquelle ont esté descouverts mieux qu'à nulle autre creature les plus hauts mysteres.

  A009001020 

 Mais outre les faveurs qu'il octroyé à tous les enfans de son Eglise, il en a de particulieres pour ceux qu'il retire en son cabinet, c'est à dire en la Religion; là il leur parle plus familierement au cœur, leur revele ses secrets et leur descouvre ses intentions.

  A009001021 

 En fin elles peuvent estre aussi entendues de l'inspiration et volonté divine; car c'est le propre des vrays fidelles de porter le sacré nom de Jesus gravé dans leur cœur, non avec un burin autre que les clous, lance et espines qui percerent son saint corps; et de plus, tout bon Chrestien doit escouter et garder la parole de Dieu, ouyr son inspiration et faire sa volonté..

  A009001026 

 Mais lors que vous reviendrez ne serez-vous pas bien plus joyeuse qu'en y allant? O non certes.

  A009001029 

 De plus, quand je tascherois de l'aymer, celuy qui me l'ordonne de la part de Dieu est de si mauvaise grace, il a une si pauvre mine, qu'il me la rend tout à fait desplaisante et de mauvaise saveur.

  A009001042 

 C'est une chose admirable que nos anciens Peres, qui ont esté si clairvoyans et ont eu de si grandes lumieres pour expliquer et developper les plus grandes et obscures difficultés que presente la Sainte Escriture, se soyent neanmoins tous trouvés estonnés sur le premier point de cet Evangile pour sçavoir comme se doit entendre cela, que saint Jean qui connoissoit Nostre Seigneur envoya [398] ses disciples pour apprendre s'il estoit ce grand Prophete, ce Messie promis, ou s'ils en devoyent attendre un autre.

  A009001043 

 Or, qu'il sceust bien que Celuy à qui il envoyoit faire la demande estoit vrayement le Messie, cela est indubitable, car il le conneut estant encores dans le ventre de sa mere, et n'y a aucun Saint qui ayt eu une plus grande lumiere et intelligence du mystere de l'Incarnation que ce glorieux saint Jean.

  A009001044 

 Je m'arresteray seulement à ce qu'en disent deux de nos plus grans Docteurs, à sçavoir saint Hilaire et saint Chrysostome, qui ont le mieux rencontré, ce me semble, et ont visé droit au blanc de la verité.

  A009001045 

 Elle penetre le plus intime du cœur, et n'y a rien de si secret et caché qui ne soit tres clair et manifeste à cette divine Sapience.

  A009001045 

 J'ay esté comme un cerf qui a couru et sautelé par les fourrés les plus entourés de ronces et d'espines, mais vous estes ce divin chasseur qui de loin avez remarqué mes pas et mes vestiges; vous m'avez apperceu au lieu où j'estois, d'autant que vos yeux voyent et penetrent tout.

  A009001045 

 Que feray-je pour me cacher de vous? Si je monte au Ciel vous y estes, et là je vous trouveray beaucoup plus present que moy mesme.

  A009001045 

 Si, comme l'aube du jour et la belle aurore, je m'en vay courant sur les eaux, vous y serez plus tost que moy.

  A009001048 

 Puis, passant un peu plus avant, elle apperceut Nostre Seigneur, en forme de jardinier, lequel luy demanda encores: Femme, pourquoy pleures-tu? que cherches-tu? Certes, ce n'estoit pas merveille que les Anges fussent estonnés de voir pleurer Magdeleine ni moins qu'ils luy en demandassent la rayson, car ils ne sçavent comme l'on pleure; et bien que mistiquement l'on dise que les Anges pleurent, la Sainte Escriture s'exprime ainsy pour representer la terreur de quelque chose formidable, car en effect ils ne pleurent point.

  A009001053 

 La troisiesme raysort pour laquelle saint Jean envoya ses disciples à Nostre Seigneur fut à fin de les destacher de sa personne, de peur qu'ils ne vinssent à un si grand abus que de faire plus d'estat de luy que du Sauveur; car se plaignant à saint Jean comme ils se plaignoyent à Nostre Seigneur: Maistre, disoyent-ils, toy et nous tes disciples, avec les Pharisiens nous jeusnons, nous sommes mal vestus et faisons grande penitence; mais cet homme, ce grand Prophete qui opere tant de merveilles parmi nous n'en fait pas ainsy.

  A009001056 

 Aux autres qui ont quatre ou cinq ans, elle leur commence à apprendre à mieux parler, à manger des viandes un peu plus grossieres; et ceux qui sont un peu plus grans elle les dresse à la civilité et modestie..

  A009001057 

 Il faut qu'ils usent d'une grande discretion pour leur donner la pasture de la parole de Dieu au temps convenable et propre à la bien recevoir; discretion encores pour en bailler à un chacun ce qu'il en a de besoin et en la maniere qui est plus à propos.

  A009001061 

 O non certes, c'est le plus beau tiltre que nous nous puissions donner, et j'ay tousjours eu une particuliere devotion à cette grande sainte Blandine, qui fut martyrisée à Lyon et dont Eusebe rapporte la vie.

  A009001062 

 Cecy se doit bien plus entendre [408] de l'amour propre qui n'a point d'yeux pour voir son abjection et le neant d'où il est sorti et de quoy il est petri.

  A009001062 

 O Dieu, quel plus grand aveuglement que le nostre! Estans si pleins d'abjection et misere, nous voulons cependant estre estimés quelque chose! Qui nous aveugle de la sorte sinon nostre amour propre lequel, outre qu'il est aveugle de soy mesme, aveugle encores celuy en qui il demeure? Ceux qui ont peint Cupidon luy ont bandé les yeux, disant que l'amour est aveugle.

  A009001064 

 Certes, ceux qui sont entachés de cette lepre ressemblent proprement aux petits lezards, animaux vils et abjects, les plus foibles et imbecilles de tous; neanmoins, avec toute leur foiblesse et infirmité, pour peu qu'on les touche ils se retournent pour mordre.

  A009001064 

 Et la plus grande de toutes les miseres c'est qu'en cet estat l'on ne sçauroit nous toucher sans nous piquer jusques au cœur.

  A009001065 

 C'est je ne sçay quelle vaine complaisance en soy mesme et en ses actions laquelle fait qu'il nous semble n'avoir plus besoin de rien.

  A009001065 

 On ne se soucie pas d'entendre prescher la parole de Dieu, de lire des livres devots, d'estre reprins ni corrigé; on s'amuse à des niaiseries et l'on se met en grand peril, car, comme c'est un tres bon signe quand une personne escoute volontiers la divine parole, aussi en est-ce un mauvais quand elle en est degoustée et pense n'en avoir plus besoin..

  A009001074 

 Vous n'avez point trouvé un roseau, mais un rocher en fermeté, un homme d'une esgalité admirable parmi la varieté des divers accidens; vertu la plus aggreable et desirable qui soit en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Il faut tant d'affaires pour nous bien faire prendre une parole qui n'est pas selon nostre gré, que par apres l'on ne peut remettre ce cœur; il y faut appliquer tant d'emplastres! [414] Mon Dieu, quelle pitié, et quelle bigearrerie est la nostre! O non certes, il n'y a point d'esgalité parmi nous, et toutefois c'est l'une des choses les plus necessaires qui soyent en la vie spirituelle.

  A009001090 

 C'est d'icelle que Lucifer se servit pour tenter nos premiers peres, d'autant qu'il se dit que l'ambition estoit la plus violente de toutes, puisqu'elle l'avoit fait tres-bucher du Ciel aux enfers.

  A009001090 

 S'il faut en juger par toutes sortes d'arts, mestiers et professions, nous confesserons que la premiere et plus forte tentation c'est l'ambition, l'orgueil et l'outrecuidance.

  A009001091 

 Les autres tiennent que la cause de leur cheute fut l'envie; car ces esprits voyans comment le Seigneur devoit creer l'homme, comme il vouloit enrichir la nature humaine et comme il se devoit communiquer à cette nature s'incarnant et s'unissant à icelle d'une union hypostatique, en sorte que ces deux natures ne feroyent qu'une personne, ils furent touchés d'envie et marris de ce que le Createur pensoit relever cette nature par dessus la leur, et se dirent: Pourquoy Dieu voulant sortir de soy mesme pour se communiquer, ne choisit-il pas plustost la nature angelique et seraphique pour faire cette communication? n'est-elle pas plus noble et excellente que l'autre? Et de là ils vindrent à estre pleins de jalousie, d'ambition et d'orgueil, et tresbucherent miserablement..

  A009001092 

 Mais à quel propos tout cecy sinon pour exalter l'humilité de saint Jean Baptiste, qui est une des personnes qui intervinrent au mystere de la Visitation? Humilité, ce me semble, la plus excellente et la plus parfaite qui ait jamais esté apres celle de Nostre Seigneur et de la tres sacrée Vierge.

  A009001092 

 Voyci donques qu'il s'esleva contre luy une tentation d'orgueil et d'ambition, la plus forte et la plus rude que l'on se puisse imaginer; car remarquez, je vous prie, qu'elle ne luy fut point presentée par l'ennemy en personne et qu'elle ne vint point immediatement de luy.

  A009001093 

 Eve donques n'en eut non plus peur qu'un enfant n'en aurait d'un petit aignelet; l'ennemy luy parla sous la figure de ce serpent, luy donna de l'ambition et convoitise d'estre semblable à Dieu, et pour ce sujet elle mangea du fruit defendu..

  A009001095 

 Or, voyci que l'une des plus fortes, subtiles et dangereuses tentations qui se puissent voir s'addresse à saint Jean, non par des ennemis, comme j'ay desja dit, ni par des gens revestus de quelque masque d'hypocrisie, mais par ses amis, envoyés à luy de Hierusalem par les princes et docteurs de la Loy.

  A009001098 

 Mais considerez un peu la tres parfaitte humilité de ce glorieux Saint à rejetter non seulement les honneurs, les preeminences et tiltres qui ne luy appartenoyent pas, ains, ce qui est plus admirable, à refuser ceux qu'il pouvoit recevoir.

  A009001104 

 Certes, s'ils eussent demandé qui il estoit pour simplement sçavoir quelle estoit sa profession, il les eust sans doute bien informés de la verité, et avec plus de paroles; mais voyant qu'ils le tenoyent pour ce qu'il n'estoit pas, il se contente de dire en un mot qu'il n'est pas celuy qu'ils croyent..

  A009001105 

 Et pour l'ordinaire, telles gens ne sont rien, et les moindres sont ceux qui veulent le plus paroistre.

  A009001106 

 Comme donques est-ce que saint Jean estant venu en l'esprit d'Elie, peut il declarer avec verité qu'il ne l'est pas? Et il n'est pas menteur non plus qu'il ne l'eust esté s'il eust dit estre Elie.

  A009001106 

 O merveilleuse humilité que celle cy! [424] Il ne rejette pas seulement ce qui ne luy appartient pas (c'est le premier degré de l'humilité de ne vouloir point admettre ni moins rechercher d'estre tenu et estimé pour ce que l'on n'est pas), mais passant plus outre et trouvant une façon de parler en laquelle sans faire tort à la verité il pouvoit encores repousser l'honneur qui luy appartenoit, il le fit promptement, sans disputer ni se servir de beaucoup de discours; ains franchement et librement il dit: Non, je ne le suis pas.

  A009001107 

 Mais comment saint Jean pouvoit-il faire cette troisiesme negation avec verité, luy qui estoit non seulement Prophete, ains plus que Prophete? Nostre Seigneur le dit tout haut de sa propre bouche au peuple Juif; comme donques ose-t-il affirmer: Non sum, je ne le suis pas? Tous les anciens Peres, admirans les trois negations de ce glorieux Saint, s'estonnent de celle-cy et disent que ce fut en icelle que saint Jean alla aux dernieres extremités, et que pour peu qu'il eust passé plus avant, il eust menti: neanmoins il ne le fit pas..

  A009001108 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions sur cecy, à sçavoir, qui seroit ce grand personnage; mais la plus commune estoit qu'iceluy ne seroit autre que le Fils de Dieu.

  A009001109 

 Voyla donques comme saint Jean rembarra cette tentation d'orgueil et d'ambition, et comme l'humilité luy donna des inventions admirables pour ne point admettre ni recevoir l'honneur qu'on luy vouloit rendre, dissimulant et niant d'estre ce que veritablement il estoit; car il n'y a point de doute qu'il ne fust Elie et Prophete, voire plus que Prophete, Dieu l'ayant declaré luy mesme.

  A009001115 

 Remarquez, je vous prie, la parfaitte humilité de ce glorieux Saint: plus ils le vont poursuivant, plus il va reculant et s'approfondissant dans son neant, montant tousjours en un plus haut degré d'humilité.

  A009001116 

 L'un d'entre eux ayant ouy ce que tous ses freres alleguoyent sur les vertus, dit: Pour moy, il me semble que l'humilité est la premiere de toutes et la plus necessaire; et il fit cette comparaison qui revient bien à mon propos.

  A009001118 

 Mais comment saint Jean se pouvoit-il plus abaisser que de dire qu'il n'estoit qu'une voix? car la voix n'est qu'une fumée, qu'une exhalaison qui s'en va en l'air mener quelque peu de bruit et puis disparoist.

  A009001118 

 Mais à mesure qu'il s'abaisse, Dieu l'exalte et crie tout haut qu' il est Prophete et plus que Prophete; il l'appelle encores Ange, disant: Voicy que j'envoye mon Ange, et iceluy preparera ta voye.

  A009001118 

 Voyla donques ce glorieux saint Jean humilié jusques au plus profond de son neant.

  A009001119 

 Elles veulent se preferer à tous, s'estiment plus doctes, plus sçavantes que nul autre et leur semble qu'elles n'ont point besoin de maistre; cependant telles gens sont pour l'ordinaire grandement ignorans, mais on ne leur oseroit dire, car ils presument d'eux mesmes à merveille.

  A009001145 

 Et quels sont ces vers sinon les vifs et puissans remords de conscience qui piqueront et rongeront l'ame au souvenir et à la veue de tant de moyens et d'occasions qu'on a eus de servir Dieu? Quels remords de conscience aura-t-on à l'heure de la mort, voyant le nombre de documens, advis et instructions qui nous ont esté donnés [436] pour nostre perfection! Ce seront les plus grandes douleurs que l'on ressentira que celles cy.

  A009001145 

 Il est vray que dans les viandes qui sont gardées il s'y engendre des vers, et pour moy je crois que les vers qui rongent les consciences des damnés ne sont point les moindres, ains les plus grandes peines qu'ils souffrent.

  A009001145 

 Je vous l'expliqueray le plus familierement qu'il me sera possible; mais pour ce faire il faut que briefvement je vous en rapporte l'histoire..

  A009001145 

 Mais outre cela, il commanda qu'aucun n'en gardast pour le lendemain et que pas un n'en recueillist plus qu'il n'estoit marqué à dessein d'en faire provision, car il s'y engendreroit des vers et elle tourneroit à corruption.

  A009001146 

 Nous prendrons pour l'explication de ces paroles celles qu'Isaïe dit aux Israelites au quarantiesme chapitre de ses propheties, lesquelles sont les plus douces et aggreables qui se puissent entendre.

  A009001148 

 Les anciens Peres enseignent que ces parolles se doivent entendre en cette sorte: Lors qu'ils sont au plus fort de leurs travaux et afflictions, qu'ils sentent le plus le faix de leurs iniquités en cet esclavage et servitude, apres les avoir punis de leur meschanceté par ce fleau de tribulations, je les ay regardés et en ay eu compassion; et au comble de leur malice, c'est à sçavoir au plus mauvais de leurs journées, je me suis contenté de ce qu'ils ont souffert pour leurs pechés, et à cause de cela leurs iniquités leur seront pardonnées.

  A009001149 

 Une autre façon d'entendre ces paroles: Parce que leur malice est venue à son comble leurs iniquités leur seront pardonnées, est celle-cy: Lors qu'ils sont venus au comble, au midy, au plus haut point de leur meschanceté et ingratitude, lors qu'il semble qu'ils n'ayent aucune souvenance de leur Dieu ni plus de memoire de ses bienfaits, leurs iniquités leur seront pardonnées; c'est à dire, en ce temps là auquel ils meriteroyent d'estre precipités, Dieu leur pardonnera et ne se souviendra plus de leur meschanceté.

  A009001151 

 En somme, le monde estoit arrivé au plus haut point de sa malice; [439] et ce fut alors que Dieu vint pour le racheter et nous delivrer de la tyrannie du peché et servitude de nostre ennemy, sans estre esmeu à ce faire que par son immense bonté qui le porta à se communiquer en cette sorte..

  A009001151 

 Lors qu'il vint en ce monde c'estoit au temps où les hommes estoyent au plus fort de leur malice, lors que les Juifs vivoyent sans roy et que les lois estoyent entre les mains d'Anne et Caïphe, hommes meschans, lors que Herode regnoit et que Ponce Pilate presidoit; ils n'avoyent point de prestres, du moins ceux qu'ils avoyent ne valoyent rien, c'estoyent de mauvaises gens que tous ces miserables là.

  A009001151 

 Mais quand, outre ce que dessus, sa Providence a voulu faire des esclats plus grans de cette misericorde, ç'a esté une chose admirable, car il n'a voulu qu'aucun motif l'induisist à ce faire; ains, sans estre poussé d'autre cause que de sa seule bonté, il s'est communiqué en une façon du tout merveilleuse.

  A009001152 

 Ce fut alors que Nostre Seigneur contrepointa sa meschanceté et ingratitude par une debonnaireté et misericorde infinie, le touchant et luy pardonnant toutes ses iniquités au temps mesme où il l'avoit le plus demerité.

  A009001152 

 Quand est-ce qu'il pardonna à saint Paul? Lors qu'il estoit au comble de sa malice, ses iniquités luy furent pardonnées; car chacun sçait qu'au temps de sa conversion cet Apostre estoit en sa plus grande haine et furie contre Jesus Christ, si que, ne pouvant assouvir sa rage contre luy, il tournoit son courroux sur l'Eglise, mais avec une telle fureur qu'il en escumoit comme un fol et forcené lequel est hors de soy mesme.

  A009001153 

 Lors que les pecheurs sont le plus endurcis en leurs pechés, qu'ils sont venus à un tel point qu'ils vivent comme s'il n'y avoit pas de Dieu, de Paradis ni d'enfer, c'est alors que le Seigneur leur descouvre les entrailles de sa pitié et douce misericorde.

  A009001154 

 C'est chose admirable que l'esprit humain ne veuille point qu'on voye ses fautes, en sorte que quand il en a fait il les pense couvrir en commettant de plus oriefves.

  A009001154 

 David s'essaya de faire enivrer le bon Urie, et en cette faute il y avoit encores plus de malice que dans la premiere.

  A009001154 

 Mais n'ayant pas bien reussi en son dessein, car Urie estoit un honneste homme, brave cavalier qui ne pouvoit estre surpris en un tel vice, il s'avisa et resolut, pour cacher cette faute, d'en commettre une troisiesme plus griefve que les deux premieres, c'est à dire de le faire perdre.

  A009001155 

 Quel plus grand esclat voudriez-vous de la divine misericorde? car alors que David estoit au comble de sa malice, Dieu luy pardonna ses iniquités.

  A009001161 

 Mais il se trouve des personnes lesquelles ne veulent point regarder la penitence jusqu'à ce qu'elles n'en puissent plus.

  A009001162 

 Cette esgalité d'humeur est la plus aggreable vertu qui soit en la vie spirituelle et pour laquelle on a tousjours à travailler.

  A009001170 

 Les anciens Docteurs, particulierement saint Bonaventure, rapportent plusieurs similitudes de cecy pour nous le faire entendre; mais pour vous le rendre plus intelligible je l'accommoderay à nostre façon.

  A009001171 

 De mesme, le Fils n'est pas luy seul tout sage, mais le Pere et le Saint Esprit ont aussi la mesme sapience et sagesse, comme ce divin Esprit n'est pas non plus luy seul la toute bonté.

  A009001172 

 Je sçay bien que c'estoit aussi une figure de l'Eucharistie, ainsy que le disent nos anciens Peres; cependant, entre ce mystere et celuy de l'Incarnation il n'y a que cette difference, qu'en la Nativité l'on voit Dieu incarné en sa propre personne, et en l'Eucharistie nous le voyons en une forme plus couverte et en une façon plus obscure.

  A009001174 

 Le corps sacré de nostre Sauveur fut formé du plus pur sang de la Vierge, mais sa tres benite ame fut creée par le Pere et le Saint Esprit à l'instant mesme qu'ils eurent formé son corps.

  A009001176 

 De plus, s'ils ont conneu Dieu ils ne l'ont pas reconneu, ce [451] qui toutefois estoit le plus important.

  A009001179 

 Que si vous voulez voir cecy plus clairement, mettez de l'eau sur ce fer chaud et vous verrez qu'il retournera en sa premiere forme..

  A009001180 

 Or, comme le fer que l'on tire de la fournaise ne s'appelle plus fer seulement, ains fer embrasé, et le feu, un feu enferré, aussi disons-nous qu'en l'Incarnation Dieu est humanisé et l'homme divinisé.

  A009001183 

 Mais certes, despuis que les Juifs la presenterent à Nostre Seigneur lors qu'il dit en sa Passion qu'il avoit soif, et que cette esponge eut touché les levres sacrées de ce [455] divin Sauveur, elle fut canonizée, et dès lors aussi on n'a point fait de difficulté de la nommer dans les discours des choses saintes, et ce n'a plus esté une incivilité d'en parler mais au contraire une chose honnorable et bienseante; c'est pourquoy je m'en serviray pour vous faire entendre que c'est que l'Incarnation.

  A009001184 

 Le troisiesme point est celuy-cy: Pourquoy l'Incarnation a-t-elle esté faite? Pour nous enseigner à vivre non plus brutalement comme l'homme avoit vescu despuis la cheute d'Adam, mais avec et selon la rayson.

  A009001188 

 Aussi Nostre Seigneur merita plus en jettant un seul souspir amoureux que ne firent jamais tous les Saints et Saintes ou que tous les Cherubins et Seraphins; et Dieu fut plus honnoré par un seul acte d'amour et d'adoration que la tres benite ame du Sauveur fit à l'instant de sa creation, qu'il ne l'a esté et ne le sera jamais par toutes les creatures angeliques et humaines.

  A009001190 

 Il a choisi les choses les plus aspres et souffreteuses qui se puissent imaginer pour le temps de sa Nativité.

  A009001191 

 O que c'est une belle chose à considerer que le mystere tres haut et tres [460] profond de l'Incarnation de nostre Sauveur! Mais tout ce que nous en pouvons entendre et comprendre par le discours n'est rien, et pouvons bien dire à ce propos ce que disoit un sage qui lisoit un livre tres haut et obscur d'un ancien philosophe (je ne me souviens pas de son nom); il advoua franchement: Ce livre est si docte et difficile que je n'y entens presque rien; le peu que je comprens est extremement beau, mais je crois que ce que je n'entens pas l'est plus encores.

  A009001197 

 vin, et respandent des odeurs plus.

  A009001198 

 suaves que les onguens les plus exquis..

  A009001203 

 Neanmoins, apres tant de desbauches et une si longue absence, lors qu'il retourna à son pere, non seulement il le receut sans se courroucer contre luy, mais qui plus est, il l'embrassa et le caressa tendrement, et l'ayant fait vestir somptueusement, il luy fit un festin en signe de la joye qu'il avoit de son retour, et le traitta avec tant de benignité, d'amour et de tesmoignages de bienveuillance qu'il sembloit vouloir luy monstrer plus d'affection apres ses [463] desbauches qu'il n'avoit fait auparavant.

  A009001203 

 O que cette longanimité et debonnaireté de Nostre Seigneur reduit et ramene bien mieux les ames à leur devoir, et a beaucoup plus d'efficace et de pouvoir pour les retirer du peché que n'ont pas les corrections des hommes lesquelles sont signifiées par le vin! Nous en avons plusieurs exemples, entre lesquels en voicy deux signalés.

  A009001205 

 Ainsy en est-il des consolations du monde; car au commencement et pour un peu vous y trouverez certain goust qui vous donnera quelque sorte de suavité grossiere et impure, laquelle en fin finale se terminera en aspreté et amertume, et si apres vous [464] y retournez cent fois, vous n'y trouverez plus que du degoust.

  A009001205 

 O certes, les mammelles de ce divin Sauveur, c'est à dire ses consolations saintes et sacrées, ne sont pas de cette sorte, car plus elles sont tirées et plus elles sont fecondes.

  A009001205 

 Prenez un raisin et l'espraignez: pour la premiere fois vous en tirerez du vin; mais retournez-y la seconde, il le faudra bien presser, et si, vous n'en tirerez plus qu'un peu de suc bien aspre et amer; mais apres, si vous y retournez pour la troisiesme fois vous n'en tirerez plus rien du tout.

  A009001206 

 Mais je dis qu'il faut faire l'un pour se rendre plus capable de l'autre, principalement quand la charge et l'estat auquel on est appellé y oblige.

  A009001208 

 Or, quelles sont les mammelles que les compagnes de l'Espouse desirent si ardemment, et sans lesquelles elles ne peuvent subsister ni se maintenir? La premiere est la mammelle de compassion, par laquelle l'on supporte et l'on a pitié des foibles, des infirmes et des pecheurs; ce qui fait qu'avec une grande charité on leur compatit, on les console, et on les flatte et caresse pour les attirer à Dieu et leur ayder doucement à se retirer du mauvais estat auquel ils sont plongés: en un mot, par cette compassion on se fait en certaine façon semblable à eux pour les gaigner plus facilement, et c'est la marque de la vraye devotion et de la bonne oraison, que de se faire, à l'exemple du grand Apostre, tout à tous, pour les gaigner tous..

  A009001209 

 Voulez-vous sçavoir si vous avez fait une bonne oraison, et si vous avez baysé Nostre Seigneur du bayser de la bouche? regardez si vous avez la poitrine pleine de douces et charitables affections envers le [466] prochain, et si vostre coeur est disposé de le secourir en tputes ses necessités et le supporter amoureusement en toutes sortes d'occasions; car l'oraison qui nous enfle et nous fait presumer d'estre quelque chose de plus que les autres, et qui nous porte à mespriser le prochain comme imparfait, nous le faisant corriger de ses defauts avec arrogance et sans compassion, n'est pas bonne et n'est point faite en charité, verité et sincerité.

  A009001210 

 Courage, luy devons-nous dire, nous avons desja quelque peu avancé au chemin de la vie spirituelle; allons un petit plus avant, nous ferons bien encores une lieue de chemin, puis nous en ferons davantage; et ainsy se passionner pour acheminer les ames à Dieu..

  A009001211 

 Et ce trait de ce mesme Apostre n'est-il pas admirable, quand, pressé de la vehemente affection qu'il avoit du salut des Juifs, il quittoit en telle sorte son propre interest qu'il desiroit d'estre anatheme pour eux? O ptabam anathema esse a Christo pro fratribus meis; luy qui aymoittant son divin Maistre qu'il disoit: Je ne vis plus en moy mesme, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy; Vivo ego jam non ego, vivit vero in me Christus..

  A009001214 

 Certes, la crainte d'enfer est un motif des plus puissans que nous puissions avoir pour nous tenir en bride et nous empescher de transgresser la loy de Dieu, c'est pourquoy cette crainte est bonne; mais pour les espouses ce motif est trop grossier et trop bas, car elles ne veulent point d'autre mammelle que celle de l'amour..

  A009001214 

 Mais outre ce que nous avons dit pour l'explication de ce passage: Meliora sunt ubera tua vino, fragrantia unguentis optimis; Vos mammelles sont meilleures que le vin, et respandent des odeurs plus suaves que les onguens les plus exquis, plusieurs Docteurs qui ont escrit sur ce sujet disent que par ces mammelles nous sont representés les deux Testamens: à sçavoir, par la mammelle gauche l'Ancien Testament, qui contenoit une loy de crainte, et par la mammelle droite le Nouveau Testament, qui contient une loy toute d'amour; et disent qu'avec ces deux mammelles il faut eslever les enfans de l'Eglise, qui sont les Chrestiens, d'autant qu'il les faut soustenir par la crainte et les animer par l'amour, lequel sans la crainte vient aysement à se relascher, et la crainte sans l'amour abat et allanguit le cœur et l'esprit.

  A009001217 

 Il arrivera quelquefois que nous aurons de l'amour autant ou plus que jamais, et neanmoins nous croyons le contraire, d'autant que nous n'en avons pas le sentiment.

  A009001223 

 Neque ambulavi in magnis, neque in mirabilibus super me; Je n'ay point cheminé plus hautement qu'il ne m'appartenoit, et n'ay point porté mon entendement à la recherche des choses curieuses et admirables..

  A009001224 

 Si je ne me suis abaissé et humilié, dit-il, voicy, o Seigneur, ce que je veux qui m'arrive: Sicut ablactatus est super matre sua, ita retributio in anima mea; C'est que vous me separiez de vous et me retiriez vos sacrées mammelles, et je demeureray comme l'enfant sevré avant le temps, qui ne fait plus que languir, pleurer, gemir, se lamenter et regretter sa perte; si donques je n'ay tousjours esté bas, vil et abject à mes yeux et à mon propre jugement, ainsy soit-il fait à mon ame.


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000062 

 Il se fit encor d'autres miracles en cette Incarnation, dont le plus grand est que le Verbe divin fut conceu et naquit d'une femme, que cette femme fut vierge et mere tout ensemble.

  A010000062 

 Plusieurs prodiges, il est vray, se sont operés avant celuy-cy, les uns par Nostre Seigneur, les autres en Nostre Seigneur et les autres pour l'avenement de Nostre Seigneur, comme celuy de l'Incarnation qui est le plus grand de tous et la merveille des merveilles.

  A010000065 

 Ouy, le Sauveur vint pour recreer l'homme, car il s'estoit perdu: Je viendray, dit-il, pour refaire un homme nouveau; car l'homme s'estoit tellement aneanti par le peché qu'il ne paroissoit plus ce qu'il estoit en sa premiere origine.

  A010000068 

 L'Apostre dit que le Chrestien est nourri de la chair vivante et du sang du Dieu vivant, ce qui est vray; et quoy que cette verité repugne à nos sens qui n'y peuvent rien voir, neanmoins nous le croyons et mesme avec d'autant plus de suavité que nos sens en connoissent moins.

  A010000068 

 Nous croyons cette verité et ce mystere, qui est le plus grand et le plus obscur de tous avec Celuy de l'Incarnation; toutefois, parce que la foy nous l'enseigne, nous croyons que Jesus Christ est en ce tres saint Sacrement en corps et en ame.

  A010000070 

 Puis viennent les regrets et reproches de part et d'autre, mais il n'est plus temps, car c'en est fait.

  A010000071 

 Mais que fera cette sainte Dame, car elle ne porte point d'argent pour faire acheter du vin? Son Fils n'en a point, non plus qu'elle; sur quoy fonde-t-elle donques son esperance de remedier à cette necessité? O certes, elle sçavoit qu'elle avoit amené avec elle Celuy qui est tout puissant et dont elle connoissoit la grande charité et misericorde, par laquelle il pourvoiroit infailliblement au besoin de ces pauvres gens.

  A010000072 

 De plus, je ne doute point de vostre charité et misericorde; souvenez-vous de l'hospitalité qu'ils nous ont faite de nous convier à leur banquet, et fournissez, s'il vous plaist, ce qui leur manque..

  A010000073 

 Neanmoins la Sainte Vierge n'eut pas besoin de faire un si long discours à son Fils pour luy representer la necessité de ces noces; aussi, comme tres avisée et sçavante en la maniere de bien prier, elle usa de la plus courte mais de la plus haute et excellente façon de prier qui soit et qui puisse estre, disant seulement ces deux paroles: Mon Fils et mon Seigneur, ils n'ont point de vin.

  A010000073 

 Priere certes tres excellente, en laquelle cette sainte Dame parle à Nostre Seigneur avec la plus grande reverence et humilité qui se peut imaginer; car elle s'en va à son Fils non point avec asseurance ni avec des paroles pleines de presomption, comme font plusieurs personnes indiscretes et inconsiderées; mais, avec une humilité tres profonde, elle luy represente la necessité de ces noces, tenant pour tout asseuré qu'il y pourvoira, ainsy que nous le dirons bien tost..

  A010000074 

 Me voicy, Seigneur, pauvre homme que je suis, le plus pauvre de tous les hommes et rempli de pechés.

  A010000078 

 Mais, o Dieu, qui est si hardi que d'y vouloir mettre la pointe de son esprit, pour aigu et subtil qu'il puisse estre, à fin d'en comprendre le vray sens, sans avoir receu la lumiere d'en haut pour cela? Cette responce estoit toute amoureuse, et la Sainte Vierge qui le sçavoit bien s'en sentit la plus obligée mere qui aye jamais esté.

  A010000078 

 Quelles paroles icy entre le Fils et la Mere, entre deux cœurs les plus aymans et les plus aymables qui furent jamais! Qu'avez-vous à demesler avec moy, femme? Ha, Seigneur, qu'a à faire la creature avec son Createur de qui elle tient l'estre et la vie! qu'a à faire la mere avec son fils, qu'a à demesler le fils avec la mere de qui il a receu le corps, c'est à dire l'humanité, la chair et le sang! Ces paroles semblent estre bien estranges, et en effect estans mal entendues par des ignorans qui les ont voulu interpreter, ils en ont formé trois ou quatre heresies.

  A010000079 

 Or, nostre divin Maistre voulant faire cette leçon au inonde, se servit du cœur de la tres sainte Vierge; en quoy certes il luy donna des preuves tres grandes de son amour, comme s'il disoit: Ma tres chere Mere, en vous respondant: Qu'avez-vous à demesler avec moy? je ne veux point vous esconduire en vostre demande; car qu'est-ce que peut refuser un tel Fils à une telle Mere, la plus aymée et la plus aymante qui ayt jamais esté? Mais d'autant que vous m'aymez parfaitement, aussi vous aymé-je souverainement; et cet amour que je vous porte et celuy duquel je sçay que vous m'aymez m'a fait prevaloir de la fermeté de vostre cœur pour donner cette leçon au monde, estant tout asseuré que ce cœur tres amoureux ne s'en esmouvra point.

  A010000081 

 veu que la Sainte Vierge le conjureroit de haster le moment de sa venue au monde, et que l'exauçant, il s'incarneroit plus tost qu'il n'eust fait si elle n'eust prié..

  A010000085 

 Voyla une bonne femme qui a un fils malade; o Dieu, il faut employer le Ciel et la terre, car cet enfant est unique, c'est le fruit de mon sein, c'est [16] en luy que j'ay mis toute mon esperance; et quand les remedes humains n'y peuvent plus rien on recourt aux vœux qu'on fait aux Saints.

  A010000094 

 L'avare la cherche dans les richesses, [18] mais il ne l'y sçauroit trouver, d'autant que les richesses ne sont qu'amertume; d'autres la cherchent dans les voluptés, mais ils ne l'y peuvent rencontrer, car les voluptés sont plus propres aux bestes qu'aux hommes, et au lieu de contenter le cœur elles l'abrutissent; d'autres recherchent leur felicité dans les honneurs et satisfactions de cette vie, mais ils ne l'y trouvent pas non plus, car tous les playsirs sont sujets à mille vicissitudes et accidens, et ceux qui possedent le plus de ces biens l'experimentent journellement; les plus grans roys et princes le ressentent mesme tous les jours, voire bien souvent avec plus de rigueur que le reste des hommes..

  A010000097 

 La grace nous y dispose, et la charité est comme la racine qui engendre et cause l'union; à mesure que nous aurons plus de grace en cette vie, nous aurons aussi plus de gloire au Ciel, et par consequent plus d'union.

  A010000099 

 Et non content de cela, il est venu ça bas en terre comme un divin negociateur pour chercher ces pierres pretieuses, s'exerçant à la prattique des vertus, leur baillant encores un plus [21] beau lustre par ce moyen, à dessein de nous en rendre amoureux, à ce que, les recherchant et nous adonnant à la conqueste d'icelles, nous puissions obtenir la vie eternelle qui leur est reservée; car c'est aux vertus et bonnes œuvres qu'elle se donne, voyla pourquoy tous les Chrestiens les cherchent..

  A010000099 

 Neanmoins ce n'est point do cette beauté que depend leur plus haute valeur, ains de l'estime qu'elles ont devant Dieu, qui en fait un si grand estat qu'il leur a promis la felicité, c'est à dire la vie eternelle.

  A010000100 

 Il traverse la mer, il souffre mille et mille fatigues pour acquerir un bien qu'il appete et dont il a besoin pour s'enrichir; mais il ne l'a pas plus tost, que la chose mesme en quoy il constituoit sa felicité le fatigue et ennuye.

  A010000100 

 Le voyla donques à la recherche d'une autre, laquelle ayant encores acquise avec mesme et voire plus grande peine que la premiere, elle luy cause neanmoins aussi du degoust et de la fascherie, ce qui luy en fait derechef poursuivre une autre; de sorte que ce pauvre homme pensant trouver dans ces biens apparens la felicité apres laquelle son cœur parpille, il n'y rencontre que fiel et amertume.

  A010000100 

 Que s'il y en a quelques uns qui ne les trouvent pas, c'est qu'ils les cherchent et les pensent trouver où elles ne sont point, à sçavoir dans les richesses, dans les honneurs et voluptés; aussi sont-ils pour l'ordinaire trompés, car les vertus ne se tiennent pas emmi ces choses, on les y rencontre difficilement, et de plus, ces richesses, ces honneurs et voluptés n'apportent qu'amertume, degoust et fascherie.

  A010000103 

 Or, bien que tous les Chrestiens doivent rechercher cette perle et vendre tout ce qu'ils ont pour l'acquerir, chacun selon sa vocation, si est-ce que les Religieux, les Religieuses et les personnes dediées à Nostre Seigneur y sont obligés d'une obligation plus estroitte et particuliere.

  A010000103 

 Quoy que cette perle soit la perfection chrestienne, si est-ce que nous pouvons dire encores plus proprement que la perfection religieuse est la vraye perle evangelique, pour laquelle acheter il faut tout quitter, et en une façon bien plus speciale que pour la perfection chrestienne, car pour celle cy on la peut acquerir en gardant les commandemens de Dieu; mais pour la perfection religieuse il ne faut pas seulement garder les preceptes, ains aussi les conseils, les [23] secrettes inspirations et les mouvemens interieurs.

  A010000105 

 (Il est hors de doute qu'il y a des lieux où les hommes naissent plus beaux qu'ailleurs. Or, l'Escosse a cet advantage par dessus les autres païs du monde, mais d'en vouloir deduire les raysons il n'est pas à propos icy; tout cela importe peu, pourveu que nous allions en Paradis c'est assez.).

  A010000105 

 Elle naquit en Escosse; c'estoit une fille extremement belle, car les Escossois sont naturellement beaux et on trouve en ce païs les plus belles creatures qui se puissent voir.

  A010000106 

 Donques, parmi les filles de cette contrée, qui sont naturellement belles, sainte Brigide l'estoit singulierement; c'est pourquoy, bien qu'elle fust de basse extraction selon sa mere, elle fut recherchée en mariage par les plus advantageux partis de toute l'Escosse, lesquels s'oubliant de la bassesse de son origine, la desiroyent pour son extraordinaire beauté qui la rendoit fort aggreable.

  A010000107 

 C'est beaucoup fait que d'avoir quitté les pretentions et esperances; il est mesme plus malaysé de s'en desprendre que des biens que l'on possede.

  A010000108 

 Elle refusa cet honneur avec les richesses qui l'accompagnoyent; elle rejetta, pour suivre l'attrait de la grace, les playsirs et voluptés que telles choses luy presentoyent, nonobstant qu'elle vist bien qu'en les acceptant elle seroit, selon le monde, la plus heureuse fille qui se puisse rencontrer..

  A010000109 

 Mais quant à celuy de la beauté et de la santé, oh! ce sont ces deux cy dont elles se prisent; car les femmes et filles ont une jalousie toute particuliere de les conserver, et leur plus grand soin et estude ne tend à autre chose sinon à faire ce qui peut les accroistre et entretenir, comme si leur felicité en dependoit..

  A010000110 

 Et que dirons-nous des femmes de Venise qui, apres avoir lavé leurs cheveux, se vont percher sur les toits les heures entieres aux rayons du soleil pour faire devenir leurs cheveux blonds, et de celles qui portent des emplastres sur leur visage tout le long de la semaine pour les arracher le Dimanche, à fin de paroistre blanches et aggreables aux yeux de quelques fous? En somme, c'est une chose estrange de ce que ce sexe met en œuvre pour conserver sa beauté; c'est pourquoy, d'autant plus qu'il est curieux de cecy, d'autant plus le renoncement que l'on en fait est excellent..

  A010000111 

 Dès lors, ceux qui la recherchoyent n'en firent plus d'estat et la quitterent entierement; ce que voyant son pere, et que par cet accident il estoit frustré de l'esperance qu'il avoit de faire de bonnes alliances, il la rejetta aussi, la chassa hors de sa mayson et se resolut de la rendre Religieuse.

  A010000111 

 Elle fit donques une priere tres fervente à son Espoux, le suppliant de luy oster cette beauté corporelle à fin que plus aysement elle peust conserver la spirituelle; ce qu'il luy accorda, car elle ne demandoit cela que pour sa gloire.

  A010000111 

 Voyez-vous que c'est du monde? Quand elle estoit belle et recherchée des plus grans du païs son pere la tenoit chez luy à cause du bien et advantage qu'il eu attendoit; mais la trouvant changée, oh! il la faut envoyer en Religion, elle ne vaut rien pour le monde..

  A010000112 

 A mesme temps Dieu luy rendit la lumiere corporelle et sa premiere beauté, mais en une façon beaucoup plus excellente que la premiere; car son celeste Espoux voyant que pour acquerir son amour et acheter cette perle de la perfection religieuse elle avoit quitté sa santé et sa beauté, il l'en favorisa bien plus pleinement qu'elle ne l'eust peu esperer.

  A010000112 

 Et pour ce, elle renonça à sa volonté, à son jugement et liberté; elle devint une parfaite Religieuse, reluisit en la plus excellente obeissance qui se puisse dire, et fut extremement simple; en un mot, elle estoit accomplie en toutes vertus..

  A010000112 

 La Sainte demeura tres contente de tout cecy, car elle l'a voit demandé à son Espoux celeste à fin d'avoir plus [27] de liberté de le servir: elle entra donques en un monastere.

  A010000112 

 Mais sainte Brigide passa plus outre, car elle pensa avoir peu fait si elle ne se quittoit encores elle mesme.

  A010000113 

 En somme, il est tres malaysé de faire mourir ce propre jugement et de ne plus user de sa liberté..

  A010000113 

 Je feray bien telle chose, mais je vois qu'il seroit mieux autrement; mon Dieu, on me dit que je la fasse ainsy, et cependant je vois que j'en [28] tirerois beaucoup plus de proffït si je la faisois en cette sorte; un tel exercice me seroit bien plus proffitable pour mon avancement que non pas cet autre.

  A010000115 

 Mais on passe encores plus outre, et on commence à se quitter soy mesme, à s'assujettir à la direction d'autruy et à renoncer sa propre volonté et son jugement, c'est à dire son propre sens, son propre esprit; on se sousmet à la correction et reprehension, qui est le dernier essay et le plus important de la perfection religieuse..

  A010000117 

 Au reste, quand mesme nous quitterions de grans biens [30] pour aller souffrir en Religion toutes les disettes et les incommodités que la pauvreté traisne apres soy, o Dieu, que ce seroit bien peu au prix de ce que Nostre Seigneur a quitté pour nous! car ne pouvant estre pauvre au Ciel, où il n'y a ni peut avoir aucune disette, il s'est humanisé et il est venu en ce monde endurer la plus grande pauvreté des choses necessaires à l'usage de sa vie, et ce, pour nous enrichir et donner des preuves de son amour..

  A010000117 

 C'est alors qu'on n'entreprend pas seulement de tout quitter, mais on quitte tout à fait toutes choses et s'oblige-t-on à ne plus vivre en sa liberté et selon sa volonté, ains en l'obeissance et sousmission.

  A010000117 

 On renonce à ce qui est inutile et se contente-t-on du necessaire pour l'entretien de la vie, embrassant la sainte sobrieté qui retranche le superflu et donne ce qui fait besoin, sans permettre que l'on en souffre aucune grande disette; car si on trouve en quelque lieu ce qui est requis pour la conservation de cette vie miserable, c'est bien en la Religion où il se depart plus soigneusement que par tout ailleurs.

  A010000117 

 Or, bien que cela se commence à prattiquer quand on se dedie au service de Dieu, si est-ce qu'il se fait bien plus entierement quand on prononce les vœux.

  A010000118 

 Je vous dis derechef que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous vous donnez tellement à Dieu que desormais vous viviez non plus selon vos humeurs et fantasies, mais selon les Regles et Constitutions et la volonté de ceux qui vous gouverneront..

  A010000120 

 Lors le premier trempa ses mains dans cette eau fraische et commença de laver son compagnon qui devint plus blanc que la neige.

  A010000123 

 Elle fit une oraison fervente, en laquelle elle demanda à son Espoux sacré non seulement la veuë corporelle pour Urie, mais beaucoup plus la spirituelle; et il luy accorda l'une et l'autre, car il ne luy refusoit rien.

  A010000124 

 Mais elle se sentit aussi tost esclairée d'une autre lumiere qui eschaufïa son cœur et qui luy fit appeter les biens eternels et perdurables, beaucoup plus excellens que ceux qu'elle appercevoit par ses sens; et lors, considerant combien cette veuë corporelle la pourroit empescher et retarder au dessein d'acquerir le souverain bien qui est Dieu, elle desira de la perdre une autre fois pour jouir plus pleinement de la veuë spirituelle.

  A010000125 

 O Dieu, que cette Urie fut heureuse de tout delaisser pour tout avoir; car quittant la veuë elle quitta vrayement tout, d'autant que c'est la chose la plus pretieuse au corps de l'homme, celle que l'on conserve le plus soigneusement et que l'on craint davantage de perdre.

  A010000135 

 Je ne dis pas aussi que vous n'en aurez point, parce que je mentirois, car je sçay bien que vous en aurez; mais pourtant il n'y faut pas venir à cette intention, mes cheres Filles, ains pour y faire la volonté de Dieu et pour luy estre tant soit peu plus aggreables..

  A010000136 

 Ainsy vos mains, vous ne les tiendrez plus dans des manchons, vous ne prendrez plus tant de peine pour les entretenir, mais les employerez à tout ce que l'obeissance ordonnera.

  A010000136 

 Il ne vous sera point loysible d'ouyr des choses inutiles, non pas mesme ce que vous pouviez bonnement entendre dans le monde; car il faut tout quitter en la Religion pour se dedier tout entiere à la plus grande gloire de Dieu.

  A010000136 

 Sçachez qu'il faudra mortifier vos «sens exterieurs» et interieurs: vostre memoire, vous ne la devrez plus occuper sinon à ce qui est de l'obeissance, oubliant ce que vous sçaviez au monde, quoy qu'il fust bon, pour apprendre ce que l'on voudra; et quant à vostre volonté, il la faudra conformer à celle de vos Superieurs.

  A010000136 

 Vous n'aurez plus aucun souci de vous conserver, ains laisserez tout le soin de vous mesmes; en fin, mes cheres Filles, il vous faudra toutes conformer au bon playsir de Dieu, et non à vos inclinations..

  A010000139 

 Mais il y a une autre sorte de vie plus parfaite que tout cela, laquelle est une escole de la perfection, où l'on est plus totalement et plus facilement à Nostre Seigneur: c'est la vie monastique et religieuse que vous avez choisie à fin de vous rendre plus aggreables à sa divine Majesté, car il ne faut point avoir d'autre pretention.

  A010000150 

 parfums des onguens les plus exquis..

  A010000153 

 Ton nom est comme un huile respandu, lequel estant composé de tous les parfums plus pretieux, rend des odeurs souverainement delectables; c'est pourquoy les jeunes filles t'ont aymé.

  A010000157 

 Les amours de Nostre Seigneur ont, au dessus de tous les playsirs terriens, une force incomparable et une proprieté indicible pour recreer le cœur humain, non seulement plus que toute autre chose, ains rien n'est capable de luy donner un parfait contentement que le seul amour de Dieu.

  A010000157 

 Or, dit la chere amante, tes amours qui sont tes mammelles, o mon Bien-Aymé, produisent une certaine liqueur odoriferante qui recrée merveilleusement mon ame, si que je n'estime nullement la bonté des vins plus pretieux et delicats des playsirs de la terre; ils ne sont rien en comparaison, ce sont plustost des ennuis.

  A010000157 

 Prenez, si vous voulez, tous les plus grans de la terre et considerez leur condition les uns apres les autres; vous verrez qu'ils ne sont jamais vrayement satisfaits, car s'ils sont riches et eslevés aux plus hautes dignités du monde ils en desirent tousjours davantage..

  A010000160 

 Je passe plus avant et veux que nous aymions les Anges; parlant communement, quel gain en tirerons-nous? car ce sont comme nous des creatures, esgalement sujettes à Dieu, nostre commun Createur.

  A010000160 

 Je veux que nous logions nos affections et nostre amour aux hommes, qui sont creatures animées, capables de rayson; qu'est-ce qui nous en reviendra? Nostre trafic ne sera-t-il pas vain, puisqu'estans hommes comme nous, esgaux en la nature, ils ne peuvent que nous rendre un contreschange en nous aymant parce que nous les aymons? Mais ce sera tout, car n'estans pas plus que nous, nous ne ferons nul profit, et ne recevrons pas plus que nous ne leur donnons: nous leur donnerons nostre amour et ils nous donneront le leur, et l'un pour l'autre.

  A010000162 

 Et si bien ce chantre revient plus [45] souvent par force que par amour, au lieu de le rebrouer il ne laisse pas de le recevoir et de luy donner le mesme office qu'auparavant en sa chapelle, voire mesme, ce semble, davantage..

  A010000162 

 Le cœur humain est un chantre infiniment aymé de Dieu, qui est la souveraine Sainteté; mais ce chantre est fort bigearre, et fantastique plus qu'il ne se peut dire.

  A010000163 

 O que la bonté de nostre Dieu est grande! C'est pourquoy l'Espouse à juste rayson s'escrie: O mon Bien-Aymé, que meilleures sans comparaison sont tes mammelles, que tes amours et tes delices sont mille fois plus aggreables que celles de la terre! car les creatures, fussent-elles des plus hautes et relevées et des Anges mesme, fussent-elles des freres ou des sœurs, elles ne nous sçauroyent satisfaire ni contenter.

  A010000165 

 O Dieu, quelle grace de reserver tout nostre amour pour Celuy qui nous recompense si bien en nous donnant le sien! En donnant nostre amour aux creatures nous ne recevons nul gain, d'autant qu'elles ne nous rendent pas plus que nous ne leur donnons; mais nostre divin Sauveur nous donne le sien, qui est comme un baume pretieux lequel respand des odeurs souveraines en toutes les facultés de nostre ame..

  A010000166 

 Elle est cette unique fillette qui a plus excellemment aymé le divin Espoux que jamais nulle creature n'a fait ni fera; car elle commença à l'aymer dès l'instant de sa conception glorieuse aux entrailles de la bonne sainte Anne, se donnant à Dieu et luy dediant son amour dès qu'elle commença d'estre..

  A010000166 

 Or, je sçay bien que nul ne peut jamais parvenir à un si haut degré de perfection que de dedier aussi absolument son amour à Dieu et à la suite de sa divine volonté comme lit Nostre Dame; mais pourtant nous ne devons pas laisser de le desirer, et commencer le plus tost et le plus parfaittement possible selon nostre capacité, qui est incomparablement moindre que celle de cette sainte Vierge.

  A010000167 

 L'Espouse sacrée passant plus outre en l'entretien qu'elle fait avec son divin Espoux: Tirez-moy, dit-elle, [47] et nous courrons.

  A010000169 

 Les Religieuses que font-elles autre chose sinon de se tenir dans leurs chambres? ains, non contentes de cela, elles s'enfoncent en elles mesmes pour demeurer plus seules, et par ce moyen se rendre plus capables de jouir de la conversation de leur Espoux.

  A010000171 

 Mais considerons un peu à part, je vous prie, les vertus qu'elle prattiqua et fit paroistre plus excellemment que toutes autres au jour de sa glorieuse Annonciation, vertus que je ne feray que marquer en passant et [49] puis je finiray.

  A010000172 

 La virginité et absolue chasteté est une vertu angelique; mais bien qu'elle appartienne plus particulierement aux Anges qu'aux hommes, si est-ce pourtant que la pureté de Nostre Dame surpassa infiniment celle des Anges, ayant trois grandes excellences au dessus de la leur, mesme de celle des Cherubins et Seraphins.

  A010000173 

 Mais en particulier, n'est-ce point par son moyen et par son exemple que sainte Magdeleine, qui estoit comme un chaudron noirci de mille sortes d'immondicités et le receptacle de l'immondicité mesme, fut par apres enroollée sous l'estendart de la pureté de Nostre Dame, estant convertie en une fiole de cristal toute resplendissante et transparente, capable de recevoir et retenir les plus pretieuses liqueurs et les eaux plus salutaires?.

  A010000175 

 De plus, la virginité de Nostre Dame surpassa celle des Anges parce que ceux cy sont vierges et chastes par nature.

  A010000178 

 Lors elle fit le plus grand acte d'humilité qui ait jamais esté fait et qui se fera jamais par une pure creature; car se voyant exaltée par l'Ange, lequel la salua disant qu'elle estoit pleine de grace et qu'elle concevroit un fils qui seroit Dieu et homme tout ensemble, cela l'esmeut et la fit craindre.

  A010000178 

 Mais elle ne fut pas seulement vierge par excellence au dessus de tous autres, tant Anges qu'hommes, ains encores plus humble que tous autres; ce qu'elle monstra excellemment bien le jour de l'Annonciation.

  A010000179 

 Elle se voyoit eslevée à la plus haute dignité qui jamais fut et sera; car quand il plairoit à Dieu de recreer derechef plusieurs mondes, il ne sçauroit pourtant faire qu'une pure creature fust plus que la Mere de Dieu.

  A010000180 

 L'humilité semble nous esloigner de Dieu qui est appuyé sur le haut de l'eschelle, parce qu'elle nous fait tousjours descendre pour nous avilir, mespriser et ravaler; mais neanmoins c'est tout au contraire, car à mesure que nous nous abaissons, nous nous rendons plus capables de monter au sommet de cette eschelle où nous rencontrons le Pere eternel..

  A010000181 

 Nostre Dame s'humilia et se reconneut indigne d'estre eslevée à la haute dignité de Mere de Dieu; c'est pour cela qu'elle fut rendue sa Mere, car elle n'eut pas plus tost fait la protestation de sa petitesse, que, s'estant abandonnée à luy par un acte de charité incomparable, elle devint Mere du Tres Haut, qui est le Sauveur de nos ames..

  A010000187 

 Oh! si la Mere de Dieu eust esté de la nature angelique, combien les Cherubins et les Seraphins s'en glorifieroyent et tiendroyent honnorés! Nostre Dame est bien aussi l'honneur, le prototype et le patron des hommes et des femmes qui vivent vertueusement, et des vefves; mais pourtant nul ne peut nier que les filles n'ayent une certaine alliance avec elle plus particuliere que non pas le reste des hommes, parce que cette ressemblance de la virginité, qui est du sexe et de la condition, y apporte une grande capacité et un grand advantage pour s'en approcher de plus pres..

  A010000188 

 Et pour moy, je pense que ce qu'on a fait de tout temps une feste plus grande pour leur entrée et Profession en Religion qu'on ne fait pas pour les hommes, n'est pour autre rayson sinon que le sexe estant plus fragile et faisant un acte de si grande vaillance comme est celuy qu'elles font entrant en Religion, qu'il requiert aussi plus d'honneur, et Dieu merite plus d'estre honnoré et admiré en cette solemnité, que non pas en la [55] profession que les hommes font de vivre en Religion.

  A010000189 

 Car on ne les trompe point, leur disant qu'estans Religieuses, Nostre Seigneur leur donnera du sucre, comme l'on fait aux petits enfans, pour les amadouer; on ne leur dit point non plus qu'on les conduira sur la montagne de Thabor où elles diront avec saint Pierre: Bonum est nos hic esse; Il fait bon icy.

  A010000189 

 Il faudra en fin que vous crucifiiez et attachiez à la Croix de Nostre Seigneur vostre volonté particuliere, pour n'en avoir jamais plus pour vous en servir à vostre gré, ains il vous faudra vivre en parfaitte sousmission et obeissance tout le temps de vostre vie..

  A010000193 

 Et comme le soleil est celuy qui donne la chaleur à tout ce qui est de la terre, ouy mesme au feu, lequel ne produiroit point de chaleur sans luy, ainsy l'amour de Dieu est ce soleil qui donne de la chaleur au cœur humain quand il est disposé pour la recevoir, et sans ce feu sacré il demeure plus froid qu'il ne se peut dire..

  A010000193 

 Mais pour parler selon que nous voyons estre le plus ordinaire, l'on ne rencontre presque au monde que des cœurs de glace, tant ils sont froids et peu eschauffés de ce feu supresme dont tous les autres feux prennent leur origine et leur chaleur.

  A010000194 

 L'amour ne dit jamais: C'est assez, sufficit; il veut que l'on aye le courage de vouloir tousjours aller plus avant en la voye des volontés du Bien-Aymé..

  A010000194 

 Nostre Dame donques, comme les Religieuses, estoit au païs de transmigration; mais, o Dieu, qu'elle fit admirablement bien cette transmigration, passant d'un degré de perfection en un autre degré plus haut! Bref, sa vie ne fut autre chose qu'un passage continuel de vertu en vertu, en quoy toutes les Religieuses la doivent imiter le plus parfaittement qu'elles pourront, puisqu'elles sont celles qui l'approchent de plus pres que tout le reste des creatures; car c'est sans doute qu'elles sont de ces vierges dont parle le Psalmiste quand il dit qu'elles seront amenées au Roy, les plus proches d'elle: Adducentur Regi virgines post eam, proximae ejus.

  A010000196 

 A qui appartiennent, je vous prie, tant de fleurs dont l'Eglise a esté remplie et a esté tant embellie et ornée, sinon à la tres sainte Vierge, l'exemple de laquelle les a toutes produites? Et n'est-ce pas par son moyen que l'Eglise a esté parsemée des roses des Martyrs invincibles en leur constance, des soucis de tant de saints Confesseurs et des violettes de tant de saintes Vefves, qui sont petites, humbles et basses comme ces fleurs, mais qui respandent une tres bonne et suave odeur? Et en fin, n'est-ce pas à elle à qui appartiennent plus particulierement tant de lys blancs, tant de puretés et de virginités toutes candides et toutes innocentes? d'autant que ç'a esté à son exemple que tant de vierges ont consacré leurs cœurs et leurs corps à la divine Majesté, par une resolution et un vœu tres indissoluble de conserver leur virginité et pureté..

  A010000203 

 La nature divine est ce qu'il y a de plus relevé, et la nature humaine ce qu'il y a de plus bas; la nature divine est la souveraine perfection, et l'humaine la souveraine misere.

  A010000205 

 L'humilité fait tout le contraire; elle [62] rabaisse l'ame au dessous d'elle mesme et de toutes les creatures, ayant cela de propre, que plus elle est grande plus elle ravale à ses propres yeux l'ame dans laquelle elle demeure.

  A010000205 

 La charité esleve l'ame en haut, et plus elle croist et se perfectionne, plus aussi elle va rehaussant et relevant l'ame où elle loge.

  A010000207 

 Humilité grande que celle cy! La Sainte Vierge eut alors une telle et si claire connoissance de la misere de nostre nature et de la distance qu'il y a entre Dieu et l'homme, que, se voyant rehaussée et esleue au dessus de tous, elle se rabaissa au plus profond de son neant devant les incomprehensibles et inespuisables abismes de l'immense bonté de Dieu..

  A010000208 

 Il est vray qu'elle ne s'humilia jamais si profondement que quand elle dit: Voicy la servante du Seigneur; mais apres avoir fait des actes d'une si parfaite humilité et aneantissement et estre descendue le plus bas qu'elle pouvoit, elle produit consecutivement des actes de charité, en adjoustant: Me soit fait selon ta parole; car en donnant son consentement et acquiescement à ce que l'Ange luy annonçoit que son Dieu demandoit d'elle, elle fit paroistre la plus grande charité qui se peut imaginer.

  A010000211 

 Nostre Dame est Reyne du Ciel et de la terre, des Anges et des hommes; et encores ces tiltres que nous luy donnons ne servent qu'à ayder nos pauvres entendemens à se la representer en quelque façon qui nous fasse un peu comprendre sa grandeur, d'autant qu'elle est souverainement plus grande que tout ce que l'on en peut dire.

  A010000211 

 O mon Dieu, que grande et profonde estoit cette humilité, laquelle elle fit encor paroistre en saluant sa cousine, car l'Evangeliste remarque que Nostre Dame, comme la plus humble, la salua la premiere..

  A010000214 

 Maintenant considerez un homme sur un cheval: on ne sçait lequel est le plus fier, ou le cheval ou le chevalier; il semble qu'ils se desfient l'un l'autre à qui fera paroistre plus de vanité..

  A010000215 

 Cecy arrive pour l'ordinaire aux esprits foibles; aussi les plus imparfaites sont les plus sujettes à telles sottises, niaiseries et lanterneries.

  A010000216 

 [68] O Dieu, que l'humilité de cœur est un bon signe en la vie spirituelle! Que c'est une bonne marque qu'on reçoit efficacement les graces divines quand ces graces abaissent et humilient, et qu'on voit que tant plus elles sont grandes, tant plus elles aneantissent profondement le cœur devant Dieu et les creatures, en sorte que, comme la Sainte Vierge, l'on tient tout son bonheur de ce que les yeux de la divine Bonté ont regardé nostre vileté et misere!.

  A010000219 

 Ce qui se doit entendre ainsy: On donnera à celuy qui ayant beaucoup receu et beaucoup travaillé ne se repose pas neanmoins, pensant n'avoir plus besoin de rien, mais lequel, avec une sainte et veritable humilité, connoist son indigence.

  A010000220 

 En ce temps icy on se sert plus de compliment et on dit: Monsieur, je suis vostre serviteur, je vous bayse les mains; et pour l'ordinaire on ne pense rien moins qu'à cela..

  A010000220 

 Nostre Dame va donques pour visiter sainte Elizabeth; mais cette visite ne fut point inutile ni semblable à celles qui se font par les dames de ce temps, seulement par ceremonie, esquelles on tesmoigne bien souvent des affections plus grandes qu'on ne les sent pas et où l'on discourt frequemment des uns et des autres, si que l'on en sort avec des consciences interessées.

  A010000222 

 Aussi, bien qu'on doive à la sacrée Vierge un culte et un honneur plus grand qu'à tous les autres Saints, neanmoins il ne faut pas qu'il soit esgal à celuy que l'on rend à Dieu.

  A010000225 

 Mais, me direz-vous, comme est-ce que les hommes peuvent causer de la joye aux Anges? n'ont-ils pas en la vision de Dieu une parfaite beatitude? De cecy il n'y a nul doute; neanmoins, la Sainte Escriture ne tesmoigne-t-elle pas qu' il se fait plus de feste au Ciel pour un pecheur converti que pour nonante neuf justes? par lesquelles parolles vous voyez la joye des Anges sur la conversion d'un pecheur.

  A010000226 

 De plus, il faut tousjours traitter des choses saintes, des Saints et de la sacrée Vierge avec un profond honneur et respect.

  A010000226 

 Il est vray pourtant qu'à une telle et si grande Vierge il ne faut pas aller demander des bagatelles, comme quelques uns font: par exemple, d'estre plus riche, plus belle, et semblables niaiseries; car tout ainsy que ce seroit incivilité de se servir de l'entremission d'un grand prince pour obtenir du roy ou de l'empereur quelque chose de vil prix, aussi seroit-ce une incivilité en la vie spirituelle de se servir de l'entremise de nostre glorieuse Reyne pour des choses basses et caduques.

  A010000227 

 De plus, sainte Elizabeth estoit sa parente, et pour ce elle l'alla trouver.

  A010000227 

 Voulez-vous estre parente de la Vierge? Communiez, car en recevant le saint Sacrement vous recevrez la chair de sa chair et le sang de son sang, puisque le pretieux corps du Sauveur, qui est dans la divine Eucharistie, a esté fait et formé de son plus pur sang par l'operation du Saint Esprit.

  A010000229 

 Il s'en est trouvé quelques uns qui ont voulu railler et discourir sur les escrits de ce glorieux Saint, et certes à tort, car saint Gregoire a esté l'un des plus grans Papes qui ayent siegé en la chaire de saint Pierre; peu d'années apres son exaltation il se retira en solitude et fit le livre de ses Dialogues.

  A010000230 

 Ses parens la prindrent et luy demanderent quelle estoit la cause de cela; elle leur respondit que Nostre Dame s'estoit apparue à elle avec une troupe de vierges et luy avoit dit de n'estre plus coquette, mais modeste, parce qu'elle la viendroit querir au bout de trente jours pour l'emmener avec elle.

  A010000230 

 Tu ne vivras plus que trente jours, car je te viendray querir et t'emmeneray avec ces vierges.

  A010000231 

 Où il y a plus de difficulté il y a plus de vertu..

  A010000232 

 De plus, si vous voulez que la Vierge vous visite comme la petite Muse, il faut faire une transformation interieure, laquelle ne se peut operer sans endurer quelque chose, ce qui nous est representé par la chaleur de la fievre que supporta cette enfant.

  A010000237 

 Cela se voit encores plus particulierement au menu peuple, aux gens de bas estat et condition, aux esprits foibles et qui n'ont point de courage et de generosité; ceux cy sont tousjours englués dans le chagrin..

  A010000238 

 Cette verité paroist claire et manifeste ès Israëlites, ce peuple choisi et esleu de Dieu; car qui en a esté plus favorisé, aymé et caressé que ce peuple? Dieu le traittoit avec tant de bonté que c'est merveille; il le conduisoit par le desert avec autant de soin qu'une nourrice fait ses petits quand elle les mene esgayer par les campagnes.

  A010000238 

 Mais ce peuple ingrat, grossier et mesconnoissant n'estoit [78] point content, ains s'amusoit à la recherche d'un bien où il peust trouver plus de suavité; et quoy que le Seigneur fust, par maniere de dire, descendu du Ciel pour eux et leur eust donné des preuves plus que suffisantes de l'amour qu'il leur portoit, ils ne laisserent pour cela d'estre pleins de murmures et de chagrin.

  A010000241 

 Il prendra aussi vos filles, et fera les unes ses panetieres et boulangeres, les autres cuisinieres et les autres parfumeuses; vous ne pourrez donc plus dire: Je dedie cette mienne fille à cecy ou à cela, car le roy les employera en la façon qu'il luy plaira..

  A010000248 

 Ainsy nostre Sainte, qui estoit toute infectée du peché, fut puis apres rendue d'autant plus belle par la contrition et amour avec lesquels elle fit penitence..

  A010000248 

 Celle qui estoit un fumier de tres mauvaise odeur devint par cette cou version un tres beau lys, une fleur de tres suave odeur, et d'autant plus qu'elle estoit pourrie et puante, elle fut purifiée et renouvellée.

  A010000248 

 L'experience nous le monstre journellement: au commencement du printemps on remplit la terre de [83] fumier, et les plantes qui y croissent en tirent une substance qui les rend plus aggreables et excellentes.

  A010000248 

 Nous voyons tous les jours cette merveille en la nature: les fleurs prennent leur accroissement et beauté d'une matiere puante et pourrie, et plus la terre en est remplie, plus aussi les lys et les fleurs qui y sont plantées croissent et sont belles.

  A010000249 

 De ceux cy il ne nous en faut pas parler, car telles sortes de gens n'ont plus de pretention pour le Ciel: l'enfer leur est preparé et sera leur heritage.

  A010000251 

 Ils jeusnoyent tous les jours jusques aux petits enfans; et, ce qui est davantage, ils faisoyent jeusner leurs chevaux et leurs bœufs pour plus grande austerité, en penitence des fautes de leurs maistres.

  A010000251 

 Mais quoy que cette expiation fust si generale, je trouve que celle de la Magdeleine l'est encores plus.

  A010000252 

 Elle l'ayma autant que les Seraphins, ains elle fut encores plus admirable qu'eux en cet amour, parce qu'ils ont l'amour sans peine et le conservent aussi sans peine; mais cette Sainte l'acquit avec beaucoup de sueur et de soin et le conserva avec crainte et sollicitude.

  A010000253 

 Remarquez combien il l'aymoit tendrement: il la voit pleurer au monument, il luy apparoist en forme d'un jardinier et l'interroge pourquoy elle pleure, comme ne pouvant souffrir de se voir plus long temps chercher par cette sienne et toute pure amante..

  A010000253 

 Voyez donques comment sainte Magdeleine est reyne des justes; car qu'est-ce qui la pouvoit rendre plus juste que cette dilection, jointe avec sa grande humilité et componction qui la faisoit tousjours estre aux pieds du Sauveur? Aussi l'aymoit-il de l'amour tendre et delicat dont il ayme les justes, lequel estoit cause qu'il ne pouvoit souffrir qu'on la touchast ou reprist de quelque chose sans prendre son parti.

  A010000257 

 Là elle mena une vie plus divine qu'humaine, estant sept fois le jour eslevée par les Anges, sans que pour cela son cœur sortist des pieds de son Sauveur..

  A010000257 

 Nostre Dame aussi l'aymoit grandement et plus qu'aucune des femmes qui la suivoyent.

  A010000257 

 O qu'il estoit heureux! Et que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si toute vostre vie vous ne quittez pour rien que ce soit ces sacrés pieds, si vous vivez en humilité et sousmission, imitant et suivant vostre reyne, et encores plus la Reyne de toutes les reynes, la sacrée Vierge, nostre chere Maistresse, à laquelle sainte Magdeleine fut si devote qu'elle ne l'abandonna jamais.

  A010000260 

 Il leur est facile de se divertir des cogitations coulpables, parce que n'ayans plus d'occasion presente et estans en des lieux où elles ne voyent rien que des sujets pieux, où elles ne lisent que des bons livres, où elles n'entendent parler que de Dieu et des choses spirituelles, elles s'en rendent plus facilement quittes..

  A010000260 

 Or, que nous representent-ils, sinon les pensees non seulement mauvaises, mais aussi [89] inutiles, lesquelles il faut couper et retrancher? C'est ce que doivent entendre ces filles quand on les leur coupe; car pourquoy pensez-vous qu'on tonde les Religieuses? On dit que cela est sain; je le crois, mais cette cy n'est pas la principale cause, ains pour leur apprendre que comme elles sont retirées des objets qui leur pourroyent donner des mauvaises pensées, elles ne doivent non plus courir apres les choses vaines et mondaines qu'elles ont laissées, mais oublier tout pour s'appliquér totalement à Dieu.

  A010000260 

 Qu'est ce que les cheveux? C'est ce qu'il y a de plus vil et abject au corps humain, les excremens de la nature, une superfluité et chose de nul prix; on n'en tient aucun compte, non pas mesme de ceux des roys, car on les foule aux pieds comme n'ayant nulle valeur, et neanmoins l'esprit humain constitue sa gloire en iceux.

  A010000261 

 Mais cela n'est encores rien, il faut de plus sacrifier ses yeux; car pourquoy croyez-vous qu'on vous aye mis des voiles sur la teste, sinon à fin de vous apprendre à ne vous plus servir de vos yeux pour voir et pleurer que quand la grace vous y excitera, et non pour les niaiseries et tendretés pour lesquelles les femmes sont sujettes aux larmes, larmes folles et vaines, certes! Je voudrois bien faire telle chose, mais je ne peux.

  A010000261 

 Une autre pleure de ce que sa mayson est bruslée; hé, pauvres gens, pensez-vous esteindre par vos larmes le [90] feu qui a desja bruslé vostre mayson? Toutes telles et semblables larmes sont vaines et inutiles; il ne s'en faut donc plus servir, ains mortifier ces tendretés et mollesses.

  A010000266 

 Cette fille ne se pouvoit resoudre d'appeller Sœur une autre Religieuse qui estoit de plus basse condition qu'elle; si qu'il luy fallut faire de grans efforts sur soy mesme pour cela.

  A010000266 

 Du temps de saint Benoist, il en arriva de mesme à un de ses Religieux, lequel estant de bonne mayson s'en souvint en une occasion où il rendoit quelque service au Saint, si que son cœur en fut plein de murmures; car son glorieux Pere luy ayant fait tenir la chandelle pendant qu'il laisoit quelque chose, il commença à penser: Moy qui suis de telle mayson et famille, il me faut icy tenir la chandelle devant un homme qui est de plus basse condition que moy! Mais le Saint connoissant sa pensée, luy dit ce qu'il failloit, et ce Religieux rentrant en soy mesme reconneut sa faute.

  A010000267 

 O que vous serez heureuses si vous faites ce sacrifice entier, no vous servant plus de vos pensées, de vos paroles, de vos yeux ni de vos parfums «que pour le service de la dilection de» vostre Espoux.

  A010000267 

 Quant à ce qui est de l'estime de vous mesme, oh! ne vous souvenez plus de quel lieu vous estes, mais de ces paroles: Escoute, ma fille, preste-moy ton oreille, oublie la mayson de ton pere, ta patrie et ton extraction, et le Roy convoitera ta beauté.

  A010000269 

 Et qui n'aymeroit saint Bonaventure pour sa grande humilité? Qui ne s'estonneroit de celle qu'il prattiqua lors que, ayant eu commandement des Cardinaux d'eslire un Pape tel qu'il voudroit, ou d'accepter luy mesme le siege pontifical, à cause des grandes difficultés qu'il y avoit à se resoudre sur ce choix, non seulement il refusa cette souveraine dignité, mais de plus il ne voulut pourvoir aucun de ses parens ni amis, ains nomma Pape, Thibaut, vicomte de Plaisance, qui estoit à la guerre et parmi les armes.

  A010000270 

 Et sainte Agnes, qui, aagée seulement de treize ans, triompha du monde et de la chair, donnant son sang pour son Espoux celeste! O que vous serez heureuses si voir, imitez ces Saints et Saintes en leur mespris des creatures et d'eux mesmes! Il faut de necessité faire une parfaite abnegation pour parvenir à la perfection, et ne penser plus au monde ni à vos parens; je veux dire aux maysons desquelles vous estes sorties, car je n'entens pas que vous oubliiez de prier pour eux..

  A010000288 

 Là, pressé de cette violente conteste qui se passoit entre son homme interieur et l'exterieur, il commença, comme un autre saint Paul, d'exprimer sa douleur par les paroles du mesme Apostre: Qui me delivrera de ce corps de mort, et qui m'affranchira de cette incomparable convulsion que je ressens ès deux parties de mon ame? Oh! qui me delivrera de cette chair si contraire à l'esprit? Hé, Seigneur, disoit-il (car ce sont ses propres mots, comme il raconte luy mesme au livre de ses Confessions ), jusques à quand, jusques à quand serez-vous courroucé contre moy? jusques à quand vous souviendrez-vous de mes pechés? O cieux, jusques à quand serez-vous irrités contre moy? jusques à quand y aura-t-il un si grand divorce entre vous et moy, et quand vous reconcilierez-vous avec mon ame? Au plus fort de ses plaintes, il entendit chanter ces paroles derriere la muraille où il estoit: «Prens et lis, prens et lis;» puis, prestant l'oreille pour mieux escouter, il ouyt encores: «Prens et lis.» Et pensant en soy mesme si ce ne seroit point une compagnie de filles qui repetoit cette chanson, il taschoit de se resouvenir s'il n'en couroit point pour lors auxquelles on trouvast ces paroles: «Prens et lis.» Car, comme vous sçavez, et si vous ne le sçavez pas vous l'apprendrez, en toutes les villes il court tousjours quelques chansons parmi le vulgaire et menu peuple, qui certes devroyent plustost estre mesprisées qu'escoutées.

  A010000289 

 En la premiere, ses desbauches et sa purgation, suivant ce texte: Sortez de vos couches sensuelles et voluptueuses; en la seconde, comme il se revestit des habits et habitudes de Jesus Christ, et en la troisiesme, comme il ne parut plus en la lumiere avec ses vestemens de la nuit..

  A010000292 

 Mais estans meurs, il n'y a rien de si doux et gracieux que la figue, laquelle est alors d'autant plus aggreable au goust qu'elle estoit insipide en son commencement.

  A010000292 

 Mais pour ne vous parler que d'une, à fin d'estre plus court, considerez la vigne.

  A010000293 

 Voyez vous comment le Saint Esprit va de prime abord mettre le coup de lancette dans l'apostume de son cœur, comme en la source et origine de toute sa maladie? Car il est vray, ainsy que saint Augustin le raconte luy mesme, qu'il estoit grandement adonné à ce detestable peché de la chair; il luy sembloit impossible de se passer de ces playsirs sensuels et illicites, qui estoyent la cause des plus grandes resistances qu'il faisoit à l'Esprit de Dieu, ne se pouvant resoudre à quitter ces voluptés ni à se desvelopper de ces liens..

  A010000294 

 Il s'efforçoit avec un style d'heretique, tel qu'il estoit, de renverser [102] ceux, qui defendoyent la verité, d'autant qu'il avoit plus d'esgard aux erreurs de sa secte qu'au sens de l'Escriture Sainte laquelle a un langage plus simple que celuy des Manicheens.

  A010000295 

 Saint Augustin avoit voirement un courage genereux comme un autre Alexandre, qui cherchoit de la gloire aux actions hautes et relevées, mais encores en prenoit d aux petites, comme Philippe; et passant plus outre, il en tiroit aussi des choses qui de soy estoyent mauvaises, voire du mensonge mesme, ainsy qu'il le raconte au livre de ses Confessions.

  A010000296 

 Il escrit qu'estant encor petit il se vantoit et glorifioit de ce qu'il desroboit les fruits des jardins de ses voysins, s'en estimant d'autant plus que le larcin, quoy que leger, estoit subtil et secret; car en le racontant il faisoit voir les ruses et inventions de son esprit..

  A010000296 

 On le voit lors qu'en hiver ces jeunes fols s'assemblent et vont par les rues faisant milles bouffonneries et tintamarres; celuy là est tenu parmi eux pour le plus brave qui fait davantage le fol et le fantasque; c'est en de telles actions qu'ils mettent leur gloire.

  A010000297 

 Combien y en a-t-il qui font gloire de ce vice! Mais la seconde rayson et la plus probable est celle cy, qu'Augustin estant sujet au peché de la chair, aussi l'estoit-il à celuy de l'ivrognerie et gourmandise; car ces deux pechés ne vont jamais guere l'un sans l'autre, et qui s'adonne à l'un, difficilement se peut-il empescher de tremper dans l'autre.

  A010000300 

 Là il commença ses deux Ordres de Religieux: il envoya les uns au desert pour y prattiquer plus facilement cette pauvreté; ensuite il fonda en l'eglise episcopale qui luy estoit escheue une assemblée de prestres ou chanoines reguliers auxquels il donna sa Regle.

  A010000301 

 Quand il n'avoit plus rien pour leur donner il s'addressoit à son peuple et luy disoit avec une simplicité, candeur et liberté du tout admirable: Mon tres cher peuple, je n'ay plus rien pour pourvoir aux miseres des pauvres, j'ay donné [106] tout ce que j'avois, j'ay mesme vendu les ornemens de l'eglise pour ce sujet.

  A010000303 

 Donques nostre glorieux Pere parut plus beau en cette vertu que s'il ne l'eust point flestrie; aussi la garda-t-il avec un soin et une diligence nompareille, s'esloignant fort soigneusement de tout ce qui luy estoit contraire..

  A010000303 

 N'ayant pas sa virginité, il estoit d'autant plus [107] jaloux de conserver sa chasteté, en sorte qu'il surpasse plusieurs vierges; tout ainsy que sainte Magdeleine, laquelle, toute impure qu'elle avoit esté auparavant, surpassa neanmoins en chasteté plusieurs vierges en leur virginité, et n'y en a pas une qui ayt tant esté honnorée en sa virginité comme sainte Magdeleine l'a esté en sa chasteté, hormis la sacrée Vierge qui est hors de toute comparaison.

  A010000305 

 Cette vertu, vouloit-il dire, bien que petite en apparence, est neanmoins la plus grande, sans icelle toutes les autres ne sont rien; et de mesme que l'orgueil et la vaine gloire est la pepiniere de tous les pechés et la mere nourrice de tous les vices, l'humilité est la nourrice de toutes les vertus..

  A010000306 

 Je n'ignore pas qu'ès escoles les uns disent que Platon estoit le plus grand esprit, d'autres, que c'estoit Ciceron.

  A010000306 

 Je ne fais non plus comparaison de nostre glorieux Pere avec l'Apostre saint Paul, car à celuy-cy la science fut infuse du Ciel par une voye du tout extraordinaire.

  A010000306 

 Mais en dehors de cela, il est notoire à tous que saint Augustin est tenu pour le plus grand esprit entre nos anciens Peres, lesquels ne se feignent point de l'appeller le phœnix des Docteurs..

  A010000307 

 Il avoit une tare en son sçavoir, il ignoroit la langue grecque; car bien qu'elle soit plus moëlleuse en son sens que la langue latine, si est-ce que le style n'en est pas si delicat, et pour cela saint Augustin, qui s'arrestoit plus au style qu'au sens, ne la voulut pas apprendre lors qu'il estudioit.

  A010000307 

 Il possedoit asseurement plus de science que nul autre Docteur, car il en estoit le phœnix; cependant son humilité estoit plus grande encores: voyez-le vous mesmes, je vous prie.

  A010000307 

 Or, il ne cacha point cecy, ains le confessa ingenuement et franchement, disant qu'il se regardoit pour le moindre de tous, d'autant qu'il ne sçavoit rien de la langue grecque laquelle est pourtant la plus riche de toutes..

  A010000307 

 Vous aurez ouy dire que l'humilité se trouve rarement avec la science qui d'elle mesme enfle, mais encores moins avec une aussi haute science que celle de saint Augustin; neanmoins elle estoit chez luy accompagnée d'une si profonde humilité qu'on ne sçait s'il avoit plus [109] de science que d'humilité ou plus d'humilité que de science.

  A010000309 

 plus que toy qui n'es que simple prestre; cependant cela regarde seulement la dignité que nous tenons en l'Eglise de Dieu, car pour le reste je sçay, o Hierosme, que tu m'es superieur.

  A010000311 

 Certes, nous serions bien heureux nous autres si nous empoignions le test de la correction pour nettoyer les ordures de nos consciences; mais vous estes bien plus heureuses, mes cheres Sœurs, d'habiter en une mayson où l'on fait la correction avec tant d'exactitude que par le moyen d'icelle on vous corrige des moindres petites imperfections.

  A010000315 

 Ne dites point: Voyla un homme qui par ses œuvres aura bien du merite; mais plustost: O que Dieu a fait de grandes graces à cette personne là! O que grande a esté sa misericorde en son endroit! N'ayez point d'autre fin que de chercher la gloire de Dieu, car c'est pour cela que vous estes entrées en Religion, et non pas seulement pour vous retirer du tracas du monde; les philosophes payens faisoyent bien ce renoncement, à fin d'avoir par ce moyen plus de temps pour vaquer à l'estude des sciences humaines.

  A010000315 

 Vous n'y estes pas venues non plus pour devenir plus riches; oh! rien de cela, car c'est icy où l'on se fait pauvre.

  A010000325 

 Je dis qu'ils se guerissent continuellement parce qu'ils sont continuellement malades; car tandis que nous sommes en cette vie mortelle, tant plus nous guerissons tant plus nous deseouvrons d'infirmités en nous.

  A010000328 

 Les salutations qui se font par lettres ne sont que des souhaits exprimés par les amis absens; et quel souhait plus utile et profitable pour le coeur se peut-il faire que celuy de la paix? C'est en icelle que consiste le plus haut point de la vie spirituelle, et c'est pour l'acquerir et conserver qu'il faut continuellement veiller et travailler; car despuis la cheute de nos premiers parens nostre ame est demeurée une terre seche et sterile ne peut porter ni produire aucun fruit de bonnes oeuvres si l'on n'a soin de la cultiver..

  A010000329 

 Mais despuis qu'il eut peché et que la terre fut maudite, elle n'a plus rien produit de soy mesme que des ronces et espines; si que pour en tirer ce qui est necessaire à la vie de l'homme, il la faut cultiver à force de bras et à la sueur de son corps, puis l'ensemencer.

  A010000330 

 Cet exercice est necessaire à tous les mortels, n'y ayant homme si parfait qui n'ayt besoin de travailler, tant pour accroistre la perfection que pour la conserver, d'autant que nul ne se peut dire maistre de ses passions ou pretendre n'estre plus sujet à leur detraquement..

  A010000330 

 Que s'il faut user de ce soin et patience apres les jardins materiels, à plus forte rayson en faudra-t-il avoir, mes cheres Filles, à cultiver la terre et le jardin de vos cœurs et de vos esprits, tant pour en arracher les mauvaises herbes de vos inclinations, habitudes et passions, que les nouvelles et continuelles productions que l'amour propre fournit; c'est à dire les chagrins, bigearreries, inquietudes, fantasies et telles autres niaiseries qui attaquent à tout propos nos pauvres esprits, et qui, si l'on n'y prend garde, gastent et ruinent tout ce qui est de beau et de bon dans le parterre de nos ames.

  A010000331 

 Mais quoy que tous les Chrestiens soyent obligés de se medeciner en cette sorte, si est-ce que cecy est plus propre aux Religieux, lesquels doivent reluire par dessus les seculiers en cette si desirable esgalité.

  A010000336 

 Mais voicy, ce semble, qui est un peu plus gracieux: on quitte bien les affections de ce siecle, mais on se reserve un certain amour pour soy qui nous fait tant chercher ce qui nous est propre et fuir ce qui nous incommode! On ayme tant sa vie et son propre interest, on a si grand peur de mourir! O la grande mollesse et tendreté que celle cy! Il faut certes se bien purger et laver de semblables choses à fin d'estre disposé à recevoir les traits de la face de Nostre Dame.

  A010000337 

 Devotion imaginaire et niaise, nullement sortable à leur condition, et tellement meslée d'amour propre, que ces personnes mesmes, non plus que les autres, ne peuvent discerner ce que c'est de cela, et ne sçait-on si l'amour propre est leur devotion ou si leur devotion est amour propre; fantasie et niaiserie, devotion fade, molle, effeminée et propre aux femmes de peu de courage.

  A010000337 

 Secondement, il ne suffit pas au peintre de bien nettoyer sa toile de ce qui est mauvais, mais encores faut-il enlever ce qui est bon; car si on prend une estoffe teinte en quelque couleur, elle ne sera nullement susceptible de la peinture qu'on luy veut donner, non pas mesme quand elle seroit teinte en escarlatte, qui est la couleur la plus douce et unie qui se puisse trouver.

  A010000339 

 Mais ceux qui viennent avec tant d'entendement et de clarté, qui sçavent si bien comme il se faut conduire et auxquels il semble n'avoir plus besoin de la direction d'autruy, ne seront jamais bons peintres; car cette trop grande lumiere les empeschera de remarquer les traits de de la face de Nostre Dame.

  A010000339 

 O que bienheureux sont ceux qui n'apportent pas en Religion de beaux et grans entendemens! Ceux cy sont les meilleurs, parce que n'ayans pas tant de lumiere naturelle ils sont plus propres pour recevoir celle du Saint Esprit qui leur est communiquée par autruy.

  A010000340 

 La cinquiesme chose necessaire pour bien tirer un portrait c'est que le peintre regarde plus d'une fois celuy qu'il veut tirer à fin de bien imprimer en son imagination toute la forme et les traits de sa face, et que celuy qu'on tire arreste sa veuë sur quelque objet.

  A010000341 

 De plus, ayant une simplicité de colombe, sans aucune finesse, elle ne fit pas tant de discours, ains se contentant de voir en cette [126] requisition beaucoup d'humilité et d'amour, elle accorda tout bonnement et simplement ce qu'on luy requeroit.

  A010000341 

 Mais il est plus probable que saint Luc se servit pour faire le portrait de la Sainte Vierge de la façon ordinaire des peintres, et qu'il la pria, ou quelque autre pour luy, de se laisser tirer.

  A010000341 

 Nostre glorieux Saint la regarda donques plusieurs fois à fin du bien imprimer en son imagination, et encores plus dans son coeur, la forme et les traits de la face de cette sainte Dame, pour la mieux rapporter au naturel sur son tableau d'attente, à la consolation de tous les mortels..

  A010000342 

 Quelle pudicité virginale y apperceut-il! Que si les filles, pour peu qu'elles soyent de bon naturel, monstrent leur pudeur en leur face, rougissant pour la moindre parole qu'on leur dise, o Dieu, quel pensez-vous devoit estre celle qui se voyoit en la face de cette sainte Vierge lors qu'elle estoit regardée de son peintre? Que d'admirables vertus il descouvrit en ce pudique et chaste regard! Quel contentement de considerer celle qui est plus belle que le Ciel ou que la pleine diaprée de la varieté de tant de fleurs, et qui surpasse en beauté les Anges et les hommes! Mais qui pourroit penser l'humilité avec laquelle saint Luc la pria de le regarder, et la douceur et simplicité avec laquelle Nostre Dame le fit? O que de lumieres il receut par ce regard sacré, que son cœur demeura enflammé de son amour, que de connoissances il tira quand les yeux de cette douce Vierge s'arresterent sur luy! Ils imprimerent alors en son cœur un si grand amour de la pureté qu'il y persevera constamment tout le temps de sa vie et garda le celibat..

  A010000344 

 Il a donques esté l'Evangeliste de cette glorieuse Vierge, et a plus escrit d'elle que nul autre.

  A010000344 

 Mais il rapporte dans le sien des [128] mysteres plus simples, qui peuvent estre entendus par les Anges et par les hommes, pour nous apprendre que nous devons mediter et considerer ces mysteres simples et humbles, et non ceux qui sont au delà de nostre capacité.

  A010000347 

 En effect, on trouve en cent endroits de la Sainte Escriture que les plus grans sont nommés les derniers; voire mesme aux supplications que l'Eglise addresse à Nostre Seigneur par les merites des Apostres, elle met saint Pierre et saint Paul à la fin.

  A010000347 

 On en fait de mesme quand on parle du roy, d'autant qu'on dit: Là estoyent les princes, tout le peuple ou l'armée, puis le roy; mais ce n'est pas que le roy pour estre nommé le dernier soit au dessous des autres, o non, car chacun sçait qu'il est plus que tous; aussi le nomme-t-on tout à part.

  A010000348 

 Mais outre ce que dessus, il a pris encores de la tres sainte Vierge cette maniere de parler, car elle aymoit estre la derniere et choisissoit tousjours le plus bas lieu; ce qu'elle avoit fort bien enseigné à son Evangeliste.

  A010000348 

 [130] Sçachant donc cecy, et voyant qu'il la pouvoit contenter et suivre son intention, sans pour cela prejudicier tant soit peu à l'honneur qu'il luy devoit ni à l'estime qu'il en falloit avoir, il la nomma la derniere et tout à part, declarant par là en mesme temps qu'elle estoit plus grande que les Apostres et disciples, voire mesme que tous les Anges et les hommes ensemble..

  A010000350 

 Et maintenant, que vous reste-t-il plus, sinon que vous vous prosterniez devant la tres sainte Vierge, que vous la preniez pour vostre Mere et Maistresse, la suppliant de vous presenter devant le throsne de la majesté de vostre Espoux crucifié, et de vous donner sa tres grande benediction en cette vie, pour puis apres la recevoir en sa plenitude en l'autre, où nous conduisent le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000354 

 Mais, comme les anciens Peres remarquent, lors que la divine Majesté eut separé la Mesopotamie et fait le paradis terrestre, il crea l'homme, puis il tira une de ses costes et en fit la femme; et regardant par apres tout son ouvrage, il le trouva non seulement bon, ains plus que tres bon.

  A010000355 

 Lors qu'elle les considere et les honnore en particulier, voyant la ferveur des Martyrs, l'amour des Apostres, la pureté des Vierges, elle dit à l'imitation du Createur que cela est bien; mais quand elle vient à tout ramasser et faire à tous ensemble [133] une feste, contemplant les couronnes, les palmes, les victoires et triomphes de tous les Saints, elle en ressent une complaisance nompareille et s'escrie: O que cela est bon, ains plus que tres bon! C'est cette feste que nous celebrons aujourd'huy..

  A010000358 

 Je diray donques quelque chose, le plus briefvement qu'il me sera possible, touchant ce qu'il faut faire pour bien celebrer cette feste, le reduisant en trois points, le premier que je marqueray et les deux autres que je deduiray..

  A010000358 

 O Dieu, que c'est chose plus admirable encores de considerer le rapport qu'il y a entre la Hierusalem celeste et la terrestre, entre l'Eglise triomphante et la militante! L'Eglise militante fait ça bas en terre ce qu'elle croit se faire la haut en la triomphante, et comme une bonne mere, elle tire tout ce qu'elle peut de la Hierusalem celeste pour en nourrir ses enfans.

  A010000361 

 C'est icy leur principal et plus excellent motif; car sçachans que nous avons esté creés pour la gloire eternelle, que Nostre Seigneur nous a rachetés pour cela et qu'il ne desire rien plus sinon que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, ils conforment leur desir et amour à sa divine Majesté en ce qui concerne nostre salut comme en toute autre chose.

  A010000361 

 Mais les Saints ont encores un autre motif qui leur fait demander et desirer que Dieu nous donne sa grace: c'est qu'ils voyent en luy ce vehement desir qu'il a de la nous departir; cela fait qu'ils nous la souhaittent et procurent avec un amour d'autant plus grand qu'ils le voyent grand en Dieu.

  A010000370 

 Cecy estoit mon second point, que les Bienheureux prient d'autant plus ardemment et fortement pour nous qu'ils voyent davantage dans l'Essence divine combien sa Bonté desire nostre salut et beatitude.

  A010000371 

 Celle des ames bienheureuses procede de la connoissance tres claire qu'elles ont, sans ombre ni figure, de la grandeur et essence de Dieu, de cette distance infinie qu'il y a entre Dieu et l'homme, entre la creature et le Createur; et plus ils ont de degrés de gloire plus ils connoissent cette distance infinie, et par consequent leur humilité est plus profonde.

  A010000371 

 Que si, en cette vie, une personne, par le frequent exercice des considerations et meditations sur la grandeur de Dieu et sur sa bassesse, vient à descouvrir une si grande disproportion et esloignement de l'une à l'autre qu'elle s'abaisse et humilie jusqu'au plus profond abisme de son neant, ne trouvant jamais de lieu assez bas pour s'y enfoncer, quelle doit estre, je vous prie, l'humilité de ces glorieux Saints qui voyent clairement la Majesté divine?.

  A010000372 

 Certes, l'humilité de la sacrée Vierge a esté tres grande en cette vie, car elle avoit plus de connoissance de Dieu qu'aucune creature.

  A010000372 

 Cette connoissance de la Majesté divine, de ses grandeurs et perfections est le plus excellent et le plus fort motif pour nous humilier et abaisser en nostre propre neant.

  A010000372 

 Mais l'humilité que Nostre Dame a maintenant au Ciel est mille et mille fois plus grande qu'elle n'estoit icy bas parce qu'elle a mille fois plus de connoissance de la grandeur de Dieu qu'elle n'avoit alors.

  A010000380 

 Hé, dit-il, ce n'est pas tout de se faire Religieux: quitter tout pour avoir toutes choses à souhait, se faire pauvre en entrant en Religion et vouloir que rien ne nous manque, vouer la pauvreté et ne vouloir en ressentir aucune incommodité, et qui pis est, rechercher en Religion ce que nous n'avons pas peu trouver au monde, pretendre nonobstant ce vœu, d'avoir mieux nos ayses et commodités qu'avant de nous estre rendus pauvres, o Dieu, quelle pauvreté molle, fade et blasmable! Il est vray pourtant, et c'est un malheur, que les plus difficiles [145] à contenter dans les monasteres ce sont ceux qui avoyent le moins de biens avant que d'y entrer..

  A010000396 

 L'Evangile qui se lit aujourd'huy, quoy qu'il soit le plus court de tous ceux de l'année, ne laisse pas d'estre tres haut et tres profond; car en iceluy il est fait mention du sang et du nom de Jesus, et en ces deux mots est comprise toute l'histoire de la circoncision.

  A010000399 

 C'est bien fait que de circoncire sa bourse et de donner l'aumosne; c'est une chose bonne que l'aumosne, dit l'Apostre, elle est bonne en tous temps et saisons; mais ne voyez-vous pas que si bien vous faites la circoncision spirituelle, vous ne la faites pas en maniere qu'il faut? Ne circoncisez pas vostre bourse, car ce n'est pas là, o voluptueux et charnels, la partie que vous avez le plus malade, ains circoncisez vostre coeur.

  A010000399 

 C'est la premiere remarque que font nos anciens Peres, et, si je ne me trompe, saint Jean Chrysostome, pour nous monstrer que quand nous voulons faire la circoncision spirituelle nous devons la faire en la partie la plus malade de toutes.

  A010000399 

 Cette circoncision se faisoit en l'une des parties du corps la plus interessée et endommagée par le peché d'Adam.

  A010000400 

 O Dieu, qu'est-ce que vous faites? Ces veilles, ces jeusnes sont bons, mais vous ne faites pas bien la circoncision spirituelle, car vous ne commencez pas en la partie la plus interessée: le mal est au cœur, et vous tuez le corps.

  A010000400 

 Retranchez de vostre cœur tant d'affections desreglées qui s'y trouvent pour les richesses, honneurs et commodités; mettez asseurement et hardiment à ce cœur, à ces affections le couteau de la circoncision, et commencez par là comme par la partie la plus malade qui est en vous..

  A010000402 

 Ah, mes cheres ames, que faites-vous? Le mal est caché dans le cœur, ce n'est donques pas tout de circoncire la langue; il faut faire la circoncision en cette partie interessée d'où naissent ces grommellemens, murmures et sentimens, car la circoncision se doit faire en l'endroit le plus malade..

  A010000403 

 Voyla donques en quoy consiste la circoncision spirituelle, à sçavoir, à rechercher les passions, affections, humeurs et inclinations à fin d'en retrancher et couper les superfluités; et pour cela il est besoin d'un soigneux et serieux examen pour bien reconnoistre quelle est la partie la plus atteinte, quelle forte passion, inclination [150] et humeur est en nous, à fin de commencer par la cette circoncision interieure..

  A010000404 

 Or, il faut que je vous dise cecy comme par maniere de preface: tous sont obligés de faire la circoncision, mais differemment, non pas esgalement; car les ecclesiastiques, Prestres, Evesques, Religieux et Religieuses ont une particuliere obligation à la faire et d'une façon toute autre que ceux qui vivent dans le monde, d'autant qu'ils sont plus specialement dediés à Nostre Seigneur..

  A010000405 

 Or, ceux cy ne font pas la circoncision ains seulement une incision, car ils ne vont pas à la partie gastée pour couper ce qu'il faut à fin d'estre vrayement circoncis, mais ils se contentent de donner un coup à quelque membre interessé, combien que pour l'ordinaire ce ne soit pas au plus malade; et neanmoins ils pensent faire ainsy une entiere circoncision.

  A010000407 

 Quant aux personnes dediées et consacrées au service divin, nous autres ecclesiastiques, Religieux ou Religieuses, nous sommes plus obligés que les autres à cette circoncision spirituelle.

  A010000407 

 Voire, l'on passe plus outre et l'on vient à s'y purger des moindres tares, des choses legeres mais qui peuvent tant soit peu empescher la vie spirituelle et retarder la perfection.

  A010000410 

 Hé, pauvres gens, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là la partie la plus malade et que ce n'est pas ce qu'il faut circoncire, puisque ces tremoussemens ne sont pas en vostre pouvoir?.

  A010000410 

 Il ne se faut donc pas estonner si quand on nous dit nos fautes ou qu'on nous reprend, nous sentons promptement ou mesme assez long temps ces tremoussemens, si nous avons du degoust sur ce qui nous arrive ou qui nous est fait contre nos inclinations, ni moins si nous avons plus d'affection à une chose qu'à une autre.

  A010000412 

 Mais aussi sçay-je bien que la circoncision que nous autres souffrons des mains d'autruy va au dessus de la leur, parce qu'elle est plus douloureuse et partant plus meritoire..

  A010000413 

 Neanmoins dans les familles et maisons religieuses il y a tousjours des personnes qui, outre cela, se tiennent en attention et qui veillent continuellement sur leur propre cœur pour connoistre ce qu'il faut tordre et mortifier, et par consequent elles ont le couteau entre les mains à fin de se circoncire elles mesmes; ce qui ne les empesche pas pourtant de vouloir l'estre par autruy, et il n'y a point de doute que cette circoncision ne soit plus douloureuse et sensible que l'autre.

  A010000414 

 Il luy failloit plustost abattre celle cy que l'autre, a ce qu'il fust plus apte et prompt à ouyr les inspirations et les parolles divines et celestes; mais parce que vous avez agi tout au contraire, la circoncision n'en est pas bien faite.

  A010000414 

 Voyla donques comme il importe de bien rencontrer et de bien poser le couteau sur la partie la plus coulpable et malade..

  A010000422 

 Remarquez que scibboleth et sibboleth sont quasi un mesme mot ( scibboleth signifie espi et sibboleth charge), mais scibboleth se dit grassement et sibboleth se dit plus delicatement et mignardement.

  A010000427 

 Là se trouverent Nostre Dame et saint Joseph qui estoyent à la fois vierges et mariés, saint Simeon qui estoit prestre, selon la plus commune opinion des anciens Peres; là se trouva aussi la bonne Anne prophetesse qui estoit vefve, et Nostre Seigneur qui estoit Dieu et homme.

  A010000428 

 Cette feste est la fin de toutes celles qui se celebrent en l'honneur de l'Incarnation, car celles que nous solemniserons desormais ne regarderont plus ce mystere ni l'enfance du Sauveur, mais ouy bien sa Mort, sa Resurrection et Ascension; en somme, ce seront les festes de nostre Redemption.

  A010000430 

 Le feu est subtil; la Divinité a cette subtilité en une façon beaucoup plus noble et excellente.

  A010000430 

 Le feu, qui est la premiere et la plus excellente nature du cierge, figure la Divinité.

  A010000431 

 Certes, la nature de l'ame est beaucoup plus excellente que celle du corps: elle n'est point corporelle ni terrestre; si elle ne vient point du ciel, elle Vient moins encores de la terre; elle est creée de Dieu au mesme instant qu'elle est infuse et respandue dans le corps, lequel elle ennoblit et embellit.

  A010000431 

 La nature du luminon est sans doute plus noble que celle de la cire, car les luminons sont faits pour l'ordinaire de coton, lequel croist sur des arbres grandement hauts; au contraire, chacun sçait que la cire est recueillie comme le miel par les avettes dans les fleurs qui mi sur la terre.

  A010000432 

 Le sacré corps de Nostre Seigneur ne fut pas spirituel, non plus que ceux des autres hommes, bien qu'il fust plus noble et excellent que les nostres, n'ayant point esté conceu par œuvre d'homme, mais du Saint Esprit, lequel print pour le former le plus pur sang de la Vierge; de sorte qu'en verité ce corps est esgal aux nostres quant à la substance.

  A010000433 

 Le feu estant mis au cierge pour l'allumer, il se prend [168] plus tost au luminon qu'à la cire; peut estre est-ce parce sa nature est plus noble que celle de la cire, et par consequent plus propre à se joindre la premiere à celledu feu.

  A010000433 

 Neanmoins cette jonction s'attacha premierement à l'ame comme à la plus noble, et d'icelle passa au corps; mais cela se fit si subtilement qu'ils furent tous deux, l'un aussi tost que l'autre, nuis à la nature divine.

  A010000435 

 Mais ce divin Enfant, non plus que sa Mere, n'avoit point besoin de purification, car non seulement il n'avoit aucun peché, ains ce qui est davantage, il n'en pouvoit point avoir; il estoit impossible que le peché se trouvast en luy, en luy, dis-je, qui estoit venu pour le destruire; luy mesme l'a protesté.

  A010000435 

 Or, le Fils n'en estant point souillé, la Mere ne l'estoit pas non plus; car bien qu'il ne fust pas impossible que la Vierge n'eust quelque coulpe, et qu'estant née de pere et de mere elle en eust peu estre entachée comme les autres enfans, neanmoins il n'eust pas esté seant que la mere d'un tel Fils eust esté souillée du peché originel.

  A010000438 

 Le voyla donques qu'il prend à cet effect un corps de serpent; il s'entortille à un arbre, et s'addressant à Eve comme à la partie la plus foible, il commence à l'arraisonner en cette sorte: Pourquoy Dieu qui vous a mis dans ce lieu vous a-t-il defendu de manger de tous les fruits qui y sont? Elle luy respondit ainsy, mais certes tout effrayée et tremblottante: Il ne nous a pas defendu de manger de tous les fruits, mais seulement de ne point toucher ni manger de celuy cy.

  A010000441 

 Un autre qui fera profession d'estre bon Chrestien: Or, pensera-t-il, voicy le Caresme auquel il faudra jeusner, car c'est un commandement de l'Eglise; oh, je le feray, mais si j'estois Pape j'abolirois le Caresme à fin de ne plus observer le jeusne.

  A010000441 

 Une fille qui n'aymera pas le silence dira librement: Hé Dieu, tant de silence, à quel propos en tant garder? ne seroit-il pas mieux à cette heure de parler que de se taire? Maintenant que j'ay une [173] si belle conception en l'esprit il me feroit si grand bien de la dire, elle causeroit tant de suavité à ceux qui l'entendroyent, et il n'est point loysible de la raconter! Neanmoins, si j'attens encor une demi heure je ne m'en souviendray plus et ne sçauray que c'est.

  A010000445 

 Elle auroit sans doute eu plus de consolation de demeurer dans la pauvre grotte de Bethleem aupres de son sacré Enfant, et d'y continuer les doux et saints colloques qui se faisoyent entre ce Fils et cette Mere; mais comme elle estoit vrayement obeissante, elle ne faisoit aucun choix des commandemens, ains se sousmettoit à tous indifferemment; car ce n'est pas le propre des vrays enfans de Dieu de faire election de ceux qu'ils veulent prattiquer.

  A010000445 

 Vous en verrez qui aymans le jeusne voudront jeusner le jour de Pasques; et telles autres superstitions qui n'existent plus à cette heure, mais que nous avons veuës en un autre aage.

  A010000446 

 Or, cette obeissance absolue et sans reserve est ce qui releve les Religieux au dessus mesme des hermites [176] et anachoretes qui demeuroyent ès solitudes, y menant une vie plus admirable qu'imitable.

  A010000447 

 Les uns tiennent que cet enfant fut saint Martial, qui fut despuis Evesque de Limoges, mais la plus commune opinion est que ce fut saint Ignace martyr, duquel nous celebrasmes hier la feste et dont on fera demain l'Office, car il est transferé.

  A010000447 

 On la nomme ainsy parce que ce glorieux Saint receut en ce jour dans ses bras Celuy apres lequel il souspiroit, mais avec tant de joye et de consolation que, n'ayant plus rien a souhaitter et se voyant proche de sa fin, il chanta, comme un cygne divin, ce beau cantique: Seigneur, laissez maintenant aller vostre serviteur en paix, car mes yeux ont veu vostre salutaire.

  A010000447 

 Pour vous, deduire ce troisiesme point, je vous presenteray un exemple profitable; et bien que j'en aye ja parlé d'autres fois, et mesme en ce lieu, je ne laisseray pas de vous le dire, car la plus grande partie de celles qui sont à present icy n'y estoyent pas alors; et puis, encores que l'on reparle d'un mesme sujet on ne dit pas tousjours les mesmes choses.

  A010000448 

 Or dites-moy, je vous prie, lequel estimez-vous estre le plus heureux, ou saint Ignace qui fut porté entre les bras de Nostre Seigneur, ou saint Simeon le juste qui le porta entre les siens? Dites-moy ce que vous aymeriez le mieux, ou d'estre portées par ce cher Sauveur comme saint Ignace, ou de le porter entre vos bras comme fit Simeon? Certes, tous deux sont bien heureux, et saint Ignace d'estre manié et porté non point où il veut mais où il plaist à Nostre Seigneur, et saint Simeon de porter entre ses bras Celuy qui luy causa tant de contentement qu'il respandit sur ce divin Seigneur une abondance de larmes de douceur et de consolation.

  A010000449 

 Ce sont icy toutes les affections de Dieu, sur lesquelles nous devons marcher, suivant non seulement ses preceptes, mais encores ses intentions au plus pres que nous pourons.

  A010000449 

 Le grand saint Ignace fut bien heureux d'estre porté entre les bras du Sauveur et de ne plus marcher sur ses pieds mais sur les siens, puisque celuy qui est porté ne marche pas sur ses pieds ains sur ceux de celuy par lequel il est porté.

  A010000449 

 Mais pour cheminer asseurement en celles-cy selon les affections divines, il faut estre simple et veritable à les descouvrir, et suivre la direction que l'on nous donne là dessus; par ce moyen nous serons portés par Nostre Seigneur et ne marcherons plus sur nos propres affections ains sur celles de Dieu..

  A010000449 

 Mais que cette ame est heureuse quand elle ne chemine plus sur ses affections sur celles de son Dieu! Et quelles sont les affections Dieu sinon ses commandemens, d'autant que c'est en iceux qu'elles sont encloses? et tous sont compris en ce premier: Tu aymeras ton Dieu de tout ton coeur et ton prochain comme toy mesme.

  A010000449 

 O que bienheureuse est l'ame qui ne chemine plus sur ses propres pieds, c'est à dire qui ne va plus selon ses propres affections et ses pensées, ni selon ses humeurs et inclinations! car l'ame a des pieds [178] spirituels aussi bien que le corps.

  A010000451 

 Mais pour vous dire lequel est le plus heureux je ne le sçaurois, vous y penserez à part vous; ce pendant taschez de les imiter en cette vie, et vous benirez le Sauveur et en serez benites en l'autre avec ces glorieux Saints.

  A010000451 

 O que nous serons heureux si nous nous laissons bien porter par ce cher Seigneur, et si nous le portons sur nos espaules comme saint Christophe, et entre nos bras comme saint Simeon, nous abandonnant tout à luy pour nous laisser conduire comme il luy plaira! Remettez-vous donc entierement entre les bras de sa divine Providence, sousmettez-vous à ce qui est de sa loy et vous disposez à endurer toutes les peines qui vous pourront arriver en cette vie; ce faisant, les choses les plus dures et penibles vous seront rendues douces et suaves, et vous participerez au bonheur de saint Simeon et de saint Ignace.

  A010000456 

 C'est pourquoy j'ay pensé de vous parler en cette exhortation des conditions qui rendent le jeusne bon et meritoire, mais briefvement et le plus familierement qu'il me sera possible; ce que j'observeray tant aujourd'huy comme ès discours que je vous addresseray tous les jeudys de ce Caresme, lesquels seront des plus simples et propres pour vos cœurs, si j'y puis rencontrer..

  A010000458 

 Ce n'est donques pas inutile de declarer ce qu'il faut faire pour bien s'acquitter du jeusne de la Quarantaine; car quoy que tous soyent tenus de le sçavoir et prattiquer, si est-ce que les Religieuses et les personnes dediées à Nostre Seigneur y sont plus particulierement obligées.

  A010000461 

 C'est ce que nous veut signifier l'Eglise en ce saint temps de Caresme, nous enseignant à faire jeusner nos [183] yeux, nos oreilles et nostre langue: pour cela elle quitte tous ses chants harmonieux à fin de mortifier l'ouÿe; elle ne dit plus d' alleluia et se revest toute de couleur sombre et obscure.

  A010000464 

 Qui fait cela sinon la vanité et la propre volonté? car tout ce qui vient de nous nous semble estre meilleur, et nous est beaucoup plus aysé et facile que ce qui nous est enjoint par autruy, quoy que plus utile et propre pour nostre perfection.

  A010000464 

 Vous en trouverez qui veulent jeusner plus qu'il ne faut, et d'autres qui ne veulent pas jeusner autant qu'il faut.

  A010000465 

 Grande folie que celle-là! Mais voyez que c'est de l'esprit humain: parce que le jeusne que ces personnes s'imposent le samedy à l'honneur de nostre glorieuse Maistresse vient de leur propre volonté et election, il leur semble qu'il soit plus saint et qu'il les conduise à une plus grande perfection que ne feroit pas le jeusne du Caresme qui est commandé.

  A010000465 

 Nous y avons une certaine complaisance qui nous facilite les choses les plus ardues et difficiles, et cette complaisance est presque tousjours vanité.

  A010000466 

 C'est avec ceux cy que nous avons le plus à faire: nous monstrons clairement aux premiers qu'ils contreviennent à la loy de Dieu, et qu'en ne jeusnant pas autant qu'il faut, tout en le pouvant faire, ils enfreignent les commandemens du Seigneur.

  A010000466 

 Ces gens ne jeusnent point par humilité ains par vanité; ils ne reconnoissent pas qu'estans foibles et infirmes, ils feroyent beaucoup plus pour Dieu de ne pas jeusner par le commandement d'autruy et de se servir des viandes qui leur sont ordonnées, que de vouloir s'en abstenir par leur propre volonté; car si bien, à cause de leur foiblesse, leur bouche ne peut faire abstinence, il faut qu'ils fassent [187] jeusner les autres sens du corps et les passions et puissances de l'ame..

  A010000466 

 Il y en a d'autres qui pretendent jeusner plus qu'il ne la ut, et avec ceux cy l'on a plus de peine qu'avec les premiers.

  A010000466 

 Les autres, dit saint Paul, veulent plus jeusner qu'il ne faut.

  A010000466 

 Mais nous avons plus de peine avec les foibles et infirmes qui n'ont pas la force de jeusner; car ils ne veulent point ouyr de raysons ni se persuader qu'ils n'y sont pas tenus, et malgré que nous en ayons ils s'opiniastrent à jeusner plus qu'il n'est requis, ne voulans point user des viandes que nous leur ordonnons.

  A010000467 

 Ne soyez pas comme les hypocrites, ne taschez point de paroistre meilleurs que les autres en pratiquant plus de jeusnes et de penitences qu'eux..

  A010000468 

 Car quoy que le jeusne et les autres penitences soyent bonnes et louables, si est ce neanmoins que n'estans pas pratiquées par ceux avec lesquels vous vivez, il y auroit de la singularité et partant de la vanité, ou du moins quelque tentation de vous surestimer par dessus ceux qui ne font point comme vous, et cela par une certaine complaisance en vous mesmes, comme si vous estiez plus saints qu'eux en faisant de telles choses.

  A010000468 

 Le glorieux saint Augustin, en la Regle qu'il a escrite pour ses Religieux, et encores en celle de ses Religieuses (car il les a dressées toutes deux, et l'une apres l'autre), ordonne qu'on suive la communauté autant qu'il se peut, comme voulant dire: Ne soyez pas plus vertueux que les autres, ne veuillez pas faire plus de jeusnes, plus d'austerités, de mortifications qu'il ne vous en est ordonné; faites seulement ce que les autres font et ce qui vous est commandé par vos Regles, selon la maniere [188] de vivre que vous tenez, et vous contentez.

  A010000469 

 Que l'on ne me rapporte point non plus un saint Simeon Stylite lequel demeura quarante quatre ans sur une colonne, luisant chaque jour deux cens actes d'adoration par des [189] genuflexions; car il agissoit de la sorte, aussi bien que saint Paul, par une inspiration toute particuliere, Dieu voulant faire voir en iceluy un miracle de sainteté, et comment les hommes sont appellés et peuvent mener en ce monde une vie toute celeste et angelique..

  A010000470 

 Mais les avettes sont plus sages et prudentes, car elles mesnagent leur miel dans la ruche où personne ne les peut voir, et outre cela elles se bastissent des petites cellules où elles continuent leur travail en secret; ce qui nous represente fort bien l'ame humble, laquelle est tousjours retirée en soy mesme, sans chercher aucune gloire ni louange de ses actions, ains elle tient son intention cachée, se contentant que Dieu la voye et sçache ce qu'elle fait..

  A010000470 

 O non, dit saint Augustin, ne paroissez point plus vertueux que les autres, contentez-vous de faire ce qu'ils font; accomplissez vos bonnes œuvres en secret et non pour les yeux des hommes.

  A010000472 

 Or, leur occupation plus ordinaire estoit de tresser des nattes et chacun en devoit faire une par jour; le Frere dont nous parlons en ayant fait deux pensoit pour cela estre plus vaillant que les autres, c'est pourquoy il les vint estendre au soleil devant tous à ce qu'on le conneust.

  A010000478 

 Mais le saint Pere estant parti, les anciens Religieux pretendant estre plus austeres, ne voulurent plus manger d'herbes cuites, ains se contenterent d'en manger de crues.

  A010000480 

 La premiere chose est que vostre jeusne soit entier et general, c'est à sçavoir que vous fassiez jeusner tous les membres du corps et les puissances de l'ame: portant la veuë basse, ou du moins plus basse qu'à l'ordinaire; gardant plus de silence, ou du moins le gardant plus ponctuellement que de costume; mortifiant l'ouye et la langue pour n'entendre ni dire rien de vain et inutile; l'entendement, pour ne considerer que des sujets saints et pieux; la memoire, en la remplissant du souvenir de choses aspres et douloureuses et quittant les joyeuses et gracieuses; en fin tenant en bride vostre volonté, et vostre esprit aux pieds du Crucifix et en quelque sainte et dolente pensée.

  A010000491 

 Ainsy que les Evangelistes nous racontent, il fut conduit par l'Esprit au desert pour estre tenté; sur lequel mystere je tireray des documens pour nostre instruction particuliere, le plus familierement qu'il me sera possible..

  A010000494 

 Si nous sommes conduits par l'Esprit de Dieu au lieu de la tentation ne craignons point, ains [197] tenons-nous asseurés qu'il nous rendra victorieux; mais ne la recherchons pas, ni ne l'allons point agacer, pour saints et genereux que nous pensions estre, car nous ne sommes pas plus vaillans que David ou que nostre divin Maistre mesme qui ne la voulut point chercher.

  A010000500 

 [200] Hé, ne vous troublez point et ne faites point ces chimeres d'apprehension de ne pouvoir accomplir ce à quoy vous vous estes obligées, puisque vous estes armées et environnées de la verité de Dieu et de sa parolle; car vous ayant appellées à cette maniere de vie et en cette maison, pourveu que vous marchiez simplement en vostre observance, il vous fortifiera et vous donnera la grace de perseverer et de faire ce qui est requis pour sa plus grande gloire et pour vostre plus grand salut, c'est à dire vostre plus grande felicité..

  A010000501 

 Les paresseux et couards apprehendent tout et trouvent toutes choses dures et difficiles, et cela parce qu'ils s'amusent plus à penser à la niaise et lasche imagination qu'ils se sont forgée de la difficulté future, que non pas à ce qu'ils ont presentement à faire.

  A010000502 

 Au monde le diable ne se travaille pas beaucoup pour tendre ses embusches; mais ès lieux retirés, c'est là où il pense avoir un grand gain en faisant descheoir les ames qui s'y enferment pour servir plus parfaittement la divine Majesté.

  A010000502 

 Saint Thomas s'esmerveilloit grandement dequoy les plus grans pecheurs s'en alloyent par les rues, rians et joyeux comme si leurs pechés ne leur pesoyent point sur la conscience.

  A010000505 

 Ne voyez-vous pas que saint Pierre, quand il croyoit enfoncer dans la mer, apres qu'il eut fait cet acte si genereux de s'y jetter et de marcher sur les eaux pour s'approcher plus promptement de nostre divin Sauveur qui l'appelloit, soudain qu'il commença à craindre et en mesme temps à s'enfoncer, Seigneur, s'escria-t-il, sauvez-moy.

  A010000507 

 Bref, il ne cedoit en rien à son bon Maistre, et plus Nostre Seigneur encherissoit sur la grandeur de ses peines, plus aussi il s'eschauffoit à asseurer qu'il en feroit autant.

  A010000510 

 Ce qu'il fit non seulement ces trois fois dont l'Evangile fait mention, ains plusieurs autres durant les quarante jours qu'il demeura au desert; mais les Evangelistes se sont contentés de marquer ces trois, comme estans les plus grandes et les plus signalées..

  A010000511 

 Helas, disent ces jeunes apprentifs de la perfection, que ferons-nous? Mes passions, que je pensois avoir mortifiées par la fervente resolution que j'avois faite de ne les plus suivre, me tourmentent grandement.

  A010000514 

 Si cela est, ne vous mettez pas en si grand peine, car possible c'est parce que vous l'estes qu'on vous a corrigée, à fin de vous rendre tousjours plus parfaite.

  A010000514 

 Vous devez sçavoir que ceux qui ont une vraye charité ne peuvent souffrir de voir quelque defaut au prochain qu'ils ne taschent de l'arracher par la correction, et sur tout en ceux qu'ils estiment saints ou fort avancés en la perfection, parce qu'ils les croyent plus capables de la recevoir; ils veulent aussi par ce moyen les faire croistre tousjours plus en la connoissance d'eux mesmes qui est si necessaire à un chacun..

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus que la Magdeleine eust la jouissance de cette tant aymable contemplation qui la tenoit en un si doux repos avant d'avoir passé par des espineuses difficultés, par la voye d'une aspre penitence et avant d'avoir avalé les amertumes d'une confusion tres grande; car allant chez le Pharisien pour pleurer ses pechés et en obtenir le pardon elle souffrit les murmures que l'on faisoit contre elle, la mesestimant et nommant pecheresse et femme de mauvaise vie.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus vous rendre dignes de recevoir ces divines suavités et consolations, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle l'estoit plusieurs fois le jour, si vous ne voulez premierement souffrir avec elle les confusions, les mespris et censures que meritent tres bien nos imperfections, lesquelles nous exerceront de temps à autre, veuillons-nous ou non; car cette regle est generale, que nul ne sera si saint en cette vie qu'il ne soit sujet à en commettre tousjours quelqu'une..

  A010000517 

 Mais il passe plus outre, et dit qu'il ne craindra non plus les sagettes qui volent en plein jour; et cecy est le quatriesme document que je tire du Psalme sus allegué.

  A010000517 

 Ne voyla pas de belles esperances, lesquelles nonobstant leur vanité ne laissent pas de consoler beaucoup ceux qui les ont? Mais d'autant plus que ces [209] esperances et pretentions portent à la joye du cœur tandis qu'il y a lieu d'esperer, plus aussi la douleur des effects contraires apporte de la tristesse à ces esprits si fervens; car se voyant estre non pas des saints comme ils pensoyent, ains au contraire des creatures prou imparfaites, ils se trouvent bien souvent descouragés à la poursuite de la vraye vertu qui conduit à la sainteté.

  A010000519 

 Les avares ne peuvent non plus dormir, ains sont tousjours apres à resver quels moyens ils pourront tenir pour accroistre leurs biens et remplir leur bourse.

  A010000520 

 Or, je ne parle pas de ceux qui sont eslevés non pas par leur election mais par leur sousmission l'obeissance qu'ils doivent à Dieu et à leurs Superieurs; car ceux-là n'ont rien à craindre, non plus que Joseph en la maison de Putiphar, parce que si bien ils sont au lieu de la tentation ils n'y periront point.

  A010000521 

 Les avares spirituels sont ceux qui ne sont jamais rassasies d'embrasser et rechercher beaucoup d'exercices de piete pour parvenir tant plus tost à la perfection, disent ils; comme si la perfection consistoit en la multitude des choses que nous faisons, et non pas en la perfection avec laquelle nous les faisons.

  A010000522 

 Hé, pauvres gens, qui ne voulez pas qu'il y ayt aucun plus saint que vous, que ne vous contentez-vous de vostre sainteté telle que vous la pouvez avoir, non pas faisant un si grand amas d'exercices, mais en pratiquant bien, et le plus parfaittement possible, ceux auxquels vostre condition et vocation vous oblige.

  A010000523 

 Je sçay bien comment saint Bernard explique ce passage, mais je ne veux pas en parler, ains seulement de ce qui fait plus à mon propos.

  A010000526 

 Nous eviterons aussi l'avarice spirituelle et l'ambition qui nous apportent tant de detraquement au cœur et tant de retardement en nostre perfection; l'esprit du midy n'aura nul pouvoir de nous faire descheoir de la ferme et invariable resolution que nous avons prise de servir Dieu genereusement et le plus parfaitement qu'il se peut en cette vie, apres laquelle nous irons jouir de luy, qui soit beni.

  A010000526 

 Nous n'apprehenderons pas non plus les craintes nocturnes qui sont de trois sortes, ni moins les vaines esperances d'estre ou vouloir estre des saints dans trois moys.

  A010000538 

 Elles sont belles parce qu'elles sont vrayes, car la beauté n'est point sans la verité, ni la verité sans beauté; aussi les beautés qui ne sont point veritables ne sont non plus point belles, d'autant qu'elles sont fausses et mensongeres..

  A010000538 

 Et d'abord, quand le Sauveur dit: Femme, que ta foy est grande, estoit-ce que la foy de cette femme fust plus grande que la nostre? O non quant à l'objet, parce que la foy a pour objet les verités revelées de Dieu ou de l'Eglise, et elle n'est autre chose qu'une adhesion que nostre entendement fait à ces verités qu'il trouve belles et bonnes.

  A010000540 

 Lors donques que Nostre Seigneur dit: O femme, que ta foy est grande, ce n'estoit pas [216] que la Chananée creust plus que ce que nous croyons; mais plustost parce que plusieurs choses rendirent sa foy plus excellente.

  A010000540 

 Mais quant à l'objet, cette foy ne peut pas estre plus grande aux uns qu'aux autres, ni moins aussi quant à la quantité des choses qu'on doit croire, car il faut que nous croyions tous une mesme chose quant à l'objet et quant à la quantité.

  A010000542 

 Mais quand on s'apperçoit qu'elle ne donne plus signe de vie, alors on dit tout clairement que l'ame en est separée, et partant que cette personne est trespassée..

  A010000549 

 Elle employe la prudence pour acquerir ce qui la peut fortifier et augmenter; elle ne se contente pas de croire toutes les verités revelées par Dieu et declarées par [220] l'Eglise, ce qui necessaire pour estre sauvé, mais elle veille pour, de plus en plus, en descouvrir de nouvelles; et non seulement cela, ains aussi les penetre à fin d'en tirer le suc et la moelle dont elle se nourrit, se delecte, s'enrichit et s'aggrandit.

  A010000549 

 Fausse prudence que celle cy! car bien qu'elle me fist gaigner les villes, les principautés et royaumes, de quoy me proffitera-t-elle si avec cela je suis damné? Que me servira ma vaillance si je n'use d'icelle que pour acquerir les choses transitoires de cette vie mortelle? Certes, quand je serois le plus fort et prudent homme du monde, si je ne me sers de cette vaillance et prudence pour la vie eternelle cela n'est rien..

  A010000550 

 Ceux cy sont des serviteurs fidelles, ils auront donc la vie eternelle, et de plus une grande gloire et suavité en la presence et jouissance de la divine Majesté..

  A010000550 

 Neanmoins il y a tant de prudence humaine! L'on en prend en mille et mille façons, et certes nous voyons que le plus grande partie de nos maux ne viennent que de cette fausse prudence.

  A010000550 

 Vous ne travaillez donc pas pour Dieu ains seulement pour vous mesme, puisque vostre prudence ne s'estend pas plus avant qu'à faire ce que vous scavez qui vous peut empescher de vous perdre.

  A010000551 

 Elle n'observe pas seulement ce qui est requis pour le salut, mais elle recherche, embrasse et prattique fidellement tout ce qui la peut plus approcher de son Dieu..

  A010000552 

 Cette foy attentive est tres grande et excellente, car outre qu'elle est vivante et veillante, elle vient, par cette attention, au plus haut point de la perfection.

  A010000554 

 Il n'y a point de doute que l'attention que nous apportons pour comprendre les mysteres de nostre Religion et celle avec laquelle nous les meditons et contemplons ne rendent nostre foy plus grande..

  A010000554 

 Un voluptueux tout de mesme; car bien qu'il escoute, ce semble, ce dequoy l'on devise, nean moins il ne se resouviendra de rien parce qu'il est plus attentif à sa volupté que non pas à ce dont on discourt.

  A010000555 

 Cette foy ou priere attentive est suivie et accompagnée d'une grande varieté d'autres vertus marquées en la Sainte Escriture; mais parce qu'il y en a un nombre innombrable, je me contenteray de vous toucher celles qui sont les plus propres pour vous autres et qui reluisent tout particulierement en la priere de la Chananée.

  A010000557 

 Certes, le plus grand defaut que nous ayons en nos prieres et en tout ce qui nous arrive, specialement en ce qui regarde les tribulations, c'est nostre peu de confiance; de là vient que nous ne meritons pas de recevoir le secours tel que nous le desirons ou demandons.

  A010000557 

 Mais lors qu'ils virent la mer s'enfler tousjours plus et leur bon Maistre qui dormoit, ils s'esmeurent grandement et s'escrierent: Seigneur, sauvez-nous, nous perissons.

  A010000562 

 Il n'importe, il aymeroit mieux qu'il fust plus long et qu'il y eust quelque plaine et vallée..

  A010000562 

 Le voyageur, encores qu'il marche par un beau et plain chemin, si est-ce que sa longueur l'ennuye, et quand il voit arriver la nuit il se fasche et s'inquiete; en fin, il prendroit certes plus de playsir que ce chemin fust diversifié de quelque vallée ou colline.

  A010000563 

 N'est-ce pas un martyre, je vous prie, d'aller tousjours habillé d'une mesme façon sans avoir la liberté de se chamarrer et decouper ses vestemens comme font les mondains? N'est-ce pas un martyre de manger tousjours à une mesme heure et quasi des mesmes mets, comme c'est une grande perseverance aux paysans de n'avoir [228] ordinairement pour leur nourriture que du pain, de l'eau et du fromage? Neanmoins ils n'en meurent pas plus tost, sins se portent mieux que ces delicats auxquels l'on ne sçait quelle viande est propre.

  A010000564 

 Perseverons en la priere en tous temps; car si Nostre Seigneur semble ne pas nous entendre, ce n'est pas pour cela qu'il nous veuille esconduire, mais c'est à fin de nous obliger à jetter nos clameurs plus haut et nous faire davantage sentir la grandeur de sa misericorde.

  A010000564 

 Tout de mesme, quand Nostre Seigneur nous soustrait les douceurs et les consolations ce n'est point pour nous esconduire ou nous faire perdre courage, mais il nous jette du vinaigre dans la bouche à fin de nous exciter à nous approcher tant plus pres de sa divine Bonté, et nous exercer à la perseverance..

  A010000590 

 De mesme en est-il, mes cheres ames, de ce que nous pouvons dire sur la grandeur de la felicité eternelle et des beautés et amenités dont le Ciel est rempli; car il y a encores plus de proportion entre la lumiere d'une lampe avec la clarté de ces grans luminaires qui nous esclairent, entre la beauté de la feuille ou du fruit d'un arbre et l'arbre mesme chargé de fleurs et de fruits tout ensemble, entre tout ce que cet enfant comprend de ce que sa mere luy dit et la verité mesme des choses dont elle parle, que non pas entre la lumiere du soleil et la [234] clarté dont jouissent les Bienheureux en la gloire; entre la beauté d'une prairiediaprée au printemps et la beauté de ces campagnes celestes, entre l'amenité de nos colines chargées de fruits et l'amenité de la felicité eternelle.

  A010000591 

 Mais avant que de le vous proposer il est necessaire que je leve de vos esprits quelques dificultés qui vous pourroyent empescher de bien entendre ce que je diray par apres; et je le fais d'autant plus volontiers que je desire que ce point soit bien masché, consideré compris..

  A010000592 

 Dieu favorise grandement ceux qui prattiquent la charité envers leurs freres; il n'y a rien qui attire tant sa misericorde sur nous que cela, d'autant que Nostre Seigneur a declaré que c'est son commandement, c'est à sçavoir le sien plus cheri et plus aymé; apres celuy de l'amour de Dieu il n'y on a point de plus grand.

  A010000592 

 Je responds que non seulement elles le peuvent comme auparavant, mais beaucoup plus parfaitement.

  A010000593 

 Puis le sacré songe prit fin et le jeune homme laissa le medecin, lequel ne douta jamais plus de cette verité..

  A010000594 

 Apres icelle nous ne devons plus admettre cette difficulté en nos esprits, que nos ames estans separées de leur corps n'ayent une pleine et absolue liberté de faire leurs fonctions et leurs [236] actions.

  A010000594 

 Icy nous ne pouvons pas faire cela, car quiconque veut penser à plus d'une chose en mesme temps il a tousjours moins d'attention à chacune, et son attention en est moins parfaite.

  A010000596 

 Et si bien il est escrit que Nostre Seigneur enivrera ses bien-aymés, disant: Beuvez, mes amis, et vous enivre mes tres chers, cet enivrement ne rendra pas l'ame moins capable de voir, considerer, entendre et faire ses divers mouvemens, ainsy que nous l'avons declaré, selon que l'amour de son Bien-Aymé luy suggerera; ains cela l'excitera tousjours davantage à redoubler ses mouvemens et eslans amoureux, comme estant tousjours plus enflammée de nouvelles ardeurs..

  A010000599 

 Je ne parleray pas non plus de l'eternité de cette gloire des Saints, mais seulement d'une certaine gloire accidentelle qu'ils reçoivent en la conversation qu'ils ont par ensemble.

  A010000601 

 Les Apostres virent donques alors sa face plus reluisante et esclattante que le soleil, voire cette clarté et cette gloire s'espancha jusques sur ses vestemens pour nous monstrer qu'il n'en estoit pas si chiche qu'il n'en fist part à ses habits mesme et à ce qui estoit autour de luy.

  A010000603 

 O Dieu, quelle consolation recevrons-nous en cette conversation celeste que nous aurons les uns avec les autres! Là nos bons Anges nous apporteront une joye plus grande qu'il ne se peut dire quand ils se feront reconnoistre à nous, et qu'ils nous representeront si amoureusement le soin qu'ils ont eu de nostre salut durant le cours de nostre vie mortelle; ils nous resouviendront des saintes inspirations qu'ils nous ont apportées, comme un lait sacré qu'ils alloyent puiser dans les mammelles de la divine Bonté, pour nous attirer à la recherche de ces incomparables suavités dont nous serons lors jouissans.

  A010000605 

 Si cela est ainsy, mes cheres ames, quelles consolations recevrons-nous entrant au Ciel, où nous verrons cette benite face de Nostre Dame toute flamboyante de l'amour de Dieu! Et si sainte Elizabeth demeura si transportée d'ayse et de contentement quand, au jour qu'elle la visita, elle luy ouyt entonner ce divin Cantique du Magnificat, combien nos cœurs et nos esprits tressailliront-ils d'une joye indicible lors qu'ils entendront entonner par cette chantre sacrée le cantique de l'amour eternel! O quelle douce melodie! Sans doute nous pasmerons et entrerons en des ravissemens fort aymables, lesquels ne nous osteront pourtant pas l'usage ni les fonctions de nos puissances qui, par ce divin rencontre que nous ferons de la Sainte Vierge, s'habiliteront [242] merveilleusement pour mieux et plus parfaittement louer et glorifier Dieu, qui luy a fait tant de graces et à nous aussi, nous donnant celle de converser familierement avec elle..

  A010000607 

 Passons plus outre, je vous prie, et disons un peu quelques mots de l'honneur et de la grace que nous aurons de converser mesme avec Nostre Seigneur humanisé.

  A010000609 

 Nostre felicité ne s'arrestera pas là, mes cheres ames, mais elle passera plus avant, car nous verrons face à face et tres clairement la divine Majesté, l'essence de [244] Dieu et le mystere de la tres sainte Trinité, en laquelle vision et claire connoissance consiste nostre felicité essentielle.

  A010000610 

 Mais quel sera ce mot? Oh! ce sera un mot le plus amoureux qui se puisse jamais imaginer.

  A010000610 

 Representez-vous tous ceux qui se peuvent prononcer pour attendrir un cœur et les noms les plus affectionnés qui se puissent ouyr, et puis dites en fin que ce n'est rien au prix de celuy que Dieu donnera à un chacun là haut au Ciel.

  A010000611 

 Et poursuivant elle adjoustera: Meilleur est sans nulle comparaison le lait qui coule de ses cheres mammelles que non pas tous les vins les plus delicieux, et le reste.

  A010000612 

 Or, si nous avons en cette vie tant de suavité à ouyr parler de ce que nous aymons que nous ne pouvons nous en taire, quelle joye, quelle jubilation recevrons-nous d'entendre eternellement chanter les louanges de la divine Majesté que nous devons aymer et que nous aymerons plus qu'il ne se peut comprendre en cette vie! Si nous prenons [246] tant de playsir en la seule imagination de la perdurable felicité, combien en aurons-nous davantage en la jouissance de cette mesme felicité! felicité et gloire qui n'aura jamais de fin, ains qui durera eternellement sans que jamais nous en puissions estre rejettés.

  A010000618 

 Or, telles sortes de gens auroyent quelque rayson s'ils disoyent seulement que la grace n'est pas offerte aux pecheurs comme aux justes; mais s'ils passoyent plus outre à fin de s'enquerir pourquoy les premiers ne reçoivent pas cette grace comme les seconds, certes, ils seroyent contraints de confesser que ce n'est pas le defaut de la grace qui est cause de leur perte, car jamais elle ne manque.

  A010000620 

 Ce n'est pas que celuy cy n'y fust aussi tenu, mais d'autant que le riche avoit esté favorisé de beaucoup plus de biens que non pas l'autre, il avoit par consequent plus de devoir de servir son Seigneur.

  A010000620 

 Neanmoins nous voyons en l'Evangile du jour que de ces deux hommes esgalement appellés de Dieu, celuy qui a le plus receu et qui est le plus obligé de le servir ne le sert point, ains vit et meurt miserablement, tandis que le pauvre Lazare le sert avec fidelité et meurt heureusement.

  A010000620 

 Nous voyons donques que ce riche estoit appellé de Dieu aussi bien que le Lazare, et qu'il avoit encores plus d'obligation que luy d'observer les divins commandemens.

  A010000621 

 Judas, au contraire, le plus felon et desloyal homme qui ayt jamais esté, d'Apostre devint apostat, commettant le plus execrable peché et la plus grande perfidie en vendant son bon Maistre..

  A010000621 

 Voyez d'abord comme la vocation et election de Judas estoit advantageuse par dessus celle de saint Mathias; car Judas, le plus meschant homme qui se puisse trouver, fut appellé à l'apostolat de la propre bouche de Nostre Seigneur qui l'appella mille fois par son nom; il fut instruit de luy comme les autres Apostres, il l'entendit parler et prescher, il fut tesmoin des œuvres merveilleuses qu'il faisoit et comment il confirmoit sa doctrine par de tres grans miracles; son cher Maistre luy avoit fait beaucoup de graces singulieres lesquelles saint Mathias ne receut point, car il ne fut pas appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur ni de son vivant, ains par les Apostres apres [250] son Ascension, de sorte qu'il vint comme un avorton succeder à ce miserable Judas.

  A010000622 

 Qui dit enfant de consolation veut signifier de la plus grande consolation ou de tres grande consolation; fils de joye s'entend de la plus grande joye ou de tres grande joye: de mesme Judas estant tombé dans cette iniquité que de vendre son Seigneur et Maistre, est dit fils ou enfant de perdition, c'est à sçavoir de la plus grande ou tres grande perdition, telle que celle des diables, car il estoit pire qu'un diable; aussi brusle-t-il avec eux dans les flammes eternelles.

  A010000622 

 Voyla comme celuy de ces deux Apostres qui avoit esté le plus favorisé a apostasié, et l'autre, qui fut appellé à l'apostolat apres la mort de Nostre Seigneur, a perseveré.

  A010000624 

 D'autres ont peu parler avec plus de ferveur ou d'eloquence, mais quant à la sagesse, tant pour les choses transitoires que pour les spirituelles, il les a tous surpassés.

  A010000624 

 Luy, le plus sage de tous les hommes, à qui Dieu avoit si amplement donné son Esprit, sa sapience et la connoissance de toutes choses, luy qui penetroit jusques au centre de la terre, traittant si hautement de tout ce qui s'y trouve, et qui montoit jusques au cedre du Liban, luy qui parloit avec tant de sagesse non seulement des choses corporelles et materielles mais encores des spirituelles! Ce qui se voit en cet admirable Livre de l'Ecclesiaste et en celuy de ses Proverbes qui sont tout remplis de sentences pleines d'une sapience telle que nous voyons clairement que personne n'en a jamais esté doué comme Salomon.

  A010000626 

 Or, ce bienfait de la perseverance est tres grand, d'autant que quand on vient à manquer à la grace en telle maniere de vie les cheutes en sont plus graves et perilleuses, comme ont esté celle des Anges dans le Ciel, celle d'Adam dans le Paradis terrestre et de Judas au college de Nostre Seigneur.

  A010000628 

 Il crea le monde avant que de creer l'homme, car il luy voulut preparer un palais, une mayson et demeure clans laquelle il se peust loger; ensuite il le declara maistre de tout ce qui est en iceluy, luy permettant de s'en servir, mais non pas en telle sorte qu'il n'eust point d'autre pretention, car il l'avoit creé pour une fin plus haute qui est luy mesme.

  A010000630 

 On rencontrera des hommes qui ayans femme, enfans et une famille à entretenir, pour laquelle ils auroyent besoin d'acquerir quelques commodités à fin de la subvenir, lesquels neanmoins ne s'en soucient pas, ains mangent et dissipent toute leur substance, demeurant toute leur vie pauvres, chetifs et miserables; mais ils sont tellement avaricieux de leur liberté, qui est leur tresor, leur richesse et la plus noble piece qu'ils ayent, ils la tiennent si ferme et de si pres que pour rien au monde ils ne la veulent perdre, quitter ni assujettir, ains en veulent jouir pour vivre selon leurs fantasies et se vautrer en toutes sortes de playsirs et voluptés.

  A010000631 

 Ce desir luy estoit si cher qu'il ne trouvoit rien de si difficile à quitter pour Dieu, car il se fust plus aysement desfait et eust plus volontiers cedé tous les biens et playsirs du monde, s'il les eust eus, que cette passion de s'instruire.

  A010000635 

 Mais il est tout certain que Judas est convaincu de la plus grande perfidie et trahison qui se puisse imaginer et qu'il n'est nullement excusable.

  A010000636 

 Or, estre avaricieux en la vie religieuse et apostolique c'est estre comme Judas, et c'est la plus grande tare qui se puisse trouver en un ecclesiastique et en un Religieux, tout ainsy que la plus grande tare qui sçauroit se rencontrer en un soldat c'est d'estre poltron: aussi ne souffrira-t-il jamais qu'on l'appelle de la sorte.

  A010000636 

 Si vous [258] dites qu'il est larron il ne s'en pique pas; si qu'il est desbauché il ne s'en soucie point et ne fait que s'en rire; mais si vous dites qu'il est poltron il s'en offensera et ne l'endurera pas, sçachant bien que c'est la plus grande injure qu'on luy puisse faire, d'autant que la poltronnerie est tout à fait contraire à sa profession.

  A010000638 

 Advertissemens qui nous doivent faire vivre en grande crainte et humilité en quel lieu et estat que nous soyons, et dresser souvent nos cœurs vers la divine Bonté pour invoquer son secours, faisant le plus d'eslans de nos esprits en Dieu que nous pourrons, souspirant apres luy par frequentes prieres et oraisons..

  A010000638 

 O Dieu, que c'est une chose redoutable que le peché, pour petit et leger qu'il puisse estre! C'est ce qui faisoit dire à ce grand saint Bernard: Marchez tousjours et gardez de vous arrester; allez tousjours plus avant, car il est impossible de demeurer en un mesme estat en cette vie; celuy qui n'avance pas, il faut de necessité qu'il recule.

  A010000639 

 Mais la grace ne va-t-elle pas au dessus de la nature? Saint Paul avoit un naturel aspre, rude et revesche; neanmoins la grace de Dieu le renversa, et se saisissant de ce naturel revesche, elle le rendit d'autant plus ferme au bien qu'il entreprit, et si courageux et invincible en toutes sortes de peines et de travaux que rien ne peut esbranler son courage, de maniere qu'il devint un grand Apostre, tel que nous l'honnorons à present.

  A010000644 

 Or, Joseph, qui estoit juste, ne perdit point sa justice encores qu'il ne fust pas retenu pour Apostre, ains sa sainteté luy demeura, pour nous apprendre que Dieu ne choisit pas tousjours les plus saints pour gouverner et avoir des charges en son Eglise.

  A010000644 

 Partant ceux qui y sont appellés ne doivent pas se glorifier et presumer d'eux mesmes, pensant estre meilleurs ou plus parfaits que les autres, et ceux qui ne sont point receus à tels offices ne s'en doivent point troubler, puisque cela ne les empeschera pas d'estre justes et aggreables à Dieu..

  A010000656 

 Ces paroles sont des plus remarquables, des plus considerables et qui portent plus de poids que nostre divin Maistre ayt dites; c'est pourquoy les anciens Peres se sont beaucoup arrestés à en tirer des interpretations.

  A010000656 

 La seconde est l'union qu'il nous faut avoir en nous mesme, au royaume que nous avons en nostre interieur, dont la rayson doit estre la reyne, à laquelle toutes les facultés de nostre esprit, tous nos sens et nostre corps mesme doivent demeurer absolument assujettis; car sans cette obeissance et sousmission nous ne pouvons nous empescher de la desolation et du trouble, [265] non plus que le royaume où les sujets ne sont pas obeissans aux lois du roy..

  A010000657 

 Cette union et concorde nous a esté preschée, recommandée et enseignée tant d'exemple que de parolle, par Nostre Seigneur, mais avec une exageration nompareille et avec des termes admirables; de sorte qu'il semble qu'il se soit oublié de nous recommander l'amour que nous luy devons porter, et à son Pere celeste, pour mieux nous inculquer l'amour et l'union qu'il vouloit que nous eussions les uns avec les autres; il a mesme appellé le commandement de l'amour du prochain son commandement, comme estant le sien le plus cheri.

  A010000659 

 Aussi, nous ne devons pas entendre de pouvoir parvenir à l'esgalité de cette union, car il ne se peut, comme le remarquent les anciens Peres; il nous faut contenter d'en approcher au plus pres qu'il nous sera possible, selon la capacité que nous avons.

  A010000659 

 Nostre Seigneur ne nous appelle pas à l'esgalité, ains seulement à la qualité de cette union, c'est à sçavoir, que nous nous devons aymer et estre unis par ensemble le plus purement et le plus parfaitement qu'il se peut..

  A010000660 

 J'ay pris d'autant plus de playsir à traitter de ce sujet aujourd'huy, que j'ay trouvé que saint Paul nous recommande cet amour du prochain avec des termes admirables dans l'Epistre que nous avons leuë à la sainte Messe, en laquelle il dit escrivant aux Ephesiens: Bien aymés, marchez en la voye de la dilection des uns envers les autres comme enfans tres chers de Dieu; marchez en icelle comme Jesus Christ y a marché, lequel a donné sa propre vie pour nous, s'offrant à Dieu son Pere en holocauste et en hostie d'odeur et de suavité.

  A010000661 

 C'est cette image et semblance que nous devons honnorer et aymer en tous les hommes, et non pas autre chose qui soit en eux; car rien n'est aymable en nous de ce qui est de nous, puisque non seulement cela n'embellit pas cette divine ressemblance, ains l'enlaidit, souille et barbouille, en sorte que nous ne sommes presque plus reconnoissables.

  A010000663 

 Mais un certain jeune fripon luy ayant representé que la ressemblance de ces esclaves estoit d'autant plus admirable qu'ils estoyent de diverses contrées et qu'ils n'avoyent point d'alliance par ensemble, il demeura tout apaisé et en fit tousjours despuis un si grand estat qu'il eust mieux aymé perdre tous ses biens que ces deux enfans, à cause de la rareté de leur ressemblance..

  A010000664 

 Que veux-je dire par là, sinon que le commandement de l'amour de Dieu et celuy de l'amour du prochain se ressemblent autant que ces deux jouvenceaux dont Pline parle, quoy qu'ils soyent de païs extremement lointains; [269] car quel esloignement y a-t-il, je vous prie, entre l'infini et le fini, entre l'amour divin qui regarde un Dieu immortel et l'amour du prochain qui regarde l'homme mortel, entre l'un qui regarde le Ciel et l'autre, la terre? Cette divine ressemblance est donques d'autant plus admirable.

  A010000667 

 Tout ainsy que de plusieurs grains de froment moulus et petris ensemble on fait un seul pain, pain qui est composé de tous ces grains de blé qui estoyent auparavant separés et qui ne sont plus separables maintenant, de maniere qu'ils ne peuvent plus estre remarqués ni reconneus en particulier, de mesme ces Chrestiens avoyent un amour si fervent les uns pour les autres, que leurs volontés et leurs cœurs estoyent tous saintement confus et pesle meslés.

  A010000668 

 Et comme nous voyons encores que de plusieurs raisins pressurés les uns avec les autres se fait un seul vin, et qu'il n'est plus possible de remarquer quel est le vin sorti d'une telle graine ou d'une telle grappe, ains tout estant pesle meslé ne forme qu'un vin tiré de plusieurs graines de raisins, de mesme ces cœurs des premiers Chrestiens, esquels regnoit la sainte charité et dilection, n'estoyent qu'un vin composé de plusieurs cœurs comme de plusieurs raisins.

  A010000670 

 Les hommes de l'ancienne Loy sont damnés s'ils n'ont pas aymé le prochain, car ou la loy de nature les y obligeoit ou bien celle de Moyse; mais les Chrestiens qui, apres l'exemple que Nostre Seigneur nous en a laissé, [272] ne s'ayment pas les uns les autres et n'observent ce divin precepte de la charité mutuelle seront damnés d'une damnation incomparablement plus grande..

  A010000670 

 Or, quelles sont ces nouvelles obligations que Jesus Christ a apportées au monde, de nous rendre souples en l'observance de ce divin precepte? Elles sont grandes certes, puisque luy mesme est venu nous l'enseigner non seulement de paroles mais beaucoup plus d'exemple; car ce Maistre divin et tres aymable ne nous a point voulu apprendre à peindre qu'il n'ayt premierement peint devant nous; il ne nous a donné nul precepte qu'il ne l'ayt premierement observé devant que nous le donner.

  A010000671 

 Les hommes d'autrefois, je veux dire ceux qui vivoyent avant la glorieuse Incarnation de nostre cher Sauveur et Maistre, peuvent avoir quelques excuses, car si bien l'on sçavoit desja en ce temps là que Nostre Seigneur, unissant nostre nature humaine à la nature divine, viendroit reparer par sa Mort et Passion l' image et semblance de Dieu imprimée en nous, ce n'estoyent que quelques uns des plus grans, comme les Patriarches et les Prophetes qui avoyent cette connoissance, les autres hommes l'ignoroyent quasi tous.

  A010000672 

 O combien donques devons-nous relever nos courages pour vivre selon ce que nous sommes, et imiter le plus parfaittement qu'il se peut Celuy qui est venu pour nous enseigner ce que nous devions faire, à fin de conserver en nous cette beauté et divine ressemblance qu'il a si entierement reparée et embellie en nous!.

  A010000672 

 Se faut-il donques estonner si ce Bien-Aymé de nos ames veut que nous nous aymions comme il nous a aymés, puisqu'il nous a tellement restablis en cette parfaitte ressemblance que nous avions avec luy qu'il semble qu'il n'y ayt plus aucune difference? Certes, nul ne peut douter que l'image de Dieu qui estoit en nous avant l'Incarnation du Sauveur ne fust grandement distante de la vraye ressemblance de Celuy que nous representions et duquel nous estions les portraits; car quelle proportion y a-t-il, je vous prie, entre Dieu et la creature? Les couleurs de ce portrait estoyent infiniment blasfardes et decolorées; il n'y avoit simplement que quelques traits, quelques petits lineamens, ainsy que l'on voit en un portrait ou en un tableau qui est seulement esbauché, et où les couleurs n'estans encores posées, on n'y remarque qu'un air bien petit et bien mince de celuy qu'il represente.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000676 

 Il faut que nous en fassions de mesme, dit le saint Apostre, c'est à dire que nous fabriquions nostre croix, que nous souffrions les uns des autres comme le Sauveur nous l'a enseigné, que nous donnions nostre vie pour ceux mesmes qui nous la voudroyent oster, comme il fit si amoureusement; que nous l'employions pour le prochain non seulement ès choses aggreables, mais ès [275] plus penibles et desaggreables, telles que de supporter amoureusement ces persecutions qui pourroyent en quelque façon attiedir nostre amour envers nos freres..

  A010000677 

 Cela est bien bon, dit saint Bernard, mais ce n'est pas assez, il faut passer plus outre.

  A010000677 

 Voicy certes un tres bon signe de vostre amour; mais encores faut-il passer plus avant, car il y a un plus haut degré en cet amour, ainsy que nous l'apprend saint Paul lequel disoit: Soyez mes imitateurs comme je le suis de Jesus Christ.

  A010000682 

 Jusqu'où s'est abaissée la grandeur de Dieu pour un chacun de nous et jusqu'où nous veut-il eslever? Nous unir si parfaittement à soy qu'il nous rende une mesme chose avec luy! C'est ce que Nostre Seigneur a voulu, pour nous enseigner que comme nous avons tous esté aymés d'un mesme amour par lequel il nous embrasse tous en ce tres saint Sacrement, aussi veut-il que nous nous aymions de ce mesme amour qui tend à l'union, mais à une union des plus grandes et plus parfaites qu'il se peut dire.

  A010000683 

 Mais entre tous ses preceptes il n'en est point qu'il ayt tant inculqué ni dont il ayt tesmoigné desirer une si exacte observance que celuy de l'amour du prochain; non pas que celuy de l'amour de Dieu ne le precede, mais d'autant que pour la prattique de celuy de l'amour du prochain la nature ayde moins que pour l'autre, il estoit besoin que nous y fussions excités en une façon plus particuliere..

  A010000683 

 Or, nous [278] avons un Pere meilleur que tout autre et duquel toute bonté derive; ses commandemens ne peuvent estre que tres parfaits et salutaires, c'est pourquoy nous le devons imiter le plus parfaittement qu'il se peut, et obeir de mesme à ses divines ordonnances.

  A010000684 

 Aymons-nous donques de toute l'estendue de nos cœurs pour plaire à nostre Pere celeste, mais aymons-nous raysonnablement: c'est à dire, que nostre amour soit conduit par la rayson qui veut que nous aymions plus l'ame du prochain que son corps; puis que nous aymions encores le corps, et ensuite par ordre tout ce qui appartient au prochain, chaque chose selon qu'elle le merite, pour la conservation de cet amour..

  A010000685 

 Aussi son saint Apostre nous l'a-t-il plus particulierement exprimé, ne voulant pas que nous nous amusions à imiter ni les Anges ni les Cherubins en cette prattique tant necessaire, ains Nostre Seigneur mesme qui nous l'a enseignée beaucoup plus par œuvres que par paroles, principalement estant attaché à la croix..

  A010000686 

 C'est au pied de cette Croix que nous devrions nous tenir continuellement, comme au lieu auquel les imitateurs de nostre souverain Maistre et Sauveur font leur plus ordinaire demeure; car c'est de là qu'ils reçoivent cette liqueur celeste de la sainte dilection qui sort à grans randons, comme une divine source, des entrailles de la divine misericorde de nostre bon Dieu qui nous a aymés d'un amour si fort, si solide, si ardent et si perseverant que la mort mesme ne l'a pas peu attiedir, ains au contraire l'a infiniment rehaussé et aggrandi.

  A010000686 

 Les eaux des plus ameres afflictions n'ont peu esteindre le feu de cette dilection qu'il nous portoit, tant il estoit ardent, et les persecutions envenimées de ses ennemis n'ont pas eu assez de force pour vaincre la solidité et fermeté incomparable de l'amour dont il nous a aymés.

  A010000694 

 Mais les ecclesiastiques qui se sont tout à fait dediés à Dieu ne doivent point avoir d'autre Seigneur que luy; c'est pourquoy ils se separent de la creature quant à cette union qui se fait avec elle par le mariage, à fin de s'unir plus estroittement [282] avec leur Dieu; car le Sacrement de Mariage est une union de la creature avec la creature, et celuy de l'Ordre ecclesiastique est en quelque façon une desunion de la creature d'avec la creature.

  A010000696 

 De plus, elles et nous avons part aux oraisons des Bienheureux qui sont en Paradis; et c'est en cela que consiste cette communion des Saints qui nous est representée en la guerison de nostre malade, [283] qui ne fut point delivrée par ses prieres, mais par celles des Apostres qui prierent pour elle..

  A010000698 

 Mais j'ay pensé de ne point traitter aujourd'huy de celles là, ains des corporelles dont les Religieux et Religieuses ne sont pas plus exempts que les autres, car ces maladies corporelles vont dans les Religions aussi bien que dans le monde; et puis c'est de celles-cy qu'il est question dans nostre Evangile, et c'est une chose de grande importance de sçavoir comme il en faut bien user.

  A010000698 

 Quant à ce qui est des maladies spirituelles, elles sont en si grand nombre que si j'entreprenois d'en parler je n'aurois jamais fait, d'autant plus qu'elles sont l'exercice de toute l'année; et, bien que les Religieuses soyent exemptes de quelques unes, neanmoins elles ne le sont pas de toutes.

  A010000701 

 C'est donques une imagination que nos peintres ont fait qui n'est non plus veritable que celle par laquelle quelques uns peignent le bon larron attaché à la croix avec des doux, ce qu'ils ne veulent pas faire du mauvais, comme s'il ne le meritoit pas; et telles autres suppositions sur la Sainte Escriture, lesquelles sont heteroclites et dangereuses et dont il faut user sobrement; de mesme de ce qu'on pretend des trois Maries..

  A010000703 

 Il n'estoit pas sans commencement, puisque, comme homme, il eut une naissance, et non plus sans fin, d'autant qu'il mourut comme tous les autres.

  A010000703 

 Or, cette façon icy est plus haute et meilleure que la premiere, et si, elle est plus simple et plus asseurée.

  A010000704 

 Certes, cette femme est admirable en la façon qu'elle porta sa maladie corporelle, et je trouve en l'Evangile que nous lisons aujourd'huy à la Messe qu'elle prattiqua un grand [287] nombre de vertus; mais celle que j'ay plus admirée c'est cette grande remise qu'elle fait d'elle mesme à la providence de Dieu et aux soins de ses superieurs.

  A010000706 

 Cette charité est plus forte et presse de plus pres que la nature, elle n'espargne rien; c'est donc pur ce motif que les Superieurs et Superieures des Religions pourvoyent aux necessités de ceux qu'ils ont en charge.

  A010000706 

 Si les gens du monde ont sujet de se delaisser ainsy à ceux qui les soignent, à cause de l'amour ou compassion [288] naturelle qu'ils leur portent, à plus forte rayson les Religieuses qui vivent sous des Superieures lesquelles, par le motif de la charité, les servent et pourvoyent à leurs besoins.

  A010000707 

 Mais ce qui est encores plus admirable, c'est qu'elle le voit dans sa mayson, elle le regarde et il la regarde; et si, elle ne luy dit pas un mot de sa maladie pour l'exciter à avoir pitié d'elle.

  A010000709 

 Les moines qui se sont consacrés au service de Nostre Seigneur, adjouste-t-il, ne doivent plus avoir soucy des maladies corporelles, mais bien des spirituelles, et pour les premieres il leur faut s'en remettre à la providence de Dieu qui les permet, et au soin des Superieurs qui ont charge d'eux.

  A010000711 

 O certes, les Religieux et Religieuses de saint Bernard, non plus que les autres, ne sont plus comme ils estoyent alors.

  A010000712 

 Il est vray aussi que l'on est bien plus tendre et douillet qu'autrefois; et ce seroit encor peu si l'on usoit seulement des medecines et des medecins selon que nos Superieurs l'ordonnent.

  A010000712 

 Mais il n'en prend pas ainsy en ce temps; car outre que les drogues sont à meilleur prix, les medecins ne sont point non plus si rares; de là vient qu'on les employe plus facilement, si que pour le moindre mal il faut se medicamenter et courir à la haste pour appeller le medecin.

  A010000713 

 Elle n'estoit pas semblable à plusieurs personnes de ce temps, lesquelles si elles ont la migraine ou la colique il faut que chacun en soit empesché et que tout le voysinage en soit instruit, autrement elles ne sont pas contentes; ni à ceux qui pour le moindre mal veulent estre retirés à part dans une infirmerie à fin que chacun les plaigne et souffle sur iceluy; ni à ceux qui courent au medecin pour la plus petite incommodité qu'ils ressentent.

  A010000717 

 Sa douceur et sa resignation furent grandes en ce [294] qu'elle ne mena aucun bruit de son mal ni ne le tesmoigna par ses paroles, car elle ne dit point au Sauveur ni à ceux qui la gouvernoyent, qu'elle desiroit plus la santé que la maladie.

  A010000740 

 Dieu exerce il est vray cette providence envers toutes les creatures et specialement envers les hommes, tant payens et heretiques qu'autres quels qu'ils soyent, car autrement ils periroyent indubitablement; pourtant, il faut sçavoir qu'il a une providence beaucoup plus particuliere pour ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000740 

 Or, entre ceux cy il se trouve encores quelques troupes, comme nous voyons en nostre Evangile, qui meritent que Nostre Seigneur ayt d'eux un soin plus special: ce sont ceux qui pretendent parvenir à la perfection et lesquels, pour ce faire, ne se contentent pas de le suivre en la plaine [298] des consolations, ains ont le courage de le suivre encores parmi les deserts jusques sur la cime de cette haute montagne.

  A010000740 

 Plusieurs virent le Sauveur tandis qu'il alloit instruisant et guerissant les hommes, et ne le suivirent pourtant pas; d'autres le voyant le suivirent, mais seulement jusqu'au pied de la montagne, se contentant de l'accompagner en la plaine et ès lieux aggreables et faciles; mais plus heureux mille fois ceux qui le virent et le suivirent non pas seulement jusqu'au pied de la montagne, ains transportés de l'amour qu'ils luy portoyent, monterent avec luy, despourveus de tout autre soin que de luy plaire, car ils meriterent que la divine Bonté prinst soin d'eux, et de leur faire mesme un festin miraculeux de peur qu'ils ne vinssent à defaillir de faim..

  A010000741 

 Ce que nous deduirons sera aussi plus utile pour le lieu où nous sommes..

  A010000742 

 Ceux cy ont une plus grande capacité que les autres pour bien entendre la parole de Dieu et estre attirés par la douceur de ses suavités.

  A010000742 

 O que c'est une bonne [299] marque à un Chrestien de se plaire à entendre la parole de Dieu et de quitter tout pour le suivre! On peut sans doute pretendre et parvenir à la perfection en demeurant au monde et faisant soigneusement ce qu'on doit faire selon sa vocation; mais pourtant c'est une chose tres certaine que le Sauveur n'exerce pas envers ceux-là une providence si speciale, ni n'en a pas une sollicitude si particuliere comme de ceux qui abandonnent encores tout le soin d'eux mesmes pour le suivre plus parfaitement.

  A010000746 

 Les Religieux et les Religieuses que sont-ils autre chose sinon des oyseaux en cage pour repeter sans cesse les louanges de Dieu? Nous pouvons dire que tous les exercices de la Religion sont autant de cantiques nouveaux qui nous annoncent les divines misericordes, et qui nous provoquent continuellement à magnifier la divine Majesté en reconnoissance de la speciale et toute particuliere providence qu'elle a eue pour nous, nous ayant retirés d'entre le reste des hommes pour plus aysement et tranquillement suivre le Sauveur sur la montagne de la perfection..

  A010000747 

 Mais en verité nous pouvons bien dire ce qui est dans le saint Evangile: Plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus; plusieurs aspirent à la perfection, mais peu y parviennent, d'autant qu'ils ne marchent pas comme il faudroit, ardemment mais tranquillement, soigneusement mais confidemment, c'est à dire, plus appuyés sur la divine Bonté et sur sa providence que non pas sur eux mesmes et sur leurs œuvres.

  A010000748 

 Les enfans d'Israël n'eurent pas la manne jusques à tant qu'ils n'eurent plus de la farine d'Egypte; et cecy est le second point.

  A010000751 

 De mesme en est-il des tribulations purement spirituelles, qui sont ces degousts, aridités, secheresses, aversions et repugnances au bien que les ames les plus adonnées au service de Dieu ressentent fort souvent.

  A010000751 

 En fin l'exercice de la vertu m'est si difficile que je ne sçay plus que faire; je suis affligée plus qu'il ne se peut dire, et n'ay pas assez de paroles propres pour exprimer l'incomparable peine que je souffre..

  A010000751 

 Les peines, les douleurs qu'un chacun a sont tousjours les plus grandes: ces pauvres femmes qui ont perdu leur mari estiment tousjours leur affliction plus griefve que celle de toutes les autres.

  A010000752 

 Chose estrange que de l'esprit humain: cela n'est rien! Et que voudriez-vous donques de plus? que Dieu vous envoyast un Ange pour vous consoler? O il ne le fera pas; vous n'avez pas cneores jeusné trois jours et trois nuits pour le suivre sur la montagne de la perfection, pour à laquelle parvenir il faut que vous vous oubliiez vous mesme, laissant à Dieu le soin de vous consoler ainsy que bon luy semblera, ne vous mettant en peine ni en soucy d'autre chose que d'aller apres luy en escoutant sa parole comme ce bon peuple..

  A010000754 

 Nous pouvons bien dire: Il est vray que je n'ay nulle vertu, ni moins les conditions propres pour estre employé à telle ou telle charge; mais apres il nous faut tellement mettre nostre confiance en Dieu que nous devons croire que quand il sera necessaire que nous les ayons et qu'il se voudra servir de nous, il ne manquera pas de nous les donner, pourveu que nous nous laissions nous mesme pour nous occuper fidellement à louer et procurer que nostre prochain loue sa divine Majesté, et que sa gloire soit augmentée le plus que nous pourrons..

  A010000760 

 Plus honnorées mille fois sont ces pauvres troupes mangeant un morceau de pain d'orge à la table de nostre doux Sauveur, que d'estre nourries de perles et des viandes les plus exquises du monde à celle de cette miserable Cleopatra..

  A010000761 

 Les vrays amis de Dieu et ceux qui le suivent fidellement par tout où il va, poussés de l'amour ardent qu'ils portent à sa divine Majesté, et, pour dire en un mot, les Religieux et les Religieuses, qui ont fait profession de l'accompagner par les chemins les plus difficiles et aspres jusques sur la montagne de la perfection, doivent à l'imitation de ce peuple, n'avoir plus qu'un pied en la terre, tenant toute leur ame avec toutes ses puissances et ses facultés occupée aux choses celestes, laissant tout le soin d'eux mesmes à Nostre Seigneur au service duquel ils se [308] sont dediés et consacrés; partant ils ne doivent rechercher ni desirer autre chose que simplement ce qui est necessaire, et tout particulierement pour ce qui regarde les besoins spirituels; car quant aux temporels cela est tout clair, puisqu'ils ont abandonné le monde et toutes les commodités qu'ils avoyent d'y vivre selon leur volonté.

  A010000764 

 Apres icelle il n'y aura plus sujet de craindre ni d'avoir telles apprehensions, car Dieu aydant, nous serons en lieu de sureté.

  A010000764 

 Là nous ne pourrons jamais manquer de glorifier cette divine Majesté que nous aurons si cherement aymée et suivie, selon qu'il nous aura esté possible, par les deserts de ce monde miserable jusques au plus haut de la montagne de la perfection, où nous parviendrons tous par sa grace, pour l'honneur et gloire de Nostre Seigneur qui est nostre divin Maistre.

  A010000769 

 Cette cy se trouvoit à une petite lieue du Thabor, et là aupres, c'est à dire deux lieues plus loin, estoit la ville de Capharnaum où le Sauveur faisoit sa principale residence et auquel lieu il operoit de tres grans miracles.

  A010000770 

 Nostre cher Sauveur rencontrant ces funerailles à la porte de [311] Naïm, voulut faire un tres grand miracle: il s'approcha donques de ceux qui portoyent le corps et toucha la biere, leur commandant d'arrester là et de ne pas passer plus outre, ce qu'ils firent soudain; et tout le peuple estant en attention pour voir ce qui adviendroit, Jesus prononça cette parole toute puissante: Adolescent, je te dis, leve-toy.

  A010000771 

 La resurrection du Lazare fut encores un plus grand miracle, il est vray, et s'accomplit avec plus de ceremonies; mais le Sauveur le ressuscita à la requisition de ses sœurs.

  A010000771 

 Premierement, le miracle de la resurrection de ce jeune homme a esté l'un des plus grans que Notre Seigneur ayt operé en Galilée, car il le fit de son propre mouvement, sans y estre incité que par sa seule bonté et misericorde.

  A010000773 

 L'attouchement du Sauveur n'estoit pas necessaire pour ce miracle, non plus que pour aucun autre; il pouvoit bien, sans toucher la biere, faire arrester ceux qui la portoyent et ressusciter cet adolescent sans aucune ceremonie, par sa toute puissance et vertu divine; mais il ne le voulut pas, ains se servit de l'imposition de ses mains pour monstrer qu' aux jours de sa chair, à sçavoir quand il conversoit en sa chair parmi les hommes, il exerçoit sa vertu et puissance divine par l'entremise de son humanité.

  A010000775 

 Cecy est un peu difficile à entendre, car qui appelle-t-il adolescent? Le defunct ne l'estoit pas ni quant au corps ni quant à l'ame, d'autant que l'ame n'est ni vielle ni jeune, elle ne croist ni ne descroist, elle n'est susceptible d'aucun temps; le corps n'estoit non plus adolescent, puisqu'estant mort ce n'estoit qu'une charogne.

  A010000775 

 Or, si l'ame de cet homme trespassé n'est sujette à aucune vicissitude, et si le corps estant separé de son ame n'est plus qu'un cadavre, à qui donc nostre Sauveur parle-t-il en cette sorte: Adolescent, je te dis, leve-toy? Voicy l'esclaircissement de cette difficulté.

  A010000781 

 Et comme le disoyent-ils, puisque les plus courageux et sçavans philosophes d'entre eux, estans sur un basteau, sont demeurés tout pasles et transis voyant les flots et tourmentes de la mer qui les menaçoyent d'une mort prochaine? C'est ce que raconte saint Augustin, adjoustant les paroles que respondit l'un d'eux en cette occurrence: Vous autres estes des canailles et gens qui n'avez point de cœur et point d'ame à perdre, car vous les avez ja perdus; mais moy, dit-il, je redoute la mort parce que j'ay une ame et que je crains de la perdre.

  A010000782 

 Ceux qui veulent traverser des ruisseaux ou des rivieres sur quelque planche sont en grand peril de se perdre s'ils portent des bericles; car il y a deux sortes de bericles: les unes font les caracteres plus grans qu'ils ne sont, les autres les font plus petits, et ceux qui ont la veuë courte en usent.

  A010000782 

 Or, si ces gens voulant passer sur cette planche employent des bericles qui aggrandissent les objets, elles la luy representeront beaucoup plus large qu'elle n'est; si que s'asseurant là dessus ils se mettront en danger de poser les pieds hors d'icelle et par consequent de se perdre, car rencontrant le vuide ils tomberont dans le precipice.

  A010000783 

 C'est ce qui fait que les plus grans serviteurs de Dieu ont redouté ce passage comme une chose à la verité tres redoutable..

  A010000784 

 Et que l'on ne me dise point que plusieurs Saints n'ont pas craint la mort, ains qu'au contraire ils l'ont souhaittée et demandée, voire se sont resjouis quand elle est venue, et que par consequent il ne la faut point apprehender non plus d'autant que cette crainte est pleine de frayeur.

  A010000788 

 Ce grand personnage, Job, est un autre Saint qui paroist avoir souhaitté la mort et l'avoir trouvée plus douce que la vie; car se voyant reduit en tant d'angoisses et de tribulations, il semble qu'il avoit plus de sujet de desirer la mort que la vie.

  A010000792 

 De plus, ces paroles qui en apparence semblent estre rudes, sont les plus douces et obligeantes qu'un cœur amoureux puisse dire à une ame amoureuse; et pour ce, je vous repete encores, faites seulement tout ce qu'il vous dira..

  A010000794 

 Voyla le chastiment dont Dieu menaça l'homme, comme estant le plus rude de tous et le plus contraire à sa nature.

  A010000801 

 Un an plus tard je m'informay si ce bon seigneur estoit mort.

  A010000823 

 Caïphe, le plus miserable d'entre les hommes, profera aussi cette parole tant veritable, qu'il estoit requis qu'un homme mourust pour le salut du peuple..

  A010000823 

 Lors ce grand Saint fit un tel cas des documens que luy donnoit cette miserable femme, que non content de les recevoir humblement, il luy en tesmoigna mesme de la gratitude, la remerciant bien fort; et despuis, il fit une si grande estime de ce document que non seulement il porta tousjours les yeux corporels bas et regardant la terre, mais beaucoup plus les yeux interieurs et spirituels en la consideration de son neant, de sa vileté et de son abjection, si qu'il fit un continuel progres en la vertu de la tres sainte humilité tout le reste de ses jours.

  A010000824 

 Que nous doit-il importer que l'on nous donne du baume dans un pot de terre ou dans un vase plus pretieux? pourveu qu'il guerisse nos playes cela nous doit suffire..

  A010000825 

 L'Escriture toute sage nous tesmoigne encores cecy lors qu'elle nous renvoye aux bestes les plus infirmes, mesme les plus brutes, pour estre instruits de ce que nous devons faire, disant que nous allions aux fourmis à fin d'apprendre d'elles le soin et la prevoyance que nous devons avoir, d'autant qu'elles amassent tandis que le temps est beau pour se nourrir par apres au temps qui n'est point propre à la cueillette.

  A010000827 

 Donques, entant que Nostre Seigneur est Dieu il estoit impossible qu'il peust pecher, et entant qu'il est homme cela ne se pouvoit non plus, parce que son ame humaine fut glorieuse en sa partie superieure dès l'instant de sa conception au ventre sacré de Nostre Dame.

  A010000827 

 Dès que l'on dit Dieu, ce mot exclut tellement le peché que jamais plus on ne doit estre en doute qu'il s'y puisse trouver.

  A010000830 

 Ainsy la grâce, ni moins la foy ne fut pas donnée à Nostre Seigneur pour luy, car il n'en avoit pas besoin, il estoit la grace mesme et c'est à luy de la distribuer; la foy, il ne la pouvoit avoir non plus.

  A010000830 

 Certes, il n'avoit pas besoin de ce lait tres delicieux pour soy mesme, non plus que les femmes du lait qu'elles ont dans leur poitrine, lequel ne leur est donné de Dieu et de la nature que pour la nourriture de leurs enfans.

  A010000832 

 Quelle plus grande verité que celle-cy, puisque Dieu mesme avoit proferé cette sentence? Mais cet ancien serpent commençant à arraisonner la femme: Hé, dit-il, ou vouloit-il dire, ne soyez pas si exacts à prendre les paroles du Seigneur à la rigueur, vous ne mourrez point.

  A010000833 

 Despuis, tous ses enfans ont esté entachés de cet esprit d'orgueil qui les rend habiles à pourchasser les honneurs, [335] les richesses, les playsirs, et que sçay-je moy, telles choses qui ne sont que folie, puisqu'elles sont plus propres à les destourner de la verité que non pas à les rendre capables de se tenir attentifs à icelle.

  A010000835 

 Alors il nous semble que jamais nous ne pourrons avoir aucune repugnance à estre humiliés; mais quand ce vient à l'occasion, nous ne pensons plus à nos resolutions, ains nous sommes si vains que la moindre ombre d'abjection nous fait fremir et nous nous armons à la defense de peur de la recevoir..

  A010000837 

 Nous la croyons bien, pourrions-nous respondre, mais nous ne l'ensuivons pas; en quoy nous ne serons nullement excusables, non plus que les payens, lesquels ayans reconneu qu'il y avoit un Dieu ne l'ont pourtant pas honnoré comme tel.

  A010000838 

 Car tout ainsy que la femme qui n'aymeroit pas davantage son mary que son laquais ne l'aymeroit pas assez ni comme elle doit, non plus que l'enfant qui aymeroit son pere d'un amour esgal à celuy qu'il porteroit à son valet, de mesme celuy qui ouyroit la predication avec le mesme esprit et la mesme attention qu'il feroit un conte de recreation ou tel autre propos, ne l'entendroit pas comme il faut; et s'il prenoit un playsir esgal en l'un comme en l'autre l'on pourroit [338] dire asseurement qu'il n'aymeroit pas assez la parole de Dieu.

  A010000843 

 Il ne faut pas non plus nous mettre en danger de nous perdre en ne demeurant pas en la verité, c'est à dire en ne vivant pas selon icelle, ou en ne nous rendant pas capables de bien l'entendre quand elle nous est proposée ou expliquée de la part de Dieu.

  A010000843 

 Nous ne serons pas non plus excusables si nous doutons que ce qui nous est enseigné soit la verité, d'autant que Jesus Christ, qui est la verité par essence, nous a enseignés luy mesme et s'est rendu nostre tres cher Maistre.

  A010000855 

 Cette imperfection est que, quoy qu'ils soyent jouissans de la claire vision de Dieu, ils ne reconnoissent pas tousjours tres clairement ce qui est de sa volonté, de sorte qu'en attendant d'en avoir une plus claire connoissance ils font au plus pres qu'ils peuvent ce qu'ils jugent estre le plus conforme au divin bon playsir, combien qu'ils soyent quelquefois d'advis differens l'un de l'autre.

  A010000855 

 Et non seulement elle s'est rencontrée parmi les Anges avant qu'ils fussent confirmés en grace, mais aussi du despuis, d'autant qu'ils n'ont point esté si entierement parfaits qu'il ne leur soit resté une certaine imperfection negative, laquelle neanmoins ne les rend point desaggreables à Dieu; elle ne les peut non plus faire descheoir de la beatitude, ni leur faire commettre aucun peché, car ils sont confirmés en grace.

  A010000859 

 Par exemple, entendant comme saint Hierosme rapporte que sainte Paule avoit cette imperfection de pleurer et ressentir si vivement la mort de ses enfans et de son mary qu'elle en tomboit malade et failloit presque en mourir: Hé, disent-ils, si sainte Paule, qui estoit une si grande Sainte, avoit tant et de si vifs ressentimens à se separer de ceux qu'elle aymoit, se faut-il estonner si j'en ay, moy qui ne suis ni saint ni sainte, et si je ne me puis resigner en tous les evenemens, quoy qu'ils soyent ordonnés de la divine Providence pour mon bien? De là vient que quand on nous reprend de quelque manquement ou imperfection, l'on n'a point envie de se corriger; l'on objecte promptement: Un tel Saint faisoit bien cela, je ne suis pas meilleur ni plus parfait que luy; ou: Si une telle fait cela, ne le puis-je pas bien faire? Belle rayson que celle-cy! Pauvres gens que nous sommes, comme si nous n'avions pas assez à travailler chez nous pour nous desfaire et detortiller de nos imperfections et mauvaises habitudes, sans nous aller encor revestir de celles que nous remarquons aux autres..

  A010000863 

 Cette doctrine est toute contraire à celle du siecle; car quoy que Nostre Seigneur crie et recrie: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, les pacifiques, les debonnaires, ceux qui ont faim et soif de justice, le monde, qui ne peut approuver cette sagesse, dit tous-jours: O que bienheureux sont les riches, les braves, ceux qui se vengent de leurs ennemis et que l'on n'oseroit offenser! Voyez-vous comme la perfection de la croix est une folie devant les sages du monde, car elle embrasse ce que la prudence humaine abhorre? Elle ayme la correction, s'y sousmet et se complaist de n'estre rencontrée que pour estre corrigée, et n'a point de plus grand playsir que d'estre reprinse et advertie de ses defauts et manquemens.

  A010000863 

 O que bienheureuses sont ces ames qui ne se parlent que pour s'advertir ou faire la correction fraternelle en esprit de charité et profonde [349] humilité; mais plus heureuses encores celles qui sont tousjours prestes à la recevoir avec un cœur doux, paisible et tranquille; elles ont ja fait un grand chemin.

  A010000863 

 Qu'elles soyent humbles et fidelles, et qu'elles prennent bon courage, car malgré toutes les tricheries de la prudence humaine elles arriveront au plus haut point de la perfection chrestienne..

  A010000864 

 Il advint donques que ce glorieux Saint voulant aller à Milan, il choisit plustost de s'y rendre par eau que par terre pour avoir plus de moyen de faire ses exercices spirituels, reciter son Office, prendre son heure de meditation, lire quelques bons livres, donner de bons documens; en somme il avoit bien plus de commodités de s'exercer ès œuvres pieuses allant dans un navire que s'il fust allé à cheval.

  A010000871 

 Ils levent la teste, dressent le crin, marchent à courbelles, en somme ils donnent de la vanité à celuy qui les monte; celuy-cy n'entend pas plus tost son cheval jetter les pieds sur le pavé qu'il se brave avec luy, et leve la teste pour regarder s'il verra point aux fenestres quelques dames ou damoyselles qui l'admirent; en fin l'on ne sçait lequel est le plus vain, ou le cheval ou son chevalier.

  A010000872 

 O non certes, nostre beni Sauveur n'eust point fait de tort à son Pere eternel quand, au plus fort de ses mespris et humiliations, il eust dit: Je suis aussi puissant que le Pere, aussi bon que le Saint Esprit, j'ay la mesme puissance, sapience et bonté que le Pere et le Saint Esprit; car il estoit en tout et par tout esgal à eux.

  A010000872 

 Or, Nostre Seigneur, qui venoit destruire l'orgueil, ne voulut point se servir de cette beste pour sa monture, car il estoit humble; il choisit donques entre tous les animaux le plus simple et le plus humble, parce qu'estant grandement amoureux de l'humilité et de la bassesse, nul ne luy peut servir de monture qu'il ne soit humble.

  A010000876 

 Si vous me demandiez qui estoyent ces deux disciples je ne sçaurois que vous respondre, car les Evangelistes n'en disent rien; aussi, puisqu'ils ne les nomment pas je ne pourrais non plus les nommer.

  A010000901 

 Ou encores, s'il se vouloit servir pour [363] cette redemption de l'entremise de quelque creature, n'en pouvoit-il pas creer une d'une telle excellence et dignité que, par ce qu'elle eust fait ou souffert, elle eust suffisamment satisfait pour les pechés de tous les hommes? Asseurement, et il pouvoit nous racheter par mille autres moyens que celuy de la mort de son Fils; mais il ne l'a pas voulu, car ce qui estoit suffisant à nostre salut ne l'estoit pas à assouvir son amour; et pour nous monstrer combien il nous aymoit, ce divin Fils est mort de la mort la plus rude et ignominieuse qui est celle de la croix..

  A010000902 

 Que reste-t-il donques, et quelle consequence pourrons nous tirer de cela, sinon que, puisqu'il est mort d'amour pour nous, nous mourions aussi d'amour pour luy, ou, si nous ne pouvons mourir d'amour, que du moins nous ne vivions pour autre que pour luy? Que si nous ne l'aymons et ne vivons pour luy, nous serons les plus desloyales, infideles et perfides creatures qui se puissent trouver.

  A010000904 

 Mais voicy un grand accident qui survint; car le serpent infernal, sçachant qu'ils avoyent ce pouvoir, de mourir ou ne mourir pas, se resolut de les tenter et de leur faire perdre la justice originelle dont Dieu les avoit doués et enrichis, les sollicitant de manger du fruit defendu; et pour ce faire plus commodement, il print les escailles et la forme d'un serpent, et en cette sorte il tenta Eve.

  A010000906 

 Je diray bien davantage: quand elles viendroyent à souffrir toutes les peines qui se pourroyent trouver dans cent mille millions d'enfers, s'il y en avoit autant, et ce avec la plus grande perfection possible à une creature humaine, tout cela ne seroit rien en parangon d'un petit souspir de Nostre Seigneur, d'une petite goutte du sang qu'il a respandu pour l'amour de nous, d'autant que c'est sa personne, qui est d'une excellence et dignité infinie, qui donne le prix et la valeur à telles actions et souffrances; car la Divinité est tellement meslée avec l'humanité que nous disons avec verité que Dieu a souffert la mort, et la mort de la croix, pour nous racheter et nous donner la vie..

  A010000906 

 Mais quoy qu'il ne souffrist rien entant que Dieu, si est-ce que la Divinité qui s'estoit unie avec l'humanité donnoit un tel prix, valeur et merite à ses souffrances, qu'une petite larme, un petit mouvement de son sacré cœur, un petit souspir amoureux estoit plus meritoire, plus pretieux et aggreable à Dieu que n'eussent esté tous les tourmens imaginables de corps et d'esprit, voire mesme les tortures de l'enfer, endurées par les creatures douées de la plus grande perfection.

  A010000910 

 Ç'a esté sa vocation que d'estre Sauveur; c'est pourquoy le Pere eternel a tant contesté pour la prouver aux hommes, non seulement par les Patriarches et Prophetes, mais par luy mesme; voire, chose estrange, il s'est mesme servi pour cet effect de la bouche des impies et des plus scelerats qui se puissent trouver, comme nous dirons tantost.

  A010000913 

 De plus Dieu, par le plus miserable, infidelle, traistre et desloyal homme qui fut jamais au monde, à sçavoir par la bouche de Caïphe, pour lors souverain Prestre, ne prononça-t-il pas cette parole de verité si grande qu'il estoit expedient qu'un seul homme mourust pour sauver tout le peuple? Admirable conteste que celuy de Dieu pour monstrer que veritablement son Fils estoit Sauveur et qu'il failloit qu'il mourust pour nous sauver, puisque mesme il tira cette sentence du plus detestable grand Prestre qui ayt onques esté sur terre.

  A010000915 

 Ce que je vous vay dire est la chose la plus admirable qui se puisse imaginer et la plus propre à fournir une comparaison pour monstrer que Nostre Seigneur est mort à cause de nos pechés; et pour moy je pense que quand je rencontray cecy à l'ouverture de ce livre ce fut une inspiration que Dieu m'envoyoit, du moins l'ay-je toujours creu ainsy..

  A010000915 

 Il faut, puisque je suis en ce lieu où je parle tousjours librement et franchement, que je vous die ce qui m'arriva un jour que je devois prescher la Passion de Jesus Christ en l'une des plus fameuses villes de France.

  A010000919 

 O que grande estoit la flamme d'amour qui brusloit dans le cœur de nostre doux Sauveur, puisqu'au plus fort de ses douleurs, au temps auquel la vehemence de ses tourmens sembloit luy oster mesme le pouvoir de prier pour soy, il vint par la force de sa charité à s'oublier de soy mesme, mais non de ses creatures; et pour ce, avec une voix forte et intelligible il dit ces mots: Mon Pere, pardonnez-leur.

  A010000922 

 Jesus Christ fit donques cette priere à son Pere; mais avec quelle reverence! Certes, la sacrée Vierge Nostre Dame a surpassé toute creature en l'humilité et respect avec lesquels elle a prié et traitté avec son Dieu; tous les Saints ont prié avec grande reverence; les colonnes du Ciel tremblent, les plus hauts Seraphins fremissent et se couvrent de leurs aisles pour l'honneur qu'ils portent à la divine Majesté; mais toutes ces humilités, tous ces honneurs, toute cette reverence que la Vierge, les Saints, tous les Anges et les Seraphins rendent à Dieu ne sont rien en comparaison de celle de Nostre Seigneur.

  A010000924 

 Grand accident que celuy cy, lequel perça le cœur de Nostre Seigneur! Hé, pauvre saint Pierre, que faites-vous et que dites-vous? Vous ne sçavez quel il est, vous ne le connoissez pas, vous qui avez esté appellé de sa propre bouche à l'apostolat, vous qui avez confessé qu'il estoit le Fils du Dieu vivant! Ah! miserable homme que vous estes, comment osez-vous dire que vous ne le connoissez pas? N'est-ce pas Celuy qui nagueres estoit à vos pieds pour les laver, qui vous a repeu de son corps et de son sang? Et vous asseurez que vous ne le connoissez pas! Oh, comme est-ce que la terre vous peut supporter? comment ne s'ouvre-t-elle pas pour vous engloutir dans le plus profond des enfers?.

  A010000925 

 De plus, pour gaigner entierement son cœur et ne laisser aucune chose de ce qui le pouvoit rendre plus affectionné à sa divine Majesté, sçachant qu'il avoit une inclination de trafiquer et manier les affaires, il voulut le faire procureur en son college sacré.

  A010000925 

 O Dieu, mes cheres Sœurs, que terribles et espouvantables sont les cheutes des serviteurs de Dieu, principalement de ceux qui ont receu de grandes graces; car quelle plus grande grace que celle qui avoit esté donnée à saint Pierre et à Judas? Celuy [374] cy avoit esté appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur mesme, qui le prefera à tant et tant de millions d'autres lesquels eussent fait des merveilles en ce ministere; le Sauveur luy fit des faveurs signalées, car outre qu'il luy accorda le don des miracles, il luy predit encores ce qui luy devoit arriver touchant sa trahison à fin que, le sçachant, il eust moyen de l'eviter.

  A010000926 

 Que personne ne presume de ses bonnes œuvres et pense n'avoir plus rien à redouter, puisque saint Pierre qui avoit receu tant de graces, qui avoit promis d'accompagner Nostre Seigneur à la prison et jusques à la mort mesme, le renia neanmoins au moindre sifflement d'une chambriere, et que Judas le vendit pour une si petite somme de deniers..

  A010000930 

 Ainsy il ne voulut point l'implorer de crainte de faire cette penitence, ains se desesperant il s'en alla pendre, et le ventre luy creva, ses entrailles se respandirent et il fut enseveli au plus profond des enfers.

  A010000931 

 En la seconde nous voyons deux larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur, hommes meschans au possible, qui n'avoyent jamais fait de bie; c'estoyent les plus scelerats, les plus perfides et insignes voleurs qui se puissent voir; aussi les avoit-on choisis comme tels pour mettre aux costés de nostre cher Sauveur à fin de le declarer par ce moyen maistre de tous les voleurs.

  A010000932 

 Certes, ni l'un ni l'autre n'avoyent jamais fait de bien, et le bon larron estoit un des plus scelerats voleurs qui se puissent voir; neanmoins sur la fin de sa vie il regarda la Croix, il y trouva la redemption et fut sauvé.

  A010000938 

 Mais son cher Enfant qui s'en alloit mourir, voyant que, demeurant vefve et orpheline, elle ne sçauroit où aller, il la voulut pourvoir en cette desolation, luy donnant son Disciple pour fils, comme la [380] chose la plus pretieuse qu'il luy pouvoit laisser en mourant; car c'estoit le disciple qu'il aymoit et auquel il inspira un veritable amour de fils pour une telle Mere, à fin que par ce moyen il eust plus de soin et de souci d'elle..

  A010000939 

 Mais nostre cher Sauveur ne laissa rien de tout cela à saint Jean et à sa Mere, ains leur laissa un tresor plus grand que tout cela..

  A010000940 

 Mais cette sacrée Vierge passa plus outre, d'autant qu'elle vit que Nostre Seigneur en luy donnant saint Jean pour fils luy donnoit par consequent tous les Chrestiens, desquels il vouloit qu'elle fust la mere, comme enfans de grace, car Jean signifie grace.

  A010000940 

 Neanmoins, comme tres sousmise, elle l'accepta avec un cœur doux et tranquille, et son divin Fils luy donna pour saint Jean un amour plus tendre que n'eurent ni n'auront jamais toutes les meres ensemble envers leurs enfans.

  A010000942 

 Aussi saint Denis, qui pour lors n'estoit pas Chrestien et qui par apres ayant esté converti par les predications du grand Apostre saint Paul, vint en ces quartiers et fut Apostre de la France, s'escria en voyant ce prodige: Il faut de deux choses l'une, «ou que le Dieu de la nature souffre, ou que la fin du monde approche,» car cette ecclipse est tout à fait surnaturelle, puisqu'elle est en plein midy et au plein de la lune, et que de plus elle surpasse le terme ordinaire des ecclipses (elle dura trois heures entieres).

  A010000942 

 Il n'y a point de doute non plus que cette ecclipse ne fust surnaturelle et qu'en icelle le soleil ne souffrist, car elle arriva en plein midy et quand la lune estoit en son plein.

  A010000944 

 Or, comme je me souviens de vous avoir desja parlé plusieurs fois sur ce sujet, je ne vous en diray rien à cette heure, sinon que je pense que la plus grande douleur qu'enduroit alors le cœur sacré de Nostre Seigneur fut causée par l'ingratitude de ces Chrestiens qui, mesprisans sa Mort et ne se servans pas de cette Passion qui luy estoit si penible et douloureuse, se perdroyent pour ne s'en vouloir prevaloir.

  A010000947 

 On luy fit aussi les plus belles offres, les plus desirables semonces qui se peuvent imaginer, d'autant que les uns luy crioyent: Toy qui te vantes d'estre Fils de Dieu, descens de la croix, et nous t'adorerons et te reconnoistrons pour tel.

  A010000948 

 Elle se peut entendre de cette soif corporelle causée parles extremes tourmens qu'il avoit soufferts toute la nuit, alteration si grande qu'elle brusloit et consumoit ses poumons et l'eust fait infailliblement mourir si Dieu ne l'eust reservé à de plus grandes souffrances.

  A010000951 

 O miserables gens, qui demandez une autre redemption que celle de la Croix, celle-cy n'est-elle donc pas suffisante? Elle est mesme plus que suffisante, puisqu'il est vray qu'une seule larme, un seul souspir amoureux sortant de ce cœur sacré pouvoit racheter des millions de milliers de natures humaines et angeliques, s'il y en eust eu autant qui eussent peché; et toutefois il ne nous a pas rachetés avec un seul souspir ni une seule larme, ains avec tant et tant de travaux et de peines, ayant espuisé tout le sang de ses veines.

  A010000952 

 Ils parlent bien des cinq degrés d'obeissance; nanmoins ils ne font rien plus que les theologiens qui en discourent si excellemment.

  A010000953 

 Que les mariés demeurent en la croix de l'obeissance, c'est à dire du mariage; car c'est leur croix la meilleure et celle de la plus grande prattique, d'autant que l'on est presque en perpetuelle action et que les occasions de souffrir y sont plus frequentes qu'en aucune autre.

  A010000956 

 O mon Pere, j'ay accompli de point en point tout ce qui estoit de vostre volonté, il ne me reste plus rien à faire, voyla l'œuvre de la Redemption finie et achevée.

  A010000957 

 Pendant que j'ay vescu je vous ay desja, o mon Pere, remis sans reserve mon corps et mon ame; à cette heure il ne me reste plus rien, apres avoir tout accompli ce que vous requeriez de moy, sinon de remettre mon esprit entre vos mains..

  A010000958 

 Tout est accompli, mais s'il vous plaist que mon esprit demeure encores plus long temps dans ce corps à fin de souffrir davantage, je le remets entre vos mains; si vous voulez que je passe de cette vie en l'autre pour entrer en ma gloire, je remets mon esprit entre vos mains; en somme, o mon Pere, vouloit dire nostre cher Maistre, me voicy entierement prest et resolu de faire tout ce qu'il vous plaira.

  A010000959 

 Je remets mon esprit entre vos mains, mais aussi vous ferez en sorte que du moins je seray tous-jours bien aymé de ceux qui me conduiront, entre les mains desquels je me delaisse pour l'amour de vous; vous ferez qu'ils approuvent et trouvent bon tout ce que je feray, du moins la plus grande partie, car de n'estre pas aymé et de ne pas sentir cet amour cela ne se peut supporter..

  A010000978 

 On voit par ces mots, chacun de vous, qu'il n'y a celuy lequel vivant ça bas, ne soit compris et enserré dans cette regle qui est sans exception aucune, tant pour ceux qui demeurent emmi le tracas et les distractions ordinaires de ce monde erroné, que pour ceux qui, desirans mener une vie de plus haute perfection, se sont separés d'iceluy; bref, soit grans soit petits, tous sont [392] compris dans cette proposition.

  A010000984 

 La deuxiesme consideration est plus relevée et excellente que la premiere et appartient principalement à ceux qui aspirent à une plus haute perfection: c'est de quitter tout ce qu'ils possedent, non point seulement par un esprit d'abnegation, mais aussi de fait, et se despouiller de toutes les choses de ce monde caduc et transitoire.

  A010000996 

 Mais premier que d'entrer plus avant en nostre discours, disons ce mot sur l'abbregé de nostre foy pour l'instruction des Chrestiens.

  A010001000 

 De plus, il y a en icelle sept Sacremens, lesquels pourtant nous ne sommes pas obligés de prattiquer tous, ains seulement chacun selon sa vocation, comme celuy des Ordres pour les prestres et celuy du Mariage pour ceux que Dieu y a appellés.

  A010001001 

 Ce premier Ange donc, qui estoit Lucifer, se trouvant si beau et excellent en sa nature, car il estoit le plus parfait de tous, dit en soy mesme: Je me feray semblable au Tres Haut et me sieray sur les flancs d'aquilon, qui sont les plus hauts, et tous me rendront honneur.

  A010001001 

 Considerons d'abord que Dieu estant un Esprit pur et libre, voulant faire quelque chose hors de soy il crea les Anges, et ensuite Adam et Eve en estat d'innocence et de justice originelle; de plus il leur laissa leur franc arbitre, accompagné de toutes les prerogatives et privileges de grace qui se puissent desirer.

  A010001002 

 Elle, ouvrant les oreilles à ce propos (car si tost qu'on parle de nous eslever il nous semble que tout nostre bien depend de cela), donna son consentement et mangea du fruit defendu, voire passa plus outre, en faisant manger à son mary, si que tous deux succomberent et desobeirent à Dieu.

  A010001005 

 Elles viennent sur les ondes de la mer au temps de la plus grande fraischeur, qui est à [403] la pointe du jour, principalement au mois de may; comme elles sont là, elles ouvrent leurs escailles du costé du ciel, et les gouttes de la rosée tombant en icelles, elles les resserrent ensuite en telle sorte qu'elles couvent cette rosée dans la mer et la convertissent en perles, dont puis apres l'on fait tant d'estat.

  A010001005 

 Sçavez-vous comme se font les perles? (Plusieurs dames desirent des perles, mais elles ne se soucient pas du reste.) Les meres perles font comme les abeilles: elles ont un roy, et prennent pour cela la plus grosse d'entre elles et la suivent toutes.

  A010001008 

 Or, si les meres ont naturellement tant de desir que leurs enfans regnent et soyent honnorés, à plus forte rayson Nostre Dame qui sçait que son Fils est son Dieu: aussi l'honneur du Fils est celuy de la Mere..

  A010001014 

 Nous voyons d'ordinaire que l'Escriture sacrée nous descouvre apertement les cheutes les plus enormes de plusieurs grans Saints; comme quand elle nous veut monstrer la penitence d'une Magdeleine, les larmes d'un saint Pierre, la conversion d'un saint Paul, elle nous fait lire premierement leurs fautes avant que de parler de leur repentir.

  A010001016 

 De mesme en est-il pour ce qui est de descheoir d'icelle et de tomber en quelque peché et imperfection: l'on ne tombe pas tout à coup, mais des petites fautes l'on vient aux plus grandes.

  A010001016 

 Il ne faut point dire: C'est peu de chose de ne se pas trouver avec la Communauté tant à la priere qu'à quelqu'autre exercice; car si saint Thomas se fust trouvé avec les autres Apostres, il eust esté saint et fidelle huit jours plus tost.

  A010001017 

 Certes, il auroit deu demander aux Apostres comment le Sauveur leur estoit apparu et se resjouir avec eux de leur bonheur; mais le mal est qu'il fit tout le contraire et que de plus il ne voulut en façon quelconque s'accuser de sa faute.

  A010001024 

 Ainsy en est-il des ames qui estans parmi la meslée du monde y engagent toutes leurs affections, car à grand peine de deux cens s'en sauve-t-il une ou deux au plus, parce qu'elles ne pensent point aux choses eternelles et sont tousjours attentives aux honneurs, playsirs et richesses; pour cela nous sommes obligés de prier pour elles à fin que Dieu leur donne une parfaite foy qui les fasse desprendre de toutes les choses de la terre..

  A010001032 

 Le troisiesme nous le festons à la Pentecoste, jour auquel Dieu adoptant les Gentils, les fit passer de l'infidelité au bonheur d'estre ses enfans bien aymés, bonheur le plus grand que l'Eglise peust recevoir.

  A010001034 

 Si nous estions des Anges nous parlerions de Dieu bien autrement et d'une maniere bien plus excellente; mais helas, nous ne sommes qu'un peu de poussiere et des enfans qui ne sçavons ce que nous disons.

  A010001036 

 De plus, le Verbe a creé Marie et il est né d'elle, de mesme que l'abeille fait le miel et le miel l'abeille, si que jamais on ne vit abeille sans miel ni miel sans abeille..

  A010001036 

 En effect, comme le Pere eternel voulut que son Fils unique fust Chef et Seigneur absolu de toutes les creatures, de mesme voulut-il que la tres sainte Vierge fust la plus excellente entre toutes, puisqu'il l'avoit choisie avant tous les siecles pour estre la Mere de son divin Fils.

  A010001036 

 Et de vray, le ventre sacré de Marie est une ruche mystique dans laquelle le Saint Esprit a pestri ce gasteau de miel avec le plus pur sang d'icelle.

  A010001036 

 Mais il y a difference entre le miel qui se tire du thym, d'autant qu'il est beaucoup plus excellent que celuy qu'on appelle d'Heraclée, qui se fait sur l'aconit et autres fleurs; car quand on le taste l'on connoist aussi tost celuy qui est recueilli sur le thym parce qu'il est fort et doux tout ensemble, tandis que celuy d'Heraclée donne la mort.

  A010001037 

 Tout cela nous monstre qu'il est plus qu'homme, comme au contraire, par les gemissemens qu'il fait en la creche, tremblottant de froid, nous le voyons vrayement homme..

  A010001046 

 Le Prophete les rapporte selon l'ordre de leur dignité, et d'autant que le don de sapience est le plus excellent et le plus relevé, il le met le premier, et les moins excellens il les met à la fin.

  A010001046 

 Mais nous, qui en devons parler pour nous instruire, commençons par le bas bout pour monter au plus haut, et puisque nous sommes en terre, commençons par le premier degré; quand nous serons parvenus en haut, je veux dire au Ciel, nous pourrons puiser les tresors dans le sein du Pere eternel..

  A010001048 

 De mesme il y a plusieurs personnes lesquelles ne quitteroyent jamais leur mauvaise [419] vie s'ils ne craignoyent la mort, le jugement et les peines d'enfer; et cette crainte est la plus generale entre les hommes, ainsy que l'experience le fait voir tous les jours; car de dix mille penitens, il n'y en a peut estre pas un qui ne commence son salut par cette crainte de la mort, du jugement et de l'enfer.

  A010001060 

 Combien a-t-on veu de personnes qui ont sceu le bien et n'ont pas eu le courage de le prattiquer, ainsy que nous voyons encores aujourd'huy en la plus-part des Chrestiens!.

  A010001063 

 Par exemple, vous verrez une personne qui voudra suivre la devotion, qui dira en elle mesme: Quel conseil suivray-je pour prattiquer le bien que Dieu m'a inspiré et pour eviter le mal qu'il m'a fait reconnoistre? quel chemin tiendray-je? quel conseil observeray-je? Sera-ce celuy de la chasteté ou de la pauvreté? sera-ce l'obeissance simple et aveugle? Suivray-je la [426] viduité ou le mariage? Feray-je l'aumosne ou donneray-je tout mon bien aux pauvres? Le Saint Esprit, residant dans nostre cœur, nous conseille et nous pousse par son inspiration à faire ce qui est plus pour la gloire de Dieu et nostre salut.

  A010001064 

 D'autres aymeront les conversations esquelles la mesdisance regne, à laquelle ils se laissent emporter; ils font resolution de ne plus mesdire, mais la conversation les emporte insensiblement à la mesdisance: que faire là? Le Saint Esprit leur dit interieurement qu'il faut quitter ces conversations.

  A010001067 

 Mais particulierement les ames religieuses doivent bastir et fonder toute leur perfection sur ses saintes maximes, [428] et les establir fortement en leur cœur à fin de n'y laisser jamais entrer des maximes contraires, suivant l'exemple de tant de Saints et Saintes lesquels on a veu aymer plus les larmes que la joye, la tribulation que la prosperité, la pauvreté que les richesses..

  A010001068 

 Plusieurs sçavans sont fols, mais la sapience est une science par laquelle on savoure, on gouste et penetre la bonté de la loy et les choses les plus relevées de l'Evangile, non pour en parler ou prescher, ains pour les prattiquer, et, comme l'abeille, l'ame va dessus les fleurs de la loy, sucçant le miel de la bonté de Dieu.

  A010001078 

 Si le ciel, l'air et la terre et tout ce qui est en iceux semble de rajeunir et resusciter quasi de mort a vie en ceste douce sayson printaniere, auditoyre devot, ame chrestienne treschere et trescherie, recompense des travaux du Sauveur et Seigneur; puysque le ciel, lequel a demeuré si long tems sombre et obscur, semble s'estre revestu de la plus belle roubbe de ses clartés; l'air, ci devant tout plein de froides humidités, de brouillards et [431] melancolique nuage, se descouvre si pur, si calme et si bien [attrempé] assaysonné maintenant; la terre, toute ridëe, crottee et ternie par les rigueurs de l'hiver, comparoist maintenant toute diapree de son verdissant et fleurissant esmail; si l'Eglise nostre Mere, laquelle est demeurëe toute mortifiëe ce Caresme, ne portant que des habitz lugubres, ne chantant que des chans lamentables, ne faysant autre contenance que triste et faschee, comme celebrant le dueil de son cher Espoux, maintenant, comme pour fayre nouvelles nopces avec son mesme resuscité Seigneur et Espoux, faict tapisser et parer le mieux qu'elle peut toutes ses maisons, tient un maintien de cæremonies joyeuses et allegres, ne chante que des chans de liesse et de consolations; si l'enfer tenebreux a esté mesme changé en clarité par le lumineux aspect de Nostre Seigneur qui est descendu, si les Anges comparoyssent avec leurs roubbes plus blanches que l'ordinayre, demeurerons nous, o Chrestiens, entre toutes les creatures, morts et immuables en nostre laydeur et tristesse? Pour quoy ne prendrons nous nos beaux vestemens?.

  A010001082 

 Et c'est icy ou je veux faire la conclusion generale a nostre voyage de trois jours, vous disant: Nostre Seigneur estant resuscité une fois ne meurt plus.

  A010001082 

 Je n'oserois pas penser que quelqu'un fust ja mort despuys, etc. Ne mourons donq plus, etc. Et c'est pourquoy, ayant donné les moyens de venir a grace, je donne pour i continuer, sachant que qui perseveraverit, etc..

  A010001113 

 En fin: Qui manducat me ipse vivet propter me; dont la plus part est damné..


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
  A011000038 

 Désir de profiter des nombreuses occasions que procurera la belle saison pour se voir plus fréquemment.

  A011000043 

 Gracieuses excuses de n'avoir pas écrit plus tôt.

  A011000113 

 — Désignation des PP. Capucins et Jésuites dont le concours serait le plus utile à la mission; frais que nécessiterait leur entretien. 129.

  A011000178 

 En leur offrant à l'avance mes plus vifs remerciements, je confie à la gratitude de saint François de Sales le soin de rémunérer la peine qu'ils prendront pour procurer sa gloire..

  A011000191 

 Celle-ci signale le commencement de la variante alors seulement que cette variante embrasse plus d'une page.

  A011000206 

 Vostre plus humble serviteur.

  A011000239 

 Si ceste mienne lettre prend plus heureusement port que plusieurs autres que je vous ay escrit, elle vous asseurera de deux choses.

  A011000250 

 Je ne fis jamais chose qui meritasse que vous prissies la peine de m'escrire avec tant de caresses comme vous aves faict le 24 de septembre, dont je vous remercie d'autant plus humblement de ceste vostre faveur, pour laquelle je m'offriroys a vous humblement si je ne vous estoys desja tout obligé et dedié.

  A011000255 

 Vous pouves bien tant quil vous playra accroistre le monde d'obligations que je vous ay, comme vous aves faict prenant la peyne de m'escrire le 24 septembre avec tant de caresses comme vous aves faict; mays vous ne pouves plus accroistre l'affection que je vous porte, et a vostre service, icelle estant aussy grande qu'on la pourroit avoir....

  A011000277 

 Dont vous pourres asses connoistre, sans que je vous en die autre, avec combien de satisfaction j'ay receu vostre lettre, combien j'en fays d'estat et combien estroittement je m'en sens obligé, mays beaucoup plus de ce que par icelle vous me presentes.

  A011000298 

 Je m'étonne d'autant plus qu'une telle crainte ait pu exister en vous, qu'elle ne peut assurément « s'emparer d'un homme fort et constant.

  A011000299 

 Donc, quelle que soit votre affection, ne cédez plus désormais à ces craintes.

  A011000299 

 Je voudrais que cette conviction demeurât en vous le plus fermement possible et prévînt toute ombre de défiance.

  A011000299 

 Le fait est que je vous ai écrit, que je vous ai expédié plus d'une fois des lettres, sans savoir jamais si elles vous étaient parvenues.

  A011000299 

 Quelle faute ai-je commise? Ces preuves de mon affection sont plus fortes que toutes vos accusations.

  A011000299 

 Votre dernière lettre m'a été plus agréable.

  A011000318 

 En effet, que pouvait-il humainement m'arriver de plus glorieux que de m'entendre donner le titre d'ami par un personnage si docte et si accompli? Il n'est rien en moi, homme obscur, qui puisse ainsi me concilier vos bonnes grâces.

  A011000319 

 En attendant, daignez agréer mes plus vifs remerciements pour la sympathie que vous me témoignez, et croyez-moi, très digne Monsieur, votre plus dévoué serviteur.

  A011000319 

 J'appelle donc chaque jour avec plus d'impatience cette heure de bonheur où il me sera permis de vous voir, de vous entendre, de vous serrer le plus affectueusement possible dans mes bras.

  A011000335 

 Il ne faut pas trop ajouter foi aux paroles [15] d'un père aussi indulgent que l'est mon Evêque lorsqu'il rend témoignage de son fils; car bien souvent les parents les plus prudents se persuadent trouver dans leurs enfants les qualités qu'ils désirent.

  A011000363 

 Je le fais non seulement parce qu'il est impossible de rencontrer ailleurs des talents supérieurs aux vôtres, et difficile d'en rencontrer de semblables, mais surtout parce que les exemples que nous trouvons dans nos provinces, dans nos villes, et pour ainsi dire à notre foyer, ont plus de force, d'énergie et d'efficace..

  A011000364 

 Ce désir de me concilier votre bienveillance, s'il était possible, était si ardent que mon âme ne pouvait plus se contenir; et si l'occasion ne s'en était présentée, en dépit de toute modestie, je n'aurais pas hésité, moi faible jeune homme, à venir à temps ou à contre-temps vous provoquer, vénérable Sénateur, à cette douce lutte d'amitié..

  A011000365 

 Lorsque je suis allé à Chambéry me faire inscrire au nombre des avocats, j'espérais qu'une fois admis, je pourrais saluer tous les Sénateurs, les remercier selon l'usage, et, à cette occasion, obtenir place parmi vos amis en vous laissant mon nom écrit de ma main; mais voilà que la noblesse est appelée aux armes, et que je suis contraint de partir à une heure indue, sans vous avoir vu; car j'aurais considéré comme un [21] plus grand mal de vous saluer seulement à la hâte, surtout vous étant inconnu, que de ne pas vous saluer du tout.

  A011000367 

 Si, par une bienveillance extrême, vous avez été le premier à m'écrire, cela prouve seulement que vous avez donné [22] le premier, ce qui est plus divin, et que j'ai été le premier à recevoir, comme il sied à mon infériorité.

  A011000368 

 Quoi qu'il en soit, je ne craindrai plus que vous ne cessiez désormais de m'aimer..

  A011000369 

 Pour mon compte, moins j'attendais de vos lettres, ne croyant pas vous être connu même de nom, plus j'ai admiré votre extrême bonté, et plus a grandi le désir que j'éprouvais de vous voir et de vous parler.

  A011000386 

 Auprès de personne, en effet, je n'ai l'autorité suffisante; aussi vous dois-je une reconnaissance d'autant plus grande que je puis moins vous offrir de retour.

  A011000386 

 C'est bien l'œuvre d'un [habile] artisan, très digne Monsieur, de parvenir, grâce à votre éloquence, à faire aimer des personnages les [25] plus illustres ceux que vous aimez vous-même.

  A011000386 

 Je ne puis nullement à cet égard vous rendre pareille faveur; car, bien qu'en affection je n'hésiterais pas à lutter même avec vous, que je reconnais par des signes indubitables être un homme des plus aimants, toutefois la prétention de vous concilier l'amitié de qui que ce soit n'est compatible ni avec la médiocrité de mon mérite, ni avec l'éclat de vos vertus.

  A011000387 

 C'est pourquoi je vous rends des actions de grâces d'autant plus vives pour m'avoir procuré un ami tel que, dussé-je vivre toute la vie d'un Nestor, je n'eusse pu l'acquérir par mes propres mérites.

  A011000387 

 Et si vous n'aviez pas toutes les qualités qu'on vous attribue, c'est précisément à François Girard, d'après ce que vous me dites de lui dans votre lettre, que je devrais aller pour les rencontrer... Vous voyez donc que ma preuve ressort plus évidemment par sa propre force que par l'habileté de celui qui l'expose..

  A011000388 

 Pour en venir à une conclusion déjà manifeste, comme il n'est plus personne qui ne vous honore grandement, comme il ne reste plus d'autre François Girard, je déclare que, dans cette affaire, je vous dois absolument tout.

  A011000411 

 Que pouvait-il, en effet, m'arriver de plus heureux, humainement parlant? La rareté de ce don suffirait seule à le rendre glorieux, tellement précieux qu'il ne saurait être estimé à sa juste valeur, et d'autant plus flatteur pour moi que j'étais loin de le mériter..

  A011000416 

 Après les avoir relues plus de dix fois, comme j'ai coutume de faire pour toutes les vôtres, pendant que je remettais d'y répondre au lendemain, afin qu'en un jour où la plupart des avocats vont prêter serment entre vos mains, j'eusse aussi moi-même des protestations à vous faire....

  A011000434 

 (Ce Prince a sollicité [32] lui-même par lettres ces prières.) Afin que le peuple s'attachât avec plus d'ardeur à fléchir la justice de Dieu, un sermon a été annoncé pour le Dimanche suivant, et on a imposé le soin de le prononcer à votre apprenti qui, hors de l'école, ne sait guère refuser.

  A011000437 

 Si d'une part il m'a été très pénible de ne pouvoir répondre à un homme tel que vous, j'oserais même dire (pour employer un terme plus doux qu'autorise votre extrême obligeance) à un tel ami, qui m'écrit avec tant d'affection, d'un autre côté ce m'a été une immense joie au milieu de préoccupations très pénibles de savourer le miel qui découle de votre plume, et de vous entendre en quelque sorte parler par vos lettres..

  A011000438 

 De plus, j'ai entendu dire qu'il y a en cette affaire je ne sais quoi qui relève de la justice criminelle, c'est pourquoi j'ai été près de m'exclamer; Eloignez-vous de moi, [35] hommes de sang; car en telles matières les ecclésiastiques ne doivent pas intervenir..

  A011000455 

 Et certes, si je ne me trompe, il ne saurait rien arriver de plus difficile et de plus périlleux à l'homme que d'être appelé à tenir entre ses mains et à produire par sa parole, selon l'expression de saint Jérôme, Celui que les Anges, ces intelligences que nous sommes incapables de concevoir ou de louer dignement, ne peuvent pas même embrasser par la pensée ni célébrer par de justes louanges.

  A011000455 

 La frayeur et le tremblement se sont emparés de moi: plus que jamais, j'ai donc besoin de votre bienveillance.

  A011000455 

 On peut améliorer, il est vrai, la condition d'un autre sans qu'il le sache, et le changement que je vais subir est le plus glorieux qui puisse m'arriver en ce monde; néanmoins votre sympathie me sera très avantageuse, car je suis assailli par la plus grande inquiétude que j'aie jamais ressentie.

  A011000457 

 Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs..

  A011000458 

 Je me réjouis spécialement et j'exulte de pouvoir correspondre au moins par cet office le plus sublime de tous, je veux dire par des sacrifices et par le sacrifice de la plus auguste des victimes... [40].

  A011000484 

 En effet, quoi de plus doux, de plus avantageux pour un convalescent que de quitter l'obscurité d'une [41] maisonnette pour aller souvent contempler des jardins les plus agréables et les plus émaillés de fleurs et d'y respirer à souhait l'air embaumé des parfums les plus suaves! Telle est l'impression que me fait éprouver la lecture de votre lettre si amicale..

  A011000484 

 Moi au contraire, mon excellent Frère, je me suis senti inondé d'une si grande joie en lisant votre lettre, que je n'aurais pu désirer aucun remède plus efficace pour rétablir ma santé, si, grâces à Dieu, elle n'eût été déjà remise.

  A011000485 

 Cependant une chose m'attriste, c'est d'apprendre les angoisses que vous a causées ma maladie, d'autant plus que je n'ai rien ou presque rien souffert.

  A011000487 

 C'était afin d'avoir l'esprit plus libre pendant le temps de pénitence pour s'asseoir dans la solitude, se taire et s'élever au-dessus de soi-même.

  A011000487 

 Puisque vous me donnez espoir que nous passerons ensemble et en bonne santé le carnaval prochain, mon cœur est rempli d'une si douce joie qu'aucun de ceux qui sont dégoûtés du maigre quadragésimal ne désire plus vivement les fêtes de Pâques que je ne soupire après le carnaval.

  A011000504 

 Quant à moi, dès que j'aurai connaissance de votre arrivée dans cette ville, je prendrai mes mesures pour que vous puissiez voir parmi les Favergiens votre inhabile mais diligent apprenti; nous irons ensuite à la maison Tulliane, qui ne saurait être plus illustrée que de recevoir son nom de vous.

  A011000505 

 Ce qui m'a le plus réjoui, [47] c'est qu'à son départ d'Annecy, j'ai pu, dans les derniers mots que nous avons échangés, jeter, en lui parlant de vous, comme le parfum d'un baume odorant dans son esprit....

  A011000505 

 J'ai eu l'occasion la plus favorable de le saluer de votre part.

  A011000519 

 A peine ai-je eu le temps d'écrire; il [48] accompagnait son oncle, M. de Passier, qui était sur son départ, et je craignais, si je l'eusse prié d'attendre, qu'il ne parût plus empressé à m'obliger qu'à répondre aux désirs de son oncle.

  A011000519 

 Vous avez reçu ma lettre, mais assurément plus tard que je n'eusse voulu.

  A011000520 

 Mais comment se fait-il que le vôtre ne me soit pas arrivé assez tôt, à moi qui l'ai reçu avec un plaisir tel que je n'en éprouverai jamais de plus grand en recevant tout autre envoi? C'est que vos lettres ne sont pas seulement merveilleusement écrites et pensées (personne en effet ne saurait assez, je ne dis pas apprécier, mais même savourer l'extrême douceur de ces rayons de miel); elles sont aussi des chefs-d'œuvre d'élégance et des monuments d'amitié.

  A011000534 

 Elle a jugé qu'il lui serait fort utile et avantageux d'implorer l'autorité de mon excellente mère, pour me décider à vous demander de faire en sa faveur ce que, de votre propre aveu, l'ami le plus loyal peut solliciter du juge le plus intègre: que vous patronniez sa cause.

  A011000536 

 J'ai remis aujourd'hui votre lettre à notre Evêque; elle lui a causé le plus grand plaisir.

  A011000568 

 En conséquence, il est juste qu'à votre tour vous fassiez pour moi ce que j'ai fait jusqu'à présent pour vous: puisque je vous tiens pour un ami hors de pair, que vous me considériez aussi comme tel; vous devenez donc ainsi pour moi le frère le plus aimant, et tout mien de la meilleure manière possible, et je me sens devenu le vôtre, au point de me croire un autre homme que moi-même.

  A011000577 

 Venio ad Rodulphum Mellierum, Torentianum rusticum, quem dum ut commendatum habeas peto, jam nunc gratias ago quantas maximas possum quod meæ commendationi longe plus deferas quam meis meritis deferre te par esset.

  A011000585 

 J'en profite, mon excellent Frère, et je vous prie de croire que, bien que vous me combliez de vos lettres, vous ne parviendrez pas à m'en rassasier; car telle en est la douceur que, loin d'accabler jamais, elles charmeraient toujours l'esprit le plus blasé, tandis qu'une douceur trop fade inspire le dégoût.

  A011000587 

 L'un et l'autre nous vous attendons avec une vive impatience; mais avec cet inconvénient pour moi, que les jours solennels consacrés au divin Crucifié, lesquels m'auraient paru bien courts à [58] raison des cérémonies si graves et si belles qui les remplissent, me paraîtront d'autant plus longs que je vous attends avec plus d'impatience..

  A011000587 

 Vous viendrez donc immédiatement après les fêtes de Pâques: je ne pouvais recevoir de M. de Charmoisy une nouvelle plus agréable.

  A011000606 

 Le silence entre frères est toujours pénible, inopportun (voyez que je suis loin du sentiment que parfois je craignais un peu vous voir adopter); mais [59] ce silence serait bien plus amer, plus dur, aujourd'hui que les lois de la saison printanière semblent nous permettre non seulement une conversation sérieuse, mais un babillage amical..

  A011000607 

 D'ailleurs, la saison si favorable aux voyages nous fournira plus d'une occasion de nous rapprocher, alors que les plaideurs, même par simple divertissement, se rendront bien souvent auprès de vous.

  A011000608 

 S'il en va autrement, je le suivrai le plus tôt possible; les mets de Carême chargeraient trop douloureusement mon estomac, si, au commencement et à la fin, je ne les relevais par le condiment très salutaire de votre présence.

  A011000628 

 Lorsque je l'appris (c'était hier au soir), je sentis la rougeur me monter au visage, à tel point que je n'osais plus jeter les yeux sur votre lettre.

  A011000629 

 Après avoir été attendu avec tant d'impatience, je suis on ne peut plus confus, mon excellent Frère, d'avoir manqué au rendez-vous.

  A011000629 

 Qu'il plaise à Dieu, mon Frère, me délivrer au plus tôt du trouble que je ressens jusque dans les profondeurs de mon être, sans quoi je cours risque de ne plus oser vous regarder en face!... [64].

  A011000647 

 Nous entendrons la Messe en l'église de la Sainte-Croix d'Aix sûrement avant midi, et même nous croyons pouvoir arriver à dix ou onze heures du matin, peut-être plus tôt.

  A011000647 

 Nous ôterons les souliers de nos pieds, car nous regardons comme saint le lieu où nous nous rendons, ce lieu orné du bois très précieux sur lequel Dieu s'est montré à nos pères avec une charité bien plus ardente que dans le buisson de Moïse.

  A011000647 

 Puisque vous venez le même jour, vous aurez à nous attendre là, parce que vous êtes plus rapprochés et que vous n'êtes point embarrassés d'un si grand nombre de personnes étrangères au pèlerinage..

  A011000650 

 Nous vous saluons encore une fois, tous tant que nous sommes, et nous saluons aussi tous les autres enfants de la très sainte Croix, espérant de vous voir au plus tôt et de vous parler bouche à bouche, afin que notre joie soit pleine dans le Seigneur.

  A011000668 

 Il est juste que ceux dont le bonheur doit être plus grand devancent, en vous attendant plus tôt, le moment de le goûter..

  A011000687 

 Comme vous aviez écrit à notre parent, M. de Charmoysi, que vous viendriez vendredi ou samedi soir, M. de Chissé, grand-vicaire de notre Révérendissime Evêque, M. de Montrottier, M. de Novery et moi nous sommes tenus chaque jour en embuscade entre les deux chemins jusqu'au coucher du soleil, afin de vous attendre, ainsi que je vous l'avais écrit précédemment, un peu plus tôt qu'un grand nombre d'autres.

  A011000688 

 M'en irai-je donc quand vous venez? Assurément je ne le ferais pas sans la raison du scandale à éviter, et si je n'avais cru que vous arriveriez plus tôt, rien n'aurait pu me déterminer à cette absence.

  A011000706 

 A quel point j'ai été jusqu'ici inconsidéré et coupable en passant tant de mois sans vous écrire, je le sens mieux que personne, et j'en suis d'autant plus affligé que personne n'apprécie mieux que moi les grands avantages de votre amitié.

  A011000706 

 Ils voudraient bien rentrer dans le devoir et reconquérir les bonnes grâces de leur professeur; mais flottant entre la crainte et l'espérance, ils ne savent se déterminer pour l'heure où ils devront paraître en présence du maître irrité: faut-il éviter sa colère présente en sacrifiant le pardon espéré, ou obtenir leur pardon en s'exposant à être punis? Dans une [74] telle hésitation l'esprit de l'enfant a bien de la peine à discerner ce qui lui est plus avantageux.

  A011000707 

 Ainsi moi, qui me devais déjà une fois tout entier à vous, à raison de la bienveillance dont vous m'avez entouré, et à notre très digne Favre parce qu'il m'a obtenu cette faveur, je me devrai désormais tout entier à vous seul, et cela avec d'autant plus de raison que je me trouve dans ce [75] magnifique monastère où l'on ne peut entrer sans se rappeler cette sentence: « Il est plus difficile de réformer que de former.

  A011000708 

 C'est aujourd'hui le dix-neuvième jour que je passe la vie la plus douce avec mon frère notre cher Favre; il ne manquait, ce semble, à notre bonheur que de vous avoir avec nous.

  A011000708 

 La majesté de ce lieu, le caractère sacré de cet excellent et très vertueux Pontife vous feront croire à ma parole; pour le même motif aussi, je l'espère, vous [76] recevrez amicalement un coupable qui en vous écrivant revient au devoir, et j'aurai moi-même plus de soin de rester fidèle à ce devoir....

  A011000723 

 Il ne faut rien moins que la très grande autorité que vous avez sur moi pour me convaincre, comme vous me l'écrivez, qu'il est toujours plus facile de répondre à un ami que de le provoquer; car [77] lorsque j'étais sur le point de vous prévenir, votre lettre si gracieuse et, qui plus est, si amicale, m'est parvenue.

  A011000724 

 Si grande est l'estime que je vous ai vouée, que sur ce point on peut tout au plus rivaliser avec moi, mais l'emporter, jamais.

  A011000759 

 Le plus sage peut être trompé une fois; mais si je me laisse tromper de nouveau, que je sois tenu pour un apprenti bien indigne de votre atelier..

  A011000777 

 Cette bienveillance dont je suis l'objet de sa part m'est d'autant plus douce qu'elle procède uniquement de celle que vous avez pour moi et qu'elle se rapporte immédiatement à celle-ci, puisque « la première chose en chaque genre sert de mesure à tout le reste.

  A011000777 

 Du reste, comme il aura trouvé en moi si peu des qualités que vous m'avez attribuées, il ne voudra plus être ni votre ami ni le mien, à moins que, pour s'expliquer l'amour que vous me portez, il ne vous considère avec beaucoup d'indulgence, moi avec beaucoup de bienveillance, et tous deux avec quelque surprise.

  A011000795 

 Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous [84] l'étendard du très saint Crucifié; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix? Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine.

  A011000796 

 Il serait en effet déraisonnable qu'un vétéran accoutumé à porter la plus lourde armure reçût les leçons d'un nouvel enrôlé.

  A011000796 

 Nous pouvons avec vérité vous appliquer la parole de saint Jérôme: « Le bœuf fatigué enfonce plus fortement le pied.

  A011000796 

 » Votre gloire me [86] devient d'autant plus douce que l'excellent Jean Tissot, déjà vénérable par ses cheveux blancs, très digne prieur de notre Confrérie, vous a dernièrement inscrit avec plus de bonheur au nombre des confrères de la Croix; car maintenant il y a entre nous une certaine communauté de biens à divers titres, et principalement parce que nous sommes frères dans la Croix.

  A011000809 

 Vous suppliant donques nous avoir pour recommandés, nous recommanderons de toute nostre devotion vostre santé et prosperité a Nostre Seigneur, et demeurerons obligés a jamais de prier plus particulierement sa divine [Majesté] qu'elle vous comble de ses benedictions.

  A011000828 

 Certes, je l'eusse fait plus tôt très volontiers, car nulle autre pensée ne m'est aussi douce, ne me récrée autant que celle par laquelle je tâche chaque jour de vous représenter à mon esprit le plus fidèlement qu'il m'est possible; il me semble alors qu'après de très épaisses ténèbres, une certaine lumière luit pour moi, tant me paraît sombre le nuage auquel commande sans doute le prince de ces ténèbres dont vous me parlez..

  A011000829 

 Après votre départ, il n'a pas cessé de voiler de plus en plus les [90] esprits de ces hommes.

  A011000831 

 Je soutiens à quiconque voudra discuter avec moi sur cette affaire, que non seulement les prédications sont nécessaires, mais encore qu'il faut rétablir la célébration du saint Sacrifice le plus tôt qu'il se pourra, afin que l'homme ennemi voie que par ses artifices il nous donne du courage au lieu de nous l'enlever.

  A011000852 

 Mais, Monseigneur, nous esperons avec patience que ce fort armé qui garde sa mayson sera chassé par un plus fort que luy, qui est Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A011000868 

 Aujourd'hui enfin il m'est permis de bien augurer des affaires de Thonon, et je dois vous faire savoir, très aimable Frère, qu'avant-hier l'un de ces messieurs m'a témoigné tant de bienveillance et d'amabilité qu'il ne se peut rien dire de plus.

  A011000868 

 Quelques Thononais avaient donc apporté votre lettre: je vous le demande, pouvait-il y avoir rien de plus efficace que ce présent qui relevait mon courage pour aller à eux? En effet, je me trouve tellement devenu un autre vous-même, que sans vous je ne pourrais traiter avec ces hommes..

  A011000869 

 S'il m'eût été possible, j'aurais écrit aussi à M. Guichard, comme vous me l'avez [96] recommandé, et je le ferai au plus tôt, pourvu qu'auparavant vous vous engagiez de bonne foi à l'assurer que j'ai écrit, et à lui laisser ignorer que j'ai l'habitude d'écrire si mal.

  A011000884 

 Pour moi, j'estime d'autant plus précieuse son affection si aimable et si bienfaisante qu'il me fait partager cet avantage avec vous.

  A011000885 

 me semble que cette divine rosée de la parole de Dieu va porter chaque jour de plus heureux fruits.

  A011000886 

 En attendant, portez-vous bien, et que le Christ nous soit de plus en plus propice à vous et à moi.

  A011000984 

 J'écrirai maintenant, mon Frère, plus brièvement que ne le demanderait le grand et immense plaisir que m'a fait éprouver votre [110] dernière lettre.

  A011000984 

 Mais je sens la difficulté de l'entreprise, et de plus, il me manque les troupes auxiliaires dont j'aurais besoin: je veux dire les livres nécessaires à un homme qui ne garde en sa mémoire qu'un très petit bagage de connaissances..

  A011000985 

 J'ai cependant commencé, et commencé de telle façon qu'il sera un peu plus difficile que je ne pensais de mener mon affaire à bonne fin.

  A011001014 

 Je craignais en effet que, selon notre habitude de ne regarder comme étranger à nous-mêmes rien de ce qui touche [112] l'humanité, votre cœur si tendre eût un peu plus de peine à supporter la vue des misères de notre chère patrie qu'à en entendre le récit..

  A011001022 

 Des prédications plus nombreuses m'empêchent de donner à nos Méditations contre les hérétiques toute l'attention qu'il faudrait.

  A011001023 

 Il m'écrit qu'il a un très ardent désir de donner à l'œuvre commencée ici une plus grande impulsion par son industrie et son action personnelles, et voici ce qu'il nous recommande: Si ceux qui sont conviés à la noce refusent l'invitation d'un premier, d'un deuxième, d'un troisième serviteur, il faut en appeler un quatrième qui les force à entrer.

  A011001038 

 Vostre filz le plus respectueux..

  A011001050 

 Nous marchons, mais a la façon d'un malade qui, apres avoir quitté le lict, se trouve avoir perdu l'usage de ses piedz et, dans son infirme santé, ne sçait s'il est plus sain que malade..

  A011001051 

 Je suis pecheur, et rien plus, indigne tout a faict des graces que Dieu espanche sur moy.

  A011001051 

 Vous le sçaves plus que tous, Monseigneur, aussi bien que ceste verité, que toutes choses me rendent plus fort de jour en jour,.

  A011001061 

 Et si ce n'estoit que je suys icy engagé en un jeu ou qui la quitte la perd, je me serois desja rendu par devers vous; ce que je me prometz de faire, Dieu aydant, plus tost que je ne vous puys promettre et non jamays si tost que je souhaitteroys.

  A011001061 

 J'en loue Dieu mille fois, et vous remercie tres humblement de la souvenance que vous daignés avoir de si peu de chose que je suys et du desir que vous aves de me voir, que je ne pense pas pouvoir estre plus grand que celuy que j'ay de jouir de vostre præsence, quoy qu'on die que l'amitié descend plus vistement qu'elle ne monte.

  A011001064 

 Aussy seroit il bien dommage qu'un autre employast icy sa peyne pour neant, qui pourroit faire plus de fruict ailleurs que moy, qui ne suys encor gueres bon pour præcher autre que les murailles, comme je fais en ceste ville..

  A011001065 

 Voyla ce que pour cest'heure je puys escrire, me reservant de vous dire le reste a bouche plus seurement et bien tost, Dieu aydant, quand vous me favoriseres de vos saints conseilz et instructions, qui ne seront jamays [121] recueillys plus humblement et affectionnement que de moy.

  A011001078 

 [124] « Per calcatum perge patrem, et ad Crucis vexillum evola, » Beati Hieronymi sententia, si unquam alibi, hic imprimis locum habet, sed plus æquo verum est vetus dictum: « Morbos equites venire, pedites abire.

  A011001091 

 En effet, voici enfin que commencent à jaunir quelques épis de cette grande moisson, et si, à cette époque malheureuse, je ne les [123] recueillais à temps, il serait à craindre que les grains de la vraie foi ne fussent dispersés, surtout si le vent du nord venait à souffler plus fort en ces quartiers; car tout mal vient du côté de l'aquilon, selon l'expression du Prophète.

  A011001091 

 Je m'échapperai bientôt, d'autant plus vite que jamais ma patience n'a été mise à plus cruelle épreuve que par cet ennuyeux retard.

  A011001091 

 Mais il fut plus difficile de le faire rentrer au bercail de l'Eglise.

  A011001092 

 Ainsi, par leurs présents si pieux et si saints, tous les deux, remplis de bienveillance à mon égard, impriment plus profondément Jésus-Christ dans mon cœur.

  A011001124 

 Si la chose peut se faire en sûreté de conscience, je n'y mets pas d'obstacle, les autres non plus; au contraire, nous désirons tous qu'il soit chanoine dans les meilleures conditions, car c'est un homme docte et pieux.

  A011001148 

 Je ne sais si je dois maintenant, ayant presque le pied à l'étrier, vous remercier de ces poésies sacrées que vous me dédiez si affectueusement; certes, l'occasion est bonne, car la pénurie de temps m'autorise à faire plus courtement ce que je ne croirai pas avoir bien fait une seule fois, alors même que je le ferais toujours.

  A011001148 

 Mais je vous dirai cela plus au long lorsque j'aurai considéré un peu plus attentivement l'ouvrage entier pendant ces quatre ou cinq jours.

  A011001148 

 Personne plus que moi n'a besoin d'être exhorté à la pénitence et à l'amour divin.

  A011001178 

 Mais serais-je le plus diligent des mortels, que je ne pourrais témoigner tout ce que je porte de respect et d'affection à ce très illustre Guichard.

  A011001179 

 Jamais tâche plus haute ni plus délicate ne s'offrirait à mon activité; aucune occasion comparable ne pourrait faire, dirai-je plus heureusement ou plus malheureusement, d'un clerc que je suis un courtisan.

  A011001179 

 Je rends les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant qui n'a pas permis que notre amitié mesurât ses forces à des efforts suscités par le malheur d'un ami commun.

  A011001179 

 Toutefois, je ne puis me calmer entièrement avant d'avoir compris d'une manière plus précise ce dont il s'agit.

  A011001180 

 Je ferai injure à ce très noble M. de Montrottier, qui vous est des plus attachés, si je ne vous dis combien il a dépensé d'énergie pour soutenir cette cause par son éloquence lorsqu'il ne pouvait le faire par l'action.

  A011001182 

 Eh bien! qu'on n'entende plus entre nous ces mots mien et vôtre, ou qu'ils ne se profèrent en toute vérité que lorsque vous voudrez me dire vôtre, ou vous dire mien..

  A011001183 

 Pour moi, étant chez nos parents de Sales, au milieu des oiseaux qui chantent le printemps, j'ai admiré et admiré encore dans tous ses détails ce très suave poème, et il ne faut pas que vous ignoriez ceci: je ne crois pas [138] qu'on ait jamais chanté plus belle ode que celle où, avec autant d'esprit que d'élégance, vous rappelez les larmes d'Alexandre le Grand, au point.

  A011001187 

 Parlons plus ouvertement.

  A011001187 

 Vous êtes à peu près le seul qui m'approuviez, mais c'est assez, et voici ma résolution: dans quatre mois, c'est-à-dire mon année achevée, si chacun ne remplit pas fidèlement son devoir en cette affaire, je ne souffrirai plus qu'aucun autre que vous me retienne dans cette charge.

  A011001216 

 C'est pourquoi je ne pense pas avoir besoin d'excuse quand j'ose vous écrire, moi, homme de rien, inconnu et obscur; car vous n'êtes pas également un homme inconnu et obscur, vous qui vous êtes signalé auprès de tous les fidèles du Christ par tant de choses (j'emploie le terme le plus modéré) si bien faites, dites et écrites pour le Christ.

  A011001218 

 Au nombre de ces convertis se trouve un certain Pierre Poncet, jurisconsulte très érudit et, pour ce qui concerne l'hérésie, beaucoup plus savant que le ministre calviniste du lieu.

  A011001278 

 Vostre plus humble cosin et serviteur.

  A011001302 

 Bien plus, les Genevois allaient répétant avec orgueil qu'un certain Démosthène de leur école avait réfuté les arguments de Sponde avec tant d'éloquence et des raisons si [154] probantes que l'auteur avait d'abord renoncé à sa religion, puis, bientôt après, perdu la raison.

  A011001303 

 Cependant, mon Frère, parmi ces [155] désordres (dirai-je plutôt cette ruine de la patrie?), alors que nos yeux ne rencontrent que des sujets de tristesse, fixons plus attentivement nos regards sur notre patrie céleste, et souvenons-nous toujours qu'Hélie le Thesbite n'est monté au ciel que dans un tourbillon..

  A011001303 

 Je retourne demain à ma Sparte (si ce n'est pour l'embellir, plaise au Ciel que ce soit du moins pour la conserver à de meilleurs ouvriers), et je ferai en sorte qu'il ne soit plus question entre nous de ces silences d'un mois entier.

  A011001318 

 Je ne suis pas cependant privé de tout espoir; aussi, en apprenant que la chose se passe plus facilement, je m'en félicite beaucoup pour vous et pour moi.

  A011001318 

 N'avais-je pas raison de vous dire, mon Frère, que je ferais en sorte désormais qu'il ne fût plus question de silence entre nous? Comme au milieu de nos gens de Thonon, je puis à peine vous écrire une fois par mois, je vous écris maintenant de ma maison paternelle [156] de Sales, par Coquin, avec d'autant plus de plaisir que je viens de recevoir des nouvelles un peu meilleures de nos affaires.

  A011001334 

 Voici enfin, mon Frère, qu'une porte plus large et plus belle s'ouvre à nous pour entrer dans cette moisson de Chrétiens, car il s'en fallut peu hier que M. d'Avully et les syndics de la ville, comme on les appelle, ne vinssent ouvertement à la prédication, parce qu'ils avaient ouï dire que je devais parler du très auguste Sacrement de l'autel.

  A011001335 

 De mon côté, j'ai fait encore ceci dans cette chasse: j'ai promis qu'à la prédication suivante je mettrais, par les Ecritures, ce dogme en plus grande lumière que le plein midi, et que je l'appuierais [158] d'arguments si puissants que nos adversaires, sans aucune exception, à moins qu'ils n'aient renoncé au bon sens et à la raison, reconnaîtraient qu'ils sont aveuglés par les épaisses ténèbres dans lesquelles ils sont plongés.

  A011001336 

 Quelques-uns voulaient charger le ministre de cette négociation, mais d'autres plus prudents furent d'avis contraire, [159] craignant qu'il n'engageât la lutte avec nous et ne fût vaincu par les subtilités scholastiques, car il ne sait rien de la philosophie..

  A011001355 

 Voilà bien en effet un des grands malheurs de notre temps: la crainte est plus nuisible que le mal lui-même à ceux qui, entre les honnêtes gens, ou pour employer l'expression du Texte sacré, les hommes de cœur, voient les choses de loin.

  A011001355 

 » [161] S'il en est ainsi, que la paix règne par la force du Seigneur! J'augure que cette paix sera d'autant plus heureuse que je la vois être plus désagréable à tous les hérétiques de Genève..

  A011001356 

 Je presse maintenant davantage ces messieurs de Thonon, et les presserai encore beaucoup plus lorsque j'aurai conduit à terme, suivant ma capacité, le petit ouvrage que je méditais depuis longtemps, et que vous aurez approuvé mon entreprise.

  A011001357 

 Je profiterai de cette occasion, comme je l'ai déjà fait plus d'une fois à son égard, pour lui prêcher la parole de Dieu.

  A011001379 

 Ma réponse ne sera pas beaucoup plus longue, parce que je dois composer mes sermons de demain, et le temps presse.

  A011001380 

 J'ai en effet, dans mes Commentaires, un chapitre où, d'après cette règle, je voudrais forcer les hérétiques à produire leurs preuves, bien que leur théologie soit plus négative qu'affirmative.

  A011001380 

 Je vous enverrai le plus tôt possible un chapitre de mes Commentaires contre les hérétiques, dans lequel je m'efforcerai de montrer que, loin d'être les vrais réformateurs de l'Eglise, ils font revivre les anciennes hérésies.

  A011001380 

 Mettez, s'il vous plaît, tous vos soins à le bien établir, afin que désormais les ministres me redoutent d'autant plus qu'ils verront plus clairement que je combats sous votre égide..

  A011001409 

 Puysqu'il plaict a Vostr' Altesse de sçavoir les moyens que je pense estre plus pregnans pour faire sortir en effect le saint desir qu'ell'a de voir ces peuples de Chablaix reunis a l'Eglise Catholique, comme j'ay appris de monsieur d'Avully auquel il vous a pleu d'en escrire, je diray purement et fidellement ce que j'en crois..

  A011001411 

 Et sur tout il est besoin au plus tost de dresser et parer les eglises de ceste ville de Thonon et de la parroisse des Alinges, et y loger des curés pour l'administration des Sacremens, veu qu'en l'un et en l'autre lieu il y a ja bon nombre de Catholiques et plusieurs autres bien disposés qui, faute de commodités spirituelles, se vont perdans; outre ce, que cela servira beaucoup pour apprivoiser le peuple a l'exercice de la religion Catholique, principalement sil y a moyen de faire les offices honnorablement, comm'avec orgues et semblables solemnités, au moins en ceste ville qui est le rapport de tout le duché..

  A011001429 

 Puysque il plaict a V. A. de sçavoir quelz moyens je cuyderoys estre plus preignans pour la reduction de ces peuples a la foy catholique, comme j'ay appris de monsieur d'Avully auquel il vous a pleu d'en escrire, je produyray purement et fidellement ce qu'il m'en semble..

  A011001431 

 Encores seroit il necessaire de faire redresser quelques eglises en quelques lieux qui seroyent jugés plus a propos, avec les autelz bien proprement parés, pour apprivoyser les habitantz a l'exercice de la religion catholique; et en ces lieux la establir revenu competent pour les curés qui en auront charge, ne pouvans les precheurs demeurer fermes en aucun lieu, mays devans discourir de costé et d'autre pour l'instruction de tout le duché, et mesme des deux autres balliages, s'il y eschoit.

  A011001431 

 Mays sur tout il faudroit qu'au plus tost on dressat l'autel et fit on parer l'eglise en ceste ville et de la parroisse des Alinges, et qu'on y logeat des prestres pour y administrer les Sacremens, y ayant en l'un et en l'autre lieu bon nombre de Catholiques, et plusieurs autres prestz a se convertir quand ilz verront bon ordre en cest affaire, qui, faute de ce secours, se perdent bien souvent.

  A011001460 

 J'en ai ressenti un regret d'autant plus vif que moindre était l'espace qui nous séparait, et pour atteindre celui qui semblait, ainsi qu'il arrive souvent, courir devant moi, j'ai voyagé une bonne partie de la nuit, mais en vain.

  A011001461 

 Quant à moi, ne voulant pas m'enfoncer dans un buisson d'épines [177] sans rose (car ce n'était pas la malheureuse cité qui m'attirait pour se faire admirer, c'était la présence de cet homme qui seul a pour moi plus d'attraits que la foule), et afin de compenser en quelque sorte la perte que j'avais faite de vos embrassements, j'allai chez nos parents à Sales.

  A011001462 

 Comment? Je vous ai entendu dire si souvent et sérieusement que votre ardent désir était que votre nom fût écarté le plus possible de la bouche et de l'oreille des princes, et voici que je vous vois dans la plus grande [178] joie parce que vous avez appris que notre prince manifestait parfois dans ses paroles de magnifiques sentiments à mon égard! Et moi au contraire, mon Frère, je considère aussi bien que vous, comme le plus heureux le parti choisi par notre Genand, dont vous me dites plus loin envier le bonheur, ou plutôt essayer de ne pas l'envier.

  A011001462 

 Mais aujourd'hui aucune modestie ne pourra me contenir plus longtemps.

  A011001463 

 Je dois le remercier par une lettre, et, afin de lui être plus agréable, si vous le trouvez bon, vous le ferez aussi en mon nom, après avoir retenu pour vous-même une part de mes remerciements..

  A011001464 

 Cette œuvre est, en effet, plus élevée et plus profonde que la première; d'ailleurs, c'est dans l'ordre de ne pas toujours descendre des plus hauts degrés aux plus bas, mais de monter parfois des degrés inférieurs aux degrés supérieurs..

  A011001464 

 Rien ne saurait me donner plus de gloire.

  A011001477 

 J'ay receu la faveur avec laquelle vous m'offres vostre amitié avec d'autant plus d'humilité que j'en ay moins de merite, avec ceste seule apprehension, que peut estre la connoissance du sujet pourroit cy apres apporter du changement a ceste vostre volonté; si ce n'est que vous y reg*ardies l'affection que j'ay de me rendre capable de vous faire humble service, puisque vous me verries aussi bien assorti de ce costé la que vous pourries jamais voir homme.

  A011001506 

 Nous devons tous, tant que nous sommes de Savoisiens, et moi particulièrement, louer Dieu et nous réjouir de l'heureux choix que Sa Sainteté fit de Votre Seigneurie pour l'accréditer en qualité de [183] Nonce apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime; car ces pauvres églises de Savoie si affligées ne pouvaient désirer un protecteur, un médecin plus zélé, plus prudent et plus compatissant.

  A011001508 

 Bien que la crainte des hérétiques nos voisins ait grandement nui au succès de cette entreprise, on obtient néanmoins toujours quelques fruits par la conversion de plusieurs personnes, parmi lesquelles il s'en trouve deux des plus versées dans l'hérésie..

  A011001508 

 Bon nombre des habitants, plus touchés du fracas des arquebuses que des prédications qui leur étaient faites par ordre de Monseigneur l'Evêque, revinrent à la foi et rentrèrent dans le sein de notre mère la sainte Eglise; mais ensuite ces contrées ayant été infestées par les incursions des Genevois et des Français, le peuple retomba dans son bourbier.

  A011001508 

 Cependant, inspiré par l'occasion et invité par le petit nombre de Catholiques qui se trouvaient là, je commençai à faire plusieurs prédications, non sans quelque espérance de leur voir produire d'heureux fruits; dès lors, soit par moi-même le plus souvent, soit par d'autres prêtres, en partie chanoines et en partie curés de ce diocèse, l'exercice de la prédication s'est continué sans interruption tous les jours de fête, si ce n'est deux fois que nous avons été contraints de l'omettre.

  A011001510 

 Le plus important consiste à prendre les moyens pour avoir les revenus nécessaires; car bien qu'il y ait en ce pays bon nombre de bénéfices, ils sont détenus par diverses personnes, et surtout par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A011001560 

 De plus, la divine Majesté montre qu'elle réclame maintenant ce service, en permettant qu'il y ait parmi ces gens tant de possédés et que chaque jour on en découvre davantage.

  A011001621 

 Quant aux fruits de salut qui se produisent et se multiplient de plus en plus dans le Chablais, je ne puis vous donner des renseignements détaillés, ni vous envoyer la liste des convertis, car je l'ai laissée à Thonon.

  A011001623 

 Je le ferai alors avec le plus grand soin, avec tout le dévouement que je dois au service de la sainte Eglise, et peut-être pourrai-je les porter moi-même à Votre Seigneurie Illustrissime.

  A011001637 

 Et c'est la ou se rapporte la premiere partie du commentaire, quand il dict: « Mortui vero nihil valent adjicere; » c'est a dire, ilz ne peuvent plus acquerir de merites ni de justice, mais ilz peuvent bien percevoir le fruict de celle quilz ont eu en ce monde, et en vertu de la communion des Saintz, en laquelle ilz sont decedés, peuvent estr'aydés par les prieres, ausmones et satisfactions.

  A011001677 

 C'est ce qui me fait toujours plus désirer d'aller moi-même à Turin afin d'obtenir une déclaration du bon plaisir de Son Altesse sur cette affaire si importante..

  A011001678 

 Je ne puis plus rester seul ici pour devenir la fable de nos ennemis, qui, voyant qu'on ne donne plus aucun ordre, méprisent mon ministère, dont cependant je dois être jaloux de toute manière..

  A011001678 

 Que si, comme il convient, on donne promptement des ordres, je reviendrai sûr et certain de voir bientôt mûrir une heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes; si au contraire on ne les donne pas, je demanderai votre bénédiction et la permission d'abandonner cette entreprise à d'autres plus capables que moi.

  A011001680 

 Ils sont en cela favorables aux hérétiques, qui calomnient toutes les conversions opérées de notre temps afin d'empêcher l'effet que produit ordinairement l'exemple des plus notables sur les consciences du peuple.

  A011001680 

 J'écrivis dernièrement à Votre Seigneurie au sujet de la conversion de M. d'Avully, et je vous en rendrai un compte plus particulier encore; car vraiment ce n'est pas seulement à lui et à moi, mais c'est au général de la mission, que ces médisants portent un grand préjudice.

  A011001739 

 J'ai vu notre frère avec une très grande satisfaction: on ne saurait trouver quelqu'un de plus aimable, de plus simple, de plus gracieux.

  A011001740 

 De notre affaire de Thonon, que vous dirai-je, mon Frère? M. de Jacob nous a fait les plus belles promesses.

  A011001752 

 Je vous escris avec cest'asseurance que le peu de loysir et de commodité que j'ay ne vous empechera pas de croire a bon escient que vous n'aves point de parent qui soit plus vostre affectionné que je suis..

  A011001770 

 Et bien que la singuliere recommandation en laquelle vous aves la justice soit un'inseparable proprieté de vostre vie et qui [211] vous rend digne de recommandation immortelle, si est ce que pour rendre l'amitié de laquelle vous m'honnores et l'honneur que je vous porte plus recommandable, j'ay deu, ce me semble, vous faire, et vous prie de recevoir, ceste humble recommandation qui part de celuy qui ne pense en rien estre recommandable qu'en l'honneur qu'il a d'estre advoué de vous,.

  A011001801 

 La bonté de Votre Seigneurie Illustrissime m'encourage toujours plus à me prévaloir de ses faveurs.

  A011001822 

 Elle m'a fait d'autant plus de plaisir qu'elle me permet de conjecturer votre arrivée auprès de nous; car, ainsi qu'il advient ordinairement dans les grands désirs, le moindre indice de leur réalisation produit une espérance qui tient de la certitude.

  A011001856 

 Votre Seigneurie m'a rendu la vie en m'assurant que, nonobstant les plaintes des Chevaliers, nous aurons bientôt le moyen de commencer à donner un peu d'extension au culte catholique parmi ces populations; car je me suis convaincu plus que jamais qu'il est extrêmement nécessaire de leur ouvrir de saints pâturages.

  A011001859 

 Il le fait néanmoins en toute sorte d'occasions, et s'estime plus heureux d'endurer des tribulations étant catholique, que s'il jouissait de grandes prospérités étant hérétique.

  A011001861 

 Je ne crois pas que Sa Sainteté puisse faire chose plus avantageuse [223] à cette contrée que d'y envoyer un Visiteur apostolique.

  A011001875 

 Je ne pense point qu'il y ait aucune rayson qui puisse retarder l'affection sainte de Vostre Altesse en la sollicitation de [ce] grand bien, ni qui la rend'autre qu'aymable et admirable a ses plus endurcis ennemis.

  A011001911 

 Je vois toujours un plus grand nombre de personnes disposées à embrasser notre sainte foi, bien que d'autres nous suscitent des orages par les propos de leur mauvaise langue, des calomnies et semblables autres artifices diaboliques..

  A011001911 

 Mais ce ne sera rien si Votre Seigneurie nous secourt de ses faveurs accoutumées, et si elle intercède pour qu'au plus tôt on établisse ici d'une manière honorable et convenable [228] l'exercice du culte catholique.

  A011001992 

 Il me semble [235] qu'il n'était nullement besoin d'user à mon égard du commandement in virtute sanctæ obedientiæ pour m'obliger à vous donner plus souvent des nouvelles de nos affaires, puisque votre simple volonté me presse assez fortement pour me faire accomplir les plus grandes choses qui soient en mon pouvoir..

  A011001993 

 Et pour les défrayer (car ils chercheraient en vain l'aumône parmi ces gens-ci), il faudra faire l'une de ces deux choses: ou réserver à cet effet, pendant quelque temps, deux des six pensions, ou bien prélever par voie de contribution une partie des revenus que les particuliers tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage; car des Chevaliers il ne faut rien espérer de plus.

  A011001993 

 J'ai été bien consolé en voyant que Votre Seigneurie Illustrissime goûte le projet de la conférence, pourvu qu'elle se fasse dans les conditions voulues; car je persiste à dire que depuis longtemps il ne se sera rien fait de plus avantageux à la gloire de Dieu, si les Genevois persévèrent dans cette intention, comme il me semble qu'on peut l'espérer d'après une lettre écrite au P. Chérubin le 19 février par un bourgeois de Genève.

  A011001994 

 Il est vrai que M. le chevalier Bergera, porteur de ces lettres, m'a promis, moyennant l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime, de faire tous ses efforts auprès du Conseil de l'Ordre des Chevaliers, afin que toutes les cures de ce bailliage nous soient complètement abandonnées pour que le service divin puisse s'y faire entièrement; mais cela, à la condition qu'on ne leur demanderait plus rien.

  A011001994 

 Il voulait aussi m'engager à écrire à Sa Sainteté; mais quant à cela je ne me sens pas le courage de faire voler directement mes lettres si haut, d'autant plus que Votre Seigneurie peut et veut tout ce qui est nécessaire à cet égard.

  A011002020 

 Pour la seconde, j'ai à vous remercier le plus humblement que je le puis d'avoir, avec tant de bienveillance, pris sous votre protection les intérêts de ce diocèse, surtout en procurant que le legs de Rome nous soit réservé, nonobstant les prétentions de la fabrique de Saint-Pierre.

  A011002023 

 Pour moi, je suis contraint de passer le Carême ici; je ne puis non plus beaucoup me déplacer, étant désormais obligé, à défaut d'autres, d'entendre les confessions pascales..

  A011002024 

 Depuis le 1 er mars jusqu'à ce que les six curés soient installés, ces pensions courant toujours, nous pourrons peut-être réaliser une avance de soixante à soixante et dix écus pour acheter les choses les plus nécessaires et faire le moins mal possible.

  A011002025 

 A la vérité, je ne puis comprendre comment ces clercs armés prétendent [244] qu'un curé confidentiaire puisse être capable de compter parmi les six, qui doivent avoir des mœurs un peu plus réglées que n'en ont il'ordinaire les confidentiaires..

  A011002026 

 Celui-ci est actuellement un très digne docteur de l'Ordre de Saint-Dominique: on l'a déjà fait endurer l'année dernière, et on le fait encore plus endurer cette année.

  A011002027 

 Je vois de plus la peine que Son Altesse a éprouvée en apprenant l'opposition apportée par ces gens de Thonon à l'érection de l'autel; j'en ai reçu une lettre qui m'a bien consolé.

  A011002053 

 C'est surtout que j'attendais de jour en jour le départ du chevalier Bergera et la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, afin de faire ensuite une réponse plus satisfaisante, plus sûre et plus complète..

  A011002055 

 Depuis le départ de M. le chevalier Bergera je n'ai plus reçu ni argent ni autre chose, sinon les trente coupes de froment qu'il laissa.

  A011002073 

 Je supplie donques tres humblement Vostre Altesse d'eslargir plus tost sa liberalité sur ces vilages par une declaration, que d'estressir ceste premiere parroisse qu'on a dressé en ce païs a la foy catholique..

  A011002140 

 Si les Chevaliers consentaient à céder les cures et les bénéfices-cures, et si les particuliers qui en détiennent ici faisaient de même, on pourrait les réunir en un lot qu'on diviserait en parties égales entre les paroisses rurales; car à Thonon l'exercice du culte demande plus de solennité.

  A011002143 

 Je suis retourné le quatrième Dimanche de Carême à Cervens, et j'ai eu un auditoire plus nombreux que le premier.

  A011002145 

 Je ne saurais sur cette réduction rien dire de plus spécial que le contenu des mémoires laissés à Votre Seigneurie Illustrissime et au P. Jules Coccapane pour être présentés à Son Altesse..

  A011002157 

 Le ministre qui se veut catholiser et s'y dispose de plus en plus fut secouru de quelque peu de bled par monsieur de Lambert, et Vostre Altesse declaira l'avoir aggreable; mais monsieur de Lambert n'a pas osé en tirer consequence qu'il failloit continuer, qui me faict encor supplier Vostre Altesse de le luy faire entendre..

  A011002191 

 Je voudrais pouvoir lui en donner chaque jour de vraies et réjouissantes nouvelles; mais jusqu'ici les choses sont allées si lentement et si tristement qu'elles fatiguaient les estomacs les plus sains et les plus forts.

  A011002192 

 Jamais non plus je ne cesserai de presser, voire même de crier afin d'obtenir par les entrailles de Jésus-Christ, que l'on prenne des mesures pour la réforme ou le changement des Religieux des abbayes d'Aulps, d'Abondance, et d'autres encore qui sont en cette province des séminaires de scandales..

  A011002193 

 Mais cette absence sera courte et je retournerai ensuite reprendre avec plus d'ardeur mes travaux interrompus..

  A011002229 

 Autant que ses paroles me permettent de le juger, voici quelle serait mon appréciation: s'il était possible de l'aborder et plus fréquemment et avec plus de sécurité, peut-être pourrait-on le ramener au bercail du Seigneur; mais pour un octogénaire, tout retard est périlleux.

  A011002230 

 Et d'ailleurs, si le roi faisait quelques efforts plus pressants afin d'obtenir que la république de Genève accordât dans cette ville même ce qu'ils appellent liberté de conscience, il ne serait pas tout à fait improbable qu'il y réussît.

  A011002230 

 Et puisque votre bonté si grande m'y autorise, je ne veux pas manquer l'occasion de vous dire que les populations hérétiques jusqu'ici, qui de tous côtés environnent Genève, celles des pays qu'on nomme bailliages de Gex et de Gaillard, demandent avec les plus humbles prières, le rétablissement de la foi et du culte catholiques afin de pouvoir vivre en catholiques.

  A011002230 

 J'ai entendu bon nombre d'hommes de ces pays se plaindre chaque jour de ce qu'étant [270] catholiques, ils sont empêchés par la tyrannie de la république de Genève de remplir leurs devoirs de catholiques, d'autant plus que cette république opprime ces peuples non pas en son nom, mais au nom du très chrétien roi de France.

  A011002289 

 J'espère y conduire, au commencement du mois de mai, les PP. Capucins et les autres prêtres nécessaires en plus grand nombre possible; et si on nous procure la paix et le moyen de continuer, je crois que le Seigneur en sera bien servi.

  A011002305 

 La ou, Monseigneur, je me sens obligé en mon ame de supplier tres humblement Vostre Altesse de faire meshuy sçavoir a ces gens qu'elle aura aggreable qu'ilz oyent et sondent les raysons catholiques, sans plus alleguer de si impertinentes excuses comm'est cellecy, de mettr'en doute le bon desir que Vostre Altesse a de leur conversion.

  A011002305 

 Le P. Esprit, docte et signalé prædicateur Cappucin, estant icy ces festes, ou il a apporté tres grande consolation a tous les gens de bien, et a luy mesme esté consolé d'y en voir plus qu'il ne pensoit, voyant que ceux de la ville s'opiniastroyent si fort a ne point ouyr les prædicateurs catholiques, voulut vendredy dernier remonstrer publiquement, mais gratieusement, au ministre la fauseté de sa doctrine.

  A011002305 

 Mays un bourgeois plus impatient vint [280] tirer par force le ministre de la compaignie affin qu'on ne sceut ce qu'il sçavoit faire.

  A011002306 

 Ce sera un'aumosne des plus fleuries qui puissent partir de la main de Vostre Altesse.

  A011002306 

 Je ne lairray pas encores de remettr'en memoyre a Vostre Altesse la pauvreté du ministre qui se recatholise, duquel je luy ay ja si souvent escrit, qui ne peut estre secouru d'ailleurs, et celle de ces set ou huict personnes catholiques qui sont en extreme disette, pour lesquelz aussy j'ay ci devant supplié a Vostre Altesse, affin que quattr'ou cinq muis des aumosnes de Ripaille et Filly leur soyent appliqués en pension leur vie durant, qui ne peut plus guere durer puysque ce sont presque tout gens vieux; et ces aumosnes ne touchent en aucune façon la Religion de Saint Lazare.

  A011002307 

 Je prie Nostre Seigneur Jesus Christ qu'il accroysse de plus en plus ses benedictions sur elle, comm'estant et devant estr'a jamais,.

  A011002348 

 Cette cure appartient à l'Ordre de Saint-Lazare qui donnait une certaine pension au curé; maintenant on vient de la lui ôter, d'où résulte ce scandale qui ne pourrait être plus grand.

  A011002348 

 De Saint-Julien, qui n'est guère plus éloigné de Genève, me sont arrivées des lettres du juge-mage de Gex et autres en faveur du curé dudit lieu.

  A011002350 

 Toutefois, les fruits seront encore plus abondants lorsque ces prédicateurs et d'autres viendront ici pour y séjourner; ce que le P. Esprit n'a pu faire, ayant été rappelé par le P. Provincial.

  A011002351 

 Mais un des plus obstinés de la ville, s'apercevant que l'issue de la dispute ne pouvait être à l'honneur du ministre, l'entraîna de force hors de la place, disant que Son Altesse n'entendait pas qu'ils traitassent avec nous des choses de la religion.

  A011002352 

 Chose étrange, mais non point miraculeuse, car elle est ordinaire: ces misérables enfants de ténèbres sont plus avisés et prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière! Pour mon compte, j'ai été très consolé de voir ici ce bon P. Esprit qui pourra certifier de l'état des choses..

  A011002353 

 Je vous dirai de plus que les choses vont mal au sujet de ces pensions; jusqu'ici je n'ai pu en tirer que cent soixante florins et trente-cinq coupes de froment.

  A011002354 

 Votre Seigneurie m'encourage si fort à lui écrire souvent, que je lui parlerai librement même des choses les plus minimes (bien que dans le service de Dieu les moindres choses soient importantes), Comme au Père très affectionné de ces populations.

  A011002397 

 C'est le plus grand service qui soit rendu au Seigneur en toute cette abbaye.

  A011002397 

 J'envoie à Votre Seigneurie Illustrissime une copie du Bref de Sa Sainteté en faveur du feu P. Papard: vous y verrez les motifs pour lesquels le Pape jugea raisonnable que l'Abbé donnât cette prébende, motifs qui actuellement sont plus pressants que jamais.

  A011002397 

 Le prédicateur actuel est un homme de grand mérite; quoiqu'il soit vicaire général de la province Gallicane de son Ordre, il n'a pas laissé néanmoins cette année de prêcher l'Avent et le Carême, et quand il sera déchargé de son office il ferra encore plus de bien.

  A011002400 

 Cette réponse n'a pu être donnée jusqu'à présent; cependant il faut au plus tôt prendre de part et d'autre une résolution définitive.

  A011002400 

 Je me félicite de ce que Sa Sainteté en a laissé le soin à Votre Seigneurie et à M gr le Révérendissime, car ainsi tout se fera d'une manière plus expéditive et plus fructueuse..

  A011002400 

 Nous ne nous endormirons point en cette négociation, et vous en serez averti immédiatement, dans le plus grand détail.

  A011002400 

 Nous vous demanderons plus ou moins de théologiens selon [295] le nombre de conférenciers voulu par ceux de Genève, et nous tâcherons de toute façon qu'il y ait deux ou trois Jésuites.

  A011002402 

 Il est bien vrai que la prévôté n'a pas un liard de rente et le canonicat que l'on donne au Prévôt ne rapporte en moyenne que soixante écus par an; j'estimerais donc plus [297] avantageux d'être un curé renté, que d'être un pauvre Prévôt, n'était l'espoir de notre retour à Genève, lequel soutient encore maintenant plusieurs docteurs distingués et nobles qui ont appartenu à notre Eglise.

  A011002402 

 J'ai à la vérité vécu jusqu'à présent, et mieux que je ne le mérite, mais d'une manière précaire; c'est pourquoi, toutes choses bien pesées, je me résous à demander la cure, qui est le plus riche bénéfice de ce diocèse parmi ceux qu'il m'est possible et permis d'espérer..

  A011002402 

 Mais, pour parler clairement, je suis presque contraint de céder cette prévôté à quelqu'un qui puisse résider ici plus assiduement que je ne le fais moi-même pendant que je suis occupé en Chablais, et qui ait en même temps de quoi vivre sans ce revenu.

  A011002403 

 Ayant ainsi de quoi vivre selon ma condition, je ne chercherai plus autre chose sinon de servir le Seigneur et l'Eglise de ce diocèse par les petits travaux auxquels je serai [298] employé.

  A011002403 

 Je désire aussi prier Votre Seigneurie Illustrissime d'obtenir qu'il me soit loisible, avec l'agrément de Sa Sainteté, de garder le canonicat simple, afin que, venant ici, j'aie une place dans notre chœur; car les offices s'y célèbrent si dignement que c'est là une de mes plus grandes consolations.

  A011002437 

 Pour ce qui est d'augmenter le nombre des curés, je persiste à dire qu'il est très convenable que non seulement les Chevaliers, mais encore tous ceux qui détiennent des bénéfices en Chablais les remettent à M gr le Révérendissime afin qu'il les donne ensuite aux plus capables.

  A011002439 

 Puisque vous me demandez lequel serait le plus utile, du Recteur de [303] Turin ou du français, lecteur de théologie à Milan, je crois que le français nous conviendra mieux, soit à cause de la langue, soit aussi pour qu'il y ait moins d'affectation de notre côté; car cette conférence ne doit se faire que sous le nom de M gr notre Evêque.

  A011002449 

 Et sachant que cest heur de comparoistre en vostre memoire en une si honnorable occasion ne peut partir que de la bonté de Vostre Altesse, qui aura peut [être] esté persuadëe qu'il y aye quelque suffisance en moy, proportionëe a ceste sienne faveur, je rougis d'honte d'en estre tant indigne, et loue Dieu neanmoins qui a donné a Vostre Altesse ceste resolution de vouloir procurer des bons pasteurs a vostre peuple; car encores que je soys le plus indigne de tous ceux qu'elle pouvoit se reduyr'en souvenance, si [306] est ce que l'intention droitte de Vostre Altesse ne laisse pas d'en estre tres recommandable..

  A011002462 

 Mays je sçai bien que ceste vostre courtoisie ne se pouvoit adresser a [307] sujet qui s'en tint plus indigne et plus obligé a vous rendre humble service..

  A011002488 

 Pendant que je différais de jour en jour d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime en attendant que je pusse me concerter avec le P. Chérubin pour le faire plus amplement, il est arrivé tant de choses dignes de vous être communiquées, que je ne sais si je pourrai les rappeler toutes à mon souvenir..

  A011002489 

 Comme je vous l'écrivais dans ma dernière lettre, les RR. PP. Jean Saunier, Jésuite, Esprit et Chérubin, Capucins, le chanoine de Sales, [308] le curé d'Annemasse (tous prédicateurs, et le baron de Viry, conseiller d'Etat de Son Altesse, se sont réunis à Annemasse afin d'aviser aux moyens les plus convenables pour ramener à la foi les populations des environs de Genève; voici ce qui a été conclu. Il est absolument nécessaire que les Chevaliers de Saint-Lazare et autres cèdent les cures qu'ils possèdent; qu'un collège de PP. Jésuites, ou du moins une résidence ad tempus soit établie à Thonon.

  A011002490 

 Le P. Chérubin m'a dit que Votre Seigneurie Illustrissime se proposait de prier Sa Sainteté de vouloir bien écrire à M. le Cardinal Légat de France, afin qu'il tâche d'obtenir que le roi ordonne aux Genevois de venir à la conférence; or, je ne puis omettre de vous prévenir que, de cette manière, elle se ferait avec beaucoup plus de fruit et dans des conditions plus avantageuses..

  A011002492 

 Cet exercice des Quarante-Heures se fit à Annemasse le premier Dimanche de septembre et le jour de la Nativité de Notre-Dame, avec un fruit beaucoup plus grand que celui que nous en espérions; il tient même un peu du miracle.

  A011002504 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A011002542 

 Le P. Chérubin a prêché l'Avent à Thonon, et il doit arriver ici demain; il renseignera plus particulièrement Votre Seigneurie Illustrissime.

  A011002558 

 Autrement, Monseigneur, le service cessera tout a coup la ou il est commencé, qui sera un grand scandale et perte d'ames, et ne se trouvera personne qui veullie plus y aller pour y estre a la mercy de la provision de messieurs les Chevaliers..

  A011002559 

 Aussi est ce l'ordinaire que les pauvres et simples embrassent plus vollontiers le Crucifix que les riches et sages mondains.

  A011002572 

 Certes, ilz ont gasté desja une autre plus grosse cloche, en haine de nous autres Catholiques qui la sonnions.

  A011002599 

 J'ai reçu des lettres du P. Chérubin et de M. d'Avully touchant le dessein qu'ils ont conçu ensemble de célébrer les prières des [322] Quarante-Heures à Thonon le plus dignement possible; puis, après les Quarante-Heures, de proposer officiellement des disputes théologiques.

  A011002600 

 J'espère qu'à Thonon, cette dévotion sera encore plus opportune et plus utile..

  A011002601 

 Quant aux disputes, j'ai la ferme confiance qu'elles apporteront une très grande édification, malgré toutes les raisons qui sembleraient contraires; car, ou les hérétiques ne viendront pas, et alors la victoire nous demeurera, ou bien ils viendront, et dans ce cas, nous [323] prouverons que la raison et la vérité sont de notre côté; nous aurons de plus le grand avantage de nous tenir sur la défensive et de pouvoir, en répondant, faire de petites exhortations.

  A011002602 

 J'aurai bientôt, je l'espère, une relation et un mémoire plus détaillés de tout ce qui s'est passé, et j'en donnerai de suite connaissance à Votre Seigneurie.

  A011002651 

 Cependant, il se prépare à célébrer les Quarante-Heures à Thonon avec la plus grande solennité possible.

  A011002653 

 Si on lui obéissait comme on le devrait, nous serions bien plus avancés que nous ne le sommes et, de plus, nous n'aurions pas [332] à causer tant d'ennui à Votre Seigneurie au sujet des pensions.

  A011002691 

 Je n'ai pas voulu les exposer au danger qui jusqu'ici a été sur les routes, d'autant plus que je croyais de jour en jour pouvoir en être le porteur.

  A011002691 

 Vous pourrez ensuite, les accompagnant d'une très pressante et très chaude recommandation, en rendre porteur le même Président; car l'on ne saurait trouver quelqu'un de plus fidèle et de plus zélé..

  A011002693 

 Si l'on prélevait sur les abbayes et autres bénéfices les plus considérables du diocèse une certaine somme chaque année jusqu'à la concurrence de cent écus, cela ne chargerait personne et suffirait à l'entretien d'un imprimeur..

  A011002695 

 Je m'en remets au porteur des présentes pour vous donner une plus grande connaissance des affaires dont elles traitent et d'autres semblables; et priant le Dieu tout-puissant de vous conserver heureux et content de très longues années pour l'utilité de la sainte Eglise, je baise très humblement vos mains vénérées..

  A011002741 

 Je la dois du tout a vostre bonté, laquelle j'honnore d'autant plus que je me vois tous les jours obliger davantage a elle par tant d'effetz, qui me fait extremement desirer d'estre tel que je devrois estre pour estre digne sujet de ses bienfaitz; la ou je n'av rien de sortable a ce bon heur qu'une tres humble affection d'estre et vouloir estre, et confesser devoir estre vostre tres redevable..

  A011002742 

 Que si je puys, a la prochaine je me rendray par dela, et sans honte ni autre apprehension je prendray logis chez vous, comme vous me commandes; car puysque je suis des-ja tant insolvable des obligations que je vous ay, il ne m'importe meshuy de rien de l'estre tous-jours [341] plus; et quoy qu'on me juge importun, je ne lairray d'estre bien glorieux si par la je me puys faire connoistre tel que je suis, Monsieur, non seulement vostre tres et tres obligé, mais encores.

  A011002757 

 Puisque Son Altesse veut que les Quarente Heures se facent le quinziesme de ce moys, et qu'elle veut qu'elles se facent le plus solemnellement que l'on pourra, baillant partant esperance de vouloir rembourser les frais qui s'y feront, ne voyant point d'argent prest, il m'a semblé que on ne pouvoit point avoir de meilleur moyen pour loger les musiciens et autres semblables personnes necessaires et les nourrir, que de faire que [342] les fermiers qui sont reliquateurs de plus de mille florins vaillant pour les pensions de ceste annee, respondent vers quelqu'un de la despence que lesditz musiciens pourront faire, a rate dequoy je les dechargeray de ladite dette.

  A011002759 

 Son Altesse, quoy que tres empeché, me bailla une audience de quattre motz lundi, et entre autres choses me promit de m'en bailler une plus grande aux Quarente Heures de Thonon ou elle esperoit se trouver.

  A011002762 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A011002783 

 C'est pour un beaucoup plus grand bien.

  A011002786 

 Vostre plus humble confrere et serviteur,.

  A011002818 

 Nous dirons de plus que nous ne savons qui a pu lui indiquer cette route; car il y a près du lac, entre Evian et Saint-Maurice, un passage le plus horrible et le plus dangereux qu'on puisse imaginer, en cette saison de la crue des eaux.

  A011002847 

 C'est agir assurément de la façon la plus généreuse et la plus chrétienne, et nous vous en rendons les plus vives actions de grâces..

  A011002848 

 C'est certainement fâcheux; mais nous devons obéir et croire, comme il convient, que ce retard apportera des fruits plus abondants..

  A011002848 

 Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pour les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de [351] la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous préparions.

  A011002867 

 Il ne se fera jamais plus a propos, et sans offencer personne, car cela viendra au desir de presque tous.

  A011002868 

 Je pensois partir passé demain, aller vers vous et a Sales; mais j'attendray jusques a mercredi, par ce que le P. Cherubin me vient de dire qu'a son advis il ne seroit que bon que vous donnies un coup d'esperon jusques icy pour voir tant plus briefvement ouverture a vostre payement.

  A011002927 

 Si toujours elle nous fut chère, elle doit maintenant nous être très chère, puisque nos affaires sont dans un tel état que nous avons besoin plus que jamais d'un protecteur et promoteur tel que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime l'a toujours été à notre égard; car du côté de Son Altesse on ne peut, on ne doit même espérer ni désirer que la continuation des œuvres très chrétiennes qu'elle a déjà accomplies.

  A011002930 

 Que la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime veuille bien me pardonner si, transporté du désir de voir ce glorieux commencement aboutir à une fin plus glorieuse encore, je lui écris avec une si grande liberté et peut-être même trop d'importunité; mais Votre Seigneurie, habituée à recevoir la confidence de mes pensées souvent bien mal exprimées, ne le prendra pas en mauvaise part..

  A011002932 

 Dieu nous donnera de plus réjouissantes nouvelles.

  A011002954 

 Celui que nous députons aux pieds de Votre Sainteté, ayant été témoin de tout ce qui s'est passé, lui en fera un exposé plus complet et plus fidèle..

  A011002956 

 C'est pourquoi, tant que nous sommes ici d'ecclésiastiques, nous vous avons député le plus promptement qu'il a été possible, le Prévôt de mon Eglise cathédrale qui, en notre nom à tous, se prosternera aux pieds de Votre clémente Béatitude, et lui exposera combien grand serait le dommage qu'une telle paix, si elle vient à se conclure, causerait à la république chrétienne et la tache honteuse qu'elle imprimerait à un si grand et si heureux succès.

  A011003030 

 Nam et plus præstat qui prior amat, et in præclaro isto et laudabili contentionis genere ex quo suavissimam sibi quisque speret victoriam, priorem vinci vincere est.

  A011003030 

 Sic fiet ut plus tu mihi debeas quàm ego tibi; sed plus ego vicissim virtutibus tuis quàm tu meis, si tamen is ego sum qui meas possim ullas dicere..

  A011003199 

 Nec ullos ferè puto tam iniquos bonarum rerum et alienæ solertiæ æstimatores, ut non plus tibi laudis ex propria industria quàm opprobrii ex aliena infamia accedere debere existiment..

  A011003438 

 Venio ad posteriores tuas literas, in quibus jucundissimum illud fuit quòd te video nihil de pristina ista animi alacritate remittere, nihilque non tentare ut, si (quod abominor) minùs feliciter res succedet, ea sola tibi culpa objici possit quòd plus animi et ingenii [404] habueris ad audendum, quàm ii omnes, quorum hac parte præcipua authoritas est, voluntatis ad adjuvandum..

  A011003481 

 Je ne suis plus marry que, pour faute de porteur, j'aye retardé plus que je ne voulois de respondre a voz premieres lettres, qui me furent rendues ces jours passés avec les sonnetz de ma Seconde Centurie par monsieur de Chavanes; car je me fusse plaint fort aigrement de nostre monsieur Portier, auquel j'avois remis mes precedentes lettres, avec celles du Pere Possevin et le livre quil m'avoit adressé pour vous faire tenir.

  A011003482 

 J'ay pris fort a mon avantage ce que vous m'escrivez, que noz messieurs de Tonon facent estat de ma Premiere Centurie; car outre ce, que malaisement peut il estre ainsy quilz ne facent sans comparaison plus d'estat de vous a qui je la rapporte toute, comme je doy, il me semble que c'est un commencement de tesmoignage quilz donnent de leur resipiscence, sil est vray ce que j'ay tousjours ouy dire, [407] que les heretiques ne veullent point ouyr parler de penitence, du moins en la façon que j'en parle..

  A011003483 

 Non que j'estime quil y aye en tous de la malice (j'en ay congnu qui, hors le faict de la religion, pouvoient passer en monstre pour honestes hommes); mais je ne peux les excuser que je ne les accuse tous, et tant plus ceux qui sont les plus habiles entre eux, d'un grand deffaut de jugement et de trop de presomption en ce quilz osent faire plus d'estat de leur jugement particulier que de celuy de l'Esglise universelle, fondés seulement sur l'opinion d'un homme, lequel sil eust esté de moins ilz seroient maintenant des nostres..

  A011003484 

 Je remetray a ce tems là de l'embrasser et de recueillir avec plus de demonstration l'amitié que sa poesie me presente, vous priant toutefois de l'en remercier de ma part.

  A011003484 

 Toutefois, je veux bien esperer de sa conversion puis que vous qui le voyez de plus pres en concevez ceste esperance.

  A011003485 

 J'attens de bon cœur l'ornement que vous m'avez promis pour mon Code Savoysien, lequel je vay avançant de jour a autre le plus que je peux pendant le loisir que m'en donnent ces feries..

  A011003486 

 Ilz le font sans doubte par art et par finesse, affin quilz ne soyent tenus de rien preuver et quilz nous chargent tant plus de preuve, dautant quil est beaucoup plus aisé de nier la verité que de preuver le mensonge.

  A011003487 

 Il y a de plus que la negative mesme qui est pure privation, et quæ nihil ponit, nec includit affirmativam contrariam, doit estre neantmoins preuvee par celuy qui l'avance, toutes et quantes fois que c'est le fondement de son intention; et en ce poinct s'accordent tous noz docteurs, fondés sur ce que tousjours le demandeur doit estre chargé de preuver son intention et ce sur quoy il la fonde.

  A011003487 

 Il y en a une infinité d'exemples ramassez par le premier Marian Socin en ses Commentaires sur le Droit canon, qui traite ceste matiere plus amplement qu'autre docteur quelconque qui jamais en aye parlé.

  A011003491 

 Vostre plus humble et plus intime.

  A011003508 

 Quamquam si, ut plerique ominantur, provinciæ moderatio ad Baronem Petræ differretur, sperandum est æquè feliciter, ne quid ampli us dicam, cessura omnia, dummodò quantum ille animi et contentionis in eam rem collaturus est, tantum ad rem agendam habiturus sit authoritatis; quam ego in hujusmodi causis semper plus posse credidi quàm ipsum etiam jus potestatis.

  A011003590 

 Je porteray la perte fort patiemment, pourveu que vous croyez que je n'ay pas esté si paresseux d'attendre jusques a present de me conjouir avec vous de vostre heureux retour (car aussy n'estoit elle pour autre), en attendant qu'avec plus de loisir je puisse vous escrire.

  A011003591 

 Je m'asseure que vous n'aurez pas esté moins impatient en l'attente de recevoir de mes nouvelles que moy, en l'attente de pouvoir vous faire part des miennes et d'avoir des vostres, combien que pour ma consolation j'aye veu nostre bon frere, qui m'a bien au long entretenu, et discouru plusieurs particularités de vostre voyage, toutes tres aggreables, mesme celle du françois converti; car elle vise a l'honneur de Dieu premierement, puis au vostre, qui sont les deux plus grandes grandeurs que j'apprehende dans ce monde.

  A011003592 

 Apprestes vous seulement d'estre le president du President, et de rabbattre trois ou quattre heures tous les jours de vostre plus serieuse estude.

  A011003593 

 Quant a la vostre, je la tiens et desire toute telle que celle de l'autre vous mesme, sinon que de plus il est.

  A011003596 

 Ma maistresse avec toute la suite vous salue; ainsy fait elle madame du Foug, et moy encores plus, sans oublier monsieur l'advocat du Crest, et monsieur le Procureur fiscal..

  A011003610 

 Combien que je vous aye escrit ny a que deux ou trois jours par l'homme de monsieur de Coudree bien amplement, et avec beaucoup de contentement pour la bonne nouvelle de laquelle je vous ay fait part de ma promotion a l'estat que je desirois, tousjours plus pour m'approcher de vous, qui m'estes et serez in æternum instar omnium, que pour m'esloigner du reste de mes amis, si est ce que j'ay recherché encores ceste commodité de vous pouvoir escrire par monsieur le Gouverneur, pour me reintegrer en la possession de noz premieres diligences, autant que la commodité ou, pour mieux dire, l'incommodité et le malheur du tems le pourra permettre; car Necy est maintenant plus decrié que jamais pour le mal qui est naguieres survenu pres du pont de Nostre Dame.

  A011003629 

 Je sçay qu'ilz ont esté depechés a leur contentement, mais non pas sans beaucoup de despence: en quoy peut estre que j'eusse peu leur apporter quelque soulagement, si leur procureur m'en eust parlé avant que l'argent eust esté deboursé, s'estant aussy en cela comporté plus nonchalamment qu'il ne devoit; combien qu'a la verité, en semblables matieres d'argent, si peu de gens ont le credit d'en faire rien rabbattre..

  A011003630 

 Je feray voir au Conseil d'Estat la requeste du gentilhomme duquel vous m'escrivez a la premiere assemblee qui se fera, qui ne peut estre devant demain, 15 e de ce mois, et n'oublieray rien de ce que je pourray pour luy faire ressentir quelque bon effect de vostre recommandation; me resjouissant au reste des bonnes esperances que vous donne Monsieur le Nonce, ne pouvant croire qu'elles doivent plus longuement demeurer sans effect en chose de telle importance, et laquelle je ne doubte point que Son Altesse, aussy bien que luy, n'affectionne beaucoup plus qu'auparavant des qu'ilz vous ont veu: et me semble qu'icy l'autheur doit admirer leur tardiveté autant que son sçavoir..

  A011003631 

 Je suis retenu plus que jamais d'aller en Genevois jusques a ce que j'y aille pour une bonne fois, pour ne sembler vouloir courir au devant des honneurs; sinon que les lettres de monsieur de Charmoisy, mon cousin, ou quelque sien commandement ou vostre m'en fist naistre l'occasion.

  A011003631 

 [418] Mais tenez, je vous prie, ce dernier poinct secret, car il m'importe affin qu'on ne me rabbatte rien dans cela des gaiges qu'avoit monsieur Poille, qui est le plus haut degré d'ambition et d'avarice auquel ma pauvreté aspire.

  A011003632 

 Ma maistresse et tous voz neveux qui sçavent parler vous saluent, mais le pere sur tous et plus que tous, comme celuy qui est et sera a jamais,.

  A011003651 

 Estant au plus fort des Meditations poetiques que j'ay commencées despuis quelques jours sur les misteres du tressainct Rosaire, pour faire quelque provision de devotion pour ces bonnes festes, j'ay sceu par monsieur l'advocat Salteur, lequel m'a remis voz dernieres lettres, quil y avoit commodité de vous faire responce par le [419] greffier de Thonon; et a l'instant, sans poser la plume, j'ay seulement changé de papier pour vous faire ce mot, non moins pour accroistre en moy cet esprit de devotion par l'imagination que je conçoy de vostre conversation, que pour vous advertir comme du jour mesme que je receus vostre pacquet, ou, pour ne mentir, du lendemain, je le remis a la poste avec les autres que le Conseil d'Estat depechoit par courrier expres a Son Altesse et soubs une mesme couverture, de sorte que je m'asseure quil aura esté bien et seurement rendu; dequoy je n'eusse pas tant tardé de vous advertir si j'eusse heu la commodité d'un porteur..

  A011003652 

 » Toutefois, je n'ay encor point receu de lettres de Son Altesse, non plus que de Leurs Excellences, tellement que, non sans beaucoup de peine, je suis contraint de dissimuler et ne faire pas semblant que je desire de voir la chose executee, quand ce ne seroit que pour empecher que noz confreres ne vous veullent mal, pour l'asseurance quilz ont que la force de nostre amitié m'attire a ceste resolution autant qu'autre chose quelconque.

  A011003654 

 Encor feroy je bien ceste plus longue, si le dernier coup de Matines ne me pressoit; car je vous escris ceste en semblable tems auquel je jouissois de nostre premiere entreveuë a Necy en vostre estude, sont passés trois ans.

  A011003657 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A011003674 

 Tout ce que je treuve de plus considerable, c'est qu'il dit que par les lettres mesmes de Monsieur le Nonce a vous, il est fait mention des depeches qu'en veut faire Son Altesse, lesquelz ne sont encor venus; car sans doute s'ilz estoient entre vos mains, la chose se pourroit faire avec beaucoup plus de reputation.

  A011003678 

 Vostre plus humble frere et, s'il se peut dire, quelque chose de plus,.

  A011003694 

 Le subjet meritoit bien qu'elles me fussent plus tost renduës, affin que j'eusse peu faire plus diligemment et plus chaudement l'affaire duquel vous m'escrivez.

  A011003695 

 Mais ilz sont bien d'advis que pour ce qui reste a faire de plus, vous attendiez quelque commandement plus expres de Son Altesse, pour ne contraindre Son Altesse de venir aux remedes violens qui seroient necessaires si ces messieurs faisoient quelque insolence qui cust forme de mespris ou de rebellion; car en somme, comme vous escrivez, ilz n'ont point capitulé avec Son Altesse..

  A011003696 

 Nous avons resolu d'en conferer avec monsieur de Lambert, par lequel en apres je vous en escriray plus a plein, car je suis maintenant merveilleusement pressé.

  A011003697 

 J'ay de rechef recommandé a monsieur le president Pobel l'affaire de ce bon gentilhomme de Tonon, et a monsieur Chaven encor qui m'avoit promis merveilles sans y avoir encor rien fait; et l'un et l'autre m'ont promis de le favoriser pour amour de vous, et de la plus briefve expedition qu'il sera possible..

  A011003700 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A011003719 

 Je me console en l'esperance que j'ay que vostre depeche ne tardera plus gueres, et que vous n'avez pas peu fait par ceste boutee..

  A011003720 

 Il m'a dit de plus que s'y estant une fois treuvé et convié par Son Altesse d'en dire son advis, il le dit tel qu'il devoit pour la cause de la religion, et se promet qu'a son retour, s'il reste a faire quelque chose, il s'y employera si chaudement que nous en verrons les effects.

  A011003724 

 Vostre plus humble frere et serviteur in infinitum,.

  A011003742 

 Ce pendant tenez vous joyeux, nonobstant les traverses ou nonchalances de ceux qui devroyent vous ayder en ceste vostre si saincte entreprise; vostre patience a desja vaincu les plus grandes difficultés, j'estime que ce qui reste a faire ne vous peut estre que subjet d'honneur et de contentement.

  A011003745 

 Vostre plus humble et plus obligé,.

  A011003759 

 J'avoy differé quelques jours de vous escrire tout expressement pour donner loisir a mes depeches de venir, affin de vous entretenir desormais de quelque subjet plus aggreable que ne sont ces esperances languissantes qui nous ont morfondus despuis tant de mois.

  A011003759 

 Je ne pouvois desirer lettres plus favorables que celles qui m'ont esté escrittes par Leurs Excellences, outre les patentes.

  A011003760 

 Il ne reste sinon que ceste jouissance s'ensuyve de plus pres.

  A011003762 

 Vostre commere vous salue pour elle et pour son petit François qui se fait tous les jours plus gros que grand; nostre frere de mesme, avec toute la brigade; mais moy plus que tous, qui suis,.

  A011004129 

 Par mes antecedentes lettres, vous aurez sceu de la venue du Legat et le desir qu'avons qu'il se treuve aux Quarente Heures, qui les sollempnisera beaucoup plus; et seroit bien marry si pour un peu de temps luy et moy en perdions la commodité.


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000064 

 — Redouter les plus légers abus en matière de pauvreté.

  A012000078 

 — La trop grande multiplicité de désirs est contraire à la perfection; il faut exécuter ceux qui sont le plus à notre portée et restreindre les autres.

  A012000097 

 — Encouragement à se rendre plus capable de ses fonctions. 125.

  A012000148 

 — Un cœur attendri par la douleur est plus accessible à la grâce.

  A012000158 

 — Reste la conversion plus difficile du pays de Gex.

  A012000193 

 Nous allions attendant la commodité de quelques plus asseurees addresses que ne sont les ordinaires en ce tems si troublé, pour envoyer nos lettres de dela, et quelque resolution du chemin que nos affaires prendroyent pour vous en donner quelque advis; et l'un et l'autre nous est seulement arrivé maintenant.

  A012000198 

 Quand au remuement de nostre cathedrale, il est encor en suspens, par ce que nostre Cardinal commissaire ne sceut pas dire si Tonon estoit plus pres de Geneve [2] qu'Annessy.

  A012000201 

 Quand a la commission que j'avois premiere et principale, je l'ay sollicitee et vers Sa Sainteté et vers l'Aldobrandino le plus vivement que j'ay sceu, et pour toute resolution on a escrit a Monseigneur nostre Nonce quil traitte avec Son Altesse, affin qu'il ne prenne aucune resolution touchant le point duquel on le sollicitoit qui pourra servir d'une reelle et legitime rayson de refus a sadite Altesse.

  A012000202 

 Or bien, je fais tant plus de courage; et monsieur le Vicaire et moy et nos amis ne l'oublions point en nos petites oraysons, comme nous sommes obligés..

  A012000221 

 Ce fidele amy ne s'empressera que trop pour escrire en Savoye les signes de bonté paternelle dont le Pape m'a honnoré, qui m'obligent d'estre plus que jamais bon enfant et bon serviteur de la sainte Eglise Romaine; mays quoy que nos amis escrivent, souvenes vous que nos amis exagerent aussi souvent nostre bien que nos ennemis exagerent nos maux, et qu'en fin nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu.

  A012000221 

 Je vous asseure que M. le Grand Vicaire est sorti du Consistoire plus joyeux que moy.

  A012000259 

 J'ai donc été contraint de m'arrêter ici jusqu'à ce que Son Altesse me congédie; néanmoins j'espère partir au plus tôt, soit pour sortir de ces périls, qui vraiment sont à considérer, soit aussi pour retourner à l'œuvre.

  A012000299 

 C'est pourquoi je m'enhardis à répéter que, laissant de côté toute [14] considération, soit d'épidémie contagieuse, soit d'autres empêchements, Votre Seigneurie est absolument obligée de se rendre au plus tôt où je vais l'attendre moi-même, avec la volonté de demeurer à jamais, là et partout où je me trouverai,.

  A012000322 

 Ceste sollicitation m'est imposee pour la contribution du soin que je dois aux affaires de mon pere, et ne m'en pourroit arriver de plus ennuyeuse.

  A012000322 

 Elle le seroit toutefois encor plus si je n'estois tout seur que vous voudres bien vous repræsenter la justice du desir que peut avoir un creancier de se servir du sien en son besoin, et un filz, de servir a la raysonnable volonté de son pere..

  A012000323 

 Monsieur, je prie Dieu de tout mon cœur pour vostre prosperité, et vous supplie croire que vous ne sçauries donner credit vers vous a l'intercession d'homme du monde qui soit plus entierement et fermement,.

  A012000368 

 Parmi les nombreuses raisons pour lesquelles la difficulté des passages nous est préjudiciable, il me semble que la plus importante est que nous sommes privés de la consolation de recevoir des lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime et que, de notre coté, nous ne pouvons lui en expédier aussi facilement que nous le devrions et désirerions..

  A012000370 

 Cependant il est très vrai que parmi les convertis aucun n'a jamais fait mine de regarder en arrière; toujours ils se fortifient dans la foi, tandis qu'il s'en convertit d'autres qui étaient des plus obstinés dans l'hérésie.

  A012000370 

 Il est évident que Dieu demande de nous une très grande diligence et un grand zèle à nous employer à cette entreprise, car il accorde dans ces pays certaines grâces que l'on pourrait appeler de petits, ou plutôt de grands miracles, comme j'en donnerai connaissance à Votre Seigneurie Illustrissime lorsque j'en serai plus sûrement informé..

  A012000416 

 Quant à la première, je me mettrai avec toute diligence au service de M gr de Vienne pour tout ce qu'il voudra me commander; et quant à l'informer de l'état des choses, je l'ai fait jusqu'à présent et je le ferai toujours plus avec une entière fidélité; mais c'est un Prélat [23] de tant de mérite et de prudence, que, jetant les yeux autour de lui, il découvre par lui-même et pénètre jusqu'aux moëlles de l'affaire..

  A012000417 

 Il vous envoie donc son rapport, après lequel il ne me reste plus rien à dire, sinon que les choses vont assez bien ici, et que l'on espère de plus grands progrès à l'avenir, surtout en voyant que Sa Sainteté les prend à cœur et veut nous aider, ce dont nous avons un très grand besoin.

  A012000418 

 Pour cette raison et d'autres affaires très importantes, M gr notre Révérendissime Evêque prit Dimanche dernier la route d'Annecy, comptant passer de là à Chambéry, afin de traiter avec Son Altesse Sérénissime et terminer une bonne fois la négociation fondamentale de cette œuvre, en sorte que les curés, hommes de mérite qui se fatiguent ici, n'aient plus à souffrir les privations et les nécessités qu'ils ont endurées jusqu'à présent.

  A012000493 

 Etant enfin arrivé ici, j'ai tardé de jour en jour à expédier les lettres et les pièces ci-incluses, espérant les envoyer par le fils du baron de Chevron qui se croyait toujours sur le point de partir; mais voyant passer le temps, j'ai résolu de ne plus attendre et de livrer plutôt le pli aux courriers..

  A012000494 

 Je vous en envoie deux autres dudit Monseigneur dont l'une, pour le motif ci-dessus mentionné, est de plus vieille date que je ne l'aurais désiré, et en même temps le plan de Thonon..

  A012000497 

 Je sais que c'est au zèle, à la bonté et prudence de Votre Seigneurie que l'on doit de toute façon en attribuer le succès; s'il est [34] tel que je l'espère, il sera très glorieux à Sa Sainteté, très honorable à Votre Seigneurie, principal instrument d'une si grande œuvre, très utile à la sainte Eglise, particulièrement à ces populations; et, ce qui importe davantage, plus agréable au Seigneur notre Dieu que tout ce que l 'on a vu par le passé: Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons..

  A012000498 

 On ne peut dire autre chose de M gr le Révérendissime de Vienne sinon que, par antipéristase, il prend toujours nouvelle vigueur et s'échauffe d'autant plus dans le combat contre les ministres et les hérétiques qu'il a eu la grande satisfaction de ramener à Jésus-Christ un gentilhomme, son neveu, lequel en conséquence il a retiré chez lui..

  A012000500 

 Son Altesse m'a promis toutes sortes de provisions pour le Chablais, ayant commandé les lettres d'expédition et autres papiers nécessaires, et ses ministres montrent plus d'empressement qu'à l'ordinaire; c'est pourquoi j'espère que nous aurons cette année et le Jubilé et une jubilation très grande, mais nous avons besoin d'un secours puissant, efficace et persévérant..

  A012000501 

 Il ne me reste plus autre chose à communiquer à Votre Seigneurie sinon de la prévenir, avec cette confiance que sa bonté me permet, et la priant de n'en rien dire à personne, que Son Altesse a trouvé un peu étrange de n'avoir pas été mise au courant avant tout autre, d'une manière exacte et très circonstanciée, de la manière dont les [36] affaires de Thonon sont traitées à Rome; je m'en suis aperçu par quelques mots relatifs à ce sujet; au reste, le prince se montre très affectionné à l'entreprise.

  A012000565 

 On ne pouvait, en effet, désirer un plus ardent et vigoureux défenseur et promoteur parmi ces forts et vaillants qui entourent le lit sacré de Salomon; de sorte qu'il est désormais évident que le Christ veut, par l'entremise du Saint-Siège, nous être un Dieu protecteur et une maison de refuge.

  A012000592 

 Or, puisque le rapport envoyé par M gr l'Archevêque de Vienne est bien plus clair et étendu, il me semble ne pouvoir rien ajouter à cette réponse sinon en ce qui concerne nos ecclésiastiques.

  A012000639 

 C'est ce qui inspire la plus grande inquiétude aux pasteurs destinés à la garde de ces brebis; car le reste n'est pas de leur ressort..

  A012000640 

 La plupart des curés restent dans leurs paroisses, bien que quelques-uns des plus timides se soient retirés pour voir comment finiront les choses..

  A012000697 

 Toutefois, Dieu soit loué de ce que ni parmi les anciens Catholiques, ni parmi les nouveaux convertis il n'y a eu d'autre mouvement que celui d'une plus grande ardeur et ferveur.

  A012000751 

 Ceste seconde voye me semble plus sortable.

  A012000751 

 Je viens tout maintenant d'aupres de luy, et luy ay representé ce que vous aves desiré, a quoy il s'est rendu fort aysé; et ne pouvant employer beaucoup de tems a la consideration de l'affaire pour tant d'affaires que la soudaineté de son despart luy a apportés, il a commandé sur le champ et en ma presence a monsieur le præsident Floccard de le despecher au plus tost que faire se pourra.

  A012000795 

 Je vous supplie ensuite de daigner me continuer vos bonnes grâces partout où vos mérites vous porteront, et de croire que jamais vous n'aurez un serviteur qui soit plus que moi dédié à votre obéissance, quoique je sois inutile..

  A012000798 

 Aux fêtes de Pentecôte on donna [64] commencement [à cette œuvre] dans ce bailliage (distant d'une demi-lieue de Genève, c'est-à-dire deux milles), et cela avec tant de secours du Saint-Esprit que, m'y étant rendu le mercredi de la même semaine, j'y trouvai, en deux paroisses, plus de cent familles catholiques.

  A012000799 

 A ce que l'on dit, de bien plus grands travaux surviendront dans le bailliage de Gex avec l' Intérim que le roi de France doit y introduire.

  A012000800 

 Et parce que j'ai l'habitude de vous présenter toujours quelque requête pour ma consolation particulière, je vous demanderai de vouloir bien vous rappeler des prébendes obtenues pour M. Nouvellet, vétéran de la milice ecclésiastique, dont M. de Villette vous parlera plus amplement..

  A012000801 

 De plus, nous avons en ce diocèse une demoiselle laquelle, étant fort jeune, fit vœu de chasteté; quoiqu'elle soit très pieuse, elle ne veut pas néanmoins entrer en Religion, et dans le monde elle rencontre de grandes difficultés pour l'observation de ce vœu.

  A012000822 

 Veuillez, je vous prie, saluer le plus affectueusement du monde le tout aimé et tout aimant Rodolphe.

  A012000848 

 Mais ceci est peu de chose si le Saint-Siège n'emploie fortement [71] son autorité auprès de Sa Majesté, afin que, sans égard aux Genevois, on exécute cette restitution des biens de l'Eglise; par ce moyen, ces hérétiques recevront le plus grand affront qu'on leur ait jamais fait jusqu'à présent.

  A012000849 

 Ce n'est pas certes que je désire cette dignité, dont le poids m'a toujours paru formidable, surtout dans ces temps de confusion et de trouble; [72] mais c'est pour ne pas résister à l'avis de tant de gens de bien qui ont jugé que je ne devais plus retarder cette affaire.

  A012000849 

 Cette église est dépouillée de la plus grande partie de ses revenus, qui sont entre les mains des ennemis de la foi; de plus, il y a tant de travaux à supporter que son Evêque ne peut manger qu'au prix de beaucoup de sueurs le peu de pain qu'elle lui donne..

  A012000849 

 L'autre chose est que, en étant vivement sollicité par M gr l'Evêque de Genève et aussi, pour le dire franchement, par toutes les personnes les plus notables et les plus distinguées du diocèse, non seulement ecclésiastiques mais encore laïques, cédant enfin à leurs instances j'ai consenti à ce que l'on reprit les négociations commencées pour m'obtenir la coadjutorerie de cet évêché avec future succession.

  A012000849 

 Si elle est nécessaire, je ne pourrai poursuivre cette affaire, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une chose présente, mais future, ni d'avantages, mais de peines incroyables.

  A012000850 

 J'en supplie moi-même très humblement Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, afin que si de telles faveurs ne s'accordent pas, je ne poursuive plus cette affaire; car si elle n'aboutissait pas, faute de ressources, mes compatriotes pourraient concevoir de mauvais soupçons, et attribuer cet insuccès à quelque autre cause.

  A012000879 

 M gr l'Evêque de Genève écrit à cet effet la lettre ci-jointe à l'Illustrissime Cardinal Aldobrandino, laquelle, pour plus grande sûreté, je lui adresse par votre entremise..

  A012000879 

 Or, parce que si cette restitution a lieu, ce sera l'un des plus grands coups qu'aient reçus jusqu'ici ces hérétiques, il m'a semblé convenable d'informer de toutes ces choses Votre Seigneurie, afin qu'Elle aussi emploie son saint zèle à favoriser cette entreprise en la recommandant au Saint-Siège.

  A012000896 

 Et tous concourent a cest'opinion, quil n'y a plus aucun moyen de reste pour en chevir, sinon que Vostre Altesse, par un edit paysible, commande que tous ses sujetz ayent a faire profession de la foy catholique, et en prester le serment dans deux moys es mains de ceux qui seront deputés, ou de vuider ses estatz, avec permission de vendre leurs biens.

  A012000896 

 Le saint effect de l'edit que je propose rendra tous-jours plus admirable a tous les vrays [78] Catholiques la religion et grandeur de courage de Vostre Altesse, et la douceur d'iceluy forcera tous ses adversaires d'en reconnoistre la clemence, mesme apres tant de soin qu'ell'a eu de faire proposer les instructions a ce peuple, duquel maintenant ell'est maistresse sans dependence d'aucun traitté ni condition, ne le tenant que de Dieu..

  A012000896 

 Plusieurs, par ce moyen, eviteront le bannissement du Paradis pour ne point encourir celuy de leur patrie; les autres, qui seront fort peu en nombre, sont de telle qualité que Vostre Altesse gaignera beaucoup en les perdant, gens desquelz l'affection est des-ja pervertie et qui suyvent le huguenotisme plus tost commun parti que comme une religion.

  A012000898 

 Monseigneur, je ne puis pas sonder plus avant que cela, et ne sçai sil y a chose au pardela de ceste mienne consideration qui puisse ou empecher ou retarder l'edit que je souhaitte; en quoy je me sousmetz purement a son meilleur jugement.

  A012000909 

 Je prendray le plus d'instruction que je pourray des particularités requises pour ce tant signalé commencement d'une œuvre de laquelle la gloire estant toute a Dieu, comme a sa source, doit neanmoins verser beaucoup d'honneur sur vous, qui estes le principal instrument duquel il s'est voulu servir..

  A012000935 

 Et parce que le roi demandait que, quant au nombre, on s'en tînt exactement à celui qui serait marqué par M. le baron de Lux, lieutenant dans le gouvernement de Bourgogne, Bresse et autres pays récemment réunis au royaume, je suis venu ici pour apprendre plus particulièrement comment cette affaire doit se traiter; ce qui n'est pas encore résolu..

  A012000937 

 De cette manière, la négociation réussirait très bien; et ce ne serait pas un petit préjudice pour les Genevois, [83] qui demeureraient très pauvres, ni peu de lustre à la religion catholique; ce serait aussi ouvrir peu à peu la voie pour amener à quelque plus grand bien la ville même de Genève..

  A012000949 

 Or, plus apparent n'en peut il avoir que d'estre sollicité par le Saint Siege..

  A012000949 

 Outre cela, il y a un point encor plus important, qui est quil seroit expedient que Monseigneur le Cardinal escrivit une lettre a Monseigneur de Geneve, par laquelle il luy donnast courage de demander la restitution de ses biens qui sont a Gex, et un'autre au Nonce, affin quil l'assistast en ceste demande.

  A012000950 

 Saches au reste que nous sommes fort en affaires pour ce respect, monsieur Rogex et moy, et des fondemens que nous voyons ne pouvons conclure sinon que si nous sommes aydés de ceux qui peuvent et doivent le faire, non seulement cela se fera, mais de plus grandes choses.

  A012000953 

 Vostre humble et plus affectionné serviteur,.

  A012001008 

 Il reste que non seulement en trois paroisses, mais en toutes, qui sont au nombre de vingt-six, on rétablisse le saint exercice [du culte] et que les revenus ecclésiastiques soient enlevés aux ministres hérétiques et aux Genevois; car, lorsque le peuple sera obligé d'entretenir les ministres à ses frais, il s'en lassera bientôt, et d'autant plus qu'il verra de bons prêtres lui offrir gratuitement de salutaires pâturages.

  A012001008 

 Je me propose toutefois de revenir au plus tôt pour le saint Jubilé de Thonon, surtout s'il est vrai, comme on nous le dit, que nous jouirons alors du bienfait de la présence de Votre Seigneurie Illustrissime qui sera, de toute façon, très utile et très fructueuse..

  A012001008 

 Or, parce que M gr l'Illustrissime Nonce de France écrit qu'il en a reçu l'ordre du Saint-Père, et qu'il ne lui manque qu'un des nôtres pour lui donner une plus particulière connaissance de nos raisons, j'espère partir pour Paris la troisième fête de Noël, afin d'accomplir cette mission.

  A012001010 

 Si ce bien ne peut s'exécuter tout d'un coup, que du moins on le fasse petit à petit, commençant par les parties les plus nécessaires, telles que le collège, le séminaire, et ainsi successivement..

  A012001011 

 Au sujet de Jules-César Paschali, je dois dire qu'il a habité de longues années à Genève, où il n'eut jamais ni fonds ni revenu assuré; au contraire, il était pauvre et vivait de son travail à une imprimerie, où il était correcteur de livres, et de l'argent de la caisse et bourse de la nation italienne, comme les pauvres honteux ont coutume de faire en cette Babylone, où, pour ce regard, ils sont plus prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière.

  A012001011 

 On le croit mort, parce qu'ayant échappé à une grande maladie, il sortit de Genève où il n'a plus paru.

  A012001012 

 N'ayant donc plus rien à dire pour répondre à la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime du 6 novembre, je termine en baisant très humblement ses mains vénérées et en la suppliant de m'accorder ses bonnes grâces.

  A012001025 

 Or, monsieur Machet ayant ouvert le propos de venir en appointement de l'un et de l'autre, hier ledit Procureur me vint voir fort tard, et de cent mille paroles je tiray quil desiroit fort nostre amitié; ou il est le plus grand dissimulateur du monde.

  A012001046 

 Nous ne sommes pas contens de si peu, car nous demandons tout, tant pour l'exercice, qui va premier, que pour les biens; non seulement par ce que cela nous accommodera, mais encor plus par ce que cela incommodera la religion huguenotte, laquelle devant estre entretenue aux despens du peuple, manquera bien tost et indubitablement.

  A012001069 

 Il y va un petit de la peyne et du tracas et un peu plus de tems que je ne pensois; je l'abbregeray neanmoins le plus que je pourray, pour avoir l'honneur d'estre bien tost aupres de vous.

  A012001070 

 Je vous envoye la lettre qu'il vous escrit sur le sujet de ma negociation, et, pour sçavoir plus a plein ce qu'il en esperoit, je me suis dispensé de l'ouvrir, avec la confiance accoustumee en vostre bonté et en l'asseurance que vous aves de la loyauté de mon intention a vostre service..

  A012001089 

 J'ay receu deux de vos lettres, l'une du 21 janvier, l'autre du 5 febvrier, ausquelles je devois une plus soudaine response que je n'ay pas fait, si j'eusse peu tirer les resolutions qui devoyent servir de matiere a mes responses si tost que j'eusse desiré.

  A012001096 

 Jay receu une lettre de monsieur nostre Ambassadeur, outre ce que vous aves escrit pour le seigneur Persiani; marri de ne l'avoir receu sur les lieux ou j'eusse peu faire ce quil me commande, j'escriray au plus tost pour le faire faire.

  A012001097 

 J'attendray de vous le signe pour faire les remercimens necessaires, et vous salue de toute mon ame, vous suppliant croire que vous obliges l'un des plus humbles et asseurés serviteurs que vous puissies avoir par tant de bons offices que vous me faittes.

  A012001099 

 Vostre plus humble et asseuré serviteur,.

  A012001153 

 Je m'essayeray a me desvelopper le plus tost que je pourray, [109] mais le train des affaires est si malaysé en ceste court que quand on pense estre delivré, on est le plus embarrassé.

  A012001154 

 Monseigneur, je suis si pressé qu'il ne me reste plus de loysir que pour vous bayser tres humblement les mains et supplier de me continuer la faveur de vos graces, comme a celuy qui est a jamais,.

  A012001174 

 Ce qu'il y a de plus considerable c'est le sommaire tres fidelle des rares et eminentes vertuz dont Dieu avoit orné la belle ame et assorti le riche naturel du prince decedé.

  A012001174 

 Et si bien l'escrit que j'en donne semble avoir plus de subsistance et de duree que ma voix n'en a eu en les prononçant, ce sera plus par la consideration des vertus de ce prince que par le tissu et l'ordre que j'ay tasché d'y apporter en l'escrivant..

  A012001175 

 Au reste, si mon affection et bonne volonté n'estoit garante de ma sincerité et obeissance, la plus belle partie, qui en a esté obmise, auroit rayson de se plaindre; mais ayant entrepris seulement de faire un simple eloge et sommaire de ce qui estoit convenable au tems, au lieu et a l'assemblee, j'ay deu laisser a l'histoire, qui reserve des volumes entiers pour une si belle vie, de suppleer a mon defaut, me contentant du nom et du devoir de panegyriste, dont j'ay tasché de m'acquitter.

  A012001175 

 Que si, apres cela, on veut considerer ce qu'il y a du mien, rien sans doute que la sincerité de mes affections et respectz, qui ne mourront jamais pour la memoire de ce prince, qui ne doit jamais mourir en celle de tous les bons, mais principalement en la vostre, Madame, qui trouves advantageusement dans les vertuz de ce grand prince et cher espoux deffunct, comme aussi dans les vostres qui luy estoyent communes, dequoy vous consoler dans ceste sensible privation; quoy que la plus solide, la veritable et la plus chrestienne consolation est celle que vous aves puisee dans la source, qui est la volonté de Dieu, qui seul en ceste occasion a donné ce grand calme et ceste absolue resignation qui paroist en vostre esprit..

  A012001189 

 J'ay receu vostre lettre du 17 avril, et, pour response, je vous diray que nous allons avançant le plus que nous pouvons aupres de Madame, affin que vous puissies recevoir la consolation de vostre retour que vous desires; non que j'y puisse guiere, mais j'y contribue et contribueray le soin que je pourray, et voy Madame asses disposee; niais les executions des desseins sont un petit lentes et tardifves, non seulement en cela, mais en tout le reste.

  A012001189 

 Je suis seulement marri que monsieur de Saint Evroul, qui peut plus quo tous, s'en va de ceste ville pour plusieurs jours; [113] neanmoins je le presseray qu'avant son despart nous puissions ensemblement donner une secousse a l'esprit de Madame, pour faire esclorre une bonne et entiere resolution..

  A012001190 

 Je ne suis pas d'advis que vous monstries d'avoir plus aucune defiance de son amitié, puisque il n'en a plus de la vostre.

  A012001213 

 Ceste double relation quii vous a m'oblige dautant plus a luy desirer et vouer tous mes services, et a me souhaitter beaucoup plus de capacité pour luy en rendre..

  A012001214 

 Ceste premiere veüe luy aura donné confiance pour desployer plus au long ses pensees a la seconde, si elle pensoit tirer [117] quelque consolation de la consultation; mais je crois qu'elle n'en a pas besoin..

  A012001216 

 Croyes que j'en suis infiniment marri; mais, si je puis, je ne perdray qu'en l'attente, car estant despeché je retarderay plus tost quelques jours pour rencontrer l'occasion de recevoir ce bien, et lhors je vous diray plus de nouvelles du dessein des Religieuses reformees que je ne sauroys faire maintenant, car Sa Majesté en aura receu la requeste et declairé son bon plaisir.

  A012001217 

 Monsieur, le papier me manque et, en devisant avec vous, l'appetit m'est creu jusques a me porter en ce coin ou je n'ay plus de lieu que pour me recommander humblement a vos bonnes prieres et a vos graces et a celles de madamoiselle vostre femme, et me dire pour toute ma vie,.

  A012001234 

 Ce pauvre homme d'Eglise a estimé quil auroit plus d'accès a vostre charité s'il avoit en main un'attestation de moy de la necessité en laquelle il est; et par ce qu'elle m'a esté asseuree d'asses bon lieu, je n'ay sceu luy refuser ceste assistence, laquelle il m'a fort instamment [119] demandee, me conjurant par toute la compassion qu'un Chrestien doit a un autre.

  A012001245 

 Je ne veux dire pour tout sinon que je vous supplie de tout mon cœur de m'aymer de tout le vostre, de faire que messieurs d'Acy et de Manœuvre m'ayment tous-jours, de m'escrire quelquefois par l'entremise de monsieur Santeul; et je vous prometz de ma part de vous aymer, honnorer, servir toute ma vie, d'estre tous-jours humble serviteur de toute la mayson de ces seigneurs, et de vous rendre compte de ma vie le plus souvent que je pourray, glorieux que je seray de me resouvenir souvent que vous m'aymes et que je suis,.

  A012001247 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A012001265 

 Ce que je me sens tous-jours plus obligé de faire, devant entrer en la charge d'Evesque par le trespas du bon et saint Prælat duquel Vostre Altesse avoit tant gousté la pieté; en la succession duquel (puisque ça esté le bon plaisir du Saint Siege et de Vostre Altesse de m'y appeller) j'espere vivre heureusement parmi une infinité de travaux et de peynes qui s'y presentent, sous la faveur et protection de Vostre Altesse, pour la prosperité delaquelle je feray toute ma vie prieres a Nostre Seigneur, et demeureray,.

  A012001280 

 Je suis tous-jours celuy d'autrefois; je ne desire non plus l'evesché que je l'ay desiree.

  A012001297 

 Et pour ce regard, la vielle amitié quil vous a pleu de nous porter, et a toute ceste mayson, nous a donné confiance de vous supplier de nous faire ce bon office en quelque façon que ce soit, ou par l'entremise d'amis ou par vous-mesme, comme vous jugerés plus a propos.

  A012001297 

 Nous vous en supplions donques humblement, et de nous en donner les advis le plus tost que vostre commodité le permettra..

  A012001298 

 Et en cas que monsieur de Prangin vous semble le plus duisant, vous pourriés, sil vous plait, me mettre en consideration, et ma promotion a l'evesché, bien que la verité est que cela ni apporte rien; mais je le dis seulement par ce quil m'ayme et me connoist, et que telle cause est probable.

  A012001298 

 Je remetz en fin toute ceste conduitte a vostre prudence et a la bonne et entiere amitié que vous nous portes, sans vous en dire plus de paroles, sinon que la somme que nous desirerions seroit de trois mille, deux mille ou au moins mille escus..

  A012001299 

 J'attens de jour a autre les despeches de Romme necessaires pour la resolution et execution de l'affaire de l'evesché; les ayant, je vous en feray sçavoir des nouvelles et ne parleray plus que des choses spirituelles, attendant cependant de vous des nouvelles de ces choses [126] temporelles, que je vous supplie d'embrasser pour ceste mayson, qui vous est entierement acquise et servente, et de moy en particulier, qui ay tous-jours esté et seray toute ma vie,.

  A012001318 

 Quod autem ad caetera spectat, Rex ipsemet duram temporum conditionem objecit: tum se plus omnibus Catholicæ religionis in integrum restitutionem expetere, sed non id omne sibi licere quod libet, et id genus multa; ita ut, exactis plane mensibus novem, re propemodum infecta redire coactus sim..

  A012001328 

 Ce Prélat eut à ce sujet de fréquentes et sérieuses conférences, tant avec le roi lui-même qu'avec les plus intimes conseillers de Sa Majesté; il semblait donc que rien ne contrariait l'espoir du succès désiré.

  A012001328 

 Il ne se pouvait proposer d'entreprise plus sainte ni plus équitable; aussi Votre Sainteté n'a rien épargné de ses soins et de sa sollicitude apostolique pour la faire réussir.

  A012001328 

 Quant au reste, le roi lui-même nous représenta la dureté des temps: « Je désirerais plus que nul autre, » dit-il, « l'entier rétablissement de la religion catholique, mais mon pouvoir n'égale pas mon bon plaisir; » et semblables propos.

  A012001329 

 Cette province ne pouvait faire une perte plus considérable, ni ses habitants avoir un plus grand sujet de tristesse.

  A012001331 

 Et à vous, Père très saint et très clément, je rends autant qu'il est en moi les plus vives actions de grâces pour les immenses bienfaits dont votre munificence apostolique m'a comblé.

  A012001331 

 Il ne me reste plus rien à faire que de me remettre à la Providence divine, lui confiant avec un abandon absolu le soin de ma personne et de toutes choses.

  A012001332 

 Enfin, prosterné humblement à vos pieds sacrés, j'attends votre bénédiction apostolique, afin que la consécration que je vais recevoir m'obtienne à moi et à mon troupeau plus de faveurs et de consolations.

  A012001351 

 Nous nous assemblâmes pour cet effet pendant quelques jours; et ce dessein ayant été mûrement examiné, nous trouvâmes qu'il était inspiré de Dieu et qu'il contribuerait à sa plus grande gloire et au salut d'un grand nombre d'âmes..

  A012001352 

 On a donc choisi trois hommes fort instruits, de mœurs pures, entendus aux affaires, qui fussent à même de prendre [132] la direction de l'œuvre pour le plus grand bien du monastère.

  A012001365 

 Sil vous plaist me faire ce bien de l'en supplier avec moy, vous aures tous-jours tant plus de rayson de le vous promettre, et moy de l'esperer comme l'un des plus grans contentemens que j'aye jamais souhaitté..

  A012001385 

 J'ay pris une telle confiance en vostre charité qu'il ne me semble plus avoir besoin de preface ou avant propos pour vous parler, soit en absence, comme je suis contraint de faire maintenant, soit en presence, si jamais Dieu dispose de moy en sorte que j'aye le bien de vous revoir.

  A012001388 

 Dieu employe bien souvent les plus foibles pour les plus grans effectz: que puis-je sçavoir s'il veut porter son inspiration dans vos cœurs par les paroles qu'il me donnera pour vous escrire? J'ay prié; je diray bien plus et je ne diray que la verité, mais cecy suffira: j'ay arrousé ma bouche du sang de Jesus Christ en la Messe, pour vous pouvoir envoyer des paroles convenables et pregnantes.

  A012001388 

 Mais n'ayant pas deu arrester pour cela, estant appellé icy pour un bien plus grand, je me suis mis a vous escrire sur ce sujet, bien que j'aye quelque tems desbattu en moy mesme si cela seroit a propos ou non; car il me sembloit presque que cela seroit inutile, d'autant que ma lettre seroit sujette a recevoir des repliques, et m'en feroit donner; qu'elle arriveroit peut estre hors de sayson; qu'elle ne vous representeroit pas naifvement ni mon intention ni mon affection; que vous estes en lieu ou vous seres conseillees de vive voix par un monde de personnes qui vous doivent estre en plus grand respect que moy, et que si vous ne croyes a Moïse et aux prophetes qui vous parleront, malaysement croires vous a ce pauvre pecheur qui ne peut que vous escrire, et que, outre cela, a ce que l'on m'a dit, quelques autres predicateurs, meilleurs et plus experimentés a la conduitte des ames [138] que je ne suys, vous en ont parlé sans effect.

  A012001391 

 Il est aysé de destourner les fleuves en leur origine, ou ilz sont encor foibles; mais plus avant ilz se rendent indomptables.

  A012001392 

 Et certes, toutes proprietés et particularités de moyens en Religion se reduisent a mammon de l'iniquité! « C'est pourquoy, » disoit il, « ces pauvres vierges sont appellees folles, par ce qu'apres avoir dompté le plus fort elles se rendent au plus foible.

  A012001392 

 Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut sembler a quelques unes, n'estes vous pas beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misere, disoit aujourd'huy saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile, de laquelle nous faisons la feste; quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, mammon, dieu des richesses.

  A012001393 

 Ils sont, a la verité, petitz si on les met en comparaison des plus grans, car ce ne sont que commencements, et tout commencement, soit en mal soit en bien, est tous-jours petit; mais si vous les consideres en comparaison de la [141] vraye et entiere perfection religieuse a laquelle vous deves aspirer, ilz sont sans doute tres grans et tres dangereux.

  A012001394 

 Qu'il soit tant petit qu'il voudra, qu'il soit tant enfant qu'il vous plaira, qu'il ne soit pas plus grand qu'une fourmy; mais il est mauvais, il ne vaut rien, il vous ruinera, et gastera vostre mayson..

  A012001394 

 [L'une est] ceste partie superieure et en certaine façon surhumaine, l'esprit et l'interieur; et l'autre, plus basse et humaine, est le cors avec son exterieur.

  A012001397 

 Si ce n'est pas proprieté, [que veut dire] que l'une a plus de commodité sans necessité, et l'autre plus de necessité [144] sans commodité? Que veut dire qu'estant toutes seurs, vos pensions ne sont pas seurs? L'une souffre et l'autre ne souffre point; l'une a faim, diray je presque comme saint Pol, l'autre abonde: ce n'est pas la une Communauté de Nostre Seigneur.

  A012001400 

 Il y a en Italie deux nobles republiques, Venise et Gennes; a Venise les particuliers ne sont pas si riches qu'a Gennes, [mais la republique est bien plus riche que celle de Gennes.] La richesse des particuliers empesche celle du public.

  A012001401 

 Les uns l'y jettent sous le travail et industrie que Dieu leur a donnee et par laquelle Dieu les nourrit; les autres, plus purement, sans l'entremise d'aucune industrie, tendent a cela.

  A012001402 

 Vous estes sorties de l'Egypte mondaine, vous estes au desert de la Religion: ne recherchés plus les moyens mondains, esperés fermement en Dieu; il vous nourrira sans doute, quand il devroit faire pleuvoir la manne..

  A012001405 

 Lhors vostre Espoux vous regardera avec ses Anges, comme nous faysons les abeilles quand elles sont doucement empressees a la confection de leur miel, et je ne doute point que ce saint Espoux ne parle a vostre cœur pour vous dire ce qu'il dit a [149] son serviteur Abraham: Chemines devant moy et soyes parfait; entrés plus avant au desert de la perfection.

  A012001405 

 Ne tenes plus vostre parti ni celuy de vostre mayson, [mays simplement celuy de vostre bien et du bien de vostre mayson.] Faites tout ainsy que si vous voulies instituer une nouvelle Congregation selon vostre Ordree et vostre Regle; traittes en les unes avec les autres en esprit de douceur et de charité.

  A012001405 

 Vous aves des-ja fait la premiere journee par l'exacte chasteté, et la seconde par l'obeissance, et une partie de la troisiesme par quelque sorte de pauvreté et communauté: mais pourquoy vous arrestes vous en si beau chemin, et pour si peu de chose comme sont ces pensions particulieres? Marchés plus avant, achevés la journee: mettés tout en commun, renoncés a la particularité, affin que, selon la sainte Parole, vous fassies une sainte immolation et entier sacrifice [a nostre Dieu], en esprit, [en cors] et en biens..

  A012001406 

 A ceux la vous deves confier vostre affaire, affin qu'ilz jugent de ce qui sera plus convenable; car vostre sexe est sujet des la creation a la condition de l'obeissance, et ne reussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant a la conduitte et instruction.

  A012001406 

 Apres que vous aures traitté de vostre affaire avec vostre Espoux et par ensemble, appellés a vostre secours et pour vostre conduitte quelques uns des plus spirituelz qui sont a l'entour de vous; ilz ne vous manqueront pas.

  A012001407 

 C'est peut estre trop parler et trop escrire d'un sujet duquel vous aves, a l'adventure, les oreilles des-ja trop [150] battues; mais Dieu, devant lequel je vous escris, sçait que j'ay beaucoup plus d'affection que de paroles en cest endroit.

  A012001408 

 Et je prie Dieu qu'il [151] vous donne les resolutions necessaires a vostre bien, pour la plus grande sanctification de son saint nom en vous, affin que vous soyes de nom et d'effect ses vrayes filles.

  A012001408 

 Je me prometz l'assistance de vos oraisons pour toute ma vie, et plus particulierement pour ceste entree que je fay en la laborieuse et dangereuse charge d'Evesque, affin que, preschant le salut aux autres, je ne sois reprouvé a damnation..

  A012001425 

 Aussi n'ay je pas estimé de le devoir refuser, car encor que sera avec vostre incommodité, neanmoins il en sera mieux et plus chaudement receu, et vous estes des-ja tant accoustumé a recevoir de nos importunités que ce ne vous est plus guere de peyne..

  A012001428 

 Vostre plus humble et asseuré neveu et serviteur et compere,.

  A012001459 

 Je suis Evesque consacré des le jour Nostre Dame, 8 de ce mois, qui me fait vous conjurer de m'ayder tous-jours plus chaudement par vos prieres, comme de ma part je ne vous oublie pas, sur tout en la recommandation de la Messe.

  A012001460 

 Je vous supplie, Monsieur, de croire entierement quil ni a homme au monde qui vous soit plus dedié et affectionné que je suis et seray toute ma vie, pour demeurer,.

  A012001533 

 J'ay receu vos deux lettres par monsieur le president Favre un peu plus tard que vous ne pensies et que je n'eusse desiré, mais asses tost pour me donner de la consolation, y voyant quelque tesmoignage de l'amendement de vostre esprit.

  A012001535 

 Une autre fois, si vous m'escrives sur quelque semblable sujet, donnés moy exemple de l'action de laquelle vous me demandes l'advis; comme seroit a dire de quelqu'un de ces sentimens qui vous aura donné le plus de soupçon pour n'estre pas receu, car j'apprendray bien mieux vostre intention.

  A012001536 

 Quand nous ne nous arrestons pas en iceux, mays que nous nous en servons comme de recreation, pour par apres faire plus constamment nostre besoigne et l'œuvre que Dieu nous a donné en charge, c'est bon signe; car Dieu nous en donne quelquefois pour cest effect.

  A012001540 

 Voyla ma responce asses clairement, ce me semble, a laquelle j'adjouste que vous ne facies jamais de difficulté de recevoir que Dieu vous envoye a dextre ou a gauche, avec la preparation et resignation que je vous ay dite; et quand vous series la plus parfaite du monde, vous ne devries pas refuser ce que Dieu vous donne, a condition d'estre preste a le refuser si tel estoit son playsir.

  A012001543 

 En voyci deux raysons: l'une, que pour neant examinons-nous cela, puisque, quand nous serions les plus parfaitz du monde, nous ne le devons jamais sçavoir ni connoistre, mais nous estimer tous-jours imparfaitz.

  A012001544 

 L'autre rayson est que cest examen, quand il est fait avec anxieté et perplexité, n'est qu'une perte de tems; et ceux qui le font ressemblent aux soldatz qui, pour se preparer a la bataille, feroyent tant de tournois et d'exces entr'eux que, quand ce viendroit a bon escient, ilz se treuveroyent las et recreuz; ou comme les musiciens qui s'enrouëroyent a force de s'essayer pour chanter un motet; car l'esprit se lasse a cest examen si grand et continuel, et, quand le point de l'execution arrive, il n'en peut plus.

  A012001545 

 Ne requerés pas en eux plus de perfection qu'en vous et ne vous estonnes point de la diversité des imperfections, car l'imperfection n'est pas plus imperfection pour estre extravagante et estrange.

  A012001546 

 Allés joyeusement et a cœur ouvert le plus que vous pourres; et si vous n'alles pas tous-jours joyeusement, allés tous-jours courageusement et confidemment.

  A012001561 

 J'ay receu double consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, car elle me tesmoigne vostre bienveuillance, que je desire beaucoup, [171] et me donne advis des graces que Dieu fait a vostre monastere, qui me sont des nouvelles les plus cheres que je sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extremement ceste mayso'n par une certaine inclination que Dieu m'en a donné..

  A012001563 

 Et croyés moy, Madame, le soin le plus parfait c'est celuy qui approche du plus pres au soin que Dieu a de nous, qui est un soin plein de tranquillité et de quietude, et qui, en sa plus grande activité, n'a pourtant nulle esmotion et, n'estant qu'un seul, condescend neanmoins et se fait tout a toutes choses..

  A012001565 

 Je vous supplie de les contrechanger de vos prieres et plus ferventes devotions.

  A012001565 

 Vous n'en donneres jamais part a personne qui soit de meilleur cœur, ni plus que moy,.

  A012001624 

 Aussi bien faut il que tous, les uns apres les autres, nous en sortions selon l'ordre qui est establi; et les premiers ne s'en trouvent que mieux, quand ilz ont vescu avec soin de leur salut et de leur ame, comme a fait monsieur mon oncle et mon aisné, duquel la conversation a esté si douce et si utile a tous ses amis, que nous, qui avons esté de ses plus familiers et intimes, ne sçaurions nous empeseher d'avoir beaucoup de regret de la separation qui s'en est faitte.

  A012001641 

 Plus humble et plus affectionné serviteur,.

  A012001662 

 Mays par quel ordre? Il faut commencer par les effectz palpables et exterieurs, qui sont le [181] plus en nostre pouvoir: par exemple, il n'est pas [requis] que vous n'ayes desir de servir aux malades pour l'amour de Nostre Seigneur, de faire quelques vilz et abjectz services en la mayson par humilité; car ce sont desirs fondamentaux, et sans lesquelz tous les autres sont et doivent estre suspectz et mesprisés.

  A012001663 

 Il est bon d'empescher cette multiplication de desirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre execution est plus utile que les grans desirs des choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu desirant plus de nous la fidelité aux petites choses qu'il met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dependent pas de nous..

  A012001665 

 Il est vray que l'allegement leur est court et incertain; mays si vous venes avec humilité embrasser le pied de la Croix, si vous n'y treuves autre remede, au moins y treuveres-vous la patience plus douce qu'ailleurs, et le trouble plus aggreable..

  A012001666 

 Je vous ay voulu dire quelque chose, plus pour vous tesmoigner le desir que j'ay de vostre bien que pour penser que je sois capable de vous y servir.

  A012001666 

 Ne doutés point, au reste, que je ne vous recommande a ce Pere de lumiere; je le fay avec une tres grande volonté et inclination, croyant, pour ma consolation, que vous me rendrés fidellement le reciproque, dont j'ay a la verité bon besoin, pour estre embarqué en l'endroit le plus tempestueux et tourmenté de toute cette mer de l'Eglise..

  A012001667 

 Je n'oublie point non plus la bonne Seur Anne Seguier, que je cheris tendrement en Jesus Christ.

  A012001679 

 Mais la favorable plainte que vous me faites a moymesme de n'en point recevoir me couvriroit de honte si j'eusse autant eu de commodité de vous en envoyer comme j'en ay eu de desir; car, en l'asseurance de vostre bonté, Madame, je n'eusse pas failly de vous faire plus souvent la reverence par lettres, si je n'eusse esté empesché par le voyage et sejour que j'ay esté contraint de faire en Piemont, pour obtenir la mainlevee des revenuz de mon evesché que Son Altesse m'avoit fait saysir un peu apres que je fus fait Evesque.

  A012001709 

 L'autre partie de ma promesse m'est plus malaysee a mettre en effect pour les infinies occupations qui m'accablent; car je pense estre a la plus fascheuse charge qu'aucun autre de cette qualité.

  A012001710 

 Et pour faire cette grande et solemnelle mutation, il faut renverser vostre esprit et le remuer par tout; et pleust a Dieu que nos charges, plus tempestueuses que la mer, eussent aussi la proprieté de la mer, de faire jetter et vomir toutes les mauvaises humeurs a ceux qui s'y embarquent.

  A012001710 

 Mais il n'en est pas ainsy; car bien souvent nous nous embarquons et mettons la voile au vent estans tres cacochymes, et plus nous voguons et avançons en la haute mer, plus nous acquerons de mauvaises humeurs.

  A012001712 

 Il faut le lire avec reverence et devotion, comme un livre qui contient les plus utiles inspirations que l'ame peut recevoir d'en haut; et par la, reformer toutes les puissances de l'ame, les purgeant par detestation de toutes leurs mauvaises inclinations, et les addressant a leur vraye fin par des fermes et grandes resolutions..

  A012001735 

 Je m'essayeray de la contenter au plus tost, n'ayant aucun affaire mondain en mon esprit que celluy-la, et de luy rendre tous les services quil me sera possible en toutes occurrences, comme tres-obligé que j'y suis.

  A012001737 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A012001754 

 J'ay consideré l'expedient que le sieur cappitaine de Moyron propose pour descharger les ecclesiastiques du logement de guerre et y ay veu plusieurs inconveniens, et, entre les autres, celuy que je crains le plus, [196] qui est que la liberté et immunité ecclesiastique en seroit, ce me semble, directement violee.

  A012001769 

 Nos nouvelles ne sont que des [197] vielles miseres, entre lesquelles les plus grandes sont celles qui concernent l'abandonnement de cent eglises autour de Geneve, presque desolees.

  A012001787 

 Et avant consideré l'un et l'autre, j'ay jugé que vous estiés de bon accord en effect, encor quil semble qu'il y ait quelque difference en paroles; car ayant demandé a [199] monsieur Loquet sil vouloit vous obliger par sa fondation a fournir plus quil ne vous reviendroit du revenu d'icelle, il m'a dit que nanni: aussi ne seroit-il pas bien raysonnable.

  A012001787 

 J'ay encor voulu sçavoir sil desiroit plus de soin et d'obligation de vostre Chapitre a la conservation du fondz et des revenuz de sa fondation que vous n'en aves au demeurant des biens de vostre eglise; il m'a semblablement dit que non, et que son intention n'estoit que de vous obliger d'avoir un pareil soin de la maintenance et conservation de sa fondation que celuy que vous estes obligés d'avoir du reste de vos revenuz et autres fondations.

  A012001788 

 Neanmoins, si vous estimes pour quelque autre rayson de devoir apporter de la difficulté en cet affaire, je vous prieray de m'en advertir, affin que j'apporte le plus que je pourray de diligence et industrie pour accommoder le tout a la gloire de Dieu, ornement de son service et vostre contentement..

  A012001805 

 Je supplie sa divine Majesté qu'elle vous benisse de ses plus cheres faveurs, et suis,.

  A012001807 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A012001824 

 Sçachés que la vertu de patience est celle qui nous asseure le plus de la perfection, et s'il la faut avoir avec les autres, il faut aussi l'avoir avec soy mesme.

  A012001825 

 Et qu'est ce a dire, la preparation de nostre cœur? Selon la sainte Parole, Dieu est plus grand que nostre cœur, et nostre cœur est plus grand que tout le monde.

  A012001825 

 Toute cette preparation neanmoins n'est nullement proportionnee a la grandeur de Dieu, qui est infiniment plus grand que nostre cœur; mais aussi cette preparation est [203] ordinairement plus grande que le monde, que nos forces, que nos actions exterieures..

  A012001827 

 Il faut, pour bien cheminer, nous appliquer a bien faire le chemin que nous avons plus pres de nous, et la premiere journee, et non pas s'amuser a desirer de faire la derniere pendant qu'il faut faire et devuider la premiere..

  A012001830 

 Ce sont les vertuz qui s'exercent plus en descendant qu'en montant, et partant elles sont sortables a nos jambes: la patience, le support des prochains, le service, l'humilité, la douceur de courage, l'affabilité, la tolerance de nostre imperfection, et ainsy ces petites vertuz.

  A012001831 

 Il faut faire provision de manne pour chasque jour, et non plus; et ne doutons point, Dieu en pleuvra demain d'autre, et passé demain, et tous les jours de nostre pelerinage..

  A012001845 

 Je la garde, par ce que c'est le seul tiltre par lequel je vous puis demander l'estroitte bienveüillance qu'elle me promet; je la regarde, pour y voir cette mesme bienveuillance si courtoysement depeinte que je ne la sçaurois voir ailleurs avec plus de douceur et playsir..

  A012001857 

 Ce que je vous supplie humblement de faire, non seulement pour lhonneur et service de Dieu, qui vous est le plus cher, mais encor pour lhonneur de la premiere action que vous aves faitte en ce sujet et qui a servi de fondement a toute cette suitte.

  A012001857 

 Je fus estonné de ce que monsieur de la Bastie y estoit venu luy mesme, qui tesmoignoit un'ardeur d'esprit et une volonté tout'entiere; mais je le fus encor plus quand je sceu que ce n'estoit point pour luy ni pour aucun de ses enfans, mais pour un tiers.

  A012001858 

 J'ay deduit ce fait un peu bien au long affin que, par ce moyen, vous sceussies les accidens survenuz en une besoigne que je vous ay veu embrasser avec tant de ferveur, au milieu de la rigueur du plus grand froid de l'annee, avec tant de consolation de tous ceux qui furent presens, et specialement de feu Monsieur l'Evesque mon predecesseur, qui, pendant quil a vescu despuis, ne sceut onques s'empescher d'en faire feste..

  A012001861 

 Vostre serviteur plus humble..

  A012001872 

 Dont je n'ay plus le choix, sinon pour aller ou n'aller pas a la procession, mais non pas pour y aller autrement qu'avec l'entiere praecedence de la cathedrale..

  A012001884 

 Vostre Excellence me face la grace de prendre la peyne de les considerer, et je suis asseuré qu'elle me commandera de passer outre a l'execution de l'intention de l'Eglise, et a Messieurs de Nostre Dame de n'y apporter plus aucune difficulté.

  A012001898 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A012001915 

 Cosin et serviteur plus humble,.

  A012001931 

 C'est cela, Monsieur, qui me fait esperer d'en voir bien tost tout d'une main un heureux accomplissement, pour lequel ledit P. Cherubin allant a Chamberi, je vous supplie, Monsieur, de continuer vostre faveur a ce saint œuvre affin que la conclusion s'en puisse prendre au plus tost, a faute delaquelle je voy l'establissement de l'eglise de Thonon demeurer en suspens..

  A012001952 

 Il seroit bon de donner ordre une fois pour toutes a tous ces affaires de deça, et mesme a celuy que Madame a avec les enfans de feu monsieur le chancelier Millet, [219] dequoy ayant escrit plus d'une fois, je m'estonne de n'en avoir nulle response..

  A012001971 

 Cela m'estonne d'autant plus que je me voy esloigné de le meriter, n'ayant rien en moy qui puisse respondre a l'opinion que vous aves de moy qu'une fort entiere affection a l'accroissement de la gloire de Dieu et a ceux qui la desirent, entre lesquelz sachant que vous tenes des premiers rangs, je vous supplie de croire que vous ne me sçauries faire voir aucun'occasion de vous rendre service que je ne m'y porte de tout mon cœur.

  A012001972 

 Ce sera pour l'Advent que j'auray beaucoup a debattre pour m'eschapper des grandes incommodités qui se presentent contre l'extreme desir que j'ay de vous contenter; et neanmoins, plus tost que de vous donner aucun sujet de croire que je veüille user d'aucune exception a vos volontés, je vous asseure des maintenant que si vous mesme ne me donnés le pouvoir de demeurer icy l'Advent, je n'y demeureray non plus que le Caresme, mays forceray tous les empeschemens pour me treuver en tous deux les tems en vostre ville.

  A012001974 

 Vostre serviteur plus humble en Jesus Christ,.

  A012001990 

 Je vous advertis aussy que prenies peyne a vous rendre plus cappable pour exercer telle charge, a quoy vous estes tenu.

  A012001991 

 Vostre plus affectionné en Jesuschrist,.

  A012002008 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A012002104 

 Pour être complet, il sera nécessaire de reprendre les choses d'un peu plus haut..

  A012002105 

 Ils en vinrent, par le plus malheureux des changements, à tomber jusqu'au fond de cette démocratie dont l'esprit séditieux agite à cette heure le pays, et en fait en quelque sorte une caverne de voleurs et de bannis.

  A012002108 

 Des temples la plupart détruits ou dépouillés; plus, absolument plus de croix, plus d'autels, mais partout les vestiges de l'ancienne et vraie foi anéantis.

  A012002108 

 Je parle donc de ce que j'ai vu, et pour ainsi dire, de ce que mes mains ont touché; le dernier des hommes si je dis le contraire de la vérité, le plus inconsidéré, si je ne la connais pas.

  A012002110 

 Deux années se passèrent donc de la sorte quand enfin le duc, dans une affaire qu'il avait si vivement prise à cœur, ne s'accommoda plus des retardements.

  A012002111 

 Tantôt il faisait publiquement des exhortations au peuple; tantôt il entamait des conférences privées avec ceux qui passaient pour les plus fortes [234] colonnes de l'hérésie.

  A012002112 

 On le voit, il n'est pas de pierre que ce très zélé prince n'ait voulu, pour ainsi dire, remuer de ses propres mains: caresses, menaces, il n'a rien épargné de ce qui était en son pouvoir pour ramener ces peuples; et, ce qui est encore plus digne d'éloges, il agissait ainsi à l'encontre des avis et des sentiments d'un grand nombre de ses conseillers.

  A012002112 

 Toutefois, pendant que la majeure partie de ces populations était rentrée dans l'Eglise, au milieu d'elles restèrent quelques hérétiques de l'un et de l'autre sexe, qui, plus obstinés que les autres, s'entêtaient dans leurs erreurs.

  A012002113 

 Aujourd'hui, dans les mêmes quartiers, l'Eglise Catholique étend de part et d'autre ses branches, avec des poussées si vigoureuses que l'hérésie n'y a plus de place.

  A012002113 

 Partout l'on célèbre et l'on fréquente les mystères de la foi catholique; chaque paroisse est pourvue de son curé; enfin ces trois bailliages, que les clauses du traité ont remis au duc, sont tout à fait restitués à l'Eglise, et, ce qui importe le plus, c'est qu'après avoir recouvré la foi et la religion, leurs habitants ont persévéré sans que [237] ni les persécutions des dernières guerres, ni les menaces des hérétiques aient jamais pu les ébranler.

  A012002113 

 Pour résumer l'historique de cette grande œuvre en quelques mots, il y a douze ans, dans soixante-quatre paroisses voisines de Genève et, pour ainsi dire, sous ses murs, l'hérésie occupait des chaires publiques; elle avait tout envahi; à la religion catholique il ne restait plus un pouce de terrain.

  A012002147 

 Ce billet n'est point cacheté, et je n'en ay aucune inquietude; car, par la grace de nostre Dieu, nous ne sommes plus en ce fascheux tems ou il nous failloit cacher necessairement pour nous escrire en termes d'amitié, et pour nous dire quelque parole de consolation.

  A012002148 

 Tenés vous joyeuse en Nostre Seigneur, ma bonne Mere, et sçachés s'il vous plaist que vostre pauvre filz se porte bien, par la divine misericorde, et se prepare de [244] vous aller voir le plus tost et le plus longuement qu'il luy sera possible, car je suis tout a vous.

  A012002217 

 C'est en cette action en laquelle gist le plus grand effort de la [251] force et constance d'un genereux esprit, et qui attire le plus la faveur du Ciel.

  A012002218 

 Je ne puis encor rien dire pertinemment de la volonté dudit seigneur Archevesque que je ne me sois abouché avec luy, comme j'espere faire restant a Dijon ce Caresme, ou j'ay accordé d'aller plus pour cette seule affaire que pour nulle autre; estimant que j'y seray d'ailleurs asses inutile, principalement maintenant que [252] la presence des Jesuites ne laisse cette ville la en aucune necessite d'assistence spirituelle.

  A012002218 

 Vostre seconde lettre me donne advis de quelques bons offices qu'avés pris la peyne de faire pour les affaires de Gex en mon nom, lesquelz ont esté faitz si a propos que non plus, sur les difficultés que Monsieur Fremyot, Archevesque de Bourges, me fait au relaschement des biens ecclesiastiques qu'il avoit obtenuz du Roy par surprise, au prejudice de la concession que Sa Majesté en avoit faitte precedemment a l'Eglise et aux curés.

  A012002219 

 Je ne laisseray pas de presser le plus que je pourray pour en envoyer de dela, mays il faut que je vous confesse la verité: c'est icy un pauvre païs et auquel il est malaysé de treuver des sommes apres tant de remuemens et troubles..

  A012002239 

 Et ne vy jamais mon esprit party au choix de deux inconveniens, comme je l'ay eu en ceste occasion; mais ayant tout consideré, j'ay fait election de celluy qui pouvoit recepvoir plus de remede et qui ne tumboit pas si droittement sur le service des ames, aymant mieux m'exposer a la mercy de l'opinion des bons qu'a la cruauté de la calomnie des mauvais.

  A012002240 

 Le Pere Recteur me fera ce bien de vous dire plus de particularités sur ce suject, et je prieray Dieu pour vostre prosperité, demeurant sans fin,.

  A012002240 

 Si Dieu m'accompagne, Monsieur, je reviendray bien tost appres Pasques, avec un dessein inviollable de ne jamais sortir du diocese, je ne dis plus sans le congé, mais bien sans le commandement de Son Altesse, et espere que les jours suyvans jugeront les precedens de [255] ma vie et que le dernier les jugera tous.

  A012002250 

 Il y a quelque tems que monsieur de Villette m'asseura de la part de Vostre Altesse qu'elle auroit aggreable que j'allasse a Dijon ce Caresme et que j'y preschasse, pour y avoir plus de faveur aux affaires ecclesiastiques de Gex que je dois traitter avec la court de Parlement de ce pays la.

  A012002272 

 Parmi les nombreuses difficultés que présente l'administration de ce diocèse, l'une des plus considérables vient de ce qu'il est soumis à deux juridictions temporelles différentes; bien qu'il soit en grande partie sous la domination du Sérénissime duc de Savoie, néanmoins une partie très considérable est soumise à la couronne de France.

  A012002273 

 La quatrième est celle-ci: grâce à la diligente intervention de M gr l'Illustrissime Nonce de France, il n'est plus question d'établir le culte hérétique à Seyssel; toutefois, à [258] moins que je ne donne un mémoire particulier des circonstances qui doivent en empêcher l'établissement, ce projet ne sera point abandonné, mais seulement ajourné.

  A012002274 

 J'y ai volontiers consenti, pensant que cet apostolat contribuerait à terminer plus promptement et plus heureusement les affaires que j'ai avec eux.

  A012002284 

 M. Deage fut celuy qui me trompa, ayant luy mesme le premier esté trompé par sa surdité; car il me dit que vostre laquais [260] estoit sorti de la ville le soir pour faire son partement plus matin, qui me garda d'escrire comme je devois..

  A012002285 

 Ce que je crains [est] le deschet de l'opinion que vous m'asseures vous aves de mon affection, laquelle, si elle pouvoit croistre, s'augmenteroit tous les jours comme vous en faites naistre en tout tems de nouveaux sujetz, comme est la patience qu'il vous a pleu avoir a ma priere a l'endroit de M. de Bellecombe; de laquelle ne voulant plus abuser, Monsieur, on ne vous priera point de la continuer plus avant, [craignant] de la voir employer avec vostre incommodité et sans leur prouffit, puisqu'ilz ne s'en sont servis a faire l'appointement que vous desires..

  A012002286 

 Je n'attendis pas, croyés le bien je vous supplie, de recommander son ame a Nostre Seigneur que vous m'en eussies adverti, mais luy rendis ce devoir sur le champ a la premiere nouvelle; et n'eusse pas retardé non plus a vous escrire pour vous faire la ceremonieuse offrande du service de nostre mayson et du mien en particulier, si je n'eusse sceu que vous nous croyes tout vostres pour une bonne fois, sans qu'il soit necessaire d'en renouveller si souvent [261] les reconnoissances.

  A012002293 

 Dieu, ce me semble, m'a donné a vous; je m'en asseure toutes les heures plus fort.

  A012002300 

 C'est tous-jours pour vous asseurer davantage que j'observeray soigneusement la promesse que je vous ay faite de vous escrire le plus souvent que je pourray.

  A012002300 

 Plus je me suis esloigné de vous selon l'exterieur, plus me sens-je joint et lié selon l'interieur.

  A012002301 

 J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme: chacun le va voir et cherit pour l'amour da plantateur; c'est pourquoy, ayant veu en vous l'arbre du desir de sainteté que Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le cheris tendrement, et prens playsir a le considerer plus maintenant qu'en presence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy: Dieu vous croisse, o bel arbre planté; divine semence celeste, Dieu vous veuille faire produire vostre fruit a maturité, et lhors que vous l'aures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger.

  A012002301 

 Madame, ce desir doit estre en vous comme les orangers de la coste marine de Gennes, qui sont presque toute l'annee chargés [264] de fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble; car vostre desir doit tous-jours fructifier par les occasions qui se presentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et neanmoins il doit ne jamais cesser de souhaitter des nouveaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont les fleurs de l'arbre de vostre dessein; les feuilles seront les frequentes reconnoissances de vostre imbecilité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons desirs: c'est la l'une des colomnes de vostre tabernacle..

  A012002302 

 Loüé soit Dieu, qui vous a donné ce cher et saint amour; faites le croistre tous les jours de plus en plus, et la consolation vous en accroistra tout de mesme, puisque tout l'edifice de vostre bonheur est appuyé sur ces deux colomnes.

  A012002302 

 Ne vous lies pas toutefois a cette mesme meditation, car je ne la vous envoye pas a cet effect, mais seulement pour vous faire voir a quoy doit tendre l'examen et espreuve de soy mesme que vous deves faire tous les moys, affin que vous sachies vous en prevaloir plus aysement.

  A012002303 

 Gardés vous des empressemens et inquietudes, car il n'y a rien qui nous empesche plus de cheminer en la perfection.

  A012002305 

 Escrives-moy, je vous supplie, le plus souvent que vous pourres, avec toute la confiance que vous sçaures; car l'extreme desir que j'ay de vostre bien et advancement me donnera de l'affliction si je ne sçay souvent a quoy vous en estes.

  A012002305 

 [266] Recommandés moy a Nostre Seigneur, car j'en ay plus de besoin que nul homme du monde.

  A012002319 

 Vous avés un grand desir de la perfection chrestienne: c'est le desir le plus genereux que vous puissies avoir, nourisses-le et le faittes croistre tous les jours.

  A012002320 

 Mais quant a la Confession, je vous conseilleray bien de la frequenter encor plus, principalement sil vous arrivoit quelque imperfection delaquelle vostre conscience fut affligee, comm'il en arrive bien souvent au commencement de la vie spirituelle.

  A012002320 

 Quant a l'usage des Sacremens, vous ne devés nullement laisser escouler aucun moys que vous ne communiyes, et mesme dans quelque tems, selon le progres que vous aurés fait au service de Dieu et selon le conseil de vos peres spirituelz, vous pourres vous communier plus souvent.

  A012002322 

 Prenes playsir a lire les livres que Grenade a fait de l'orayson et meditation, car il ni en a point qui vous instruise mieux ni avec plus de mouvemens.

  A012002325 

 Les malades aymeront vostre devotion silz en sont charitablement consolés; vostre famille, si elle vous reconnoist plus soigneuse de son bien, plus douce aux occurrences des affaires, plus amiable a reprendre, et ainsy du reste; monsieur vostre mari, sil void que a mesure que vostre devotion croist vous estes plus cordiale en son endroit et plus soüefve en l'affection que vous luy portés; messieurs vos parens et amis, silz reconnoissent en vous plus de franchise, de support, de condescendence a leurs volontés qui ne seront pas contraires a celle de Dieu.

  A012002326 

 Prenes-la en bonne part, comm'aussi cette lettre, qui sort d'un'ame qui est entierement affectionnee a vostre bien spirituel, et qui ne desire rien plus que de voir l'œuvre de Dieu parfait en vostr'esprit.

  A012002329 

 Vostre serviteur plus affectionné en Jesus Christ,.

  A012002345 

 J'ay envoyé a madame la presidente Brulart, vostre seur un escrit que je desire vous estre communiqué; non pas que celuy que je vous ay donné ne suffise pour vous et pour ce tems, mais affin que vous ayés tous-jours plus d'esclaircissement en vostre esprit, a l'advancement duquel je me sens tant obligé que je ne suis de rien plus desireux en ce monde, non seulement pour cette grande confiance que Dieu vous a donnee en mon endroit, mays [271] aussi pour celle qu'il me donne que vous servires beaucoup a sa gloire.

  A012002346 

 Je suis infiniment consolé du playsir que vous prenes a lire les Œuvres et la Vie de la Mere Therese, car vous verrés le grand courage qu'elle eut a reformer son Ordre, et cela vous animera sans doute a reformer vostre Monastere, ce qui vous sera bien plus aysé qu'il ne fut pas a elle, puisque vous estes Superieure perpetuelle.

  A012002367 

 Il ne seroit pas possible de faire avec proffit des conferences par escrit entre nous, nous sommes trop esloignés de sejour; et que pourrions nous escrire qui n'ait esté repeté cent fois? Si la commodité le permettoit, croyes que je ne la refuserois pas, non plus que je ne la refuseray pas aux sieurs ministres de Geneve, mes voysins, quand il la desireront en bons termes..

  A012002398 

 Et quant au scrupule que vous aviés de m'avoir demandé mon advis pour l'addresse de toute vostre vie, je vous dis que vous n'aviés non plus contrevenu aux loix de la submission que les ames devotes doivent a leur pere spirituel, par ce que mes conseilz ne seroyent rien plus qu'un escrit spirituel duquel la pratique seroit tous-jours mesuree par le discernement de vostre directeur ordinaire, selon que la presence de son œil et la plus grande lumiere spirituelle, avec la plus entiere connoissance qu'il a de vostre capacité, luy donnent le moyen de le mieux faire que je ne puis, estant ce que je suis; joint que les advis que je pensois vous donner seroyent telz quilz ne pouvoyent estre que bien [278] accordans avec ceux du Pere directeur.

  A012002404 

 Vostre plus humble et affectionné serviteur,.

  A012002422 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A012002439 

 Faites valoir mon affection, usés de tout ce que Dieu m'a donné pour le service de vostre esprit: me voyla tout vostre, et ne penses plus sous quelle qualité ni en quel degré je le suis.

  A012002440 

 Il est exempt du tranchant de la mort, de laquelle la faux fauche tout sinon la charité: La dilection est aussi forte que la mort et plus dure que l'enfer, dit Salomon.

  A012002440 

 Voyla, ma bonne Seur (et permettes moy que je vous appelle de ce nom, qui est celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent l'intim'amour qu'ilz s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté.

  A012002441 

 Je suis consolé que vous aves en horreur la finesse et duplicité, car il ni a guere de vice qui soit plus contraire a l'embonpoint et grace de l'esprit.

  A012002441 

 Mais si est ce que ce n'eut pas esté duplicité, puisque si en cela vous avies fait quelque faute a cause du scrupule que vous avies en me communicant vostre cœur et me demandant des instructions, vous l'avies suffisamment effacee par apres pour n'estre plus obligee de le dire a personne.

  A012002442 

 J'ay reprins la plume plus de douze fois pour vous escrire ces deux feüilles, et sembloit que l'ennemi me procuroit des distractions et affaires pour m'empescher de ce faire.

  A012002443 

 Nos ames doivent enfanter non pas hors d'elles mesmes mais en elles mesmes, un enfant masle, le plus doux, gracieux et beau qui se peut desirer.

  A012002444 

 Au demeurant, je ne dis jamais la sainte Messe sans vous et ce qui vous touche de plus pres; je ne communie point sans vous, je suis en fin autant vostre que vous sçauries souhaitter.

  A012002448 

 Vostre serviteur plus humble et entierement dedié en Nostre Seigneur,.

  A012002486 

 Je diray bien neanmoins que je pense plus a propos que la Mayson retienne le tiltre en donnant une pension sortable a la valeur du prieuré, comme seroit de la moytié ou autrement, ainsy qu'il sera jugé; et cela fait, a cette prochaine feste de Nostre Dame de septembre, tout le Conseil de la Mayson se treuvant a Thonon il pourra ratifier le traitté..

  A012002502 

 Vostre confrere plus humble,.

  A012002517 

 Mais non plus sur ce sujet; nostre communication doit estre franche, entiere et familiere..

  A012002518 

 Je vous diray donq, Monsieur, que, despuis les dernieres nouvelles que vous aves euës de moy, j'ay esté perpetuellement parmi les travaux et traverses que le monde fait naistre en ma charge, et me semble que cette annee m'a esté encor plus aspre que celle du noviciat; mays je puis dire aussi que nostre bon Maistre m'a beaucoup assisté de ses saintes consolations, qui m'ont fortifié en sorte que je puis dire d'avoir nagé parmi les eaux d'amertume sans en avoir avalé une seule goutte.

  A012002521 

 Je bransle a sçavoir si je doy respondre, et n'estoit l'opinion de mes amis qui me combat, je serois resolu a la negative; mesme que j'ay en main quelque petite besoigne qui sera sans doute plus utile que celle la, et je suis si tourmenté de la multiplicité des sollicitudes que je n'ay nul loysir d'estudier..

  A012002522 

 Mais les anciens Evesques n'en faysoyent pas moins, et la communication que vous me permettes d'avoir avec vous m'est d'autant plus douce que nous sommes plus esloignés l'un de l'autre; car je pense que c'est de la largeur ou longueur du royaume de France.

  A012002538 

 Vostre confrere plus affectionné et bien humble,.

  A012002561 

 Je veux seulement dire ce mot: le predicateur sçait tous-jours asses quand il ne veut pas paroistre de sçavoir plus que ce qu'il sçait.

  A012002561 

 Ne sommes nous pas asses versés pour expliquer l' In principio de saint Jan? laissons-le la; il ne manque pas d'autres matieres plus utiles.

  A012002562 

 Quant a la bonne vie, elle est requise en la façon que dit saint Paul de l'Evesque, et non plus; de façon qu'il n'est pas besoin que nous soyons meilleurs pour estre predicateurs que pour estre Evesques.

  A012002563 

 Mays je remarque que non seulement il faut que [301] l'Evesque et predicateur ne soit pas vicieux de peché mortel, mays de plus qu'il esvite certains pechés venielz, voire mesme certaines actions qui ne sont pas peché.

  A012002566 

 Et il est vray; il semble qu'on puisse dire apres saint Paul: An experimentum quæritis ejus qui loquitur in me Christus? On a beaucoup plus d'asseurance, d'ardeur et de lumiere.

  A012002570 

 La fin donques du [303] predicateur est que les pecheurs mortz en l'iniquité vivent a la justice, et que les justes qui ont la vie spirituelle l'ayent encores plus abondamment, se perfectionnans de plus en plus, et, comme il fut dit a Hieremie, ut evellas et destruas les vices et les pechés, et ædifices et plantes les vertuz et perfections.

  A012002577 

 Mais des histoires des Saintz s'en peut on pas servir? Mais, mon Dieu, y a il rien de si utile, rien de si beau? Mais aussi, qu'est autre chose la vie des Saintz que l'Evangile mis en œuvre? Il n'y a non plus de difference entre l'Evangile escrit et la vie des Saintz qu'entre une musique notee et une musique chantee..

  A012002586 

 Il n'y a pas trop bonne quantité, mais il y a de la rime, et encor plus de rayson..

  A012002590 

 Je ne voudrois pas asseurer que l'un signifie l'autre, mays je voudrois bien comparer l'un a l'autre, car ainsy le discours est plus ferme et moins reprehensible..

  A012002595 

 Ces paroles de Dieu parlant d'Esaù et Jacob: Duæ gentes sunt in utero tuo, et duo populi ex utero tuo dividentur, populusque populum superabit, et major serviet minori, en Genese, XXV, litteralement s'entendent des deux peuples sortis, selon la chair, d'Esaü et de Jacob, c'est a sçavoir les Idumeens et les Israëlites, dont le moindre, qui fut celuy des Israëlites, surmonta le plus grand et l'aisné, qui fut le peuple d'Idumee, au tems de David..

  A012002601 

 S'ensuyvent les raysons qu'une belle nature et un bon esprit peut fort bien employer; et pour celles ci, elles se treuvent chez les Docteurs, et particulierement chez saint Thomas plus aysement qu'ailleurs.

  A012002602 

 Et certes, ilz font l'application encores plus vive.

  A012002609 

 Or maintenant, il faut voir les choses qui vont plus viste par dilatation, et vous en treuveres quelques unes, comme les navires quand le vent estend leurs voiles.

  A012002612 

 Il faut tenir methode sur toutes choses; il n'y a rien qui ayde plus le predicateur, qui rende sa predication plus utile et qui aggree tant a l'auditeur.

  A012002619 

 Encores peut-on traitter autrement: c'est a sçavoir, des biens que cette vertu donne et des maux que le vice opposé apporte; mais la premiere est la plus utile..

  A012002628 

 Monsieur, c'est icy ou je desire plus de creance qu'ailleurs, parce que je ne suis pas de l'opinion commune, et que neanmoins ce que je dis c'est la verité mesme..

  A012002629 

 Il faut que nos paroles soyent enflammees, non pas par des cris et actions desmesurees, mais par l'affection interieure; il faut qu'elles sortent du cœur plus que de la bouche.

  A012002630 

 J'ay dit un peu lente, pour forclorre une certaine action courte et retroussee, qui amuse plus les yeux qu'elle ne bat au cœur..

  A012002633 

 J'appreuve le plus souvent la recollection ou recapitulation, apres laquelle on dit quatre ou cinq motz de ferveur, ou par maniere d'orayson, ou par maniere d'imprecation.

  A012002633 

 On doit finir par des parolles courtes, plus animees et vigoureuses.

  A012002635 

 J'ayme la predication qui ressent plus a l'amour du prochain qu'a l'indignation, voire mesme des huguenotz, qu'il faut traitter avec grande compassion, non pas les flattant, mais les deplorant..

  A012002641 

 Il faut, avant que je ferme cette lettre, que je vous conjure, Monsieur, de ne la point faire voir a personne duquel les yeux me soyent moins favorables que les vostres, et que j'adjouste ma tres humble supplication que [323] vous ne vous laissies emporter a nulle sorte de consideration qui vous puisse empescher ou retarder de prescher: plus tost vous commenceres, plus tost vous reuscires.

  A012002649 

 J'ai eu honte relisant cette lettre, et si elle estoit plus courte je la referois; mais j'ay tant de confiance en la solidité de vostre bienveüillance, que la voyla, Monsieur, telle qu'elle est.

  A012002657 

 C'est bien la verité que j'ay reconneu en Monsieur de Bourges une si naïfve bonté et d'esprit et de cœur que je me suis relasché a conferer avec luy des offices de nostre commune vocation, avec tant de liberté que, revenant a moy, je n'ay sceu qui avoit usé de plus de simplicité, on luy a m'escouter, ou moy a luy parler.

  A012002658 

 Non, Monsieur, je n'apporte plus nulle consideration a ce que je suis moins que luy, ni a ce qu'il est plus que moy et en tant de façons: « Amor æquat amantes.

  A012002658 

 » Je luy parle fidellement et uveo toute la confiance que mon ame peut avoir en celle [327] que j'estime des plus franches, rondes et vigoureuses en amitié.

  A012002662 

 Il se faut tenir prestz; ce n'est pas pour partir devant l'heure, mays pour l'attendre avec plus de tranquillité..

  A012002663 

 Quel ordre a vos affaires s'il failloit que ce fust bien tost? Je sçai que ces pensees ne vous seront pas nouvelles; mais il faut que la façon de les faire soit nouvelle en la presence de Dieu, avec une tranquille attention, et plus pour esmouvoir l'affective que pour esclairer l'intellective..

  A012002664 

 La sagesse et consideration de la philosophie accompagne souvent les jeunes gens: c'est plus pour recreer leur esprit que pour creer en leurs affections aucun bon mouvement; mais entre les bras des anciens, elle n'y doit estre que pour leur donner de la vraye chaleur de devotion.

  A012002664 

 Saint Hierosme a plus d'une fois rapporté a la sapience des vielles gens l'histoire d'Abisag, Sunamite, dormant sur l'estomach de David, non pour aucune volupté mais seulement pour l'eschauffer.

  A012002668 

 C'est bien assés, Monsieur, si ce n'est trop pour cette annee, laquelle s'enfuit et s'escoule de devant nous, et dans ces deux moys prochains nous fera voir la vanité de sa duree, comme ont fait toutes les precedentes qui ne durent plus.

  A012002668 

 Vous m'aves commandé que toutes les annees je vous escrive quelque chose de cette sorte: me voyla quitte pour celle ci, en laquelle je vous supplie d'oster le plus de vos affections de ce monde que vous pourres, et, a mesure que vous les arracheres, de les transplanter au Ciel.

  A012002671 

 Vostre serviteur plus humble et obeissant,.

  A012002682 

 J'ay longuement retenu vostre laquay Philibert, mais ç'a esté parce que je n'ay jamais eu un seul jour a moy, encor que je fusse aux chams; car la charge que j'ay porte tout par tout son martyre avec soy, et ne puis pas dire qu'une seule heure de mon tems soit a moy, sinon celles ausquelles je suis a l'Office: tant plus desiré-je d'estre tres estroittement recommandé a vos prieres.

  A012002683 

 Je vous envoye, ma chere Fille (et voyla le mot que vous voules et que mon cœur me dicte), un escrit touchant lu façon de faire l'orayson mentale qui me semble la plus aysee et utile.

  A012002684 

 Quant a la matiere de vos meditations, je desire que pour l'ordinaire ce soit sur la Vie et Mort de Nostre Seigneur, car ce sont les plus aysees et les plus proufitables.

  A012002686 

 Et tenés cette regie perpetuellement, que jamais vous ne deves finir vostre orayson qu'avec confiance; car c'est la vertu la plus requise pour impetrer de Dieu, et celle qui l'honnore le plus.

  A012002687 

 Je vous le diray neanmoins icy un petit plus particulierement.

  A012002687 

 Sçachant que vous estes fort matineuse, je dis que le matin, estant levee, vous deves faire vostre meditation, et l'exercice du matin que j'ay appellé preparation, a la charge que le tout ne durera au plus que trois quartz d'heure, ne desirant pas que la meditation et l'exercice arrivent a une heure.

  A012002691 

 Je conseillerois que le disner ne fust point plus tard que dix heures, ni le souper que six, ni le coucher que de neuf a dix, et le lever entre quatre et cinq, si quelque complexion particuliere ne requiert davantage de tems pour dormir ou n'en puisse pas tant dormir.

  A012002698 

 Le second c'est de leur jetter devant des livres propres a cela, et entr'autres il y en a trois admirables que je vous conseille d'avoir, et quelquefois leur en lire a part les pointz plus sortables.

  A012002698 

 Par exemple: Mon Dieu, que les [337] Abbesses qui ont des Superieures qui leur commandent, ou bien des Superieurs, sont bien plus ayses! elles ne craignent point de faillir, elles ne font rien qu'a propos, toutes leurs actions sont bien plus aggreables a Dieu; et semblables petites amorces..

  A012002702 

 Quant a la chasteté il faut commencer ainsy: tesmoigner vous mesme que vous n'estes jamais si contente que quand vous estes seule avec elles; qu'il vous semble que c'est la plus grande consolation d'estre ainsy en vostre conversation particuliere entre vous autres Seurs; que vous voudries que chacun demeurast en son lieu, les mondains chez eux et vous avec elles; qu'aussi bien les mondains ne viennent aux monasteres que pour en tirer, [338] ou pour en faire des contes ça et la et se mocquer des Religieuses; et semblables petites inspirations.

  A012002703 

 Au monastere de Montmartre, pres Paris, les jeunes, avec leur Abbesse encores plus jeune, ont fait la reformation..

  A012002704 

 Quand vous rencontreres des difficultés et contradictions, ne vous essayes pas de les rompre, mais gauchisses dextrement et pliés; avec la douceur et le tems, si toutes ne se disposent pas, ayés patience, et avancés le plus que vous pourres avec les autres.

  A012002705 

 En particulier, je suis bien d'advis que vous relevies son esprit avec douceur et que vous invities a en faire de mesme toutes les Dames, car l'Apostre dit tout net que les plus spirituelz doivent relever les defaillans en esprit de douceur, quand ilz viennent en esprit de penitence.

  A012002705 

 Ma Fille, j'appreuve la charité que vous voules faire a cette pauvre creature esgaree, pourveu qu'elle revienne avec esprit de reconnoissance et penitence; et si elle vient en cette sorte, elle treuvera plus doux que sucre et miel d'estre reculee au dernier rang et de ne point avoir part aux honneurs de la Mayson, jusqu'a ce que les vertuz qu'elle pourra faire paroistre en contreschange [339] des fautes passees la puissent relever aux autres honneurs, horsmis le rang, qu'il est bien raysonnable qu'elle perde absolument.

  A012002707 

 Vos jeunes filles doivent estre communiees pour le plus tard a onze ans, presupposant qu'elles ayent la connoissance qu'ordinairement l'on a en ce tems la.

  A012002708 

 Je le supplie de tout mon cœur qu'il vous fortifie de plus en plus en son amour, avec toutes mesdames vos Religieuses, que je saluë et prie de ne point m'oublier en leurs [340] oraysons, mays de me donner quelques uns des souspirs de devotion qu'elles jettent au Ciel, ou est leur esperance.

  A012002724 

 Je me dispense un peu de vous en cette lettre-la, mais vous sçaves bien que ce n'est tout que pour la gloire de Dieu et vostre bien, a quoy je regarde sans plus en tout cecy.

  A012002725 

 J'ay bien peur que l'escrit de la meditation ne soit si mal fait que vous ne sachies pas le lire; vous prendres la peyne, s'il vous plaist, de le faire mettre au net pour le pouvoir lire avec plus de fruit.

  A012002727 

 Il faut disposer petit a petit la matiere de l'entiere reformation, et la plus grande preparation c'est de rendre les cœurs doux, traittables et desireux de la perfection.

  A012002728 

 C'estoit l'un des plus grans serviteurs de Dieu qui l'ust de cet aage, et de mes plus intimes amis; il fut fait Evesque en un mesme jour avec moy.

  A012002743 

 Je vous ay dit une fois, et m'en resouviens fort bien, que j'avois treuvé en vostre confession generale toutes [345] les marques d'une vraye, bonne et solide confession, et que jamais je n'en avois reçeu qui m'eust plus entierement contenté.

  A012002743 

 N'ayés pas crainte non plus de n'avoir pas apporté tant de diligence qu'il failloit a vostre confession generale; car je vous redis fort clairement et asseurement que si vous n'aves point fait d'omission volontaire, vous ne deves nullement refaire la confession, laquelle, pour vray, a esté tres suffisamment faitte; et demeurés en paix de ce costé la.

  A012002744 

 Toutes les regles du Rosaire et du Cordon n'obligent nullement ni a peché mortel ni a veniel, ni directement ni indirectement; et, ne les observant pas, vous ne pecheres non plus que de laisser une autre sorte de bien a faire.

  A012002749 

 Dieu veut que Saül le serve en qualité de roy et cappitaine, et Saül le veut servir en qualité de prestre: il n'y a nulle difficulté que celle cy est plus excellente que celle la; mais neanmoins Dieu ne se paye pas de cela, il veut estre obei..

  A012002750 

 Or, a mesure que nous aurons moins de propre volonté, celle de Dieu sera plus aysement observee..

  A012002751 

 Il faut considerer qu'il n'y a nulle vocation qui n'ayt ses ennuis, ses amertumes et degoustemens; et, qui plus est, si ce n'est ceux qui sont pleinement resignés en la volonté de Dieu, chascun voudroit volontier changer sa [348] condition a celle des autres: ceux qui sont Evesques voudroyent ne l'estre pas; ceux qui sont mariés voudroyent ne l'estre pas, et ceux qui ne le sont le voudroyent estre.

  A012002753 

 Vostre meditation ne doit estre que d'une grosse demi heure, et non plus, au bout de laquelle adjoustés tous-jours une consideration de l'obeissance que Nostre Seigneur a exercee a l'endroit de Dieu son Pere, car vous treuveres que tout ce qu'il a fait il l'a fait pour complaire a la volonté de son Pere; et la dessus, esvertues vous de vous acquerir un grand amour de la volonté de Dieu..

  A012002754 

 Avant que de faire ou vous preparer a faire aucune des choses de vostre vocation qui vous faschent, pensés que les Saintz ont bien fait gayement d'autres choses plus grandes et fascheuses: les uns ont souffert le martyre, les autres ont souffert le deshonneur du monde.

  A012002755 

 Pensés souventesfois que tout ce que nous faysons a sa vraye valeur de la conformité que nous avons avec la volonté de Dieu: si qu'en mangeant et beuvant, si je le fay parce que c'est la volonté de Dieu que je le face, je suis plus aggreable a Dieu que si je souffrois la mort sans cette intention la..

  A012002756 

 Je voudrois que souvent parmi la journee vous invoquassies Dieu affin qu'il vous donnast l'amour de vostre vocation, et que vous dissies comme saint Paul quand il fut converti: Seigneur, que voules vous que je face? Voules vous que je vous serve au plus vil ministere de vostre mayson? Ah, je me reputeray encor trop heureuse: pourveu que je vous serve, je ne me soucie pas en quoy ce sera.

  A012002756 

 O mon Dieu, quel thresor vous acquerres, plus grand sans doute que vous ne sçauries estimer.

  A012002775 

 Pour le premier, le choix que vous aves fait a toutes les marques d'une bonne et legitime eslection; de cela n'en doutés plus, je vous supplie.

  A012002776 

 Ilz pressent, ilz veulent qu'on trousse marché avant que de l'avoir traitté, et se contentent d'une courte priere, qui ne sert que de pretexte pour establir des choses les plus importantes..

  A012002777 

 Arrestes-vous la, je vous supplie, et ne disputés [353] plus avec l'ennemy en ce sujet; dites luy hardiment que c'est Dieu qui l'a voulu et qui l'a fait.

  A012002778 

 Quand vous vous declarastes a moy plus particulierement, ce fut un lien admirable a mon ame pour cherir de plus en plus la vostre, qui me fit vous escrire que Dieu m'avoit donné a vous, ne croyant pas qu'il se peust plus rien adjouster a l'affection que je sentois en mon esprit, et sur tout en priant Dieu pour vous.

  A012002778 

 Tenes cela pour une tres veritable verité et n'en doutés plus.

  A012002779 

 Se peut-il dire plus que cela? Mais, a l'honneur de Dieu, que ceci ne se communique point a personne; car j'en dis un petit trop, quoy qu'avec toute verité et pureté.

  A012002781 

 S'il l'avoit eu, il ne crieroit plus; il entreroit et s'arresteroit.

  A012002783 

 Il est vray qu'en ce tems de tentation la pauvre volonté est toute seche; mays tant mieux, ses coupz seront tant plus terribles a l'ennemy, lequel voyant qu'en lieu de retarder vostre advancement il vous donne sujet d'exercer mille affections vertueuses, et particulierement de la protestation de la foy, il vous laissera en fin finale.

  A012002788 

 Oyés tous les jours la Messe, quand il se pourra, en la façon que j'ay descritte en l'escrit de la meditation, et, soit a la Messe, soit le long du jour, je desire que le Chapelet se dise tous les jours, le plus affectueusement qui se peut.

  A012002792 

 IL FAUT TOUT FAIRE PAR AMOUR ET RIEN PAR FORCE; IL FAUT PLUS AYMER L'OBEISSANCE QUE CRAINDRE LA DESOBEISSANCE..

  A012002794 

 Je desire que vous ayes une traduction françoise de toutes les prieres que vous dires; non pas que je veuille que vous les disies en françois, ains en latin, car elles vous rendront plus de devotion; mais c'est que je veux que vous en ayes aucunement le sens, mesme les Litanies du Nom de Jesus, de Nostre Dame et des autres.

  A012002795 

 L'heure de la meditation ne soit que de trois quartz au plus.

  A012002799 

 Ce pendant prenes garde, non seulement pour luy, mais pour ses seurs, qu'ilz ne dorment que seulz, le plus qu'il se pourra, ou avec des personnes esquelles vous puissies avoir autant de juste confiance comme en vous mesme.

  A012002800 

 Il nous faut le plus qu'il est possible agir dans les espritz comme les Anges font, par des mouvemens gracieux et sans violence.

  A012002801 

 Je voy que vous deves deux mille escuz: le plus que vous pourres, hastes-en le payement, et gardés sur tout de retenir rien de personne, tant qu'il vous sera possible.

  A012002802 

 Sans doute que l'hyver vous sera plus propre a Dijon..

  A012002802 

 Si le sejour de Dijon est un petit plus grand, il n'importe; c'est aussi vostre premier devoir.

  A012002802 

 Taschés de [361] vous rendre tous les jours plus aggreable et humble a l'un et l'autre des peres, et procurés leur salut en esprit de douceur.

  A012002805 

 En fin, que voules vous plus? pere, frere, oncle, enfans, tout cela m'est infiniment a cœur..

  A012002805 

 Peut estre que monsieur vostre pere, ne me connoissant pas, treuvera ma liberté mauvaise; mais faites moy connoistre a luy, et je m'asseure qu'il m'aymera pour cette liberté plus que pour autre chose.

  A012002813 

 Par exemple, je sçay que je serois plus utile quelque part bien loin de mon diocese: je ne dois pas user de liberté en cela, car je scandalizerois et ferois injustice, parce que je suis obligé icy.

  A012002814 

 C'estoit l'esprit le plus exacte, roide et austere qu'il est possible d'imaginer; il ne beuvoit que de l'eau et ne mangeoit que du pain; si exacte que, despuis qu'il fut Archevesque, en vingt quatre ans, il n'entra que deux fois en la mayson de sus freres, estans malades, et deux fois dans son jardin: et neanmoins, cet esprit si rigoureux, mangeant souvent avec les Suisses ses voysins, pour les gaigner a mieux faire, il ne faisoit nulle difficulté de faire deux carouz [365] ou brindes avec eux a chasque repas, outre ce quii avoit beu pour sa soif.

  A012002814 

 Voila un trait de sainte liberté en l'homme le plus rigoureux de cet aage.

  A012002817 

 J'ay pensé souvent quell'estoit la plus grande mortification de tous les Saintz de la vie desquelz j'ay eu connoissance, et apres plusieurs considerations je treuvay celle ci.

  A012002818 

 Dieu, et n'aymer pas Dieu pour l'aymer tant mieux et plus purement? Cest exemple estouffe mon esprit de sa grandeur..

  A012002819 

 N'est ce pas trop? mais mon esprit court plus viste que je ne veux, porté de l'ardeur de vous servir..

  A012002823 

 Monsieur l'Evesque de Saluces, l'un de mes plus intimes amis et des plus grans serviteurs de Dieu et de l'Eglise qui fut au monde, est decedé despuis peu, avec un regret incroyable de son peuple, qui n'avoit joüy de ses travaux qu'un an et demi; car nous avions esté faitz Evesques ensemble et tout d'un jour.

  A012002825 

 Ma mere vous est tellement acquise que rien plus.

  A012002853 

 Ici, Très Saint Père, placés au front même de la bataille, nous subissons les premiers chocs de l'ennemi, dont c'est précisément la tactique de profiter de la dépravation des nôtres pour s'en prendre à la pure doctrine de l'Eglise et pour démoraliser les esprits faibles, [371] Certes, il est très affligeant qu'entre plusieurs monastères de divers Ordres établis dans ce diocèse, on n'en puisse à peine trouver un seul où la discipline ne soit ébranlée, et même tout à fait foulée aux pieds, en sorte qu'on ne voit plus même un vestige de l'antique et céleste ferveur, tant l'or s'est obscurci, tant son vif éclat s'est altéré..

  A012002853 

 Or, de toute la chrétienté, le diocèse le plus exposé au fléau des mauvaises figues c'est celui de Genève, et pourtant nul n'aurait plus besoin de se refaire par une cueillette d'excellentes ligues.

  A012002854 

 Dans cette pensée, Vespasien Aiazza, abbé commendataire de Notre-Dame d'Abondance, a projeté d'attribuer et de remettre ce Monastère aux Religieux Feuillants de Saint-Bernard, dont la bonne odeur s'est répandue dans beaucoup d'endroits, après en avoir banni six moines qui, presque tous usés de vieillesse, végètent comme ensevelis dans la plus grossière ignorance de la discipline [372] monastique.

  A012002854 

 Le meilleur remède à ce mal, au dire de personnes éclairées, c'est de choisir dans les Congrégations nouvellement réformées, embrasées et enflammées du feu du Saint-Esprit, de vrais Religieux afin de les substituer à ceux qui, pour ne rien dire de plus, ont occupé indignement la terre.

  A012002855 

 Il ne reste plus maintenant qu'une chose à obtenir, mais c'est la plus sérieuse, elle est capitale: je veux dire l'approbation du Siège Apostolique, grâce à laquelle tout sera effectué et ensuite fermement consolidé.

  A012002856 

 Que le Christ souverain nous conserve le plus longtemps possible Votre Sainteté dans une santé parfaite..

  A012002871 

 Je confesse que le sieur Abbé est si extremement chargé de despences quil luy sera malaysé de la payer; mais, Monseigneur, sil playsoit a Vostre Altesse d'ordonner que ses pensionnaires y contribuassent chascun quelque partie, il ni auroit plus nulle difficulté.

  A012002887 

 Je ne fus pas plus tost en cette charge que le sieur Praevost de Montjou m'a fait appeller pardevant Monsieur l'Archevesque de Tharantayse, et avec moy ledit curé, pour voir rompre toutes les provisions faittes de laditte cure par feu Monsieur l'Evesque mon praedecesseur, de devote memoire.

  A012002905 

 Je viens de recevoir une lettre de Son Altesse par laquelle elle me commande que je ne poursuive plus le proces qui est entre monsieur de Montjou d'une part, et le curé des Alinges et moy de l'autre.

  A012002909 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A012002940 

 Vostre messager m'est arrivé au [380] plus fort et malaysé endroit que je puisse presque rencontrer en la navigation que je fay sur la mer tempestueuse de ce diocæse, et n'est pas croyable combien vos lettres m'ont apporté de consolation.

  A012002942 

 Que si il ni avoit nul droit en ce tems-la, il n'en aura non plus maintenant..

  A012002944 

 Je ne vous diray plus rien du doute que vous avies si Dieu vouloit ou ne vouloit pas ce qui se passa a Saint Claude; car, puisque sa bonté s'est inclinee jusques aux aureilles de vostre cœur pour s'en declairer a vous, il n'est plus quæstion que vous en douties.

  A012002945 

 C'est une certaine impuissance, ce me dites vous, des facultés ou parties [382] de vostre entendement qui l'empesche de prendre le contentement de la consideration du bien, et, ce qui vous fasche le plus, c'est que, voulant lhors prendre resolution, vous ne sentes point la solidité accoustumee, ains vous rencontrés une certaine barriere qui vous arreste tout court; et de la vient le torment des tentations de la foy.

  A012002946 

 Vous aves deux peuples au ventre de vostre esprit, comm'il fut dit a Rebecca; l'un combat contre l'autre, mais en fin le plus jeune surmontera l'aisné.

  A012002948 

 Or sus, arrestes vous, ne vous empresses point; vous verres que vous vous en treuveres mieux et vos aisles s'en fortifieront plus aysement.

  A012002948 

 Vous aves la fermeté, car qu'est ce autre chose fermeté que vouloir plus tost mourir qu'offencer ou quitter la foy? mais vous n'en aves pas le sentiment, car si vous l'avies vous auries mille joÿes.

  A012002949 

 Il mourut-la, plus heureux que plusieurs qui moururent en la terre de promission, puisque Dieu luy fit lhonneur de l'ensepulturer luymesme.

  A012002950 

 Plus une croix est de Dieu, plus nous la devons aymer..

  A012002951 

 Or sus, ma Seur, ma Fille, mon ame (et ceci n'est pas trop, vous le sçaves bien), dites moy, Dieu n'est il pas meilleur que l'homme? mais l'homme n'est il pas un vray neant en comparaison de Dieu? Et neanmoins voyci un homme, ou plustost le plus vray neant de tous les neans, la fleur de toute la misere, qui n'ayme rien moins la confiance que vous aves en luy, encor que vous en ayes perdu le goust et le sentiment, que si vous en avies tous les senti mens du monde; et Dieu n'aura-il pas aggreable vostre volonté bonne, encor qu'elle soit sans nul sentiment? Je suis, disoit David, comm'une vessie sechee a la fumee du feu, qu'on ne sçauroit dire a quoy elle peut servir.

  A012002953 

 Servés Dieu comme il veut; vous verres qu'un jour il fera tout ce que vous voudres et plus que vous ne sçauries vouloir.

  A012002954 

 Cela donq s'entend en observant la vraye discretion, et, en ce cas la, ce n'est [387] non plus que de dire que vous aymeres bien Dieu et vous accommoderes a vivre, dire, faire et donner selon son gré..

  A012002954 

 La promesse que vous fistes a Nostre Seigneur de ne jamais rien refuser de ce qui vous seroit demandé en son nom, ne vous sçauroit obliger sinon a le bien aymer; c'est a dire que vous pourries l'entendre en telle façon que la prattique en seroit vicieuse, comme si vous donnies plus qu'il ne faut et indiscretement.

  A012002956 

 Vrayement, quand vous voudres que je depesche et que je treuve du loysir sans loysir pour vous escrire, envoyés moy ce bon homme [Rose]; car, sans mentir, il m'a pressé si extremement que rien plus, et ne m'a point voulu donner de relasche, pas seulement d'un jour; et vous dis bien que je ne voudrois pas estre juge en un proces duquel il fust solliciteur..

  A012002957 

 Je ne puis laisser le mot de Madame, car je ne veux pas me croire plus affectionné que saint Jan l'Evangeliste, qui neanmoins en l'Epistre sacree qu'il escrit a la sainte dame Electa l'appelle Madame; ni estre plus sage que saint Hierosme, qui appelle bien sa devote Eustochium Madame.

  A012002959 

 J'attens de pied coy une grande tempeste, comme je vous ay escrit au commencement, et pour mon particulier, mais joyeusement; et, regardant en la providence de Dieu, j'espere que ce sera pour sa plus grande gloire et mon repos, et beaucoup d'autres choses.

  A012002983 

 On ne le sent pas en jeunesse, mais on le ressent tant plus par apres, et plusieurs personnes se sont rendues inutiles par ce moyen la..

  A012002983 

 Pour le coucher je ne changeray point d'opinion, s'il vous plait; mais si le lict vous desplait et que vous n'y puissies pas tant demeurer que les autres, je vous permettray bien de vous lever une heure plus matin; car, ma chere Seur, il n'est pas croyable combien les longues veilles du soir sont dangereuses et combien elles debilitent le cerveau.

  A012002985 

 Comme s'il disoit: Si un autre que vous, o mon Dieu, m'avoit envoyé cette affliction, je ne l'aymerois pas, je la rejetterois; mais puisque c'est vous, je ne dis plus mot, je l'accepte, je la reçois, je l'honnore..

  A012002985 

 Sçaves vous ce que je pense? A vostre advis, ma chere Seur, quand fut-ce que nostre Sauveur fit le plus grand service a son Pere? Sans doute que ce fut estant couché sur l'arbre de la croix, ayant pieds et mains percés; ce fut la le plus grand acte de son service.

  A012002987 

 Si ces lettres vous arrivent avant le coup, faites chercher par tout le Traitté de Cacciaguerre, De la Tribulation, et le lises pour vous preparer; si moins, faites-le vous lire paysiblement a quelqu'une de vos plus devotes pendant que vous seres au lict, et croyes moy, cela vous soulagera incroyablement.

  A012002990 

 O jambe laquelle estant bien employee vous portera plus avant au Ciel que si elle estoit la plus saine du monde! Le Paradis est une montaigne a laquelle on s'achemine mieux avec les jambes rompues et blessees qu'avec les jambes entieres et saines..

  A012002990 

 Quand vous aures la jambe percee, dites a vos ennemis la parole du mesme Apostre: Au demeurant, que nul ne me vienne plus fascher ni troubler, car je porte les marques et signes de mon Seigneur en mon cors.

  A012002996 

 Demandés en ce tems la a Dieu les vertuz qui vous seront plus necessaires..

  A012003005 

 Faites le, et attendes de Dieu de grandes benedictions, plus sans doute en une heure d'une telle devotion, bien et justement reglee, qu'en cent jours d'une devotion bigearre, melancholique et dependante de vostre propre cervelle.

  A012003006 

 Et bien, il faut retendre l'arc et recommencer avec tant plus de soin; mais une autre fois il ne faut pas que les chams vous apportent cette incommodité.

  A012003007 

 Pardonnés moy, ma chere Dame, si je trousse un peu plus court ma lettre que vous ne desireries; car ce bon homme Rose me tient tellement au collet pour le faire depescher qu'il ne me donne pas le loysir de pouvoir escrire.

  A012003022 

 Mais il faut aussi y apporter le remede convenable, qui est de ne point se roydir en leur exercice qu'avec advis et moderation, et apres qu'on aura fort usé les pointz plus aysés.

  A012003023 

 Il est fort ample, et ne treuve que bon quil soit porté sur soy, et plus au cœur.

  A012003025 

 Et courage, nous ne nous sçaurions confier a des mains plus amies et favorables.

  A012003028 

 Vostre serviteur plus humble et dedié en Nostre Seigneur,.

  A012003049 

 Vostre serviteur plus humble en Nostre Seigneur,.

  A012003114 

 C'est pour vous obeir que je vous envoye ce pauvre escrit, lequel, pour la plus grande partie de ses pointz, vous sera inutile.

  A012003114 

 Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon reglement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir; et, en faysant cet escrit que je vous envoye, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouÿ bien de me regler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grace d'aymer autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage.

  A012003122 

 J'ay tous-jours esté avec vostre [403] cœur des hier, et luy ay souhaitté ce qui luy est arrivé; bien plus, mon cœur m'avoit presque dit ce qui est descendu dans le vostre.

  A012003123 

 Je me resoudray encor plus avant de ce que nous aurons a faire et, l'ayant bien dressé par ordre, je vous tesmoigneray que les offres que je vous fis partoyent [d'une] volonté bien asseuree a vostre service.

  A012003123 

 Que sil y a de l'extraordinaire, tant plus doit on croire que le coup vient d'en haut, puysque les coups ordinaires n'ont pas ce pouvoir.

  A012003137 

 Je vous remercie en toute humilité de la faveur avec laquelle il vous a pleu m'escrire pour me rendre doux et leger le besoin que j'ay, sur mes vieux jours, de mon filz, lequel, puysqu'il trouveroit pardeça plus de guerre qu'il ne luy seroit necessaire pour acquerir de la reputation en sa propre patrie, ne peut avoir autre sujet d'arrester d'avantage a venir me servir que vostre commandement.

  A012003161 

 C'est pourquoi, prosternés aux pieds de Votre Béatitude, nous lui rendons les plus vives actions de grâces.

  A012003162 

 Dans cette vue, que Dieu immortel daigne conserver le plus longtemps possible à son Eglise les jours de Votre Béatitude!.

  A012003185 

 De plus, une Congrégation spéciale de Prélats, appelée de la Promotion de la foi, a été érigée à Rome en faveur de cette province; M. le Cardinal Aldobrandino en est Préfet, et M. le Cardinal Baronius en a été nommé Protecteur..

  A012003185 

 S'il est vrai, ce serait la ruine totale du culte catholique en cette région; plus de cent paroisses, [409] pour une partie anciennement catholiques, se verraient ainsi soustraites à l'obéissance de la sainte Eglise.

  A012003195 

 Je loue donq Dieu qui nous a establi pardeça ceste pierre de refuge; et, pour employer ceste faveur, je vous supplie, Monseigneur, d'avoir aggreable que je luy represente une des plus importantes necessités de ceste Eglise..

  A012003195 

 Me sentant chargé du soin du plus important evesché de tout ce voysinage, ce m'a esté une incroyable consolation d'avoir sceu que vous esties aupres de Sa Majesté, [411] car je ne doutois pas qu'une sayson si pleyne de difficultés ne fit naistre beaucoup d'occasions esquelles ceste pauvre et tant affligee Eglise que Dieu m'a confiee auroit extreme necessité d'ayde et d'appuy; et ne pouvois d'ailleurs souhaitter un appuy et asseurance plus ferme et solide que d'une telle colomne du tressaint Siege Apostolique que vous estes.

  A012003196 

 Il y a environ soixante et cinq ans que les Bernois se saysirent de ces mesmes balliages et de celluy de Gex, et ne les eurent pas plus tost, qu'a vive force ilz y planterent l'hæresie, delaquelle ces pauvres ames demeurerent empestees, jusques a ce qu'appres, par la grace de Dieu, y avoir fait [412] prescher la foy catholique trois annees continuellement, en fin, des trois annees en ça, ces peuples pour la plus part (qui revient a quatorse ou quinze mill'ames) ont esté ramenés au giron de l'Eglise, sous l'expresse et formelle authorité du Saint Siege Apostolique.

  A012003197 

 Despuys, Sa Sainteté y avoit envoyé et entretenu a ses propres despens une mission de Religieux Jesuites pour avancer tous-jours tant plus ceste sainte œuvre, qu'elle jugeoit si digne d'estre favorisee qu'elle avoit mesme dressé dés quelques moys en ça une Congregation a Romme pour cest effect, delaquelle Monseigneur le Cardinal Aldobrandino, son neveu, estoit le chef, et avoit fait protecteur particulier de l'œuvre Monseigneur le Cardinal Baronio, avec dessein d'y dresser une Université.

  A012003198 

 Entre lesquelz, le plus aspre et dangereux pour elles, pour tous les bons, qui leur peut arriver, seroit celuy duquel il court des-ja certain bruit, venant, a l'adventure, de ceux qui sont ennemis de leur conscience, ennemis de toute l'Eglise tressainte, pour le service delaquelle je supplie le grand Pere de famille de vous conserver longuement, et faire vivre saintement en toute prosperité, selon la volonté de Celuy qui m'en donne une d'estre eternellement.

  A012003198 

 Or, Monseigneur, puysque la providence de Dieu, sans laquelle rien ne se fait icy bas, ouvre aux armes du Roy [413] le passage et chemin a ces balliages, il me semble que je vous dois supplier tres humblement et par les entrailles de Jesus Christ, comme je fais, de prendre en singuliere protection aupreès de Sa Majesté la conservation de ces saintes nouvelles plantes, lesquelles sont autant plus cheres a l'Eglise leur mere, a ceux qui les ont plantees et a Sa Sainteté, qui les a arrousees de tant de bienfaitz, qu'elles sont encor tendres et exposees a beaucoup de vens.

  A012003213 

 Dequoy je me suis d'autant plus res-joüy en Jesus Christ que tout a l'heure j'avois eu advis comme asseuré que l'exercice de l'heresie se devoit restablir a Thonon sous vostre permission; ce que toutefois je ne voulois ni pouvois me persuader, tant pour la ferme creance que j'ay en la franchise avec laquelle vous chemines au service de Dieu, qu'aussi pour les saintes intentions que Sa Majesté tres Chrestienne a touchant ce point, comm'elle me declaira ouvertement estant en ceste ville; sans l'asseurance desquelles j'eusse imploré le credit que nostre Saint Pere a en son endroit, ainsi que je dois et que Sa Sainteté m'a commandé de faire a toutes les occasions qui se presenteront pour le bien de ces nouvelles plantes qui luy sont si cheres.

  A012003215 

 Qui me fait vous supplier, Monsieur, de prendre en bonne part si je ne rapporte au contentement de monsieur du Villars ce que vous desiries, puys quil tient au pouvoir que je n'ay plus et non a l'affection, laquelle j'y ay tres entiere, quand ce ne seroit que pour lhonneur que je porteray tous-jours a tout ce qu'il vous plaira me recommander..

  A012003233 

 J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de desir d'aggreer a tous vos semblables, et a vous particulierement des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de [417] vostre conversation, au tems que vous me remettes en memoire par vostre lettre; qui me rend autant plus de regret me voyant les mains liees et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recommande si affectionnement, puis que quant a la cure je suis engagé dans l'ordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siege Apostolique, par lequel ell'est unie avec celles de Bernex et de Confignon.

  A012003249 

 Il reste, Monsieur, qu'estant maintenant sur les lieux, vous facies prendre une finale resolution ausditz huguenotz et ministres de ne plus nous troubler ni attaquer l'Eglise, soit en ses personnes ou en ses choses.

  A012003259 

 Ex iis duo, ipso Pentecostes sacro die, adjunctis aliquot ex secularibus sacerdotibus qui jamdudum in agro Tononiensi operi evangelico incubuerant, in loca Genevæ viciniora (quæ omnia balliagii de Gagliard nomine veniunt), non minus opportuno quam fœlici ausu irruptionem fecerunt, tanta [421] Dei optimi maximi voluntate et animorum contentione ut quinque hebdomadarum spatio plus quam quingenti utriusque sexus hominibus ex hæresis horrendo baratro sint erepti et in album Catholicorum restituti..

  A012003269 

 C'était un coup d'audace dont le succès égala l'à-propos, car il y eut du côté de Dieu très [421] bon, très grand, une si particulière assistance, et parmi les âmes, un tel élan, qu'en l'espace de cinq semaines, plus de cinq cents personnes des deux sexes furent arrachées à l'horrible gouffre de l'hérésie, et leurs noms rétablis sur les registres de la catholicité..

  A012003269 

 Deux d'entre eux, le jour même de la solennité de la Pentecôte, prirent quelques aides parmi les prêtres séculiers qui depuis longtemps se sont voués dans le champ des âmes de Thonon aux labeurs évangéliques, puis, ensemble, ils entrèrent soudainement dans les localités les plus voisines de Genève, comprises sous le nom de bailliage de Gaillard.

  A012003269 

 La cause chrétienne faisait dans cette province de consolants progrès, lorsque les guerres récentes lui occasionnèrent par leur [420] violence de sérieuses entraves; soudain Votre Béatitude Apostolique nous ménagea son intervention, et aussitôt, comme par enchantement, l'hiver et les pluies, cause de tant de désastres, s'enfuirent et prirent fin; cette vigne répandit son parfum, mais il était bien plus doux; le figuier poussa ses premières figues, mais elles étaient beaucoup plus belles.

  A012003270 

 Cependant, par la bénignité du Sauveur, le champ de la moisson s'agrandit de jour en jour; d'autre part, sur cette petite troupe de Jésuites quelques hommes de plus ne peuvent être enlevés à la vigne de Thonon sans qu'elle en reçoive un grave préjudice.

  A012003270 

 Je supplie donc instamment Votre Béatitude, qui remplace sur terre le Maître de la moisson, d'envoyer de nouveaux ouvriers au champ de la récolte; car le plus grand service qu'on puisse [422] rendre à cette province, ce serait, si la chose est possible, de construire et d'ériger à Thonon même un collège de la Compagnie de Jésus.

  A012003271 

 Aussi, tandis que Votre Sainteté prépare de plus grands projets, il suffirait, en attendant, que dans ces deux chantiers Elle doublât les ouvriers, ce qui porterait la Mission au [423] nombre apostolique de douze.

  A012003271 

 Si j'avais sous la main quelques hommes de la Compagnie de Jésus, instruits comme ils le sont d'ordinaire, je leur adjoindrais le Prévôt de mon Eglise, et aussi quelques chanoines et autres ecclésiastiques qui me sembleront le plus capables pour ce ministère.

  A012003355 

 Je ne doute point, cependant, que ce qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne lui soit toujours agréable; c'est pourquoi, me voyant accablé sous le poids des années, et les occasions [431] de travailler en cette vigne se multipliant de plus en plus, je recours de nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin qu'Elle daigne employer son saint zèle pour m'aider à triompher de la difficulté que crée la situation gênée dudit Prévôt; c'est la seule qui nous reste à surmonter.

  A012003356 

 De mon côté, il est évident que, dans le choix d'un tel coadjuteur, je ne suis poussé par aucune vue personnelle, par aucune considération du sang ou de la parenté, ni par aucune sollicitation étrangère; mon seul et unique mobile, c'est le désir de la plus grande gloire de Dieu et du service de la sainte Eglise.

  A012003386 

 Et pour réussir plus promptement et plus efficacement dans ce dessein, j'ai prié M gr le Nonce Apostolique auprès de cette couronne de vouloir bien joindre ses sollicitations aux nôtres..

  A012003388 

 J'espère donc de la divine Providence et de la bonté et magnanimité de Votre Seigneurie, que je verrai bientôt aboutir cette négociation à la plus grande gloire de sa divine Majesté.

  A012003402 

 La multiplication des peuples lesquelz se vont d'heure a autre reduysans au giron de l'Eglise, sous l'heureuse authorité de Vostre Altesse, fait de plus en plus croistre la necessité d'ouvriers et pasteurs ecclesiastiques; a laquelle il me sera des ores impossible de bien prouvoir s'il ne se fait quelque college de Peres Jesuites en ce mien diocæse, duquel, comme d'un Seminaire, je puisse retirer gens capables a cest effect.

  A012003437 

 Et par ce que je n'en puis esperer sinon ce que le Roy en ordonnera, je vous envoye ce chanoyne de mon Eglise pour apprendre de vous ce que je m'en dois promettre; dequoy je vous prie luy vouloir donner les advis pour me les apporter, et de trouver bonne l'ardeur de mon desir en un affaire qui me doit estre si recommandable, et au succes duquel j'auray l'un de mes plus chers contentemens, et Sa Sainteté encores, laquelle en attend de jour a autre les premieres nouvelles..

  A012003456 

 Mays voyant qu'apres avoir tant retranché du premier dessein, que je ne pouvois plus restraindre le nombre sans faire grand præjudice au service divin, et que non obstant tout cela il ne se trouvoit pas asses de moyens pour assortir ladite eglise de Thonon, je suis contraint de laisser en arriere cest article particulier au proces verbal que j'envoÿe au Saint Siege Apostolique pour le regard de tout le reste; et cependant recourir a la bonté de Vostre Altesse, la suppliant tres humblement de ne vouloir pas abandonner ce bon œuvre en ceste derniere necessité, a laquelle je ne pense pas qu'on puysse donner remede que prenant encor le reste de l'abbaÿe [441] de Filly pour l'y appliquer.

  A012003471 

 Mays le respect que je porte aux intentions de Vostre Altesse m'a fait tenir le plus court quil m'a esté possible, et en telle sorte que, n'ayant du tout rien touché a Ripaille, je n'ay prins de Filly et Doveynoz sinon justement ce qui estoit requis pour les curés des parroisses riere lesquelles ces deux benefices prenoyent les diesmes; et ce, pour autant quil estoyt impossible de faire autrement..

  A012003472 

 Et avec tout cela, le demeurant de ces deux benefices est si bon que, quant a Filly, le revenu de messieurs les Chevalliers y est aussi grand, ou peu s'en faut, quil estoit au paravant (ce que j'ay assigné aux curés n'estant de plus grande valeur que ce qui estoit ci devant assigné aux ministres huguenotz sur laditte Abbaye); si que lesdits seigneurs Chevalliers ne sont que peu ou point interessés pour cest esgard.

  A012003489 

 J'espere neanmoins encor; et, par la bonté du commencement que je vois, je suis tousjours tant plus invité d'en desirer le progres et compliment, lequel aussi nostre Saint Pere me commande d'attendre de la justice, equité et zele de Vostre Majesté, comme je fay, plein d'asseurance que ceste main royale, qui ne sçait laisser aucun de ses ouvrages imparfait, ayant donné commencement au restablissement de la sainte religion en ce petit coin de mon diocese, qui a l'honneur d'estre une piece de vostre grand royaume, ne tardera point d'y apporter la perfection que le Saint Siege en attend, que son edit promet, et que je luy demande tres humblement, avec la faveur de sa grace; suppliant nostre Sauveur, pour la gloire duquel je presente ceste requeste, qu'il comble de benedictions le sceptre tres chrestien qu'il a mis en la main de Vostre Majesté, et, qu'apres le luy avoir maintenu longuement, il le fasse heureusement passer en celle de Monseigneur le Dauphin, pour l'appuy de l'Eglise et religion catholique, qui est tout le bien qu'apres l'eternelle felicite peut souhaitter pour Vostre Majesté,.

  A012003516 

 En outre, comme il est nécessaire aux prédicateurs qui travaillent à la conversion des hérétiques de lire les livres prohibés, afin de les réfuter plus commodément, ceux surtout que les Genevois et autres gens du voisinage font paraître chaque jour, l'Evêque demande très humblement le pouvoir d'autoriser ceux qu'il jugera convenable, tel le Prévôt de la cathédrale de Genève, à lire et garder les livres susdits pendant qu'ils travaillent à cette mission.

  A012003541 

 Or, il n'est pas de moyen plus convenable que d'appliquer à cette œuvre les dîmes et les prémices que les fidèles payent à cet effet.

  A012003542 

 Quant aux prébendes théologales: Bien que le Concile n'oblige à les établir que dans les localités considérables, en exigeant le moins il n'exclut pas le plus; au contraire, il le désire et le loue.

  A012003542 

 Que les monastères desquels on demande les prébendes sont, à une exception près, situés en des lieux inhabités et éloignés des [452] centres; de sorte que leurs théologaux, si toutefois ils en avaient, seraient peu utiles au diocèse, tandis qu'en appliquant ces prébendes à l'entretien de chanoines théologaux, elles seraient infiniment plus utiles au bien public..

  A012003587 

 Qui Nous faict a present vous dire que n'avez a en faire plus aulcune poursuitte, ains vous en despartir, n'estant nostre intention de en rien prejudicier a ladicte Religion.

  A012003619 

 Et d'aultant qu'il faut faire le boclier de ladit'attestation contre ce que l'on a donné a entendre a Sa Sainteté, il est necessaire que non seullement elle soit signee de vous, mais de vos chanoines qui en peuvent avoir eu notice, et de quelques autres notables ecclesiastiques qui pourront servir a la foy indubitable de ladicte attestation, comme aussi pour son ampliation, a laquelle Nous nous asseurons que n'oblierez rien; non plus que du bon ordre que l'on tint, moy present, pour appeller ceux qui estoyent esgarez a la vraye foy, et combien d'ames l'on y gagna pour lhors et jusques a present, et si l'on y continue l'œuvre et quel fruit s'en ensuit, et plus amplement, comme trop mieux vous sçavez convenir, pour me l'envoyer au plus tost a l'effait que dessus..

  A012003619 

 Parce que les bonnes œuvres sont tousjours contrepesees par sinistres relations, et que bien souvent les publiques mesmes ont besoin d'appui particulier pour les soustenir et deffendre, aussy est il necessaire que, pour les balancer au poix de la raison, l'on y prenne les expedientz plus necessaires.

  A012003635 

 Ce que desirant de reprouver, il est necessaire que vous Nous en envoyez une bien autentique attestation comme il ny a en point de lieu que la sainte Messe n'aye esté retablie, et qu'elle se celebre jusques sur les portes de Geneve, et les cures pourveues de bons curez, la plus part desquelz y annoncent la parolle de Dieu, et que ceulx qui se sont reunis a la sainte foy y continuent avec un grand zele.

  A012003635 

 Ce quil est necessaire qu'attestiez bien amplement et comme celluy qui en est mieux informé que les aultres, et Nous l'envoyez au plus tost, sans touttesfoys en icelle faire aulcune mention que Nous vous en ayons escript, mais requis du peuple pour desabuser Sa Sainteté de ce que l'on a dict d'eulx.

  A012003869 

 Du reste, je praticquerey voz bonnes instructions au plus pres de la lettre qu'il me sera possible, et premierement pour ce quy est de l'eslection de Monsieur du Val, tant pour prendre de la conduitte de luy en la vie que vous m'avez proposee, que pour me servir de la Lettre Apostolique que vous m'avez envoiée, de laquelle j'ay differé d'user attendant que j'eusse asseurance de l'expedition de mes Bulles, pour laquelle ces jours passez nous avons fourny a la composition qu'on nous a faict de deux mil escus pour tout.

  A012003869 

 Pour tesmoignage, il m'a desja relasché un [476] prieuré qu'il avoit faict mettre quelque temps au paravant en mon nom et qu'il m'avoit faict promettre de luy rendre, protestant de ne se vouloir jamais mesler de beneffice plus qu'il ne luy sera permis.

  A012003869 

 Toutesfois, je ne m'en croirey pas; saint Hyerosme disoit de soy: Ea etiam de quibus me scire arbitrabar interrogare me solitum, quanto magis de iis super quibus anceps eram! J'en enquerrey ceux que vous m'avez nommé, ou, si vous me faictes ce bien de m'adjouster vostre advis, j'en serey encor plus asseuré, n'ayant point tant de creance a nul aultre qu'a vous..

  A012003870 

 Je les lirey soigneusement et comme par vostre advis, vous suppliant neantmoins, Monsieur, me departir tousjours de voz bons discours et instructions par les vostres, que je prise et cheris par dessus tout, et ou je trouve plus d'ediffication qu'en livre quelconque, comme venant de personne que je tiens pour un digne exemple a tous ceux quy ont charge en cet estat..

  A012003889 

 Il ne reste maintenant que de m'aller rendre au lieu ou je suis envoié; ce que je suis prest de faire dans quelques jours, avec l'aide de Dieu, et de commencer a mettre la main a l'œuvre; ou, si je ne craignoy de vous estre importun, je vous supplieroy volontiers, continuant ce que vous avez commencé en moy, de me vouloir assister de voz bons advis et conseilz, que je mettrey peine d'ensuivre au plus pres quil me sera possible, sil vous plaist de m'en favoriser.

  A012003921 

 Voz bien humbles et plus affectionnés amys et serviteurs,.

  A012003933 

 Je me resjoüys infiniment avec vous de l'advenement de Vostre Reverendissime Seigneurie en l'Evesché titulaire de Nicopoli, et beaucoup plus en l'ample et grande evesché de Geneve, comme serviteur tres humble et tres ancien que je lui suis, mesme des nos estudes de Paris, et, pour mieux dire, des le berceau; me resjouyssant d'ailleurs du bien et bon heur que, par ce moyen, arrive a voz diocezes.

  A012003934 

 De quoy il m'a semblé estre expedient en advertir Vostre Reverendissime Seigneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant permettre a Monsieur Grandis, a Monsieur Theodore, a Monsieur Chevallier et autres qu'il vous plaira (nommement le Reverend Pere Fourrier), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre licence [481] ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir resider du moins la plus part de la sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez; vous asseurant que, ce faisant, outre le merite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien qui en arrivera a ce pays et a tout l'estat de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la conversion des heretiques que Son Altesse aura tres aggreable, ainsy que je peux remarquer par les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur recevoir vostre sainte benediction, comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet..


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000021 

 Plus la croix est grande, moins elle pèse.

  A013000022 

 — La plus belle harangue des mendiants.

  A013000024 

 — Dispositions à prendre pour entretenir le Saint avec plus de commodité.

  A013000034 

 — Ne pas regarder à la substance de nos actions; les plus chétives deviennent honorables si Dieu les ordonne.

  A013000045 

 » — Là-haut, plus de barrière.

  A013000057 

 — Ne pas apporter de délai à son désir afin d'éviter un plus grand dommage.

  A013000057 

 — Quels sont ceux qui ont le plus de moyens de servir Dieu.

  A013000076 

 » — Résolutions et aspirations du Bienheureux pour une vie plus fervente.

  A013000093 

 Les plus pures affections sujettes à la rouille.

  A013000093 

 — Le chemin de dévotion le plus assuré.

  A013000120 

 — Les humilités les plus fines.

  A013000151 

 — Les plus belles mortifications ne sont pas les meilleures. 183.

  A013000165 

 — Le Saint « tant homme que rien plus.

  A013000170 

 Le Saint apprend la guérison d'une parente qu'il croyait n'être plus en vie.

  A013000184 

 Le Saint estime que le projet de la Visitation est de Dieu et s'y affectionne de plus en plus.

  A013000189 

 — L'un des plus grands traîtres de la vraie dévotion.

  A013000214 

 Nous la donnons avec un bonheur d'autant plus grand, qu'en encourageant la diffusion des écrits du saint Docteur, nous faisons œuvre d'actualité et de bonne propagande.

  A013000219 

 De minutieuses études faites en vue d'une thèse sur sainte Jeanne-Françoise de Chantal, semblent l'avoir providentiellement destiné à l'œuvre qui reste à accomplir; car il arrive au moment précis ou les [VI] écrits du saint Docteur exigent une critique plus pénétrante, une plus parfaite connaissance de la langue française et de l'histoire religieuse du passé..

  A013000224 

 » Rien n'est plus vrai que cette observation..

  A013000236 

 Mais l'intérêt particulier des Lettres de cette période, c'est qu'elles éclairent d'une vive lumière l'histoire du sentiment religieux en France au début du XVII e siècle; ajoutons que le portrait de saint François de Sales s'y dessine en traits plus nombreux et plus saisissants..

  A013000239 

 Cet appel à la perfection qui sollicitait alors les plus nobles instincts de la conscience humaine, ce travail mystérieux de fermentation religieuse qui mettait en vibration tant de nobles âmes, revit et transpire à travers la plupart des lettres de cette époque..

  A013000241 

 Mais les monastères de femmes semblent plus soucieux de la régularité: celui de Sainte-Claire est fidèle à son glorieux passé; à Sainte-Catherine, près d'Annecy, une élite se prépare d'âmes choisies qui fondera les Religieuses Bernardines réformées de Rumilly..

  A013000243 

 Ces débats passionnent encore la foule, mais les pratiques religieuses positives vont plus à son cœur que ces subtiles controverses.

  A013000243 

 Les ouvrages de spiritualité se répandent partout; les plus subtils, les plus obscurs eux-mêmes trouvent des lecteurs..

  A013000243 

 Les pèlerinages redeviennent plus que jamais la grande dévotion populaire.

  A013000244 

 Les conversions se multiplient dans les foyers les plus contaminés par l'hérésie, et plus d'un père de famille donne à sa maison l'allure d'un monastère..

  A013000245 

 En les lisant, on a comme la sensation d'entendre le bruissement de cette germination merveilleuse qui devait s'épanouir plus tard en opulentes floraisons de sainteté; ainsi voit-on, aux premiers jours du printemps, la sève lentement circuler à travers les tiges souples des arbres reverdis, puis gonfler les bourgeons, annonciateurs des fleurs et des fruits..

  A013000248 

 Un grand Pape sollicite ses vues sur les plus hautes questions de la théologie, l'empereur d'Allemagne l'invite à la Diète, le duc de Savoie suit ses conseils, Baronius lui offre ses services; de Bérulle, le P. Possevin, le P. Fourier s'honorent d'être ses amis, les âmes les plus éminentes recherchent sa direction, et, ce qui n'est pas moins glorieux pour le saint Evêque, les petites gens, les malheureux se recommandent à sa charité..

  A013000249 

 Une place de petit page à obtenir, l'échec d'un plaideur malheureux, le désappointement d'un débiteur embarrassé, l'infortune d'une pauvre femme besogneuse, toutes les causes enfin, et surtout les plus délaissées, émeuvent profondément son âme compatissante et lui font écrire de charmantes épîtres..

  A013000253 

 Sans l'humeur changeante et les infirmités de la rétive Abbesse, aurions-nous les admirables lettres qui lui furent écrites en vue de l'en guérir? Si l'on veut consoler ou relever l'âme découragée des malades ou des infirmes, qu'on lise les lettres à Rose Bourgeois; il n'est pas, croyons-nous, dans notre langue, d'exhortations plus lénitives et plus énergiques.

  A013000255 

 Les plus scrupuleuses verront par l'exemple d'une femme qui « est arrivee bien haut, » jusqu'où peut aller la condescendance d'une épouse chrétienne..

  A013000256 

 Plus docile que l'incorrigible Abbesse, M me Brûlart montra bientôt ce qu'une habile direction pouvait tirer d'une âme ordinaire.

  A013000257 

 Elle n'avait guère plus de vingt ans, mais elle était « toute d'or, et infiniment propre a servir son Sauveur.

  A013000257 

 Une autre âme, tombée plus tard dans les filets du prestigieux pêcheur, devait aller plus haut que la précédente dans les voies de la piété.

  A013000258 

 Ce devait être quelques mois plus tard l' Introduction à la Vie devote.

  A013000260 

 Les plus discrets, pour ne rien dire des pamphlétaires, ont avancé sur le ton grave d'un impertinent pharisaïsme, que cette direction était une domination lente et progressive de l'âme humaine, paralysant la volonté, enfermant les facultés actives dans l'observation exclusive du dedans, quand elle ne les endormait pas, en supprimant tout désir, dans un quiétisme paresseux..

  A013000266 

 » Plus encore; accepter d'être « commere » de cet homme qui lui a rendu ses enfants orphelins..

  A013000267 

 » Est-ce que de telles paroles sont inspirées par la molle complaisance d'un fade attendrissement? Dans le retranchement des vaines consolations, le Saint va plus loin encore; sachant que toute douleur se soulage à être racontée, il n'hésite pas à lui déconseiller [XVI] même cette innocente consolation: « Vous feres bien de regarder simplement Nostre Seigneur... sans vous amuser a considerer vostre mal, non pas mesme pour me le dire.

  A013000271 

 Plus récemment, on a prétendu que l'idéal de saint François de Sales en fait de piété avait le défaut de se limiter à la perfection des âmes individuelles.

  A013000273 

 Les plus grandes créations charitables datent de cette époque.

  A013000274 

 Pour juger de la valeur effective de la direction de saint François de Sales, il n'est pas à propos de citer l'inertie du duc de Bourgogne, l'élève de Fénelon; il serait plus sage de se demander ce que devint plus tard M me de Chantal, cette âme robuste, sa fidèle disciple.

  A013000275 

 Ils verront croître et grandir avec les années l'amitié sainte, « blanche plus que la neige, pure plus que le soleil » qui devait unir pour une œuvre commune ces deux grandes âmes.

  A013000277 

 C'est bien ici qu'il se montre « tant homme que rien « plus.

  A013000277 

 C'est tantôt l'accueil enthousiaste d'une petite ville qui s'illumine la nuit pour fêter son arrivée, tantôt c'est l'effroyable masse des montagnes glacées qui le saisit d'admiration; mais dans la plaine, au fond des vallées, il trouve toujours son Dieu; il le rencontre chéri et adoré sur les plus hauts sommets par les âmes simples, et même, comme le Patriarche Séraphique, il a su entendre les louanges que lui donnent les chevreuils et les chamois.

  A013000280 

 Les auditoires les plus modestes allaient au cœur de cet homme d'humilité et de simplicité.

  A013000285 

 C'est un charme de plus que tant de lumineuses et fortes doctrines s'étalent en un style si aimable.

  A013000285 

 Les plus jolis mots, les plus pittoresques réflexions, qu'on aime toujours à citer, on les rencontrera ça et là dans ces pages..

  A013000287 

 Les passages des Confessions où saint Augustin nous fait des confidences sur sa mère ne sont pas plus touchants.

  A013000289 

 Après l'avoir lue, on ne pourra plus douter que le Saint avait véritablement un « cœur « de chair » et que les vues les plus austères de la foi s'unissaient dans son âme, sans les heurter, aux affections les plus profondes et les plus sincères..

  A013000292 

 Après les avoir lues, on garde comme conclusion le souvenir de la bonne Pernette Boutey, la sainte villageoise de La Roche, l'une des « grandes « amies » du Saint, qui « devint plus belle après sa mort qu'elle n'avoit esté durant sa vie.

  A013000317 

 Benite soyes vous en vostre cœur et en vostre cors, en vostre personne et en celles de ceux qui vous sont plus chers, en vos consolations et en vos travaux, en tout ce que vous feres et que vous souffrires pour Dieu.

  A013000347 

 C'est donc l'effect de la patience de bien posseder son arae, et a mesure que la patience est parfaicte, la possession de l'ame se rend plus entiere et excellente.

  A013000347 

 Or, la patience est d'autant plus parfaite qu'elle est moings meslee d'inquietude et empressement.

  A013000348 

 L'autre, que Moÿse, le plus grand amy de Dieu de toute la trouppe, mourut sur les frontieres de la terre de repos, la voyant de ses yeux et ne pouvant en avoir la jouissance..

  A013000349 

 Que nous doyt il chaloir si c'est par le desert ou par les champs que nous allons, pourveu que Dieu soyt avecq nous et que nous allions en Paradis? Croyez moy, je vous prie, trompez le plus que vous pourrez vostre mal, et si vous le sentez, au moings ne le regardez pas; car la veüe vous en donnera plus d'apprehension que le sentiment ne vous donnera de douleur.

  A013000350 

 Appres que vous aurez prié le Pere quil vous console, s'il ne luy plaist pas de le faire n'y pensez plus, et roidissez vostre courage a faire l'œuvre de vostre salut sur la croix, comme si jamais vous n'en deviez descendre et qu'onque plus vous ne deussiez voir l'air de vostre vie clair et serain.

  A013000350 

 Voyez que ce cher Fils ayant demandé consolation a son bon Pere et cognoissant quil ne vouloit pas la luy donner, il ny pense plus, il ne s'en empresse plus, il ne le (sic) recherche plus; mais, comme s'il ne l'eust jamais pretendue, il execute vaillamment et courageusement l'œuvre de nostre redemption.

  A013000351 

 J'ay confiance en Nostre Seigneur que vous diries cela; vous n'y penseries plus, au moings vous ne vous en empresseriez plus.

  A013000351 

 Vous verrez que quand vous ne penserez plus a vostre delivrance, Dieu y pensera, et quand vous ne vous en empresseres plus, Dieu y accourra.

  A013000354 

 Je crains qu'elle ne s'engage plus avant et que, par appres, il ne soit malaysé de la reduire a l'indifference avec laquelle il faut ouyr les conseils de Dieu.

  A013000356 

 Je ne veux pas respondre a vostre derniere lettre par le menu, sinon en certains pointz qui me semblent plus pressans.

  A013000356 

 Mais qui vous a jamais enseigné que Dieu en fust autheur? Bien des tenebres, bien des impuissances, bien du liement a la perche, bien de la dereliction et destitution de vigueur, bien du devoyement de l'estomach spirituel, bien de l'amertume de la bouche interieure, laquelle rend amer le plus doux vin du monde; mais des suggestions de blaspheme, d'infidelité, de mescreance, ha non, elles ne peuvent sortir de nostre bon Dieu: son sein est trop pur pour concevoir telz objetz..

  A013000358 

 C'est en fin ceste volonté libre, laquelle, toute nuë devant Dieu, reside en la supreme et plus spirituelle partie de l'ame, ne depend d'autre que de son Dieu et de soy mesme; et quand toutes les autres facultés de l'ame sont perdues et assujetties a l'ennemy, elle seule demeure maistresse de soy mesme pour ne consentir point..

  A013000359 

 Or, voyes vous les ames afiligees parce que l'ennemy, occupant toutes les autres facultés, fait la dedans son tintamarre et fracas extreme? A peyne peut on ouÿr ce qui se dit et fait en ceste volonté superieure, laquelle a bien la voix plus nette et plus vive que la volonté inferieure; mais celle cy l'a si aspre et si grosse qu'elle estouffe la clarté de l'autre.

  A013000361 

 Escrives moy donques, et souvent et sans ordre, et le plus naïfvement que vous pourres; j'en recevray tous-jours un extreme contentement..

  A013000363 

 Vous ne sçauries avoir trop de confiance en moy, qui suis parfaittement et irrevocablement vostre en Jesus Christ, duquel mille et mille fois le jour je vous souhaitte les plus cheres graces et benedictions.

  A013000376 

 Mais sçavez vous ce que j'ay pensé? L'Escripture dit que la porte du Royaume des cieux, c'est a dire du service et de l'amour de Dieu, n'est autre chose que la tribulation; et la dessus j'ay dit a moy mesme que vrayement Dieu vous avoit choisie pour estre fille de son royaume, puysque a ce commencement de vos resolutions il vous avoit fait passer par la porte ordinaire et plus certaine..

  A013000378 

 Mais affin de combler ma joye, faites moy ce bien, je vous prie, de me faire escrire par quelqu'une de vos plus confidentes du succez de vostre maladye, de laquelle monsieur vostre pere m'escript, mais en gros.

  A013000397 

 Pour ma part, croyez moy je vous supplie, je n'ay pas moings de desir de vous revoir, et a loisir, que vous sçauriez avoir encor [vous même; mais] il faut sçavoir qui est le plus expedient et a propos.

  A013000398 

 Les medecins m'ont fort defendu d'escrire de ma main au sortir de cette maladie; c'est pourquoy j'ay employé la main d'autruy jusques icy, adjoustant de la mienne que vous vous resouvenies de ce que je vous ay tant recommandé, et que, le faysant, vous feres chose qui aggreera plus a Dieu que si, sans le faire, vous donnies vostre vie au martyre; parce que Dieu veut l'obeyssance beaucoup plus que le sacrifice.

  A013000401 

 Je vous diray seulement que le commerce des huguenotz n'est pas absolument defendu a ceux qui sont meslés avec eux; mays la verité est qu'il faut s'en abstenir le plus qu'on peut, car il a accoustumé de refroidir la devotion.

  A013000411 

 Dieu donques nous en veuille donner des plus grandes, mais qu'il luy playse nous donner des grandes forces pour les porter.

  A013000411 

 O Sauveur du monde, que voyla qui va bien! Il faut porter sa croix; quicomque la portera plus grande se treuvera mieux.

  A013000411 

 Vous me dites que vous portes tous-jours vostre grande croix, mais qu'elle vous pese moins parce que vous aves plus de force.

  A013000425 

 Je seray plus court a vous respondre que je ne desirerois, par ce que j'ay moins de loysir et plus d'empeschemens que je ne pensois.

  A013000427 

 Mais aussi, le mesme Dieu a laissé en plusieurs de ses chers disciples, beaucoup de marques de leurs mauvaises inclinations quelque tems apres leur conversion, et le tout pour leur plus grand proffit: tesmoin le bienheureux saint Pierre, qui despuis la premiere vocation choppa plusieurs fois en des imperfections, et s'abattit tout a fait et fort miserablement une fois par la negation..

  A013000429 

 Mais qu'est ce que vous y voudries faire sinon ce que vous y faites, qui est de presenter et representer a Dieu [19] vostre neant et vostre misere? C'est la plus belle harangue que nous facent les mendians que d'exposer a nostre veuë leurs ulceres et necessités.

  A013000430 

 Les arbres ne fructifient que par la presence du soleil, les uns plus tost et les autres plus tard, les uns toutes les annees et les autres de trois en trois, et non pas tous-jours esgalement.

  A013000431 

 Or sus, vous sçaves bien en quelle saulse il vous a mise, en quel estat et condition; et dites moy, vous est il tout un? Vous n'ignores pas non plus qu'il veut que vous payes cette dette journaliere de laquelle vous m'escrives, et neanmoins ce ne vous est pas tout un.

  A013000432 

 C'est la le blanc de la perfection auquel nous devons tous viser, et qui plus en approche, c'est celuy qui emporte le prix..

  A013000432 

 Il faut regarder ce que Dieu veut, [20] et, le reconnoissant, il faut s'essayer de le faire gayement, ou au moins courageusement; et non seulement cela, mais il faut aymer cette volonté de Dieu et l'obligation qui s'en ensuit en nous, fust ce de garder les pourceaux toute nostre vie et de faire les choses les plus abjectes du monde; car, en quelle saulse que Dieu nous mette, ce nous doit estre tout un.

  A013000433 

 Entre ceux qui sont ou courroucés ou mescontens, il y en a qui tesmoignent leurs desplaysirs seulement en disant: Mon Dieu, que sera cecy? et les autres disent des paroles plus cuisantes et qui ne tesmoignent pas seulement un simple mescontentement, mais une certaine fierté et despit.

  A013000433 

 Mais, particulierement vous deves combattre pour empescher les demonstrations exterieures de la repugnance interieure que vous aves, ou au moins les rendre plus douces.

  A013000434 

 Mais, Madame, il faut que je confesse la verité: je crains perpetuellement, en ces desirs qui ne sont pas de l'essence de nostre salut et perfection, qu'il ne s'y mesle quelque suggestion de l'amour propre et de nostre propre volonté; comme, par exemple, que nous nous amusions tant a ces desirs qui ne nous sont pas necessaires, que nous ne laissions pas asses de place en nostre esprit pour les desirs, qui nous sont plus requis et plus utiles, de nostre propre humilité, resignation, douceur de cœur et semblables; ou bien, que [21] nous ayons tant d'ardeur en ces desirs, qu'ilz nous apportent de l'inquietude et de l'empressement, et en fin, que nous ne les sousmettions pas si parfaittement au vouloir de Dieu qu'il seroit expedient..

  A013000435 

 En cette sorte vous gaigneres beaucoup plus qu'en aucune autre façon, sur tout y adjoustant la priere..

  A013000444 

 O tribulation, que vous series desirable si on voyoit aussi bien vos roses que l'on void vos espines! Mon Dieu, ma Fille, que j'ayme vostre mauvaise jambe, car je sçai bien qu'elle vous portera plus au Ciel que la bonne; [22] jambe qui n'est pas une jambe, c'est un'aisle pour vous faire voler en l'air de la vie spirituelle.

  A013000457 

 Hors de la, despuis la Quasimodo jusques a la Pentecoste, je ne voy rien devant mes yeux qui me puisse destourner de la consolation que je prendray au bien de vostre presence, si vous prenes la peyne de venir jusques a la mayson de ma mere, ou j'auray plus de commodité de vous entretenir sur tout ce qu'il vous plaira.

  A013000457 

 Je vous voy si ferme au dessein de venir a Saint Claude que je ne puis plus vous dire autre chose, sinon que despuis le 24 d'avril jusques au 3 de may je seray empesché aux affaires du Synode de ce diocese.

  A013000459 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A013000472 

 Voyla le chemin du Ciel le plus asseuré et le plus royal; et, a ce que j'entens, vous estes pour y demeurer quelque tems, puisque, a ce que m'escrit nostre bon pere, vous estes encor es mains des medecins et chirurgiens.

  A013000473 

 C'est le lieu naturel de cette fleur; c'est le plus propre aussi de l'Espoux.

  A013000473 

 Considerés que la couronne de l'espouse ne doit pas estre plus douce que celle de l'Espoux, et que si on l'a tellement descharné qu'on ayt peu conter tous ses os, il est bien raysonnable qu'on en voye l'un des vostres.

  A013000473 

 Representes vous souventefois le Sauveur crucifié tout vis a vis de vous, et pensés qui souffre plus l'un pour l'autre, et vous treuveres vostre mal beaucoup moindre.

  A013000474 

 Mais quoy, pour cela se faut il troubler, ma chere Fille? Non, sans doute; c'est lhors qu'il faut esmonder et espurer davantage nostre esprit, et se servir avec plus de force de la confession que jamais..

  A013000479 

 Il est vray neanmoins qu'avant de mettre la paix en un lieu il y fait la guerre, separant le cœur et l'ame de ses plus cheres, familieres et ordinaires affections, comme sont l'amour desmesuré de soy mesme, la confiance de soy mesme, la complaysance en soy mesme et semblables telles affections..

  A013000484 

 L'humilité fait que nous ne nous troublons de nos imperfections, nous resouvenans de celles d'autruy; car pourquoy serions nous plus parfaitz que les autres? et, tout de mesme, que nous ne nous troublons point de celles d'autruy, nous resouvenans des nostres; car pourquoy treuverons nous estrange que les autres ayent des imperfections, puisque nous en avons bien? L'humilité rend nostre cœur doux a l'endroit des parfaitz et imparfaitz: a l'endroit de ceux la par reverence, a l'endroit de ceux ci par compassion.

  A013000486 

 Croyés, je vous supplie, que je n'ay rien plus a cœur que vostre advancement devant Dieu; et si mon sang y estoit utile, vous verries bien en quel rang je vous tiens.

  A013000486 

 Ma chere Fille, vous m'escrives que vous estes par tout la cadette; mays vous vous trompés, les fruitz que j'espere de vous estans plus grans que de nulle autre.

  A013000488 

 Mais que ce mot icy ne vous eschauffe point, car il faut sur tout aller bellement et pied a pied; l'edifice en sera plus ferme.

  A013000489 

 Quant a cet autre bon Pere, j'appreuve que vous l'oyes et l'escouties, et qu'encores vous vous prevalies de ses conseilz en les executant; mais non en ce qu'ilz se treuveront contraires aux projetz que nous avons faitz de suivre en tout et par tout l'esprit de suavité et de douceur, et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur.

  A013000493 

 J'escris a celle de vos filles que vous desires, le plus proprement que j'ay sceu pour son mal.

  A013000504 

 Que vous m'obliges a vous rendre une vraye et entiere obeissance filiale par la faveur qu'il vous plaist me faire en m'escrivant si souvent et de vostre santé et de l'estat des affaires de madame l'Abbesse, ma tres chere Seur! Rien sans doute ne me peut donner plus de consolation que de me voir vivre en vostre souvenance et bonne grace, et de vous estre aggreable au desir que j'ay de servir cette Seur en tous ses vertueux desseins, pour la poursuitte desquelz j'appreuve bien qu'elle ne change pas le chemin que je luy ay proposé, qu'avec beaucoup de consideration.

  A013000505 

 Mais comment me pourrois je jamais lasser de souhaitter graces et des benedictions abondantes a cette chere Seur et a toute sa Mayson, la voyant si desireuse de mon bien que, pour seulement sçavoir de ma santé, elle m'a envoyé un expres? Avec cette occasion, je luy ay escrit le plus amplement que j'ay peu pour la consoler, sachant bien que le bon portement de son cors depend beaucoup de celuy de son ame, et celuy de son ame, des consolations spirituelles.

  A013000506 

 Au demeurant, Monsieur mon tres honnoré Pere, j'ay une jeune seur que je desirerois mettre aupres de cette aisnee et plus chere en son Monastere, non pour estre Religieuse, si Dieu ne luy en donne l'inspiration, mais seulement pour avoir cet honneur d'estre aupres d'elle et d'apprendre la vertu en une si bonne compaignie.

  A013000522 

 Je le prie qu'il voye le plus qu'il pourra le monastere du Puy d'Orbe; je m'asseure qu'il luy sera utile, et Dieu, sans doute, l'a preparé pour cela, dont je louë sa divine Majesté de tout mon cœur.

  A013000523 

 Affermissés tous les jours de plus en plus la resolution que vous aves prise avec tant d'affection de servir Dieu selon son bon playsir et d'estre tout entierement sienne, sans vous rien reserver pour vous ni pour le monde.

  A013000523 

 Embrassés avec sincerité ses saintes volontés, quelles [38] qu'elles soyent, et ne pensés jamais avoir atteint a la pureté de cœur que vous luy deves donner, jusques a ce que vostre volonté soit non seulement du tout, mais en tout, et mesme es choses plus repugnantes, librement et gayement sousmise a la sienne tres sainte; regardant a ces fins, non le visage des choses que vous feres, mais Celuy qui vous les commande, qui tire sa gloire et nostre perfection des choses les plus imparfaittes et chetifves, quand il luy plaist..

  A013000524 

 Non, plus de ceremonies entre nous; nos liens ne sont pas faitz de ces cordes-la.

  A013000539 

 Je ne vous puis dire, si nous aurons besoin de beaucoup de jours pour la reveue de tout vostre estat interieur; peu plus, peu moins, en fera la rayson..

  A013000542 

 Le plus que vous pourres apporter d'abnegation ou indifference de vostre propre volonté, c'est a dire de desir et resolution de bien obeir aux inspirations et instructions que Dieu vous donnera, quelles qu'elles soyent, ce sera le mieux, car Nostre Seigneur agit es ames qui sont purement siennes et non præoccupees d'affections et de propres volontés.

  A013000547 

 Je vous attendray plus tost la veille de l'Ascension que le samedi suivant..

  A013000559 

 C'est que les parroisses d'Armoy, Reyvre, Draillans, Tonnay sont entierement desprouveües de pasteurs, n'ayant autre assistence que d'une Visitation toutes les semaynes, que les plus voysins curés y font.

  A013000559 

 Or, Monsieur, il n'est possible que de cette privation de gens d'Eglise, il n'arrive beaucoup d'inconveniens, et seroit bien plus raysonnable [43] que messieurs les Chevaliers de Saint Maurice fussent sans biens ecclesiastiques que non pas que les peuples fussent destituëes (sic) de l'office requis a leur salut..

  A013000560 

 Ilz n'ont plus aucun sujet de se plaindre de l'excessiveté des portions, puisque, Monsieur, elles ont esté reduites en vostre præsence a la plus moderee quantité qu'elles pouvoyent avoir; il ne reste donques que d'accomplir ce qui fut arresté..

  A013000563 

 Je ne sçai, Monsieur, si je doy plus rien esperer pour le college de cette ville, qui a tant besoin des Peres Jesuites, mays je sçai bien que n'en puis rien esperer [44] que par l'assistence de vostre charité, la grandeur delaquelle me promet qu'elle me pardonnera si je vous donne tant et si souvent de l'importunité..

  A013000605 

 Et de plus, si vous avez trop d'incomodité de vous y emploier vous mesmes, emploiez y qui bon vous semblera, car je le tiens pour deputé a ce faire et l'advoüe..

  A013000609 

 Il y a quinze jours quil se tint une conference a Dijon entre un Pere Jesuiste et l'un des plus habiles ministres [49] qui soit en France, ou le Jesuiste feit si excellemment, que le ministre, ne pouvant supporter les efforts du combat, demeurast pasmé sur la place, avec une tres-grande confusion..

  A013000611 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A013000624 

 J'oubliay de vous dire, ma chere Fille, que si les oraysons de saint Jan, de saint François et les autres que vous dites, vous donnent plus de goust en françois, je suis bien content que vous les recities comme cela.

  A013000639 

 En un mot, estant aggreables a Dieu et reconneuës pour cela, a qui doivent elles estre desaggreables? Prenés garde, ma tres chere Fille, a vous rendre tous les jours plus pure de cœur.

  A013000640 

 Ce n'est pas le propre des roses d'estre blanches, ce me semble, car les vermeilles sont plus belles et de meilleure odeur; c'est neanmoins le propre du lys.

  A013000640 

 Soyons ce que Dieu veut, pourveu que nous soyons siens, et ne soyons pas ce que nous voulons contre son intention; car, quand nous serions les plus excellentes creatures du Ciel, dequoy nous serviroit cela, si nous ne sommes pas au gré de la volonté de Dieu? Je redis a l'adventure trop cela, mais je ne le diray plus si souvent, puisque mesme Nostre Seigneur vous a des-ja beaucoup fortifiee en cet endroit..

  A013000654 

 Il ne faut plus que nos inclinations naturelles maistrisent nostr'ame; il faut que ce soit la lumiere superieure, et que, partant, encor que naturellement nous ayons de la peyne a nous communiquer, la rayson neanmoins et la connoissance du devoir nous emporte a toutes les executions des choses aggreables a Dieu, entre lesquelles, celleci de descouvrir sa conscience quand et a qui il est requis, est une des plus principales.

  A013000654 

 Or, ma Fille, ni a-il pas moyen de dissoudre petit a petit ces difficultés? Il le faut sans doute, et procurer d'avoir une vraye simplicité chrestienne, delaquelle le principal effect consiste a naifvement se declairer en confession, et bien plus encores; car je ne doute point qu'un jour Dieu vous fera la grace d'estre si humble que vous desireres que non seulement vos peres spirituelz, mais les autres aussi sachent toutes vos imperfections.

  A013000655 

 Que [55] sil luy plait prendre la peyne de vous voir quelquefois, ce vous sera tous-jours tant plus de bien.

  A013000655 

 Voyes bien et considerés si vous pourres vous bien ranger a luy donner de la confiance, et escrivés moy tout au plus tost vostre intention, affin que, selon cela, je luy en puisse derechef escrire et luy dire encor plus amplement mon opinion touchant vostre conduite, a laquelle je ne puis cesser de penser et soigner jour et nuit.

  A013000664 

 Faites-moy sçavoir bien au long la disposition de vos filles, que c'est que monsieur Neron aura treuvé bon de faire en vostre Mayson et, plus que tout, quell'est vostre inclination au choix d'un Pere spirituel auquel de dela vous puissies jetter vostre confiance..

  A013000683 

 Je prie tous-jours Dieu qu'il vous tienne de sa sainte main; rendes moy le reciproque, et jettés quelques souspirs au pied de la Croix pour mon ame, laquelle est toute voüee au service de la vostre et de tout ce qui vous est plus cher.

  A013000685 

 Vostre serviteur tres affectionné et plus humble en Nostre Seigneur,.

  A013000701 

 La rayson pour laquelle je voulois que la pension de ma jeune seur fut paÿee est plus grande que tout ce que vous me dites.

  A013000701 

 Sans doute, j'avois la rayson pour moy; neanmoins, puisque vous vous en offencés, je cede et ne vous en parleray plus, sans qu'il soit besoin que vous employes l'authorité de monsieur nostre pere..

  A013000702 

 Vous m'aves bien mis plus en peine quand vous m'aves parlé de sortir de cette Mayson-la, mais non pas sans m'en parler.

  A013000705 

 Et pour moy, soyes asseuree que jamais creature du monde ne fut ni ne sera plus entierement vostre que moy.

  A013000737 

 Je suis en ses entrailles, plus vostre que mien..

  A013000765 

 Vous termineres par ce moyen les importunités que vous recevés de nostre sollicitation et les incommodités que nous recevons de la retardation du payement, et vous nous obligeres encor de plus fort a vostre service, sur tout moy qui, priant Nostre Seigneur pour vous, me prometz un'entiere asseurance de vostre amitié et suis, Monsieur,.

  A013000782 

 Ouy, la mort mesme de vostre mari; ouy, celle de vos peres, enfans et plus proches; ouy, la vostre, en la mort et en l'amour de nostre doux Sauveur..

  A013000802 

 Je le dois à cette province; ballottée en tous sens et presque broyée sous les violences orageuses de l'hérésie, elle a conçu les plus grandes espérances depuis qu'elle a découvert votre charité prévoyante.

  A013000802 

 Mais, Très Saint Père, aujourd'hui que le zèle de tous les grands s'est satisfait et qu'il s'est un peu ralenti, je ne puis plus me taire; je ne puis refuser de proclamer quelle heureuse nouvelle a été l'annonce de votre élévation, et comment tout ce diocèse en a ressenti, avec moi, la plus vive allégresse.

  A013000803 

 Aussi, nous n'en pouvons douter, outre la sollicitude que vous avez de l'universalité des Eglises, vous voudrez aider d'une particulière assistance au relèvement de ce diocèse, qui, plus que les autres, a subi de la part des hérétiques les pires des vexations; et cette assistance sera d'autant plus féconde que vous exercez de plus haut sur nous votre prééminence.

  A013000803 

 De même encore, c'est à mesure qu'il s'élève et plane plus haut sur l'horizon, que le soleil darde ses rayons plus intenses et plus ardents sur la terre.

  A013000803 

 Le cœur, cet organe principal du corps humain, fait affluer d'ordinaire avec plus de force, vers les régions affaiblies, le cours bienfaisant de ses esprits vitaux.

  A013000821 

 Dequoy pleures-vous, o femme? Non, il ne faut plus estre femme, il faut avoir un cœur d'homme; et, pourveu que nous ayons l'ame ferme en la volonté de vivre et mourir au service de Dieu, ne nous estonnons ni des tenebres, ni des impuissances, ni des barrieres.

  A013000821 

 La haut, il ni aura plus de barriere, icy il en faut souffrir.

  A013000855 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A013000870 

 J'attens impatiemment des nouvelles plus grandes de vostre santé, que celles que j'en ay receuës jusques a present: ce sera quand il plaira a Nostre Seigneur, auquel je la demande affectionnement, estimant qu'elle sera employee a sa gloire et a l'acheminement et perfection de l'œuvre encommencee en vostre Monastere..

  A013000873 

 A Dieu, ma chere Fille; je supplie sa sainte Bonté qu'elle vous assiste a jamais, et je suis extremement, et de tout mon cœur, tout vostre et plus que vostre..

  A013000881 

 O ma Fille, il me semble que je vous ay une bonne fois enfantee sur les genoux de la belle Rachel, de nostre tres chere et sacree Abbesse: elle vous a prise a soy; pour moy, je n'en ay plus le soin principal.

  A013000881 

 Rachel, ne pouvant avoir des enfans, donna en mariage pour sa seconde a son mary la bonne fille Bala (en ce tems la, il estoit permis d'avoir plusieurs femmes pour multiplier le peuple de Dieu), et Bala enfantoit sur les [80] genoux de Rachel; dont Rachel prenoit les enfans a soy et les tenoit pour siens, si que Bala, sa seconde, n'en avoit plus de soin, au moins, elle n'en avoit pas le plus grand soin.

  A013000882 

 Je pense que Magdeleyne, qui estoit avec madame vostre Abbesse, estoit bien mortifiee de ce qu'elle ne pouvoit plus voir son cher Seigneur a pur et a plein; seulement elle l'entrevoyoit la sur la croix, elle se relevoit sur ses pieds, fichoit ardemment ses yeux sur luy, mais elle n'en voyoit qu'une certaine blancheur pasle et confuse; elle estoit neanmoins aussi pres de luy qu'auparavant.

  A013000884 

 Courés dedans les barrieres, puisqu'on les a mises; vous ne laisseres pas [81] d'emporter la bague, et plus seurement.

  A013000885 

 Or sus, mays encores quand vous auries toute seule une croix a part, qu'en seroit ce? Elle en vaudroit mieux, et, par la rareté, en devroit estre plus chere.

  A013000889 

 Jamais plus de suavité, plus de douceur, jusques a hier que les nuages le couvrirent; et maintenant, que je reviens de la sainte Messe, tout est serein et clair.

  A013000890 

 Je ne vous diray rien de la grandeur de mon cœur en vostre endroit, mais je vous diray bien qu'elle demeure bien loin au dessus de toute comparayson; et cette affection est blanche plus que la neige, pure plus que le soleil: c'est pourquoy je luy ay lasché les resnes pendant cette absence, la laissant courir de son effort.

  A013000892 

 De deux costés j'ay des nouvelles que l'on me veut relever plus haut devant le monde; l'un suivant le billet que je vous leus en la gallerie de vostre Sales, l'autre de Rome.

  A013000892 

 Et a propos de fille, je ne veux plus dans vos lettres, autre tiltre d'honneur que celuy de pere: il est plus ferme, plus aymable, plus saint, plus glorieux pour moy..

  A013000892 

 Ma response est devant Dieu: non, ne doutés point, ma Fille, je ne ferois pas un seul clin d'œil [84] pour tout le monde, je le mesprise de bon cœur; si ce n'est la plus grande gloire de nostre Dieu, rien ne se remuera en moy.

  A013000892 

 Mais tout cecy entre le pere et la fille; point plus loin, je vous en prie.

  A013000908 

 Vostre frere et serviteur plus humble,.

  A013000943 

 J'ay soudainement despeché vostre homme, et par ce que je doy prescher a midi, je ne vous diray sinon que je suis tous-jours fort consolé, quand j'ay de vos lettres, et le dois bien estre encor plus par celle ci qui m'asseure si asseurement que vostre cœur est ferme au dessain quil a fait de servir son Dieu a la poursuite de la vraye devotion..

  A013000945 

 Et ne vous puis oublier pour ce regard, [90] nom plus que moymesme, qui, saluant mille fois monsieur vostre mari et vos bonnes graces, suis sans fin.

  A013000945 

 Faites-le tous-jours, je vous prie, et saches que je n'offre jamais le Filz celeste au Pere sur l'autel, que je n'offre quant et quant vostre cœur a sa divine Majesté, affin qu'elle la (sic) benisse de ses plus cheres benedictions.

  A013000974 

 Vous exclames de desir de me revoir; mais croyes-moy, ma Fille, mon cœur en pousse des clameurs bien fortes devant Dieu; s'il les exauce, sans doute je vous reverray plus tost que les circonstances de ma charge ne me le promettent pas.

  A013000976 

 Par ci apres, vous pourres me faire escrire tant que vous voudres, par l'entremise de madame de Chantal, qui a treuvé une voye fort aysee a Aoustun, par laquelle je vous escriray aussi le plus que je pourray.

  A013000979 

 Je suis, ma chere Fille, plus vostre que mien; vostre [94] autant que vous mesme, puisque Celuy qui vous a donné a vous mesme m'a rendu vostre..

  A013000992 

 Que puis-je dire en ce grand contentement que j'en reçois, sinon que Dieu vous veuille affermir de plus en plus en ces saintes affections et vous donne la sainte perseverane? Y a il consolation au monde, comparable a celle d'un'ame religieuse, qui n'a que Dieu pour l'object de ses affections? Y a-il rien de si doux que de voir une mere, avec tant de filles autour d'elle, qui, comme branches d'un bel olivier, fleurissent sur le tige de la sainte obeissance et observance de la Regie?.

  A013000994 

 Mais, mes Dames, permettes moy que je m'en resjouisse avec vous d'une speciale allegresse, car sans doute ce sujet est extraordinaire et des plus grans.

  A013000997 

 Aimes vos vœux, qui vous peuvent ouvrir la porte de ce saint tabernacle; vives avec la sainte douceur du cœur, qui rend toutes choses souëfves; conserves cette couronne que Dieu a mis sur vos testes, le plus haut fleuron de laquelle c'est l'obeissance.

  A013001014 

 Mon esprit, sans [98] doute, vit parmi vos tenebres et tentations, car il accompaigne fort le vostre; le recit de vos maux me touche de compassion, mais je voy bien que la fin en sera heureuse, puisque nostre bon Dieu nous fait prouffiter en son eschole, en laquelle vous estes plus esveillee a la sentinelle qu'en autre tems.

  A013001016 

 Soyés courageuse, ma chere Fille; nous ferons prou, Dieu aydant; et croyés moy que le tems est plus propre au voyage, que si le soleil fondoit sur nos testes ses ardentes chaleurs.

  A013001017 

 Mon Dieu, que je lis avec beaucoup de consolation les parolles que vous m'escrivistes, que vous desiries de la perfection a mon ame presque plus qu'a la vostre: c'est une vraye fille spirituelle, cela.

  A013001018 

 Je ne peux faire plus de paroles que pour vous donner la benediction; je la vous donne donques au nom de Jesus Christ crucifié, la Croix duquel soit nostre gloire et nostre consolation, ma chere Fille.

  A013001030 

 La force de l'attraction interieure ne peut souffrir ni dilation ni allentissement; c'est pourquoy, voyant que j'avois compassion de son cœur qui se va consumant en ses desirs, elle me conjura fort de vous en escrire ce qui m'en semble, estimant que mon entremise luy seroit plus favorable cette seconde fois que la premiere..

  A013001031 

 Dieu vous consolera plus en un jour, acquiesçant a sa volonté, que tous les enfans du monde ne feront en cent ans.

  A013001032 

 Et vous sçaves que nous ne devons pas nous arrester au bien, quand nous pouvons attaindre au mieux et que nous y sommes attirés comm'est cette benite fille, laquelle, pour le plus grand bienfait qu'elle prætend de vostre paternelle charité, vous demande congé de voüer [102] son cors, son ame, ses pensees, ses forces, ses annees et sa liberté a Celuy qui luy a donné tout ce qu'ell'a..

  A013001032 

 Je sçay bien, Monsieur, qu'emmy le monde on y peut servir Dieu et faire le salut, mais je ne doute point que ceux que Dieu en retire, n'ayent plus de moyens de le servir.

  A013001044 

 Sans doute, il n'esloigne point l'heure de l'accomplissement de vos saintz souhaitz que pour vous la faire rencontrer plus heureuse; car voyés vous, ma tres chere Fille, cet amoureux cœur de nostre Redempteur mesure et adjuste tous les evenemens de ce monde a l'advantage des espritz qui, sans reserve, se veulent asservir a son divin amour..

  A013001075 

 Un an plus tard vous lui fîtes la grâce de lui écrire de Bologne où vous étiez Recteur..

  A013001076 

 Le porteur de cette lettre, M. de Gaillon, est un de ces convertis; il pourra vous fournir de plus amples détails.

  A013001076 

 Or, c'est moi, mon Père, qui suis l'homme en question, et de plus, je fis, il y a trois ans, un voyage à Paris pour les affaires de ce diocèse, [107] dont une partie se trouve sur les Etats du roi de France.

  A013001081 

 Votre plus humble serviteur en Notre-Seigneur,.

  A013001092 

 Sortes a vous promener, lises quelque livre de ceux que vous gousteres le plus, et, comme dit le saint Apostre, chantés quelque chanson devote.

  A013001112 

 Je ne vous diray plus rien, ni dessus le grand abandonnement de toutes choses et de soy mesme pour Dieu, ni dessus la sortie de sa contree et de la mayson de ses parens.

  A013001113 

 Nostre Seigneur luy avoit dit qu'elle seroit ce jour la avec luy en Paradis; et elle ne fut pas plus tost separee de son cors, que voyla qu'il la mena en enfer.

  A013001115 

 Je prie Nostre Seigneur qu'il vous rende de plus en plus sienne; qu'il soit [114] le protecteur de vos resolutions, le defenseur de vostre viduité, le directeur de vostre obeissance; qu'il soit vostre tout et tout vostre.

  A013001128 

 Il est vray que je voy bien l'incommodité que ces traynemens donne (sic) a vos affaires, dont je suys desplaysant; mais ce sont les princes qui espreuvent ainsy leurs plus fidelles, voulans encor en cela imiter l'Inimitable..

  A013001132 

 Vostre serviteur et neveu plus humble,.

  A013001169 

 Monsieur nostre bon pere m'escrit souvent de vos nouvelles: rien ne me peut arriver de plus souhaittable quand elles sont bonnes, comme elles sont tous-jours selon Dieu, en qui je sçai que vous jettes toute vostre veuë interieure, et au bon playsir duquel tous vos desseins et desirs se vont fondre..

  A013001170 

 Je sçai, ma chere Seur, que les petitz ennuys sont plus fascheux, a cause de leur multitude et importunité, que les grans, et les domestiques, que les estrangers; mais aussi je sçai que la victoire en est souventesfois plus aggreable a Dieu que plusieurs autres, qui, aux yeux du monde, semblent de plus grand merite..

  A013001172 

 Vostre frere et serviteur tres affectionné et plus fidelle,.

  A013001184 

 Je loue Dieu de tout mon cœur de la santé de messieurs nos pere, oncle et frere; mais que ce mot me console: [Monsieur vostre oncle,] plein de vertu et de constance, n'est plus arresté que par des defluxions... car je cheris ce bon oncle du fons de mon ame.

  A013001188 

 Je dis que pour nostre petite il sera mieux, en la faysant instruire le plus chrestiennement quii sera possible, d'attendre encor un peu a la mettre au Puy d'Orbe.

  A013001190 

 Pour le Caresme il y a du loysir a vous parler; pour l'Advent il n'est plus tems.

  A013001192 

 Hé, que Dieu m'est bon! je ne fus jamais plus fort.

  A013001192 

 Que vous diray-je plus? J'arrivay icy samedy au soir, apres avoir battu les chams six semaines durant, sans arrester en un lieu, sinon au plus demi jour.

  A013001207 

 Ah! que j'ayme ces oyseaux qui sont environnés d'eaux et ne vivent que de l'air, qui se cachent en mer [127] et ne voyent que le ciel! Ilz nagent comme poissons et chantent comme oyseaux; et, ce qui plus me plaist, c'est que l'ancre est jettee du costé d'en haut et non du costé d'en bas, pour les affermir contre les vagues.

  A013001237 

 Vostre serviteur et frere plus humble et fidelle,.

  A013001253 

 Ell'a desiré, Monsieur, que j'adjoustasse ma supplication a sa misere, pour obtenir, ce luy semble plus aysement, vostre compassion; et je n'ay pas deu l'esconduire, tant en faveur des bonnes festes, que pour connoistre son mari exempt de malice et fort homme de bien et fidelle, qui me fait vous supplier humblement, Monsieur, de luy vouloir estre propice..

  A013001289 

 Vostre confrere plus affectionné,.

  A013001302 

 Et me semble quil inclineroit plus que le lieutenant eut la charge que le jugemaïe, par ce quil est plus resident au lieu et a plus d'addresse pour la particuliere conduite de cett'affaire.

  A013001302 

 Le bon Pere Maurice, qui est icy pour quelques jours, me dit que sil vous playsoit de recommander au [136] sieur juge maje de Ternier, ou au sieur de Rovenoz son lieutenant, l'execution et observation des editz faitz contre les huguenotz, ou plus tost pour eux et leur reduction, en peu de jours les effectz en seroyent tres bons et desirables.

  A013001319 

 Mais dites moy, ma Fille, ne m'est ce pas de l'affliction de ne vous pouvoir escrire qu'ainsy a la desrobbee? O voyla pourquoy il nous faut acquerir le plus que nous pourrons l'esprit de la sainte liberté et indifference; il est bon a tout, et mesme pour demeurer six semaines, voire sept, sans qu'un pere, et un pere de telle affection comme je suis, et une fille telle que vous estes, reçoivent aucunes nouvelles l'un de l'autre..

  A013001320 

 Vous fustes malade apres la Conception, et je le fus aussi sept ou huit jours durant, et craignois bien que ce ne fust pour bien plus, mais Dieu ne le voulut pas.

  A013001322 

 Je me sens un peu plus amoureux des ames que l'ordinaire; c'est tout l'advancement que j'ay fait despuis vous, mais au demeurant, j'ay souffert des grandes secheresses et derelictions, non toutefois longues, car mon Dieu m'est si doux, qu'il ne se passe jour qu'il ne me flatte pour me gaigner a luy.

  A013001323 

 Est ce pas asses dit, ma bonne Fille? Je dis ma bonne [139] Fille, parce que vous m'estes fort bonne et me consolés plus que vous ne sçauries croire.

  A013001325 

 Nostre petite Charlotte est a Dieu; c'est ce Pere auquel elle ressemble le plus.

  A013001327 

 Et vrayment ce sont des braves gens: ne voyent-ilz pas que nous avons osté l'enseigne et que nous avons rompu le traffiq que nous pouvions avoir avec le monde? Il est vray, nostre cors n'est plus nostre, nomplus que l'ivoire du trosne de Salomon n'estoit plus aux elephans qui l'avoyent porté en leur gueule.

  A013001329 

 M'entendes vous bien? Je croy qu'ouy, car vous sçavés ce que je vous dis un jour de mon voyage de Dijon, lequel je fis des-ja contre le commun advis de tous mes amis, mais sur tout de celuy auquel je devois le plus deferer, qui est le mesme Pere Recteur que je vay voir a ce Caresme prenant, lequel, avec un grand zele de mon bien, me pensa quasi arrester; mais ce grand Dieu, en la face duquel je regardois droit, tiroit tellement mon ame a ce beni voyage, que rien ne me peut arrester, et aussi il l'a reduit tout a bien et a sa gloire.

  A013001333 

 Je suis en luy plus vostre que vous ne sçauries estimer; il n'y a rien de semblable.

  A013001341 

 Oh! Dieu conserve cette vigne qu'il a plantee de sa main; Dieu veuille faire abonder de plus en plus les eaux salutaires de ses graces en sa cisterne; Dieu soit a jamais le protecteur de sa tour; Dieu soit celuy qui veuille tous-jours donner tous les tours au pressoir, qui sont necessaires pour l'expression du bon vin, et tenir tous-jours close et fermee cette belle haye dont il l'a environnee, cette vigne, et face que les Anges en soyent les vignerons immortelz..

  A013001351 

 Dieu sçait tout, et j'addresse tout a sa plus grande gloire, et, adorant sa providence, je demeure en paix.

  A013001351 

 Me voyci au milieu des predications et d'un grand peuple, et plus grand que je ne pensois pas; mais si je n'y fay rien, ce me sera peu de consolation..

  A013001352 

 Croyés que ce pendant je pense a tous momens a vous et a vostre ame, pour laquelle je jette incessamment mes souhaitz devant Dieu et ses Anges, affin que, de plus en plus, elle soit remplie de l'abondance de ses graces.

  A013001354 

 Or sus, il est vray, ma chere Fille, nostre unité est toute consacree a la souveraine unité; et je sens tous-jours plus vivement la verité de nostre cordiale conjonction, qui me gardera bien de vous oublier jamais, qu'apres et long tems apres que je me seray oublié de moy mesme pour tant mieux m'attacher a la Croix.

  A013001355 

 Au demeurant, allés de plus en plus, ma chere Fille, establissant vos bons propos, vos saintes resolutions; approfondissés de plus en plus vostre consideration dans les playes de Nostre Seigneur, ou vous treuveres un abysme de raysons qui vous confirmeront en vostre genereuse entreprise et vous feront ressentir combien vain et vil est le cœur qui fait ailleurs sa demeure, qui niche sur autre arbre que sur celuy de la Croix.

  A013001356 

 Vrayement, j'ay eu de grans sentimens ces jours passés, des infinies obligations que j'ay a Dieu, et, avec mille douceurs, j'ay resolu derechef de le servir avec plus de fidelité qu'il me sera possible et de tenir mon ame plus continuellement en sa divine presence; et avec tout cela, je me sens une certaine allegresse, non point impetueuse, mais, ce me semble, efficace pour entreprendre ce mien amendement.

  A013001357 

 O ma Fille, je suis fort pressé; que vous puis-je plus dire, sinon que ce mesme Dieu vous benisse de sa grande benediction?.

  A013001358 

 A Dieu encor, ma tres chere Fille; me voyci bien avant dans la nuit, mais plus avant dans la consolation que j'ay de m'imaginer le doux Jesus assis sur vostre cœur; je le prie qu'il y demeure au grand jamais.

  A013001358 

 Je le supplie qu'il vous serre et unisse de plus en plus en luy.

  A013001368 

 Je vous voy tous-jours languissante du desir d'une plus grande perfection.

  A013001369 

 Je ne sçai si je vous l'ay jamais dit: il nous faut avoir patience avec tout le monde, et premierement avec nous mesmes, qui nous sommes plus importuns a nous mesmes que nul autre, despuis que nous sçavons discerner entre le viel et le nouvel Adam, l'homme interieur et exterieur..

  A013001371 

 Le jour qu'on s'est communié, il n'y a nul danger de faire toutes sortes de bonnes besoignes et travailler; il y en auroit plus a ne rien faire.

  A013001376 

 Nos deux seurs des chams ont plus de necessité d'assistance que vous qui estes en la ville, en laquelle vous abondes d'exercices, de conseil et de tout ce qu'il faut, la ou elles n'ont nul qui les ayde..

  A013001377 

 Ne dois-je pas plus de compassion a cette pauvre crucifiee qu'a vous, qui, Dieu mercy, aves tant de commodités?... [151].

  A013001387 

 Usés le plus que vous pourres de mespris de ces broüilleries la, car le mespris y est le remede le plus utile..

  A013001427 

 Je feray cependant ressouvenir de la bonne affection qu'il a tesmoigné d'avoir au soulagement de monsieur de la Faverge mon oncle, et y feray tout ce que je pourray; mays si Monseigneur le Prince revenoit, j'appreuverois beaucoup plus que mon cosin luy fust donné qu'a nul autre..

  A013001428 

 Je regrette que mon frere du Vilaroget soit malade, comme monsieur Deage m'escrit; je le serviray le plus qu'il me sera possible par mes foybles prieres.

  A013001429 

 Vostre frere plus humble,.

  A013001455 

 Je m'en revay a mon Annessy, puisque le Caresme est achevé, d'où je vous escriray le plus souvent qu'il me sera possible pour vous tenir la memoire fraische de celuy qui, quoy que indigne et inutile, est glorieux d'estre et se pouvoir dire toute sa vie,.

  A013001488 

 Celuy du Combat spirituel contient tout ce qu'il dit, et plus clairement et plus methodiquement..

  A013001488 

 Le livre de La Methode de servir Dieu est bon, [161] mais embarrassé et difficile plus qu'il ne vous est requis.

  A013001489 

 C'est le grand chemin, ma chere Fille, duquel il ne nous faut pas encores departir jusques a ce que le jour soit un petit plus grand et que nous puissions bien discerner les sentiers.

  A013001489 

 De ne se servir en l'orayson ni de l'imagination ni de l'entendement, il n'est pas possible; mais de ne s'en servir point que pour esmouvoir la volonté, et, la volonté estant esmeuë, de l'employer plus que l'imagination ni l'entendement, cela se doit faire indubitablement.

  A013001506 

 Cela me gardera de m'estendre plus au long sur ce sujet de la devotion de ces deux dames; mesme, puisqu'il faut que, changeant de propos, je vous supplie d'avoir en recommandation les droitz du sieur de Longecombe, Religieux de Nantua, duquel la famille m'appartient d'un'alliance si estroitte qu'il ne se peut dire plus, et est toute pleyne de vertu.

  A013001506 

 J'ay dautant plus de courage en cet office que je desire luy rendre, qu'il est defendeur et appellé, et que j'estime sa cause fort juste.

  A013001524 

 Ma chere Seur, si vostre confesseur juge a propos que vous communiies plus souvent que tous les huit jours, [166] vous le pourres faire; car je pense qu'il voit et considere soigneusement l'estat de vostre ame pour vous bien conduire en ce point.

  A013001526 

 Vostre plus humble serviteur et frere,.

  A013001529 

 Vous me faites tous-jours des excuses; pour l'honneur de Dieu, non plus, car il semble que vous ne sçachies pas quelle ame sa divine bonté m'a donnee en vostre endroit..

  A013001542 

 Je vous en supplie de rechef, et priant Nostre Seigneur quil accroisse tous-jours de plus en plus ses benedictions en vous, je demeure,.

  A013001560 

 C'est pourquoy, affin de le ranger plus tost, il seroit a propos que vous fissies une attestation comme du costé de vostre Chapitre [169] et des Religieux, vous me receustes en qualité de Superieur, et acquiescés pleinement a mes ordonnances.

  A013001578 

 Mais je ne puis implorer a cette intention que la mesme bonté que le sieur de Manigod me fait implorer pour luy, et a laquelle j'auray plus ample recours, a la fin de tout le payement que je ne verray jamais si tost achevé que je souhaitte..

  A013001629 

 Voicy qu'en fin j'ay receu la lettre que vous m'escrivi tes le 28 decembre de l'an passé; et le pauvre La Pause, a qui ell'avoit esté remise, s'estant rompu une jambe aupres de Mascon, n'a peu me l'apporter plus tost.

  A013001630 

 Mais il y a cela de plus: c'est quil faut que la main du vigneron qui l'esmonde soit plus delicate, dautant que les superfluités qui surcroissent sont si minces et deliees que, en leur commencement, on ne sçauroit presque les voir, si on n'a les yeux bien essuiés et ouvertz.

  A013001630 

 Ne voyt on pas que les vignes qui produisent le meilleur vin sont plus sujettes aux superfluités et ont plus de besoin d'estre emondees et retranchees? Tell'est l'amitié, mesme spirituelle.

  A013001630 

 Qu'elle ne s'estonne nullement de cet inconvenient; car ce n'est qu'une crasse et rouilleure qui a accoustumé de s'engendrer au cœur humain sur les plus pures et sinceres affections, si on ne s'en prend garde.

  A013001631 

 Il me reste a vous dire, ma tres chere Seur, que le chemin de devotion le plus asseuré, c'est celuy qui est au pied de [la] Croix: d'humilité, de simplicité, de douceur de cœur.

  A013001664 

 Que si monsieur le chevalier Bergera a des-ja l'ordre en main et que ce retardement vienne de sa part, je me plaindray beaucoup plus de luy, qui sçait par combien d'assemblees et de disputes je luy ay clairement fait voir la necessité de cette provision..

  A013001683 

 Vous ne sçauries sans doute, Madame ma chere Cousine, communiquer vos desplaysirs petitz ou grans, non plus que vos contentemens, a un'ame plus sincere en vostre endroit ni plus entierement vostre que la mienne; et ne doutes nullement que je n'observe avec toute fidelité le secret auquel, outre la loy commune, la confiance que vous prenes en moy me lie indissolublement.

  A013001685 

 Alles cependant tout bellement aux exercices de l'exterieur, et ne vous charges pas d'aller a Saint Claude a pied, non plus que ma bonne tante madame du Foug, laquelle n'est plus de l'aage auquel ell'y alla, quand je l'accompagnay.

  A013001688 

 Vostre cousin et serviteur plus humble,.

  A013001704 

 Seigneur Dieu, que dites vous, ma tres chere Fille? Vous puis je servir de lien, moy, qui n'ay point de plus grand desir sur vous que de vous voir en l'entiere et parfaite liberté de cœur des enfans de Dieu? Mais je vous entens bien, ma chere Fille, vous ne voules pas dire cela; vous voules dire que vous penses que ma survivance soit a la gloire de Dieu, et pour cela vous vous y sentes affectionnee.

  A013001705 

 Et, si vous voules que je vous die tout, elle n'agissoit pas si souëfvement au commencement que Dieu me l'envoya (car c'est luy sans doute), comme elle fait maintenant, qu'elle est infiniment forte, et, ce me semble, [182] tous-jours plus forte, quoy que sans secousse ni impetuosité.

  A013001705 

 Mais sçaves vous quelle parole je vous donneray bien? C'est d'avoir plus soin de ma santé dores-en-avant, quoy que j'en aye tous-jours eu plus que je ne merite; et, Dieu mercy, je la sens fort entiere maintenant, ayant absolument retranché les veillees du soir et les escritures que j'y soulois faire, et mangeant plus a propos aussi.

  A013001710 

 J'appreuve encor plus que vous facies ces ouvrages de vos mains, comme le filer et semblables, aux heures que rien de plus grand ne vous occupe, et que vos besoignes soyent destinees ou aux autelz ou pour les pauvres; mais non pas que ce soit avec si grande rigueur que, s'il vous advenoit de faire quelque chose pour vous ou les vostres, vous voulussies pour cela vous contraindre a donner aux pauvres la valeur; car il faut par tout que la sainte liberté et franchise regne, et que nous n'ayons point d'autre loy ni contrainte que celle de l'amour, lequel, quand il nous dictera de faire quelque besoigne pour les nostres, il ne doit point estre [184] corrigé comme s'il avoit mal fait, ni luy faire payer l'amende comme vous voudries faire.

  A013001716 

 Ce pendant, vous fileres vostre quenouille, non point avec ces grans et gros fuseaux, car vos doigtz ne les sçauroyent manier, mais seulement selon vostre petite portee: l'humilité, la patience, l'abjection, la douceur de cœur, la resignation, la simplicité, la charité des pauvres malades, le support des fascheux et semblables imitations pourront bien entrer en vostre petit fuseau, et vos doigtz le manieront bien en la conversation de sainte Monique, de sainte Paule, de sainte Elizabeth, de sainte Liduvine et plusieurs autres qui sont aux piedz de vostre glorieuse Abbesse, laquelle, pouvant manier toute sorte de fuseau, manie plus volontier ces petitz, a mon advis, pour nous donner exemple..

  A013001717 

 Cela pourtant, sans bruit, sans incommoder nos affaires, sans laisser de filer non plus l'une que l'autre quenoüille.

  A013001717 

 Et bien, c'est asses, pour ce coup, parlé de la laine de nostre Aigneau immaculé; mais de sa divine chair, n'en mangerons-nous pas un peu plus souvent? O qu'elle est souëfve et nourrissante! Je dis que, se pouvant commodement faire, il sera bon de la recevoir un jour de la semaine, le jeudy, outre le Dimanche, sinon que quelque feste se presentast a quelque autre jour emmi la semaine.

  A013001719 

 On m'avoit dit qu'il avoit obtenu un prieuré proche de ce diocese: c'est Nantua, mais je n'en entens plus rien.

  A013001721 

 Et avec vous, feray je point quelque petite ceremonie pour vous remettre ce fardeau sur les bras? Je vous asseure que cela ne seroit pas en mon pouvoir; mais ouy bien de vous supplier, mais je dis conjurer, et s'il se peut dire quelque chose de plus, que vous ayes a me marquer tout ce qui sera requis pour l'equiper et tenir equipee a vostre guise, comme les princesses d'Espagne font, quand on leur donne des filles pour menines, car cela je le veux, et tres absolument; voire, jusques a luy faire porter un chaperon de drap, si cela appartient a vos livrees.

  A013001725 

 Ce pauvre garçon n'est point bien fait de santé; il se traisne tant qu'il peut, avec plus de cœur que de force.

  A013001730 

 De ma vie, que j'aye memoire, je n'ay esté plus embesoigné a diverses choses, mais bonnes; je dis ceci pour m'excuser si je ne vous escris plus amplement.

  A013001731 

 J'oubliois de vous prier de m'envoyer le plus tost que vous pourres, des chansons spirituelles que vous aves de dela; faites moy ce bien, je vous prie, ma chere Fille, pour l'amour de Dieu, qui vous veuille benir et conserver eternellement.

  A013001754 

 Aymés tous les prochains, mais sur tout ceux que Dieu veut que vous aymies le plus.

  A013001754 

 Servés Dieu avec un grand courage et, le plus que vous pourres, par les exercices de vostre vocation.

  A013001781 

 J'ay receu vostre lettre icy, emmy le chemin de ma visite, et l'ay renvovee a mon frere de la Thuille, affin qu'avec mes autres freres, il pourvoye a ce que Madame soit satisfaitte par les moyens plus convenables, puisque je suis en un'occupation qui ne me permet pour le present d'y pourvoir moy mesme.

  A013001839 

 Ou est ce que Dieu faisoit resider la force divine qu'il avoit mise en Samson, sinon en ses cheveux, la plus foible partie qui fust en luy? Que je n'oye plus ces paroles d'une fille qui veut servir son Dieu selon son divin playsir, et non selon les goustz et agilités sensibles.

  A013001840 

 Il n'est pourtant point dit que Nostre Dame et saint Joseph, qui estoyent les plus proches de l'Enfant, ouÿssent la voix des Anges ou vissent ces lumieres miraculeuses; au contraire, au lieu d'ouÿr les Anges chanter, ilz oyoient l'Enfant pleurer, et virent, a quelque lumiere empruntee de quelque vile lampe, les yeux de ce divin garçon tout couvertz de larmes, et transissant sous la rigueur du froid.

  A013001841 

 C'est assés dit, ma Fille, et plus que je ne voulois, sur ce sujet des-ja tant discouru entre nous: non plus, je vous prie.

  A013001841 

 Trois croix sans plus, et rangés-vous a celle du Filz, ou a celle de la Mere vostre Abbesse, ou a celle du Disciple: par tout vous seres la bien receuë, avec les autres filles de vostre Ordre qui sont la tout autour..

  A013001845 

 De plus, il y a des vertus abjectes et des vertus honnorables.

  A013001846 

 Des jeunes dames du monde, me voyant en equipage de vraye vefve, disent que je fais la bigotte, et me voyant rire, quoy que modestement, elles disent que je voudrois encores estre recherchee; on ne peut croire que je ne souhaitte plus d'honneur et de rang que je n'ay, que je n'ayme pas ma vocation sans repentir: tout cela sont des morceaux d'abjection; aymer cela, c'est aymer sa propre abjection..

  A013001847 

 Allant au moins miserable: C'est bien dit, car je n'ay pas asses de merites pour faire une Visitation plus sainte..

  A013001847 

 Allant au plus miserable je diray: C'est bien dit que je sois ravalee.

  A013001847 

 Mes seurs me renvoyent a la Visitation des plus miserables, voyla une abjection selon le monde; elles me renvoyent visiter les moins miserables, voyla une abjection selon Dieu; car cette Visitation, selon Dieu est la moins digne, et l'autre, selon le monde.

  A013001849 

 Et en matiere de peché il faut encor plus fort tenir cette regie.

  A013001853 

 Je prieray de plus en plus Nostre Seigneur affin qu'il me donne plus de [207] lumiere pour ce sujet, affin que je puisse voir clairement l' ouy, s'il est plus a sa gloire, ou le non, s'il est plus a son bon playsir.

  A013001854 

 Je vous la diray bien au long, le tems en estant venu; et si elle ne vous donne pas du repos interieur, nous employerons l'advis de quelque autre a qui, peut estre, Dieu communiquera plus clairement son bon playsir.

  A013001855 

 Demeurés, ma Fille, toute resignee es mains de Nostre Seigneur; donnés luy le reste de vos ans, et le supplies qu'il les employe au genre de vie qui luy sera plus aggreable.

  A013001857 

 Mais quant a nostre Aymee, d'autant qu'elle veut demeurer en la tourmente et tempeste du monde, il faut sans doute, avec un soin cent fois plus grand, l'asseurer en la vraye vertu et pieté; il faut beaucoup mieux fournir sa barque de tout l'attelage requis contre le vent et l'orage; il faut luy planter creusement dans son esprit la vraye crainte de Dieu et l'eslever es plus saintz exercices de devotion..

  A013001858 

 Et pour nostre Celse Benigne, je m'asseure que Monsieur son oncle aura plus de soin de l'education de [209] sa petite ame que de celle de son exterieur.

  A013001860 

 Que puis je dire pour arrester ce flux de pensees en vostre cœur? Ne vous mettes point en peyne de le guerir, car cette peyne le rend plus malade.

  A013001861 

 La peur est un plus grand mal que le mal.

  A013001863 

 Je suis infiniment vostre, et plus que vostre..

  A013001884 

 En la mayson d'un prince, ce n'est [214] pas tant d'estre souillon de cuisine comme d'estre gentilhomme de la chambre; mais en la mayson de Dieu, les souillars et souillardes sont les plus dignes bien souvent, par ce qu'encor quilz se souillent, c'est pour l'amour de Dieu, c'est pour sa volonté et son amour; et cette volonté donne le prix a nos actions, non pas l'exterieur.

  A013001885 

 Il y a plus: c'est que si la partie communiee recherchoit elle mesme, le jour de la Communion, le peché ne seroit que tres veniel et tres leger, a cause d'un peu d'irreverence qui entreviendroit.

  A013001886 

 Il faut considerer vos moyens et vos charges, et sur cela proportionner vos aumosnes selon les necessités des pauvres: car en [215] tems de famine, la mayson demeurant sobrement prouveüe, il faut estre plus liberal a donner; en tems d'abonbondance, il est moins requis et est plus loysible de beaucoup espargner..

  A013001887 

 Les confessions annuelles sont bonnes, car elles nous rappellent a la consideration de nostre misere et nous font reconnoistre si nous avançons ou reculons, nous font rafraichir plus vivement nos bons propos; mais il les faut faire sans inquietude et scrupule, non tant pour estre absous que pour estre encouragé, et n'est pas requis de faire si exactement l'examen, mais seulement de gros en gros.

  A013001888 

 Vous me demandies encor, ma chere Seur, un petit memorial des vertus plus propres a une femme mariee; mais de cela je n'en ay pas le loysir.

  A013001889 

 Vous faittes trop de faveur a cette petite et vile creature de la desirer aupres de vous, mais ma mere juge que la vie des chams est plus propre pour les filles de ce pais que celle des villes; c'est cela qui luy fit prendre resolution d'en importuner plus tost madame de Chantal que vous.

  A013001890 

 Quelle consolation de sçavoir que, de plus en plus, [216] monsieur vostre mari reçoit de la douceur et suavité de vostre societé! C'est la, l'une des vertus des femmes mariees, et celle seule que saint Paul indique..

  A013001902 

 Quant a ses moyens, ilz sont telz que monsieur et madame la Presidente vous escrivent, et ses incommodités aussi, lesquelles, comme vous pourres aysement juger, peuvent estre bien aysement effacees; ce qui ne sera pas plus tost fait, que l'on verra ce jeune gentilhomme croistre tous les jours en moyens et bonheur, qui me fait dire sans reserve qu'une damoyselle aura tous-jours beaucoup de contentement avec luy..

  A013001920 

 Je prie incessamment sa divine Majesté qu'elle veuille de plus en plus prosperer Vostre Altesse, de laquelle je suis,.

  A013001938 

 La lettre que ce secrétaire m'a apportée au nom de son auguste et sacrée Majesté m'est parvenue au moment que j'étais occupé à visiter les églises du territoire de Genève, en ce jour même du 29 septembre consacré par l'Eglise à honorer l'Archange saint Michel, pour la plus grande gloire du Christ.

  A013001947 

 C'est un petit miracle que Dieu fait, car tous les soirs, quand je me retire, je ne puis remuer ni mon cors ni mon esprit, tant je suis las par tout; et le matin, je suis plus gay que jamais.

  A013001947 

 Je me porte bien, ma chere Fille, emmi une si grande quantité d'affaires et d'occupations qu'il ne se peut dire de plus.

  A013001957 

 Les conjurations que la bonne madame l'Abbesse me fait d'aller-la sont si puissantes, qu'autre chose ne pourroit me retenir de l'entreprendre maintenant, sinon la plus grande gloire de Dieu qui me tient encor tout cloué sur ce banq..

  A013001960 

 ... Je sçay bien que vous n'aves pas besoin d'autres connoissances pour estre consolee que de celle de Dieu, lequel vous treuveres indubitablement icy, ou il attend les pecheurs a penitence et les penitens a sainteté, comme il fait aussi a tous les endroitz du monde; car je l'ay mesme rencontré tout plein de douceur et de suavité parmi nos plus hautes et aspres montaignes, ou beaucoup de simples ames le cherissoyent et adoroyent en toute verité et sincerité, et les chevreuilz et chamois couroyent ça et la parmi les effroyables glaces pour annoncer ses louanges.

  A013001961 

 Quelz esguillons pour moy, ma chere Fille! Ce pasteur qui court par des lieux si hazardeux pour une seule vache; cette cheute si horrible que l'ardeur de la poursuite luy cause, pendant quil regarde plus tost ou est sa queste et ou ell'a mis ses pieds que non pas ou il est luy mesme et ou il chemine; cette charité du voysin qui s'abisme luy mesme pour oster son ami de l'abisme: ces glaces me devoyent elles pas ou geler de crainte ou brusler d'amour?.

  A013001975 

 Je vous escrivis, il y a six semaines, pour respondre a tout ce que vous m'avies demandé, et ne doute nullement que vous n'ayés receu ma lettre; qui me fera tenir plus resserré en celle ci.

  A013001975 

 Selon ce que vous me proposes par la vostre du 26 septembre, j'appreuve que nostre bonne Abbesse commence a bien establir ces petites regles que nostre pere a dressees, non pas pour s'arrester-la, mais pour passer par apres plus aysement a plus grande perfection.

  A013001977 

 Je vous l'ay dit d'autrefois: moins nous vivons a nostre goust et moins il y a de nostre choix en nos actions, plus il y a de bonté et de solidité de devotion.

  A013001977 

 Mais non obstant tout cela, il faut beaucoup condescendre a leurs volontés, supporter leurs petites affections et plier le plus quil se pourra, sans rompre nos bons desseins.

  A013001981 

 Je connois une dame, des plus grandes ames que j'aye jamais rencontré, laquelle a demeuré long tems en telle sujettion sous les humeurs de son mari, que, au plus fort de ses devotions et ardeurs, il failloit qu'elle portast sa gorge ouverte et qu'elle fut toute chargee de vanités en l'exterieur, et qu'elle ne communiast jamais (sinon que ce fut a Pasques) qu'en secret et a desceu de tout le monde; autrement ell'eut excité mille tempestes en sa mayson.

  A013001981 

 Mortifies-vous donques joyeusement, et a mesure que vous seres empeschee de faire le bien que vous desirés, faites tant plus ardemment le bien que vous ne desires pas.

  A013001985 

 Vostre, et plus que vostre, frere et serviteur,.

  A013001987 

 M. [Viardot] m'a escrit, et assez cordialement; mais il me semble quil desire sçavoir pourquoy vous ne suives plus ses advis.

  A013002034 

 C'est pourquoi, de toutes mes forces et avec le plus ardent désir, je [232] réclame son assistance et son concours, avec cette bénédiction paternelle et cette bienveillance que Votre Sainteté accorde volontiers à ceux qu'Elle regarde comme des fils soumis en toute déférence..

  A013002095 

 Alors, de même que de vos Annales, plus précieuses que l'or et la topaze, vous avez fait jaillir avec tant de bonheur le souffle de la bouche du Christ et son glaive à deux tranchants, de même vous déploierez l'autorité dont vous êtes revêtu, pour exercer la vengeance [du Seigneur] sur les nations schismatiques et ses châtiments sur les peuples hérétiques..

  A013002095 

 La bienveillance et la sainte amabilité que vous m'avez témoignées pendant mon séjour à Rome, me donnent plus de hardiesse pour implorer l'appui de votre intervention, aujourd'hui que j'envoie mon propre frère, chanoine de mon Eglise, visiter le seuil des saints Apôtres et demander au Saint-Siège Apostolique tous les remèdes nécessaires au relèvement de ce diocèse.

  A013002117 

 Je plaide aujourd'hui la cause de ce diocèse qui, plus que tous les autres diocèses du monde chrétien, mérite l'appui de la bienveillance apostolique, la faveur des prélats et la sympathie de tous les gens de bien.

  A013002118 

 Pour lui rendre hommage et gloire, je souhaite que le même Christ et Seigneur prolonge le plus longtemps possible la prospérité de vos jours, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, dont je baise la pourpre....

  A013002124 

 Oh! qu'il tienne le second rang apres celuy de nostre Baptesme: jour du renouvellement de nostre temple interieur; jour auquel, par un eschange favorable, nous consacrasmes nostre vie a Dieu pour ne plus vivre qu'en sa mort; jour fondement, Dieu aydant, de nostre salut; jour presage de la sainte et desirable eternité de gloire, jour duquel le souvenir nous res-jouira non seulement en la mort temporelle, mais encor en la vie immortelle.

  A013002125 

 C'est un point tres admirable; car voyes vous, ma Fille, les humilités que l'on voit le moins sont les plus fines.

  A013002135 

 En vous attendant, madame vostre chere Presidente et moy nous prions pour vostre santé emmi les devotions du Jubilé, et nous entretenons de vostre retour et comme, si une fois nous vous pouvons tenir, nous ne permettrons plus que vous nous laissies.

  A013002135 

 Revenes donq, mon cher Frere, mais revenés apres avoir bien confirmé vostre santé, laquelle nous est prætieuse plus qu'il ne se peut dire.

  A013002151 

 Je sçai que l'abandonnement de vostre pere vous afflige, mais repetes souvent et de cœur et de bouche la [244] parole du Profete: Mon pere et ma mere m'ont delaissé, et le Seigneur m'a eslevé a soy. C'est une croix, sans doute, a une fille que d'estre ainsy abandonnee du secours des hommes; mais c'est une croix tressainte et qui est la plus propre pour gaigner plus entierement l'amour de Dieu.

  A013002189 

 Car tel a esté le courage de nostre Capitaine, de sa Mere et de ses Apostres et des plus vaillans soldatz de cette milice celeste; courage avec lequel ilz ont surmonté les tyrans, sousmis les Rois et gaigné tout le monde a l'obeissance du Crucifix..

  A013002190 

 Soyés esgale, ma tres chere Fille, envers toutes ces bonnes filles; salués-les, honnorés-les, ne les fuyés point; ne les suivés non plus qu'a mesure qu'elles tesmoigneront de le desirer.

  A013002208 

 De plus, à mon retour, c'est à peine si j'ai trouvé quelqu'un pour lui confier ce billet, à cause des divers chemins détournés qu'il faut prendre pour aller à vous.

  A013002208 

 Sans doute, [249] excellent Docteur, vous serez surpris que j'aie différé plus qu'il ne convenait de vous adresser mes si justes remerciements.

  A013002231 

 Je ne puis plus escrire, et suis celuy que Dieu a voulu estre vostre en la façon que luy seul sçait.

  A013002256 

 Comme il désirait visiter les saints lieux, il m'a demandé, pour Votre Sainteté, afin d'être plus favorablement et plus librement admis à ses pieds, une lettre où je rendisse témoignage, comme c'est la vérité, de sa religion et de sa foi.

  A013002301 

 Il vous tarde que vous ne sçachies de mes nouvelles; mais je ne puis penser a quoy il tient que vous n'en ayes plus souvent, car j'escris a toutes occasions, et mon affection n'en laisse pas escouler une seule qu'elle ne me violente pour l'employer..

  A013002301 

 Je m'en vay vous dire tout ce que je pourray le plus vistement et briefvement que je sçauray, car je n'ay nul loysir, l'homme de monsieur de Sainte Claire m'estant arrivé en un tems que je n'ay que ce soir pour escrire, je pense, vingt lettres.

  A013002303 

 Que s'il vous la remet pour l'avoir pres de vous, je n'en seray que plus ayse, puisqu'elle ne sera moins aupres de luy, et sera plus pres de vous et de madamoyselle vostre fille, que je pense ne devoir estre guere [plus] aagee qu'elle.

  A013002309 

 Vostre frere et serviteur plus humble,.

  A013002312 

 Vous aves rayson de vous accuser de la superfluité et exces dont vous uses a toutes les compaignies; mais apportés-y donques de la moderation et voyés de garder cette regie: c'est que vous traitties en sorte qu'eu esgard a vostre qualité et de ceux que vous traittes, vous ne facies pas comme les moins liberaux et magnifiques de vostre condition, ni aussi comme les plus magnifiques et liberaux.

  A013002318 

 Que si toutes les lettres que je vous ay escrittes pendant ce tems-la estoyent en un pacquet, elles seroyent bien en plus grand nombre; car, tant que j'ay peu, j'ay tous-jours escrit et par Lion et par Dijon.

  A013002321 

 Vous y verrés des Cordelieres du Tiers Ordre, que l'on loue fort; et peut estre un'Abbesse d'un'autre Religion qui est a quatre liëues de lâ, c'est a dire a Baume les Nonains, qui est fort vertueuse, des plus grandes maysons [262] de mon diocæse et qui m'ayme singulierement.

  A013002322 

 Or sus, croyes moy je vous prie, ma chere Fille, j'ay pense, il y a plus de troys moys, a vous escrire que ce Caresme nous ferions bien de faire une desfaite de nostre vertugadin.

  A013002323 

 Mais bien, il arrive souvent que, en battant les bleds et pressant les raysins, on treuve plus de bien que les moyssons et vendanges n'en promettoyent pas.

  A013002324 

 Il faut seulement se bien maintenir en ces deux-la; l'une est la plus basse, l'autre, la plus haute.

  A013002330 

 Mais c'est une besoigne de longue haleyne et que je n'eusse pas osé entreprendre si quelques uns de mes plus confidens ne m'y eussent poussé; vous en verres quelque bonne piece quand vous viendrés.

  A013002332 

 O Dieu me face vrayement enfant en innocence et simplicité! Mais ne suis je pas aussi un vray simple de vous dire ceci? Il ni a remede, je vous fay voir mon cœur tel qu'il est et selon la varieté de ses mouvemens, affin que, comme dit l'Apostre, vous ne pensies de moy plus quil ni a en moy..

  A013002333 

 « Oüy, » ce m'a tantost respondu une petite fille, « il est plus mien que je ne suis sienne et plus que je ne suis pas mienne a moy mesme.

  A013002351 

 C'est un horologe detraqué; il [268] faut le demonter piece a piece, et apres l'avoir nettoyé et enhuylé, le remonter pour le faire sonner plus juste..

  A013002364 

 Si j'eusse sceu plus tost vostre dessein, je vous eusse prié d'y employer mon frere, lequel est a Romme des Noël pour les affaires de ce diocæse, et eut esté glorieux de vous obeir; mais il n'est plus tems maintenant, puis que avant que vos lettres soyent a Romme, il sera en chemin pour son retour.

  A013002367 

 Vostre confrere et serviteur plus humble,.

  A013002379 

 Pour le voyage du Puy d'Orbe, je vay meditant comment et quand; et, pour le faire plus a propos, je ne ferois pas difficulté de le differer de quelques moys.

  A013002379 

 Un peu plus tost, un peu plus tard, il n'importe.

  A013002384 

 Vostre confrere plus humble....

  A013002410 

 Je vous escriray au plus tost la resolution..

  A013002426 

 Je ne sçavois lequel pousser plus avant, ou le nouveau pour sa necessité, ou le vostre pour mon affection.

  A013002439 

 Vostre plus affectionné en Nostre Seigneur,.

  A013002451 

 Et en chasque commandement il faut faire deux rancz: l'un, des fautes plus sensibles, desquelles il faut dire a peu pres le nombre; l'autre, des menues fautes, quil faut dire en bloc, et vous n'aves pas besoin de particulariser rien davantage..

  A013002453 

 L'arbre touffu c'est le meurte; et puisqu'il represente [278] l'humilité et abjection de soy mesme, celle la l'a mieux nommé qui a le plus humblement cedé..

  A013002481 

 Car, ma chere Mere, voyes-vous, je vous veux parler un peu plus tendrement des-ormais de me promettre vostre venue a Saint Claude.

  A013002483 

 Vostre filz et serviteur plus humble et affectionné,.

  A013002493 

 Mais saches, ma chere Fille, qu'hier seulement cette resolution fut prise, contre toute esperance, mais si a souhait que rien plus: voyla pourquoy je dis que Dieu le veut..

  A013002494 

 Et neanmoins je vous envoyeray Claude des le premier jour de may pour en avoir encor plus d'asseurance, car je le desire extremement..

  A013002495 

 La dame delaquelle je vous escrivois fait merveille, et m'a tant prié que je la face venir des chams pour vous recevoir, que rien plus.

  A013002514 

 Vostre serviteur plus humble et affectionné,.

  A013002532 

 A Dieu donq, ma tres chere Fille, jusques a ce tems la; et en ce tems la et en l'eternité, a Dieu soyons nous, et a Dieu sans plus, puisque hors de luy et sans luy nous ne voulons rien, non pas mesme nous mesmes, qui aussi bien, hors de luy et sans luy, ne sommes que des vrays riens.

  A013002559 

 Or sus, je sçai bien que quand par bonne rencontre on treuve Dieu, c'est bien fait de s'entretenir a le regarder et arrester en luy; mais, ma chere Fille, de le penser tous-jours rencontrer ainsy a l'impourveu, sans preparation, je ne pense pas qu'il soit encor bon pour nous qui sommes encor novices, et qui avons plus besoin de considerer les vertus du Crucifix l'une apres l'autre et en detail, que de les admirer en gros et en bloc.

  A013002564 

 Il me semble que j'ay satisfait a tout ce que vous desiries de sçavoir de moy, qui n'ay point de plus grand desir que de vous servir fidellement en cet endroit.

  A013002564 

 Je [291] desirois bien de vous voir, mais il n'estoit pas convenable que je le voulusse; Dieu disposera peut estre quelque moyen plus propre pour cela.

  A013002567 

 Vostre serviteur et frere plus humble et tout dedié,.

  A013002575 

 Pour moy, je le sens tous-jours plus l'erme en mon ame; et puis que, apres tant de considerations, de prieres et de sacrifices, nous avons fait nos resolutions, ne permettés point a vostre cœur de s'appliquer a des autres desirs; mais, benissant Dieu de l'excellence des autres vocations, arrestés-vous humblement a celle-ci, plus basse et moins digne, mais plus propre a vostre suffisance et plus digne de vostre petitesse.

  A013002577 

 Il m'a rendu, ma chere Fille, et me rend tous les jours plus, ce me semble, au moins plus sensiblement, plus suavement, du tout, en tout et sans reserve, uniquement, inviolablement vostre; mais vostre en luy et par luy, a qui soit honneur et gloire aux siecles des siecles, et a sa sainte Mere.

  A013002588 

 Mais je le confesse, mon esprit n'avoit pas congé de s'espancher comme cela, il s'est eschappé: il luy faut pardonner pour cette fois, a la charge qu'il n'en dira plus mot..

  A013002594 

 Nous sommes asses riches si ce tresor nous reste, [296] comme il fera infalliblement, Dieu aydant, lequel me rend tous-jours plus puissamment et inviolablement vostre.

  A013002594 

 Priés souvent pour celuy qui ne sçauroit prier sans vous faire part de ses prieres, ni plus desirer son salut que le vostre.

  A013002617 

 Baysés souvent de cœur les croix que Nostre Seigneur vous a luy mesme mises sur les bras; ne regardés point si elles sont de bois pretieux ou odorant: elles sont plus croix quand elles sont d'un bois vil, abject, puant.

  A013002617 

 Prattiqués les mortifications desquelles le sujet se presente plus souvent a vous, car c'est une besoigne qu'il faut faire la premiere; apres celle-la nous en ferons d'autres.

  A013002619 

 O Dieu, les plus belles ne sont pas les meilleures.

  A013002619 

 Vous voudries bien qu'il vous offrist d'autres plus belles mortifications.

  A013002622 

 Vostre frere et serviteur plus humble,.

  A013002647 

 Non, ma Fille, ne marqués plus ainsy par le menu vos defautz, remarqués-les seulement en bloc; car cela suffira abondamment pour vous faire connoistre a qui vous desires et pour vostre direction..

  A013002649 

 Ce n'est plus le tems de nos saintes Paule et Melanie; arrestons nous la.

  A013002649 

 Nous aurons asses a faire de reduire en effect nos resolutions, lesquelles neanmoins me contentent tous les jours plus, et j'y voy tous-jours plus de la gloire de Dieu, en la seule providence duquel j'espere cet evenement..

  A013002650 

 A la verité dire, les pauvres petites et blanches colombelles sont bien plus aggreables que les serpens; et quand il faut joindre les qualités de l'un a celles de l'autre, pour moy, je ne voudrois nullement donner la simplicité de la colombe au serpent, car le serpent ne laisseroit pas d'estre serpent; mais je voudrois donner la prudence du serpent a la colombe, car elle ne laisseroit pas d'estre belle..

  A013002651 

 Bien, escrivés-moy donques de ces duplicités ce qui vous en faschera le plus; je m'essayeray de vous bien esclaircir sur cela, car je m'y entens un peu..

  A013002654 

 Croyés-moy, mon ame ne m'est point, ce me semble, plus chere que la vostre.

  A013002668 

 J'ay, ce me semble, plus de volonté et de desir a l'amour de nostre Sauveur que je n'ay jamais eu.

  A013002668 

 Je fay par tout prier Dieu pour vous, et veux, Dieu aydant, prier encor plus et mieux que je n'ay fait ci devant.

  A013002669 

 Je suis celuy quil rend tous-jours plus vostre..

  A013002683 

 Je dis a Dieu, ma Fille, parce que je me confirme tous les jours plus en la creance que j'ay que c'est Dieu qui m'impose ce devoir: c'est pourquoy je le cheris si incomparablement..

  A013002687 

 Ne voyla pas un merveilleux secret? Je pense que c'est cela que les Docteurs disent, que pour faire l'orayson il est bon de penser qu'il n'y a que Dieu au monde; car sans doute, cela retire fort les puissances de l'ame et l'application d'icelles s'en fait bien plus forte..

  A013002706 

 Vous sçaves bien, au reste, de quelle sorte mon cœur vous cherit: c'est, ma tres chere Fille, plus que vous ne sçauries dire.

  A013002714 

 Je vous supplie donques, [314] Monsieur, de luy estre favorable en cela, puisque, par ce moyen, il retournera plus tost en son eglise a prier Dieu, comme je fay, quil vous conserve et prospere longuement, et que la faveur dont vous le gratifierés sera un juste adveu que vous me tenes et aymes,.

  A013002746 

 De plus, bien d'autres, en voyant un lieu de rendez-vous s'ouvrir devant eux, seraient engagés à se convertir, et à la longue, ce ne serait pas un petit préjudice pour Genève qui perdrait ainsi une grande partie de son commerce et de ses ouvriers..

  A013002761 

 Mais il y a plus: c'est que je me mocquois en moy mesme de ma foiblesse, et mon esprit voyoit clair comme le jour que tout cela estoit une inquietude d'un vray petit enfant; mais de treuver le chemin d'en sortir, nulle nouvelle.

  A013002775 

 Mais le tort de sa dote confessee et non receue reviendroit a messieurs vos parens plus proches, si vous mouries sans enfans; car il [319] faudroit quilz ramboursassent la somme de la dote a ces messieurs qui seroyent substitués, ou au moins cela le (sic) mettroit en proces.

  A013002795 

 Faites donques avec gayeté de cœur tout cela; et de mon costé, en correspondant a la confiance que vous aves en moy, je prieray sa divine Majesté qu'elle vous [321] remplisse des graces de son Saint Esprit et vous rende de plus en plus uniquement sienne..

  A013002806 

 Mais ce qui me contente le plus est mon petit neveu, filz aisné de la mayson: sa nourrice m'asseure qu'ordinairement il tette [322] les mains jointes, avec une posture fort devote.

  A013002815 

 J'ay fort prié ce porteur, qui est des vieux serviteurs de la mayson de Monsieur et de mes bons amis et voysins, [323] de vous saluer de ma part avec le plus d'efficace qu'il pourra.

  A013002816 

 Et m'y plairois bien davantage, si ce n'estoit ces petites riottes qui pullulent tous les jours entre les officiers de Monsieur, desquelz quelques uns se rendent plus aigres qu'ilz ne devroyent contre le bon monsieur Favre, duquel ilz espuisent les belles humeurs et l'aage.

  A013002820 

 Vostre serviteur tres affectionné et plus humble,.

  A013002848 

 En vérité, je désire beaucoup avoir cette copie; car la controverse soulevée en Espagne est de la plus [326] grande conséquence pour nos contrées désolées par l'hérésie.

  A013002864 

 Dimanche matin, elle envoya prendre mon frere le chanoyne; et parce qu'elle l'avoit veu fort triste, et tous les autres freres aussi le soir precedent, elle luy commença a dire: « J'ay resvé toute la nuit que ma fille Jane est morte; dites moy, je vous prie, est il pas vray? » Mon frere, qui attendoit que je fusse arrivé pour le luy dire, car j'estois a la visite, voyant cette belle ouverture de luy presenter le hanap et qu'elle estoit couchee en son lit: « Il est vray, » dit il, « ma mere; » et cela sans plus, car il n'eut pas asses de force pour rien adjouster.

  A013002864 

 Jamais je ne vis une douleur plus tranquille: tant de larmes que merveilles, mais tout cela par des simples attendrissemens de cœur, sans aucune sorte de fierté.

  A013002866 

 Helas, ma Fille, je suis tant homme que rien plus.

  A013002866 

 Mon cœur s'est attendri plus que je n'eusse jamais pensé; mais la verité est que le desplaysir de ma mere et le vostre y ont beaucoup contribué, car j'ay eu peur de vostre cœur et de celuy de ma mere.

  A013002870 

 Je luy en sçai bon gré; car ces cœurs a demi mortz, a quoy sont-ilz bons? Mais il faut que nous fassions un exercice particulier, toutes les semaines une fois, de vouloir et d'aymer la volonté de Dieu plus vigoureusement, je passe plus avant: plus tendrement, plus amoureusement que nulle chose du monde; et cela, non seulement es occurrences supportables, mais aux plus insupportables.

  A013002872 

 Mais il y a de plus: c'est que toutes nos pertes et nos separations ne sont que pour ce petit moment.

  A013002886 

 Il faut faire de nostre costé une preparation proportionnee a nostre portee, et quand Dieu nous portera plus haut, a luy seul en soit la gloire..

  A013002890 

 Vostre [plus humble frere et serviteur.].

  A013002919 

 Je vous escriray bien tost plus au long et de point en point; je considereray vos lettres pour voir sil y a quelque chose a respondre.

  A013002923 

 Mais dites moy, ma chere Fille, n'est ce pas nostre bon Dieu qui ouvre le chemin au mariage de nos jeunes gens? Cette facilité de messieurs vos plus proches, d'ou peut elle provenir que de la Providence celeste? De deça, ma Fille, je le confesse, mon esprit y est, je ne dis pas porté, mais lié et collé; ma mere ne pense qu'a cela, toute la fraternité y conspire; et tandis que la sayson s'advancera, prions bien Dieu que sa sainte main conduise l'œuvre.

  A013002945 

 Seulement vous supplie-je bien humblement de croire que vous ne pouvies pas obliger de cet honneur des gens qui le receussent avec plus de ressentiment que nous faysons, mes proches et moy, qui tous en sommes remplis de consolation.

  A013002946 

 En mon particulier, Monsieur, permettes moy que je dise que l'amitié non seulement fraternelle, mais encor paternelle, que je portois a ma petite seur, m'est demeuree en l'esprit pour la donner a cette autre encor plus petite seur que, ce me semble, me preparés; et si, la luy donneray avec un surcroist de respect et d'estime tout singulier, en consideration de l'honneur extreme que je vous porte, Monsieur, et a Monsieur de Bourges et a monsieur le President, sans y comprendre ce que je pense de la dilection que je dois a madame sa mere, vostre chere fille..

  A013002949 

 De vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A013002965 

 Je loüe Dieu de tout mon cœur de la santé de madame ma chere tante, et permettes moy de commencer ma salutation par l'endroit qui m'est maintenant le plus sensible.

  A013002965 

 Oüy, Monsieur mon Oncle, car sur mon chemin de ma visite, on me dit si asseurement que Dieu avoit retiree son ame de ce monde, que je ne la recommanday plus a sa divine Majesté qu'en qualité de trespassé, apres en avoir eu les desplaysirs et tristesses que la sincere affection de neveu et serviteur bien humble que je luy suis me fournissoit.

  A013002970 

 Vostre neveu et serviteur plus humble,.

  A013003009 

 Mon cher la Thuille vous salue humblement; il est icy aupres de moy, et je m'asseure que ma bonne mere ne fut jamais plus satisfaitte ni plus contente, ni la devotion plus florissante dans la famille.

  A013003029 

 Quant à mes félicitations personnelles, elles ont d'autant plus de spontanéité et d'à-propos que j'ai connu le mieux du monde le candidat proposé pour cette dignité.

  A013003029 

 Un si beau talent ne pouvait être renfermé plus longtemps dans des bornes si étroites.

  A013003030 

 Et il sera bien plus alerte pour [352] cette tâche, si Votre Sainteté, dans sa bienveillance, daigne le stimuler, l'encourager, le protéger, l'affermir par son amour paternel..

  A013003056 

 Je suis bien ayse, ma Fille, que vous facies les litz des pauvres malades; et si, je suis bien ayse que vous y ayes de la repugnance, car cette repugnance est un plus grand sujet d'abjection que la puanteur et saleté qui la provoque..

  A013003068 

 Je prens la plume pour vous escrire le plus que je pourray, et avec desir de vous escrire beaucoup, en contres-change du long tems qu'il y a, ce me semble, que je ne vous ay point escrit qu'en courant.

  A013003069 

 En la premiere vous me dites que vous vous sentes affamee plus que l'ordinaire de la tres sainte Communion.

  A013003075 

 Au partir de la, elle est l'aysnee; et si, je suis obligé de l'aymer plus tendrement parce qu'un [jour] que vous n'esties pas au logis a Dijon, elle me fit bien des faveurs et me permit de la bayser d'un bayser d'innocence.

  A013003076 

 Pour les conditions que je desire en vostre obeissance, elles sont toutes en une; car je n'y desire que la simplicité, laquelle fait acquiescer doucement le cœur [359] au commandement et fait qu'on s'estime bienheureux d'obeir, mesme es choses repugnantes, et plus en celles-la qu'en nulle autre..

  A013003079 

 Il faut, pendant que je m'en resouviens, que je vous defende ce mot de saint quand vous escrivés de moy, car, ma Fille, je suis plus faint que saint: aussi la canonization des saintz ne vous appartient pas.

  A013003090 

 Nos dames me sont venues voir cett'apres disné et m'ont empesché de vous escrire avec plus de loysir.

  A013003107 

 Vostre confrere plus humble,.

  A013003119 

 Dans troys jours ou quatre, nos chanoynes envoyent a Dijon; il faudra que lhors j'y aille, et peut estre auray je plus de loysir..

  A013003119 

 Non plus, ma chere Fille, car je ne puis plus.

  A013003124 

 Je dis ceci affin que vous ne pensassies pas, pour n'estre pas empressee, qu'il faille ne pas m'escrire le plus souvent que vous pourres.

  A013003133 

 Tout cela ne m'estonne nullement, car vous aves un esprit si douillet et jaloux de ce que vous aves en resolution, que tout ce qui le touche a biais contraire vous est si sensible [367] que rien plus; et je vous ay dit mille fois qu'il ne faut pas, ma chere Fille, aller si pointilleusement en nostre besoigne..

  A013003134 

 Je m'en mocquay, et ne voulus pas seulement penser si j'y pensois; il alla tost en fumee et je ne le vis plus.

  A013003135 

 Mon Dieu, ma Fille, je voudrois que vous eussies la peau du cœur un peu plus dure, affin que vous ne laissassies pas de dormir pour les puces.

  A013003138 

 Dites luy les considerations qui font differer la sortie, et puis celles que j'ay fait pour le genre de vie apres la sortie (mais, outre tout cela, ce sera sans doute [369] la plus grande gloire de Dieu, pour des raysons que je ne puis dire), et vous verres qu'il dira que nos resolutions sont resolutions faites de la main de Dieu.

  A013003170 

 A Dieu, ma tres chere Fille, jamais je n'eu plus de desir de vous servir que j'en ay maintenant: Dieu m'en donne la grace selon mon souhait.

  A013003184 

 Car, si apres tant de tems, apres [373] tant de demandes a Dieu on ne se resoult pas sans difficulté, comme penserons, sur des considerations faites sans appareil (pour celles qui viennent a gauche) et faites par des simples odeurs et goustz (quant a celles qui viennent a dextre), comme penserons nous, dis-je, bien rencontrer? Or sus, laissons cela, n'en parlons plus..

  A013003184 

 Mais croyes moy: ou je suis le plus trompé homme du monde, ou nos resolutions sont de Dieu et a sa plus grande gloire.

  A013003184 

 Mon Dieu, ma Fille, que vos maux me font de bien, car j'en prie avec plus d'attention, je me metz devant Nostre Seigneur avec plus de pureté d'intention, je me metz plus entierement a l'indifference.

  A013003184 

 Non, ma Fille, ne regardes plus ni a droitte ni a gauche.

  A013003185 

 Pour moy, j'ayme tant les miennes, que quoy que je voye ne me semble point suffisant pour m'oster un'once de la bonn'estime que j'en ay, encor que j'en voye et considere des autres plus excellentes et relevees..

  A013003186 

 C'est comme j'en ay veu plusieurs qui, s'estant mis en cholere, sont par apres en cholere de s'estre mis en cholere; et [374] semble tout cela aux cercles qui se font en l'eau quand on y a jetté une pierre, car il se fait un cercle petit, et cestuy la en fait un plus grand, et cet autre un autre..

  A013003187 

 Mocques vous de la plus part de ces brouilleries, ne debrassés point pour les penser rejetter; moques vous en, divertisses a des actions, tasches de bien dormir.

  A013003189 

 Elle s'est un peu plus estroittement liee au Crucifix et a la dependence de son pere spirituel; non pas que son intention ne fut telle tous-jours, mais non pas si ouverte et declairee..

  A013003210 

 La peste n'est plus nulle part.

  A013003227 

 Or, c'est a vous, mon Pere, a qui je confie ce petit message d'amitié, parce que vous m'aves donné une plus particuliere confiance en la vostre, et que je suis,.

  A013003245 

 Que vous faites bien de treuver Dieu bon et doux et de savourer sa paternelle sollicitude en vostre endroit, dequoy, estant maintenant en lieu ou vous ne pouves pas jouir du tems pour vous exercer a la meditation, il se presente en eschange plus frequemment a vostre cœur pour le fortifier de sa sacree presence.

  A013003245 

 Soyés fidelle a ce divin Espoux de vostre ame, et de plus en plus vous verres que, par mille moyens, il vous fera paroistre son cher amour envers vous..

  A013003246 

 Quand nous savourerons les choses divines, il ne sera plus possible que les mondaines nous reviennent donner appetit.

  A013003248 

 J'ay loüé Dieu dequoy cette pauvre defuncte s'estoit retiree, ce me semble, a la devotion un peu plus cette annee derniere; car c'est un grand signe de la misericorde de [382] Dieu sur elle.

  A013003249 

 Vostre tres affectionné et plus humble cousin et serviteur,.

  A013003260 

 Mon Dieu, que le royaume interieur est heureux quand ce saint amour y regne! Que bienheureuses sont les puissances de nostre ame qui obeissent a un roy si saint et si sage! Non, ma chere Cousine, sous son obeissance et dans cet estat, il ne permet point que les grans pechés habitent, ni mesme aucune affection aux plus moindres.

  A013003264 

 Vostre serviteur et cousin plus humble et tout dedié,.

  A013003276 

 Je ne sçay pas les remedes dont vous deves user, mais je pense bien que si vous pouves vous empescher de l'empressement, vous gaigneres beaucoup; car c'est l'un des plus grans traistres que la devotion et vraye vertu puisse rencontrer.

  A013003280 

 En cette sorte, nous ne nous empresserons point pour luy parler, puisque l'autre occasion d'estre aupres de luy ne nous est pas moins utile, ains peut estre beaucoup plus, encor qu'elle soit un petit moins aggreable a nostre goust..

  A013003280 

 Une autre fois nous serons tout esbahis qu'il nous prendra par la main, et devisera avec nous, et fera cent tours avec nous es allees de son jardin d'orayson; et quand il ne le feroit jamais, contentons-nous que c'est nostre devoir d'estre a sa suitte et que ce nous est une grande grace et un honneur trop plus grand qu'il nous souffre en sa presence.

  A013003294 

 Les arondelles, pour fuir les rigueurs de l'hiver, font passage aux regions plus douces; mais c'est avec un instinct naturel et perpetuelle inclination de retourner es contrees de leur origine [389] quand l'amenité du printems les y invitera.

  A013003297 

 Mais le froid si rigoureux, les glaces si fascheuses de l'hiver de la religion qui domine maintenant dans vos murailles, m'a fait passer en une region plus douce et salutaire, en attendant qu'apres les aspretés de cette sayson si tenebreuse, le Soleil de justice, ramenant sa lumiere sur vostre orison, y face renaistre la prime et premiere amænité de la sainte pieté et devotion....

  A013003309 

 Pardonnes moy, Madame ma tres chere Fille, cette liberté avec laquelle je vous incommode de cette fille, qui ne pourra jamais, non plus que moy, correspondre a l'obligation qu'elle vous a. Nostre Seigneur vous en veuille recompenser, et je suis,.

  A013003311 

 Vostre plus humble mere.

  A013003322 

 Mais aux vefves appartient sur tout l'humilité; car, qui peut enfler la vefve d'orgueil? Elle n'a plus son integrité (laquelle neanmoins peut estre contreschangee par une grande humilité viduale; et est bien mieux d'estre vefve avec force huile en sa lampe que d'estre vierge sans huile ou avec peu d'huile), ni ce qui donne le plus haut prix a ce sexe selon l'estime du monde; elle n'a plus son mari, qui estoit son honneur et duquel ell'a pris le nom.

  A013003322 

 Premierement, ma chere Seur, il m'est venu en memoire que les Docteurs donnent aux vefves pour leur plus propre vertu la sainte humilité.

  A013003323 

 O que c'est une belle fleur que la vefve chrestienne! Petite et basse par humilité, elle n'est guere esclattante aux yeux du monde, car elle les fuit et ne se pare plus pour les attirer sur soy.

  A013003324 

 Entre les gueux, ceux qui sont plus miserables et desquelz les playes sont plus grandes et effroyables, ilz se tiennent pour meilleurs gueux et plus propres a tirer l'aumosne.

  A013003324 

 Nous ne sommes que des gueux; les plus miserables sont de meilleure condition, la misericorde de Dieu les regarde volontiers..

  A013003327 

 J'auray plus tost dit charitablement; car la charité, dit saint Bernard, est joyeuse, et c'est après saint Paul.

  A013003376 

 Mais nous estimerons d'avoir tant plus d'obligation a la faveur que nous recevrons de vostre charité et bienveuillance quand il vous plairra nous accorder cette requeste, laquelle nous vous presentons, sachantz bien que le dessein lequel vous aves de rendre ce devoir de bon Evesque a voz brebis vous pourroit destourner de nous l'accorder, si la consideration d'un plus grand bien que vous pouves faire en nous gratiffiant de cette priere ne vous emouvoit de quicter quelque chose de cette bonne et sainte resolution.

  A013003377 

 Dequoy nous avons encores particulierement chargé le sieur Senateur Favre de vous prier de nostre part et vous asseurer tant plus que nous vous en aurons obligation perpetuelle, et laquelle nous tascherons tous, et en general et en particulier, de recognoistre en vostre endroict par toutte sorte de tesmoignage d'affection a vostre service, d'aussy bon cœur qu'appres vous avoir bien humblement baisé les mains, nous prions Dieu quil luy plaise, Monsieur, vous conserver et accroistre de jour en jour ses sainctes graces, et a nous les vostres..

  A013003412 

 Et le dessein que je vous avois proposé se treuve trop long et trop ennuyeux; car aussy bien fay je conscience de pipper tant de gens qui me prendront pour quelque grand theologien, et me doit bien suffire que j'en trompe des-ja tant d'autres qui me tiennent pour plus grand jurisconsulte que je ne suis.

  A013003412 

 Je treuveray tous-jours belle la forme que vous luy donnerez et ne veux poinct luy en souhaiter de plus belle; j'attendray donc sur ce poinct et vostre volonté et vostre commodité..

  A013003412 

 Je vous baise les mains mille et mille fois de la souvenance que vous avez de moy et de mon chapitre, estant neanmoins bien desplaisant, non tant de la peine que de l'incommodité que ce chapitre vous donne parmy tant d'autres affaires plus importants et plus pressants.

  A013003414 

 Comme j'estois en cest endroit, monsieur Rogex m'est venu advertir de la venue de Monsieur et quil est sur le poinct de partir pour [398] passer outre; qui sera la cause que je ne vous feray ceste plus longue, sinon pour vous dire que l'on n'a poinct de nouvelles de la santé de Son Altesse despuis mercredy dernier, qu'on fut adverty que son acces dernier avoit esté moindre que les autres..

  A013003416 

 La vie me sera tousjours aggreable, quand elle sera accompagnee de la grace de Dieu et de la vostre, et quand elle me donnera plus de moyens de vous tesmoigner par effect que je suis et seray eternellement,.

  A013003430 

 Et comme tout cecy est derivé et plus abondamment, j'espere, derivera d'iceluy qui deit: Cum exaltatus fuero à terra, omnia trabam ad me ipsum, aussi nous preuvrons tous-jours que ceste beniste conformité de noz volontez à la divine, bourgeonne et rend le centiesme à quiconque se sacrifie entierement en holocauste à Dieu.

  A013003432 

 Ceux de Geneve, à l'instant et par l'espace des deux annees suyvantes, m'escrivirent contre par 4 divers aucteurs; je fus contraint, par l'advis de personnes zelantes, de leur respondre briefvement, mais tellement qu'ils n'oserent plus s'attaquer à moy.

  A013003470 

 Elle jeusnoit exactement tous les vendredys; les jours de veille, des quatre Temps et de Caresme, elle ne mangeoit que du pain et des legumes, et ne beuvoit de vin que la moitié de son verre; si elle avoit plus de soif, elle ne beuvoit que d'eau.

  A013003474 

 Elle voulust aller à l'eglise pour recevoir l'Extreme Onction, mais outre qu'elle estoit fort debile, son mary le luy deffendit, lequel toutesfois elle pria de luy faire faire sa biere; ce qu'il refusa, ne luy permettant plus de sortir de la maison.

  A013003476 

 Et apres disner, son mary devant aller à La Roche pour des affaires, elle luy monstra tout ce qu'elle avoit preparé et disposé, luy persuada de dotter la chappelle d'Amancy selon qu'il vous promist, Monseigneur, et de faire faire des habits d'eglise, disant qu'il falloit assembler des thresors au Ciel, et n'avoir plus de goust aux choses qui sont sur la terre, mais à celles qui sont au dessus de nous.

  A013003477 

 Elle fust encore visitée par sa sœur Nicole, qui vouloit demeurer aupres d'elle; mais elle luy dit: « Ma sœur, allez vous-en; vous avez des affaires à La Roche et [405] estes plus malade que moy; nous nous verrons bien-tost en Paradis, avec l'aide de Dieu.

  A013003478 

 Elle devint plus belle apres sa mort qu'elle n'avoit esté durant sa vie et ne rendit point de mauvaises odeurs.

  A013003540 

 Je puis bien, Monsieur, vous promettre la même chose pour Monsieur de Bourges, mon fils; car, outre l'inclination naturelle qu'il en a, je vous assure, Monsieur, que son plus grand desir et contentement seroit de pouvoir mériter l'honneur de vos bonnes graces, comme le mien seroit quelquefois d'avoir le bonheur de recueillir les doux et agréables fruits de votre sainte et douce conversation.

  A013003540 

 Mais puisque votre charge et de meilleures et plus importantes raisons vous retiennent par-delà, je vous supplie, Monsieur, de faire souvent part à lui et à moi du doux miel de vos saints et divins discours, pour nous réveiller du sommeil dans lequel nous nous trouvons presque toujours engagés par les affaires du monde, et rappeller notre esprit à la contemplation de la Divinité et de la béatitude éternelle..

  A013003562 

 Oultre les obligations passees que je vous ay, en voici une nouvelle et bien grande, puisque me voici hors de maladie par voz merites et par l'entremise de voz oraisons plus ferventes et saincts Sacrifices qu'il vous a pleu offrir a Dieu pour ma santé.

  A013003563 

 Et pour vous rendre comte en peu de mots de mon mal, la verité est que j'ay experimenté au plus fort de la maladie, qu'il y a difference [412] entre la meditation qui se fait de la mort en santé et celle qu'engendre la vraie apprehension d'une maladie jugee mortelle.

  A013003569 

 Monseigneur, comment ferons nous pour mettre sous la presse le thresor de devotion de madame de Charmoisy? Il fault, a mon advis, premierement revoir le tout, le disposer, l'intituler et prefasser, avec le nom de l'autheur, affin que le bien soit plus asseuré et plus universel; le tout a la gloire de Dieu.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
  A014000024 

 — La chose la plus importante.

  A014000033 

 — Le projet de la Visitation sourit de plus en plus au saint Evêque, — Son amour pour Notre-Seigneur.

  A014000038 

 — Les sujets de se mortifier plus grands dans le monde qu'en Religion.

  A014000088 

 — Pourquoi le monde est quelquefois plus propice que le cloître à l'acquisition des vertus. 90.

  A014000102 

 — La plus solide des nourritures au Ciel et sur la terre. 103.

  A014000108 

 — Pourquoi M me de Cornillon paraît à son frère plus digne d'affection. 110.

  A014000108 

 — Quand les affaires réussissent-elles plus à souhait.

  A014000110 

 M. de Charmoisy s'apprête à quitter Turin, — Un «ennemi juré des cours.» — Le Saint se réjouit à l'espoir de posséder son ami avec plus de loisir. 113.

  A014000111 

 — L'Evêque de Genève trouve son âme «un peu plus a» son «gré que l'ordinaire,» et pourquoi.

  A014000112 

 — Celui-ci désire y apporter non un esprit de contention, mais de bonne foi; entre les difficultés, il faut choisir les plus importantes et les éplucher.

  A014000135 

 — Le sang du Calvaire et la clarté du Thabor; de ces deux montagnes, quelle est la plus désirable et la plus fructueuse.

  A014000148 

 Un cœur plus que paternel, dégagé et fervent au milieu des tracas.

  A014000160 

 — Le plus grand appui pour s'avancer dans la piété.

  A014000176 

 Remerciements et actions de grâces de la Savoie et de son Evêque pour la promotion d'Antoine Favre «a l'estat de premier President.» — Ce qui donne le plus de douceur à la vie humaine.

  A014000192 

 Parmi les afflictions, les unes sont plus affligeantes, les autres plus dangereuses pour l'âme.

  A014000192 

 — Pourquoi le tracas des procès, plus que tout autre, ôte la paix intérieure.

  A014000197 

 — La vérité est toujours la plus forte. 204.

  A014000215 

 Une galerie où le Saint parlait «plus a commodité» à la Mère de Chantal. 221.

  A014000219 

 Ce qui rend notre durée périssable, et partant plus aimable.

  A014000244 

 [1] Veuille ce mesme Dieu me bien inspirer ce qui sera plus propre pour vostre conduitte..

  A014000247 

 Je ne doute point que Dieu ne vous tienne de sa main, et bien qu'il vous laissera broncher, ce ne sera que pour vous faire connoistre que s'il ne vous tenoit vous tomberies du tout, et affin que vous luy serries la main de plus fort.

  A014000247 

 Quand vous aures le repos, employés-le vivement, faysant le plus d'actes de douceur que vous pourres et es occasions les plus frequentes que vous en ayes, pour petites qu'elles soyent; car, comme dit Nostre Seigneur, qui est fidele es petites choses, on luy confiera les grandes.

  A014000259 

 Je le supplie qu'il vous accompaigne tous-jours de ses saintes consolations et, qu'en icelles, il vous rende de plus en plus sa devote..

  A014000271 

 Dieu me veuille exaucer, Monsieur, et vous seres beni des plus durables benedictions du ciel, et moy je deviendray autant utilement comme je suis affectionnement,.

  A014000271 

 Il m'est advis que la communion de ce saint caractere nous alliera de plus fort; mays en l'attendant, je ne laisseray de prononcer souvent en mon ame le souhait solemnel: Ad multos annos.

  A014000286 

 Le fondement de cette supplication, Sire, est a la verité bien mauvais, mais il n'en est que plus solide; car c'est leur extreme pauvreté; puisque presque tous sont si chetifz en moyens qu'ilz n'en ont que pour vivre miserablement.

  A014000295 

 Je vous diray briefvement les exercices que je vous conseillerois; vous les verres plus clairement en cet escrit que je fay.

  A014000296 

 Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres, examinés si vostre amour est point engagé trop avant, s'il n'est point detraqué et si vous ne vous tenes pas tous-jours par l'une des mains a Nostre Seigneur.

  A014000310 

 Et pour cela, Monsieur, je vous supplie d'apprendre de Sa Majesté que c'est qu'elle penseroit faire de moy et en quoy elle desireroit m'employer, car sans doute je ne suis pas bon a beaucoup de choses; et j'ay neanmoins cette generosité de ne vouloir pas estre appliqué que pour ce que je suis et en ce que je puis, d'autant plus quand ce seroit par la gratification et grace d'un si grand Roy, lequel ne pense pas a me faire transplanter de ce pais en son royaume, abondant en toutes sortes de personnes de merite, quil ne m'estime fructueux et propre a son contentement..

  A014000311 

 C'est pourquoy, ou que je sois appellé pour le service de la gloire divine, je ne contrediray nullement d'y aller; mais sur tout en France, a l'air de laquelle ayant esté nourri et instruit, je ne puis dissimuler que je n'aye une speciale inclination, et encor plus, la voyant sous un Roy que je doys honnorer et estimer si hautement et qui m'oblige si extremement comm'il fait.

  A014000311 

 Il est vray que je suis en mon pais et entre les miens, avec une certaine suffisance qui me suffit et, ce qui m'est le plus cher, avec un repos aussi grand que ma charge le peut permettre et qui meshuy me semble asses ferme.

  A014000311 

 Mais tout cela ne me tient qu'au bout des doigtz et ne me sçauroit empescher de m'embarquer a tout autre service ou je penserois estre plus utile a la gloire divine et au bien de l'Eglise, puisque des mon Baptesme et par vocation je suis consacré a cela..

  A014000328 

 Je jette cette feuill' a part affin de vous y parler avec plus de liberté et vous en laisser aussi pour monstrer ma lettre, sil y escheoit.

  A014000334 

 Vostre serviteur plus humble et tres fidelle,.

  A014000346 

 Cela m'a mis en peyne, car c'est avec le tiltre de la plus grande gloire de Dieu et du service de l'Eglise.

  A014000347 

 La commodité de nos resolutions ne se peut bonnement perdre, mais de plus en plus faciliter, moyennant la grace divine..

  A014000358 

 Helas, ma chere Fille, ilz vous resveillent souvent l'esprit, a ce que je voy; mais croyés bien que celuy que j'ay de conduire le tout a chef et a la gloire de Dieu m'excite aussi tres souvent (or sus, je veux dire ce mot de vanterie), plus souvent que vous, que je croy; mais ne faut il pas tout faire avec une diligence soigneuse, mais douce, mais tranquille, mais resignee? Eh bien, j'espere que Dieu sera nostre guide..

  A014000387 

 Considerés combien la sainte chasteté est une vertu aggreable a Dieu et aux Anges, ayant voulu qu'elle fust eternellement observee au Ciel, ou il n'y a plus aucune sorte de playsirs charnelz ni de mariages.

  A014000388 

 N'est ce pas un grand contentement de pouvoir dire a Nostre Seigneur: Mon cœur et ma chair tressaillent de joye en vostre Bonté, pour l'amour de laquelle je quitte tout amour et pour le playsir de laquelle je renonce a tous autres playsirs? Quel bonheur de n'avoir point reservé de delices mondaines pour ce cors, affin de donner plus entierement son cœur a son Dieu!.

  A014000389 

 Humiliés vous fort devant la trouppe celeste des vierges et, par l'humble priere, suppliés-les qu'elles vous reçoivent avec elles, non pas pour pretendre a les esgaler en pureté, mais au moins affin que vous soyes advoùee leur servante indigne, en les imitant au plus pres que vous pourres.

  A014000394 

 Et comme on n'ose plus toucher ni profaner un calice apres que l'Evesque l'a consacré, ainsy, le Saint Esprit ayant consacré vostre cœur et vostre cors par ce vœu, il faut que vous luy porties une grande reverence..

  A014000394 

 Mais, ma bonne Fille, ce vœu estant fait, il faut que vous ne permetties jamais a personne de chatouiller vostre cœur d'aucun propos d'amour ni de mariage; mais que vous ayés un grand respect a vostre cors, non plus comme a vostre cors, mais comme a un cors sacré et a une tres sainte relique.

  A014000405 

 C'est un martyre continuel que celuy de la multiplicité des affaires; car, comme les mouches font plus de peyne et d'ennuy a ceux qui voyagent en esté que ne fait le voyage mesme, ainsy la diversité et la multitude des affaires fait plus de peyne que leur pesanteur mesme..

  A014000409 

 Soignés fidellement a vos affaires, mais sachés que vous n'avés point de plus dignes affaires que celuy de vostre salut et l'acheminement du salut de vostre ame a la vraye devotion..

  A014000421 

 Je m'esjouis d'une joye toute particuliere sur l'advancement de ce digne amy, duquel le merite se fera tous-jours plus paroistre en montant, comme fait le soleil; [23] et ce grand Roy, qui le tire apres sa prouvoyance, le portera sans doute bien plus haut..

  A014000422 

 Pour Ihonneur que Sa Majesté me fait, je l'admire d'autant plus que je ne vois rien en moy qui n'en soit extremement indigne, et ne doute point que vostre bienveuillance en mon endroit et celle de nostre amy ne soyent le seul vent qui enfle la voyle de ma barque pour la porter en cette haute mer, en laquelle, si Dieu me fait passer, ce ne sera pas sans un grand danger, puisqu'elle n'est pas pour les eaux salees de l'Ocean, mais pour nos petitz lacs d'eau douce..

  A014000434 

 Et ne doutant point que messieurs vos Religieux n'affectionnent ce parti paysible et plus sortable a nos vocations, je tiens des-ja l'appointement pour fait, bien que, puisque vous le desirés, le proces ne se retarde point encor, lequel neanmoins il sera bien raysonnable de sursoyer quand le jour sera marqué entre nous; ce qui sera bien tost, si vous nous envoyés vostre intention pour ce regard..

  A014000469 

 Mais voyés-vous, ma Seur, il ne faut pas seulement penser si cette resolution sera perdurable; il faut tenir cela pour si certain et resolu, que jamais plus il n'en soit doute..

  A014000498 

 Dès que je m'en suis aperçu, je me suis hâté de recourir à Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, pour la prier très humblement de m'accorder les mêmes facultés et, s'il se peut en quelque manière, pour un temps plus long..

  A014000498 

 Il y a déjà longtemps, la Sacrée Congrégation m'avait accordé, pour moi et pour d'autres personnes que je jugerais capables, la faculté et la plus ample autorisation de lire et de garder les ouvrages [30] des hérétiques quels qu'ils fussent, et aussi les livres défendus à un autre titre, de recevoir les hérétiques pénitents, même les relaps, de déléguer des prêtres pour réconcilier les églises et les cimetières pollués et pour bénir tous les ornements nécessaires au culte divin, de revalider les mariages que les hérétiques convertis auraient contractés dans le quatrième degré d'affinité ou de consanguinité, de commuer les vœux simples et d'absoudre les duellistes.

  A014000499 

 De plus, il m'arrive, comme aussi aux autres prédicateurs, d'avoir à combattre de près à travers le diocèse, non seulement les hérétiques, mais aussi les ministres; or, de telles discussions sont presque impossibles si l'on n'a pas lu les ouvrages prohibés.

  A014000499 

 Des hérétiques que nous avons encore dans le diocèse, le plus grand nombre reviennent chaque jour [31] au bercail de l'Eglise, tant par l'effet des prédications publiques que des entretiens privés.

  A014000510 

 Entr'autres choses, il me vint en l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses enfans sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent plus siens, mais de Rachel sa dame; et me sembloit que si nous mettions, par une juste confiance, nos cœurs et nos affections sur les genoux et dans le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres, mais a elle: cela me consoloit beaucoup.

  A014000513 

 Si par fortune il s'en vouloit mesler, ou mesme qu'il parlast beaucoup de ce sujet-la, dites luy que je vous ay defendu de vous entretenir de ces choses-la et de vous en mesler, ni personne qui soit avec vous; car ce sont des discours auxquelz il s'engage plus avant quil ne faut.

  A014000515 

 Le Jesuite sur lotit, me racontant sa cheute, me faysoit grande pitié, et dautant plus de joye de sa constance a revenir.

  A014000531 

 Est ce bien une vraye impatience, ou sont ce point seulement des repugnances naturelles? Mais puisque vous la nommés impatience je la tiendray pour telle, et en attendant de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se passe, je vous diray, ma chere Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que j'ay reconneu de vous par vos lettres, plus que par le peu de conversation que j'ay eu avec vous, vous aves un cœur qui s'attache puissamment aux moyens de vostre praetention.

  A014000535 

 Je feray part aux Sacrifices que je presente, a la Mere Prieure des Carmelines; j'honnore generalement tout cet Ordre, et la remercie de la charité qu'ell'use en mon endroit de prier pour moy, qui suis des plus necessiteux de la sainte Eglise..

  A014000567 

 Or sus, ce sera a mon tour que je seray le bien venu comme les autres; je dis plus que les autres, car je pense bien cela.

  A014000567 

 non pas plus que moy.

  A014000568 

 Mais si faut il que je vous die que la sorte de vie que nous avons choysie me semble tous les jours plus desirable et que Nostre Seigneur en sera fort servi.

  A014000588 

 Sa divine Majesté soit tous-jours a vostre dextre pour establir de plus en plus vostre vie en son saint amour, et je suis inviolablement,.

  A014000606 

 Mais outre que je croy que vous les aves de dela les mons, j'en suis bien le plus mauvais pescheur de cette ville.

  A014000622 

 Ayant sceu que les bons Peres Religieux de cette ville vous avoyent esleu pour leur Prieur, je m'en suis extremement res-jouy; et ne pouvant aller moy mesme vous faire la priere quilz vous veulent presenter de vouloir accepter cett'election et charge, je vous envoye cet [50] escrit, qui vous tesmoignera que jamais vous n'aves esté ni desiré ni demandé avec plus d'affection et de sincerité que vous l'estes d'eux et de moy, qui, en particulier, m'essayeray de vous servir si promptement en toutes occurrences, que vous n'aures pas, Dieu aydant, occasion [de vous repentir] d'avoir gratifié mon desir.

  A014000649 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serions saintz et aggreables a Dieu si nous sçavions bien employer les sujetz de nous mortifier que nostre vocation nous fournit, car ilz sont plus grans sans doute qu'entre les Religieux; le mal est que nous ne les rendons pas utiles comme eux..

  A014000653 

 Dieu vous sera propice, Madame, et vous fera la grace de traitter de cette vie plus retiree de laquelle vous me parles.

  A014000689 

 Et puisque vous ne sçauries plus exercer vostre cors en aucune mortification et aspreté de penitence et qu'il n'est nullemenc expedient que vous y pensies, ainsy que nous demeurasmes d'accord, tenes vostre cœur bien rangé devant son Sauveur et faites, le plus que vous pourres, ce que vous feres pour plaire a Dieu, et ce que vous aures a souffrir selon la condition de cette vie, souffres le a mesme intention; car ainsy Dieu vous possedera toute et vous fera la grace que vous le possederes un jour eternellement, dont je le supplieray toute ma vie, ma tres chere Fille, et seray de tout mon cœur,.

  A014000712 

 A mesure que je m'esloigne de vous selon l'exterieur, mon esprit retourne plus frequemment ses yeux du costé [58] du vostre, d'avec lequel il est inseparable, et je ne manque point d'invoquer tous les jours la bonté de nostre Sauveur sur vous et la soigneuse assistance de vostre bon Ange pour la conservation de vostre cœur, auquel d'une ardeur nompareille, je souhaitte toutes les plus desirables faveurs du Ciel, et sur tout cette inviolable fidelité au saint amour que vous aves voué par tant de resolutions au cœur debonnaire de ce doux et cher Jesus.

  A014000713 

 Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne, a laquelle vos encouragemens seront profitables; car pour le present, je n'ay nul loysir que pour vous escrire ces quatre motz que je fay, vous donnant la sainte benediction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et singulierement,.

  A014000739 

 Mais que vous escriray-je donques, ma chere Fille? Rien, sinon que, a mesure que je me suis esloigné de vous corporellement, mon esprit s'est retourné plus ardemment de vostre costé pour vous souhaitter mille benedictions.

  A014000739 

 Sa divine Majesté vous les donne tres abondantes, et vous veuille fortifier de plus en plus es saintes resolutions quil vous a inspirees.

  A014000754 

 Je m'advise, ma chere Fille, que vous estes malade d'une maladie plus fascheuse que dangereuse, et je sçay que telles maladies sont propres a gaster l'obeissance que l'on doit aux medecins.

  A014000790 

 Je le supplie qu'il affermisse de plus en plus le zele de son honneur en vous, et suis d'un cœur tout entier,.

  A014000803 

 J'auray pourtant soin de moy selon que je vous l'ay promis, et plus pour cela, sans doute, que pour inclination que j'aye a cette sorte d'attention; car je croy bien que Dieu veut que je veuille quelque chose pour l'amour de vous.

  A014000803 

 Vos troys desirs pour la vie mortelle ne me desplaysent point, car ilz sont justes, pourveu quilz ne soyent pas plus grans que leurs objectz meritent.

  A014000805 

 Entr'autres choses, il me dit que sainte Françoise, nouvellement canonisee, avoit esté une des plus grandes Saintes quil est possible d'imaginer, et quil avoit luy mesme escrit sa Vie en latin, par le commandement du Pape, et quil alloit a Paris pour la faire imprimer.

  A014000805 

 Et m'enquerant des particularités de cette Vie, il me dit qu'ell'avoit esté quarant'ans mariee, et qu'en sa viduité ell'erigea une Congregation de vefves qui demeurent ensemble en une mayson, dans laquelle elles observent une vie religieuse, et personne n'entre en icelle que pour grandes causes; elles, neanmoins, sortent pour servir les pauvres et les malades, en quoy gist leur plus particulier exercice, et que cette mayson rend un fruit et un exemple bien grand a Romme.

  A014000808 

 Je m'essayeray de tenir l'affaire liee en sorte que nous le ( sic ) puissions voir achevee, car vous ne le desires pas plus que moy; mais sil ne plait pas a Dieu, il ne me plait pas non plus, ni a vous, car je parle de vous comme de moy..

  A014000813 

 A Dieu, ma chere Fille, a laquelle je suis tout donné en Celuy qui s'est tout donné a nous, affin qu'estant mort pour nous, ne vivions plus qu'a luy.

  A014000816 

 Je vous escriray le plus souvent que je pourray.

  A014000828 

 Les bons PP. Villardi et Muilet furent receuz [73] icy avec plus de cœur que de demonstrations et plus de demonstrations que de bonne chere.

  A014000828 

 Ma gloire en eust esté accomplie, s'ilz eussent eu plus de loysir de nous favoriser de leur presence; une autre fois, en pareille occasion, je veux implorer vostre entremise pour obtenir du P. Recteur une prolongation de ce contentement pour moy..

  A014000829 

 Dieu la consolera, puisqu'en luy elle a mis sa confiance; et si elle vient icy ce Caresme prochain, j'auray plus de loysir de voir en quoy je la pourray ayder et servir en cela, car quant a mon affection, elle y est toute entiere, comme aussi a vous honnorer toute ma vie, mon Reverend Pere, et demeurer.

  A014000831 

 plus humble et affectionné,.

  A014000848 

 Car nostre bon Dieu esprouve quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des choses qui nous semblent et qui sont tres bonnes a l'ame; et s'il nous void ardans a la poursuitte, et neanmoins humbles, tranquilles et resignés au manquement et a la privation de la chose poursuivie, il nous donne des benedictions plus grandes en la privation qu'il ne nous en donne en la possession de l'estat desiré; car, en tout et par tout, Dieu ayme ceux qui, de bon cœur et simplement, en toutes occasions et en tous accidens, peuvent luy dire: Vostre volonté soit faite ............................

  A014000869 

 Il faut que mon cœur vous die ce mot que je dis l'autre jour a une autre vendangeuse, qui est bien de vos plus cheres cousines.

  A014000870 

 Cette liqueur pretieuse est bien plus delicieuse que le vin..

  A014000872 

 Encor pensant, ma chere Fille, que les mammelles de l'Espoux soyent son flanc percé sur la croix, o Dieu, combien cette croix est une sep tortisse, mais bien chargee! Il n'y a qu'un seul raysin, mais qui en vaut plus que mille.

  A014000873 

 Saint François aymoit les aigneaux et moutons parce qu'ilz luy representoyent son cher Sauveur; et je veux que nous aymions ces vendanges temporelles, non seulement parce que ce sont choses appartenantes au soin qui correspond a la demande que nous faysons tous les jours de nostre pain quotidien, mais aussi, et [78] beaucoup plus, parce qu'elles nous eslevent aux vendanges spirituelles..

  A014000874 

 Regardés vos fautes, comme celles des autres, avec compassion plustost qu'avec indignation, avec plus d'humilité que de severité..

  A014000904 

 Je suis celuy que Dieu rend tous-jours plus vostre..

  A014000916 

 Je vous escriray avec plus de loysir a la premiere rencontre de commodité, car maintenant il faut que je parte pour aller faire la visite d'une parroisse, et j'ay beaucoup de gens autour.

  A014000934 

 Mais nous demeurasmes court au second, parce qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte devotion, donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs aussi n'entrerent pas en cette si digne deliberation selon leur devoir; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui est neanmoins la piece la plus requise a l'execution, et a faute de laquelle tout a cessé, comme il appert..

  A014000935 

 Maintenant, il se presente un parti fort asseuré pour vous faire voir en un an ou deux au plus ce que vous aves si longuement desiré, et oster de devant les yeux des estrangers une mauvaise marque de vostre ville, laquelle, [83] au demeurant, n'en a que des bonnes.

  A014000941 

 Je m'essayeray de vous procurer un meilleur predicateur que celuy qui vous prescha l'annee passee, et cela ne me sera pas difficile, bien qu'il est impossible que jamais vous en ayes un plus affectionné.

  A014000950 

 Ne respondes non plus aucun mot a la pensee deshonneste [85] qui vous arrive; seulement, dites en vostre cœur, a Nostre Seigneur: O Seigneur, vous sçaves que je vous honnore; ah! je suis toute vostre; et passes outre, sans disputer avec cette tentation..

  A014000987 

 Non point que ce soit grand peché, car tout au plus il n'est que veniel; mais par ce que ce sera plus d'edification pour toute vostre compaignie et plus de satisfaction pour vostre ame, si vous vous retires demi heure devant souper pour dire vos Vespres, faysant paroistre que cela est vostre cher ouvrage et vostre besoigne bienaymee.

  A014001028 

 Ma Fille, accoisons nous en la perte de ces ames, car Jesus Christ a qui elles estoyent plus cheres, ne les laisseroit pas aller apres leur sens, si sa plus grande gloire ne le requeroit.

  A014001030 

 Je croy bien qu'il adjousta que je n'estois pas des plus doctes, mais on ne me le dit pas.

  A014001030 

 L'autre jour, de grand matin, un homme grandement docte et qui avoit esté ministre long tems, vint me voir, [94] et me racontant comme Dieu l'avoit retiré de l'heresie: «J'ay eu,» ce me dit il, «pour catechiste le plus docte Evesque du monde.» Je m'attendois qu'il me nommast quelqu'un de ces grandes renommees de cet aage, et il me va nommer saint Augustin.

  A014001047 

 Prattiques fidellement les oraysons jaculatoires, faites vous lire des bons livres et ordonnes a vos plus confidentes filles quelles vous entretiennent de Dieu..

  A014001062 

 Sans doute que Dieu vous consolera tous-jours plus en cette heureuse entreprise que vous aves faitte de ne vivre que pour luy.

  A014001068 

 Si vostre bonne Mad e ( sic ) me fait la consolation de venir me voir, faites-le moy sçavoir, je vous prie, affin que je la reçoive plus a propos, et vous aussi..

  A014001101 

 Le tems que nous determinons de donner a Dieu en l'orayson, donnons le luy avec nostre pensee libre et desoccupee de toutes autres choses, avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz que travaux qui nous en arrivent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est plus a nous; et encor que vous y senties vostre misere, ne vous troubles point, ains soyes en joyeuse, pensant que vous estes une vrayement bonne besoigne pour la misericorde de Dieu.

  A014001117 

 Je ne me suis mis en cholere, pour justement que ç'ayt esté, que je n'aye reconneu par apres que j'eusse encores plus justement fait de ne me point courroucer..

  A014001135 

 Non, les nœudz sont minces, entrefichés, entortillés; vous les penseres desfaire, et les entreficheres plus fort; vos ongles [sont] trop courtes pour passer toutes ces boucles.

  A014001136 

 Sauveur de mon ame! elle craint un Ange en forme humaine; craignes un homme, encor qu'il soit en forme d'ange, car le danger en est bien plus grand.

  A014001139 

 Car, quant aux extases, insensibilités, et ces unions deifiques, eslevations, transformations et semblables vertus, et qu'on estime distraction de servir Nostre Seigneur en son humanité et membres d'icelle, et ne s'amuse plus qu'a la contemplation de l'Essence divine, il les faut laisser pour les ames rares, eslevees et qui en sont dignes.

  A014001144 

 Dieu prend playsir a vous voir faire vos petitz pas, et, comme un bon pere qui tient son enfant par la main, il accommodera ses pas aux vostres et se contentera de n'aller pas plus viste que vous.

  A014001152 

 Aux tentations de la foy, humilies vous profondement devant Dieu, puis devant son Eglise, par une sainte inclination cordiale, et faites un acte positif de foy, protestant de vouloir a jamais croire tout ce que Dieu a revelé a son Eglise; et, sans plus disputer ni examiner [112] aucunes choses, divertisses vostre cœur a des autres occupations, et principalement exterieures.

  A014001170 

 Et sur tout, blasmer le vice et espargner le plus que l'on peut la personne auquel il est, d'autant plus que la bonté de Dieu est si grande, qu'un moment seul suffit pour impetrer sa grace.

  A014001171 

 Quand nous ne pouvons excuser le peché, rendons le au moins digne de compassion, l'attribuant a la cause la plus supportable, comme a l'ignorance ou infirmité..

  A014001171 

 Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons-les] dans le biais qui est le plus doux, et quand [nous] ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous connoissons estre bon, n'en jugeons point, mais ostons cela de nostre esprit et laissons le jugement a Dieu.

  A014001189 

 Non, je ne penseray point que ce soit ma belleseur, elle me sera plus que seur et plus que fille; mais pour cela, se faut il empresser? [117].

  A014001215 

 Il n'y a point a douter que vous vous expliqueries bien mieux et plus librement a vive voix que par escrit; mais en attendant que Dieu le veuille, il faut employer les moyens qui se presentent.

  A014001215 

 Voyes vous, les assoupissemens, alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre sans quelque sorte de tristesse sensuelle; mais tandis que vostre volonté et le fond de vostr'esprit est bien resolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien a craindre, car ce sont des imperfections naturelles, et plus tost maladies que pechés ou defautz spirituelz.

  A014001217 

 A faute de cela, ma Fille, vos imperfections, que vous voyes subtilement, vous troublent encor plus subtilement, et par ce moyen se maintiennent, ny ayant rien qui conserve plus nos tares que l'inquietude et empressement de les oster..

  A014001217 

 Tant que vous pourres, faites parfaitement ce que vous feres, mais quand il sera fait, ni penses plus, ains penses a ce qui est a faire.

  A014001218 

 Dieu soit aupres de madame [de Mieudry] en cette Babilone ou elle va, et luy donne les consolations spirituelles plus grandes que les corporelles.

  A014001219 

 La providence de Dieu est plus sage que nous.

  A014001247 

 C'est un grand fruit que ce pauvre petit livre m'a rendu, et lequel certes je n'attendois pas, mais pour lequel seul, plus que pour aucun autre duquel je me sois apperceu jusques a present, je le veux desormais aymer et cultiver..

  A014001248 

 Mais puisque, tel qu'il est, vous le favorisés de vostre approbation, si jamais il retourne sous la presse, je me delibere de l'ageancer et accroistre de certaines pieces qui, a mon advis, le rendront plus utile au publiq et moins indigne de la faveur que vous luy faites..

  A014001251 

 Et en ce dernier livre, je voudrois, par maniere de prattique, desfaire tous les plus apparens et celebres argumens de nos adversaires; et ce, avec un style non seulement instructif mais affectif, a ce qu'il proffitast non seulement a la consolation des Catholiques, mais a la reduction des [126] heretiques: a quoy j'employerois plusieurs méditations que j'ay faites durant cinq ans en Chablais, ou j'ay presché sans autres livres que la Bible et ceux du grand Bellarmin..

  A014001251 

 J'ay de plus quelques materiaux pour l'introduction des apprentifz a l'exercice de la predication evangelique, laquelle je voudrois faire suivre de la methode de convertir les heretiques par la sainte predication.

  A014001265 

 Il est vray que je n'en suis pas [129] peyne, parce que je sçai que de dela il y en a plus qu'icy.

  A014001265 

 Le Pere de Monchi m'en demandoit un: si vous luy donnés celuy que vous avés, je vous en rendray un plus brave icy; car encor le faut-il consoler.

  A014001266 

 Je vous dis la verité, il ne me sçauroit plus donner de playsir que par la; et vrayement j'espere que tout ira fort bien et qu'il ne demeurera nul sujet de mescontentement a personne.

  A014001266 

 Qu'ay-je a vous dire de plus, ma chere Fille? Mille choses, mais que je n'ay nul loysir d'escrire, car je veux que Claude parte sans plus tarder.

  A014001266 

 Sachés seulement, ma vraye Fille, que je suis tout plein de joye et de contentement dequoy vostre Groysi parle non seulement avec respect, mais avec un amour tout affectionné de vous et de messieurs vos peres, et ce qui me plaist le plus, de ma chere petite Aymee.

  A014001273 

 Je n'escris point a la chere petite, mais je sçai bien que je luy garde le plus amoureux salut que j'aye fait a damoyselle du monde il y a seze ans..

  A014001287 

 Je me recommande a celles de nostre petite fille [Madeleine] et de N. Il est vray que [Madeleine] est ma fille un peu plus que les autres; et me semble que tout est mien, ma Fille, en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est rendu tout nostre.

  A014001297 

 A quoy j'adjouste, pour un advis general, que quand nous ne sçavons pas discerner si nous avons bien rendu nostre devoir en quelque occurrence et sommes en doute d'avoir offencé Dieu, il faut alhors s'humilier, requerir Dieu qu'il nous excuse et demander plus de lumiere pour une autre fois, et oublier tout a fait ce qui s'est passé et se remettre au train ordinaire; car une curieuse et empressee recherche pour sçavoir si nous avons bien fait, provient indubitablement de l'amour propre qui nous fait desirer de sçavoir si nous sommes braves, la ou l'amour pur de Dieu nous dit: Truand ou couard que j'ay esté, humilie toy, appuye toy en la misericorde de Dieu, demande tous-jours pardon et, sur une nouvelle protestation de fidelité, passe outre a la poursuite de ton avancement..

  A014001298 

 J'appreuve que, si ce n'est quelquefois que l'on a besoin de repos, on ne dorme pas du tout son saoul; mais pour faire que cela ne nuyse point, en lieu de dormir, il faut un peu faire plus d'exercice pour dissiper les humeurs que le manquement du sommeil a laissé indigestes.

  A014001305 

 Ce sera tous-jours quand je pourray que vous aures de mes lettres; mais maintenant c'est de meilleur cœur que je vous escris, parce que M. [de] Moyron, present porteur, est mon plus proche voysin de cette ville, mon grand amy et mon allié, par le retour duquel vous me pourres escrire en toute asseurance; et si l'image de la Mere Therese estoit faite, il la prendroit, payeroit et apporteroit, ainsy que je l'en ay prié..

  A014001307 

 Voyés-vous, ma Fille, ceux qui mangent souvent du miel treuvent les choses aigres plus aigres et les ameres plus ameres, et se degoustent aysement des viandes aspres.

  A014001315 

 Je ne treuve rien de plus doux a mon imagination que de voir ce celeste petit Jesus entre les bras de ce grand Saint, l'appellant mille et mille fois: Papa, en son langage enfantin et d'un cœur filialement tout amoureux..

  A014001325 

 Mon Dieu, c'est un docteur des-ja! C'est un grand erreur, ce me [141] semble, de tant differer ce bien en cet aage, auquel les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions a quinze.

  A014001328 

 C'est un mal propre a mortifier et les sens et les sentimens, car il ne laisse point de mouvement qu'il n'allanguisse, horsmis celuy du cœur, lequel, pour l'ordinaire, il esmeut et rend plus frequent.

  A014001328 

 Vous faites bien de prattiquer mes advis, car ilz sont selon la volonté de Dieu; et si cette maladie vous y donne plus de repugnance, tant plus gaigneres vous en leur exercice..

  A014001329 

 Je pensois vous envoyer plusieurs livres, mais l'imprimeur m'a manqué de parole de les m'envoyer; je crains que vous en aurés la plus tost que moy icy.

  A014001342 

 Cela est clair par l'authorité de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appellé de tiltres bien plus relevés non seulement les Patriarches et Archevesques, mais les autres Evesques mesmes.

  A014001359 

 Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frere, que, pour la plus grande gloire de Dieu, salut de vos ames, edification du prochain et honneur de vostre Monastere, vous aves pris resolution avec toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirees dans vostre Mayson qu'on n'a pas fait ci devant; et que la chose estant si raysonnable et honneste, vous ne doutes point qu'elle ne s'y veuille ranger: dont vous la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a vouee et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne treuvera, ni en vous ni es autres, sinon une douce et tres amiable conversation, laquelle seule, outre [147] son devoir, peut la semondre a une sainte retraitte; et choses semblables.

  A014001359 

 Que si en fin elle ne revient, vous luy envoyeres qu'elle se determine donques de n'estre plus receuë, et d'estre forclose de sa place.

  A014001361 

 Baysés souvent vostre croix que vous portes; renouvellés les bons propos que vous aves faitz d'estre toute a Dieu, immediatement devant le coucher, ou y allant, ou en vostre oratoire, ou ailleurs; et faites un plus grand renouvellement par demie douzaine d'aspirations et d'humiliations devant Dieu..

  A014001363 

 Mais resouvenés-vous donq bien de ce que je vous ay commandé de la part de Nostre Seigneur, auquel je vous recommande, le suppliant, par sa Mort et Passion, qu'il vous comble de son saint amour et vous rende de plus en plus toute sienne..

  A014001363 

 Vous ne sçauries tenir un chemin plus asseuré que celuy de la sainte obeyssance: c'est pourquoy je me resjouis grandement que vous y soyés affectionnee, pour l'intention que me marqués.

  A014001373 

 Et si vous ne vous esties pas mis a l'extremité du plus haut point d'honneur envers moy, je me fusse essayé de vous en rendre plus que vous ne m'en donnes; mais il faut que je demeure vaincu, tant parce que vous sçaves tout mieux faire que moy, que d'autant que le lieu d'ou sort l'honneur que vous me faites luy donne un poidz si excessif que je n'ay rien qui le puisse esgaler.

  A014001387 

 Demeures ainsy, je vous prie, et croyes-moy, faites en une resolution si forte et si sensible que nul n'en doute plus..

  A014001387 

 Il est vray, sans doute, c'est une grande assistence que celle d'un bon mari; mais il en est peu, et pour bon qu'on l'ayt, on en reçoit plus de sujettion que d'assistence.

  A014001425 

 Et de peur que nous n'ayons oublié quelque chose en la qualité de ce mal, qui fit la chose plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la suite d'un gentilhomme qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin d'apprendre par monsieur du May toutes les particularités plus exactement, et apporter une bonne et veritable description de toute l'affaire.

  A014001450 

 Et bien, ma chere Fille, vous verres que le plus grand mal que vous ayes fait c'est de vous estre troublee de vostre imbecillité; car si vous ne vous fussies point inquietee apres le premier choppement, mais que tout bellement vous eussies repris vostre cœur en vos mains, vous ne fussies pas tumbee au second.

  A014001450 

 Or, au bout de tout cela, il faut reprendre courage et vous affermir de plus fort en nos saintes resolutions, sur tout en celle de nous point inquieter, ou au moins de nous appayser a la premiere veiie et reflexion que nous ferons sur nostr'inquietude..

  A014001462 

 Et parce qu'il est l'un des plus apparens convertis qui soyent sortis de Geneve, je supplie tres humblement Vostre Altesse de luy estre secourable, comm'elle l'est a tous ceux qui ont leur refuge en sa debonnaireté, tandis que je continueray tous-jours a luy souhaitter le comble des graces celestes, demeurant,.

  A014001474 

 Je suis tout plein d'esperance que Nostre Seigneur sera de plus en plus fidellement servi, obei et honnoré de vous, qui est le plus grand bien que je vous puisse souhaitter..

  A014001487 

 Dieu vous veut aussi sevrer, ma chere Niece, et vous faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures, car de plus solides il n'y en a point au Ciel ni en la terre que la sainte Communion; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui aspire a son saint amour, requiert aussi des desirs plus fortz..

  A014001487 

 Puisque toutefois il faut que vous passies par la, multiplies tant plus les communions spirituelles, que nul ne vous peut refuser.

  A014001501 

 Tenes vostre cœur au large, et tous-jours tout remis a la Providence divine, soit pour les grandes choses ou pour les petites, et procurés de plus en plus dans vostre cœur l'esprit de douceur et de tranquillité, qui est le vray esprit de Jesus, qui veuille a jamais regner en nos cœurs..

  A014001516 

 Je suys un peu plus a l'orayson qu'a l'ordinaire; car ne vous faut-il pas un peu parler de mon ame qui est tant vostre? Graces a Dieu, j'ay un extreme desir d'estre tout a luy et de bien servir son peuple..

  A014001525 

 Je vous escrivis l'autre jour, mais mon cœur qui vous cherit tendrement, ne se peut assouvir de vous en rendre [164] au moins ce foible tesmoignage de vous escrire le plus souvent que je puis.

  A014001527 

 A Dieu, tres chere Niece, aymés-moy tous-jours constamment, en qualité de l'homme du monde qui vous desire le plus de vrayes et solides consolations.

  A014001537 

 Et pour reparer ce manquement, il faut que vous facies au double des oraysons jaculatoires, et que vous appliquies le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui [167] vous separe aucunement de luy, vous donnant cet empeschement la a la meditation; mais cet ( sic ) pour, vous unir plus solidement a luy par l'exercice, de la sainte et tranquille resignation.

  A014001537 

 Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En verité, puisque nous ne cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre; outre que les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr'esprit sont des vrayes continuelles oraysons, et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant.

  A014001552 

 Mais je treuvois mon pectoral bien plus riche, encor quil ne fut composé que d'une seule pierre, qui est la perle orientale que la Mere perle conceut en ses entrailles chastes, de la benite rosee du ciel; car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement bien serré sur ma poitrine, et m'estoit advis que les noms des enfans d'Israel estoit ( sic ) tous marqués en iceluy.

  A014001552 

 Ouy, et le nom des filles specialement, et le nom de l'une encor plus..

  A014001556 

 O ma Fille, mon cœur est plus vostre que mien; a jamais Nostre Seigneur y regne.

  A014001565 

 Je suis marry que je n'ay plus tost receu la salutation que maistre Constantin m'avoit apporté de vostre part; car j'eusse eu plus de loysir de vous escrire selon mon cœur, qui est si plein d'affection pour vous et vous cherit si fort qu'il ne peut se contenter de vous entretenir pour un peu..

  A014001566 

 Mais je vous recommande tous-jours plus que tout, celuy de la sainte douceur et suavité [171] es rencontres que cette vie vous presente sans doute souventesfois.

  A014001566 

 Que vous seres heureuse, tres chere Seur, ma Fille, si vous continues a vous tenir a la main de sa divine Majesté, entre le soin et le train de vos affaires, lesquelles reussiront bien plus a souhait quand Dieu vous y assistera; et la moindre consolation que vous en aures sera meilleure que les plus grandes de celles que vous pourries avoir de la terre..

  A014001567 

 Ouy, ma chere Fille, ma Seur, que je vous ayme, et plus que vous ne sçauries croire; mais principalement des que j'ay veu en vostre ame ce digne et honnorable desir de vouloir aymer Nostre Seigneur avec toute fidelité et sincerité; a quoy je vous conjure de perseverer constamment, et de m'aymer tous-jours bien entierement, puisque je suis, d'un cœur tout entier et fidelle,.

  A014001579 

 Quant a l'habit, je ne pense pas qu'il soit a propos de le changer qu'apres que l'annee sera expiree; bien desirerois-je qu'il fust en tout le plus uniforme que faire se pourra, tant en sa forme qu'en sa matiere, et que le froc fust large, a la façon des Benedictins reformés.

  A014001580 

 Pour le regard des litz, plus ilz seront simples, plus aussi seront ilz a propos.

  A014001581 

 J'appreuverois fort que ceux qui portent barbe fussent bien rasés a la teste et au menton, selon les anciennes coustumes des Benedictins; et que, tant qu'il sera possible, on n'allast plus seul a seul, ains tous-jours avec un compaignon..

  A014001597 

 Je n'ay encor point veu madame vostre digne compaigne et ma chere cousine despuis ses ( sic ) dernieres nouvelles; je croy neanmoins qu'ell'en est trop plus contente, pour l'espoir qu'ell' en aura de jouir plus pleynement et entierement de vostre douce presence.

  A014001597 

 Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,.

  A014001610 

 Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenues a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur.

  A014001611 

 Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.

  A014001612 

 Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre le service que le Reverend Pere N. desire de moy pour cette dame; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'elle aura moyen de voir plus souvent, se rendra plus utile a ce bon œuvre.

  A014001624 

 Et a cette intention, je desire que nous ne [nous] employons qu'a l'examen du fond des difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus importantes pour les esplucher par les moyens desquelz auparavant il sera requis que nous convenions ensemble; a quoy, de mon costé, j'apporteray toute la franchise et facilité que je pourray, apres que vous m'aures adverti de la reciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier..

  A014001641 

 Je dis de vostre presence, qui m'est desirable sans fin, et en vostre Paris, ou elle me seroit concedee plus a souhait qu'ailleurs..

  A014001643 

 Voyes vous, Monsieur, ce mot d'arch'intime ne m'avoit encor point esté devant les yeux; mais, sur une si grande verité, il a esté receu de mon cœur tres intimement, et le bon monsieur de Santeul ne me dit jamais un mot plus a mon gré..

  A014001646 

 Au passage de Monsieur, je me fourreray le plus avant que je pourray en cett'entreprise, et auray bon loysir d'y penser, puisque on ne l'attend que sur la fin du moys auquel nous sommes.

  A014001646 

 Je vay pensant comme je pourrois faire pour servir d'instrument a la reparation de tout cela, mais je voy la chose malaysee, car les oreilles de Monsieur se remplissent tous les jours de plus en plus de persuasions contraires, que ceux qui n'ayment pas monsieur de Charmoysi ont tout loysir et advantage de faire.

  A014001648 

 Madame vostre chere partie me fait trop d'honneur de me vouloir du bien et se resouvenir de moy, mais en particulier estant avec madame la Marquise de Meneley, une des dames du monde de laquelle j'honnore le plus [185] la vertu et constance en la pieté.

  A014001680 

 Ilz sont, pour la plus part, en scrupule de leur religion, quoy que, quand on leur en parle directement, ilz fassent semblant d'estre bien asseurés, par rayson d'Estat.

  A014001682 

 Et puisque vous me sommés de vous dire franchement mon advis sur la lettre que vous luy escrives, je vous diray que je n'appreuve pas que vous luy proposies si distinctement le dessein de la façon de proceder que vous voules tenir, car il suffira bien de le faire quand ce viendra au joindre et au faire; et il n'est pas expedient que maintenant vous vous engagies en aucune sorte de controverse, d'autant qu'en traittant plus avant de la conference, vous treuveres peut estre qu'il sera mieux de prendre un autre biais.

  A014001682 

 Et si, la proposition est beaucoup plus speieuse pour estre imposee entre des ignorans, comme sont la plus part des Conseillers de cette ville-la.

  A014001683 

 Mais s'il faut avoir soin d'esbransler le peuple, il faudra entreprendre quelque point auquel plusieurs puissent discerner de la rayson ou du tort; car en celuy des Versions, pour peu que les ministres tiennent contenance (comme ilz feront, estans des plus asseurés menteurs et des plus opiniastres mattois du monde), le peuple, des-ja incliné a leur suite, demeurera plus engagé en leur parti.

  A014001684 

 J'aymerois donq mieux advouer que l'Escriture est tres suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuffisance est en nous, qui, sans la Tradition et sans le magistere de l'Eglise, ne sçaurions nous determiner du sens qu'elle doit avoir, ni des consequences qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple Chrestien; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'explication est plus specieuse et plausible a ceux aux oreilles [191] desquelz on ne fait que crier que nous mesprisons les saintes Lettres..

  A014001686 

 Continués encor, je vous supplie, a m'aymer cordialement comme vous faites, et tandis, je prieray Nostre Seigneur qu'il vous fortifie et benisse de plus en plus en sa grace..

  A014001693 

 Hier je vous escrivis le billet ci-joint; et despuis, ayant derechef consideré l'advis du Pere Provincial, je le treuve entierement bon, car le retardement ne peut estre que prouffitable; car tandis, l'ouverture se fera, a mon advis, plus grande et raysonnable par divers moyens que j'y employeray soigneusement, Dieu aydant.

  A014001704 

 Que puissies-vous bien tost guerir, si c'est la plus grande gloire de Dieu, ma tres chere Fille; si moins, que puissies-vous amoureusement souffrir, tandis qu'ainsy le requerra la Providence celeste, affin que, guerissant ou souffrant, le bon playsir divin soit exercé.

  A014001705 

 Que si, a la rencontre de quelque pierre, vous choppes, ce ne sera que pour vous faire tant mieux tenir sur vos gardes, et pour vous faire de plus en plus reclamer l'ayde et le secours de ce doux Pere celeste, que je supplie vous avoir a jamais en sa sainte protection.

  A014001705 

 Que vous puis-je plus dire, ma chere Fille, sinon ce que je vous ay si souvent dit, que vous allies tous-jours vostre train ordinaire le plus que vous pourres, pour l'amour de Dieu, faysant plus d'actions interieures de cet amour, et encor des exterieures, et sur tout contournant tant que vous pourres vostre cœur a la sainte douceur et tranquillité: a la douceur envers le prochain, quoy que fascheux et ennuyeux; a la tranquillité envers vous mesme, quoy que tentee ou affligee, quoy que miserable.

  A014001715 

 Je n'employeray pas davantage de paroles pour vous exprimer mon affection en ce point, non plus [que] pour vous offrir derechef mon humble service, que je vous supplie accepter et tenir tous-jours pour tout asseuré.

  A014001749 

 C'est pourquoy, devant aller bien tost en ce païs-la pour le mariage de l'un de mes freres avec la fille du baron de Chantal, selon la declaration que Vostre Altesse a faitte de l'avoir aggreable, j'envoyeray expres sur le lieu pour avoir de tout cela une attestation authentique, laquelle, s'il est vray ce qu'on m'a dit, sera une des plus belles marques de la sainteté de ce glorieux Prince que l'on ait recouvert jusques a present..

  A014001750 

 Pour cela, Monseigneur, sachant que les affections et services hereditaires sont les plus fermes, je souhaitterois qu'il pleust a Vostre Altesse s'incliner a cette requeste, de l'enterinement de laquelle se respandra une bonn odeur qui fera connoistre a chacun que sa providence s'estend jusques a prendre soin des enfans de ceux qui l'ont fidellement servie, pourveu qu'imitateurs de leurs peres, ilz s'en rendent dignes..

  A014001764 

 Quant a moy, Sire, je contemple en ces reparations de la sainte Eglise, une des rares qualités qui font connoistre et reconnoistre en Vostre Majesté, le sang et le cœur du grand saint Louys et de Charles Maigne, l'un et l'autre des plus grans restaurateurs du service de Dieu que les Chrestiens ayt ( sic ) jamais veu..

  A014001766 

 Je supplie incessamment Dieu quil vous face la grace, Sire, d'exalter de plus en plus sa divine Majesté, affin que, reciproquement, il benisse et prospere de plus en plus la vostre royale, a laquelle faysant tres h[umble]................................................................................

  A014001777 

 Nostre seur a bien fait de m'advertir de ces petites tricheries de paroles que cette pauvre Religieuse va semant; car cela me peut servir et ne peut nuyre a personne, puisque je ne suis point despiteux, et pour cela ne laisseray pas de penser a quelque moyen d'ayder cette chetifve ame qui, a mon advis, est pleyne de legereté et inconstance, plus tost que de malice.

  A014001778 

 Non, il ne faut point avoir ces craintes; mais, en vous humiliant et reconnoissant que vous estes toute inutile, esperes en la grandeur de la misericorde divine qu'elle vous sera propice de plus en plus.

  A014001793 

 Cette la auroit grand besoin de changer d'air pour estre guerie, car en ce lieu-la il y a des aspicz et basilisques plus quil ne faut pour les tendres ames.

  A014001820 

 Ce sera a vous qui touchés la chose, d'en faire comme vous jugeres plus a propos.............................................................................................................

  A014001845 

 Vive Jesus qui m'a rendu tout vostre, et plus que je ne puis dire.

  A014001853 

 Il faut un petit plus mettre vostre esprit au large et a l'ayse avec Nostre Seigneur, et ne le point charger de ces menues affections ou pensees, et vivre librement, laissant a la providence de Nostre Seigneur ce quil luy plaira faire de vous..

  A014001853 

 Si mon frere m'eut aussi bien sceu dire en quel estat estoit vostre esprit, ma consolation eut esté plus grande; mais il ne m'a sceu dire, sinon que par fois vous esties asses joyeuse et par fois triste, et que vous n'avies pas [212] voulu que l'on vous fit des souliers, estimant que vous ne vivrés pas asses pour les user.

  A014001854 

 Il faut, ma chere Mere, ne plus vous amuser a certaines considerations qui ne servent a rien et sont de trop peu de valeur pour occuper l'esprit; et, ayant mis doucement l'ordre qui se peut mettre aux affaires, sil ( sic ) vont bien, en louer Dieu, sil ( sic ) ne vont pas si bien que vous desireriés, puisque vous ne pouves pas mieux faire de vostre costé, remettre le tout entre les bras de Dieu qui, en fin, conduit toutes choses selon quil voit expedient a nostre bien..

  A014001878 

 Si vos affaires retardent nostre pelerinage a la Sainte Magdeleyne, il n'en sera que tant plus delicieux un'autre fois, quand vous les aures heureusement achevees comme je souhaite.

  A014001915 

 Nous n'avons plus aucun hérétique dans les bailliages ou seigneuries de Ternier et Gaillard, ni dans le duché de Chablais, où presque [220] tous l'étaient, lorsque j'y fus envoyé il y a seize ans.

  A014001918 

 Je le fis sans aucune appréhension, par une certaine hardiesse où il entrait plus de simplicité que de prudence.

  A014001918 

 Naguère, allant à Gex, il me vint au cœur, après avoir célébré la sainte Messe dans un village voisin, de passer par Genève: c'était mon chemin le plus direct.

  A014001919 

 Les séditieux disaient qu'on aurait dû me garder pour me contraindre à renier ma dignité; les plus honnêtes, au contraire, dirent qu'il aurait fallu me retenir pour me traiter avec courtoisie, en qualité de seigneur voisin et ami.

  A014001932 

 En fin, nous n'aurons que trop de gens, c'est a dire, plus que nous ne pourrons recevoir..

  A014001938 

 Vive Dieu! ma chere Fille, il m'est advis que tout ne m'est plus rien qu'en Dieu, auquel neanmoins et pour lequel j'ayme plus tendrement que jamais ce que j'ayme, et sur tout nostr'ame.

  A014001939 

 Encor vous veux je dire que vostre filz a bien porté une si douce et aggreable humeur tout au long du voyage, que je l'ayme beaucoup plus que fraternellement, et sur tout quand il parle avec suavité de sa petite famme.

  A014001940 

 Je suis en luy plus vostre que je ne sçauray jamais dire en ce monde, car les paroles de cet amour ny sont pas..

  A014001955 

 Vostre Anne Jacqueline me contente tous-jours plus.

  A014001962 

 C'est la verité, ma tres chere Fille, que rien ne nous peut donner une plus profonde tranquillité en ce monde que de regarder souvent Nostre Seigneur en toutes les afflictions qui luy arriverent despuis sa naissance jusques a sa mort; car nous y verrons tant de mespris, de calomnies, de pauvreté et indigence, d'abjections, de peynes, de tourmens, de nudités, d'injures et de toutes sortes d'amertumes, qu'en comparayson de cela nous connoistrons que nous avons tort d'appeller afflictions et peynes et contradictions ces petitz accidens qui nous arrivent, et que nous avons tort de desirer de la patience pour si peu de chose, puisqu'une seule petite goutte de modestie suffit pour bien supporter ce qui nous arrive.

  A014001963 

 Vous deves donques tous les jours, non pas en l'orayson, mais a part, en vous proumenant, faire une reveuë de Nostre Seigneur entre les peynes de nostre Redemption, et considerer quel bonheur vous sera d'y participer; voir en quelle occasion ce bien la vous peut arriver, c'est a dire les contradictions que vous pourres avoir en tous vos desirs, mais sur tout es desirs qui vous sembleront plus justes et legitimes, et puis, avec un grand amour de la Croix et Passion de Nostre Seigneur, vous vous deves escrier avec saint André: «O bonne croix,» tant aymee de mon Sauveur, quand me recevres-vous entre vos bras?.

  A014001976 

 Au moins, parmi ces jours sacrés, mille desirs m'ont saysi de vous donner le digne contentement que tant vous souhaittes de mon ame comme de la vostre mesme, en m'avançant soigneusement a cette sainte perfection a laquelle vous aspires et pour laquelle vous respires en la faveur de ce cœur, qui, reciproquement, vous souhaitte sans fin toute la plus haute union avec Dieu qui se peut treuver icy bas..

  A014001984 

 Et quoy que saint Pierre aymast la montaigne de Thabor et fuist la montaigne de Calvaire, celle ci toutefois ne laisse pas d'estre plus utile que celle la, et le sang qui est respandu en l'une, est plus desirable que la clairté qui est respandue en l'autre.

  A014001984 

 Helas! ma Fille, nous sommes tous-jours affectionnés a la douceur, suavité et delicieuse consolation; mais toutefois, l'aspreté de la secheresse est plus fructueuse.

  A014001987 

 Je suis en luy, plus vostre que vous ne sçauriés croire, ma chere Fille..

  A014001997 

 Plus la sainte humilité vous coustera de travaux, plus elle vous donnera de grace.

  A014001997 

 Vous me dites trois bons motz, ma tres chere Fille, en la lettre que j'ay receue de vous: que vous faites une grande violence pour empescher l'eslevement de vostre courage et prattiquer l'amour de l'abjection (c'est a quoy vous vous estudies maintenant), et que vous [trouvez] vos desirs plus disposés au vouloir divin qu'auparavant.

  A014002000 

 La seconde chose c'est d'eslancer souvent des paroles exterieures, de bouche, semees parmi vostr'orayson plus ou moins dru, selon que plus ou moins vous vous verres attaquee des assoupissemens..

  A014002001 

 Dieu vous siot a jamais favorable, ma chere Fille, affin que vous cheminies bien avant en son saint amour, pour lequel je vous cheriray toute ma vie; et me recommandant de plus en plus a vos prieres, je suis.

  A014002036 

 Mais seray-je donq ainsy esconduit es prieres que je fay a ceux que je cheris et honnore tant, et pour choses si honnestes et si justes? Monsieur d'Avully me fait attendre plus longuement, a mon advis, que ne merite une bonne et favorable resolution du mariage que je luy ay proposé.

  A014002048 

 Le gentilhomme a qui j'avois confié le soin de luy parler arrivera bientost icy, et j'apprendray plus particulierement ce quil aura dit touchant l'esperance de vous guerir, et tout au plus tard, je vous escriray des Salins..

  A014002059 

 Mais aussi, ma chere Seur, je le vous recommande, vostre pauvre cœur: ayés bien soin de le rendre de plus en plus aggreable a son Sauveur, et de faire que cette annee soit plus fertile que l'autre en toute sorte de saintes actions; car a mesure que les annees s'en vont et que l'eternité s'approche, il nous faut aussi redoubler le courage et relever nostre esprit en Dieu, le servant plus attentivement en tout ce que nos vocations et professions nous obligent..

  A014002087 

 Madamoyselle Favre s'est enfin resoluë, avec le bon congé de son pere, d'estre toute a Nostre Seigneur et de demeurer ma fille plus que jamais, et je croy que nous en ferons quelque chose de bon..

  A014002090 

 J'espere tous les jours plus en luy que nous ferons prou en nostre dessein de vie.

  A014002120 

 Je ne devais pas lui refuser cela et je ne le pouvais pas non plus, étant l'ami très cher qu'il a toujours été pour moi.

  A014002146 

 Je le confesse, mon cœur m'importune un peu pour ce regard, mays je luy pardonne ces petites ardeurs, car il est paternel et plus que paternel..

  A014002146 

 Plus elles arrestent, plus je les souhaitte bonnes.

  A014002147 

 Il n'est pas croyable comme je suis tracassé deça et dela par les affaires; mais, ma chere Fille, vous vous troubleres si je n'adjouste que neanmoins, graces a mon Dieu, mon pauvre et chetif cœur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer sa divine Majesté, de laquelle je sens une speciale assistance pour ce regard..

  A014002148 

 O ma chere Fille, que vous me fistes un jour grand playsir de me recommander la sainte humilité! car sçavés-vous, quand le vent s'enferme dedans nos vallees, entre nos montaignes, il ternit les petites fleurs et desracine les arbres; et moy, qui suis logé un peu bien haut en cette charge d'Evesque, j'en reçois plus d'incommodités.

  A014002149 

 Hier je vous vis, ce me semble, que, voyant le costé de Nostre Seigneur ouvert, vous voulies prendre son cœur pour le mettre dans le vostre, comme un roy dans un petit royaume; et, bien que le sien soit plus grand que le vostre, si est-ce qu'il le raccourciroit pour s'y accommoder.

  A014002150 

 Que je suis content que nous avons retranché les aisles a Caresme prenant en cette ville et qu'on ne le connoist presque plus! Quelles congratulations en fis-je [253] Dimanche a mon cher peuple, qui estoit venu en nombre extraordinaire pour ouyr le sermon sur le soir et qui avoit rompu toutes conversations pour venir a moy! Cela me contenta fort, et que toutes nos dames avoyent communié le matin, et qu'elles n'osoyent entreprendre de faire des balz sans demander licence.

  A014002152 

 Mon Dieu, que je vous souhaitte de benedictions! Mais vous ne sçauries pas croire comme je suis pressé a l'autel de vous recommander plus que jamais a Nostre Seigneur..

  A014002163 

 Consolons nous le plus que nous pourrons en ce tres-pas de nostre bonne mere, car les graces que Dieu a [254] exercees en son endroit pour la disposer a une heureuse fin, sont des marques fort certaines que son ame est doucement receuë entre les bras de sa divine misericorde; si que elle est bienheureuse d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde.

  A014002163 

 Sa divine Majesté nous attire en cette sorte au desir du Ciel, y retirant petit a petit tout ce qui nous estoit plus cher icy bas..

  A014002165 

 Encor faut-il que je vous die ce mot pour vostre contentement: c'est que cette pauvre bonne mere, avant que de partir de Neci, revit tout l'estat de sa conscience, renouvella toutes les bonnes resolutions qu'elle avoit faites de servir Dieu et vint si contente de moy que rien plus; car Dieu ne voulut pas qu'elle fust en estât de melancholie quand il la prendroit a soy..

  A014002166 

 Or sus, ma chere Seur, ma Fille, aymés moy tous-jours bien, car je suis plus vostre que jamais.

  A014002178 

 Ce mesme Dieu tout puissant face de plus en plus abonder Vostre Altesse en benedictions et consolations celestes, qui sont les continuelz et ardans desirs que fait pour elle,.

  A014002195 

 Je ne sçaurois laisser partir le bon monsieur Bovard sans luy donner quelque marque de la continuelle souvenance que j'ay de vostre douce bienveuillance, en laquelle, certes, mon esprit s'esjouit grandement et plus que je ne sçaurois dire..

  A014002196 

 Car, puisqu'ainsy il playsoit a Dieu de la retirer, ce m'est du contentement de l'avoir servie et assistee en ces derniers travaux, et mesme dautant que c'estoit une des plus douces et [257] innocentes ames quil estoit possible de treuver, et a laquelle la providence de Dieu a esté fort propice en trespas, l'ayant fort heureusement disposee a cela..

  A014002217 

 Que si vous luy permettes de vous dire quelque chose de plus, ce sera que je viens d'apprendre pourquoy Nostre Seigneur n'a pas voulu permettre que j'allasse a Salins; car ça esté, comme je pense, affin que j'assistasse a la mort de ma tres bonne mere, qu'il appella a soy le premier de ce moys, l'ayant, par sa misericorde, premierement disposee a bien et heureusement faire ce passage..

  A014002235 

 Cette mere, donq, vint icy cet hiver, et, en un mois qu'ell' y demeura, elle fit la revëue generale de son ame et renouvela ses desirs de bien faire avec certes beaucoup d'affection; et s'en alla la plus contente du monde d'avec moy, duquel, comm'elle disoit, ell'avoit retiré plus de consolation que jamais elle n'avoit fait.

  A014002236 

 Elle continua en mesm'estat presque deux jours et demi, apres lesquelz on ne la peut plus guere bonnement resveiller, et le premier de mars, elle rendit l'ame a Nostre Seigneur, doucement, paysiblement et avec une contenance et beauté plus grande que peut estre elle n'avoit jamais eu, demeurant une des belles mortes que j'aye jamais veu..

  A014002237 

 Apres quoy, le cœur m'enfla fort et pleuray sur cette bonne mere plus que je n'avois fait des que je suis d'Eglise; mais ce fut sans amertume spirituelle, graces a Dieu.

  A014002239 

 Or sus, ma chere Fille, si faut il se resoudre sur cela, et louer tous-jours Dieu, quand il luy plairoit nous visiter encor plus fortement.

  A014002244 

 Helas! nostre pauvre M me du Puis d'Orbe auroit un grand besoin d'estre assistee de pres, car elle [est] si bonne et si cordiale que rien plus, mais si melancolique, si douillette et si delicate de courage que rien plus.

  A014002245 

 Je regrette l'accident de M me de Saint Jean, qui devoit arriver ou plus tost, ou plus tard, ou jamais.

  A014002245 

 Si ell'a bien jetté son esperance en Nostre Seigneur, il la tirera de ce mauvais passage pour la faire marcher tant plus vistement vers luy.

  A014002248 

 Neanmoins (je parle simplement devant Nostre Seigneur, et a vous a qui je ne puis parler que purement et candidement) je ne pense pas tant sçavoir que je ne sois tres ayse, je dis extremement tres ayse, de me demettre de mon sentiment et suivre celuy de ceux qui en doivent par toute rayson plus sçavoir que moy; je ne dis pas seulement de cette bonne Mere, mais je dis d'une beaucoup moindre.

  A014002248 

 Quant a ces preceptes de l'orayson que vous aves receuz de la bonne Mere Prieure, je ne vous en diray rien pour le present; seulement je vous prie d'apprendre le plus que vous pourres les fondemens de tout cela, car, a parler clair avec vous, quoyque deux ou trois fois l'esté passé m'estant mis en la presence de Dieu sans praeparation et sans dessein, je me treuvasse extremement bien aupres de sa Majesté, avec une seule tres simple et continuelle affection d'un amour presque imperceptible mais tres doux, si est ce que je n'osay jamais demarcher du grand chemin pour reduire cela en un ordinaire.

  A014002259 

 Or, il faut bien, ma chere Cousine, que vous m'aymies un peu plus maintenant, pour reparer le manquement que j'auray en terre de l'amour que cette mere me portoit.

  A014002261 

 Vostre humble et plus affectionné cousin.

  A014002287 

 Il est mieux de choisir quelque pauvre prestre et luy faire dire une Messe le samedy, que de donner tous les jours un liard: ainsy vous soulageres le prochain et louëres la Vierge Marie par une plus excellente action.

  A014002298 

 Or, esperant que la chose, ne peut pas aller beaucoup plus au long, je vous exhorte de vous consoler et conserver la sainte patience, en vivant tous-jours en la crainte de Nostre Seigneur, que je prie vous donner les graces de son Saint Esprit, et suis.

  A014002350 

 Je supplie donc Votre Paternité de lui faire cette charité; il n'en saurait être une plus grande aux yeux de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que je prie de vous accorder toute sainte consolation et prospérité..

  A014002362 

 Ce m'a esté un extreme contentement d'apprendre un peu plus amplement que de coustume de vos nouvelles, ma tres chere Seur, ma Fille, bien que je n'aye pas encor tant eu de loysir pour parler avec madame de Chantal que j'aye peu m'enquerir si particulierement, comme je desirois, de toutes vos affaires, desquelles je pense que vous aures communiqué avec elle comme avec une parfaitte amie.

  A014002363 

 Pourveu qu'on ayt la crainte de Dieu pour guide, il importe peu quelle l'on tienne, bien qu'en elles mesmes, les unes soyent plus desirables que les autres a ceux qui ont la liberté de choysir..

  A014002368 

 Madame de [Chantal] m'a dit que, pour vostre exterieur et la bienseance de vostre mayson, vous marchies fort sagement; et tant elle que mon frere de Thorens m'ont dit une chose qui m'a rempli d'ayse: c'est que monsieur vostre mary acqueroit de plus en plus grande bonne reputation d'estre bon justicier, ferme, equitable, laborieux au devoir de sa charge, et qui en tout vivoit et se comportoit en grand homme de bien et bon Chrestien.

  A014002369 

 Mais puisque vous n'aves point de vceu qui vous oblige d'y aller en presence corporelle, je ne vous conseille pas de l'entreprendre; ouy bien d'estre de plus en plus zelee a la devotion de cette sainte Dame, de laquelle l'intercession est si forte et favorable aux ames, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions avoir envers Dieu pour nostre advancement en la vraye pieté; et puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités remarquables.

  A014002370 

 Pour vos aumosnes, ma chere Fille, faites-les tous-jours un peu bien largement et a bonne mesure, neanmoins avec la discretion qu'autrefois je vous ay dit ou escrit; car si ce que vous jettes dans le sein de la terre vous est rendu avec usure par sa fertilité, sçachés que ce que vous jetteres dans le sein de Dieu vous sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre; c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant plus de richesses, ou plus de santé, ou plus de contentement.

  A014002379 

 Que si nous n'avons point de reserve d'estre tout a Dieu, si nous avons le courage de plustost mourir que de l'offenser, et moyennant que telles soyent les resolutions de nos cœurs et que nous les sentions tous-jours plus fortes en nous, il n'y a rien a craindre, ni a prendre de la peyne pour n'en sentir pas lés goustz et les sentimens.

  A014002388 

 Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles, car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre, rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles: et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous.

  A014002407 

 Je suis plus vostre que vous ne sçaures croire.

  A014002423 

 Pour cette premiere annee, nous vous laisserons en habit noir, avec le voyle de toyles noyres deliees et avec le plus de simplicité quil se pourra.

  A014002442 

 Il m'est bien advis que nous ne demeurerons plus en nous mesmes, et que, de cœur, d'intention et de confiance, nous nous logerons pour jamais dans le costé percé du Sauveur; car sans luy, non seulement nous ne pouvons, mais quand nous pourrions, nous ne voudrions rien faire..

  A014002454 

 Mais il y en a deux pourtant que je doys preferer en ce mien desir, dont le premier est Jean Anthoyne Rolland, [290] duquel la mere est de la mesme mayson de feu monsieur le fondateur du College et ma proche parente, laquelle ayant plusieurs enfans, a destiné celluy ci a l'estude, comme celuy qui a plus d'apparence de bon esprit; qui me fait vous supplier de le prendre particulierement en protection.

  A014002455 

 J'intercede donq pour ces deux la plus particulierement et implore pour eux vostre bonté et charité, laquelle je me prometz me devoir estre autant favorable comme je suis plein de desir de vous honnorer et servir..

  A014002455 

 L'autre est Bernardin du Nant, filz d'un fort honneste [291] pere, et qui a longuement et fidellement servi feu Monsieur le Reverendissime mon praedecesseur, et duquel, pour cela, je doys affectionner le bien; dautant plus que sa pauvreté et toutes les autres conditions pour lesquelles il a esté nommé, le rendent fort recommandable.

  A014002457 

 La seconde est plus nouvelle, de l'edition delaquelle la Preface aussi rend fidellement la rayson.

  A014002457 

 On l'a reimprimé six foys en deux ans et en divers endroitz, mais je n'ay encor peu avoir que des editions de Lyon, qui est en nostre voysinage; non plus que de la traduction que quelques Peres Jesuites en ont fait faire en Italie.

  A014002477 

 Que si vous le treuvés bon et ferme, venés donq hardiment au nom de Dieu, lequel, s'estant rendu autheur et protecteur de ce projet, le favorisera de plus en plus de ses benedictions et vous y donnera mille consolations que le monde ne peut sçavoir..

  A014002478 

 Si, au contraire (ce que Dieu ne veuille), vous ne vous senties pas asses forte pour entrer en ce chemin, il seroit bien bon de nous en advertir, affin que les autres commençassent selon leur inviolable desir, et vous, Madame, pensassies a prendre quelque autre sorte de vie plus a vostre gré..

  A014002506 

 O. Dieu, si ce Sauveur a tant fait pour nous, que ne ferons-nous pas pour luy? S'il a exhalé sa vie pour nous, pourquoy ne reduirons-nous pas toute la nostre a son service et plus pur amour? En fin, je m'imagine que Nostre Seigneur plantera cette plante, l'arrousera de ses benedictions et la fera fructifier en sanctification.

  A014002539 

 De Nantua, on n'a pas autre chose, ni de Bourg non plus, parce que les fondations de ces pays sont du Comte-Vert et non de notre Bienheureux.

  A014002540 

 Or, il dépend de moi de faire dédier cet oratoire et cette maison au Saint que je jugerai plus à propos.

  A014002541 

 Mais, pour réaliser ce projet, il faudrait que Son Altesse l'agréât et qu'elle le fît agréer à Sa Sainteté; ce qui, à mon avis, sera très facile à Son Altesse, si elle ordonne qu'on fasse à Rome des instances à ce sujet, d'autant plus qu'anciennement déjà, le Bienheureux était très vénéré dans ce diocèse.

  A014002541 

 Si, ensuite, elle daigne m'informer des intentions de Son Altesse, je ne manquerai pas de faire, de [300] mon côté, tout ce qui sera convenable; mais je vous prie que ce soit au plus tôt, pour ma consolation..

  A014002558 

 [302] Mais la voyant faitte, j'ay creu que je devois au bien de mondit frere une très humble supplication a Son Excellence, affin quil luy playse de nous gratifier de cet honneur, lequel est certes plus grand que nous ne meritons, mais qui ne peut tumber en une personne plus fidelle au service de Son Excellence que mondit frere sera; a quoy j'adjouste que l'estude quil a fait asses fructueusement en droit, pourra encor le rendre moins inutile en cette place, si Dieu et Monseigneur l'y conduisent..

  A014002559 

 La lettre donq ci jointe est pour ce sujet, et celle qui est addressee a monsieur Desfrenes aussi, qui me fait vous supplier de la rendre le plus tost quil vous sera possible, et comme pour l'amy; car encor que nous ne vous ayons jamais rendu aucun service qui nous puisse acquerir cette qualité, si avons nous bien eu ce desir, et moy particulierement, qui, priant Nostre Seigneur quil vous conserve et accompaigne, suis,.

  A014002580 

 J'espere que Dieu sera glorifié en ce petit dessein, et, comme vous a dit le Pere Recteur, la pierre [306] fondamentale que Dieu nous donne pour iceluy est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait tant plus croire que la chose reuscira heureusement..

  A014002591 

 Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henri IV. Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la perfidie des grandeurs de ce monde? Ce Prince, ayant esté si grand en son extraction, si grand en la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en reputation, si grand en toutes sortes de grandeurs: hé, qui n'eust dit, a proprement parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie, et que, luy ayant juré une inviolable fidelité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la termineroit en une glorieuse mort? Non certes, Monsieur, il sembloit bien qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, apres une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme.

  A014002592 

 Qui eust dit, je vous supplie, Monsieur mon cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence de tant de rivieres d'honneurs, de victoires, de triomphes, et sur les eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu perir et s'esvanouir de la sorte, laissant sur la greve et a sec tant de navigans? N'eust-on pas plustost jugé qu'il devoit aller fondre dans la mort, comme dans une mer et un ocean, par plus de triomphes que le Nil n'a d'emboucheures? Et neanmoins, les enfans des hommes ont esté trompés et deceuz en leurs balances et leurs presages ont esté vains..

  A014002593 

 Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.

  A014002594 

 Au demeurant, le plus grand bonheur de ce grand Roy defunct, fut celuy par lequel, se rendant enfant de l'Eglise, il se rendit pere de la France; se rendant brebis du grand Pasteur, il se rendit pasteur de tant de [310] peuples, et convertissant son cœur a Dieu, il convertit celuy de tous les bons Catholiques a soy.

  A014002608 

 Je suis, en Jesus Christ, plus vostre, et admire ses accroissemens.

  A014002608 

 Ouy, je le dis tout de bon, je ne pensois pouvoir ce que je puis en cela, et treuve une source qui me fournit des eaux tous-jours plus abondantes.

  A014002609 

 Il nous faut bien mettre sur la grandeur de courage, pour servir Dieu le plus hautement et vaillamment que nous pourrons; car, pourquoy pensons-nous qu'il ayt voulu faire un seul cœur de deux, sinon affin que ce cœur soit extraordinairement hardi, brave, courageux, constant et amoureux en son Createur et son Sauveur, par lequel et auquel je suis tout vostre..

  A014002619 

 En sorte qu'apres qu'on s'est determiné, il ne faut plus s'amuser a souspirer apres les imaginations des choses meilleures, mais a bien passer les difficultés presentes, lesquelles aussi bien ne sçaurions [314] nous eschapper sans en rencontrer d'autres aussi fortes, puisque tout en est plein..

  A014002644 

 Mays ne pouvans faire cette si juste demonstration de l'obligation qu'ilz en ont a la providence de Vostre Altesse, il m'a semblé, Monseigneur, qu'en qualité de pasteur de la plus part d'iceux, joignant leurs tres humbles affections a la mienne, je devoys, pour eux et pour moy en commun, rendre ce tesmoignage de la grande redevance que nous en avons a la bonté de Vostre Altesse, a laquelle nous sommes bien glorieux d'en devoir tout le remerciment, puisqu'elle seule, sans aucun'autre consideration que de nostre bien et de son service, a fait cette digne election..

  A014002645 

 C'est aussi le plus grand garend que les Princes puissent avoir (lhors qu'a leur tour ilz seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir commis leur authorité a des gens capables de la bien manier; car n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance a ceux auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus pres qu'ilz auront sceu, donnant l'authorité a ceux quilz auront reconneu avoir la suffisance..

  A014002646 

 Et comm' Alexandre ne vouloit estre peint que par la main de l'unique Apelles, aussi les Princes ne devroyent jamais permettre que leur souveraineté fut exprimee que par les plus rares et dignes espritz du monde, ne pouvans jamais mieux faire connoistre la grandeur de leurs ames qu'au choix de celles qu'elles employent et eslevent..

  A014002662 

 Mais ayant entendu que monsieur vostre dit frere a consigné es mains de M. Bonod certaine quantité qu'il praetend seulement vous estre deue, j'ay pensé que, en attendant une plus entiere resolution, vous deviés pour cette fois et sans consequence, vous contenter de prendre cela.

  A014002697 

 M. nostre cher President s'en va pour presider a toute la justice de Savoye, plus glorieusement qu'on n'a pas fait il y a quelque tems; car il a cet honneur sans brigue, sans cour et [322] sans argent, n'ayant point eu d'autre intercession que ses merites, quoy que Monseigneur de Nemours ayt contribué sa recommandation a l'inclination de Son Altesse..

  A014002698 

 Dieu vous prospere de plus en plus, Monseigneur, et je suis sans fin,.

  A014002736 

 Or, ce fons peut estre donné en deux façons: car ou il est reversible aux parens apres le trespas de celle pour laquelle il est donné, et lhors on le demande plus gras et tel qu'il egale en revenu la nourriture de la fille; ou bien on le donne simplement pour demeurer par apres a la Congregation, et lhors on se contente de moins.

  A014002744 

 Vostre confrere plus humble et tres affectionné,.

  A014002760 

 Aussi, en ce tems-lâ, il suffit d'employer les prieres jaculatoyres et saerees aspirations; car puisque le mal nous fait souvent souspirer, il ne couste rien de souspirer en Dieu et a Dieu et pour Dieu, de plus que de souspirer pour fayre des plaintz inutiles..

  A014002764 

 Vostre plus humble compere et serviteur,.

  A014002805 

 Croyés-moy, la vraye vertu ne se nourrit pas dans le repos exterieur, non plus que les bons poissons dans les eaux croupissantes des marais.

  A014002805 

 Non, ma chere Fille, car cela vous sert d'exercice a prattiquer les plus cheres et aymables vertus que Nostre Seigneur nous ayt recommandé.

  A014002810 

 Puysque le sieur de la Valbonne est actuellement receu au Senat et que Vostre Excellence a gratifié le sieur Arpeaud de la judicature de Genevois, je la supplie tres humblement de favoriser le sieur Bouvard de l'estat de son advocat fiscal, l'asseurant en toute verité que la recommandation que ci devant j'ay faitte de la personne et merites d'iceluy, se treuvera moindre que le sujet ne requeroit, et qu'.................................de Vostre Excellence........ne sçauroit faire un choix plus utile a son service que celuy de cet homme lâ, vertueux, sçavant, laborieux et nourri es lettres par la grace de Vostre Excellence..

  A014002826 

 Mais vostre consideration a tenu l'un des premiers rangs a m'assaillir de desplaysir; car, mon Dieu, cet excellent esprit de Prince avoit seulement commencé a vous çonnoistre, et voyla qu'il est ravi a vostre fortune affin qu'elle ne vive plus si heureuse.

  A014002827 

 Pour moy, Monsieur, je; vous conjure de croire que vous n'aves point de cœur au monde qui soit plus absolument en la pensee du bien qu'il a d'estre si parfaittement aymé de vous..

  A014002828 

 Dieu vous benisse et prospere de plus en plus en ses graces et consolations, et suis irrevocablement,.

  A014002839 

 Cela, ma [342] chere Fille, me tient encor plus en opinion de differer encor un peu a le faire venir, en luy parlant neanmoins en sorte que s'il vouloit venir, il n'en fut pas du tout forclos; car, pour parler entre nous deux, sil vient sur ma parole, il me sommera de le si bien accommoder que j'en auray bien de la peyne, ce quil ne feroit pas sil venoit d'autre façon; car le bonhomme va selon son esprit, et je ne desire point de luy donner aucun sujet de plainte..

  A014002850 

 Ce bon Frere qui est icy, ne partira que jeudi, car tout aujourdhuy j'ay esté tant tracassé quil n'est pas possible de plus.

  A014002868 

 C'est pourquoy je luy souhaitte de plus en plus beaucoup d'avancement au saint amour de Dieu, qui est la benediction des benedictions..

  A014002869 

 Or, vous sçavés, ma tres chere Fille, que le feu que Moyse vit sur la montaigne representoit ce saint amour, et que, comme ces flammes se nourrissoyent entre les espines, aussi l'exercice de l'amour sacré se maintient bien plus heureusement parmi les tribulations qu'emmi les contentemens.

  A014002881 

 J'ay sceu la multitude de vos peynes et je les ay recommandees a Nostre Seigneur, affin qu'il luy pleust de les benir de la sacree benediction de laquelle il a beni celles de ses plus chers serviteurs, affin qu'elles soyent employees a la sanctification de son saint nom en vostre ame..

  A014002882 

 Et faut que je confesse qu'encor qu'a mon advis les afflictions qui regardent les personnes propres et celles des proches soyent plus affligeantes, neanmoins celles des proces me donnent plus de compassion, parce qu'elles sont plus dangereuses pour l'ame.

  A014002912 

 Cependant, pour plus d'un motif, la Congrégation [348] a désiré comme Patronne la Bienheureuse Vierge de la Visitation..

  A014002914 

 C'est une chapelle tellement authentique et l'image est placée sur l'autel de telle façon, qu'on ne saurait, s'il s'agissait de saint Pierre, disposer les choses autrement, ni avec plus d'apparat.

  A014002944 

 Voyla donq la chere lettre que je vous renvoye, car je ne voudrois estre plus longuement depositaire d'un escrit qui parle de Celse Benine si mignardement..

  A014002952 

 Et ce pendant, nourrisses cherement la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, par tous les bons exercices qui peuvent establir vostre cœur en l'humilité, douceur et pureté; car si vous jettes ainsy vostre fiance en cette souveraine Bonté, ell'abbregera les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a laquelle elle vous appelle..

  A014002968 

 A ce renouvellement des entrees de la cour, me voyci a vostre porte, requerant quil vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens contre le Chapitre de Belley, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde des cures et eglises parrochiales vacantes, contre toute rayson, contre toute coustume et contre les [356] articles que nous avions signés et arrestés par composition amiable, mais articles lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement; puysque mesme je reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré, et que d'ailleurs ces messieurs ne songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclesiastique et qu'a nous introduire des methodes contraires aux Conciles.

  A014002969 

 Neanmoins, la verité est tous-jours la plus forte..

  A014002988 

 C'est l'ancienne coustume du monde de treuver qu'il luy est loysible de parler des ecclesiastiques a toute main, et croit que pourveu qu'il ayt quelque chose a dire sur iceux, il ni aura plus rien a dire sur ses partisans..

  A014003007 

 Et puysque le sieur de Blonnay vous en escrit encor, je n'employeray rien de plus pour ce sujet, qui suis tous-jours de tout mon cœur,.

  A014003009 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur.

  A014003022 

 Je prieray ce pendant Nostre Seigneur quil vous conserve et prospere de plus en plus, demeurant,.

  A014003037 

 J'ay appris que mon frere et vous, estes tous-jours, et de plus en plus, exercés par les volontés de monsieur vostre pere.

  A014003050 

 Mais pourquoy dites-vous, ma chere Fille, que s'il vous faut aller a Chambery vous craignes d'interrompre vos exercices, et particulierement celuy de la Communion? O Dieu, ma Fille, un peu de diligence de plus vous conservera vos exercices sains et sauves entre tous ces tracas.

  A014003053 

 Vostre plus humble compere et serviteur,.

  A014003076 

 Mays celle du violement du cimetiere me regardant, affin d'y donner le plus digne et [367] prompt remede que je puis, je vous supplie tres humblement, Monseigneur de vouloir, en quelque journee aggreable, prendre la peyne de faire la reconciliation requise; en quoy vous favoriseres infiniment ce pauvre peuple qui, ne pouvant mais du crime, ne laysse pas de souffrir la privation de cette commodité spirituelle, et m'obligeres de rechef a vostr'obeissance, a laquelle pour tant d'autres raysons je suis tout voué et dedié..

  A014003107 

 Avec mille actions de graces des deux dernieres lettres [que] vous aves pris l'incommodité de m'escrire emmi ce grand tracas qui vous accable, je vous supplie de ne jamais faire aucune sorte d'effort pour me donner ce contentement; car encor que je confesse quil soit grand, si est ce que celuy de vostre conservation et repos m'est incomparablement plus grand..

  A014003111 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous renforce de plus en plus pour porter le [faix] quil a imposé sur vos espaules, et que ce soit par apres [tres] longuement, car ce sera tres heureusement.

  A014003123 

 Or bien, encor vous escris-je maintenant apres dix heures du soir, pour accompaigner le livre ci joint qui me semble un peu plus correct que ceux des autres editions, bien que je ne l'aye pas veu que par ci par la; et, outre ce, il y a trois chapitres: Des habitz, Des desirs et Quil faut avoir l'esprit juste.

  A014003123 

 Tel quil est, il part de l'homme du monde qui vous souhaite plus de benedictions cælestes..

  A014003138 

 J'ay prié avec une ardeur tres particuliere ce matin pour nostre advancement au saint amour de Dieu, et me sens des plus grans desirs que jamais au bien de nostre ame.

  A014003147 

 Je ne suis pas si paoureux que plusieurs autres, et n'estime pas cette profession-la des plus dangereuses pour les ames bien nees et pour les courages masles, car il n'y a que deux principaux escueilz en ce gouffre: la vanité, qui ruine les espritz molz, faineans, feminins et flouetz, et l'ambition, qui perd les cœurs audacieux et presomptueux.

  A014003150 

 Je vous recommande la douce et sincere courtoysie qui n'offense personne et oblige tout le monde, qui cherche plus l'amour que l'honneur, qui ne raille jamais aux [377] despens de personne, ni piquamment, qui ne recule personne et aussi n'est jamais reculee, et si elle l'est, ce n'est que rarement; en eschange dequoy, elle est tres souvent honnorablement avancee..

  A014003154 

 C'est un exercice de faineant; et ceux qui se veulent donner du bruit et de l'accueil jouant avec les grans, disans que c'est le plus court moyen de se faire connoistre, tesmoignent qu'ilz n'ont point de bonne marque de merite, puisqu'ilz ont recours a ces moyens propres a ceux qui, ayans de l'argent, le veulent hazarder; et ne leur est pas grande la louange d'estre connus pour joueurs, mais s'il leur arrive de grandes pertes, chacun les connoist pour folz.

  A014003160 

 Veuille a jamais le vent propice des inspirations celestes enfler de plus en plus les voyles de vostre vaysseau et vous faire heureusement surgir au port de la sainte eternité, que de si bon cœur vous souhaite sans cesse,.

  A014003162 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A014003196 

 Et outre le contentement que vous aures d'avoir exercé une telle charité a l'endroit de toute un' honnorable famille, faysant revivre l'enfant qui sembloit perdu, vous me rendres de plus en plus obligé de [385] vous honnorer avec le respect que, pour plusieurs autres raysons, je veux et dois rendre a vos merites..

  A014003221 

 Vostre plus humble confrere,.

  A014003229 

 Je suis tous-jours un peu en peyne de la santé de madame nostre chere Presidente, bien qu'on m'asseure [388] que son mal n'est pas plus grand quil faut pour seulement luy faire prendre les præservatifz d'un plus grand.

  A014003234 

 Monsieur mon Frere, ce porteur m'a dit comm'il a sceu, ou plus tost comm'il n'a pas sceu, la supplication que mon frere de Thorens vous fait; et ça bien esté asses pour y faire adjouster la mienne, que je sousmetz neanmoins a vostre jugement..

  A014003244 

 Or, quand je l'iray voir, je veux gaigner une bonne heure pour me promener avec vous en la galerie, car on y parle plus a commodité..

  A014003291 

 Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle..

  A014003292 

 Mon desir donq m'asseure que je puis avoir l'eternité: que me reste-il plus que d'esperer que je l'auray? Et cela m'est donné par la connoissance de l'infinie bonté de Celuy qui n'auroit pas creé une ame capable de penser et de tendre a l'eternité, s'il n'eust voulu luy donner les moyens d'y atteindre.

  A014003313 

 Dieu en face selon sa plus grande gloire et vous veuille de plus en plus prosperer, avec madame vostre chere partie et toute vostre famille, jusques a vostre petit nouveau né Anthoyne, au nom duquel je porte des-ja bien de l'affection pour estre le nom du pere, auquel je suis si absolument,.

  A014003416 

 Le dessein du Calendrier sera la tablature dont Philothée se servira sur le clavier de son espinette, organizée pour conserver sa memoire des plus beaux airs spirituels que la necessité du corps et les autres occupations exterieures luy font interrompre actuellement plus souvent qu'elle ne voudroit.

  A014003433 

 Nostre R. P. Provincial s'en retournant en France, layssa charge a nostre R. P. Recteur que l'on ne passast plus avant en l'affaire duquel je vous avois escrit, sans son expresse communication; ce qui tirera l'execution en longueur, et non sans ma langueur.

  A014003445 

 Je n'ay plus besoin de chercher le chemin de la vertu; monsieur de Boisy, en vôtre absence, Monseigneur, me le montre si clairement, que je n'ay qu'à l'embrasser et affectionner.

  A014003453 

 Ce papier devroit estre marqué de plus de larmes que de lettres, puis que ma fille, en laquelle, pour ce monde, j'avois mis la meilleure partie de ma consolation et du repos de ma miserable vieillesse, s'en va et me laisse pere sans enfans.

  A014003455 

 Je vous supplie tres-humblement, Monseigneur, de me continuer tousjours vos bonnes volontez, et croire que je ne desire rien plus, apres les graces et benedictions de ce bon Dieu que j'implore, et dont j'ay bien besoing, que d'estre conservé en vostre souvenance, et demeurer toute ma vie,.

  A014003476 

 Mais surtout nos pauvres Sœurs sont demeurées tellement consolées de l'entretien de la pure dilection, qu'elles regrettent avec moi de n'avoir su jouir plus souvent du bonheur de votre désirable présence..

  A014003477 

 Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417] particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité..

  A014003478 

 Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des peuples, qui est fort soutenue et accrue par leurs bons exemples et doctrine, et de plus, mon très-cher Seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font des trophées et des risées quand ils voient que ses propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères, qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec confusion, et que les enfants ne le souffrent dans la soumission qu'ils doivent; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce qui ne peut apporter qu'un très-grand détriment à la très-sainte Epouse de Notre-Seigneur.

  A014003478 

 Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements, et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte charité en plusieurs âmes, et ne cause de très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi que plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera infailliblement, si votre débonnaireté et votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter sans revanche l'insolence d'une réponse que l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et éloignée de la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de v.otre véritable vertu..

  A014003479 

 L'on voit cette vérité dans ses écrits, où il oblige par témoignages d'honneur et d'estime tout le monde, et particulièrement les Ordres religieux qu'il révérait et aimait, et disait que c'était l'une des plus saines parties de l'Eglise.

  A014003479 

 Oubliez donc, mon très-cher Seigneur, cette offense, à l'imitation du divin Sauveur, qui en avait reçu de bien plus grandes de ceux pour qui il demanda pardon en les excusant, et vous souvenez aussi, mon bon Seigneur, de la modestie et douceur avec laquelle notre Bienheureux Père parle en la préface de l'Amour divin, de celui qui l'avait si insolemment bafoué en pleine chaire: il attribue cette faute à son zèle.


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000013 

 — Le plus grand désir du Saint. 16.

  A015000018 

 — Un « livret » qui a besoin d'une préface pour être plus intelligible.

  A015000022 

 » — La plus grande consolation à la fin de la journée.

  A015000022 

 » — Quand les « embarassemens » d'une grande maison augmentent, « il faut tant plus appeller Nostre Seigneur a nostr'ayde.

  A015000043 

 — Les exigences du service de Dieu et des âmes, plus impérieuses encore.

  A015000059 

 Louanges de saint Jean-Baptiste: plus que vierge, plus que confesseur et prédicateur, plus que docteur et martyr, plus qu'évangéliste et apôtre, plus que prophète et patriarche, plus qu'ange et plus qu'homme.

  A015000059 

 — Quelqu'un de plus grand encore.

  A015000068 

 — Servir Dieu parmi les sécheresses nous est chose plus dure, selon notre goût, mais plus profitable selon le goût de Dieu.

  A015000072 

 — Pourquoi l'amitié de saint François de Sales pour ses amis était plus forte que la mort.

  A015000083 

 La plus mauvaise façon de mal dire.

  A015000084 

 Des bailliages qui n'avaient pas été visités « il y a plus de cent ans.

  A015000085 

 — La disposition des matières dans une Somme de théologie; moyen de rendre celle-ci « plus friande et plus aggreable.

  A015000089 

 — La beauté de la foi transporte François de Sales d'amour et de gratitude; il en voit plus clairement la grandeur, en pays hérétique 81.

  A015000122 

 — Un remède plus efficace que les discussions des théologiens.

  A015000124 

 La plus heureuse salutation qui fut jamais.

  A015000130 

 — Un festin plus délicieux que celui d'Assuérus.

  A015000169 

 Le voyage de Milan n'est plus désespéré.

  A015000269 

 Au demeurant, Madame, je ne puis non plus penser pourquoy vous tenes pour rigoureuse la poursuite faite contre cet homme lâ, puisqu'il y a plusieurs moys qu'il va mesprisant toutes citations impunément.

  A015000269 

 Et encor suis-je plus estonné dequoy vous me tenes pour ombragé contre monsieur vostre mari, et me dites que beaucoup d'indices ne luy en ont donné que trop de connoissance; car, en vray (sic) verité, je me suis tous-jours tenu pour fort honnoré de la bienveuillance que, de sa grace, il m'a portee.

  A015000273 

 Je me res-jouys que Sa Sainteté ayt ouctroyé le [remède] requis au mal de l'action que fit messire Nacot, et seray encor plus ayse quand je sçauray quil aura esté legitimement appliqué; car, honnorant tres cherement monsieur vostre mari et vous, Madame, comme je fay et feray toute ma vie, je desire que tout ce qui vous est praetieux vive entre les benedictions caelestes et que rien ne demeure jamais en vostre mayson qui les en puisse divertir.

  A015000273 

 Madame, j'ay de l'affection et de lhonneur pour monsieur vostre mari, pour vous et pour les vostres autant que vous sçauries souhaiter d'homme qui vive; [3] mais le plus grand desir que je face, c'est que jamais Dieu ne soit abandonné, non pas mesme pour un moment..

  A015000274 

 Je le supplie donq quil vous conserve tous, quil vous prospere et benisse de ses plus grandes faveurs; et vous, je vous conjure, Madame, faites moy le bien de me croire fermement,.

  A015000275 

 Vostre plus humble serviteur et parent,.

  A015000292 

 Ce qui est le plus, c'est qu'ell'est toute pleyne de vraye bonté et pieté, qui la rend uniquement chere a toutes ses Seurs.

  A015000308 

 Croyés, ma tres chere Seur, que mon cœur est fraternellement amoureux du vostre, et que si j'avois la commodité d'assouvir ses desirs, je serois bien tost en vostre solitude, laquelle, vous dites, je redoute pour son aspreté, mais laquelle j'ayme precisement pour mille sujetz, mais principalement pour l'amour de vous, qui, par vostre presence, me l'avés rendue ci devant plus douce et plus aggreable que ne furent jamais les plus delicieuses conversations des villes.

  A015000309 

 Mon Dieu, ne nous verrons-nous jamais tretous ensemble? J'en suis un peu, a dire vray, impatient; mais je ne croy plus qu'elle m'ayme, puisque non obstant que je luy escrivisse dernierement, je n'ay point de ses nouvelles que par vostre entremise.

  A015000337 

 J'ay bien treuvé le livret duquel je vous parlay; mais j'y ay rencontré des choses si dures, que je ne vous le veux bailler qu'apres vous avoir fait une præface qui vous le rende plus intelligible et moins scabreux.

  A015000379 

 Or sus, ma tres chere Fille, la plus grande gloire de Dieu, qui est la souveraine maistresse de nos affections, m'a retenu aupres de cette bonne dame de Saint Cergue, pour la reduction de laquelle vous aves prié; car l'ayant veuë disposee a prendre les finales resolutions de son bonheur, je ne l'ay point voulu abandonner qu'elle ne les eust faites, dont je loüe Nostre Seigneur de tout [15] mon cœur.

  A015000381 

 Consolés-le donq, ma chere Fille, ce pauvre cœur, et luy donnés le plus de joye et de paix que vous pourres.

  A015000381 

 O Dieu, ma chere Fille, je le vous recommande, nostre pauvre cœur; soulagés-le, confortés-le, recreés-le le mieux et le plus que vous pourres, affin qu'il serve Dieu; car c'est pour cette consideration [16] qu'il nous le faut traitter.

  A015000393 

 J'ay dit, il y a des-ja quelque tems, a M. Pergod que je voulois estre son tresorier d'ores-en avant; bien que je desire que mon office finisse bien tost par la vente de cette mayson, laquelle me sembleroit utile plus que la conservation, pourveu qu'elle se vendit a bonnes enseignes.

  A015000394 

 Mais, ma tres chere Fille, il faut tant plus appeller Nostre Seigneur a nostr'ayde et reclamer sa sainte assistence, affin que ce travail que vous deves supporter luy soit aggreable, et que vous l'embrassies pour son honneur et gloire.

  A015000419 

 O Dieu, ma toute chere Fille, je proteste, mais je proteste de tout mon cœur, qui est plus vostre que mien, que je ressens vivement la privation que je souffre de vostre veüe pour ce jourdhuy.

  A015000421 

 Bon soir, la fille de mon cœur, ou plus tost, ma Fille et mon cœur.

  A015000433 

 C'est la verité, [22] Monsieur, j'honnorois cet honnorable et grand personnage avec un amour tout particulier, lequel ne perira jamais en mon ame, non plus que celuy que, de tout mon cœur, je vous ay dedié et que de rechef je vous consacre..

  A015000436 

 Vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A015000452 

 J'ay vos deux lettres, dont la premiere est de l'unziesme du mois passé et la seconde de l'unziesme de celuy-ci; [23] et j'ay tant a respondre a la premiere [qu'à la seconde], parce que je l'ay receuë seulement despuis peu et non gueres plus tost que la seconde..

  A015000453 

 Que [si] sa divine Majesté ne vouloit pas cet holocauste en effect final, mais seulement en affection et application commencee, comme il fit d'Isaac, c'est a dire, si cette chere Fille estant entree en l'Ordre, ne se treuvoit pas forte pour y perseverer, mon Dieu! quel mal y auroit-il en cela? Nul, sans doute; et en ce cas, il faudroit renoncer a nos goustz et plus secrettes affections pour acquiescer a la sainte volonté de Dieu..

  A015000456 

 Ne laissés pas de faire la Communion le jeudi et les festes sur semaine, et le mardi du Caresme; mais cela n'en doutés plus, ains employés vostre cœur a estre bien fidele en l'exercice de la pauvreté emmi les richesses, de la douceur et tranquillité emmi le tracas, et de la resignation du cœur et de tout ce qui vous doit arriver en la providence de Dieu.

  A015000482 

 Il met la patience la premiere, comme plus necessaire, et sans laquelle la doctrine ne sert pas.

  A015000506 

 Je vous ay escrit par celuy qui m'a apporté ce matin vostre lettre; mais ces pauvres gens d'Estrembieres me forcent, par leurs remonstrances, d'interceder pour eux, puisqu'ilz recourent a moy pour cela, en qualité, disent-ilz, de mes enfans les plus exposés a la persecution de leurs freres rebelles.

  A015000527 

 Sur ces paroles: Seigneur, faites bien aux bons et aux droitz de cœur, o vray Dieu, dis je, qu'il falloit que ce Saint fust bon et droit de cœur, puisque Nostre Seigneur luy a fait tant de bien, luy ayant donné la Mere et le Filz! Car, ayant ces deux gages, il pouvoit faire envie aux Anges et desfier le Ciel tout ensemble d'avoir plus de bien que luy; car, qu'y a il entre les Anges, comparable a la Reyne des Anges, et en Dieu, plus que Dieu?.

  A015000542 

 Je vous escrivis l'autre jour des miseres de ce païs, non point contre la verité, qui est plus grande en cela qu'on ne sçauroit dire, mais bien contre mon gré, puisque le mal est irremediable.

  A015000544 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A015000587 

 Si Dieu exauce mes souhaitz, il comblera de ses plus cheres benedictions Vostre Altesse, de laquelle je suis d'un cœur non pareil,.

  A015000646 

 Mais j'adjouste pourtant, qu'encor que ce jeune homme soit de fort bonne mayson (mais mayson descheuë) et qu'il ait l'esprit fort gentil et bien estudié, si est-ce que c'est plus son jugement qui le porte a ce desir que non pas mon advis, qui est que son courage n'est pas pour entrer en ladite sujettion que telle condition requiert.

  A015000661 

 Le sieur Martinet, conseiller de Son Altesse et maistre de la Chambre des Comtes de Savoye, sachant avec combien de prudence et de soin les jeunes gens sont [45] conduitz et gouvernés sous vostr'authorité et direction dans vostre college, il desireroit grandement que son filz, qui a des-ja fait son cours en philosophie, eüt le bien d'y estre receu et retiré, affin que plus heureusement il acheve ses estudes; et cela, sans aucunement charger la despense du college, puisque pour icelle, il prouvoyeroit de la pension et fourniture requise..

  A015000678 

 Je m'en vay a l'autel, ma chere Fille, ou mon cœur respandra mille souhaitz pour le vostre; ou plustost, nostre cœur respandra mille benedictions sur soy mesme; car je parle plus veritablement ainsy..

  A015000679 

 O Dieu, ma chere Seur, ma Fille bienaymee, a propos de nostre cœur, que ne nous arrive-il comme a cette benite Sainte de laquelle nous commençons la feste ce soir, sainte Catherine de Sienne, que le Sauveur nous ostast nostre cœur et mist le sien en lieu du nostre! Mais n'aura-il pas plus tost fait de rendre le nostre tout sien, absolument sien, purement et irrevocablement sien? Oh qu'il le face, ce doux Jesus! je l'en conjure par le sien propre et par l'amour qu'il y enferme, qui est l'amour des amours.

  A015000689 

 Seulement, je m'essayeray d'estre court et revenir le plus vistement qu'il se pourra.

  A015000725 

 Ce sera bien asses, ma chere Seur, pour, en ce fait, imiter utilement sainte Catherine; et en cette sorte, nous serons doux, humbles et charitables, puisque le cœur de nostre Sauveur n'a point de loix plus affectionnees que celles de la douceur, humilité et charité..

  A015000725 

 Quel bonheur, ma tres chere Seur, si quelque jour, au sortir de la sainte Communion, je treuvois mon chetif et miserable cœur hors de ma poitrine, et qu'en sa place fut establi ce pretieux cœur de mon Dieu! Mais, ma chere Fille, puisque nous ne devons pas desirer des choses si extraordinaires, au moins souhaitte-je que nos pauvres cœurs ne vivent plus desormais que sous l'obeissance et les commandemens du cœur de ce Seigneur.

  A015000728 

 Remettés a la plus secrette providence de Dieu ce que vous treuveres de malaysé, et croyés fermement qu'il fera une douce conduite de vous, de vostre vie et de toutes vos affaires..

  A015000742 

 Et ne pensés pas que Nostre Seigneur soit plus esloigné de vous tandis que vous estes emmi le tracas auquel vostre vocation vous porte, qu'il ne seroit si vous estiés dans les delices de la vie tranquille.

  A015000742 

 Non, ma tres chere Fille, ce n'est pas la tranquillité qui l'approche de nos cœurs, c'est la fidelité de nostr'amour; ce n'est pas le sentiment que nous avons de sa douceur, mais le consentement que nous donnons a sa sainte volonté, laquelle il est plus desirable qu'elle soit executee en nous, que si nous executions nostre volonté en luy.

  A015000755 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A015000786 

 O que nostre Sauveur est bon et comme il traitte tendrement avec mon pauvre chetif courage! Mays je suis bien resolu de luy estre fort fidele, et specialement au service de nostre cœur que, plus sensiblement que jamais, je voy et sens estre unique.

  A015000787 

 Les affaires de la religion, qui s'accroissent icy tous les jours, me feront arrester plus longuement que je ne pensois, ma tres chere Fille; mais certes tres aggreablement, puisque c'est pour la gloire de Dieu et le service des ames qu'il a rachetees, lesquelles, en divers lieux de ce balliage, demandent qu'on leur restablisse le saint exercice.

  A015000816 

 J'ay pris ma bonne part du contentement que messieurs vos confreres ont eu au restablissement du saint exercice en l'eglise d'Ivonne, ou je ne doute point que vous ne facies de plus en plus paroistre le zele que vous aves au service de Nostre Seigneur, comme je vous supplie faire au soin du redressement et ameublement [59] de l'autel; et de mesme en la diligence de prouvoir le curé de l'entretenement qui luy est requis, lequel, affin quil ne demandast que raysonnable, je luy ay taxé conformement a celuy que vous donnés au curé de Sessi..

  A015000817 

 Au demeurant, je prie sa divine Majesté qu'elle vous comble de ses plus desirables faveurs, et ay un tres grand desir de pouvoir un jour, ains toute ma vie, tesmoigner combien je vous honnore, et suis,.

  A015000847 

 A Dieu, ma chere Fille; perseverons au desir de cette unité, de laquelle Dieu nous ayant fait jouir des icy, autant, que nostre condition infirme le peut porter, il nous en fera plus parfaitement jouissans au Ciel..

  A015000847 

 Ce feu sacré qui change tout en soy, veuille bien transmuer nostre cœur, affin qu'il ne soit plus qu'amour et qu'ainsy nous ne soyons plus aymans, mais amour; non plus deux, mais un seul nous mesme, puisque l'amour unit toutes choses en la souveraine Unité.

  A015000855 

 Un accommodement qu'il me faut faire ce matin entre deux de nos pasteurs de Gex, me prive de la consolation d'aller voir mes plus cheres brebis et de les repaistre moy mesme du Pain de vie.

  A015000866 

 Quelques vertueux gentilshommes et moy, ayans, Dieu merci, terminé les poursuites que le sieur de Blonnay faysoit a rayson de la perte de son filz contre le sieur [64] de Saint Paul, par un amiable et chrestien appaysement de toute inimitié et dispute, j'ay creu que je devois en donner asseurance a Vostre Altesse, affin quil luy playse de plus facilement incliner sa clemence et donner sa grace a celuy qui, ayant la paix avec sa partie par cet accomodement, et le pardon de Dieu par la contrition et confession, n'a plus a rechercher que la remission de la peyne, que Vostre Altesse seule luy peut ouctroyer et que la debonnaireté d'icelle luy fait esperer..

  A015000883 

 Ayant esté adverti que l'on m'avoit chargé aupres de Vostre Altesse de fayre certains mauvais mesnages d'Estat avec les estrangers, j'en ay esté le plus estonné du monde, ne pouvant m'imaginer sur quell'apparence de fondement on peut bastir cette calomnie.

  A015000883 

 Car encor que ces jours mon devoir m'ayt necessite d'aller a Gex et y arrester quelque tems, si est ce que non plus lâ qu'ailleurs je ne me suis meslé de fayre ou dire chose aucune que selon ma profession, preschant, disputant, reconciliant les eglises, consacrant les autelz, administrant les Sacremens..

  A015000885 

 Mays, soit quil donnast cett'atteinte par le commandement de la Reyne, soit quil la fit de son propre mouvement (dequoy je n'ay rien sceu apprendre de certain), elle fut si mal receüe, que [67] ceux de la ville, en diverses occurrences, disoyent tout haut qu'ilz se donneroyent plustost au malin qu'a Vostre Altesse et plustost a Vostre Altesse qu'au Roy; d'autant que, non seulement Vostre Altesse les recevroyt a meilleur marché que le Roy, mays quand elle voudroit alterer les conditions de leur donation, ilz auroyent plus de moyen de la rompre par l'assistence des voysins, que quand elle seroit faite en faveur du Roy.

  A015000886 

 Et sur ce propos, j'appris de divers discours des François, que si nostre Saint Pere se remuoyt un peu vivement envers les Soüisses catholiques et la Reyne, comm' il le doit faire en consideration de la religion, il n'y auroit point de difficulté de faire heureusement reuscir les prætentions de Vostre Altesse contre les Bernoys, desquelz la grandeur est de longuemain ennuyeuse aux Suysses catholiques, et puisque la Reyne doit plus desirer l'amoindrissement du parti huguenot, que soupçonner l'aggrandissement de Vostre Altesse..

  A015000899 

 En consideration de cela, un certain seigneur de Monluel, qui par longues annees avoit possedé un petit benefice simple audit Gex, de la valeur d'environ 20 ou 25 escus de revenu, ayant de son gré et par son election desiré que ce sien benefice fut uni a nostre dit Chapitre, je l'ay fait encor plus volontier, comme chose sainte et juste..

  A015000899 

 Nostre Chapitre de Geneve a plus cooperé aux commencemens de l'establissement de l'exercice catholique [69] a Gex qu'aucuns ecclesiastiques; car, outre que monsieur le Prevost, messieurs Grandis, Bochuti et Gottri, chanoynes dudit Chapitre, ont esté les premiers qui ont fait residence a leurs despens en ce pais-lâ durant un'annee, ce fut ce Chapitre qui fournit aux fraitz que je fis, estant encor Prevost, pour la sollicitation de la confirmation de l'establissement.

  A015000928 

 Je le treuve plus que vierge, parce qu'il est vierge mesme des yeux, qu'il a plantés sur les objetz insensibles du desert et ne sçait point par les sens qu'il y ait deux sexes; plus que confesseur, car il a confessé le Sauveur avant que le Sauveur se soit confessé luy mesme; plus que predicateur, car il ne presche pas seulement de la langue, mais de la main et du doigt, qui est le comble de la perfection; plus que docteur, car il presche sans avoir ouy la source de la doctrine; plus que martyr, car les autres martyrs meurent pour Celuy qui est mort pour eux, mais luy meurt pour Celuy qui est encor en vie, et contreschange, selon sa petitesse, la mort de son Sauveur avant qu'il la luy ait donnee; plus qu'evangeliste, car il presche l'Evangile avant qu'il ait esté fait; plus qu'apostre, car il precede Celuy que les Apostres suivent; plus que prophete, car il monstre Celuy que les Prophetes predisent; plus que patriarche, car il voit Celuy qu'ilz ont [74] creu, et plus qu'ange et plus qu'homme, car les Anges ne sont qu'espritz sans cors, et les hommes ont trop de cors et trop peu d'esprit: celuy ci a un cors et n'est qu'esprit..

  A015000930 

 Mays cecy est encor admirable, que Nostre Seigneur ayant dit qu' entre tous ceux qui estoyent nés de femme, nul n'estoit p lus grand que Jean, il adjouste: Voire, mais celuy qui est le moindre au Royaume des cieux, c'est a dire en l'Eglise, est plus grand que luy.

  A015000930 

 O ma chere Fille, il est vray, car le moindre Chrestien communiant est plus grand en dignité que saint Jean.

  A015000954 

 Ce Pere, que j'honnorois des-ja bien fort pour les fruitz que j'avois veu de son esprit, m'a lié a son amour et respect d'un lien indissoluble quand j'ay conneu en luy un si grand assemblage d'erudition, d'entendement, de [78] vertu, de pieté, et, entre ses vertus, l'estime quil fait de la vostre et du bien de vostre conversation; car c'est une des maximes plus entieres de mon ame, que j'honnoreray quicomque vous honnorera et cheriray quicomque vous cherira..

  A015000955 

 Et Dieu veuille que certaines nouvelles esperances qu'on nous propose soyent plus asseurees que celles que nous venons de perdre n'ont esté..

  A015000955 

 Nous avions longuement attendu quelle issue prendroit le traitté si longuement entretenu du mariage de M lle d'Anet et de nostre Monsieur; mays a ce qu'on nous dit, nous n'en devons plus rien attendre, puisque tout en est cassé.

  A015000958 

 Madame la Marquise de Meneley me fait trop de grace de se resouvenir de moy, et encor plus de desirer que j'aille là.

  A015000975 

 On est bien empesché avec ces amoureux, ma chere Fille! Voyci ce jeune gentilhomme qui me demande une lettr'a vous pour vous rendre plus recommandables ses prætensions, et moy je me resouviens bien de ce que vous m'escrivistes lautrefois, quil failloit conduire l'affaire tout bellement et le presser a loysir.

  A015001010 

 Je n'ay pas plus tost veu monsieur vostre cher mari, que j'ay sceu son despart de cette ville.

  A015001016 

 Puisque sa condition et son humeur mesme le porte au desir de paroistre es occasions, il faut humblement recommander son despart et son retour a Nostre Seigneur, avec confiance en sa misericorde qu'il en disposera a sa plus grande gloire..

  A015001037 

 Aussi n'en sçauries-vous conserver pour personne qui ayt plus de sincere affection pour vous, a qui je souhaitte continuellement devant Nostre Seigneur mille benedictions, et celle-la sur toutes et pour toutes, que vous soyés toute parfaitement sienne.

  A015001048 

 Mais, mon Dieu! gardes-vous bien d'entrer en aucune sorte de desfiance, car cette celeste Bonté ne vous laisse pas tomber de ces cheutes pour vous abandonner, ains pour vous humilier et faire que vous vous tenies plus serree et ferme a la main de sa misericorde..

  A015001048 

 Or sus, que voules vous que je vous die, ma tres chere Fille, sur le retour de vos miseres, sinon qu'au retour de l'ennemy, il faut reprendre et les armes et le courage pour combattre plus fort que jamais.

  A015001049 

 Et bien que selon nostre goust et l'amour propre les suavités et tendretés nous soyent plus douces, les [89] secheresses neanmoins, selon le goust de Dieu et son amour, sont plus profitables, ainsy que les viandes seches sont meilleures aux hydropiques que les humides, bien qu'ilz ayment tous-jours plus les humides..

  A015001049 

 Vous faites extremement a mon gré de continuer vos exercices emmi les secheresses et langueurs interieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des secheresses luy est plus aggreable que celuy que nous faysons parmi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté superieure.

  A015001051 

 Combattes fidellement vos impatiences en exerçant non seulement a tous propos, mais encor sans propos, la sainte debonnaireté et douceur a l'endroit de ceux qui vous sont plus ennuyeux, et Dieu benira vostre dessein..

  A015001070 

 Je vous remercie de vostre beau grand present, ma tres chere Mere, ma Fille, et encor plus de vostre billet.

  A015001072 

 Nos filles qui veulent faire les vœux pourront bien faire un peu d'orayson preparatoire sur les vœux de Nostre Dame et de tant de filles et femmes assemblees qui les firent a Nostre Seigneur et qui les gardent avec tant de fidelité, qu'elles souffrent plus volontier pour le divin Maistre que de s'en despartir..

  A015001079 

 Je vous dis en deux motz, ma tres chere Fille, que lundi, Dieu aydant, je pars tout a pied pour aller au Jubilé de Thonon, ou si je vous voy, ma consolation [92] sera extremement plus grande.

  A015001081 

 Vostre plus humble compere et serviteur,.

  A015001096 

 C'est la vraye verité, Monsieur, qu'encor que mes amis meurent, mon amitié ne meurt point, ains, s'il s'y fait quelque changement, c'est pour une nouvelle naissance qui la voit plus vive et vigoureuse entre leurs cendres, comme un certain phœnix mystique; car, bien que les personnes que j'ayme soyent mortelles, ce que j'ayme principalement en elles est immortel, et j'ay tous-jours estimé cet axiome fondamental pour la connoissance des vrayes amitiés, qu'Aristote, saint Hierosme et saint Augustin ont tant solemnisé: Amicitia quæ desinere potuit, nunquam vera fuit..

  A015001099 

 Je hais par inclination naturelle, par la condition de ma nourriture, par l'apprehension tiree de mes ordinaires considerations et, comme je pense, par l'inspiration celeste, toutes les contentions et disputes qui se font entre les Catholiques, desquelles la fin est inutile, et encor plus celles desquelles les effectz ne peuvent estre que dissensions et differens, mais sur tout en ce tems plein d'espritz disposés aux controverses, aux mesdisances, aux censures et a la ruyne de la charité..

  A015001104 

 Que s'il vous semble que d'abord je devois user de plus de moderation, je vous supplieray de croire que je n'en sçai point en l'amitié, ni presque en rien qui en depende.

  A015001113 

 O Dieu! ma tres chere Fille, je ne sçai quel chemin j'ay fait, ou celuy de Thonon, ou celuy de Bourgoigne, mays je sçai bien que je suis plus en Bourgoigne qu'icy.

  A015001113 

 Ouy, ma Fille, puisqu'il plaist ainsy a la divine Bonté, je suis inseparable de vostre ame et, pour parler avec le Saint Esprit, nous n'avons meshuy plus qu'un cœur et qu'une ame; car ce qui est dit de tous les Chrestiens de la naissante Eglise, se treuve, graces a Dieu, maintenant entre nous.

  A015001117 

 Je me depescheray au plus tost en faveur de nos filles..

  A015001130 

 Mays, pour ma sainteté, qui est ce que vous affectionnés le plus, je ne fay gueres de choses, sinon mille continuelz desirs et quelques prieres particulieres, affin qu'il plaise a Nostre Seigneur les rendre utiles [101] et fructueuses pour tout nostre cœur, et, presque ordinairement, je me treuve plein d'une douce confiance que sa divine Bonté nous exaucera.

  A015001131 

 Il me tarde, ma tres chere Fille, que ce cœur que Dieu nous a donné, soit uniquement et inseparablement donné et lié a son Dieu par ce saint amour unissant qui est plus fort que la mort et que tout.

  A015001174 

 Ce n'est que pour simplement vous saluer et asseurer que je me presseray le plus que je pourray pour bien tost vous revoir, et espere que ce sera avec nostre mutuelle consolation et de toutes nos Seurs mes cheres filles.

  A015001218 

 Je m'en vay a l'eglise, ou, par le saint Sacrifice, je commenceray les recommandations de cette chere et pretieuse ame, et celle que je dois a jamais continuer pour vous et tout ce qu'elle aymoit le plus.

  A015001230 

 J'en desirerois une meilleure et plus a propos pour M. Charbonnet, que je dois affectionner pour tant de raysons.

  A015001249 

 L'on m'a adverti que vous vous accables de peyne, que vous ne vous devestes point plusieurs nuitz de suite, que vous ne manges comme point, que vous faites les services plus penibles de l'infirmerie et puis retournes promptement soustenir le chant du chœur.

  A015001261 

 Je dis presque, a cause de celuy qui dit: Cum his qui oderunt pacem eram pacificus; autrement, je pense que je ne l'eusse pas dit, car les chasseurs poussent par tout dans les buissons, et retournent souvent plus gastés que la beste qu'ilz ont cuidé gaster.

  A015001261 

 La pluspart de ces propos mal mesurés qu'on dit ou qu'on escrit, sont plus heureusement repoussés par le mespris que par l'opposition.

  A015001261 

 Mais, n'en parlons donq plus.

  A015001261 

 Si quelqu'un avoit immoderement parlé ou escrit de l'authorité, il auroit grand tort, car il n'y a point de plus mauvaise façon de mal dire que de trop dire.

  A015001264 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A015001273 

 Des la reception de vostre derniere lettre, qu'on me rendit sur le commencement de septembre, j'ay presque tous-jours esté aux chams pour faire la visite des baillages qui sont autour de Geneve, qui n'avoyent esté visités il y a plus de cent ans, pour avoir esté restablis seulement des douze ou quinze ans en ça au giron de la sainte Eglise.

  A015001289 

 Or, cela empeschera extremement vostre Somme de grossir; ce ne sera que suc et moüelle, et selon mon sens, elle en sera plus friande et plus aggreable..

  A015001290 

 Et bien que je voudrois qu'on n'oubliast rien, si est-ce qu'en telles questions il me semble qu'il suffiroit de bien exprimer vostre opinion et en jetter le vray fondement; puis a la fin, dire simplement, ou au commencement, que « talis et talis aliter senserunt, » affin de laisser plus de place pour s'estendre un peu davantage es questions de consequence, esquelles il faut regarder de bien instruire vostre lecteur..

  A015001296 

 Vostre frere et serviteur plus humble et affectionné,.

  A015001318 

 Ce que je dis, parce que madame de Chantal, peut estre, ne viendra pas avant Noël, puisqu'elle est resolue d'achever et demesler toutes ses affaires avant que de revenir, affin de n'avoir plus sujet de distraction..

  A015001321 

 Vostre plus humble confrere,.

  A015001349 

 Je me porte fort bien, grace a nostre Sauveur, qui me donne certain courage nouveau de l'aymer, servir et honnorer plus que jamais de tout mon cœur, de toute mon ame et de tout moy mesme; mays je dis de tout moy mesme, ma tres chere Fille, m'estant advis que jusques a present je n'ay point eu l'ardeur ni le soin convenable au devoir que j'ay a cette immense Bonté..

  A015001350 

 Ma tres chere Fille, remerciés cette clarté souveraine qui respand si misericordieusement ses rayons dans ce cœur, qu'a mesme que je suis parmi ceux qui n'en ont point, je vois plus clairement et illustrement sa grandeur et sa [125] desirable suavité.

  A015001400 

 Helas! que nous serons heureux si nous nous dedions bien entierement a ce saint service, soit en allant ou en demeurant, soit en faysant le bien ou en souffrant le mal; mays sur tout en souffrant, car le tesmoignage de nostre fidelité est bien plus grand en la souffrance qu'en l'action: dont les Martirs sont praeferés aux Confesseurs, et la Passion de nostre Sauveur a esté la grand'œuvre de nostre salut..

  A015001401 

 Acceptons-le donques avec tres profond'action de [131] graces, de la main de ce Pere debonaire qui nous l'a imposé; et si nous avons de la difficulté a respirer, il nous faut tant plus aspirer et souspirer en Dieu par des desirs continuelz de faire progres en son saint amour.

  A015001401 

 Ma tres chere Fille, vous ne pouvés guere plus dormir couchee; il faut que vous reposies assisse, a cause du defaut d'aleyne.

  A015001402 

 Néanmoins] cette nuit passee elle s'est si bien [reposée]... [que si ce n']est pas miracle, c'est au moins une speciale grace que [Dieu a] faitte aux prieres de ses cheres compaignes qui toutes estoyent des-ja en larmes; si bien qu'a mon jugement, il ni a plus rien a craindre pour ce coup.

  A015001403 

 M me de Chantal doit arriver pour Noüel, sinon que quelqu'affaire d'importance luy soit survenu; car je luy ay escrit qu'elle n'espargnast pas le tems pour bien conclure tout ce qui est requis, affin qu'apres son retour elle demeure en plus grand repos.

  A015001424 

 Certes, il n'y a pas moyen de tarder plus, parmi ces bonnes festes, d'aller saluer la tres chere Mere et Cousine et sçavoir comment elle se porte en ce grand froid.

  A015001434 

 Je ne doute point, ma tres chere Fille, que vous ne soyes grandement exercee de diverses rencontres desplaysantes, sçachant une partie des sujetz qui vous en peuvent donner; mays en quoy, et quand, et comment pouvons nous tesmoigner la vraye fidelité que nous devons a Nostre Seigneur, qu'entre les tribulations, es contradictions et au tems des repugnances? Cette vie est telle qu'il nous faut plus manger d'absynthe que de miel; mais Celuy pour lequel nous avons resolu de nourrir la sainte patience au travers de toutes oppositions, nous donnera la consolation de son Saint Esprit en saison.

  A015001446 

 Voyla mon grand verre que j'envoye a nostre pauvre malade, affin qu'ell'y boive plus a souhait.

  A015001447 

 Fille, dites moy, je vous prie, sera-il mieux que je vous aille revoir demain matin pour assister au disner de cette grande fille, et encor de la Jaquemaz, sil y escheoit, ou que j'y aille [137] seulement apres Vespres pour la voir souper? Mon opinion est que ce soit apres Vespres, par ce que j'auray plus de tems, comme j'espere, d'estre avec moy (je veux dire avec vous) et avec elle; et lhors j'adjousteray aux tablettes le mot qui manque, car j'ay grand'envie d'estr'un jour homme de parole..

  A015001486 

 Et bien, ma chere Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esleviés, le plus frequemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions: premierement, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage; troisiesmement, l'adjurant par le merite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix; quatriesmement, protestant que vous voules non seulement souffrir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main; cinquiesmement, invoquant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde..

  A015001489 

 [141] C'est maintenant, ma Fille, que, plus que jamais et a tres bonnes enseignes, vous pouves tesmoigner a nostre doux Sauveur que c'est de toute vostre affection que vous aves dit et dires: VIVE JESUS!.

  A015001538 

 M. de Granyer est allé, comme je pense, en Languedoc, sans passer icy ou nous l'attendions, plus pour [148] apprendre les particularités des graces et traitz de vostre faveur, que pour autres raysons, bien que je sçai qu'elles sont grandes..

  A015001539 

 Ce que j'avois preveu de la volonté de Monseigneur de Nemours touchant son hostel, s'est treuvé plus que veritable; car, outre ce que j'avois consideré, il y a de plus qu'il n'est nullement hors d'occasion d'aller peut estre plus tost que je ne pense a Paris: vous pouvés bien penser pourquoy, mays je dis cecy entre nous deux.

  A015001546 

 Voyla M. Michel qui va un peu plus tost que l'ordinaire, affin que vous puissies prendre vostre tablette au moins une heure avant disner..

  A015001547 

 Mais, ma tres chere Fille, toutes deux, ces prises que [149] vous feres, sont tablettes cordiales; sur tout la premiere, composee de la plus excellente poudre qui fut jamais au monde.

  A015001549 

 Ah! ma Fille, nous en avons bien passé de plus aspres: pourquoy n'aurons-nous pas le cœur de surmonter encores cette difficulté?.

  A015001576 

 En toutes, je m'essayois de vous tesmoigner l'ardent desir que j'aurois de rendre quelque sorte de service pour l'erection, institution et avancement de vostre Congregation, laquelle j'estime devoir estre un (sic) des plus fructueuses et apostoliques œuvres qui ayt esté faite en France, il y a long tems.

  A015001576 

 Mays, Monsieur, je voy bien que je n'auray pas ce bonheur d'y contribuer chose quelcomque, sinon mes bons souhaitz et mes vœux; car, quant a l'hostel de Nemours, il n'en faut nullement parler, puisque Monseigneur de [154] Nemours fait profession expresse, et de ne vouloir jamais se retirer du tout de France, et d'avoir cette commodité de mayson, plus praetieuse que tout'autre chose..

  A015001597 

 J'eusse desiré plus quil ne se peut dire, d'estre utile au service de la sainte Congregation qui esclost maintenant sous la direction de monsieur de Berulle, laquelle j'ay opinion devoir estre l'une des plus fructueuses qui ayt jamais esté a Paris; mais je ne puis en point de façon, Nostre Seigneur ne m'en treuvant pas digne, et l'affaire pour laquelle ledit seigneur Berulle m'escrivit, impossible, a laquelle neanmoins j'eusse volontier contribué tout mon pouvoir, sil y eut eu apparence de la voir reuscir..

  A015001598 

 Ainsy l'en supplie-je, et quil vous face de plus en plus abonder en son saint amour, [156] auquel je vous supplie de me recommander continuellement, comme une personne qui est a [jamais],.

  A015001601 

 XXI janvier 1612, a Neci, ou je suis aussi plus humble serviteur de monsieur vostre mari et de monsieur vostre filz..

  A015001612 

 Je vous seconderay le plus doucement quil me sera possible, ma tres chere Fille, en vostre juste intention, bien qu'entre nous il ny a ni second ni premier, ains un (sic) simple unité.

  A015001613 

 Mays, avant que de passer plus outre, [158] penses bien derechef en vous mesme a l'importance de ce que vous entreprenes; car il seroit bien mieux de n'entrer pas parmi nous, qu'apres y estr'entrees donner quelqu'occasion de n'estre point receues aux oblations.

  A015001615 

 Vous vous tromperies bien si vous pensies estre venues pour avoir plus grand repos qu'au monde, car au contraire, nous ne [159] sommes icy assemblees que pour travailler diligemment a desraciner nos mauvaises inclinations, corriger nos defautz, acquerir les vertus; mays bienheureux est le travail qui nous donnera le repos eternel.

  A015001617 

 Or, je ne dis pas, ma chere Fille, que vous disies ni ces paroles, ni tout ceci, mays ce que vous verres a propos, plus pour l'edification et reveil des autres, que pour celle (sic) ci.

  A015001628 

 Le tres grand et miraculeux saint Paul nous a resveillés de grand matin, ma tres chere Fille, si fort il s'est escrié aux oreilles de mon cœur et du vostre: Seigneur, que voules vous que je fasse? Ma tres [160] chere Mere et toute chere Fille, quand sera-ce que, tous mortz devant Dieu, nous revivrons a cette nouvelle vie en laquelle nous ne voudrons plus rien faire, ains laisserons vouloir a Dieu tout ce qu'il nous faudra faire, et laisserons agir sa volonté vivante sur la nostre toute morte?.

  A015001631 

 Je pense qu'il vous faut caresser la seur de nostre Seur N., car en fin la douce charité est la vertu qui respand le bon odeur edificatif, et les personnes moins eslevees la reçoivent avec plus de prouffit.

  A015001638 

 Il gouste aucunement qu'on face l'oratoire en la grande tour, ainsy quil vous dira plus amplement; et moy, je ne vous diray plus sinon bon soir, pour ce coup..

  A015001660 

 Et si vous obeisses humblement, une Communion vous sera plus utile en effect que deux et troys faites autrement; car il n'y a rien qui nous rende la viande si prouffitable, que de la prendre avec appetit et apres l'exercice.

  A015001660 

 Or, la retardation vous donnera l'appetit plus grand, et l'exercice que vous feres a mortifier vostre impatience revigorera vostre estomach spirituel..

  A015001662 

 Le sentiment que vous aves d'estre toute a Dieu n'est point trompeur; mais il requiert que vous vous amusiés un peu plus a l'exercice des vertus et que vous ayés un soin special d'acquerir celles esquelles vous vous treuves plus defaillante.

  A015001674 

 Ce petit peuple catholique et moy le presentons en toute humilité a Vostre Majesté comme un cahier animé, contenant les moyens plus convenables pour la reduction de ceux de la religion pretendue et pour l'accroissement de la foy catholique au bailliage de Gex; affin que, si tel est le bon playsir [166] de Vostre Majesté, dont je la supplie tres humblement, elle en sçache par luy toutes les particularités plus clairement..

  A015001708 

 Pourquoy vous dis-je cecy, mon cher Amy, sinon pour vous encourager a bien prendre garde que les loups voysins ne se jettent parmi vos brebis, ou, pour dire plus paternellement selon les sentimens de mon ame, sur ces pauvres Genevois.

  A015001723 

 Il faut que je vous advoue, mon cher Pere, selon les loix de nostre inviolable, paternelle, fraternelle et filiale dilection, que la conduitte de Dieu sur tous ses desseins me tient en admiration, mays avec certaine esperance intime qu'il mene sur le bord de la mort pour vivifier; je dis plus, qu'il tue pour resusciter.

  A015001736 

 Vostre plus humble, fidelle frere et serviteur,.

  A015001764 

 Ainsi Dieu est plus exalté dans ses Saints, les peuples mettent plus d'empressement à celébrer leurs louanges et l'Eglise plus de magnificence à publier leur gloire.

  A015001764 

 De même, quand nous honorons leurs [173] mérites avec plus de confiance, nous recevons de leurs intercessions plus de fruit.

  A015001764 

 Enfin, nous trouvons une exhortation bien plus vivement efficace dans les exemples, lorsque la sainteté des personnes ne peut plus être mise en doute..

  A015001764 

 Il a toujours été à propos que ceux qui ont servi Dieu par une sainteté de vie particulière et plus éclatante, fussent mis au nombre des Saints par l'autorité publique de l'Eglise et selon le rit consacré.

  A015001765 

 Aussi, puisqu' il n'y a plus de saint en ce monde, il faut, d'entre les justes qui ont été rachetés de la terre, évoquer le souvenir et ramener au milieu de nous la pensée de ceux dont la vie a jeté le plus d'éclat par le rayonnement de la sainteté.

  A015001767 

 Cette demande instante, la majesté du Dieu tout-puissant vous la fait, non par une prière, mais de plein droit, car elle apparaîtra plus manifestement admirable dans ce bienheureux Prince.

  A015001768 

 Faites-nous donc cette grâce, Très Saint Père, et ne laissez pas plus longtemps sous le boisseau cette lampe allumée par le feu divin, mais placez-la sur le chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Sanctifiez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu avec tant de charité et l'a fait glorifier par tant de miracles; annoncez à toute l'Eglise qui est sur la terre que le Seigneur a exalté son Saint dans les Cieux, pour nous exaucer quand nous crierons vers lui.

  A015001802 

 Mon Dieu, que j'ay de contentement de voir en cette chere seur qui est icy, non seulement l'air de vostre visage, mais, ce qui est le plus beau, les traitz de vostre esprit et de vos affections.

  A015001833 

 C'est ce [184] qu'on remarque surtout à notre époque; à plus forte raison chez la jeunesse, qui de sa nature est téméraire et hardie.

  A015001833 

 Cette tendance à secouer tout joug est encore un mal des plus contagieux; aussi s'insinuerait-il petit à petit de royaume en royaume, d'une couronne à une autre couronne, comme il est arrivé pour d'autres maux semblables.

  A015001833 

 Il est clair que la majeure partie des Parlements et des hommes d'Etat, même catholiques, penchent du côté le moins favorable, ou, pour mieux dire, le plus contraire à l'autorité papale, cette opinion leur paraissant mieux s'accorder avec l'autorité royale et la servir plus utilement.

  A015001833 

 Par des avis particuliers reçus de Paris et de Dijon et par des [183] opuscules imprimés dans ces deux villes, on voit clairement que la discussion touchant l'autorité du Très Saint Père sur les rois s'étend de plus en plus; de même en est-il de celle qui a pour objet de comparer les Conciles avec les Souverains Pontifes.

  A015001833 

 Si cet état de choses persévère, il est à craindre qu'il n'en résulte pour ce royaume un dommage considérable et une déplorable division; d'autant plus que le roi devant prendre dans trois ou quatre ans l'administration de l'Etat, il sera facile au parti hostile à l'autorité du Saint-Siège de tourner ce prince du côté où celui-ci verra quelque apparence d'étendre ses droits, tant est grande l'inclination des hommes à dominer sans aucune dépendance.

  A015001834 

 Faire discuter la question par d'habiles théologiens, ne paraît pas être le bon remède, car plus les débats seront brûlants, plus aussi les esprits s'échaufferont et la discorde ne fera qu'augmenter.

  A015001834 

 Il faut ajouter que les raisons des adversaires flattent l'oreille des grands, non pour leur justesse, mais parce qu'elles favorisent leurs vues; il ne manquera pas non plus de théologiens qui, pour diverses considérations, embrasseront le parti de la division..

  A015001835 

 Inutiles pour les catholiques, ces divisions sont encore funestes aux hérétiques; elles détournent et retardent leur conversion, et de plus, leur fournissent la matière d'un triomphe..

  A015001835 

 Le remède le plus efficace serait donc que pendant la régence, l'on traitât à l'amiable avec la reine et le Conseil, de la part de Sa Sainteté.

  A015001836 

 Dans cette guerre, une pieuse adresse, la prudence et la douceur sont certainement plus fructueuses que le feu de la doctrine et l'ardeur du zèle..

  A015001836 

 Sans doute, il faut louer le zèle des prédicateurs qui se sont opposés à l'insolence des adversaires; mais puisqu'on voit que par la continuation des plaidoyers, des controverses, des altercations, le feu s'allume au lieu de s'éteindre, le silence sera bien plus avantageux que la discussion elle-même.

  A015001841 

 Il serait bon aussi de ménager, par l'entremise de Prélats dévoués et prudents, l'union et la bonne intelligence entre la Sorbonne et les Pères Jésuites, afin que, réunissant deux bœufs sous un même joug, on pût travailler dans le champ sacré d'une manière plus efficace.

  A015001861 

 Et d'autant que les Chrestiens, Princes et autres ne sont pas alliés au Pape et a l'Eglise d'une simple alliance, mays d'une alliance la plus puissante en obligation, la plus excellente en dignité qui puisse estre; comme le Pape et les autres Prelatz de l'Eglise sont obligés de donner leur vie et subir la mort pour donner la nourriture et pasture spirituelle aux Rois et aux royaumes chrestiens, aussi les Rois et les royaumes sont tenus et redevables reciproquement de maintenir, au peril de leurs vies et Estatz, le Pape et l'Eglise, leur [193] Pasteur et Pere spirituel.

  A015001872 

 Quoy qu'extremement occupé, comment pourrois-je m'empescher de saluer ma tres chere Fille, au jour de la plus heureuse salutation qui fut jamais faite? Hé! je supplie cette glorieuse Vierge qui fut aujourd'huy saluee, qu'elle nous impetre quelque part a la tres sacree consolation qu'elle receut.

  A015001906 

 Je dis bien parmi ces tenebres, car je vous laisse a penser: Nostre Dame et saint Jean [198] estans au pied de la Croix, emmi les admirables et espouvantables tenebres qui se firent, ilz n'oyoyent plus Nostre Seigneur, ilz ne le voyoyent plus et n'avoyent nul sentiment que d'amertume et de detresse, et bien qu'ilz eussent la foy, elle estoit aussi en tenebres, car il failloit qu'ilz participassent a la dereliction du Sauveur.

  A015001918 

 C'est, Monseigneur, qu'il vous playse luy continuer lhonneur de vostre bienveuillance encor apres son trespas, comm'a un serviteur fidele et ancien de Vostre Altesse, qui, en la vie et en la mort, n'avoit rien eü de plus entier en son ame que la tres humble obeissance qu'il devoit a vostre couronne; et que, ne pouvant plus exercer cette sienn'affection en ce monde, il avoit fait choix du filz aysné du sieur de Chenex pour le nommer son heritier, affin qu'avec ce peu de biens qu'il luy laisse, il puisse estre eslevé et nourri en la vertu et en la puissante inclination du service de Vostre Altesse, a laquelle, outre son originaire devoir, le nom et les armes de Lambert, qu'il luy ordonne de porter, le rendront absolument hipothequé et consacré.

  A015001918 

 En suite dequoy, il supplioyt aussi tres humblement Vostre Altesse de recevoir ce sien heritier sous la protection de sa bonté et de l'avoir en recommandation particuliere, affin que, croissant a l'ombre de cette faveur, il devienne plus capable de prattiquer un jour le service de Vostre Altesse auquel il a esté dedié..

  A015001932 

 Ce porteur, qui est filz d'un tres bon pere et lequel est de mes meilleurs amis, n'a pas voulu retourner a Paris sans vous rapporter de mes lettres comm'il m'en avoit apporté des vostres, estimant que, comm'il desire, il vous en seroit plus aggreable.

  A015001933 

 Quant aux mariages, vous sçaves qu'en tems de Caresme ce n'en est pas la sayson; aussi n'en dit-on plus mot..

  A015001949 

 Il m'a des-ja tant ennuyé par la dureté avec laquelle il traitte cette pauvre femme, que s'il ne fait autre chose, je la veux prendre avec luy le plus asprement que je pourray, et ne doute point qu'il ne soit en mon pouvoir de le ruyner, si je m'y resous..

  A015001954 

 Vostre tres affectionné plus humble serviteur,.

  A015001967 

 Je suis avec un peu plus de monde que quand je suis en nostre sejour ordinaire aupres de vous; et plus j'en voy de ce miserable monde, plus il m'est a contrecœur, et ne croy pas que j'y peusse vivre, si le service de quelques bonnes ames en l'advancement de leur salut ne me donnoit de l'allegement..

  A015001968 

 Mon Dieu, mes cheres Filles, que je treuve bien plus [205] heureuses les abeilles, qui ne sortent de leur ruche que pour la cueillette du miel, et ne sont associees que pour le composer, et n'ont point d'empressement que pour cela, et dont l'empressement est ordonné, et qui ne font dans leurs maysons et monasteres sinon le mesnage odorant du miel et de la cire! Qu'elles sont bien plus heureuses que ces guespes et mouches libertines, qui, courans si vaguement et plus volontier aux choses immondes qu'aux honnestes, semblent ne vivre que pour importuner le reste des animaux et leur donner de la peyne, en se donnant a elles mesmes une perpetuelle inquietude et inutile empressement.

  A015001969 

 Et ces ames amoureuses du Sauveur, qui le suivent en nostre Evangile jusques sur le haut du desert, y font un plus delicieux festin sur l'herbe et les fleurs, que ne firent jamais ceux qui jouissoyent de l'appareil somptueux d'Assuerus, ou l'abondance estouffoit la jouissance parce que c'estoit une abondance des viandes et des hommes..

  A015001972 

 Dieu vous benisse, mes tres cheres Filles, et vous face de plus en plus avancer en l'amour de sa divine eternité, en laquelle nous esperons de jouir de l'infinité de ses faveurs pour cette petite, mais vraye fidelité, qu'en si peu de chose, comme est cette vie presente, nous voulons observer moyennant sa grace.

  A015001987 

 Tres affectionné, plus humble cousin et serviteur,.

  A015002004 

 Le P. Recteur de Chambery me dit que l'expedition [208] de son proces vous estant recommandee, il l'aura ou demain ou, au plus long aller, passé demain.

  A015002025 

 Je vous donne le bonjour, et peut estre iray-je vous donner le bon soir en personne, cependant, si je puis; et mesme par ce que M me l'Ancienne est venue, laquelle, [210] on m'asseure, ira vers vous avec intention d'avoir plus de commodité de me parler; bien que je voye qu'ell'en aura peu ou que ce soit, a rayson de nostre Sinode, duquel les abors commencent demain..

  A015002036 

 J'ay dit a ce porteur ce qui m'a semblé a propos, qui est quil regardast a treuver parti tout a loysir, affin de sortir de ce service auquel il est, plus convenablement..

  A015002047 

 Ce livre la est bon, mais non pas pour l'affaire presente; nous en chercherons un autre plus court et le treuverons, Dieu aydant..

  A015002091 

 M me de Limogeon me pria il y a bien sept mois, de luy tenir ce dernier enfant qu'elle a fait, et je le pris [216] en fort grand honneur; mais je le treuve encor plus grand et plus aggreable, puisque c'est avec cette heureuse rencontre que vous le deves tenir avec moy; ce que je prens a presage qu'un jour je pourray bien avoir la consolation d'en tenir un des vostres.

  A015002093 

 Vostre plus humble oncle et serviteur,.

  A015002130 

 En somme, je suis le meilleur de vos peres et le plus brave de vos enfans..

  A015002165 

 L'une des opinions maudites et réprouvées que l'infâme Calvin enseigna avec plus d'ardeur et d'impudence dans la malheureuse cité de Genève, ce fut le mépris des Saints qui règnent au Ciel avec [223] Jésus-Christ.

  A015002177 

 Ce que j'ay de plus prest, qui regarde la conduite des ecclesiastiques de ce diocæse, je le remettray, Dieu aydant, a ce porteur, non seulement par ce qu'il est mon diocæsain et quil a des-ja esté employé en semblable occasion, mays par ce aussi que vous le voules, puis que je suis de tout mon cœur,.

  A015002181 

 Presque toutes nos chaires sont occupees par les RR. Peres Capucins, qui ont huit Maysons, la plus part nouvellement fondees; et si, je vous puys dire que, excepté celle de cette ville, je n'oserois en presenter une [228] a quelque predicateur qui, pour y venir, eut besoin de faire une journee..

  A015002259 

 Helas, ma chere Seur, que j'aurois bien besoin d'un peu plus de loysir pour laysser reprendre mon cœur, tout fasché de cette nouvelle que je viens de recevoir du trespas de madame nostre chere mere! Mays puisque je ne puis, que vous diray-je, ma tres chere Seur, sinon que voyla comme cette miserable vie mortelle est incertaine parmi nous, et que nous sommes encor plus miserables qu'elle, si nous l'estimons pour autre sujet que pour ce qu'elle nous sert de passage [234] a l'eternelle; eternelle, ma tres chere Fille, a laquelle nous devons sans cesse aspirer, en laquelle nos proches et nos amis se treuveront reunis avec nous d'une societé indissoluble..

  A015002261 

 Certes, si je ne connoissois l'ame de nostre defuncte et que je n'eusse sceu qu'ell' estoit bonne et craignoit Dieu, j'eusse esté plus estonné de la façon de son trespas que de son trespas mesme, tant j'ayme l'esprit au dessus de tout le reste.

  A015002263 

 En vraye verité, vous n'aves point de cœur qui soit plus vostre que le mien.

  A015002264 

 Vostre plus humble, tres fidele frere et serviteur,.

  A015002297 

 Je cheriray des-ormais le pauvre petit livret de l' Introduction a la Vie devote plus tendrement que je [237] n'ayfait, puis qu'il m'a acquis lhonneur de vostre sainte bienveuillance, et me sentiray de plus fort obligé au P. Irenee qui, le premier, m'a donné la consolation de me le faire sçavoir.

  A015002332 

 Voyés vous une rose, ma tres chere Fille? Elle represente le glorieux saint Jean, duquel la vermeille charité est plus esclattante que la rose, a laquelle encor il ressemble parce que, comme elle, il a vescu emmi les espines de beaucoup de mortifications..

  A015002344 

 Et a cet effect, ne pouvant bonnement partir de cette province ou ma charge me tient lié, sans l'aggreement de [241] Son Altesse, non seulement j'ay fait supplication pour l'obtenir, mais ay conjuré un de ceux que je croyois estre plus propre, affin d'en solliciter l'enterinement..

  A015002345 

 Or, voyant que jusques a present je n'ay aucune response et que si, par adventure, je la recevois negative dans quelque tems, la faveur que vous m'aves faitte de me souhaitter seroit suivie du desplaysir de n'avoir ni mes sermons, ni peut estre ceux des autres predicateurs sur lesquelz, a mon defaut, vous pourries avoir jetté les yeux, d'autant que ce pendant ilz se pourroyent engager ailleurs: cela, Messieurs, fait que je vous supplie de ne plus continuer envers moy l'honneur de vostre attente et de colloquer ce vostre choix en quelqu'autre qui ayt plus de liberté que moy pour l'accepter.

  A015002359 

 Et bien que la justice ne soit desniee a personne, si est ce que, si Vostre Altesse le reçoit en sa speciale protection pour ce regard, il espere qu'il jouira beaucoup plus tost des fruitz qu'il en pretend; et pour cela, il implore sa bonté, a quoy j'adjouste ma tres humble intercession, qui suis,.

  A015002377 

 Ce porteur estant tout mien et l'un des plus vertueux et devotz prestres, je luy ay dit quil vous donnast en main ce billet..

  A015002379 

 Je m'en vay tantost luy dire a Dieu, et je vous le dis aussi, suppliant sa divine Bonté que de plus en plus elle vous face abonder en ses graces.

  A015002397 

 Je suis, plus que vous ne sçauries croire,.

  A015002399 

 Vostre plus humble confrere et serviteur,.

  A015002412 

 Sçachés que j'ay un particulier contentement, quand je reçois de vos lettres, de voir que, parmi beaucoup [246] d'empeschemens et de contradictions, vous conserves la volonté de servir Nostre Seigneur; car c'est la verité que si vous estes bien fidele entre ces traverses, vous en aures d'autant plus de consolations que les difficultés que vous aves auront esté grandes.

  A015002435 

 C'est d'ailleurs le sort ordinaire de ceux qui cherchent d'un peu plus près le royaume et la gloire de Dieu, d'avoir à subir des traverses sur mer et des traverses sur terre, et surtout de la part des faux frères, c'est-à-dire des renardeaux qui détruisent les vignes.

  A015002436 

 Aussi m'ont-elles prié, comme étant l'Evêque le plus voisin, de recommander par lettres à Votre très dévote Altesse, et leurs personnes et leur religieux désir.

  A015002437 

 C'est pourquoi, ce nouvel essaim d'abeilles mystiques qui se préparent à composer le miel de l'oraison, sera, je crois, d'autant plus agréable à Votre Altesse, qu'elle a résolu de s'employer avec plus de générosité et de profit au service de notre époque..

  A015002450 

 Vrayement hier, tandis que l'on chantoit l'Invitatoire et qu'on disoit: « Vive le Roy des Apostres! Venes et adorés le, » j'eus un si doux et amiable sentiment que rien plus, et soudain je desirois qu'il s'espanchast sur tout nostre cœur..

  A015002451 

 C'est luy qui m'a rendu tout vostre, et vous toute mienne, affin que nous fussions plus purement, parfaitement et uniquement siens.

  A015002462 

 Rien autre ne s'est passé qui soit digne de vous estre representé; c'est pourquoy, priant Nostre Seigneur quil [254] vous face de plus en plus abonder en sa grace, je me nommeray en toute verité,.

  A015002496 

 Vostre plus humble, tres affectionné et fidele serviteur,.

  A015002504 

 Hé, que belle est cette Aube du jour eternel, laquelle montant devers le Ciel, va, ce semble, de plus en plus croissant es benedictions de son incomparable gloire! Qu'a jamais les odeurs d'eternelle suavité esparses sur les cœurs de ses devotz, remplissent celuy de ma tres chere Mere comme mon cœur propre, et que nostre chere petite Congregation, toute voüee a la louange de son Filz et des mammelles sacrees qui l'ont alaité, jouisse des benedictions preparees aux ames qui l'honnorent..

  A015002507 

 Je viens du sermon, ou je voudrois bien avoir plus saintement et amoureusement parlé de nostre glorieuse et sacree Maistresse; je la supplie qu'elle me veuille pardonner.

  A015002518 

 Aussi puis-je [259] jurer que mon affection pour vous est si absolue, generale et invariable, que vous n'en aures jamais de plus entiere de personne du monde..

  A015002551 

 C'est pourquoy je le fay, avec la reserve de vostre bon playsir, pour le tems et pour toutes autres conditions, et encor pour la chose mesme, laquelle je ne veux vouloir qu'a mesure que cela se pourra faire sans vostre incommodité, vostre contentement m'estant plus cher que tout l'honneur qui pourroit arriver a ma niece, laquelle, pour ne rien celer a ma tres chere et tres honnoree Mere, je m'essayeray de gaigner pour la Visitation; mais par ce que les humilités quil y faut exercer rebuttent quelquefois les filles, si je ne puis la tourner de ce costé la, j'imploreray encor de plus fort vostre faveur.

  A015002568 

 Je vous remercie tres humblement, quoy que plus tard que je ne devois, de la faveur de vostre lettre, que monsieur de Gie, mon cousin, m'apporta entre cette [264] infinie multitude d'occupations que nos grans Pardons me donnerent..

  A015002570 

 Nous avons eu la bonne Madame de Baume, que mon cousin saluâ, et luy fit une petite harengue sur le sujet de sa maistresse, qu'elle aggrea extremement; et me dit que si elle luy pouvoit rendre quelque sorte de bon office en ses amours, elle le feroit de tout son cœur, m'asseurant que cette damoyselle dont il est question estoit une perle en bon naturel, en bonn'humeur et en vertu: qui me fait d'autant plus louer le choix que vous en aves fait pour la consolation de vostre viellesse future, et voudrois bien pouvoir contribuer quelque service a ce dessein, comm'aussi a tous les autres qui regarderont vostre contentement..

  A015002572 

 Pour moy, priant Nostre Seigneur qu'il vous conserve a longues annees pour les vostres et pour moy, qui suis le plus humble, je demeure,.

  A015002591 

 Je desesperois du voyage de Milan, par ce que je n'estimois pas avoir les finances requises; mays voyci que tout a coup, il m'arrive un'inopinee esperance d'avoir plus de moyens quil ne m'en faut, pourveu que je ne parte pas de troys semaines.

  A015002592 

 Et advertisses moy, je vous prie, au plus tost, car sil faut aller, nous irons; que sil est jugé plus a propos, nous retarderons jusques au primtems..

  A015002594 

 Vostre plus humble tres affectionné confrere,.

  A015002637 

 Dieu sçait bien que je præparois un cœur tout nouveau, plus grand, ce me semble, que le mien ordinaire, pour aller-lâ prononcer ses saintes et divines paroles: premierement, pour, en une si belle et dign'occasion, rendre de la gloire a sa divine Majesté; puis, pour donner du contentement a celuy qui m'y appelloit avec [271] tant de cœur et de courage.

  A015002637 

 Et si, je me promettois, par un certain exces d'amour a ce dessein, que preschant maintenant un peu plus meurement, solidement et, pour le dire tout en un mot entre nous, un peu plus apostoliquement que je ne faysois il y a dix ans, vous eussies aymé mes prædications, non seulement pour ma consideration, mais pour elles mesmes..

  A015002639 

 Monsieur de Charmoysi qui, apres moy, desiroit le plus mon voyage, est en peyne comme treuver une bonne sortie de ces considerations.

  A015002640 

 Il faut confesser la verité, j'ay un'extreme passion en cet'occurrence, et ne sçais bonnement me resoudre sinon a ce point, que tout ce que vous me dires je le feray de tres bon cœur, quoy qu'il en doive arriver; et de plus, que si jamais je vay a Paris faire le Caresme, ce ne sera que pour vostre seule consideration, soit que vous ayes la charge de l'eglise ou que vous ne l'ayes pas..

  A015002659 

 C'est pourquoy, vous suppliant de tout mon cœur de les recevoir tous entre les bras de vostre charité, je vous supplie plus particulierement pour celuy lâ..

  A015002661 

 Ce sont les seules nouvelles dont je vous puis servir et, comme je pense, les plus agreables et qui vous donneront tant plus de courage de favoriser ce diocaese, eslevant aux lettres et a la pieté ceux qui vous sont envoyés, et priant Nostre Seigneur pour moy qui, reciproquement, vous souhaite toute sainte prosperité et demeure,.

  A015002692 

 Sachant bien que vostre si soudain despart ne peut estre que pour quelqu'affaire de grand'importance, [276] je prieray tant plus soigneusement Nostre Seigneur quil vous assiste de son saint esprit de conseil et de force, pour persuader les choses justes et convenables a ceux qui, peut estre, n'y sont pas beaucoup disposés..

  A015002694 

 Quant a ma petite cousine, elle vous donnera en tous evenemens sujet de contentement; car, bien qu'elle n'ayt point son esprit incliné a la vie retiree et religieuse, si a elle une ferme resolution de se rendre de plus en plus vertueuse et devote, et avec cela, vous ne sçauries recevoir d'elle que beaucoup de satisfaction.

  A015002713 

 J'appreuve que vous retourniés avant le Caresme, affin que vous puissies au plus tost vous desprendre de tout embarassement, et rencontrer le beni jour auquel [279] vous luy tesmoigneres que ce n'est que luy que vous cherches..

  A015002716 

 Vostre plus humble parent et tres asseuré serviteur,.

  A015002730 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction, ma tres chere Fille, et tout ce qui vous est plus cher..

  A015002733 

 Vostre plus humble tres affectionné compere et serviteur,.

  A015002748 

 Dieu vous le fera sçavoir, au plus tard, apres cette vie mortelle; car ce sera devant luy et ses Sains que je feray les principaux exercices de la sainte amitié qu'il m'a donné pour vous, jettant souvent mes tres humbles souhaitz devant son eternelle Bonté, affin qu'elle remplisse vostre cœur de son amour plus parfait.

  A015002752 

 Vostre plus humble, tres affectionné frere et serviteur,.

  A015002768 

 J'en eu mille consolations et point de peyne, ce me semble; seulement eusse-je bien voulu que madame de Grandmayson ma chere seur, vostre fille bienaymee et bien aymable, ou fust venue trois ou quatre jours devant, ou eust arresté quatre ou cinq jours apres, affin que j'eusse eu plus de commodité de luy rendre plus de tesmoignages du devoir que je luy ay et de la sainte inclination que j'ay a son cœur, que je treuve tout a mon gré pour bien servir Nostre Seigneur.

  A015002768 

 Mais puis quil ne se peut d'autre façon, je vous approcheray souvent en esprit pour, avec vous conjointement, demander a Nostre Seigneur quil luy playse consoler vostre ame de sa benediction, la faisant abonder en son saint amour et en la sacree humilité et douceur de cœur, qui ne sont jamais sans ce saint amour, non plus que le saint amour sans elles..

  A015002771 

 Prenes courage, ma tres chere Mere, que ces petites annees que nous avons a couler icy bas nous seront, Dieu aydant, les meilleures [288] et les plus advantageuses pour l'eternité.

  A015002787 

 C'est pourquoy il m'a conjuré de vous supplier, Monsieur, en sa faveur pour ce regard; ce que je fay tres humblement, et d'autant plus volontier que la bonne feste nous invite au secours des affligés..

  A015002788 

 Je prie Dieu, Monsieur, qu'il face de plus en plus abonder Vostre Excellence en prosperité..

  A015002799 

 C'est en attendant que nous en parlions plus amplement.

  A015002819 

 Je laisse a monsieur Milletot le contentement de vous representer l'heureux succes de la commission que le Roy luy avoit donné pour l'execution de l'edit de Nantes a Gex, et me reserve seulement de vous faire [293] un tres humble remerciment pour le soin continuel que vostre zele a du restablissement de la gloire de Dieu en ce miserable balliage, ou l'heresie, qui a si longuement foulé aux piedz la pieté, nous menace ericor maintenant, aussi effrontement que jamais, de rendre vaine l'esperance que nous avons en vostre protection; comme si le credit des pretendues eglises de France estoit plus puissant pour nous empescher le renversement de l'effectuelle jouissance de nostre juste pretention, que la justice de la Reyne et vostre intercession pour faire maintenir un arrest si equitable et si saint, comm'est celuy en vertu duquel l'edit a esté executé..

  A015002820 

 Mais, Monsieur, comme c'est nostre bonheur d'avoir une foy contraire a celle des huguenotz, aussi nous glorifions-nous d'avoir une esperance opposee a leur presomption; a rayson dequoy, tous les Catholiques de Gex, et moy plus que tous, esperons et espererons tous-jours de voir tous les jours quelque progres de nostre sainte religion en ce petit bout de royaume qui est si heureux d'estre sous vostre gouvernement.

  A015002821 

 Mais, Monsieur, vostre sagesse vous suggerera ce qui sera plus a propos sur ce point, et moy, ce pendant, je continueray mes souhaitz devant Nostre Seigneur pour vostre prosperité, affin qu'il luy plaise vous en combler a jamais.

  A015002832 

 Nostre pauvre Gex est tous-jours presque en mesme [295] estat; ce quil y a de plus, ne sont que certaines dispositions qui nous font promesse de mieux a l'advenir, Mays il faut louer Dieu, car aussi bien ne meritons-nous pas quil face une transmutation momentanee de ces cœurs lâ, qui seroit un miracle en la grace, comme fut la transmutation de l'eau au vin, en la nature.

  A015002835 

 Or, je vous represente l'un et l'autre, affin quil vous playse, Monsieur, si vous le juges raysonnable et que je ne me soys pas trompé en mon discours, d'oster l'un et l'autre, en sorte que les lettres puissent estr'utiles a ceux pour lesquelz vostre faveur les a obtenues; car il ne manquera pas d'entrepreneurs qui, par le manquement de l'execution de telles charges, attaqueront ces pauvres curés pour avoir leurs benefices, viande si friande en ce tems, que les plus incapables en veulent plus avoir..

  A015002839 

 Vostre plus humble tres affectionné serviteur,.

  A015002860 

 Ce n'est pas que j'espere rien de cette poursuite [299] en un siecle si plein de considerations humaines, mays au moins empescheray-je la præscription; et si Dieu nous envoye une sayson plus pieuse, ce sera tous-jours un advantage d'avoir demandé..

  A015002867 

 Monsieur, je ne parle plus du deplaysir que j'ay eu de n'aller pas vers vous, mays je ne le puis oublier..

  A015002906 

 Vostre plus humble tres dedié serviteur,.

  A015002927 

 Prenés donq discrettement la place, pour vos prieres, qui vous sera plus propre, pourveu que ce soit sans banc; car je ne voudrois pas que vostre banc fust aupres de l'autel, a cause [de] la messeance.

  A015002927 

 Vous sçaves bien qu'en cette ville et en nostre Office le plus solemnel, les femmes se mettent bien dans le chœur et aux treilles..

  A015002931 

 Vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A015002941 

 Ce seroit sans doute un grand bien pour ces pauvres petites filles, qui souvent, sous les caresses de leurs meres, aprenent beaucoup de vanités qui croissent avec elles et plus qu'elles..

  A015002944 

 Vostre plus humble tres affectionné frere et serviteur,.

  A015002977 

 Accommodés vostre imagination a la rayson, vostre naturel a l'entendement, et aymés cette volonté de Dieu en ces sujetz d'eux mesmes desaggreables, comme si elle estoit en des sujetz les plus aggreables.

  A015002979 

 Ma tres chere Mere, mon cœur saluë le vostre finalement et plus que filialement, au dessus de toute comparayson.

  A015002988 

 J'ay bien veu au sermon nostre bienaymee fille Françoise, mais je n'ay pas osé luy demander comme ma tres chere Mere se portoit; car il y avoit trop de gens qui m'eussent oüy, et eussent esté en peyne de curiosité pour sçavoir quell'estoit cette tres chere Mere, autre que Dieu et ses Anges et ses Saintz, et nostre cœur, ne sachant combien l'affection qui me rend pere, filz et une mesm'ame avec vous, est suffisante et plus que suffisante pour faire cela..

  A015002989 

 Et entr'autres choses, ayant differé hier de parler de mon sacre, a cause qu'aujourduy j'aurois plus de gens, j'ay dit quil y avoit dis ans que j'avois esté consacré, c'est a dire que Dieu m'avoit osté a moymesme pour [me] prendre a luy et puis me donner au peuple; c'est a dire, quil m'avoit converti [312] de ce que [j'étais] pour moy en ce que je fusse pour eux.

  A015002990 

 Bon soir, ma tres chere Mere, et plus que Mere; le bonsoir a nos filles..

  A015003001 

 Et vous sçavés, ma tres chere Fille, que je vous ay tous-jours dit que vous m'escrivissies plus amplement par l'entremise de madame la Presidente, qui aura bien le soin de m'envoyer vos lettres, comme aussi de vous faire tenir les miennes..

  A015003001 

 Mais je ne sçai nulles nouvelles de vostre santé, c'est a dire de l'estat de vostre pauvre jambe, de laquelle vous ne me faites nulle mention, non plus que si vous n'esties pas ma chere Fille, et que cette jambe ne fust pas la meilleure des deux pour vous avancer en la perfection de l'amour divin.

  A015003003 

 Je suis plus que jamais, ma tres chere Fille, d'un cœur invariable,.

  A015003037 

 Or sus, bonjour, ma tres chere Mere, que je supplie [317] Dieu benir eternellement de ses plus cheres faveurs.

  A015003057 

 Cheminés donq tous-jours ainsy aupres de Dieu, car son ombre est plus salutaire que le soleil..

  A015003059 

 Voyla donq qui va fort bien, puisque ces petitz esclairs de vostre esprit ne font plus leurs saillies si soudaines, et que vostre cœur est un peu plus doux.

  A015003060 

 Nostre Seigneur sans doute suppleera a tout ce qui [319] vous defaudra d'ailleurs, affin que vous puissiés faire une plus parfaite retraitte aupres de luy, pourveu que ce soit luy que vous aymiés, que vous cherchiés, que vous suiviés.

  A015003071 

 Gardés vous des fortes applications de l'entendement, puis qu'elles vous nuisent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travaillés autour de vostre cher objet avec les affections tout simplement, et le plus doucement que vous pourres.

  A015003073 

 Mais ne voudrois tu pas bien avoir du mouvement pour aller plus pres de luy? Non pas, sinon qu'il me le commandast.

  A015003076 

 Bon soir, ma chere [322] Seur, ma Fille, vous aures de mes nouvelles le plus souvent que je pourray.

  A015003076 

 Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien veritable, que Dieu m'avoit donné a vous; les sentimens en sont tous les jours plus grans en mon ame.

  A015003104 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que ces petitz accidens doivent estre receus doucement de nos cœurs! nos cœurs, dis-je, qui meshuy doivent avoir plus d'affection au Ciel qu'en la terre.

  A015003105 

 Pour vos resolutions, vous les pouves bien particulariser en cette sorte: Je veux donq plus fidellement prattiquer les vertus qui me sont necessaires; comme, en telle occasion qui se presente, je me prepare a prattiquer telle vertu; et ainsy des autres.

  A015003153 

 A la fin de nos jours, lhors que nos yeux seront desillés, nous verrons que cette vie est si peu de chose quil ne failloit pas regretter ceux qui la perdoyent bien tost: la plus courte est la meilleure, pourveu qu'elle nous conduise a l'eternelle..

  A015003154 

 Demeures en paix, ma chere Fille, et tenes bien vostre cœur au Ciel, ou vous aves ce brave petit saint; perseveres a vouloir tous-jours plus fidelement aymer la bonté souveraine du Sauveur, et je le prie quil soit a jâmais vostre consolation..

  A015003154 

 En contrechange, il prie Dieu pour vous et respand mille souhaitz sur vostre vie, affin qu'elle soit de plus en plus conforme a la volonté celeste, et que par icelle vous puissies gaigner celle dont il jouit.

  A015003156 

 Vostre plus humble, tres affectionné et fidele compere et serviteur,.

  A015003173 

 Entr'autres causes de ma defiance, c'est que voyci arriver M. l'Aumosnier de Belleville, [333] qui est celuy qui m'a escrit pour M me des Gouffier, et la rayson veut, que venant expres pour me voir, je luy en donne le plus de commodité que je peurray.

  A015003175 

 Ma tres chere Fille, ma tres bonne Mere, Dieu vous comble de ses plus sacrees benedictions en tout vostre cœur, en toute vostre vie.

  A015003209 

 Je feray tout ainsy que vous le desires et ne treuverés non plus en autre occasion, quelle qu'elle soit, aucune replique en ce quil vous plaira me marquer pour vostre service et contentement, selon l'estendue de mon pouvoir.

  A015003211 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A015003226 

 Mays il auroit necessité, de plus, de quelqu'assistance pour meubler sa chambre, et prætend que la Sainte Mayson, selon son institut et la charité qui y regne, l'aydera volontier de quelque chose pour cela.

  A015003255 

 Et pour en retirer plus de gloire, je n'ay pas oublié d'en faire part a tous ceux de cette ville que j'estime capables de peser le bonheur que ce m'est destre aymé de vous, auquel ne pouvant donner avec contreschange, je fay pour le moins humble reconnoissance que mon devoir surpasse mes forces, les-quelles neanmoins vous les dedie toutes a l'honneur de vostre service..

  A015003256 

 Mais quel contretems! Si, j'eusse esté si heureux d'aller a Paris cette annee, selon le desir de monsieur nostre grand [ami,] pour recueillir autour de vous et de luy les fruitz de la plus excellente consolation que je pouvois avoir! J'acquiesce neanmoins a l'ordonnance de la Providence celeste, laquelle au moins a permis que, pour mes pechés, ce playsir me soit interdit.

  A015003269 

 Vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A015003278 

 Mays a vostre venue, qui sera peut estre bien tost, nous en parlerons plus amplement..

  A015003280 

 Vostre plus humble parent et serviteur,.

  A015003342 

 Meshuy, quand nostre Mere de Chantal escrira a Bourbilly, je me serviray de l'occasion, puisqu'elle est plus asseuree..

  A015003344 

 Quelle joye dequoy vostre Monastere va si bien et qu'il fait honneur, devant Dieu et ses Anges, a M. de Sauzea! Certes, je ne suis pas Ange, mais je l'en honnore davantage, et prie Dieu qu'il restablisse de plus en plus cette sainte famille en son amour.

  A015003345 

 Au reste, pour vostre particulier, faites souvent renaistre toutes les saintes resolutions qu'au commencement de nos ferveurs Dieu nous departoit si abondamment; que si elles ne sont plus si sensibles, il n'importe, pourveu qu'elles soyent fermes et fortes.

  A015003349 

 Vostre plus humble et tres affectionné frere et serviteur,.

  A015003359 

 Je participe plus que nul autre a vostre desplaysir, lequel, a mon advis, ne durera plus guere quant a l'occasion pour laquelle vous l'aves maintenant; car des-ja l'autre jour, que monsieur le Prieur vint a Sales, je luy fis la moytié de la resolution que je luy envoye du tout maintenant.

  A015003359 

 Mays pourtant, cet esprit-lâ voudra tous-jours des occupations plus que suffisantes, car il est excessif en desseins.

  A015003398 

 Et marqués ces quatre paroles que je vous vay dire: vostre mal vient dequoy vous craignés plus les vices que vous n'aymés les vertus.

  A015003398 

 Vous deves avoir un grand soin de ranger vostre esprit a la paix et tranquillité, et estouffer ces mauvaises inclinations que vous aves, par une attention a la prattique des vertus contraires, en vous resolvant d'estre plus diligente, attentive et active a la prattique des vertus.

  A015003412 

 Mays sur tout, ne manques pas de m'avertir au plus tost de ce que vos remonstrances auront operé; car selon l'advis que je recevray, je disposeray autrement de mon despart, et peut estre de la circonstance du voyage, d'aller a pied ou a cheval jusques a Thurin..

  A015003417 

 Je reçois des nouvelles pour lesquelles peut estre je seray obligé de partir un peu plus tost; ainsy faut il changer selon le tems, mais sur tout selon ce que Dieu permet par sa providence..

  A015003431 

 Or neanmoins, j'espere que dans peu de jours [362] tout cela se passera, et Monseigneur de Nemours, selon sa bonté, sera marri d'avoir fait faire du mal a monsieur de Charmoysi et d'en avoir desiré a tant d'autres ses plus fideles et affectionnés serviteurs et sujetz..

  A015003431 

 Vous verrés, je m'asseure, par la lettre que monsieur de Charmoysi vous escrit, comme des le despart de [361] madame de Charmoysi il a receu le desplaysir de se voir comme banni de cette ville, par un expres commandement que Son Altesse luy a fait de s'en retirer et ne plus y revenir, sur l'impression la plus fause du monde que Monseigneur de Nemours a receu de la part de quelques calomniateurs, que les bastonnades donnees au sieur Berthelot avoyent esté conseillees par monsieur de Charmoysi; dont mondit Seigneur de Nemours a entrepris le ressentiment si chaudement, que nous en sommes tous estonnés.

  A015003455 

 Je prie donq Nostre Seigneur qu'il soit vostre consolation et qu'il vous face bien entendre que par plusieurs travaux et tribulations il vous faut entrer au Royaume des cieux, et que les croix et afflictions sont plus aymables que les contentemens et delectations, puisque Nostre Seigneur les a choisies pour soy et pour tous ses vrays serviteurs.

  A015003476 

 O vrayement, elle est belle en extremité, la chappe que la plus chere mere qui vive envoye a son tres cher pere; [367] car elle est toute au nom de JESUS et de MARIE, et represente parfaitement le Ciel des bienheureux, ou Jesus est le soleil et Marie la lune luminaires presens a toutes les estoilles de cette sainte habitation; car Jesus y est tout a tous, et n'y a point d'estoille en ce globe celeste en laquelle il ne soit representé comme en un miroüer.

  A015003501 

 L'importance est que l'office se face viste, car je m'asseure que ce matin, Berthelot despechera un homme, comme sachant bien que la plus grande force de sa ruse consiste en la diligence..

  A015003502 

 Je feray tenir seurement la lettre au cousin lundi ou mardi, au fin plus tard..

  A015003505 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A015003541 

 Vives joyeuse, ma Mere vrayement toute bonne, en Nostre Seigneur, que je ne cesse point de supplier quil luy playse remplir de plus en plus nostre cœur unique de son tressaint et pur amour..

  A015003543 

 O ma tres chere et vraye Mere, Dieu vous benisse de ses plus profondes benedictions, avec toute la chere trouppe, specialement la malade.

  A015003558 

 Il faut attendre, ma tres chere Mere, l'evenement de cette maladie le plus doucement qu'on pourra, avec parfaitte resolution de se conformer a la volonté divine [375] en cette perte, si perte se doit nommer l'absence de quelque tems, qui, Dieu aydant, sera reparee par une presence eternelle.

  A015003572 

 Je confesse bien pourtant en bonne foy, que l'une des choses qui m'a le plus aydee a me fayre voir l'erreur auquel je vivoys, a esté la confession de foy que j'ay veu faire icy aux Chrestiens catholiques, mise en comparayson avec l'accusation qui s'en fait ordinayrement es sermons et conferences de messieurs les ministres.

  A015003574 

 Comm'en effect, je ne m'espancherois pas mesme si avant a parler [380] de cette grace que j'ay receüe avec un'autre qu'avec vous qui m'aymes, et que je prie ne point communiquer la presente, pour ne me point rendre plus odieuse a ceux qui croyront que ce mien despart d'avec eux m'en rende digne, et lesquelz, non obstant cela, je ne laisseray neanmoins de cherir d'une vraye et sincere dilection, priant, etc..

  A015003585 

 Je presse neanmoins le plus quil m'est possible pour cela..

  A015003633 

 Vous assurons que la reunion du dit prieuré nous revient à plus de quatre mille ecus en frais, pour l'avoir retiré de la main des heretiques; à quoy l'on doit avoir consideration, mesme les reparations qu'il convient y faire presentement, tellement que nous ne tirerons rien du revenu dudit prieuré durant cinq ou six ans, joint que l'on nous menace des decimes pour ceste annee.

  A015003656 

 Il me reste de recourir a vous pour cet effect, car je crois que madame de Chantal ne me refusera pas cette grace, puisqu'elle sçait mes besoins, et de plus, que je suis.

  A015003669 

 Je me condamnois neantmoins en ce que vostre bonté et courtoisie, joiend au soien quil vous plaist avoir de mon bien et salut, m'avoit prevenue, encore que la faute ne provenoit pas d'obliance ni moins de reconnoissance de mon devoir; car il y a plus de huict jours que j'avois dressé une lettre pour vous l'envoyer à la premiere comodité.

  A015003669 

 Mais d'autant qu'elle contenoit quelque avis plains (sic) de difficulté et facherie ou je me suis trouvé reduicte, il m'a semblé qui me seroist plus seant de m'en taire pour le present, remettant à nostre premiere veüe à le vous dire de bouche; qui sera, comme j'oze esperer, bien tost, puis que nous approchons [389] de la feste qui vous donne subject de venir à Thonon.

  A015003687 

 Et moy, mon unique Seigneur, quand je considere vostre Congrégation devant Dieu, je la vois aussi haute en amour comme vous l'avez faite profonde en humilité, et j'espere que bientost la France, jalouse du bien de nos montagnes, voudra partager ce bonheur avec elles; j'espere, dis je, que comme les plaines sont plus propres a s'estendre que les monts et vallees, que dés que vous auré fait quelques Maisons en nos quartiers, ce sera jetter madame de Chantal comme un grain dans ces plaines, qui raportera au centuple.

  A015003740 

 Cela m'obligera de tant plus a demeurer, comme je suis a jamais, ....

  A015003772 

 Je verray a son retour ce quil fera, m'ayant asseuré que ce sera sans plus de remise; mais je vous conseille d'agreer que monsieur Rousselet et moy luy promettions ce que nous adviserons: c'est le plus court chemin..

  A015003773 

 L'on estimera quil a plustost defferé a la supplication de son serviteur qu'a la priere des plus grandes et favorisees parroisses..

  A015003773 

 Que sil acceptoyt une aultre chaise et que l'on luy donnast le logement ordinaire des predicateurs, cela ne seroyt convenable a sa qualité; sy l'on luy en donnoyt ung plus grand, cela l'obligeroyt a quelque despence.

  A015003775 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A015003794 

 Et de plus, comme Monseigneur le Reverendissime, a certaine assemblee quil feit faire, feit appeller messieurs les Scindics ausquelz fut remonstré la grande affluence de peuple qui accourera icy au Jubilé qui ce (sic) celebrera vendredy prochain, dont par ce moyen les logis seront remplis, tellement quil sera besoin de rechercher quelques licts pour les plus notables, dans ceste ville, vers les plus riches d'icelle, et ce quy il fault pourvoir.

  A015003795 

 Pour l'affluence des personnes qui arriveront en ceste ville pendant le prochain Jubilé, que en cas de necessité, l'on recherchera quelques licts vers les plus aisés, pour loger ceux que seront representés par mondict Seigneur le Reverendissime; estant donné acte de la remonstrance faicte par messieurs les Scindics, de la volonté de monseigneur le Marquis de Lans continuant le faict de la garde.

  A015003801 

 Comme il plaict a Dieu de donner a chascun la commodité de son sauvement, il luy a pleu d'inspirer le tres sainct Siege Apostolique, plus de 200 ans, d'honnorer la Chappelle fondé (sic) en ceste cité d'Annessy, estant en l'eglise dressee soubz son nom, ou resident les Reverends Seigneurs doyen, secretain, chantre, chanoines, prebstres d'honneur de ladicte eglise, de plusieurs privileges et indulgences; et entre aultre d'ung Jubilé de sept en sept ans, lequel a esté continuellement, par le clergé, habitans de la dite cité, circonvoisins et estrangers, tres devotement celebré, ainsy que les livres et registres des archives de l'Hostel de ville ont delaissé par escript et enseigné..

  A015003815 

 Premierement, a la premiere porte de l'entree de ladicte eglise, sçavoir celle qui est plus proche de la chappelle de Nostre Dame, au dessus de l'arcade reposoit l'image de la tres sacree Vierge Marie en bosse, et au dessoubz d'icelle estoit escript ce distique en grosse lettre jaune, estant ung anagramme faisant les premieres lettres des motz MARIA VIRGO:.

  A015003841 

 Oultre que ladicte chappelle, comme aussy tout le reste, estoit richement tapissee, sans seulement veoir cuing (coin), tant petit quil fut, qui ne fut couvert de tapisserie, et des plus belles, l'autel de ladicte chappelle estoit bien et devotement paré..

  A015003842 

 Au devant des personnages qui sont audict autel en bosse, estoit ung drap d'or qui leur arrivoit ung peu plus hault de la ceinture; le sainct siboire (tabernacle) revestu d'ung pavillon de toille d'argent, garny de ses escallins esclattans..

  A015003898 

 Encores que la nuict precedente l'eglise fut toute remplie de peuple advenue (sic) a la devotion, tant pour avoir plus de commodité de se confesser que pour adorer le tres sainct Sacrement, n'a resté pourtant que la musique, mays [a] faict sa function avec les orgues, violles, lutz, espinettes et aultres instrumens musicaulx..

  A015003919 

 Je suis bien asseuré qu'il y a deux personnages parmi le monde qui voudroient bien que je fusse ailleurs qu'en ce pais: je m'expliqueray un jour avec vous plus amplement..

  A015003920 

 Si ce feut esté pour une conference, ou bien une [413] assemblee pour disputer les droits de S. A. S., cela estoit bien, car trois sçavent plus que non pas un.

  A015003924 

 Vostre plus humble et plus affectionné serviteur,.


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
  A016000021 

 — Moyen de rendre plus doux le joug du Sauveur. 22.

  A016000023 

 — Les voies les plus faciles ne sont pas toujours les meilleures.

  A016000046 

 — Le plus vif de tous les amours.

  A016000046 

 — Un moyen de se convertir plus parfaitement au Sauveur.

  A016000058 

 — Les «pauvres gens» servis comme frères et membres de Jésus-Christ, plus heureux que le «pauvre pere.» — Espérance qui consolait celui-ci de ne voir pas à son gré ses filles de la Visitation. 53.

  A016000068 

 Le «frere le plus aymant» et la «seur la plus aymee.» — Envoi d'un chapelet rapporté de Milan.

  A016000090 

 — Ce qui est plus efficace contre le mal que le ressentiment. 82.

  A016000118 

 — Ce qui tourmentait le plus François de Sales à leur sujet.

  A016000132 

 — Un ignorant qui en sait plus que beaucoup de savants.

  A016000140 

 — Pourquoi Dieu est le plus digne objet de notre amour. 126.

  A016000147 

 — C'est sa «plus grande gloire qu'il y ayt une Congrégation de la Visitation au monde.» — Humilité du Fondateur; son affection pour les Ursulines. 133.

  A016000150 

 — Un des plus grands avantages des Congrégations au XVII e siècle.

  A016000172 

 Pour être tout à Dieu, nous devons crucifier nos affections les plus vives.

  A016000172 

 — Quand cet amour est-il plus excellent. 157.

  A016000213 

 — Quel est le plus excellent sacrifice qu'on puisse faire, au temps de la vieillesse et des infirmités. 190.

  A016000224 

 — Le monde le plus désirable de tous.

  A016000267 

 Je n'attens plus que d'avoir une bonn'audience d'elle, selon qu'elle me la promit a Trein, et une autre de Monseigneur de Nemours: et puis, me voyla de rechef a cheval pour retourner en ma pauvre petite coquille, qui m'est plus chere que tous les palais des grans Princes, desquelz les caressent ( sic ) m'obligent extremement, sans m'engager nullement..

  A016000302 

 Et moy, ma chere Fille, je vous escris encor plus courtement pour responce a vostre lettre du 5 de ce mois, tant pour mille petites affaires et visites que je reçoy, que pour la ferme esperance que j'ay de vous voir bien tost, resolu, Dieu aydant, de partir d'icy samedi ou Dimanche prochain, pour estre a Neci au jour de la sainte Pentecoste, puisque je n'arreste plus que pour l'affaire de ces pauvres bannis; car, quant [5] aux despeches, je laisseray le bon M. de Blonay qui, de bon cœur, demeurera pour les solliciter.

  A016000305 

 Je salue fort ma chere fille madame de Thorens, et M lle de Rabutin, qui est aussi ma fille; comme encor toutes celles qui sont autour de vous, que vous sçavés m'estre pretieuses plus qu'il ne se peut dire.

  A016000319 

 De sorte, Monsieur, que je vous supplie de ne plus vous amuser a moy en façon quelcomque, puisque je suis si impuissant a vous rendre le service que je vous dois.

  A016000319 

 Je receu a Thurin vostre lettre du 30 mars, avec une extreme confusion d'y voir le remerciment que vous me faites de ma perseverance au desir de servir vostre parroisse le Caresme prochain; puisque ma volonté, [7] ma perseverance, mon esperance demeurent frustrees et inutiles, Son Altesse ne m'ayant pas voulu accorder que je sorte d'icy pour les praedications, avec des paroles tant honnorables que rien plus, mais nullement favorables a mon intention.

  A016000320 

 Jusques a quand sera ce que l'on vivra ainsy? Hors cette particularité, que vostre seule consideration me faysoit avoir plus a cœur qu'autre chose quelcomque de celles que j'avois a traitter, Son Altesse m'a [8] comblé de tesmoignages d'estime et de faveur autant que l'action de la guerre en laquelle je le treuvay le pouvoit permettre..

  A016000321 

 Et sil m'eut adverti, je luy eusse rendu ce livret mille fois plus vendable, par la correction et amendement que j'y eusse fait.

  A016000321 

 Rien ne m'est plus a contre cœur que l'ambition des tiltres:.

  A016000323 

 «Fait le portail plus grand que toute la mayson.» [9].

  A016000326 

 Monsieur, je suis plus qu'homme qui vive,.

  A016000345 

 Au demeurant, Madame ma chere Mere, il faut bien que je me res-jouisse avec vous de la consolation que vous aves de vous voir assistee et accompaignee d'une nouvelle bonne et bellefille, et que je vous conjure de luy [11] ordonner qu'elle me reçoive en sa bonne grace, comme un de vos enfans plus humbles qui est, outre cela,.

  A016000368 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, quil me fera grand bien d'aller doucement achever la journee aupres de nostre Sauveur! et je supplieray sa Bonté quil aille luy mesme verser dans vostr' ame un doux et tranquille repos, emmi lequel il la remplisse de la plus parfaite suavité de son amour.

  A016000378 

 Je voudrois bien que monsieur de Beaumont en fut, par ce quil rangeroit plus puissamment l'esprit de la partie.

  A016000380 

 Dieu aggrandisse de plus en plus son saint amour en nostre cœur..

  A016000389 

 Mays puisque cette action de grace ne vous est pas arrivee, je la refay maintenant de tout mon cœur, vous asseurant que c'est avec un grand surcroist de l'estime que j'avois de vostre bienveüillance, par la description plus particuliere que Madame de Baume m'a fait des qualités et conditions de vostre esprit, que j'ay treuvé extremement aymable, priant Dieu qu'il luy playse les affermir et accroistre de plus en plus.

  A016000403 

 Ce me sera tous-jours une grande consolation de sçavoir que vous et vostre Congregation profites au service de nostre commun Maistre, et si j'estois digne de contribuer a vostre advancement, personne du monde ne s'y employeroit plus volontier que moy..

  A016000410 

 Que je suis consolé, ma tres chere Mere, de la bonne nouvelle de vostre santé! Le grand Dieu, que ma pauvre [19] ame et la vostre veut a jamais servir, soit beni et loué, et veuille de plus en plus fortifier cette chere santé que nous avons dediee a sa sainteté infinie..

  A016000411 

 Certes, j'ay esté bien marry ce matin, qu'il m'ayt fallu quitter ma besoigne sur le point qu'il m'estoit arrivé une certaine affluence du sentiment que nous aurons pour la veuë de Dieu en Paradis, car je devois escrire cela en nostre livret; mays maintenant je ne l'ay plus.

  A016000412 

 Les voyes les plus faciles ne nous menent pas tous-jours plus droitement ni asseurement; on s'amuse quelquefois tant au playsir qu'on y a et a regarder de part et d'autre les veuës aggreables, qu'on en oublie la diligence du voyage..

  A016000425 

 Je n'escris pas a M me la Generale, mais puis [22] qu'elle se confie en vous, vous luy dires que cette creature s'en est allee a Belley, et espere qu'elle ne reviendra plus que pour amasser ses hardes et se retirer du tout..

  A016000427 

 Vostre plus humble oncle et serviteur,.

  A016000439 

 Puysqu'il vous pleut m'accorder la liberté de monsieur de Charmoysi, mon parent, je l'attens infalliblement de vostre bonté, laquelle j'ay des-ja supplié tres humblement par quattre diverses lettres, d'en avoir la memoire qu'ell'a accoustumé de tenir en faveur de ses tres obeissans serviteurs, entre lesquelz je suis des plus certains.

  A016000440 

 Car ainsy, Dieu sera obei et respandra, selon mon continuel desir, ses plus cheres graces sur Vostre Grandeur, a laquelle faysant tres humblement la reverence, je suis en toute fidelité,.

  A016000472 

 Vostre plus humble et invariable serviteur et compere,.

  A016000487 

 Hé, Dieu nous face la grace que, tirans tous-jours plus du costé de nostre vespre, nous croissions devant Dieu en odeur de suavité.

  A016000498 

 La nouvelle peyne en laquelle le sieur de Charmoysi se treuve a cause du danger de peste qui l'environne, [29] ains le presse dedans sa mayson mesme me fait encor une fois supplier tres humblement Vostre Grandeur de m'envoyer l'ordre quil vous a pleu, Monseigneur, de m'accorder pour sa liberté, affin qu'il puisse au plus tost s'oster de cette mayson suspecte et, apres sa quaranteyne, s'esloigner de ces perils..

  A016000500 

 Ces gentilshommes bourguignons pour lesquelz je fis encor pareille demande a Vostre Grandeur, attendent aussi les effectz de la bonne volonté qu'elle me tesmoigna pour leur regard, et meritent d'autant plus de les recevoir, qu'ilz ne les desirent que pour la jalousie qu'ilz ont de pouvoir sans contradiction porter par tout le nom de tres humbles serviteurs de Vostre Grandeur, puisque [30] soudain qu'ilz auront sa faveur, ilz se retireront en leurs pais, sinon que quelque digne service de Son Altesse ou de Vostre Grandeur les retint; auquel cas, ilz tesmoigneroyent bien le tort qu'on a eu de les accuser de manquement de respect et d'honneur envers elle, a laquelle ilz font speciale profession de tres humble affection, et sont de telle qualité et condition qu'ilz sont dignes d'estre estimés..

  A016000519 

 Je vous remercie de la part qu'il vous plait me faire de vos nouvelles, que je mesnageray tous-jours le plus [31] discrettement que je pourray.

  A016000520 

 Mes freres sont tous vos serviteurs et se rendront tous-jours pour vous suivre par tout; mais voyla Bernardet qui me dit qu'il n'est plus tems pour ce coup, puysque Son Excellence part soudain apres disné, estant arrivee des ce soir passé..

  A016000521 

 A ce propos, on m'a dit que le sieur Bertelot avoit fait faire des grandes plaintes contre mon frere le chevalier a Son Excellence, mays il se treuvera que c'est a tort et pour des frivoleries: comme de ne le saluer pas, non plus qu'il n'est pas salué de luy, et semblables choses indifferentes et dont les plaintes peuvent estre reciproques, quoy que non egales en l'inegalité des personnes.

  A016000521 

 Nous sommes icy en occupation pour telles petites observations, et cela me tient lieu de [32] mortification, car en verité, j'aurois bien d'autres choses a faire qui seroyent plus utiles..

  A016000560 

 O Dieu, quelle admirable pureté de cœur, quelle indifference a toutes choses en cet admirable ange humain, ou homme angelique, qui semble n'aymer quasi pas son Maistre pour l'aymer davantage et plus purement.

  A016000589 

 Dieu soit nostre tout, car l'amitié descend plus qu'elle ne monte.

  A016000597 

 Je ne pouvois pas, ce me semble, vous offrir chose plus aggreable, Madame, ni qui tesmoignast mieux a Vostre Grandeur qu'en mon voyage j'ay eu memoire de recommander a la divine Majesté vos vœux et souhaitz par l'intercession de ce grand Serviteur de sa gloire..

  A016000613 

 Je pense que quand plus tost la chose s'achevera, tout en ira mieux..

  A016000616 

 Vostre plus humble tres affectionné confrere,.

  A016000633 

 Vostre plus humble, tres affectionné.

  A016000643 

 Ce porteur est un des plus doux, sinceres et purs espritz que j'aye rencontré il y a long tems; son affection au service de Dieu et de l'Eglise est grande.

  A016000667 

 Ce billet n'est que pour vous advertir que nostre bonne seur de Chantal est la meilleure et plus grande lettre que je vous puisse envoyer, car elle vous peut dire toutes choses et parler de mon cœur envers vous comme du sien mesme.

  A016000668 

 Croyés bien cette chere seur, sur tout quand elle vous asseurera que je suis plus parfaitement vostre que chose du monde, car je le suis en verité.

  A016000711 

 Vous verres bien que, parmi tant de destours, nous ferons prou et que Nostre Seigneur nous conduira par les desertz a sa sainte terre de promission, et que de tems en tems il nous donnera dequoy priser les desertz plus que les fertiles campaignes, dans lesquelles les blés croissent en leurs saisons, mais la manne pourtant n'y tombe pas..

  A016000714 

 Dieu soit a jamais au milieu de nostre cœur; qu'a jamais il le rende plus uniquement sien.

  A016000735 

 Ce gentilhomme, son cousin germain, vous desduira mieux que je ne vous sçaurois escrire ses intentions, lesquelles estant bonnes et raysonnables a [54] mon advis, je ne fay nulle difficulte de vous supplier de rechef de les avoir en recommandation, et moy sur tout en vos saintz Sacrifices, puysque je suis plus que nul homme du monde,.

  A016000749 

 Je n'ay sceu non plus l'escrire moy mesme, mais ceux qui l'ont escrit n'ont point de connoissance de l'usage auquel je l'ay dedie..

  A016000749 

 Parmi les lassitudes et autres ressentimens que la maladie m'a laysse, j'ay dresse le Memorial qu'il vous [55] avoit pleu desirer de moy, et ay voulu y adjouster un abbrege, affin qu'il vous fust plus commode en vos confessions de le porter et voir, le grand vous demeurant comme en reserve pour y avoir recours en vos difficultes et en tirer l'esclarcissement de ce qui se treuveroit obscur en l'abbrege.

  A016000749 

 Vous y treuveres, Monsieur, des marques de ma maladie; car si j'eusse fait ce petit ouvrage en pleine sante, j'eusse sans doute employe un soin plus exacte de le rendre moins indigne de vostre reception.

  A016000752 

 C'est qu'il est entré dedans mon cœur, et mes affections se sont rangees aux loix de l'amour qu'il signifie, le plus grand, le plus vif, le plus fort de tous les amours.

  A016000752 

 La bonté de vostre esprit, le courage noble que Dieu vous a donné, vous serviront grandement a cette prattique-la, laquelle vous sera d'autant plus aysee qu'il n'est besoin d'y employer que des momens desrobbés, ains retirés justement, en diverses occasions, ça et la, sur les autres affaires.

  A016000753 

 Oh! si vous pouviés doucement decevoir vostre chere ame, Monsieur, et en lieu que vous aves entrepris de communier tous les moys un an durant (mais un an de douze moys), quand vous auries achevé le douziesme vous y adjoustassiés le treiziesme, puis le quatorziesme, puis le quinziesme, et que vous allassiés ainsy poursuivant de moys en moys, quel bonheur a vostre cœur, qui, a mesure qu'il recevroit plus souvent son Sauveur, se convertiroit aussi plus parfaitement en luy.

  A016000754 

 Ainsy prie je Nostre Seigneur qu'il vous face de plus en plus abonder en ses faveurs, et suis sans fin,.

  A016000765 

 Non, ma tres chere Fille, je ne suis plus en peyne de l'accident d'avant hier, car j'espere que vous en voyla [58] quitte pour ce coup, moyennant la grace de Nostre Seigneur, a la sainte providence duquel je remetz ma tres unique fille comme moymesme.

  A016000766 

 Je prie la Vierge Marie qu'elle vous tienne en la protection de sa pitoyable maternite, et vostre bon Ange et le mien, quil ( sic ) soyent vos conducteurs, affin que vous arrivies en prosperite entre les accueilz de ce pauvre tres unique pere et de vos cheres filles, qui tous vous attendrons ( sic ) avec mille souhaitz, et particulierement moy qui vous suis en Nostre Seigneur ne plus ne moins que vous mesme..

  A016000791 

 Mais nous en parlerons au premier jour plus au long..

  A016000792 

 Je m'en vay confesser un homme estranger, dire la Messe, desjeuner et monter le plus tost que je pourray a Sainte Catherine, pour revenir de bonn'heure..

  A016000801 

 Ilz nous laissent quelquefois en paix, mais c'est pour nous faire une plus forte guerre..

  A016000803 

 Ces petites secousses, ma chere Seur, nous font revenir a nous, considerer nostre fragilité, et recourir plus vivement a nostre Protecteur.

  A016000803 

 Saint Pierre marchoit fort asseuré sur les ondes: le vent s'esleve et les vagues semblent l'engloutir; alhors il s'escrie: Ah, Seigneur, sauvés-moy! et Nostre Seigneur l'empoignant: Homme de peu de foy, luy dit-il, pourquoy doutes-tu? C'est emmi les troubles de nos passions, les vens et les orages des tentations, que nous reclamons le Sauveur, car il ne permet que nous soyons agités que pour nous provoquer a l'invoquer plus ardamment..

  A016000804 

 Et de vostre costé, faites aussi tout ce que vous pourres, par renouvellement de resolutions, par la lecture des livres propres a cette guerison et autres moyens convenables; et ainsy faysant, vous gaigneres beaucoup en vostre perte et demeureres plus saine par vostre maladie..

  A016000814 

 J'y comprens encor nostre monsieur de Selignieu, lequel, plus il est esloigné de cors, plus nous le voyons souvent en esprit.

  A016000815 

 Vostre plus humble filz et serviteur,.

  A016000829 

 Qu'eussies-vous fait de plus, sçachant le mal que j'avois? car, comme je voy, vous pries tous-jours Nostre Seigneur-pour moy, qui reciproquement ne manque jamais a vous faire part des chetifves oraysons et de la tressainte Messe que je celebre.

  A016000830 

 Tenés ferme, ma chere Fille, entreprenés d'estre parfaitement, le plus que vous pourres, servante de Dieu, selon les advis du livre; car ce sera bien suffisamment pour attirer plus de perfection encor que je n'en ay pas sceu enseigner.

  A016000832 

 Ne craignés donq plus, et ne soyés plus a picoter sur vostre chere conscience; car vous sçaves trop bien qu'apres vos diligences, il ne vous reste plus rien a faire autour de luy, qu'a reclamer son amour, qui ne desire de vous que le vostre..

  A016000843 

 Et moy je suis, Monsieur, en un continuel tracas que la [69] varieté des affaires de ce diocese me produit incessamment, sans que j'aye un seul jour auquel je puisse voir mes pauvres livres, que j'ay tant aymés quelquefois et que je n'ose plus aymer maintenant, de crainte que le divorce auquel je suis tombé contre eux ne me fust plus aspre et ennuyeux..

  A016000844 

 Nous avons bien un petit quartier ou, despuis peu, on a restabli l'exercice de l'Eglise par l'authorité du Roy et selon l'edit de Nantes; mais cet exercice me met plus en exercice de disputer contre les ministres pour les biens temporelz de l'Eglise qu'ilz nous retenoyent, que de leur persuader, ni au peuple, la verité des biens spirituelz auxquelz ilz devroyent aspirer; car c'est merveille comme ces serpens bouchent leurs oreilles pour n'ouÿr point la voix du charmeur, pour sagement et saintement qu'on les veuille charmer.

  A016000883 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A016000898 

 La playe de ma jambe s'est voirement agrandie, mais elle ne laisse pas d'estre plus douce et s'en va tout a fait guerie dans cinq ou six jours, comme j'espere..

  A016000911 

 Un jour nous nous verrons tous ensemble en cette eternelle liberté de l'amour qui n'aura plus de bornes ni de fin, ni d'autres limites que celles de son immensité..

  A016000921 

 Ma tres chere Cousine, sachés que je vous escris le cœur plein de desplaysir pour la perte que j'ay faite, mais plus encor pour l'imagination vive que j'ay du coup [78] que le vostre recevra, quand il entendra les tristes nouvelles de vostre viduité si prompte, si inopinee, si lamentable! Que si la multitude de ceux qui auront part a vostre regret vous en pouvoit diminuer l'amertume, vous en auries tantost bien peu de reste; car nul n'a conneu ce brave chevalier decedé, qui ne contribue une particuliere douleur a la reconnoissance de ses merites..

  A016000922 

 Mais, ma tres chere Cousine, tout cela ne vous peut point soulager qu'apres le passage de vostre plus fort sentiment, pendant lequel il faut que ce soit Dieu qui soustienne vostre esprit et qui luy soit refuge et support.

  A016000924 

 J'en supplieray sa divine Majesté, et contribueray au repos de l'ame du cher trespassé plusieurs saintz Sacrifices; et a vostre service, ma tres chere Cousine, je vous fay tres sincerement offre de tout ce qui est a mon pouvoir, sans aucune reserve, car je suis et veux encor plus puissamment que jamais, faire profession d'estre,.

  A016000926 

 Vostre plus humble et plus affectionné.

  A016000936 

 C'est la verité que je suis consolé de sçavoir comme cette pauvre nouvelle vefve se comporte vertueusement; car voyes vous, par ce que je fus l'officier en leur mariage, il m'est advis que sa viduité m'est plus a cœur et que je suis plus obligé de la servir et luy souhaiter du bien.

  A016000936 

 Ma santé se va tous les jours plus affermissant, ma tres chere Fille, mais je me treuve grandement affoibli des jambes, et plus que je ne pensois.

  A016000937 

 Or sus, vous alles donq aux chams et a vandanges; [80] Dieu soit tous-jours avec vous et vous comble du moust de son amour plus fervent.

  A016000939 

 Ma tres chere Fille, je suis plus incomparablement que vous ne sçauries croire, parfaitement tout vostre..

  A016000953 

 En sorte que ce qui se boit apres la Communion par le peuple, ce n'est pas le sang du Sauveur, mais seulement du vin qui se prend pour laver la bouche et faire plus entierement avaler le precieux cors et sang des-ja receu en la tressainte Communion.

  A016000974 

 Elle ne favorisera jamais homme qui vive avec plus de fidelité et d'affection a son service que moy, qui espere et attens de voir encor bien tost l'acces a cette ville ouvert a ces deux gentilzhommes; car la bonté et equité de Vostre Grandeur, Monseigneur, pressera et sollicitera son cœur a le faire, sans qu'aucune autre entremise y soit necessaire..

  A016000991 

 Mays, Monseigneur, avant toutes choses, le bon playsir de Vostre Altesse est requis, lequel ledit Chapitre la supplie tres humblement de luy ouctroyer, comm'un'aumosne a des pauvres bannis et dejettés de leur siege par les ennemis de Dieu et de Vostre Altesse Serenissime; laquelle, certes, pour cela ne les rendra pas riches, puisque ledit prieuré n'est que de cent ducatons de revenu, mais elle les accommodera beaucoup, ce benefice estant en cette ville et [86] fort a la bienseance de cette compaignie qui ne cessera jamais, non plus que moy, de souspirer et aspirer devant la divine Majesté jusques a ce que, sous les auspices de Vostre Altesse, elle retourne en son ancien sejour..

  A016001006 

 Il a ses biens au balliage de Gex; mais ayant succé avec le lait l'inclination et resolution de consacrer sa personne et sa vie a l'obeissance de Vostre Altesse au peril de tous ses autres biens, estimant celuy ci le plus grand, il en va faire l'offre et la protestation.

  A016001006 

 La grande connoissance que j'ay de la sincere et tres fidele affection que toute la mayson de Matignien, et particulierement le sieur d'Alemoigne, a pour le service et obeissance de Vostre Altesse Serenissime, me fait entreprendre de la supplier tres humblement de gratifier [87] ledit sieur d'Alemoigne de l'accueil qu'ell' a accoustumé de faire a ses plus asseurés serviteurs.

  A016001020 

 J'estois a Belley quand M. de Blonnay passa en cette ville, et a mon retour je treuvay la lettre quil vous [88] pleut m'escrire le 18 du moys passé, par laquelle vous me renvoyes au recit quil me fera pour certaines particularités, en l'ignorance desquelles je demeureray jusques a son retour de Chablaix, mais avec bonne patience, puisque ce que je dois desirer le plus de sçavoir m'est si amplement tesmoigné par vostre escrit: c'est que vous vives en santé, et moy en vostre bienveuillance, laquelle mesme s'estend a faire des pensees si honnorables pour mes freres, comme est celle que vous me signifies, quoy que couvertement, et que ledit sieur de Blonnay a plus ouvertement fait entendre a mon frere de Thorens, quil gratifia de sa visite en son passage..

  A016001021 

 Et bien que l'insuffisance et la petite mediocrité des moyens de mes freres leur empesche la reception du bien et de lhonneur que vous leur desires, si est ce que la proposition seule né leur peut estre que fort desirable, car elle donnera, pour le moins, quelque commencement de bonn'impression d'eux au Prince; et eux, donques, et moy vous sommes extremement obligés, Monsieur, par cette nouvelle obligation qui nous rend tous-jours plus vos serviteurs..

  A016001044 

 Je suis tous-jours plus, tres fidelement vostre..

  A016001057 

 Cependant, ces freres vous porteront ces quatre motz, par lesquelz je vous salue avec tout l'amour et lhonneur qu'un frere le plus aymant peut rendre a une seur la plus aymee, et vous envoye un chapelet de ceux qui ont touché les reliques de saint Charles, n'ayant rien apporté de plus praecieux de ce pais-lâ.

  A016001059 

 Vostre plus humble, tres affectionné.

  A016001072 

 Vostre plus humble serviteur et compere..

  A016001084 

 Certes, ma tres chere Seur, la plus part de nos maux sont imaginaires plus que reelz.

  A016001084 

 Penses vous que le monde croÿe ces pasquins? Il se peut faire que quelques uns s'y amusent et que les autres entrent en quelque soupçon; mays sachés que nostr'ame estant bonne et bien resignee es mains de Nostre Seigneur, toutes sortes de telles attaques s'esvanoüissent au vent comme la fumee, et plus le vent est gros, plus tost elles disparoissent.

  A016001086 

 Au reste, la reveüe annuelle de nos ames se fait, ainsy que vous l'entendes, pour les defautz des confessions ordinaires qu'on supplee par celle ci, pour se provoquer et exercer a une plus profonde humilité, mays sur tout pour renouveller non les bons propos, mais les bonnes resolutions que nous devons appliquer pour remedes aux inclinations, habitudes et autres sources de nos offences auxquelles nous nous treuverons plus sujetz.

  A016001086 

 Mays les ames qui, comme vous, n'ont pas cette commodité, peuvent prendre celle de quelqu'autre confesseur, le plus discret et sage qu'elles treuveront..

  A016001086 

 Or il est vray quil seroit plus a propos de faire cette reveüe devant celuy qui auroit des-ja receue la confession generale, affin que par la consideration et rapport de la vie precedente a la suivante, on peut mieux prendre les resolutions requises; et en toutes façons cela seroit plus desirable.

  A016001087 

 Par exemple: vous ne deves pas enquerir combien de fois vous seres tumbee en cholere, car peut estre y auroit il trop a faire; mais simplement vous dires si vous estes sujette a ce desreglement, si lhors quil vous arrive vous y demeurés engagee longuement, si c'est avec beaucoup d'amertume et de violence, et en fin quelles sont les occasions qui vous y provoquent le plus souvent: si c'est le jeu, la hautaineté ou orgueil, si c'est la melancolie ou opiniastreté.

  A016001096 

 Mays je viens d'apprendre de plus, que si vous n'acquiesces a cette volonté tant pressante de Monsieur, Son Altesse vous mandera et fera aller recevoir ses commandemens en Piemont, ou si je sçavois que vous peussies effacer les faux entendre sur lesquelz cette persecution vous est faitte, je serois bien ayse que vous allasies; mais je crains, qu'outre la despense, vous ne recevies des nouveaux desplaysirs, car homme d'honneur m'a dit, il ny a pas 24 heures, qu'il sçavoit fort bien qu'en cas que vous vous opposies davantage, on vous fera une nouvelle attaque sur le nom de Gex, lequel ilz presupposent avoir esté pris par vous, quoy que ce soit un nom de prince et d'une terre qui estoit dependante de la couronne de Savoÿe..

  A016001097 

 Mays il faudroit faire cela sans monstrer ni contre cœur ni desplaysir, car faysant cela, vous feries deux choses: l'une, que Monsieur connoistroit tant plus tost le tort qu'il permet vous estre fait par la trop grande creance quil a en vos hayneux; l'autre, que ceux qui vous pensent fascher n'en auroyent pas le goust qu'ilz s'en promettent, quand ilz verroyent que vous vous mocques et mesprises leurs attaques et les effets de leurs efforts.

  A016001101 

 Vostre plus humble cousin et serviteur,.

  A016001114 

 Vostre plus humble, tout dedié serviteur,.

  A016001128 

 Je suis, ma tres chere Fille, tout vostre, plus certes quil ne se peut dire..

  A016001154 

 Cela est d'autant plus juste que la Congrégation ne mendie pas, mais [107] s'établit au contraire aux frais des Dames assemblées.

  A016001154 

 Elle ne prétend pas non plus avoir jamais de revenu, si ce n'est pour l'entretien des bâtiments, de la sacristie, de l'aumônier et pour payer le médecin, soit avec des rentes annuelles, soit par d'autres moyens qui ne chargent personne et qui n'apportent aucun empêchement aux impôts ou tailles du Sérénissime Duc.

  A016001165 

 Que vous m'obliges grandement a me donner part a ces bonnes et aymables nouvelles du frere Indien, lequel, a mesure que je le sens esloigné de nous selon la distance des lieux, je le sens aussi plus avancé en mon estime, et mon contentement, en la gloire que j'ay d'estre advoué son humble fidelle frere d'acquisition; mot d'acquisition que j'adjouste pour l'ayse que je reçois d'estre sien, vostre et de toute vostre dependence, car autrement, certes, mon affection me semble toute naturelle en force, vigueur et perpetuité..

  A016001180 

 Je feray pour vostre fille de Sainte Catherine tout ce qu'il me sera possible; et croyés-moy, je le feray encor plus doucement parce que vous le desires, car j'ay une extreme suavité a faire vostre volonté.

  A016001181 

 Ouy, ma tres chere Mere, remettés bien vostre cœur entre les mains de nostre chere Maistresse, qui sera conceuë ce soir en la commemoration que nous en ferons, et je le luy demanderay; car, ma chere Mere, je suis bien resolu de ne vouloir plus de cœur que celuy qu'elle me donnera, cette douce Mere des cœurs, cette Mere de saint amour, cette Mere du cœur des cœurs.

  A016001191 

 Je ne sçai comme il vous peut entrer au cœur que je puisse avoir aucune desfiance de vostre amitié pour tout le secours que vous feres a monsieur le Prieur et a sa trouppe reformee; car je leur souhaite toute sorte de sainte prosperité, et n'ay nulle sorte d'interest en l'evenement de vostre entreprise, sinon celui-la mesme que vous me marqués en vostre lettre estre le vostre: la plus grande gloire de Dieu et le plus grand service de son Eglise; et que Dieu soit servi ou par des Religieux vestus de noir ou vestus de blanc, cela est indifferent.

  A016001192 

 Mais je dis plus, et le dis devant Nostre Seigneur: que quand j'aurois bien de l'interest d'un costé plus que de l'autre, j'espererois cette grace de la divine Majesté, de n'estre pas si passionné et desordonné en l'amour propre, que sçavoir mauvais gré a qui ne suivroit pas mon parti.

  A016001199 

 Vostre plus humble, plus affectionné.

  A016001207 

 Si fay, si fay de par Dieu, ma tres chere grande Fille, je sçay bien quel cœur vous aves en mon endroit; mais [117] ne voules vous pas que je prenne le tems et la saison pour y planter les plantes des vertus plus excellentes, desquelles le fruit est eternel? Or sus, je n'ay nul loysir, mais je vous dis en verité, que vostre lettre a embaumé mon ame d'un si delicieux parfum, que de long tems je n'avois rien leu qui m'eust donné une si parfaite consolation.

  A016001208 

 O Dieu, quel contentement au cœur d'un pere tres aymant, d'ouyr celuy de sa fille tres aymee protester qu'elle a esté envieuse et maligne! Que bien heureuse est cette envie, puisqu'elle est suivie d'une si naïfve confession! Vostre main, escrivant vostre lettre, faysoit un trait plus vaillant que ne fit jamais celle d'Alexandre.

  A016001217 

 O que l'eternité est incomparablement plus aymable, puisque sa duree est sans fin, et que ses jours sont sans [119] nuit, et ses contentemens invariables! Que puissies-vous, ma tres chere Fille, posseder cet admirable bien de la sainte eternité en un si haut degré que je le vous souhaitte.

  A016001227 

 Mais si je le voy sur les genoux de sa sacree Mere, ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un bouton de rose attachee au lis des saintes mammelles, o Dieu, je le treuve plus magnifique en ce throsne, non [120] seulement que Salomon dans le sien d'ivoyre, mais que jamais mesme ce Filz eternel du Pere ne fut au Ciel; car si bien le Ciel a plus d'estre visible, la Sainte Vierge a plus de vertus et perfections invisibles, et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les influences des deux.

  A016001228 

 Je vous prie, reposés le plus doucement que vous pourres aupres du petit celeste Enfant; il ne laissera pas d'aymer nostre cœur bienaymé tel que vous l'aves, sans tendreté et sans sentiment.

  A016001240 

 Ce pendant, faites vos petitz et grans changemens avec le plus de perfection qu'il vous sera possible.

  A016001273 

 ...............Ma tres chere Fille, releves le plus [que vous pourrez votre] cœur en Nostre Seigneur et le pousses tous-jours plus avant [en son très saint] amour.

  A016001275 

 Vostre plus humble, tres affectionné.

  A016001288 

 Tout cela mis ensemble, me fait vous prier et exhorter [127] de vouloir apporter tout le soin et l'ordre que vous pourres pour reduire ces jeunes gens sur le train de leur devoir, et de me donner advis de leur estat, affin que je puisse rendre tesmoignage de vostre diligence comme de la mienne, et contenter ma conscience, laquelle me pressera par apres a prendre d'autres expediens, si vostre prudence, vigilance et justice ne suffit a la recipiscence de ces discoles, desquelz j'admire d'autant plus la dissolution, que leur naissance les devroit porter a la poursuitte des vertus et de la pieté conforme a leur vocation.

  A016001296 

 Ce pauvre chantre devint, comme vous, sourd, et n'oyoit plus sa melodie; son maistre s'absentoit souvent, et il ne laissoit pas de chanter, parce qu'il sçavoit que son maistre l'avoit pris pour chanter..

  A016001308 

 Au contraire, si nous avions la perfection de l'amour de Dieu, nous aymerions mieux faire ce qui est commandé, parce qu'il vient plus de Dieu et moins de nous..

  A016001309 

 Quant a se plaire plus a faire des choses aspres qu'a les voir faire aux autres, ce peut estre ou par charité, ou [130] par ce que, secrettement, l'amour propre craint que les autres ne nous esgalent ou surmontent.

  A016001309 

 Quelquefois nous nous mettons plus en peyne de voir mal traitter les autres que nous, par bonté de naturel; quelquefois c'est par ce que nous croyons d'estre plus vaillans qu'eux et que nous supporterions mieux le mal qu'eux mesmes, selon la bonne opinion que nous avons de nous.

  A016001310 

 C'est le seul remede qu'il y a, de desadvouer les sentimens, invoquant l'obeissance et protestant de la vouloir aymer non obstant toute repugnance, plus que non pas la propre eslection, louant Dieu par force du bien que l'on void en autruy et le suppliant de le continuer; et ainsy des autres..

  A016001323 

 Ma Seur tres chere et tous-jours de plus en plus tres chere Seur,.

  A016001326 

 De cet homme sur lequel vous penses devoir estre jettee une partie de la faute, parlés en peu et consciencieusement; c'est a dire, ne vous estendes gueres en vos plaintes et n'en faites pas souvent; et quand vous en feres, n'asseures rien qu'a mesure que vous aures de la connoissance ou conjectures de la faute, parlant douteusement des choses douteuses, plus ou moins, selon qu'elles le seront..

  A016001327 

 Helas! en telles occasions, la dissimulation guerit plus de mal en une heure que les ressentimens en un an.

  A016001327 

 Je suppleeray de plus en plus, s'il plaist a Dieu, priant pour vostre repos et consolation.

  A016001327 

 Je vous escris du tout sans loysir, en un jour le plus embarrassé que j'aye eü il y a long tems.

  A016001329 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A016001337 

 Dites moy cependant, avant que je sorte de ce propos: seroit ce une grande et blasmable curiosité de desirer de sçavoir un peu plus de particularités de l'establissement et maniere de vivre d'icelle? car voyes vous, je crains de vous le demander et j'ay peyne de m'en empescher.

  A016001338 

 Au reste, Monseigneur de Bazas me propose un petit travail, que je ferois des maintenant de bon cœur, recevant comm' inspiration son desir; mais je suis encor un peu attaché a un Traitté de l'Amour de Dieu, lequel j'estimerois piaculum de laisser maintenant imparfait, puisqu'il ne me faut plus que je ne sçai combien de moys pour l'envoyer au monde.

  A016001357 

 Je vous vay rencontrer en esprit au passage que vous deves faire a Lion; et ces quatre paroles vous asseureront, sil vous plait, que sil m'estoit aussi aysé de me porter moy mesme sur le lieu en effect, comm'il l'est a ce porteur, vous me verries, plein de joye et d'amour, le plus empressé de tous autour de vous.

  A016001358 

 Sil vous plait donques respondre a la demande que vous ont faite de moy ces seigneurs de cette ville la, je vous supplie tres humblement de leur faire sçavoir que ce n'est ni faute d'estime que je face de leurs merites, ausquelz je ne sçaurois jamais correspondre, ni faute de pouvoir que vous ayes sur moy, qui suis tres entierement vostre, mays faute de pouvoir que j'aye moy mesme sur moy mesme, que je ne seconde pas leurs desirs, plus honnorables cent fois pour moy que je ne devrois praetendre..

  A016001376 

 Nostre interieur n'a plus de resistance; il faut que la crainte et la paresse de l'homme exterieur cede a la volonté victorieuse de notre Maistre qui veut que, tout froid et tout glacé que je suis, j'escrive de son saint amour.

  A016001385 

 Hier au soir je parlay encor a l'un des sçindiques, qui me promit de haster l'affaire le plus qu'il se pourra..

  A016001401 

 Que diray-je plus ma tres chere Mere? En somme, il [143] faut acquiescer a la Providence de Dieu en ces petitz momens quil faut employer tantost en ceci, tantost en cela, au prejudice de l'extreme desir que j'ay de voir ma pauvre tres chere Mere.

  A016001431 

 A Thonon, tout est appaysé et ni a plus de mal qu'a Cervens.

  A016001433 

 Vostre plus humble tres affectionné confrere,.

  A016001453 

 Que l'Abbesse du Paraclet est une grande dame qui tient grand train, et le monastere en lieu champestre, qui ne reconnoist aucun superieur; de sorte que si la suppliante alloit la, elle seroit forcee, et par sa mere naturelle et par l'Abbesse, d'y demeurer, et empescheroit on la verification de ses allegations, laquelle se fera mieux, plus solidement et plus facilement par l'Ordinaire du lieu ou ell'est.

  A016001459 

 Cette pauvre miserable Bellot a une ame qui ne veut point estre corrigee par censures, car elles ne luy ont pas manqué au commencement de ses vanités, cause de sa ruine; et la bonne Mere de Chantal n'a rien espargné de ce qu'elle pouvoit penser estre propre pour l'en retirer, prevoyant bien que cette humeur vaine la porteroit plus loin que pour lhors elle ne s'imaginoit..

  A016001460 

 Si donques vous pouvies parler a cette chetifve creature, la prenant un peu doucement et amoureusement, luy remonstrant combien elle seroit heureuse de vivre en la grace de Dieu, l'enquerant si, quand elle [y] a vescu lhors qu'elle vint en cette ville, elle n'estoit pas plus ayse que maintenant, et passant ainsy [155] tout bellement a luy representer son malheur, je pense que cela la pourroit toucher.

  A016001473 

 Vostre plus humble confrere,.

  A016001508 

 Ainsi donc, Illustrissime et Révérendissime Prélat, l'amitié de votre prédécesseur envers moi, qui paraissait éteinte, va revivre et durer plus assurée et plus confiante que jamais.

  A016001531 

 Ainsi, Illustrissime et Révérendissime Prélat, l'amitié de votre prédécesseur, qui me paraissait brisée pour toujours, va revivre plus ferme et plus suivie que jamais, si j'en juge par les sympathies que témoigne votre lettre.

  A016001531 

 Vous pouvez attendre de moi, non seulement les services fraternels qui dépendent de notre commune vocation, mais encore l'assistance la plus humble et la plus dévouée que vous désireriez du plus fidèle et du plus attaché des serviteurs.

  A016001532 

 En attendant, je continuerai avec plus d'instance ce que j'ai fait [164] jusqu'a present, en vous souhaitant, de Dieu notre Sauveur, le secours d'en-haut, afin que, confirme par l' esprit de force, vous conduisiez heureusement votre vaisseau parmi les redoutables tempetes qui 1'assaillent, au port désiré de la paix et de la bienheureuse piété..

  A016001540 

 Mays je vous en ay escrit plus au long par le sieur Jaquart.

  A016001541 

 Cependant, aymes moy tous-jours, et saches que personne du monde n'est plus que moy,.

  A016001565 

 Monsieur de Charmoysi est a Chambery, ou il est rendu pour le passage du Cardinal d'Est, et se porte fort bien; qui est tout ce que je pourrois dire de plus aggreable a M me de [Charmoysi sa femme, ma cousine,] que je salue icy [avec vostre permission.].

  A016001576 

 J'ay neanmoins pris le loysir de les revoir, de les corriger et d'y mettre les accens, affin que nostre fille de Chastel ayt plus de facilité a les chanter sans y faire des fautes..

  A016001597 

 Vostre plus humble tres affectionné,.

  A016001610 

 Plus que vostre tres humble.

  A016001618 

 Il est vray que le dernier proposé sera d'abord de moindre despense et plus promptement executé.

  A016001618 

 L'eglise seroit plus belle dehors, le cœur ( sic ) estant sur la riviere, avec le presbitere; la faysant dedans, il faudra chercher place ailleurs pour une cave pour retirer le bois et pour toutes les commodités que le bas estage de la tour pouvoit fournir.

  A016001618 

 Vostre cœur sera dautant [172] moins propre a la santé quil sera plus bas, et faudra une grande descente pour y venir des le dortoir.

  A016001631 

 Il vous expliquera plus amplement mon intention, qui me fera finir la presente me recommandant a vos prieres et disant,.

  A016001633 

 Vostre plus humble tres affectionné confrere,.

  A016001646 

 L'autre jour que la bonne madame de Treverney fut icy, je sceu plus amplement la varieté des travaux parmi lesquelz vous vives, ma tres chere Seur, ma Fille, et certes, j'en eu de la compassion, mais plus de consolation encores, sur l'esperance que j'ay que Dieu vous tiendra de sa main et vous conduira, par ce chemin qu'il a frayé, a beaucoup de perfection; car je veux croire, ma chere Seur, que vous voulés demeurer eternellement liee a la tressainte volonté de cette divine Majesté et que vous luy aves consacree toute vostre vie.

  A016001660 

 Rien n'est caché a la chaleur du soleil en ce monde; rien n'est non plus esloigné du soin des bons Rois en leurs monarchies.

  A016001673 

 Nous sommes ensevelis, dit l'Apostre, avec Jesus Christ en la mort d'iceluy, affin que nous ne vivions plus de la vielle vie, mais de la nouvelle.

  A016001698 

 Cependant vous nous laissés entre l'attente et la crainte [181] de vostre retour soudain et de vostre plus long sejour.

  A016001698 

 Comme que ce soit, Dieu vous comble de prosperité, avec madame ma cousine et tout ce qui vous est plus cher, et j'ay l'ordinaire honneur,.

  A016001711 

 Mays du despuis, ayant sceu que Vostre Altesse avoit jette ses yeux et son desir sur Ripaille pour le mesme effect, je m'en suis infiniment res-joui; et en toute humilité je la supplie d'en ordonner au plus tost l'execution, affin que nous voyons en nos jours la pieté restablie en un lieu qui a esté rendu tant signalé par celle que Messeigneurs les predecesseurs mesmes de Vostre Altesse y tint si saintement et honnorablement prattiquee; asseurant qu'en meilleures mains le genereux et pieux dessein de cette restauration ne pourroit estre confié, qu'en celles d'un Ordre si ferme et constant comme est celuy des Chartreux, lequel, ayant tous-jours esté des son commencement fort obligé a la serenissime Mayson de Vostre Altesse, luy a aussi reciproquement tous-jours esté et est tres affectionné et dedié..

  A016001712 

 Et tandis, je continue a supplier incessamment la divine Majesté qu'elle respande a jamais toutes ses plus cheres benedictions sur la personne et la couronne de Vostre Altesse, de laquelle je suis,.

  A016001737 

 L'amour que je porte a mes amis, mais specialement au cher mari, me fait herisser les cheveux en teste quand je sçai qu'ilz sont en tel peril, et ce qui me tourmente le plus, c'est le peu d'apparence qu'il y a qu'ilz ayent le vray desplaysir qu'il faut avoir de l'offense de Dieu, puis qu'ilz ne tiennent conte de s'en empescher a l'advenir.

  A016001737 

 Que ne ferois-je pas pour obtenir que telles choses ne se fissent plus!.

  A016001740 

 Vostre plus humble et tres affectionné.

  A016001752 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A016001774 

 Le bien de la venue des Peres Barnabites en cette ville est de si grande consideration, que Vostre Altesse, [189] laquelle l'a si saintement desiré, le fera sans doute puissamment reüscir, non obstant les petites difficultés qui se presentent, qui ne procedent que d'une bonne affection, a laquelle Vostre Altesse donnera, sil luy plait, la mesure et discretion; en sorte que si le Pere General des Barnabites ne pouvoit ouctroyer la dispense qu'on requiert, sa Congregation ne laissast pas pour cela d'estre introduite dans ce college ou, en [190] tous evenemens, ell'apportera un'utilité incomparablement plus desirable que tout ce qui s'y est fait jusques a present..

  A016001789 

 Ma tres chere Fille, pries tous-jours bien Dieu pour mon cœur, qui vous ayme d'un amour plus que paternel, affin quil se purifie et que l'amour divin y regne sans exception, reserve, ni fin quelcomque; car ainsy ne cesse-je de vous souhaiter une parfaite sainteté..

  A016001806 

 Les Catholiques de Gex et moy avons receu les trois cens escus d'aumosne que Vostre Majesté a donnés pour la reparation des eglises, avec une tres humble reverence et action de graces, non seulement parce que les [192] faveurs qui proviennent de si haut lieu sont tous-jours de grande estime, mais aussi parce que ce sont comme des arrhes de plus grans bienfaitz pour l'avenir; dont nous en esperons que la royale bonté de Vostre Majesté regardera de son œil propice la misere a laquelle l'heresie a reduit ce pauvre balliage, pour respandre a son secours les graces et assistances qui luy peuvent servir de remede..

  A016001821 

 Ainsy, ce mot de Filz sera plus plein d'honneur, de respect et de reverence que celuy de Monsieur; mais d'une reverence toute destrempee en l'amour, pour le meslange duquel elle respandra en mon ame une suavité qui n'aura point d'esgale.

  A016001821 

 C'est pourquoy je n'adjousteray point au nom de Filz celuy de Monsieur, sinon quelquefois, parce qu'il n'en sera pas besoin, l'un estant plus exquisement compris en l'autre qu'il ne sçauroit estre exprimé..

  A016001822 

 Le monde croit de vous avoir des-ja perdu, il ne vous tient plus des siens.

  A016001833 

 J'ay sceu tout ce qui s'est passé pour l'assemblee des trois Estatz de vostre balliage au prejudice de celuy [195] des trois qui a tous-jours esté le premier et le plus favorisé en France, et lequel estant sous ma charge pour ce quartier la, permettes moy, Monsieur, que je me plaigne a vous premierement, et que je vous supplie de voir si ce tort se pourra reparer entre vous et ces bons ecclesiastiques, avant que le devoir de ma charge m'oblige de m'en douloir ailleurs.

  A016001837 

 Vostre plus humble asseuré serviteur,.

  A016001856 

 Je ne nie pas, certes, que le favorable tesmoignage que vous rendes a ce pauvre petit livret de l' Introduction ne m'ayt grandement encouragé, et plus en verité que celuy de plusieurs grans personnages qui, sans me connoistre, me l'ont beaucoup recommandé par lettres.

  A016001858 

 Pour moy, quant a present, je n'en ay point de plus grande que d'estre fortement avoué de vous,.

  A016001862 

 M. des Portes a vostre lettre, et le contentement [199] d'avoir plus heureusement terminé son affaire quil ne pensoit..

  A016001876 

 Or, je ne fay nulle difficulté de m'obliger a vostre [201] bonté de plus en plus.

  A016001890 

 Je seray bien ayse que vostre curé absente, car il est de ceux la desquelz la residence est plus nuysible aux brebis que l'absence; et je mettrois volontier pour terme de son congé, jusques a ce qu'il soit meilleur et plus sage, mays cela le fascheroit.

  A016001930 

 Que ni vous ni moy n'y fassions plus aucune preface; car l'amour de Dieu que vous aves sera ma preface envers vous, et le desir que j'ay de l'avoir sera vostre preface envers moy.

  A016001933 

 Et neanmoins, en certaine façon, a ce que je voy, le doux Sauveur de vos ames vous a trompees d'une tromperie amoureuse pour vous tirer a sa communication plus particuliere, vous ayant liees par des moyens que luy seul a sceu treuver et conduittes par des voyes que luy seul avoit conneuës.

  A016001934 

 Le frere N. est un vray ignorant, mais ignorant qui sçait plus que beaucoup de sçavans; il a les vrays fondemens de la vie spirituelle, et sa communication ne vous peut qu'estre utile.

  A016001938 

 Pleust a Dieu que tous les autres de vostre Ordre fussent aussi charitables et affectionnés a la gloire de Dieu! les monasteres qui sont en leur charge seroyent plus parfaitz et plus purs..

  A016001950 

 J'ayme mieux vous escrire sans loysir ni commodité, que de l'attendre plus longuement, ma tres chere Niece, ma Fille.

  A016001950 

 Que bienheureux est vostre cœur, ma chere Fille, qui se dedie a un'affection si juste et si sainte! Plus nous irons avant, plus nous reconnoistrons la grandeur de la grace que le Saint Esprit nous fait de nous donner ce courage.

  A016001951 

 L'esperance de vous voir avec madame la Premiere m'excuse de vous parler plus au long par escrit, principalement pressé comme je suis.

  A016001953 

 Vostre plus humble oncle et serviteur,.

  A016001970 

 Vostre plus humble serviteur et compere..

  A016001983 

 Dieu vous tienne de sa sainte main et establisse de plus en plus ce genereux et celeste dessein qu'il vous a donné de luy consacrer toute vostre vie.

  A016001985 

 Monsieur, je suis, d'un cœur plus que paternel,.

  A016001993 

 J'espere que l'esté ne se passera point sans que j'aye le bien d'estre quelque tems aupres de vous, ou nous nous entretiendrons plus au long sur ce digne sujet.

  A016001993 

 Que vous seres heureux, Monsieur, si ce reste de vos jours, que je souhaite grans et bons, vous appliques de plus prez vostre ame a son Principe, dans le repos d'une vie a moytié solitaire, telle qu'est celle que vous faites de deça en comparayson de Paris et de la cour.

  A016002005 

 Je me res-jouis, certes, de vos victoires; car, quoy que l'on sçache dire, c'est la plus grande gloire de Dieu que [215] nostre Ordre episcopal soit reconneu pour ce qu'il est, et que cette mousse des exemptions soit arrachee de l'arbre de l'Eglise ou on void qu'elle a fait tant de mal, ainsy que le sacré Concile de Trente a fort bien remarqué.

  A016002005 

 «Sapere et amare, vix diis conceditur;» mais je dirois plus volontier: Litigare et non insanire, vix Sanctis conceditur.

  A016002006 

 Tout mon plus grand desplaysir, c'est de voir qu'en fin en fin cette amertume de cœur, que vous me depeignés, vous ravira d'aupres de nous et me ravira une des plus pretieuses consolations que j'eusse, et a ce peuple un bien inestimable; car, des Prelatz affectionnés, il en est si peu!.

  A016002031 

 Vostre plus humble confrere,.

  A016002043 

 Mon Dieu, je pense que si vous venies icy l'hiver vous auries bien plus de repos que lâ; mais je n'ay garde d'en plus parler, puisque tant d'autres considerations que je ne sçai pas, peuvent avoir rafroydy le dessein que vous en aviés.

  A016002056 

 Je n'ay point de plus grande gloire en ce monde, Monsieur mon Filz, que celle d'estre nommé pere d'un tel filz, ni point de plus douce consolation que de voir la complaysance que vous en aves.

  A016002056 

 Mais je ne veux plus rien dire sur ce sujet, qui aussi m'est indicible; il me suffit que Dieu m'a fait cette grace, laquelle m'est tous les jours plus delicieuse, quand 0n me dit de toutes parts que vous vives a Dieu, quoy qu'emmi ce monde..

  A016002057 

 Non certes, mon tres cher Filz, quoy que vous changies de lieu, d'affaires et de conversations, vous ne changeres jamais, comme j'espere, de cœur, ni vostre cœur d'amour, ni vostre amour d'object, puisque vous ne sçauries choisir ni un plus digne amour pour [223] vostre cœur, ni un plus digne object de vostre amour que Celuy qui vous doit rendre eternellement bienheureux.

  A016002058 

 Dieu neanmoins ne le voulant pas, puisqu'il permet que je sois attaché icy, ni vous, ni moy non plus ne le devons pas vouloir.

  A016002059 

 De vous supplier meshuy de m'aymer, je ne le veux plus faire, puisque je puis plus courtement et expressement vous dire: soyés donq mon vray filz de tout vostre cœur, Monsieur, puisque je suis de tout le mien, non seulement.

  A016002068 

 Puisque le brevet requis pour la declaration de la nullité des vœux de madame de Gouffier vostre seur, est expedié en la sorte qu'elle a peu desirer, elle ne peut, ce me semble, mieux tesmoigner qu'elle n'a pas pourchassé sa liberté que pour la reengager plus heureusement a Dieu, qu'en s'approchant de vous pour prendre les resolutions convenables a son entiere retraitte, laquelle ayant choysie en ce lieu et en la compaignie qu'ell'a veüe et consideree plus d'un an, il m'est advis que je dois vous protester, Monsieur, que sa naissance, ses vertus [225] et ses saintes intentions luy ont acquis tout le service que je luy pourray rendre; et que si bien elle sera icy esloignee de la plus part de ses parens, elle sera neanmoins proche de plusieurs personnes qui les honnorent infiniment, et qui l'auront en une consideration si sainte et honnorable, que pour ce regard, Monsieur, vous n'aures nul sujet de blasmer son choix, auquel, puis qu'ell'a eu plus d'attention a contenter Dieu que de servir aux respectz humains, sa divine Majesté sans doute luy donnera toutes les benedictions qu'ell'en doit esperer, et en fera deriver sut vous quelque bonne part, si mes souhaitz sont exaucés: car je le ( sic ) feray toute ma vie pour vostre bonheur, et demeureray de tout mon cœur,.

  A016002070 

 Vostre plus humble serviteur en Nostre Seigneur,.

  A016002098 

 Vostre plus humble confrere,.

  A016002123 

 En quoy, toutefois, ni eux, ni moy, qui ay eu la charge d'en faire les propositions, n'avons rien eu en plus grande consideration que de faire les traittés de sorte que l'alliance et correspondance qui est et doit estre entre le college de Savoye Chappuysien de dela et celuy de deça, fut saintement et religieusement conservee en tout ce qui en depend; qui nous fait croire que non seulement vous aggreeres, mais que vous loüeres ce qui a esté fait et en favoriseres davantage ce college, puisque Dieu y sera mieux servi et la jeunesse mieux instruite..

  A016002124 

 Vostre prudence et charité vous [234] conduiront a ce bien, et le respect que nous vous devons nous rendront ( sic ) de plus en plus desireux de nous maintenir en la societé et bonn'intelligence que la bonne memoyre de feu monsieur Chapuis a voulu estre entre nous..

  A016002125 

 Et pour mon particulier, je prieray Nostre Seigneur quil vous comble de ses plus cheres benedictions, demeurant de tout mon cœur,.

  A016002140 

 Si que, tout ce qui est le plus a la gloire de Dieu doit estre suivi et aymé et poursuivi: c'est la regle de tous les vrays serviteurs du Ciel..

  A016002141 

 C'est sans doute la plus grande gloire de Dieu qu'il y ayt une Congregation de la Visitation au monde, car elle est utile a quelques particuliers effectz qui luy sont propres; c'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous la devons aymer.

  A016002141 

 J'attendray donques de vos nouvelles plus particulieres sur le service que vous pourres rendre a cette nouvelle plante, laquelle, si Dieu veut estre une plante de la Visitation et une seconde Visitation, sa Bonté en soit a jamais glorifiee..

  A016002141 

 Mais s'il se treuve des personnes plus relevees [236] qui ayent aussi des pretentions plus grandes, nous devons les servir et reverer tres cordialement, quand l'occasion s'en presentera.

  A016002144 

 Vostre plus humble et affectionné frere et serviteur,.

  A016002153 

 Je vous en envoyeray une copie, avec une lettre de Monseigneur le Cardinal Bandini, qui vous escrit si courtoysement que l'on ne pourroit rien desirer de plus.

  A016002154 

 Monseigneur le Nonce de France est deputé, et le lieu pour estre ouïe sera nostre pauvre chere Visitation; si que il y a toute sorte d'apparence que Monseigneur le Nonce me commettra, et que vous aures le commissaire le plus vostre et qui vous souhaite le plus de sainte consolation qui soit et puisse estre au monde.

  A016002173 

 Et ces deux filles de ces diverses meres se battent, et celle qui ne vaut rien est si mauvaise, que quelquefois la bonne a bien a faire a s'en defendre, et lhors, il est advis a cette pauvre bonne qu'elle a esté vaincue et que la mauvaise est plus brave.

  A016002173 

 Mais, non certes, ma pauvre chere Peronne Marie, cette mauvaise la n'est pas plus brave que vous, mais ell'est plus afficheuse, perverse, surprenante et opiniastre; et quand vous alles pleurer, ell'est bien ayse, par ce que c'est tous-jours autant de tems perdu, et elle se contente de vous faire perdre le tems quand elle ne vous peut pas faire perdre l'eternité.

  A016002174 

 Mays quand il arrivera que de sursaut elle vous attaque, encor qu'elle vous face un peu chanceler et prendre quelque petite entorse, ne vous fasches point, mais reclames Nostre Seigneur et Nostre Dame: ilz vous tendront la sainte main de leur secours, et silz vous laissent quelque tems en peine, ce sera pour vous faire de rechef reclamer et crier de plus fort a l'ayde..

  A016002175 

 N'ayes point honte de tout ceci, ma chere Fille, non plus que saint Paul, qui confesse quil avoit deux hommes en soy, dont l'un estoit rebelle a Dieu et l'autre obeissant.

  A016002187 

 Mays, qui pourroit asses admirer non plus qu'asses loüer sa Providence? Cette Bonté paternelle aura regardé de l'œil de son amour une quantité de filles et de femmes qui, pour diverses raysons, demeuroyent entre les hazars des flotz de la mer mondaine, s'il ne leur dressoit un port aysé auquel elles puissent surgir, nonobstant que leurs barques soyent un peu foibles.

  A016002190 

 Je retourne a l'affaire de dela, et puisque je suis a parler, je ne me puis tenir de m'estonner dequoy il semble qu'on se soit comme caché des Jesuites; car au contraire, entre les biens des Congregations, au dessus des Religions, celuy la est de ( sic ) plus grans, que les Congregations peuvent fort aysement avoir l'assistence [245] des Peres Jesuites, comme la Congregation des Guastales, de Milan, celle de Castillon et plusieurs autres d'Italie, qui fleurissent en sainteté et perfection..

  A016002192 

 En somme, je treuve que vous vous estes bien conduite, ou plus tost que Nostre Seigneur vous a fort bien guidé en tout cet affaire, et ne pouvois rien desirer de mieux: ce que je dis apres avoir releu vostre lettre.

  A016002201 

 Je ne sçai certes plus que faire avec ces gens, ma tres [248] chere et tres honnoree Mere, car ilz me tirannisent et, comme si c'estoit par conjuration, m'empeschent a vive force le bien que j'estime plus que tout, de vous aller au moins un peu voir de mes yeux.

  A016002212 

 La bonne Religieuse de Monthouz me dit hier que M me la Senatrice sa cousine desiroit se confesser ce matin a moy, qui le veux bien, et peut estre que, pour cet effect, elle seroit plus ayse que ce fut a la Visitation; et moy aussi, puisqu'aussi bien, malaysement puis-je sauver ma matinee, et que nostre M. Michel, a moytié malade, ne sçauroit escrire ce que je luy fournirois du livre, et que sur tout il nous fera grand bien de nous entrevoir, et ce sera tous-jours autant de fait.

  A016002240 

 Cette touche, avec quelque sorte d'esperance que Vostre Grandeur me commanda de conserver de son prochain retour, m'ont fait penser plus d'une fois aux raysons qu'ell'auroit de revenir, pour aggrandir ce reste de consolation qu'elle m'avoit laissé, me signifiant que la privation de sa presence ne seroit peut estre pas de si longue duree, ains beaucoup plus courte que nostre desplaysir ne nous faysoit imaginer.

  A016002241 

 En verité, Monseigneur, vous ne recevrés jamais des affections si fideles en lieu du monde comme vous feres icy, ou elles naissent avec les hommes, vivent avec eux, croissent sans bornes ni limites quand et eux envers la Mayson serenissime de Savoye, delaquelle les Princes se peuvent vanter d'estre les plus respectueusement aymés et amoureusement respectés de tout le monde par leurs peuples: benediction en laquelle Vostre Grandeur a la part qu'ell'a peu voir et remarquer en toutes occurrences.

  A016002242 

 Que si j'osois dire mes pensees sur les autres sujetz que Vostre Grandeur auroit de revenir, je luy marquerois le [253] desir ardent que Son Altesse Serenissime a eu qu'elle demeurast, auquel Vostre Grandeur correspondant par son retour, c'est sans doute qu'elle l'obligeroit non seulement a perseverer en l'amour plus que fraternel qu'ell'a tous-jours protesté envers icelle, mais elle en accroistroit extremement les causes, et par consequent les effectz..

  A016002243 

 Je luy marquerois encor, qu'en cas que la guerre que Son Altesse Serenissime a sur les bras se rendit plus active et qu'elle passast jusques a quelqu'ardeur (ce que Dieu ne veuille), Vostre Grandeur, comme je pense, ne pourroit alhors retenir son courage quil ne la rapportast a la defense de ce sang, de cette Mayson, de cette couronne, de cet Estat dont ell'est et en quoy ell'a tant de part et tant d'interest, et ou manifestement vostre reputation, Monseigneur, presseroit vostre courage, si vostre courage, grand et bien nourri, ne prevenoit toute autre consideration, voyre mesme celle de la reputation.

  A016002244 

 Que si Vostre Grandeur se retire plus loin en un tems d'orage, certes, cela ressentira un abandonnement absolu du pilote et de la barque a la conservation delaquelle toute rayson humaine et divine oblige Vostre Grandeur, et laissera un certain sujet de plainte a tout cet arbre, dont vous, Monseigneur, estes une branche, a laquelle je ne sçai ce que l'on pourra respondre..

  A016002263 

 Or, j'ay escrit pour ne sembler pas avoir moins de desir que les autres pour un si grand bien; comm'en verité je l'aurois, ce desir-la, et plus grand et plus sincere que plusieurs autres, si je pensois que cela se peut faire, moralement parlant.

  A016002264 

 Le bon monsieur de Blonnay a beaucoup de bon desir pour vostre eglise de Rumilli, laquelle, a la verité, est des plus indevotement servie de tout ce pais.

  A016002265 

 Je receu seulement hier le pacquet pour Neufville, lequel sil fut arrivé un peu plus tost, seroit maintenant acheminé; mais il ne tardera pas beaucoup entre mes mains..

  A016002281 

 Dieu soit de plus en plus loué, ma tres chere Fille, dequoy mesme vous aves plus de santé que mon amour cordial envers vous ne me faysoit imaginer sur ce que vous m'aviés escrit.

  A016002300 

 Et ce pendant, Dieu benisse nostre cher cœur et le rende de plus en plus tout sien eternellement.

  A016002300 

 Quel remede, ma tres chere Mere, a cette invincible sujettion de recevoir des gens lhors que plus j'ay le desir de me revoir moy mesme aupres de vous! Il n'y a eu moyen quelconque de m'en eschapper.

  A016002311 

 Item, les Cordeliers de ce païs de Savoye ont eu nouvelles que leur Provincial sollicite messieurs du clergé de France affin quilz fassent retrancher leurs couvens de la Province de Saint Bonaventure es Estatz qui se celebrent; en suite de quoy, les Cordeliers savoyards n'auroyent plus acces a l'estude de Paris, [264] ou ilz ont eu tant de doctes et braves docteurs qui ont regenté et gouverné en ce couvent la, comme je l'ay veu moy mesme.

  A016002313 

 Je vous confesse a vous, Monseigneur, que cette petite besoigne ne me desplait pas beaucoup; mays j'ay grand peur qu'elle ne reuscisse pas si heureusement que l'autre precedente, pour estre, a mon advis, un peu plus nerveuse et forte, quoy que j'aye tasché de l'adoucir et fuir les traitz difficiles.

  A016002351 

 Ce sera un voyage un peu plus long, et qui me tiendra hors de cette ville presque jusques aux festes.

  A016002352 

 Si ce bon Prince revient, je seray grandement trompé, car, a ce que j'apprens, on le porte tous-jours plus avant de delà, et il me le signifie luy mesme par une lettre quil m'a fait la faveur de m'escrire..

  A016002370 

 Je ne veux pas vous beaucoup entretenir maintenant par lettre, car en voyla une vivante qui vous va voir, [270] en laquelle vous lires plus de bien que je ne sçaurois vous en escrire..

  A016002371 

 Je me res-jouis dequoy vos passions se treuvent un peu alenties; elles le seront, Dieu aydant, tous-jours plus.

  A016002390 

 Voyla pourquoy je vay encor plus joyeusement voir si Dieu se servira de moy en quelque chose pour sa gloire; car saches, ma tres chere Mere, que j'ay eu en chemin, et ce matin encor plus, des grans sentimens de la grace que Dieu fait a ceux qu'il employe a son service et ausquelz il donne le vray goust des vertus, ayant eu cette pensee sur les paroles que l'Eglise inculque et qui donnerent le dernier coup a la conversion de saint Augustin: Non point es banquetz et ivroigneries, non point es couches et impudicitès, mais revestes vous de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A016002405 

 Et par ce, Monseigneur, que le Valley estant si proche de Savoye et Piemont, ne peut estre qu'extremement utile aux affaires de Vostre Altesse, quand ell'en aura l'alliance et correspondance, j'ay pensé que cet advis estoit d'importance et que je le devois donner a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement de l'avoir aggreable, comm'encor que je luy die que ce jeune Prelat que nous venons de sacrer est de fort bonne esperance, devot, actif, de bon esprit et plus gentil que sa nation n'a pas accoustumé d'en produire, fort affectionné a Vostre Altesse, et qui attendoit avec honneur un anneau episcopal en present, de Monseigneur le Prince Cardinal, ainsy qu'on luy avoit fait esperer..

  A016002419 

 Je vous donnay advis, a mon départ d'Annessi, comme je venois en Valley pour la consecration de Monseigneur l'Evesque de Sion qui, des il y a longtems, m'y avoit convié, et a la celebration delaquelle j'estois necessaire en quelque sorte, puisqu'il n'avoit point d'Evesque plus proche qui luy peut rendre cet office avec moins d'incommodité que moy.

  A016002420 

 C'est pourquoy je la supplie d'envoyer ma lettre ci jointe au plus tost a sadite Altesse, a laquelle je ne dis pas que ces gens-la sont merveilleusement ombrageux et delicatz a entretenir, car elle le sçait bien; mays je luy eusse volontier dit qu'en suite de cela, ilz ont treuvé estrange que le seigneur Valdenghe n'ayt pas comparu au sacre de leur Evesque et a l'assemblee qui estoit assignee a ce jour la, puisque mesme on leur en avoit donné intention, comme aussi a Monseigneur de Syon que Monseigneur le Prince Cardinal luy envoyeroit son anneau episcopal.

  A016002423 

 Je prie Dieu quil vous comble, Monsieur, de ses plus desirables benedictions, et suis sans fin,.

  A016002452 

 Seulement je vous dis que c'est aujourd'huy le jour que je fus consacré a Dieu pour le service des ames; je solemnise tous les ans ce jour avec le plus d'affection que je peux, me consacrant de nouveau a mon Dieu.

  A016002480 

 Dites moy comme vous vous portes, pour Dieu et pour moy, qui suis, comme vous sçaves vous mesme, plus vostre que vous mesme..

  A016002486 

 Que ma tres chere Mere soit benite des plus sacrees benedictions du Sauveur de son ame! Amen..

  A016002497 

 Quel bonheur, ma chere Mere, d'estre tout a luy, qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre! Mais il faut pour cela crucifier en nous toutes nos affections, et specialement celles qui sont plus vives et mouvantes, par un perpetuel allentissement et attrempement des actions qui en procedent, affin qu'elles ne se facent pas par impetuosité, ni mesme par nostre volonté, mais par celle du Saint Esprit..

  A016002498 

 Sur tout, ma chere Mere, il nous faut avoir un cœur bon, doux et amoureux envers le prochain, et particulierement quand il nous est a charge et degoust; car alhors nous n'avons rien en luy pour l'aymer, que le respect du Sauveur, qui rend l'amour sans doute plus excellent et digne d'autant qu'il est plus pur et net des conditions caduques..

  A016002506 

 Ce m'a esté un honneur extremement sensible d'avoir receu de vostre part ces riches et devotz Theoremes que le Reverend Pere Ange Le Blanc m'a remis; et si j'avois le riche parfumier ou cabinet des unguens que cet ancien prince Alexandre le Grand destina pour la garde des livres et escritz d'Homere, je le destinerois aussi a la conservation de ce beau present, lequel m'est d'autant plus pretieux que je n'avois garde de l'oser [286] esperer, puisque je n'ay pas mesme pensé que vous eussies sceu que je fusse au monde, ou estant, de vray, si peu de chose, confiné en ce recoin de nos montagnes, je me tiens pour invisible.

  A016002507 

 Or, puisque non seulement il vous a pleu, Monsieur, de jetter vostre pensee et, ce qui est encor le plus, vostre bienveuillance sur moy, je vous supplie tres humblement de me continuer cette grace par la mesme courtoisie et bonté qui l'a fait naistre en vostre ame sans aucun merite de ma part; et si je ne puis par les effectz, au moins par affection je m'essayeray de correspondre a cette faveur, vous portant a jamais un honneur, ouy mesme (si vous me permettes ce mot) un amour tres particulier.

  A016002529 

 Or, d'autant que l'entreprise est grande et que c'est la premiere saillie ou production de nostre Mayson (que je desire qui ne produise rien que de bon), nous voulons y envoyer la cresme de nostre Congregation; et parce que nostre chere fille Marie Aymee est un de nos plus pretieux sujetz, je desire de la poser aux fondemens de ce nouvel edifice..

  A016002537 

 Que s'il ne vous fait pas sentir la [290] douceur de son saint amour, c'est pour vous rendre plus humble et plus abjecte a vos yeux.

  A016002634 

 Vostre plus humble tres asseuré serviteur,.

  A016002647 

 Et encor, cette partie inferieure a son estonnement ......trouble ni inquietude, mais en verité grand plus quil ne se peut [302] dire.

  A016002647 

 Les deux premiers jours quil ne se vid plus soymesme, il demeura en une douce tendreté et quelques larmes; mais quand je le portay la premiere fois ou il avoit accoustumé de treuver son ame et quil ne l'y treuva plus, il fut saysi d'un estonnement nompareil qui luy a duré trois ou quatre jours et le resaisit souvent, c'est a dire quand il y pense par maniere de privation du bien quil ayme plus que tout autre du monde.

  A016002647 

 Mays tout cela ne touche point la pointe de l'esprit qui, asseuré de plus en plus de l'indissoluble et invariable unité que Dieu a faite de ce que nous sommes, demeure aussi impenetrable a toute sorte d'apprehension.

  A016002647 

 Mays, ne disons plus rien de cela; car, ne suffit il pas que Dieu nous ayant rendus une mesme chose, nous soyons par tout nous mesmes tout siens?.

  A016002648 

 Dimanche je fus voir ma Seur de Brechard et je la treuvay plus joyeuse.

  A016002650 

 Je vous salue mille et mille fois, la plus aymee et la plus aymante Mere qui soit au monde, et ne cesse point de respandre des souhaitz sacrés sur vostre personne et sur vostre trouppe.

  A016002666 

 Monsieur Masuyer m'escrit une grande lettre pour [306] me persuader d'aller prescher a Paris le Caresme suyvant, ou a Saint Germain ou a Saint Mederic; mais si je pouvois avoir assés de liberté pour prendre ce contentement de revoir cette chere ville, ce seroit a vostre choix et privativement a tous autres que je me logerois en chaire, comme ce seroit de vous voir et estre pres de vous que je recevrois le plus de consolation.

  A016002669 

 Vostre plus humble, plus obeissant et fidele serviteur,.

  A016002672 

 J'attens de sçavoir que M. de Grenyer deviendra, car je ne sçai plus ou il est, sinon qu'il soit encor a Monpelier, attendant les nouvelles de son logement que vous luy avés impetré chez Monseigneur de Joyeuse..

  A016002680 

 Ce qui me rendit d'autant plus estonné, il y a quelque tems, quand je receu une lettre de Vostre Altesse Serenissime, par laquelle elle tesmoignoit d'estre esbahie elle mesme dequoy je tardois tant a rendre ce devoir d'obeissance envers elle et de pieté envers ce Saint.

  A016002682 

 Vostre Altesse, Monseigneur, et en qualité de ce qu'ell'est de sa naissance et en qualité du rang qu'elle tient en l'Eglise, ne pourroit, a l'adventure, pas plus dignement loger son soin et son zele qu'en l'aggrandissement d'un œuvre si illustre, fructueux, saint et necessaire.

  A016002698 

 Au moins, ne pouvant rien davantage, je vous donne tous les meilleurs souhaitz que mon ame me peut fournir, et les presente a la majesté de Nostre Seigneur, affin quil luy playse vous donner, avec la patience quil vous a departie il y a long tems, le doux et tres humble aggreement de vos travaux que les plus grans Saints ont eu des leurs, affin que, moissonnant beaucoup de merites en cette arriere sayson de vostre aage, vous vous treuvies riche devant sa divine face, quand vous la verrés..

  A016002701 

 Vostre plus humble filz et serviteur,.

  A016002720 

 Allés voir donq, ma chere Mere, s'il faut pleurer quand on treuve de la besoigne en son ame, et s'il faut avoir du courage pour tous-jours aller plus avant, puisqu'il ne faut jamais s'arrester, et s'il faut avoir de la resolution pour retrancher, puisqu'il faut mettre le rasoir jusques a la division de l'ame et de l'esprit, des nerfs et des tendons..

  A016002732 

 Premierement, ma chere petite seur, que je treuve tous-jours plus aymable et desireuse de devenir brave et devote..

  A016002734 

 Et quand ilz eurent vuidé la moytié de la place, une quantité d'oysillons qui les regardoyent vindrent la autour d'eux; et tous les pigeons qui mangeoyent encor se retirerent en un coin, pour laisser la plus grand part de la place aux petitz oyseaux, qui vindrent aussi se mettre a table et manger, sans que jamais les pigeons les troublassent..

  A016002734 

 Vous ne sçauries croire la grande edification que ces petitz animaux me donnerent, car ilz ne dirent jamais un seul petit mot, et ceux qui eurent plus tost fait leur refection, s'envolerent la aupres pour attendre les autres.

  A016002736 

 Mon cœur vous entretient de ses pensees et mes pensees s'entretiennent le plus souvent de vostre cœur, qui est, certes, un mesme cœur avec le mien..

  A016002740 

 Dieu nous rende de plus en plus tous siens.

  A016002783 

 Quel mal leur fait-on, ni a vous, disent les meschans? On nous ravit le bien le plus pretieux que nous ayons, qui est la bonne grace de nos Princes, et puis on dit: Quel [320] mal vous fait-on? Mon tres cher Frere, est il possible que Sa Grandeur m'ayme, qui, ce semble, prend playsir aux rapportz qu'on luy fait de mes freres, puisqu'il a des-ja treuvé que c'estoit ordinairement des impostures, et neanmoins il les reçoit, il les croit, il fait des demonstrations de tres particuliere indignation?.

  A016002784 

 Certes, mon cher Frere, j'ay de la gloire d'estre aymé par vous et d'estre passionné pour vous; mais puisque mon malheur est si grand, pour Dieu, ne disons plus mot des-ormais.

  A016002785 

 Un jour viendra que de m'aymer ne sera plus reproche a personne, comme personne de ceux qui m'ayment particulierement ne merita jamais reproche..

  A016002785 

 Voyés si elle devra ou pourra estre donnee; car, tout extremement passionné que je suis en cette occasion, je ne voudroispas que Monseigneur se faschast, car en somme, je ne veux plus que vous couries fortune d'estre disgracié.

  A016002796 

 Tout sincerement vostre, et vostre plus humble.

  A016002811 

 Vostre plus humble confrere,.

  A016002825 

 La ville d'Annessi recourt a la bonté de Son Altesse pour une gratification, laquelle ci devant luy avoit des-ja esté accordee, et delaquelle la continuation luy est dautant plus necessaire que ses incommodités ont pris beaucoup d'accroissement.

  A016002838 

 Ces deux vefves Beart, reduites a l'extremité d'une lamentable misere, avec dix ou douze enfans qu'elles ont, ont jetté leur esperance en vostre secours pour estre soulagees des tailles; et, quoy que de ma vie je ne [325] l'eusse veu ( sic ), ni eu aucune connoissance avec elles ni leurs familles, elles ont desiré mon intercession aupres de vous, pour obtenir plus aysement vostre entremise en cette occasion.

  A016002872 

 Il n'y faut donq plus autre chose que continuer doucement..

  A016002884 

 Pendant ce proces, ilz ont estimé que la force leur seroit plus favorable que la justice, et, apres plusieurs menaces, ont fait ce que le sieur lieutenant de Belley aura, je m'asseure, remonstré.

  A016002886 

 Or, forcé de mon devoir, j'envoye ces deux porteurs, qui ont esté plus que tesmoins oculaires de ce fait, sur [334] tout monsieur Roget, doüé d'une incomparable probité et predicateur fort capable, contre lequel ilz esmeurent les femmes, affin de le faire jetter dans le Rhosne par ce sexe facile a s'esmouvoir, comme s'il eust parlé contre l'honneur de toutes.

  A016002897 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A016002912 

 Ma tres chere Mere, quel moyen de vous escrire a souhait? Mays c'est bien asses que je salue vostre cœur maternel comme le mien propre, avec le plus grand et le plus solide amour qui puisse estre..

  A016002933 

 Je sçai combien est juste le ressentiment d'indignation que vous aves eu contre le sieur de Barraux, et le cœur m'en a fait grand mal, ne m'estant peu tenir de luy en faire la correction et tesmoigner que j'avois part au desplaysir quil vous avoit donné, dautant plus que je m'estois res-joui dequoy il avoit espousé une damoyselle qui est ma parente, sur lhonneur quil a d'estre le vostre si proche.

  A016002933 

 Que si j'osois, j'adjousterois encor mon intercession, que vostre extreme bienveuillance envers rnoy rend hardie et forte, et en fin, la sousmission quil fait, ne desirant sa reconciliation aupres de vous que pour accoyser les remors quil a de vous avoir desagreé, et recouvrer lhonneur le plus pretieux quil ayt en ce monde, qui est d'estre advoüé de vous vostre tres humble serviteur..

  A016002933 

 Tout, comme je pense, favorisera son desir: le tems escoulé, qui luy a donné le loysir de se bien repentir; le tems qui coule, auquel on ne refuse guere le pardon, mesme aux plus perfides ennemis; le bon advocat qu'il employe et avec lequel il va recourir a vostre bonté.

  A016002935 

 Et comme pourroit il autrement, estant filz de tels pere et mere? Certes, nos bons Barnabites sont [340] braves gens, doux plus qu'on ne sçauroit dire, condescendans, humbles et gracieux outre la mesure ordinaire de leur païs.

  A016002935 

 Il est fort gentil, l'esprit vif et qui ayme tendrement la sainte liberté quil a apprise parmi les pages; mais on tasche de luy en faire gouster un'autre un peu plus sainte et, petit a petit, on y proffite parce quil est bon enfant.

  A016002982 

 Il ne faut pas s'amuser beaucoup a la recherche de la cause de nos secheresses et sterilités, car nous ne sçaurions la deviner; il suffit de nous humilier beaucoup et acquiescer a ce travail, soit que Nostre Seigneur l'ayt envoyé pour nous chastier de quelque defaut, soit qu'il l'ayt envoyé pour nous es-preuver et rendre plus purement siens..

  A016002983 

 J'eusse bien desiré que madame de Chasteaufort eust un peu joüi de vostre conversation; mais puisqu'il ne se peut bonnement, elle s'entretiendra avec ces bonnes Seurs, et encor plus avec Nostre Seigneur, que j'espere luy estre propice, puisqu'il luy a donné le cœur qu'elle tesmoigne.

  A016003001 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A016003009 

 Mais il faut bien prendre garde, ma tres chere Fille, ma Mere, que le cors et l'esprit vont souvent en contraire mouvement, et a mesure que l'un s'affoiblit, l'autre se fortifie, [350] et quand l'un se fortifie, l'autre s'affaiblit; mays, puisque l'esprit doit regner, quand nous voyons qu'il a pris ses forces, il le faut tellement secourir et establir, qu'il demeure tous-jours le plus fort.

  A016003009 

 Sans doute, ma tres chere Mere, puisque les maladies sont comme des coupelles, il faut bien que nostre cœur en sorte plus pur et que nous devenions plus fortz parmi les infirmités..

  A016003010 

 Ce sera le plus excellent sacrifice que vous puissies faire.

  A016003018 

 Vous sçaves bien, Monsieur, qu'il faut plus de sujet pour faire remuer les vielles gens que les jeunes, et que les vieux chiens ne prennent jamais le change qu'avec advantage..

  A016003020 

 Je vous remercie donq tres humblement de l'expedition de madame de Gouffier, et de celle du petit benefice uni a mon Chapitre, vous conjurant, Monsieur, de me faire sçavoir la despense que vous aures fournie pour l'un et l'autre, affin que j'aye tous-jours la confiance de me prevaloir de vostre courtoyse entremise es occurrences, laquelle, certes, je n'oserois plus employer si elle vous devoit estre onereuse en autre chose qu'en vostre peyne et vostre soin..

  A016003021 

 Mais puisqu'il l'est, je ne le desire plus..

  A016003024 

 Il suffit qu'en ces trois ou quatre petites rencontres, Dieu a tous-jours favorisé la cause du plus foible; je pense que c'est pour advertir le plus fort de n'estre pas si vigoureux..

  A016003068 

 Que vous soyes la ou icy, helas! qui nous peut separer de l'unité qui est en Nostre Seigneur Jesus Christ? En fin, c'est chose desormais, ce me semble, qui n'adjouste plus rien pour nostre esprit, que nous soyons en un ou deux lieux, puisque nostre tres amiable unité subsiste par tout, graces a Celuy qui l'a faite.

  A016003072 

 O ma tres chere Mere, vivés joyeuse, toute brave, toute douce, toute jointe au Sauveur, et playse a sa Bonté de benir la tressainte unité qu'il a fait de nous et la sanctifier de plus en plus.

  A016003084 

 Il ne faut que bien fermer la [361] chambre sur nous, c'est a dire, retirer de plus en plus tout nostre cœur en cette divine Bonté..

  A016003085 

 Je vous donne mille fois le bon soir, et prie Dieu qu'il soit tous-jours au milieu de tout vostre cœur, le benissant de ses tressaintes et plus desirables faveurs.

  A016003124 

 VIVE JESUS! Ma tres chere Mere, je suys, comme vous sçaves vous mesme, tous-jours plus tout a fait vostre..

  A016003132 

 Dieu vous benisse des benedictions que ce cœur vous souhaite, ce cœur, dis-je, qui vous cherit vrayement d'un'affection toute paternelle et plus que paternelle..

  A016003139 

 Et comme pourroit on croire que ce brave cœur, qui avoit esté nourri des sa jeunesse en la pieté, et qui avoit en bonne partie entrepris cette si grande separation de tout ce qui luy estoit plus cher pour le zele du service de Dieu, n'ayt aussi esté tres specialement secouru de la grace d'iceluy en son dernier jour, lequel, selon sa profession, il a fini dans les termes de son devoir? Certes, lhonneur de cette mort est extreme, et la posterité la louera sans fin..

  A016003139 

 Il faut advoùer que cet evenement si inopiné est capable de troubler les espritz les plus resoluz de ceux qui ont aymé un peu affectionnement [368] ce brave et genereux frere, et rien que le souverain respect que nous devons a la Providence eternelle, qui ne fait jamais rien que saintement et sagement, ne nous sçauroit mettre en repos sur cet accident.

  A016003140 

 Qui se promet des autres occurrences en cette plus que miserable vie, il se trompe grandement..

  A016003143 

 Vostre plus humble, tres affectionné.

  A016003159 

 Ma tres chere Mere, il est vray, ce cher filz estoit l'un des plus desirables qui fut onques; tous ceux qui le conneurent, le reconneurent et le connoissent ainsy.

  A016003160 

 Et voyla, ma tres chere Mere, que, sous le bon playsir de la Providence divine, il est parti de cet autre monde pour aller en celuy qui est le plus ancien et le plus desirable de tous, et auquel il nous faut tous aller, chacun en sa sayson, et ou vous le verres plus tost que vous n'eussies fait s'il fust demeuré en ce monde nouveau, parmi les travaux des conquestes qu'il pretendoit faire a son Roy et a l'Eglise.

  A016003163 

 C'est l'orayson la plus aggreable que nous puissions faire a Celuy qui en fit une pareille sur la croix, a laquelle sa tressainte Mere respondit de tout son cœur, l'aymant d'une tres ardante charité..

  A016003164 

 J'ay prié pour luy et le feray tous-jours, et pour vous, ma tres chere Mere, a qui je veux rendre toute ma vie un particulier honneur et amour, de la part encor de ce frere trespassé, duquel l'amitié immortelle me vient solliciter d'estre de plus en plus,.

  A016003177 

 Et Dieu soit loué dequoy il luy a pleu la nous conserver! Je veux esperer que ce sera plus longuement que la foiblesse de sa complexion ne nous permet d'esperer; car cette Bonté qui a commencé a nous gratifier, ne s'en lassera point, si nous sommes fideles..

  A016003180 

 Je suis, plus quil ne se peut dire, tout vostre, et a nos cheres Seurs Marie Peronne et Marie, et aussi a vos bienheureuses Novices, que j'appelle ainsy par ce que je connois de plus en plus le bonheur de ceux qui se dedient a l'amour et service divin.

  A016003210 

 Des il y a long tems, vostre charité et pieté m'estant conneue par la reputation qu'elle s'est acquise en nostre [376] France, elle l'est maintenant beaucoup plus par lhonneur que Vostre Illustrissime Grandeur me fait en une affaire que la divine Majesté a permis, ou plustost ordonné, vous estre tumbee entre les mains, pour mon bonheur et advantage; puisque je ne pouvois rencontrer ni une plus grande, ni une plus utile et necessaire faveur que celle quil plaira a vostre bonté, Monseigneur, me departir, et laquelle me licentiant, ce me semble, de representer encor de rechef sur ce papier ma necessité, je ramenteveray en toute humilité a Vostre Illustrissime Grandeur, comm'il y a des-ja quelques annees, pendant son sejour en France, je m'essayay me rendre sous vostre authorité pour le sujet dont il est maintenant question; et sachant bien que de moy je ne meritois pas cet honneur, je fus favorisee de Monseigneur le Duc de Nevers, lequel vous fit offrir quelques supplications [377] pour moy.

  A016003210 

 Mais lhors, a cause de quelque consideration, Vostre Grandeur Illustrissime ne jugea pas a propos de m'accorder ce dont je la suppliois; et je connois par experience que Nostre Seigneur avoit ainsy disposé pour mon bien, me reservant vostre faveur, Monseigneur, jusques a ce tems auquel elle me sera plus utile a mon avancement spirituel, que peut estre elle n'eut pas esté lhors que je la pretendois..

  A016003211 

 Je sçai que les difficultés de mon affaire sont grandes, mais j'en espere pourtant un heureux succes, et que vostre charité, Monseigneur, jointe a vostre authorité, me rendra jouissante demon desir, auquel je proteste n'estre portee que pour la gloire de Dieu et la plus grande asseurance de mon ame.

  A016003225 

 Dequoy, comme nous avons deu avant leur depart donner advis a Vostre Serenissime Altesse, aussi estimons-nous qu'elle l'aura fort aggreable, et loüera la Majesté divine dequoy elle daigne se servir de nous pour l'accroissement de sa gloire; puisque mesme, a mesure que nostre Congregation se dilatera, les prieres se multiplieront pour Vostre Altesse, qui a si doucement et favorablement arrousé de sa bienveuillance cette petite plante delaquelle les autres auront pris leur origine, et laquelle, se recommandant tres humblement de plus en plus a Vostre Altesse Serenissime, ne cessera jamais de luy souhaiter toute sorte de sainte consolation, [et] demeurera a jamais toute sienne, comme estant composee,.

  A016003271 

 Vostre fils tres indigne, et le plus affectionné de vos.

  A016003281 

 Ce n'est plus une Baronne, c'est une Sulamite; toute cette contree reste pleine de la douce odeur de ses celestes vertus; nos Religieuses de Dijon, comme les filles de Sion, l'annoncent bienheureuse, et toutes nos dames la loüent hautement..

  A016003281 

 Ce n'est plus une Judith que nostre madame de Chantal, c'est une sainte Paule; toutes ses actions font voir l'operation de Dieu en son ame et les traces de vostre direction.

  A016003291 

 Les accez de vostre fiebvre ont poussé leurs excez jusques au plus intime de mon cœur.

  A016003292 

 En fin, quand je voy que la charité, dont l'ordre est le desordre, vous a fait postposer l'indisposition de vostre corps à celle de mon cœur pour me tracer des douceurs dans le plus espais de vos douleurs, meslant la myrrhe avec les aromates, comme l'Espouse sacrée et sucrée, je ne peux dire autre chose, sinon que: Si je ne vous puis respondre par paroles, face le Ciel que je vous puisse au moins correspondre d'affection!.

  A016003292 

 Or, toutes les circonstances de celle que je viens de recevoir de vous, m'obligent: la matiere, la forme, le temps et, plus que tout, cest extreme amour qui, ne la pouvant escrire, l'a dictée, et au milieu de ses douleurs; ainsi, fortior morte dilectio.

  A016003293 

 Ne vous ennuiez pas de m'escrire, car je ne pense pas, emmy toutes les bonnes œuvres dont vous embaumez et le ciel et la terre, que vous en puissiez faire aucune plus signalée que celle de me conseiller, consoler et consolider.

  A016003331 

 Encor que sellon le debvoir que Nous avons d'avoir soing aus affaires importants de nostre Empire, Nous avions assigné l'assemblee generale dans nostre ville Imperiale, a Ratisbonne, par une Nostre dernieredu 22 e octobre de l'annee dernierement escheüe 1613, au premier may de l'annee presente 1614, affin de deliberer et resouldre sur les points contenus en noz propositions faictes pour la derniere diette: Nous avons veu, et avec un extreme regret, cogneu et sceu par des advis tres asseurés, que l'ennemys ( sic ) immortel de toutte la Chrestienneté, tous les jours s'en va d'aultant plus avançant et empietant sur les pais voysins de la province de Sibebourg ( sic? ), laquelle il a soubjugué et reduict en sa puissance avec tout ce qui en despandoit; de sorte que, non content d'avoir, avec un tres grand dommage et cruelle guerre, surmonté ces dictz pais, mais, au tres grand prejudice de la Christienneté, commis plusieurs conflictz tres cruelz et sanglantz et desquelz a present il ne veult desister; car Nous sommes tres asseuré que, pour ce printemps, il se prepare pour attaquer avec touttes ses forces nostre royaume d'Ungrie et les pais Christiens qui luy sont voysins.

  A016003331 

 Et est facile a chequ'un de voir en quel grand danger et doubte doibvent estre lesdictz Estatz voysins, comme aussy noz royaumes frontiers, et par consequent tout le Sainct [393] Empire romain, sy Nous ne taschons de repoulser et empecher ce tyran en la defence de ces dictz pais, contre lesquels il va de plus [en plus] accroisant sa mauvaise volunté pour avancer la ruine, qu'il desire, du Christianisme; et semble avoir desja rencontré et empoigné les commodités pour executer sa tyrannique volunté et cruelz desseins..

  A016003333 

 Et ne doubtons aucunement que vostre volunté, et de tous lesdictz Princes et Estatz, ne soit tousjours telle, que vous vous porterez tousjours avec une vraie affection pour le contenu ausdictes propositions, et serez tousjours zelé a l'avancement du bien de l'Empire, non seulement en ladicte assemblee, mais encor ou vostre assistance sera necessaire; protestantz, au deffault de ce que la ou lesdictz Estatz et assemblee ne se resouldront a quelque chose de bien, pour la tuition, deffense et soulas de la Christienneté, que ce ne sera a nostre coulpe, ains, comme Nous avons tousjours tesmoigné par tout, nostre syncerité et affection se rendra de plus en plus prompte, comme desja des nostre election Nous vous avons faict paroir en ce que Nous nous sommes portés en ce qui a esté du bien et repos de tout nostre dict Empire, et n'y avons espargné aucun hazard, mesme de nostre vie, comme Nous ne ferons encor par cy appres..

  A016003333 

 Or, puis que pour la conservation de la religion et paix de l'Empire, il est necessaire qu'ilz soient faictz des edictz, loix et ordonnances qui seront inviolablement gardees et observees sellon leur portee, affin que par ce moyen touttes les menees, factions, forces [394] et inquietudes qui se font en icelluy puissent estre empechees et aneanties, et a ces fins vous avons, il y a desja quelque temps, mis le tout en avant; comme aussy plusieurs aultres incommodités, qui desja vous furent proposees a la derniere diette et qui se vont tout le ( sic ) jours de plus accroissantz et augmentantz, Nous offrantz Nous mesme pour touttes les dictes necessités Nous emploier en tout et par tout sellon ce qui sera trouvé expedient et resoulu par tous lesdictz Princes et Estatz en ladicte assemblee.

  A016003341 

 N'ayant rien plus à cœur que le bien de Noz subjectz, et mesmement de la jeunesse d'iceux, Nous avons estimé devoir remettre [395] le soin du College d'Annessi aux Reverendz Peres Bernabites, les bonnes qualitez desquelz Nous promettent d'en veoir le fruict et commodité que Nous avons tousjours desiré à nosdictz subjectz et à la ville mesme.

  A016003384 

 Le progres fera voir de plus en plus que la douceur de la Providence de Dieu sur plusieurs ames se manifeste en nos jours..

  A016003452 

 Si vous jugés que je perde courage, par la presente, vous le jugerés mieux par un'autre ou je vous parle plus sec, quand j'ay veu ne sçavoir ou donner de la teste au commandement du Dataire.

  A016003472 

 L'Infante Duchesse de Mantoue, ma fille, ayant prins en particuliere protection la Congregation de celle devote compaignie de Dames, nouvellement erigee a Nissy a imitation de celles que saint Carlo a establies a Millan, assavoir de vefves et de filles vierges, pour vivre ensemble en perpetuelle chasteté, soubz l'hobeissance d'une Superieure; les jeunes sans sortir jamais, comme es autres Monasteres les plus reformez, et les autres pour secourir les pauvres malades de ce lieu la, ou il ny a qu'un pauvre hospital lequel n'a le moien d'exercer la charité qui seroit necessaire ausditz mallades; sans qu'elles praetendent vivre d'aulmosne, ny d'accroistre jamais leur revenu de plus de mil cinq centz escus d'or l'annee, qu'elles esperent d'avoir ou par voye de rente constituee, ou en aultre [409] façon, sans agraver noz subjectz sur le faict des tailles, et se contentantz de recepvoir les vefves qui sont sans incommodité d'enfans, et les filles qui vouldront entrer en celle Congregation, moyennant seulement une pension annuelle leur vie durant: ce que Nous a esté fort aggreable, pour l'honneur et gloire qu'en doibt resulter a sa divine Majesté et pour le bien et fruict qu'en recevront nos bien amez subjectz.

  A016003483 

 Et pour ce, Nous vous disons de faire promptement ladicte remission, par contract autentique, sans y aporter difficulté ny longueur, moins en attendre de Nous plus particulier commandement, puis que telle est Nostre [410] volonté.

  A016003496 

 Voyant que le College d'Annessy a besoing d'estre restauré pour l'utilité de la jeunesse, bien et commodité de la ville, il Nous a semblé bon de ne pouvoir faire meilleur ( sic ) ny plus convenable election que des Reverends Peres Bernabites, lesquelz nous recognoissons tous les jours plus habilles et capables d'en avoir le soing.

  A016003514 

 Et m'a particulierement dit que sadite Altesse luy est redevable des exactions extraordinaires et logement de gendarmerie faite ( sic ) contre l'ordre des contrats et transactions passez entre eux et ses predecesseurs, plus d'ung million d'or.

  A016003514 

 Leurs Magestez le voulant ayder, il se promettoit quil se mestroit en confiance avec ceux de Berne et de Geneve, ses plus proches voisins, et qu'en ceste occasion luy permettant de lever des troupes, il fut passé, avec sept ou huit mil hommes de pied et quelque cavallerie, en Piedmont, ou estant, si sadite Altesse ne l'eust contenté de son mariage, il s'en fust revenu assisté, comme il se promettoit, [412] et suyvy de ce quil y a de François et Savoyars dans son armee, qui sont en effet les meilleurs hommes qu'elle aye; qu'avec l'ayde de Leurs Magestez, il se seroit fait faire raison, et, en tout cas, ny auroit procedé qu'ainsy quil leur eust pleu.

  A016003516 

 Il m'a librement dit deux choses touchant le voiage de monsieur de Rambolliet, dont je desire vous avertir: l'une est, qu'ayant [413] connoissance de long temps dudit sieur de Rambolliet, il c'est resollu de ne luy communicquer son dessein, parce quil s'assure quil le descouvriroit a S. A., afin de pouvoir avec plus de facilité negotier ce quil aura a faire avec elle; et si c'estoit si bien au retour, il n'en feroit aucune difficulté.

  A016003517 

 Ledit Prince est fort consiensieux, et cela, plus que toute autre chose, est capable de l'esmouvoir; a quoy nous n'oublierons rien pour troubler tous ses desseins..

  A016003550 

 Touchant le jeune homme qu'il vous a pleu reccomander par vos lettres a feu Monsr Bayeus, sa mort cause que vous ne pourrez venir a l'effect d'icelle reccomandation, laquelle mort cause aussy que nous devons advertir de n'envoyer aulcuns nouveaux boursiers pour les Pasques prochaines, pour se trouver le College arriere de quelques cents escus, lesquels devront estre ramborsés a la maison mortuaire dudict Bayus, lequel, par sa bienveulliance envers ceux de vostre nation, a receu et porté plus de charge que le revenu du College ne portoit..

  A016003575 

 A la fin de 1612, la fameuse abbaye du Paraclet ressemblait bien plus à une maison de mondanité qu'à un véritable monastère.

  A016003575 

 Plus de Règle ni de clôture; l'Abbesse y menait grand train et prétendait ne relever que du Pape.

  A016003576 

 «Cette bonne Dame fut tellement touchée de cette lecture et conçut une si haute estime de l'auteur de ce livre, qu'ayant appris qu'il avait érigé une Congrégation en laquelle il avait donné des lois encore plus parfaites, elle fit vœu à Dieu de ne se point donner de cesse et d'employer toutes ses industries pour se faire conduire à Annecy auprès du saint Pasteur et de la nouvelle Congrégation.» Malgré les contradictions qui n'étaient pas pour faire fléchir une volonté tenace, en dépit d'une «petite complexion,» et indécourageable, elle put arriver à Lyon.

  A016003577 

 Séduit, lui aussi, par l'attrait d'une vie plus parfaite, il cherchait la direction du bienheureux Evêque de Genève; il aurait même voulu devenir l'un de ses fils, dans la Congrégation d'hommes dont l'établissement hantait, au commencement de 1613, l'esprit de l'éminent Fondateur.

  A016003578 

 Il fit plus; il résolut d'aller trouver le Saint lui-même entre ses montagnes, et vers le 10 janvier 1613, il frappait à la porte de sa résidence épiscopale..

  A016003585 

 Celui-ci, connaissant «le fond de cette grande ame,» ne se contenta pas d'encourager vivement son dessein, mais «luy ouvrit la pensée... d'oser quelque chose de plus avantageux pour la gloire de Dieu, par la fondation d'un nouveau Monastere» de la Visitation à Lyon même.

  A016003585 

 M me d'Auxerre paraissait la plus ardente à la poursuite de ce projet, mais son désir était sérieusement traversé par la présence de son fils encore jeune, qui avait besoin de sa conduite et de ses conseils.

  A016003585 

 Une fois à Lyon, ces âmes ferventes, pénétrées des beaux exemples qu'elles avaient contemplés chez les dévotes Filles de la sainte Mère de Chantal, n'eurent plus qu'une pensée: celle d'obtenir une place auprès d'elles.

  A016003586 

 La réponse de l'Archevêque, M gr Denis-Simon de Marquemont, dépassa ce qu'on pouvait attendre de sa piété et de ses sympathies bien connues pour les Ordres religieux: il fit plus que d'accorder les permissions demandées, il donna mille écus pour faciliter l'acquisition de la maison.

  A016003587 

 «Ils s'échauffèrent après ces considérations; innover leur paraissant chose aussi facile, et en tout cas plus honorable que d'imiter, ils s'éprirent du dessein d'établir une Congrégation indépendante et toute nouvelle.

  A016003592 

 La Communauté naissante venait de se débander, elle était dans le plus profond désarroi, lorsque M me des Gouffiers, allant au Paraclet pour s'y faire délier de ses vœux, arriva à Lyon à la fin de septembre 1614.

  A016003595 

 Assuré maintenant que les obstacles étaient levés, saint François de Sales n'hésitait plus à s'engager, M. Lourdelot lui-même, qui naguère avait contrecarré si passionnément la sainte œuvre, reconnaissait, avec une très méritoire franchise, l'insuccès de sa tentative, et voici qu'il employait ce qui lui restait de crédit pour favoriser le dessein auquel tout d'abord, avec tant d'éclat, il avait fait échec.

  A016003597 

 Un récit plus circonstancié de la sainte Fondatrice complète les détails de ce fait merveilleux: «Nous avons appris de ma Sœur Colin,... que M. Fijean, à qui feu Monseigneur de Marquemont remit les lettres pour les porter au Roi afin qu'il les signât,» ayant «obtenu de Sa Majesté la permission que l'on demandait, comme il les présenta à mondit seigneur de Marquemont, l'on trouva le nom de Visitation au lieu de Présentation; de quoi Monseigneur l'Archevêque demeura fort surpris, et beaucoup plus, lorsqu'après avoir su dudit sieur Fijean qu'il avait présenté les lettres en la même forme qu'il les lui avait remises, et ne savait point la cause de ce changement, ni qu'il se fût fait, il voulut revoir celles qu'il avait écrites de sa main, et trouva le même mot de Présentation changé en celui de Visitation, sans qu'il apparût changement de caractère ni effaçure.» Alors, «l'on veid,» remarque la Mère de Chaugy, «que Dieu... avoit conduit l'esprit ou la main du secretaire, pour écrire ce qu'il avoit déterminé dans les conseils eternels de sa Providence.».

  A016003600 

 Celle-ci emportait quelque chose de plus précieux encore que les bénédictions affectueuses d'un Saint: elle avait avec elle les Constitutions écrites de la propre main du Fondateur, c'est-à-dire la législation toute céleste qui devait donner l'âme et la vie aux Monastères de l'avenir..


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
  A017000049 

 — Les choses vont d'autant mieux qu'elles sont plus au goût de Dieu et moins à notre gré.

  A017000075 

 » — S'humilier profondément pour voir de plus près le Sauveur « abismé dans le fin fond de l'humilité.

  A017000097 

 — L'ouvrage le plus doux, l'ouvrage le meilleur.

  A017000149 

 « La plus favorable condition » que nous puissions attendre de la mort.

  A017000152 

 — Quelle est la plus rare vertu.

  A017000172 

 La « plus excellente leçon de la doctrine des Saintz.

  A017000269 

 Sur quoy, je ne sceu que dire non plus, car vous ne m'avies rien marqué de particulier des defautz de M. Rosset.

  A017000270 

 Ilz ont deux grandes leçons le jour, ilz ont des compositions a faire, ilz ont des repetitions frequentes: ilz ont, a mon advis, tout ce quil faut, et beaucoup plus que nous n'avions de mon tems.

  A017000272 

 Dieu, a qui nous sommes, nous gardera et fera de plus en plus profiter en son saint amour et au veritable mespris de nous mesme..

  A017000320 

 Quand vous recommanderes cet enfant a la divine Majesté, dites-luy simplement: Seigneur, je vous recommande l'enfant de mes entrailles, mays bien plus l'enfant des entrailles de vostre misericorde, engendré de mon sang, mays reengendré du vostre.

  A017000323 

 Vostre plus fidele et affectionné enfant,.

  A017000331 

 Et moy, ma tres chere Fille, j'ay esté grandement consolé desçavoir de vos nouvelles, puisque mesme elles sont toutes fort bonnes; car, quant a la chere fille, c'est un signe desirable pour sa future pieté que le cors se ressente des affections du cœur et quil en devienne las, car il en print ainsy a Nostre Seigneur mesme et a plusieurs de ses plus grans Saintz.

  A017000332 

 Ce desir qui se presente en l'orayson et cette volonté qui luy vient tous les jours sont aussi des bonnes marques; mays le tems fera voir plus clairement a quoy elle se devra resoudre.

  A017000352 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A017000365 

 Je respons a vos deux lettres, ma tres chere Fille, vous conjurant avant toutes choses de ne plus appeller importunité pour moy la reception de vos lettres, laquelle, en vraye verité, m'est tous-jours extremement aggreable..

  A017000367 

 Et je ne treuve pas mauvais que vous soyes un peu privee de la tressainte Communion, puisque c'est l'advis de vostre confesseur, pour voir si le desir de retourner a la frequentation d'icelle vous fera point un peu prendre plus garde a vostre amendement.

  A017000369 

 Retenes bien vostre esprit en Dieu; lises le plus souvent que vous pourres, mais peu a la fois et avec devotion.

  A017000371 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A017000385 

 J'ay une recente experience de la vanité, ou plustost du dommage que les proces apportent en ces occasions, en une des plus vertueuses dames du Maconnois, qui s'est infiniment mal treuvee d'avoir quitté mon advis pour suivre l'impetuosité de la passion de ses parens.

  A017000408 

 Ce soir je seray aupres de vous et de nos Seurs, marri plus quil ne se peut dire que mon loysir s'en aille ainsy..

  A017000410 

 Je m'en vay faire un sermon d'amour, le plus ardemment que je pourray..

  A017000441 

 Le Frere N. vint a moy au plus fort de son affliction, et puis dire qu'il estoit plus mort que vif, tant sa desolation estoit extreme; et je me resouvins de Celuy qui linum fumigans non extinguit, et quod confractum est non conterit.

  A017000442 

 Despuis, je fis encor plus volontier ce que je voulois faire en charité autour de cette ame.

  A017000442 

 Et sur vostre advertissement, je tiendray encor plus fortement la main sur luy pour cela, tandis qu'il demeurera dans mon diocese, ne desirant rien tant que de donner satisfaction aux Religieux, et particulierement a ceux de vostre condition..

  A017000454 

 Or, je cultiveray la faveur que ce grand Prelat me fait, le plus soigneusement qu'il me sera possible..

  A017000455 

 Je vous escriray un petit billet a part affin qu'elle le voye, ayant bien du desir qu'elle sache que je la cheris et estime, pour la plus grande gloire de Dieu..

  A017000455 

 Si elle vient icy l'annee prochaine, comme elle en a fait le dessein, alhors nous aurons plus de moyens de la bien consoler.

  A017000457 

 Elle se confessa derechef a moy, pour sa consolation et non par necessité, car elle avoit receu le jour precedent tous ses Sacremens, et mesme l'Extreme Onction, et fit la plus absolue indifference que j'aye jamais veuë; car ses domestiques et voysins la pressant de faire des vœux pour guerir, jamais elle ne voulut, mays dit que ce que Dieu feroit luy seroit le plus aggreable et qu'elle ne voudroit pas, par le moindre desir dû monde, demander a Dieu ni la vie ni la mort, luy laissant sans reserve sa vie entre ses mains, pour en faire a son gré; et ce qu'il [23] luy plairoit seroit aussi ce qu'elle vouloit.

  A017000472 

 Nous y avons perdu plusieurs braves gentilz-hommes savoyards, car nostre nation a esté la plus employee et s'est grandement signalee en cette occasion; de sorte que nous avons force vefves et orphelins, desquelz les vœux rendront la paix durable..

  A017000473 

 Je prie la divine Bonté qu'elle vous comble de ses plus cheres faveurs, et suis immortellement,.

  A017000489 

 Et je l'ay encor plus souvent reprimandé; en quoy il m'a extremement obligé, par le sentiment qu'il a tesmoigné d'estre marry de me desplaire, si que, en fin, pour l'amour de moy, il commence fort a se bien ranger; et par ce moyen, il tireroit encor mon cœur a soy, s'il ne luy estoit des-ja tout acquis.

  A017000490 

 Car en fin, cet enfant est vostre unique, et certes, grandement aymable; neanmoins, le voyla en ses annees perilleuses, que la nourriture de page rend encor plus dangereuses.

  A017000490 

 S'il persevere, nous aurons occasion de nous en contenter; s'il ne le fait pas, il faudra user de l'un de ces deux remèdes: ou bien le retirer dans un college un peu plus fermé que celuy ci, ou bien luy donner un maistre particulier, qui soit homme et auquel il rende obeissance.

  A017000493 

 Playse a sa divine Majesté qu'elle dure, et qu'elle donne ouverture a quelque bonne intelligence et alliance pour le Prince de Piemont, qui est le plus sage, le plus courageux et le plus devot prince qui ayt esté il y a long tems..

  A017000510 

 Vostre plus humble tres affectionné compere et serviteur,.

  A017000539 

 Je desirerois neanmoins quil en eut sans prejudice de ma parole, et ne doutant point que les sieurs Gay et Choudens ne s'accommodent volontier a mon intention, je vous prie de faire avec eux quilz associent ce personnage [32] qui, pour l'appuy quil aura de monsieur de Siccard et de monsieur de la Faye, pourra beaucoup pour rendre la ferme plus utile.

  A017000540 

 Et ne sert a rien de m'alleguer des exemples, car les Evesques qui les permettent peuvent avoir plus d'authorité que je n'ay pas; et comm'ilz ont, je m'asseure bien, dequoy respondre de leurs actions, aussi respondray-je, comme j'espere, des miennes.

  A017000543 

 Vostre plus humble confrere,.

  A017000558 

 [Il m'est [36] avis que] ce seroit un bon expedient, que la Mere Elisabeth venant icy, amenast avec soy deux des plus capables de Tholouze et autres deux de Billon, qui, en quatre ou cinq moys, pourroyent estre suffisamment façonnëes pour retourner vers les autres et les mettre en train, avec l'assistence des lettres et des visites de monsieur l'Aumosnier ou de quelqu'autre avec lequel nous confererions; car en somme, je ne voy rien en cette ville que ma Seur de la Roche, pour le present, laquelle ne seroit encor peut estre pas bonne toute seule..

  A017000559 

 Mays quoy? cela n'est que deux ou trois au plus..

  A017000560 

 Et se faut bien garder de [vouloir s'établir] en aucun diocaese que l'Evesque n'ayt [donné telle] resolution quil ny ait plus rien a dire de son costé; car, si sur les....

  A017000569 

 Je ne l'ay encor veu qu'une seule petite fois en commun, car, comme vous sçaves, je ne fay pas ce que je veux a voir mes filles, ni mesme, ce qui importe le plus, a voir ma Mere..

  A017000596 

 Je ne sçai rien de cette coustume, et nostre Mere, [42] ou je suis le plus trompé du monde, n'a pas eu intention en cela de se lier a faire ainsy toutes les annees, comme peut estre ell'a fait deux ou trois fois au plus.

  A017000596 

 On peut le dire a M. Michel qui, comme je pense, est capable de cela et de chose plus grande que cela.

  A017000609 

 Si faut il que je vous salüe le plus souvent que je pourray.

  A017000624 

 Vostre Altesse, Monseigneur, a pour le partage de la splendeur hereditaire et tous-jours croissante de sa serenissime origine, la gloire des œuvres de sa douce et immortelle pieté; et pour cela, comme elle est l'un des fleurons de la couronne de Monseigneur son pere, elle est aussi l'une des plus pretieuses colomnes du temple de Dieu le Pere eternel: dont, pour l'une et l'autre qualité, je prens la confiance d'implorer la bonté de Vostre Altesse en toutes les occurrences qui regardent les affaires de la sainte religion catholique, entre lesquelz celuy de l'amplification de ces bons Peres Barnabites et le restablissement du service divin en tous les Monasteres de deça estant l'un des plus importans, je le [47] recommande tres humblement au zele de Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement reverence, ne cessant point de luy souhaiter le comble des faveurs celestes, et demeure, Monseigneur,.

  A017000634 

 Le moindre memorial qu'on en jettast sur la table le forclorroit du concours, et si on n'en jette point et quil fut jugé le plus sortable pour avoir la cure, on ne le peut nullement recevoir a l'institution.

  A017000634 

 Tout le mal donq en ce cas-la consistera en la clabauderie, en laquelle il faut demeurer grave et tranquille, ne repliquant rien, sinon: La plus part des voix est suivie.

  A017000635 

 C'est pourquoy, je dis en fin, que si cette cure lâ peut estre delivree au jour de l'assignation, j'en seray bien ayse et le desire fort; que si les difficultés semblent ne pouvoir estre surmontees, on pourra differer jusques a mon retour, qui sera le plus tost que je pourray.

  A017000637 

 Or, je dis ceci seulement par maniere de proposition, m'estant advis que la charité oblige ces messieurs de gratifier, es occurrences, les plus pauvres d'entr'eux et ceux qui y ont des-ja esté asses d'annees.

  A017000639 

 Ne soyes nullement en peine pour moy, car il ny [a] nul danger en tout le Chablaix, car encor qu'a Lully soit morte de peste une fille sortie de Geneve et que sa mere en soit atteinte, si est ce qu'ell' a esté resserree [51] si a propos, que cela ne peut aller plus avant, non plus qu'un autre pareil accident arrivé avanthier aupres de Coudree.

  A017000640 

 Je vous prie, a la premiere commodité, d'escrire fermement a madame de Chantal qu'elle ne se mette nullement en peine pour tous ces bruitz, beaucoup plus grans que le mal, ni pour moy, qui suis bien sage et me garderay fort bien de peril, Dieu aydant..

  A017000674 

 Et ayant pensé, despuys que j'ay sceu plus particulierement quil estoit en estat de nous quitter bien tost, qui je pourrois rendre successeur en sa charge, en fin, apres plusieurs considerations, j'ay resolu de vous y appeller.

  A017000674 

 Et ce seul motif vous suffira pour l'accepter, et a tout le monde pour l'appreuver: que de cette charge depend une grande partie du bien de ce diocsese et de mon honneur, dont nostre proximité vous pressera d'avoir plus de soin et de jalousie que nul autre n'en sçauroit prendre.

  A017000675 

 Cependant, faites pour moy comme si des-ja vous esties establi, et sera bon de mettre la cure de Boussi au concours au plus tost.

  A017000677 

 Vostre plus humble frere et confrere,.

  A017000688 

 Je prevoy seulement qu'il nous faudra attendre que ces soupçons de contagion cessent, pour faire faire plus fructueusement la queste; ce pendant je feray faire les patentes requises..

  A017000688 

 Ne penses jamais, ma très chere Seur, que je puisse oublier vostre personne, ni les nécessités temporelles de vostre Monastere, que j'ay treuvees, certes, encor plus [56] grandes qu'on ne m'avoit dit.

  A017000689 

 Au reste, mon cœur amoureux de la sainteté de vostre assemblee, quoy que je ne l'aye veuë qu'en passant, et plustost entreveuë que veuë, ne me permet pas de partir sans vous exhorter en Nostre Seigneur de poursuivre constamment l'execution de la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, de perfectionner de plus en plus cette vertueuse compaignie par une pure et simple privation de toute proprieté, par les exercices de la sainte orayson mentale et par une fervente frequentation des divins Sacremens..

  A017000697 

 Et en somme, cet inconvenient n'est pas comparable a mille et mille pertes d'ames que la sujettion de ne se confesser jamais qu'a un seul peut apporter, comme l'experience le fait connoistre; et en somme, c'est une presomption insupportable a qui que ce soit, de penser mieux entendre les necessités spirituelles des fideles et de s'imaginer d'estre plus sage que le Concile.

  A017000698 

 Et je vous diray comme on les fait entre les filles de la Mere Therese, qui sont, a mon advis, les plus retirees de toutes.

  A017000700 

 Or, ces communications ne se doivent pas faire pour apprendre de diverses manieres de vivre en un monastere, mais pour apprendre a mieux et plus parfaitement [61] prattiquer celle a laquelle on est obligé; et si, elles n'empeschent point les conferences publiques, ains elles servent pour les mieux digerer et appliquer une chacune en son particulier..

  A017000702 

 J'ay esté bien long, ma tres chere Seur, mais j'ay voulu en ceci vous bien declarer mon sentiment, affin que vous le sceussiés plus distinctement.

  A017000718 

 Il y [a] six ou sept ans que jereceu au giron de la sainte Eglise le sieur de Corsier, lequel despuis a tant rendu de tesmoignages de vraye pieté, que tous ceux parmi lesquelz il a conversé en ont esté grandement edifiés, dautant plus qu'en gaignant l'honnorable tiltre d'enfant de l'Eglise, il a perdu tout le secours qu'il pouvoit prætendre en son païs, et estant demeuré extremement pauvre, il a vescu riche de vertus.

  A017000719 

 Je supplie donq tres humblement Vostre Altesse de luy estre propice et de me conserver la grace de sa bienveuillance, comme a l'homme du monde qui, avec le plus de fidelité et sincerité, vivra tous-jours,.

  A017000765 

 C'est le seul sujet que j'ay maintenant, car pour le reste, a mesme que, graces a Dieu, nous sommes sans guerre, nous nous treuvons aussi sans nouvelles, hormis de nostre miserable [66] Geneve que la contagion afflige cruellement, sans qu'a 30 lieues a la ronde il y en ait aucun ressentiment; qui fait plus probable ce que plusieurs disent, qu'elle leur est venue par la puanteur de la foudre qui y tumba prodigieusement cet esté.

  A017000794 

 Madame de Chantal sera icy dans trois semaines pour le plus tard, et, comme je pense, la chere niece, ma fille, aussi; car M me de Charmoysi, qui vous la doit ramener, fait estat de venir pour la Toussaintz.

  A017000806 

 Je vous diray seulement, qu'a mon advis, nostre Seur Jeanne Charlotte est maintenant toute hors de danger, bien qu'ell'ayt encor son flux, car c'est avec tant de diminution de fievre, quil ny paroist presque plus, et si, elle commence fort a manger.

  A017000845 

 Vostre plus humble, tres affectionné confrere,.

  A017000861 

 [75] Nostre Mere viendra demain, ou tout au plus tard passé demain, si rien n'est survenu despuis Dimanche qui la puisse empescher.

  A017000862 

 Dieu vous benisse de ses plus cheres graces, ma tres chere Fille, et je suis en luy, tout parfaitement vostre.

  A017000875 

 L'honnorable reputation que j'ay d'estre tres particulierement vostre serviteur, a fait passer ce jeune homme [76] de Moustier icy, pour avoir de mes lettres a vous porter, affin quil puisse plus favorablement vous faire la reverence et vivre en vostre Université, ou il espere faire emplette de la science de medecine sous le bonheur de vostre protection.

  A017000893 

 Croyes que si j'eusse eu ma liberté, je vous eusse envoyé vostre soupper plus tost; mais en somme, il ny a moyen [78] d'estre maistre de soymesme en ce monde.

  A017000904 

 Il faut bien que les filles de Dieu ayent un courage encor plus grand que cela, pour former en sainteté et pureté de vie des enfans a sa divine Majesté..

  A017000905 

 Certes, pour moy, je suis en verité si parfaitement vostre, qu'a mesure que ces deux ou troys journees de distance semblent nous separer corporellement, de plus fort et avec plus d'affection je me joins spirituellement a vous, comme a ma Fille tres chere.

  A017000906 

 Vous aves ci devant franchi plusieurs passages, et ç'a esté par la grace de Dieu; la mesme grace vous sera presente en toutes les occasions suivantes, et vous delivrera des difficultés et mauvais chemins l'un apres l'autre, quand il devroit envoyer un Ange pour vous porter es pas plus dangereux..

  A017000934 

 Sur la recommandation qu'il a pleu a Vostre Altesse de me faire en faveur du sieur du Chatelard, qui me [83] tient lieu de commandement, j'eusse grandement desiré de le pouvoir prouvoir du benefice qu'il praetendoit; mays d'un costé, il n'estoit pas en moy d'en disposer, puisque le Chapitre de mon eglise en avoit la nomination, et d'autre part, tant ledit Chapitre que moy, ne pouvons en sorte quelcomque nous departir des ordonnances du Concile de Trente, que nous avons juré d'observer; et elles ne nous permetent pas de distribuer les benefices curés que par le concours au plus capable, et faysans le contraire, nous nous exposerions a la disgrace de Nostre Seigneur et a la damnation.

  A017000936 

 Cependant, suppliant a jamais Dieu quii benisse de ses plus grandes benedictions vostre personne et vostre coronne,.

  A017000953 

 Nostre paix est fort entiere maintenant, graces a Dieu, que je supplie la nous vouloir conserver, et vous combler de toutes les faveurs celestes quil depart a ses plus grans serviteurs, tandis que sans fin je suis et seray inviolablement,.

  A017000974 

 Vostre plus humble, tres fidele filz et serviteur,.

  A017000992 

 Et parce que je suis plus ancien en Ordre que luy, il m'escrivit des lhors qu'il me viendroit voir, pour se prevaloir de ce que l'experience m'auroit peu acquerir en nostre profession; avec plusieurs telles paroles, excessives en humilité et modestie..

  A017000998 

 Je me prometz de la faveur de Vostre Excellence que Son Altesse demeurera parfaitement satisfaitte, et que rien ne se sçaura de cet ombrage, qui affligeroit le bon Monseigneur de Lion beaucoup plus qu'il ne m'afflige pas moy, qui, par la suitte du tems et les evenemens, seray tous-jours reconneu tres asseuré et tres fidele serviteur de Son Altesse, a laquelle je souhaitte toute sainte prosperité.

  A017001008 

 Bon soir donq mille et mille fois, ma tres chere, tres bonne et tres honnoree Mere, vrayement mienne, c'est a dire tous les jours plus, graces au Sauveur qui vous benisse icy et la.

  A017001008 

 Je m'essayeray de gaigner demain le tems de vous voir avec le plus de loysir quil me sera possible, pour la confession annuelle.

  A017001028 

 Dieu benisse eternellement vostre cœur, ma tres chere Fille, que le mien cherit plus qu'il ne se peut dire.

  A017001028 

 Mays je serois bien ayse de le sçavoir de vous mesme, pour, par apres, en oster plus hardiment la compassion de ceux qui vous plaignent extremement sur ce sujet et en tirent des consequences a leur gré.

  A017001029 

 Au reste, il me faut appeller vostre Pere, et sans ceremonie; je le suis de tout mon cœur, et vous cheris plus, comme je croy, que les peres naturelz n'ont accoustumé de cherir leurs filles.

  A017001048 

 Et moy, monsieur mon tres cher Frere, je vay en esprit vous embrasser a ce retour, et vous offrir ce cœur que [95] j'ay pour vous, tous-jours plus plein de toutes les affections plus sinceres qu'un frere peut avoir pour un frere extremement aymé et presqu'autant aymé comm'aymable.

  A017001050 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A017001063 

 L'odeur de la Mayson de Lion a operé cela, ainsy que vous sçaures plus amplement a nostre premiere veue..

  A017001076 

 Je suis consolé plus quil ne se peut dire de voir que vous cherisses ardemment vostre vocation; cela seul vous peut sanctifier, et rien sans cela.

  A017001077 

 Les liz qui croissent entre les espines en sont plus blancz, et les roses aupres des aux sont plus odorantes et deviennent musquees.

  A017001078 

 Je veux bien que vous porties une fois la semaine la haire, sinon que vous connoissies que cela vous rendit trop paresseuse es autres exercices plus importans, comm'il arrive quelquefois..

  A017001082 

 J'appreuve que vous continuies d'appeller nostre Mere, Mere, puisque c'est vostre consolation, et que vous m'appellies Pere, puisque j'ay pour vous un cœur extraordinairement plus que paternel.

  A017001114 

 Je vous asseure que ceux qui fantasient et philosophent de si pres de mes actions et sur mes actions se font plus de tort qu'a moy, car ilz ne peuvent blesser mon innocence et ilz se chargent d'une noire malice.

  A017001143 

 J'escris a Son Altesse la lettre ci jointe, et pour luy donner une plus seure addresse, je vous supplie tres humblement de la luy remettre, bien que je n'aye pas lhonneur d'estre conneu de vous, a qui neanmoins je suis de tout mon cœur,.

  A017001145 

 Plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A017001158 

 Mais puysque les differens sont sousmis a des si bons arbitres et superarbitres, je m'en rapporte a ce qu'ilz en diront, sachant qu'ilz sont asses clairvoyans pour discerner de cela et de chose plus difficile, et pour conduire ces deux espritz a une paysible concorde que je prie Dieu leur vouloir donner.

  A017001159 

 Et puisqu'elle ne peut pas aller a La Thuille, pour peu qu'elle nous en donne la commodité, nous ferons venir une partie de La Thuille icy; et je dis une partie, par ce que le petit enfant, qui est le plus beau garçon du monde, n'a garde de vouloir venir en ce tems..

  A017001162 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A017001201 

 Je vous prometz qu'en cette Messe de la minuit, en laquelle il me semblera voir une cresche sur l'autel et le divin Poupon faysant ses doux yeux pleins de larmes plus pretieuses que des perles, je l'offriray a Dieu son Pere avec le congé de sa Mere, et le demanderay pour vous, affin qu'il soit a jamais le cœur de vostre cœur et l'unique Espoux de vostre ame.

  A017001211 

 La tentation de rire en l'eglise et a l'Office est mauvaise, quoy qu'elle ne semble que folastre et badine, car, apres la charité, la vertu de la religion est la plus excellente; car, comme la charité rend a Nostre Seigneur l'amour qui luy est deu selon nostre pouvoir, aussi la religion luy rend l'honneur et la reverence requise, et partant, les fautes qui se commettent contre elle sont grandement mauvaises.

  A017001212 

 Celles qui s'humilieront plus profondement le verront de plus pres; car il y est tout abismé dans le fin fond de l'humilité, mais humilité courageuse, confiante et constante..

  A017001223 

 Je croy que vous ne tarderes pas a les rendre satisfaitz, et je passeray plus outre et vous contenteray..

  A017001237 

 En ce billet, je confirme le don que je vous ay fait, Monsieur mon Frere, de mes plus sinceres affections [120] dediees a vostre honneur et service.

  A017001238 

 Vostre plus humble tres affectionné frere et serviteur,.

  A017001268 

 Je vous envoie un aspersoir pour donner l'eau bénite, votre bienveillance à mon égard l'aura pour agréable; j'eusse cependant souhaité vous offrir un objet plus digne de vos mérites, et qui témoignât mieux de ma vénération profonde et cordiale pour Votre Paternité Illustrissime.

  A017001282 

 Je luy dis que vous avies mesuré les affaires de vos enfans il y a long tems, et que de plus en plus vous treuvies quil ny avoit pas moyen de faire autrement.

  A017001383 

 Je ne vous puis dire autre chose sur ce que vous m'escrives, sinon que Dieu fera plus que les hommes ne peuvent penser pour cette Congregation, et spirituellement et temporellement; et n'en avons nous pas d'asses bons gages jusqu'a present?.

  A017001395 

 Dieu en soit loué, a la gloire duquel je m'asseure qu'elle destinera encor plus ardemment le reste de sa vie..

  A017001396 

 Je me res-jouis aussi beaucoup de ce que vous me dites de la chere niece, car tout en est bon, et croy bien que M me du Chastelard aura plus de peyne de s'eschapper.

  A017001399 

 Vostre plus humble, tout affectionné serviteur et compere,.

  A017001422 

 Que dires vous, ma tres chere Fille, voyant si peu de lignes de ma part, apres en avoir si souvent receu de la [137] vostre beaucoup plus? Or, dites, et ce sera la verité, dites quil faut bien que le pauvre Pere ne puisse pas mieux faire; car il ayme si fort sa toute chere fille, que sil pouvoit, il ne se contenteroit pas de l'entretenir si peu..

  A017001425 

 Et non seulement ma volonté, mais mon jugement a esté bien ayse de se sousmettre et rendre l'homage quil doit a celuy de ce digne Prælat; car, ma Fille, que prætens-je en tout ceci, sinon que Dieu soit glorifié et que son saint amour soit respandu plus abondamment dans le cœur de ces ames qui sont si heureuses que de se dedier toutes a Dieu? Les Congregations et les Religions [139] ne sont point differentes devant la divine Majesté, car, selon icelle, les vœux des unes sont aussi fortz que ceux des autres; et le tiltre de Congregation n'estant pas si specieux ni honnoré, m'en playsoit davantage.

  A017001425 

 L'importance est, ma tres chere Fille (et je vous le dis de tout mon cœur qui vous parle en simplicité et totale confiance, car en somme vous estes certes ma fille de mon cœur plus que vous ne sçauries penser, ni moy dire), l'importance est que j'ay fait cet acquiescement avec une douceur et tranquillité, ains avec une suavité nompareille.

  A017001425 

 La Regie de saint Augustin est beaucoup plus douce que les nostres, soit pour la clausure, soit pour tout le reste; de sorte que, gardans nos Regles, nous ferons plus que saint Augustin n'ordonne, et le tiltre de la Regie saint Augustin honnorera nos Regles sans y rien adjouster..

  A017001462 

 Apres nostre madame de Chantal, je ne sçai si j'ay fait rencontre d'une ame plus forte en un cors feminin, d'un esprit plus raysonnable et d'une humilité plus sincere..

  A017001475 

 Les sentimens de l'absence du defunct ne peuvent pas si tost passer; il suffit que, en la pointe de l'esprit, nous soyons bien resignés au bon playsir de Dieu, et que nous taschions de nous unir de plus en plus parfaitement au second Espoux.

  A017001493 

 Je considere les caprices des hommes sur le sujet du bon M. de Valence: nous l'escoutons icy de tres bon cœur, et moy, qui ay plus estudié en theologie que tous ceux de Rumilly ensemble, je treuve qu'en verité il presche bien et utilement; on seroit bien ayse en des plus grandes villes de l'avoir.

  A017001510 

 Vostre plus humble, tres affectionné cousin et serviteur,.

  A017001528 

 Que si elle pouvoit estre utile a establir plusieurs autres Congregations de bonnes servantes de Dieu sans jamais s'establir elle mesme, elle n'en seroit que tant plus aggreable a Dieu, car elle seroit moins sujette a l'amour propre..

  A017001530 

 Croyesmoy, ma chere Fille, j'ayme parfaitement nostre pauvre petite Congregation, mays sans anxieté, sans [150] laquelle l'amour n'a pas accoustumé de vivre, pour l'ordinaire; mays le mien, qui n'est pas ordinaire, vit, je vous asseure, tout a fait sans cela, et avec une tres particuliere confiance que j'ay en la grace de Nostre Seigneur, que sa main souveraine fera plus pour ce petit et humble Institut que les hommes ne peuvent penser.

  A017001530 

 Et je suis, plus que vous ne sçauries croire, vostre..

  A017001538 

 Travailles fidelement, ma tres chere Fille, avec la pointe superieure de vostre volonté, parmi ces tenebres et secheresses; une once de l'ouvrage fait en cette sorte vaut mieux que cent livres de celuy qu'on fait entre les consolations et sentimens, et bien que celuy ci soit plus doux, l'autre neanmoins est meilleur..

  A017001554 

 Au reste, il vous rendra tesmoignage de la santé de madame ma cousine et de tout ce que vous aves de plus cher de deça..

  A017001557 

 Vostre plus humble, tres affectionné parent et serviteur,.

  A017001570 

 Il y a deux ans que par commandement de Vostre Altesse les Peres Barnabites ont esté receus en cette ville pour la direction du college, et ne se peut dire combien de fruit spirituel ilz y ont fait et en toute cette province; qui a donné un grand sujet aux gens de [153] bien de souhaiter plus ardemment toute sorte de prosperité a Vostre Altesse, de laquelle l'authorité nous avoit prouveus de ce bonheur..

  A017001572 

 Et, ce qui est plus considerable, comme ces prieurés seroyent utiles a l'entretenement de ces Peres, ces Peres seroyent reciproquement extremement utiles a l'entretenement des prieurés, qui, comme la pluspart des benefices reguliers de ce païs, s'en vont en ruines quant aux choses temporelles devant les hommes, et quant aux services spirituelz devant Dieu, qui sans doute en est grandement offencé: Et non est qui recogitet corde..

  A017001572 

 Or, les moyens de leur accommodement seront fort aysés, pour peu quil playse a Vostre Altesse d'affectionner cette sainte œuvre; car nous avons icy deux prieurés ruraux, dont le plus grand n'excede pas la valeur de cent ducatz annuelz, par l'union desquelz ce college seroit fort soulagé.

  A017001603 

 Je vous donnerai néanmoins une agréable nouvelle, Monseigneur: dans ces pays et par toute la France, la [157] gloire et le culte de ce bienheureux Saint s'accroissent et s'étendent merveilleusement, et sa parfaite sainteté est toujours plus admirée et estimée..

  A017001605 

 Si j'avais plus de connaissance et d'usage de la langue italienne et si je ne craignais de me rendre importun à Votre Illustrissime Seigneurie, je m'étendrais sur d'autres particularités; mais il est bien raisonnable que je demeure dans les termes du respect dû à sa très haute dignité.

  A017001616 

 En terre, il faut tous-jours combattre entre la crainte et l'esperance, a la charge que l'esperance soit tous-jours plus forte, en consideration de la toute puissance de Celuy qui nous secourt..

  A017001641 

 J'ay consulté vostre affaire, et ay treuvé que le conseil de monsieur vostre neveu est extremement bon et quil le faut suivre, sinon que vous fussies fort asseuree quil n'y eut es biens de feu monsieur vostre mari que ce quil faut pour vos droitz, auquel cas il seroit plus court de les retenir pour iceux droitz et ne point faire heriter les enfans.

  A017001659 

 Ne pensés pas, je vous prie, ma tres chere Niece, ma Fille, que ç'ayt esté faute de souvenance ou d'affection si j'ay tant tardé a vous escrire; car, a la verité, le bon desir que j'ay veu en vostre ame de vouloir servir fort fidellement Dieu, en a fait naistre un extreme dans la mienne de vous assister et ayder de tout mon pouvoir, laissant a part le devoir que je vous ay d'ailleurs et l'inclination que j'ay tous-jours eu pour vostre cœur, a cause de la bonne opinion que j'en ay des vostre plus tendre jeunesse..

  A017001660 

 Or sus donq, ma chere Niece, il faut donq bien soigneusement cultiver ce cœur bienaymé et ne rien espargner de ce qui peut estre utile a son bonheur; et quoy que en toute sayson cela se puisse faire, si est-ce que celle ci en laquelle vous estes est la plus propre.

  A017001662 

 Confessés vous de quinze en quinze jours pour recevoir le divin Sacrement de la Communion, et n'alles jamais ni a l'un ni a l'autre de ces celestes misteres qu'avec une nouvelle et tres profonde resolution de vous amender de plus en plus de vos imperfections, et de vivre avec une pureté et perfection de cœur tous-jours plus grande.

  A017001672 

 Vostre plus humble oncle et serviteur,.

  A017001682 

 Quant a la façon avec laquelle vous vous deves comporter en l'administration des biens delaissés par feu monsieur vostre mari (que Dieu absolve), monsieur de Charmoysi m'a dit que vous en avies pris toutes les resolutions convenables, et que vous feries un inventaire non solemnel pour plus grand esclarcissement de vos droitz, affin qu'a l'advenir rien ne vous fut imputé.

  A017001715 

 Nul, comme je pense, ne sçauroit desirer la perfection de ce saint project avec plus d'affection que moy, qui prevoy que tout ce peuple de deça en recevra une extreme consolation et un grand accroissement de devotion, mays specialement a Thonon, lieu de la naissance de ce saint Prince, ou l'annee passee, lhors des premieres apprehensions de la peste de Geneve, je remarquay un mouvement universel de confiance es intercessions de ce bienheureux ami de Dieu, lors que je leur representay le juste sujet qu'ilz en avoyent, pour lhonneur que leur air avoit eu d'avoir servi a la premiere respiration de ce grand Prince..

  A017001790 

 Despuis, j'apprens que le prieuré de Contamine est tres propre et sera tres utile a plusieurs choses; c'est pourquoy, plus tost que de le laisser eschapper, il seroit bon de tenter M. le Comte de Verrue, d'une petite pension jusques a cent pistoles..

  A017001792 

 Vostre plus humble, tres affectionné.

  A017001810 

 C'est pourquoy, contribuant mes vœux a ceux de ce bon peuple, je vous supplie, et les Peres de la Province, de vouloir accepter les bonnes volontés presentes et d'en moyenner les effectz par les voyes convenables, affin qu'au plus tost on voye reuscir ce projet, plus desiré qu'il ne se peut dire et, comme je pense, grandement desirable.

  A017001811 

 Vostre plus humble, tres affectionné confrere et serviteur,.

  A017001853 

 J'ay receu la lettre de Son Altesse, par laquelle elle tesmoigne d'aggreer que je face les sermons du Caresme venant a Grenoble, et ay veu par celle qu'il vous a pleu m'escrire, le soin que vous aves eü de lire ce que j'escrivois a sadite Altesse sur le sujet de la venue de Monseigneur l'Archevesque de Lyon en cette ville; dont je vous rens graces, Monsieur, d'autant plus affectionnement et humblement, que ces bons offices n'ont origine que de vostre bonté et courtoysie, laquelle je vous supplie de vouloir exercer en toutes telles occasions qui m'arrivent plus souvent que je ne desirerois pas, plusieurs Praelatz de France me faysant l'honneur de m'aymer et de me vouloir visiter, encor qu'ilz ne me connoissent pas, ains peut estre par ce qu'ilz ne me connoissent pas..

  A017001854 

 Et en verité, onques il ne m'est advenu d'avoir esté seulement essayé par homme qui vive, ni qui ayt esté, de ce costé lâ; qui me rend d'autant plus estonné quand on me dit que les visites de ces seigneurs ecclesiastiques sont considerees comme suspectes, ne pouvant seulement deviner ni pourquoy ni en quoy, puisque mesme je suis en toutes façons savoyard, et de naissance et d'obligation, qui n'ay, ni n'eu jamais, ni pas un des [186] miens, ni office, ni benefice, ni chose quelcomque hors de cet Estat, et qui ay vescu tellement lié aux exercices ecclesiastiques, qu'on ne m'a jamais treuvé hors de ce train, et qui suis meshuy tantost envielly dans la naturelle et inviolable fidelité que j'ay voüee et juree a Son Altesse..

  A017001855 

 Or, Monsieur, je vous donne la peine de lire tout ceci, affin que sil vous plait de me favoriser en ces occurrences, vous sachiés ces generalités de mes conditions, qui sont fondaments, comme je croy, bien solides pour bastir sur iceux les defenses dont j'auray besoin si ce malheur continue, qui m'a des-ja si souvent fasché, tous-jours sans ma coulpe, graces a Dieu, ainsy que le tems a fait voir, qui, de plus en plus, descouvrira l'invariable ingenuité et franchise que j'ay en mon devoir de sujettion naturelle envers la coronne sous laquelle je suis nay et nourri..

  A017001871 

 Vostre Grandeur jugera bien que je voudrois avoir un plus aggreable sujet d'implorer sa bonté; mays puisque celluy ci me presse, je ne laisse pas de me confier en elle que je ne seray pas esconduit, selon lhonneur que j'ay d'estre avoué,.

  A017001888 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A017001899 

 Au demeurant, ma tres chere Mere, demeurés avec la paix et consolation de Nostre Seigneur; et moyennant sa grace, dans huit jours au fin plus tard je seray icy, d'ou pourtant je ne penseray jamais sortir tandis que Dieu m'y tiendra en moy mesme.

  A017001899 

 Vous mesme, ma tres chere Mere, sçavés bien que la sainte unité que Dieu a faite est forte plus que toute separation, et que les distances des lieux n'ont point de pouvoir sur elle.

  A017001911 

 Mays quand en particulier il se presente quelque occasion de profiter, et en lieu d'en venir a l'effect on en demeure au desir, comme par exemple: il se presente occasion de pardonner une injure, de renoncer a la propre volonté en quelque particulier sujet, et en lieu de faire ce pardon ou renoncement, je dis seulement: Je voudrois bien pardonner, mais je ne sçaurois; je voudrois bien renoncer, mais il ny a moyen; qui ne void que ce desir est un amusement, ains quil me rend plus coulpable d'avoir une si forte inclination au bien et ne la vouloir pas effectuer? Et ces desirs ainsy faitz semblent estre de la premiere sorte, et sont de la seconde..

  A017001913 

 Car, ma tres chere Fille, de vouloir pour ces sales representations quiter la meditation de la Mort et Vie de Nostre Seigneur, ce seroit faire le jeu de l'ennemi, qui tasche par ce moyen de nous priver de nostre plus grand bonheur.

  A017001936 

 M. de Charmoysi est d'advis que vous venies faire vostre sejour en cette ville, et dit quil vous le signifia lhors quil vous vit, tant pour estre plus pres du filz, que pour avoir meilleur et plus promt advis es occurrences de vos affaires.

  A017001951 

 Il faut tenir bon en la douceur et cordiale civilité envers ceux qui demandent, et Dieu vous assistera et fera que vos affaires se demesleront honnestement et plus tost que vous ne sçaures esperer.

  A017001952 

 Vivés tous-jours toute a Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et me tenes pour tout vostre en luy, car je le suis plus que vous ne sçauries dire.

  A017002003 

 J'envoie à Votre Seigneurie le Mémoire touchant le mode qui me semble plus convenable pour obtenir la conversion des hérétiques; toutefois, comme il présuppose de toute façon que les princes jouissent [198] de la paix, ce n'est pas le moment de le proposer: aussi, je vous demande que jamais personne ne sache que ce Mémoire est venu de moi.

  A017002005 

 Or, Sa Sainteté a accordé à ces Dames et Sœurs certaines Indulgences, que je n'ai cependant pas voulu faire publier, parce qu'il [200] m'a semblé qu'elles avaient été concédées comme si cette Congrégation eût été une Association, Confrérie ou Compagnie de femmes vivant chacune dans sa maison; ce qui n'est pas, car elles demeurent au contraire toutes ensemble, avec une observance religieuse telle, qu'on ne saurait, même par la pensée, imaginer une fidélité plus pure et parfaite en chasteté, obéissance et pauvreté qui réduit tout en commun.

  A017002010 

 Cependant, je ne vois pas qu'il y ait une cause légitime pour soulever ces difficultés; car, puisqu'on accorde si libéralement des Indulgences aux Associations pieuses, à plus forte raison devra-t-on les concéder à une Congrégation d'une si grande perfection..

  A017002024 

 Mays, que sont ces vertus de l'esprit, ma chere Fille? C'est la foy, qui nous monstre des verités toutes relevees au dessus des sens; l'esperance, qui nous fait aspirer a des biens invisibles; la charité, qui nous fait aymer Dieu plus que tout et le prochain comme nous mesmes, d'un amour non sensuel, non naturel, non interessé, mays d'un amour pur, solide et invariable, qui a son fondement en Dieu..

  A017002061 

 Des plus grans courages que le sien ont esté esbranlés en pareilles occasions; je ne treuve nullement estrange cette petite atteinte.

  A017002063 

 Vostre plus affectionné, plus humble, fidele.

  A017002090 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des convenances, des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaite obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour propre ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut ajouter la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creee? La distance et la presence n'apporteront jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A017002102 

 Ces renoncemens sont admirables: de sa propre estime, mesme de ce que l'on estoit selon le monde (qui n'estoit en verité rien, sinon en comparayson des miserables), de sa propre volonté, sa complaysance en toutes creatures et en l'amour naturel, et en somme tout soy mesme, qu'il faut ensevelir dans un eternel abandonnement, pour ne le voir ni sçavoir plus comme nous l'avons veu et sceu, ains seulement quand Dieu le nous ordonnera et selon qu'il le nous ordonnera.

  A017002110 

 Quel contentement a saint Joseph et a la glorieuse Vierge allant en Egypte, lhors qu'en la pluspart du chemin ilz ne voyoient chose quelcomque sinon le doux Jesus! C'est la fin de la Transfiguration, ma tres chere Mere, de ne voir plus ni Moyse, ni Elie, ains le seul Jesus.

  A017002111 

 J'admire la glorieuse Mere qui naquit nue de maternité et fut desnuee de cette maternité au pied de la croix, et pouvoit bien dire: Nue j'estois de mon plus grand bonheur quand mon Filz vint en mes entrailles, et nue je suis quand, mort, je le reçoy dans mon sein.

  A017002112 

 Ne faites plus aucun effort; mais, fondee sur la resolution d'hier, allés, ma tres chere Fille, et oyés, et inclines vostre aureille; oubliés toute la peuplade des autres affections, et la mayson de vostre pere, car le Roy a convoité vostre nudité et simplicité.

  A017002112 

 Perseverés, en cette nudité, de demeurer aupres de Nostre Seigneur; il n'est plus besoin que vous facies des actes, s'il ne vous vient au cœur, ains que seulement vous chanties, si vous pouves, doucement le cantique de vostre nudité: Nue je suis nee du ventre de ma mere, et ce qui s'ensuit.

  A017002114 

 Faites doucement les insensibles acquiescemens de vostre nudité; ne faites plus d'effortz, soulagés vostre cors suavement.

  A017002124 

 Ce qu'il faut que vous facies, ne le faites plus parce que c'est vostre inclination, mais purement parce que c'est la volonté de Dieu..

  A017002124 

 N'ayes plus d'autres bras pour vous porter que les siens, ni d'autre sein pour vous reposer que le sien et sa providence; n'estendes vostre veuë ailleurs et n'arrestes vostre esprit qu'en luy seul; tenes vostre volonté si simplement unie a la sienne en tout ce qu'il luy plaira faire de vous, en vous, par vous et pour vous, et en toutes choses qui sont hors de vous, que rien ne soit entre deux.

  A017002124 

 Ne penses plus ni a l'amitié ni a l'unité que Dieu a faite entre nous, ni a vos enfans, ni a vostre cors, ni a vostre ame, en fin a chose quelcomque; car [218] vous aves tout remis a Dieu.

  A017002132 

 Et prenés courage, car s'il vous a [219] desnuee des consolations et sentimens de sa presence, c'est affin que sa presence mesme ne tienne plus vostre cœur, mays luy et son playsir; comme il fit a celle qui, le voulant embrasser et se tenir a ses pieds, fut renvoyee ailleurs: Ne me touche point, luy dit il, mais va, dis le a Simon et a mes freres.

  A017002133 

 Cette Bonté ne veuille plus permettre que j'aye si peu de sainteté en une profession et en un aage ou j'en devrois tant avoir.

  A017002140 

 Que s'il ne vous delivre pas si tost de vos imperfections, c'est pour vous en delivrer plus utilement et vous exercer plus longuement en l'humilité, affin que vous soyes bien enracinee en cette chere vertu..

  A017002142 

 Ma chere Fille, ces divins Espritz vous apprendront comme vous feres pour bien celebrer ces jours solemnelz, et sur tout l'amour interieur qui vous fera connoistre combien est grand l'amour de nostre Dieu qui, pour se rendre plus nostre, a voulu se donner en viande pour la santé spirituelle de nos cœurs, affin que, les nourrissant, ilz fussent plus parfaitz..

  A017002142 

 Voyons bien en esprit les saintz Anges qui environnent ce tressaint Sacrement pour l'adorer, et en cette sainte [221] octave respandent plus abondamment des inspirations sacrees sur ceux qui, avec humilité, reverence et amour, s'en approchent.

  A017002152 

 En sorte que celles qui communient plus souvent n'estiment pas moins les autres qu'elles, puisqu'on s'approche maintes fois plus pres de Nostre Seigneur en s'en retirant avec humilité, qu'en s'en approchant selon nostre goust propre; et celles qui ne communient pas si souvent, ne se laissent point emporter en la vaine emulation.

  A017002164 

 M me du Chastelard est a la Visitation, qui proteste grandement de n'avoir jamais eu un seul brin de pensee contraire a la sainte inspiration qu'elle avoit eue et laquelle elle sent plus forte que jamais; et vrayement, c'est une bonne ame qui est en une bonne voye.

  A017002175 

 Et en ce cas, bien que je serois tous-jours marri de la voir un peu ravalee de son plus parfait dessein, si est ce que je ne laisserois pas de l'aymer tres cherement, et il me sera toute ma vie impossible de m'empescher de l'affectionner parfaitement en Nostre Seigneur..

  A017002176 

 Mays, comme je vous dis, si les plus fortz espritz, lhors qu'ilz different beaucoup l'execution de leurs bonnes resolutions, sont tentés de les quiter, il ne faut pas s'estonner que cette chere fille ayt esté touchee de cette attaque, a laquelle j'ay neanmoins bonne esperance qu'elle ne cedera pas enfin; ains, ayant un peu repris haleyne, elle viendra plus forte, plus resolue et plus ardente que jamais.

  A017002188 

 Je vous remercie bien humblement de la souvenance que vous aves de moy, tesmoignee par vostre lettre et vostre beau present, lequel certes, estant de prix, j'ay disputé en mon esprit si je devois l'accepter; et ne l'eusse nullement fait, si ce n'eut esté de peur de contrister vostre charité, laquelle neanmoins en cela je treuve excessive et vous supplie de la moderer, au moins envers moy, qui, au demeurant, vous porteray a jamais dedans mon esprit pour vous souhaiter le comble de toutes benedictions, et a tout ce que vous cherisses le plus..

  A017002207 

 Je ne pense pas quil fust a propos de faire cette premiere veuë ainsy courtement, outre que ces filles ne font quasi que de partir d'icy, ou elles ont demeuré 15 jours, et chacun voudroit sçavoir le pourquoy de leur retour; et puisque vous reviendres icy bien tost, nous en parlerons avec la Mere, et on verra ce qui sera plus expedient..

  A017002224 

 Voyla la Preface et le projet de l'Orayson: voyes la et me la renvoyes; que je l'aye a un' heure et demi pour le plus tard, affin que je la face transcrire.

  A017002259 

 Mays il faut treuver bon tout cela, et qu'elle s'addresse plus tost a moy qu'a vous, car aussi faut-il.

  A017002272 

 Pour l'absolution de vos pechés de tant d'annees que vous me demandies, ma tres chere Fille, vous deves sçavoir que Dieu, par sa bonté, les aura effacés au mesme instant que vous luy voulustes donner vostre cœur, par la resolution que son inspiration vous fit prendre de ne vivre plus que pour luy.

  A017002283 

 Et vous treuveres les lettres et la Præface mesme de longue datte, par ce que tout estoit prest des la veille de saint Pierre, que le mesme voiturin devoit partir, mais alla despuis retardant jusques a mardi passé; et si j'eusse treuvé commodité plus tost, la chose eut encor esté plus avancée.

  A017002283 

 Mays ce que monsieur Rigaud m'avoit assigné la fin de l'impression au 20 de ce moys, m'a empesché d'aller plus viste; mays il me pardonnera bien cette faute..

  A017002294 

 Si je ne vous escris plus avant vostre depart, je vous prie de saluer le R. P. Recteur et le P. Grangier, et les PP. Monet et Fichet; item, le P. Philippe, monsieur de Saint Nizier et tous ceux qui me font la faveur de m'aymer..

  A017002320 

 Imo vero multo minus ea periculum habet, quam quæ in plerisque piissimis monasteriis viget, ut Sorores conversæ negociorum gerendorum gratia egredi et regredi possint, neque multo plus difficultatis quam illa, quæ tamen satis trita est, ut puellæ educationis gratia in monasteriis recipiantur.

  A017002333 

 Nous avons, tant ici qu'à Lyon, deux Congrégations de vierges [239] et de veuves qui, bien que méritant plus exactement le nom d'Oblates que celui de Religieuses ou de Moniales, ne laissent pas de pratiquer très saintement la chasteté et la céleste pureté, d'embrasser en toute simplicité l'obéissance et de suivre très religieusement la pauvreté.

  A017002333 

 Quant à cette prière angélique qu'on appelle oraison mentale, elles y consacrent pareillement, et avec le plus grand fruit, deux heures, l'une le matin, l'autre le soir.

  A017002336 

 Or, ces particularités sont de telle nature, qu'à mon avis, elles ne s'opposent nullement à la clôture et à l'état religieux des Instituts de femmes, et que, si nous en croyons les gens les plus au courant de notre situation en France, elles y auraient pour effet, non d'amoindrir la piété, mais plutôt de l'exciter grandement..

  A017002337 

 Cela est d'autant plus digne d'être pris en considération, que, de toutes les femmes du monde entier, il n'en [242] est point qui prononcent le latin aussi défectueusement que les françaises, à qui il serait vraiment impossible, dans une telle variété d'Offices, de Leçons et de Psaumes, d'observer exactement les lois de l'accentuation et de la prononciation.

  A017002337 

 En outre, ce petit Office de la Sainte Vierge est par elles récité avec une scrupuleuse observance des tons, accents et pauses, ce qu'elles ne pourraient absolument pas s'il leur fallait réciter un Office plus long.

  A017002339 

 Elle présente même beaucoup moins de péril que celle qui, dans la plupart des monastères les plus pieux, permet aux Sœurs converses d'aller et de venir pour des raisons d'affaires; et la difficulté n'y est guère plus grande que dans la coutume, pourtant généralement admise, de recevoir des jeunes filles dans les monastères pour y faire leur éducation.

  A017002339 

 Et voici la raison de ce désir: telle est, dans ces pays-ci, la liberté hardie des hommes à harceler les veuves, même les plus pieuses, de leurs conversations et provocations mondaines, que celles qui veulent pratiquer la véritable viduité, ont de la peine à le faire en toute sécurité; à quoi on obvie très heureusement par ce moyen.

  A017002341 

 Que s'il est permis de tirer du passé des conjectures pour le présent et pour l'avenir, il n'est certainement rien de plus saint, rien de plus utile; aussi faut-il espérer que, n'ayant eu jusqu'à ce jour que les plus heureux résultats, il en sera de même dans la suite..

  A017002373 

 Ignoré du monde et de Rome, très indigne d'être appelé évêque, mais marchant en simplicité, j'aborde avec confiance, selon la charité [248] qui est dans le Christ, un Cardinal, de tous le plus illustre, et le plus connu de moi et du monde entier..

  A017002374 

 Nous possédons ici une Congrégation de veuves et de vierges qui, bien qu'elles semblent être en vérité plutôt des Oblates que des Moniales proprement dites, respirent pourtant une telle piété, que je ne crains pas d'en dire ce que saint Grégoire de Nazianze affirmait jadis de leurs pareilles: N'ayant dans mon diocèse qu'un petit nombre de ces femmes, je suis tellement fier et joyeux de posséder ces célestes et très belles étoiles du Christ, que, pour l'excellence de la vertu, je ne redouterais pas la comparaison de ma petite troupe avec d'autres bien plus nombreuses..

  A017002375 

 Jamais, en effet, sans des motifs très graves et très pieux, elles ne mettent le pied hors de leur maison; et jamais non plus elles n'en permettent l'entrée à aucun homme, sauf des cas d'extrême urgence et nécessité, reconnus tels par un écrit de notre main..

  A017002379 

 De plus, on pourvoit également à leur modestie et à leur réserve; car, aux confesseurs appelés, elles accusent leurs péchés à travers les grilles et les petites fenêtres [251] arrangées à cette fin pour les confessions des Sœurs Oblates.

  A017002379 

 En effet, la grande liberté qui unit la vie des hommes, en ces contrées, à celle des femmes, empêche le plus souvent celles-ci de se préparer, dans l'intérieur de leur famille, par des exercices convenables, à la contrition et à une intime douleur de leurs fautes.

  A017002380 

 Et dans ce genre d'hospitalité non plus, comme on n'a trouvé (vu les mœurs de ces régions) aucun péril, on y a aussi trouvé beaucoup d'avantages..

  A017002393 

 La longueur du tems que monsieur vostre pere a vescu et les dernieres langueurs qui vous ont, il y a quelque tems, annoncé son trespas et menacé de son absence future, vous auront donné sujet de vous resoudre en la perte du bonheur que vous avies de le sentir encor [254] en ce monde; car en somme, puisque nul n'est exempt de la mort, la plus favorable condition que nous puissions avoir d'elle, c'est quand elle nous laisse longuement jouïr de ceux a qui nous appartenons..

  A017002396 

 Vostre plus humble frere et fidelle serviteur,.

  A017002430 

 Le service que vous alles rendre a Nostre Seigneur et a sa tres glorieuse Mere, est apostolique; car vous alles [258] assembler, ma tres chere Fille, plusieurs ames en une Congregation, pour les conduire, comme une nouvelle bande, a la guerre spirituelle contre le monde, le diable et la chair, en faveur de la gloire de Dieu; ou plustost, vous alles former un nouvel essaim d'abeilles qui, en une nouvelle ruche, fera le mesnage du divin amour, plus delicieux que le miel..

  A017002432 

 L'humilité, ma tres chere Fille, fait refus des charges, mais elle n'opiniastre pas le refus; et estant employee par ceux qui ont le pouvoir, elle ne discourt plus sur son indignité quant a cela, ains croit tout, espere tout, [259] supporte tout avec la charité; elle est tous-jours simple.

  A017002434 

 Cette egalité d'humeur, cette douceur et suavité de cœur est plus rare que la parfaite chasteté, mais elle n'en est que plus desirable.

  A017002456 

 Et ne vous fasches point, ne vous tormentes point, puisque tout cela non seulement ne vous separe point de Nostre Seigneur, mais vous donne sujet de vous unir de plus en plus a sa misericorde..

  A017002468 

 Vous estes employee bien jeune a de grandes œuvres: cela vous doit faire humilier profondement, et vous faire resoudre a fidellement obeir aux Regles et a vostre Superieure; car c'est pour [ce] service qu'on vous a choisie, affin que, comme d'autres serviront de bon exemple aux filles plus avancees en aage qui se rangeront a la Congregation, vous servies aussi de patron aux plus jeunes; ce qui est extremement important, car Dieu ayme tres particulierement les premices des annees et desire qu'elles luy soyent consacrees.

  A017002482 

 Encor qu'en l'assemblee que nous avons tenue maintenant, le different que nous avons n'ayt pas esté du tout terminé, si est ce toutefois que l'accommodement en a esté tellement acheminé, qu'il sera aysé, au premier rencontre, de le parachever, ainsy que monsieur Pergod et le sieur Enpio vous en feront plus amplement le [265] recit.

  A017002484 

 Vostre plus humble, tres affectionné confrere et serviteur,.

  A017002519 

 Vous pourres venir icy a vostre gré, car nostre Mere n'aura point de plus grand playsir que de vous voir, et ne croy pas quil y ayt aucun danger en chemin; et ne faut non plus faire difficulté pour madamoyselle de Beaufort.

  A017002521 

 On a quant et quant cacheté ses coffretz et son logis; cela rendra plus malaysé vostre payement.

  A017002533 

 Je considerois au soir, selon la foiblesse de mes yeux, cette Reyne mourante d'un dernier acces d'une fievre plus suave que toute santé, qui est la fievre d'amour, laquelle, desseehant son cœur, en fin l'enflamme, l'embrase et le consomme, de sorte qu'il exhale son saint esprit, lequel s'en va droit entre les mains de son Filz.

  A017002546 

 Faites donq, Monsieur mon Filz, faites souvent, je vous supplie, cette grace a mon esprit, mais seulement pourtant, quand vous pourrés bonnement sans vous incommoder; car, quoy que vos lettres me soyent plus delicieuses que je ne puis dire, si elles vous coustoyent de l'incommodité elles me seroyent douloureuses, aymant plus vostre playsir que le mien, selon la coustume des peres..

  A017002546 

 Il ne faut jamais, certes, Monsieur, puisque j'ay lhonneur que vous soyes mon tres cher filz, il ne faut point faire d'excuses quand vous ne m'escrives pas; car je ne puis non plus douter de vostre amour filial envers moy, que je ne puis vivre sans sentir continuellement dedans mon cœur les eslans de l'amour paternel envers vous.

  A017002547 

 Et moy ce pendant, Monsieur mon tres cher Filz, affin de suppleer en quelque sorte les defautz que le manquement de commodités me pourroyent (sic) faire faire de vous escrire souvent, je vous envoye le livre de l' Amour de Dieu que j'ay n'a guere exposé aux yeux du monde; et vous supplie que si quelquefois l'affection que vous aves pour moy, vous donnoyt quelque desir d'avoir de mes lettres, vous prenies ce Traitté et en lisies un chapitre, vous imaginant que s'il y a point de Theotime au monde auquel s'addresse (sic) mes paroles, vous estes celuy entre tous les hommes, qui estes mon plus cher Theotime..

  A017002548 

 Si vous lises celle ci de suite, elle vous sera plus aggreable a la fin..

  A017002549 

 C'est le plus doux, gracieux et devot Prince [272] qu'on puisse voir; un cœur plein de courage et de justice, une cervelle pleine de jugement et d'esprit, un'ame qui ne respire que le bien et la vertu, l'amour de son peuple et sur tout la crainte de Dieu.

  A017002595 

 J'offre a Vostre Altesse un Traitté de l'Amour de Dieu que j'ay mis en lumiere ces jours passés; non que je l'estime digne des yeux d'un si grand Prince, mays affin qu'en ce que je puis, je face hommage a Vostre Altesse luy presentant les fruitz de mes labeurs, comme issus d'une personne qui ne pensera jamais d'avoir rien de plus cher en ce monde que l'honneur d'estre advoüé,.

  A017002620 

 Mais il faut que je vous die naïfvement ce que je crains plus que tout en cette occurrence: c'est la tentation des aversions et repugnances entre vous et nostre [Sœur des Gouffiers], car c'est la tentation qui arrive ordinairement es affaires qui dependent de la correspondance de deux personnes; c'est la tentation des anges terrestres, puisqu'elle est arrivee entre les plus grans Saintz, et c'est nostre imbecillité, de tous tant que nous sommes enfans d'Adam, qui nous ruine, si la charité ne nous en [278] delivre.

  A017002686 

 Je vous salue de tout mon cœur, lequel, comme vous sçaves, souhaite mille et mille benedictions au vostre, auquel je diray a nostre premiere veue deux nouvelles pour Rumilly qui luy seront des plus aggreables.

  A017002698 

 Et puis que le P. Recteur propose un expedient, il le faut prendre tel quil le dit, hormis qu'apres avoir envoyé a vostre choix ce qui sera plus propre pour cette Mayson-la et pour Rion, vouloir encor faire faire des absences a nostre Mere, c'est dire quil faut demanteler cette Mayson et la laisser a la merci des vens; car, comme vous sçaves, il y a peu de Meres et beaucoup de filles, [287] dont les unes sont des-ja venues, les autres viendront au premier jour, et il faut une Mere icy qui suffise a tout; laissant a part les grandes bonnes affaires qui sont par deça pour cette Congregation, ausquelles nostre seule Mere peut respondre..

  A017002699 

 Si vous juges avec le P. Recteur quil soit expedient que vous venies vous mesme, nous vous verrons, et parlerons plus clairement des raysons que nous avons de ne vouloir pas meshuy multiplier les familles de cette Congregation, jusques a ce que nous ayons des meres de famille convenables.

  A017002717 

 Nous desirons du support en nos miseres, que nous treuvons tous-jours dignes d'estre tolerees; celles du prochain nous semblent tous-jours plus grandes et pesantes..

  A017002717 

 O Dieu! quand sera-ce que le support du prochain aura sa force dans nos cœurs? C'est la derniere et plus excellente leçon de la doctrine des Saintz: bienheureux l'esprit qui la sçait.

  A017002730 

 Et pourres, sur cette lettre que je vous fay, en parler audit Conseil de la part de Son Altesse, puisqu'elle m'a commandé d'y tenir main, et que je le prie tenir..., suppliant Monseigneur lArchevesque de le faire, comme je fay par la lettre ci jointe, en vous tesmoignant que je desire que vous y ayes l'œil entant quil vous compete, vous parlant de la part de Son Altesse, et au Conseil par vostre entremise, et n'adjoustant plus rien, sinon que je suis,.

  A017002732 

 Vostre plus humble confrere,.

  A017002766 

 Veuillez donc vous prévaloir, pour les confessions et absolutions de ces âmes, de l'autorité que Dieu m'a donnée, et que très volontiers [292] je vous communique et dépars dans la mesure où votre prudence le jugera nécessaire à la gloire de Dieu et au salut du prochain, afin qu'avec plus d'ardeur vous employiez le talent sacré que le Seigneur vous a confié..

  A017002785 

 Je vous envoyeray le Memorial, et M. Boschiz me fit la faveur de me promettre l'expedition de ladite lettre, laquelle nous desirons avoir, affin de faire partir au plus tost le personnage que nous envoyons pour faire la sollicitation..

  A017002859 

 Vostre plus humble, tres asseuré serviteur,.

  A017002873 

 Je prie Nostre Seigneur que, de plus en plus, il nous fortifie en la resolution de ne vivre que pour son tressaint amour.

  A017002882 

 J'espere d'aller bien tost faire la reverence a Son Altesse, car voyci le tems de l'Advent qui m'appelle a Grenoble, ou je ne dois m'acheminer qu'apres avoir demandé les commandemens d'icelle; et j'auray alhors le contentement de vous voir et d'apprendre plus particulierement les circonstances de ce traitté, la nouvelle duquel me fait escrire un mot a monsieur de Monthouz, affin quil face expedier l'affaire des Dames de la Visitation tandis que le beau tems dure et qu'on peut prendre la mesure des bastimens..

  A017002884 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A017002901 

 Pour moy, je vous conseille de faire le plus doucement et sagement que vous pourres ce qui vous est recommandé, sans [305] jamais rompre la paix avec le pere et cette mere; car il vaut mieux que les affaires n'aillent pas si bien, et que ceux a qui l'on a tant de devoir soyent contens.

  A017002907 

 Vostre plus humble cousin et serviteur tres affectionné,.

  A017002916 

 Cette digne porteuse vous dira comme je vous escris a l'improuveüe, ma tres chere Fille, et si soudainement que je ne sçai que dire, sinon que vous seres la tres bien venue, que c'est un grand bien a nostre Charles d'avoir un bon maistre, que je suis plus vostre que mien et ne cesse jamais de vous souhaiter mille et mille faveurs du [307] Ciel, sur tout le saint, puissant, doux et tranquille amour de nostre Dieu..

  A017002950 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A017002967 

 Et par ce que je voy combien Dieu en sera glorifié et le peuple edifié, j'en remercie tres humblement de rechef Vostre Altesse avec eux, la suppliant de continuer en ce tressaint zele, comme je ne cesseray jamais de luy souhaiter la perfection des graces celestes, non plus que d'estre, Monseigneur,.

  A017003002 

 Et par ce que vostre zele vous donnera asses de mouvement a ce bon œuvre, sans que j'y employe davantage de prieres, je ne m'estendray pas plus avant, ains vous asseurant de mon humble affection a vous honnorer, et [313] vous desirant mille et mille benedictions, je demeureray,.

  A017003004 

 Vostre plus humble, tres affectionné confrere.

  A017003021 

 Seulement y voy-je une tare: que vostre desir d'animer un chacun au saint amour, vous a rendu trop favorable a la bonne volonté que j'ay eue d'y exciter les nations de la langue françoise, par le Traitté que j'ay nagueres mis en lumiere, lequel je suis pourtant bien ayse qu'il vous aggree, estimant que vostre jugement luy pourra donner acces et rendre ses documens plus utiles a plusieurs ames..

  A017003042 

 Ce ne sont jamais que troys paroles de ce Pere; certes, ma tres chere Mere, il n'a pas de loysir pour plus.

  A017003056 

 Hier nous commençames a confesser quinze ou vingt dames, tres devotes pour la plus part, et j'entrevoy, ce me semble, un peu de fruit pour le Caresme.

  A017003089 

 Que peut on dire a l'ame que Dieu a tiree il y a si long tems et attire continuellement a se reposer dans le sein de sa providence, sinon: Demeurés la, ma Fille, et vous tenes a recoy au plus secret lieu de ce saint tabernacle, vous laissant absolument manier au gré de Celuy qui daigne prendre soin de vous.

  A017003124 

 Mays n'y ayant nulle apparence de faire reuscir sa praetention de ce costé la, je ne pense pas que cela vous doive plus arrester de nous donner, au lieu de vous que nous desirions (sic) plus que tous, quelqu'un qui, en quelque sorte, vous puisse dignement representer: dequoy donq je vous prie avec tout ce venerable Chapitre, ne doutant point que, selon vostre prudence, zele et pieté, vous ne vous disposies a suivre nos desirs..

  A017003124 

 Or, je croy que vous ne douteres pas que sil vous [326] playsoit de la garder et nous faire jouir du fruit de vostre residence, nous ne le souhaitassions plus que toute autre chose; mays puisque elle vous est tout a fait inutile, et a l'Eglise, presupposé la resolution que vous aves faite, je pense que vous treuveres bon nostre desir et le seconderes, comme juste quil est, selon Dieu et les loix.

  A017003127 

 Vostre plus humble, tres affectionné confrere,.

  A017003156 

 Et maintenant, deceu en mon attente, je ne puis me contenir que je ne me pleigne de mon malheur et que, pour me soulager au mieux que je puis, je ne vous supplie tres humblement, Monseigneur, que si les occurrences m'esloignent de vostre œïl, il vous playse me tenir præsent en vostre grace, que j'estime l'un des meilleurs et plus desirables honneurs que je puisse posseder en ce monde..

  A017003157 

 Mays en particulier, Monseigneur, je vous en fay tres humble remerciment au nom de tous ceux qui, estans vos tres humbles et tres obeissans sujetz et serviteurs, sont mes diocæsains, ausquelz je ne manqueray pas de representer la singuliere redevance qu'ilz en auront a vostre pieté; non plus que ces bons Peres ne manqueront pas de rendre memorable a toute leur illustre et devote Congregation la grandeur des bienfaitz dont vous les aves favorisés, Monseigneur, qui n'aves pas seulement voulu les recevoir en vostre ville, qui est leur premier logement deça les mons, mais de plus, leur aures basti le lieu sacré qui sera le plus grand moyen de bien rendre le service auquel leur vie est destinee..

  A017003176 

 Je prie Dieu sans cesse, Monseigneur, quil comble [333] Vostre Altesse de ses plus desirables benedictions, et suis infiniment,.

  A017003213 

 Mais celle ci est bien plus grande a Sales, ou ma seur a fait sa troisiesme couche d'une fille, laquelle, une heure apres son Baptesme, est morte.

  A017003243 

 Que si le parentage de quelqu'unes avec moy les rend un peu plus affectionnees a me faire cette charité, je leur en seray d'autant plus redevable, et en remercieray Dieu qui a enté l'amitié spirituelle sur le devoir temporel.

  A017003256 

 Ouy, çar ses doux sont plus desirables que les œilletz, et ses espines que les roses.

  A017003258 

 Ne manger point chose qui ait eu vie, les vendredis de Caresme, n'est pas mal fait non plus, mais cela tire un [340] peu a la vanité d'esprit, quand cela se fait par le rapport de ce qui l'a euë; mays quand cela se fait par mortification, cela est bon.

  A017003259 

 Or, j'appelle amoureuse, la fidelité par laquelle, a nostre escient, nous ne voudrions rien oublier de ce que nous estimerions estre plus aggreable a l'Espoux, parce que nous aymons ses contentemens plus que nous ne craignons ses chastimens..

  A017003260 

 Cette chair est admirable a ne vouloir rien de piquant; mais la repugnance que vous aves ne tesmoigne pourtant point aucun manquement d'amour; car, comme je pense, si nous » croyions qu'estant escorchés il nous aymeroit plus, nous nous escorcherions, non pas sans repugnance, mays malgré la repugnance.

  A017003260 

 J'appreuverois que, par maniere d'essay, on taschast deux ou troys fois de se surmonter avec un peu de violence, au moins quelquefois; car, qui ne gourmande jamais ses repugnances, il devient tous-jours plus douillet..

  A017003273 

 Vostre plus humble, tres affectionné confrere,.

  A017003304 

 Je voy que Dieu se sert de vostre courage pour l'establissement de cette Mayson de Moulins; faites cela fidelement, avec le plus de repos d'esprit que vous pourres.

  A017003322 

 Je suis plus parfaitement qu'il ne se peut dire, ma tres chere Fille,.

  A017003359 

 De la cure de Sernex, je vous laissoys faire comme vous jugeries plus a propos.

  A017003360 

 Nous avons l'exemple de Monseigneur de Tarentayse, plus fort, plus habile et plus hardi que nous, et qui n'avoit a faire qu'a un seul convent..

  A017003365 

 Je salue de tout mon cœur messieurs les Collateraux et suis leur serviteur fidele, et mesdames leurs cheres espouses, avec la plus que toutes (sic), de madame de Quoex, ma seur..

  A017003381 

 Je prie Dieu qu'il accroisse de plus en plus ses benedictions sur Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement la reverence, et suis infiniment,.

  A017003396 

 Les affaires de la Sainte Mayson de Thonon appellans le sieur Gilette par dela, je supplie tres humblement Vostre Altesse de proteger et favoriser sa poursuite, qui ne peut aussi reuscir sinon par cet appuy, auquel nous recourons d'autant plus asseurement, que Vostre Altesse nous l'a ainsy commandé l'hors que nous avions le bonheur de sa presence.

  A017003413 

 Et d'autant que j'en parlay a Vostre Altesse l'ors que nous avions le bonheur de sa presence de deça, et qu'elle [355] tesmoigna de treuver mes remonstrances dignes d'estre protegees, je la supplie tres humblement de me commander ce que j'auray a respondre, avec ce Chapitre-la, aux lettres reiterees de Son Altesse que ce mauvais prestre obtient, et par lesquelles il presse plus ce Chapitre qu'il ne sçauroit faire par aucune autre voye, la seule ombre de la volonté de saditte Altesse nous estant en extreme reverence..

  A017003429 

 Je ne vis jamais un peuple plus docile que celuy ci, ni plus porté a la pieté; sur tout les dames y sont tres devotes, car icy, comme par tout ailleurs, les hommes laissent aux femmes le soin du mesnage et de la devotion.

  A017003440 

 Croyes, je vous supplie, que jamais vostre tres chere ame ne sera plus aymee qu'elle l'est de la mienne..

  A017003441 

 Ne le faites plus, je vous supplie, et vous humiliant sous l'advis des docteurs, nourrisses sans scrupule vostre cors en consideration de celuy que vous portes.

  A017003454 

 C'est bien fait, ma tres chere Fille, il ne faut point de reserve ni de condition; car, qui recevroit des ames en cette sorte, la Congregation se verroit toute pleine du plus fin, et par consequent du plus dangereux amour propre qui soit au monde.

  A017003454 

 Il faut que celles qui entreront sçachent que la Congregation n'est faite que pour servir d'escole et de conduitte a la perfection, et que l'on y acheminera toutes les filles par les moyens plus convenables, et que les plus convenables seront ceux qu'elles ne choisiront point.

  A017003466 

 Passant par cette ville avec beaucoup de presse, j'ay receu vostre lettre et les memoires de vos prætentions; dont je suis bien ayse, puisque monsieur le Marquis d'Aix m'a escrit que je luy fisse sçavoir ce que vous prœtendies, et que, revenant en ce païs, il seroit tous-jours bien content de voir tous les differens quil pourroit avoir avec vous, avec le plus de douceur et d'amitié que vous pourries desirer.

  A017003469 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A017003490 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A017003542 

 Mays si, estant en l'orayson, vostre cœur se sent attaché a la simple presence du Bienaymé, vous ne passeres point plus outre, ains vous vous arresteres a cette presence; que si, au contraire, vous ne vous sentes pas attachee a cette presence, bien que toutefois vous y soyes, vous mediteres doucement le point que vous aures disposé..

  A017003546 

 S'il vient des larmes, vous les respandres; mais si elles viennent souvent et avec trop de tendreté, vous releveres vostre esprit, si vous pouves, a gouster plus [368] paysiblement et tranquillement les misteres en la partie superieure de l'ame; non pas contraignant et serrant les souspirs ou sanglotz, ou les larmes, mays divertissant d'une heureuse diversion vostre cœur, en le relevant petit a petit a l'amour pur du Bienaymé par des doux eslans: O que vous estes aymable, mon Bienaymé! O que vous estes relevé en bonté et que mon cœur vous ayme! ou autrement, selon que Dieu vous tirera..

  A017003547 

 Et ne vous imagines pas que la douceur et tranquillité empesche la promptitude et l'œuvre, car au contraire, elle la fait plus heureusement reuscir..

  A017003548 

 Et qu'en cela vous allies trompant vostre naturel et le reduisant petit a petit a la sainte mediocrité et moderation; car a celles qui ont le naturel mol et paresseux, nous dirions: Hastes vous, d'autant que le tems est cher; mays a vous, nous vous disons: Ne vous hastes pas tant, d'autant que la paix, la tranquillité, la douceur d'esprit est pretieuse, et que le tems s'employe plus utilement quand on l'employe paysiblement..

  A017003549 

 O combien d'ecclesiastiques sont embarqués par des mauvaises considerations et par la force que les parens ont employé pour les faire entrer en cette vocation, qui font de necessité vertu et qui demeurent par amour ou ilz sont entrés par force! autrement, que deviendroyent ilz? Ou il y a moins de nostre choix, il y a plus de sousmission a la volonté celeste..

  A017003562 

 Continués donq en la vie devote selon que vous aves commencé, et alles tous-jours de bien en mieux au chemin dans lequel vous estes; et vous verres que, dans quelque tems, ces terreurs s'affoibliront et ne vous inquieteront plus si fort.

  A017003562 

 Premierement donq, je vous asseure que si vous perseverés a l'exercice de devotion, comme je voy que vous faites, vous vous treuveres petit a petit grandement allegee de ce tourment; d'autant que vostre ame, se tenant ainsy exempte des mauvaises affections et s'unissant de plus en plus a Dieu, elle se treuvera moins attachee a cette vie mortelle et aux vaines complaysances que l'on y prend.

  A017003565 

 Quatriesmement, excités en vous, le plus que vous pourres, l'amour du Paradis et de la vie celeste, et faites plusieurs considerations sur ce sujet, lesquelles vous treuveres suffisamment marquees au livre de l' Introduction a la Vie devote, en la Meditation de la gloire du Ciel, et au choix du Paradis; car, a mesure que vous estimeres et aymeres la felicité eternelle, vous aures moins d'apprehension de quitter la vie mortelle et perissable..

  A017003568 

 Septiesmement, adorés souvent, loués et benissés la tres sainte Mort de Nostre Seigneur crucifié, et mettés toute vostre confiance en son merite, par lequel vostre mort [373] sera rendue heureuse; et dites souvent: O divine mort de mon doux Jesus, vous benires la mienne, et elle sera benite; je vous benis, et vous me benires, o mort plus aymable que la vie! Ainsy saint Charles, en la maladie de laquelle il mourut, fit mettre a sa veuë l'image de la sepulture de Nostre Seigneur et celle de l'orayson qu'il fit au mont des Olives, pour se consoler en cet article, sur la Mort et Passion de son Redempteur..

  A017003571 

 Ainsy du mary, ainsy du pere et des autres: en quoy vous aures d'autant plus de facilité, que tous vos plus chers servent Dieu et le craignent.

  A017003571 

 Dixiesmement, consideres souvent les personnes que vous aymes le plus et desquelles il vous fascheroit d'estre separee, comme des personnes avec lesquelles vous seres eternellement au Ciel: par exemple, vostre mary, vostre [374] petit Jean, monsieur vostre pere.

  A017003571 

 O ce petit garçon, qui sera, Dieu aydant, un jour bienheureux en cette vie eternelle, en laquelle il jouira de ma felicité et s'en res-jouira, et je jouiray de la sienne et m'en res-jouyray sans jamais plus nous separer.

  A017003574 

 Vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A017003584 

 Vostre plus humble, tres affectionné, et a M. le Maistre que je salue icy avec vous de tout mon cœur..

  A017003622 

 C'est maintenant pour mon Eglise (et que puis-je dire de plus affectionné?) que j'implore vostre fraternelle faveur, et croy qu'elle me sera facilement accordee, sur tout quand vous aures ouy la remonstrance que ce porteur vous fera, par laquelle vous verres que le brevet dont il s'agit est non seulement fondé sur la pieté, mais encor, si je ne me trompe, sur la justice.

  A017003680 

 Que si vous me faites la faveur de demander a sa divine Majesté une pareille grace pour [384] moy, ce sera m'obliger de plus en plus a vouloir estre pour jamais, Madame,.

  A017003681 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur.

  A017003695 

 Dites a cette chere Barbe Marie, qui m'ayme tant et que j'ayme encor plus, qu'elle parle librement de Dieu par tout ou elle pensera que cela soit utile, renonçant de bon cœur a tout ce que ceux qui l'escoutent peuvent penser ou dire d'elle.

  A017003695 

 Non certes, ma tres chere Fille, je ne pense pas estre parfait parlant de la perfection, non plus que je ne pense pas estre Italien parlant italien; mais je pense sçavoir le langage de la perfection, l'ayant appris de ceux avec qui j'ay conversé qui le parloyent..

  A017003696 

 Les [386] cheveux de l'esprit de cette fille sont encor plus deliés que ceux de sa teste, et c'est pourquoy elle s'en embarasse.

  A017003698 

 Je luy ay dit qu'elle pouvoit parler fortement et rrsolument, es occasions ou il est requis, pour retenir en devoir la personne qu'elle sçait; mays que la force estoit plus forte quand ell'estoit tranquille et qu'on la faysoit naistre de la rayson, sans meslange de passion..

  A017003701 

 Quant a M lle de Gerard ou Reautier, sil y a apparence qu'on puisse eriger une Mayson par dela, il la faut faire venir icy, car il y aura plus de facilité de la renvoyer; si moins, je persevere qu'elle suive sa premiere visee.

  A017003720 

 Et neanmoins, il ne laisse pas de presser et molester ledit Chapitre, abusant ainsy du nom et de l'authorité de Son Altesse, laquelle sans doute n'a point de telle intention, puisque mesme cet homme ne la sert nullement a ses despens, et n'est pas capable de luy faire aucun service qui merite aucune consideration speciale, n'estant non plus bon soldat que bon prestre.

  A017003749 

 Le cousin auroit grand'envie de sçavoir si c'est Son Excellence qui a dit quii ne s'estoit pas voulu engager d'escrire a M. de Saint Damian pour ce mariage; par ce que si c'estoit elle, il faudroit en parler plus reservement, quoy qu'il n'en soit rien.

  A017003752 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, pour le benir de ses plus cheres benedictions, ma tres chere Fille.

  A017003772 

 Vostre tres humble et plus obeissant serviteur,.

  A017003801 

 Or bien, me voyci de retour [de Chablais, où il n'y a plus de] danger, sinon comme... [trois] ou quatre jours.

  A017003802 

 J'escris apres [souper, et ne puis] escrire a Monseigneur l'Archevesque, ni a vous, ma tres chere Mere, plus longuement..

  A017003834 

 Cependant, avec ce peu de motz, fideles interpretes de mon allegresse, je commence a vous rendre graces tres humbles du bonheur et des benedictions qu'attirera sur ce pais vostre arrivee, et vous supplie tres humblement d'honorer de vostre sejour cete maison, qui desireroit, an cete heureuse conjoncture, avoir encor les plus grands et plus illustres Prelatz qui l'ont autresfois regie, afin que plus dignement elle peust recevoir vous, Monseigneur, qui estes l'honneur et la coronne des Prelatz.

  A017003865 

 C'est un escholier qui parle a son maistre, un fils a son pere; il n'y fault pas plus de mystere..

  A017003865 

 Je creins bien fort que vous ayes grand' peine a le lire, tant il est mal escript, et encor plus a l'entendre, tant il est mal digeré.

  A017003865 

 Puisque jamais plus il n'y doibt avoir entre nous de ceremonies, je vous direy tout naifvement que j'ay diferé si longtemps de vous escrire, pour ce que j'avois honte que vous vissies mes lettres sans veoir par mesme moyen l'advis que je vous avois promis sur les Regles de la Visitation.

  A017003867 

 Selon que nous demeurerons d'accord de l'estoffe, sili y a quelques motz ou quelques periodes a changer en l'ouvrage, il n'y aura pas a travailler pour plus d'un jour.

  A017003868 

 C'est l'advis de touts les Religieux et casuistes qui an entendent parler; mais c'est ce que me dient ouvertement les plus honorables et qualifiés (sic) personnes de cete ville.

  A017003869 

 Mais ce dont je vous supplie plus cordialement que de tout le reste, est quil vous plaise, apres avoir pezé meurement toutes choses, me mander ce que vous juges selon Dieu que je doibs faire; car, si apres avoir recommendé l'affaire a Nostre Seigneur, vous voules que je laisse les sorties et que je me conforme a vous entierement, et quil vous plaise an respondre a Dieu pour moy, je vous declare qu'avec cete condition, et soubs la confiance que j'ay en vostre vertu, je mettrey soubs les pieds mon sentiment et tout ce que le monde pourra dire ou faire, et establirey la Congregation, et an ferey publier et imprimer les Constitutions de mot a mot, telles que vous ordonneres, sans y changer rien du tout..

  A017003907 

 Il faut que je vous die ceci: mon cœur chercherait, si je le voulais laisser faire, de se revêtir des affections et prétentions qu'il lui semble que Notre-Seigneur lui donnera; mais je ne le lui permets nullement, de sorte que ces propositions ne se voient que de loin; car enfin, il me semble que je ne dois plus rien penser, désirer ni prétendre que ce que Notre-Seigneur me fera penser, aimer et vouloir, ainsi que la nourrice qu'il me donnera me l'ordonnera; car je suis exacte à ne la point regarder..

  A017003919 

 Je n'ai pu dire nôtre, car il me semble [409] n'y avoir plus de part, tant je me vois nue et dépouillée de tout ce qui m'était le plus précieux..

  A017003919 

 M. Grandis m'a dit aujourd'hui que nous eussions encore bien soin de vous, que vous ne deviez plus faire une si grande diète, qu'il fallait vous bien tenir et contregarder, à cause de la fluxion qu'il faut craindre.

  A017003922 

 Aujourd'hui encore, plus ou moins, il me reste fort peu pour appuyer et reposer mon esprit; peut-être que ce bon Seigneur veut mettre sa sainte main par tous les endroits de mon cœur pour y prendre et le dépouiller de tout: sa très sainte volonté soit faite!.

  A017003923 

 Hélas! mon unique Père, il m'est venu aujourd'hui en la mémoire qu'un jour vous me commandiez de me dépouiller; je dis: « Je ne sais plus de quoi.

  A017003924 

 Mon vrai Père, ne me revêts-je point sans votre congé de cette consolation que je prends à vous entretenir? Il me semble que je ne dois plus rien faire, ni avoir pensée, ni affection, ni volonté qu'ainsi qu'elles me seront commandées.

  A017003934 

 Il ne reste donc plus que vostre permission, afin que ces devotes Dames viennent; dont je vous supplie derechef tres humblement, vous asseurant que je fais gloire que, du temps de mon gouvernement, le Bourbonnois soit des premieres provinces a recepvoir les Religieuses de vostre Ordre, n'ignorant pas quelle est [411] vostre reputation et le renom de vostre sainte vie et merite parmi la France; ce qui me faict desirer de donner une de mes filles a vos Religieuses, quand elles seront icy.

  A017003945 

 Ce que madame de Chantal a faict a Lyon, et encores plus [412] ce qu'elle est, la faict extremement desirer icy.

  A017003971 

 Vous entendes ce que je veulx dire: si madame de Chantal, vraye Mere de vostre Congregation, pouvoit venir icy donner le premier laict aulx filles commençantes, je prevoyrey autant de bonheur a cete institution et fondation que de celle de nostre Lyon, qui donne tousjours plus de contentement et d'esperance que Dieu y sera glorifié (fidelis sermo est); car c'est ce que nous [414] pretandons.

  A017003972 

 Envoyes en donc au plus tost, Monseigneur, je vous supplie, et me donnes la benediction de vos sainctes prieres, que je vous demande du bon de mon cœur, qui se proteste.

  A017003985 

 Ce sera donc au plus tost, Monseigneur, que j'iray vers vous pour recevoir voz commandements et faire tout ce que vous jugerez expedient pour la gloire de Dieu, à quoy je me dispose de bon cœur..

  A017004005 

 En response de la vostre tres-aggreable du 28 septembre, que j'ay receüe le 10 du present, je vous diray non seulement que je voy vos Œuvres de l'oeil favorable que je dois, et fais en icelles le profit que je peux; mais de plus, je vous confesseray de bouche que,.

  A017004011 

 Et plus vous m'espuisez, plus ma fertile veine.

  A017004043 

 Ce qu'attendant, je vous prie de vous asseurer tousjours de mon affection et du desir que j'ay de la vous faire congnoistre aus occasions, lesquelles ne s'offriront jamais aussy souvent que je les souhaite, pour l'envie que j'ay que vous croies quil ny a personne qui vous soit plus aquis que moy..

  A017004043 

 Le desplaisir que je reseus de ne vous avoir encores trouvé a Nissy quant j'y arrivé, ne fut pas moindre que seluy que vous tesmoignes en avoir eu, car j'avois une estreme envie de vous voir et entretenir; mais je me consolle avec l'esperanse que j'ay d'avoir bien tost se contantement, que je desire passionnement, pour estre un des plus grans que je puisse recevoir.

  A017004044 

 Neantmoins, je satisferay au desir de ses Peres le plus tost que je [419] pourray, voulant en toute occasion leur tesmoigner l'affection que j'ay a tout se qui leur touche, et a vous combien je suis, Monsieur,.

  A017004045 

 Vostre plus affectionné a vous faire servisse,.

  A017004065 

 Enfin, il s'en est parlé fort mal à propos; Dieu veuille qu'il y ait plus d'innocence que le monde ne pense! Mon Dieu, mon très honoré Père, que de malheurs qui sont parmi le monde! Bienheureux qui vit en crainte! Pour moi, je ne puis mal penser de cette Dame, je la crois trop vertueuse..

  A017004066 

 O Dieu! mon très cher et honoré Père, c'est la douleur la plus sensible au cœur que l'on puisse avoir; toutes les contradictions ne sont rien, au prix de savoir du mal à cette chère Mère..

  A017004069 

 Toutes nos Sœurs vous saluent très humblement, Monseigneur; nous supplions Notre-Seigneur vous continuer ses plus chères grâces.

  A017004070 

 Votre très humble et plus obéissante fille et servante.

  A017004090 

 Nous supplions Notre-Seigneur vous continuer abondamment l'assistance de son Saint-Esprit et faire réussir votre travail à sa plus grande gloire..

  A017004097 

 Votre très humble et plus obéissante fille et servante.

  A017004116 

 Nous supplions Notre-Seigneur vous donner et continuer de plus en plus son saint amour..

  A017004121 

 Nous sommes toujours la moindre de vos filles, mon très honoré Père, mais de celles qui ont plus de désir de vous obéir et de plaire à Dieu..

  A017004123 

 Toutes nos chères Sœurs vous saluent très humblement en toute révérence, mais plus que toutes, celle qui a l'honneur de se dire,.

  A017004125 

 Votre très humble et plus obéissante fille et servante.

  A017004142 

 Nous ne la connaissons point; néanmoins son premier abord nous agrée assez, et nous espérons qu'elle sera propre pour notre sorte de vie: Dieu lui en fasse la grâce! Ce sera le plus grand bonheur qu'elle puisse avoir, que de se rendre digne de la grâce que sa divine Majesté lui a faite, et à nous aussi..

  A017004149 

 Votre très humble et plus obéissante fille et servante.

  A017004153 

 Toutes nos chères Sœurs vous saluent très humblement et en toute révérence, et tout à part, nos Sœurs professes, mais plus que toutes, votre chétive grande fille.

  A017004177 

 De plus, je trouve vos pratiques et vostre devotion si ajustée à mon humeur et à la foiblesse de mon sexe, que je ne croy pas que vous me puissiés rien commander que je ne puisse tres-facilement accomplir.

  A017004188 

 Douteux de ce que plus il y faut admirer,.


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000025 

 — Comment se préparer à « la vie ou il n'y a plus de mort.

  A018000030 

 La chose la plus étonnante et douloureuse qui se voit tous les jours.

  A018000034 

 François de Sales sollicite l'indulgence de Charles-Emmanuel pour un homme plus malheureux que coupable.

  A018000035 

 Plus d'infortune que d'iniquité. 34.

  A018000057 

 — « Un amour infiniment plus que fraternel.

  A018000085 

 La plus grande austérité.

  A018000087 

 — Le plus sûr moyen d'acquérir l'honneur.

  A018000113 

 — Quel est l'ennui le plus importun.

  A018000199 

 Le mot du plus franc amour selon la nature et la grâce.

  A018000210 

 — « La plus brave princesse » qui se puisse voir et le cartel de son royal fiancé.

  A018000214 

 Des tentations « plus ennuyeuses que perilleuses.

  A018000216 

 — Une vertu plus nécessaire que la magnanimité. 200.

  A018000231 

 Les noms de « plus grande force pour tesmoigner la dilection.

  A018000274 

 Je ne retarde d'aller a Gex que pour y aller plus a propos.

  A018000274 

 Ni ne veux pas croire quil soit si outrecuidé de dire, comme quelques uns, qu'il est en l'Eglise gallicane en laquelle les prestres sont privilegiés; car je pense qu'il sçait que l'Eglise gallicane est un membre de l'Eglise universelle, et que les anciens canons des Conciles y sont receuz, et que les Evesques ne sont pas moins Evesques en France qu'ailleurs, et, qu'en particulier, je ne suis rien moins dela le Rosne que deça, ains j'affectionne d'establir la discipline ecclesiastique de dela, et sur tout a Gex, avec plus de soin que de deça, par ce qu'icy les adversaires de l'Eglise sont moins puissans et moins præsens..

  A018000307 

 Je dis maternellement, a cause que l'amour des meres est tous-jours plus tendre envers les enfans que celuy des peres, pour ce, a mon advis, qu'il leur couste plus.

  A018000308 

 Et de plus, vous me dites: Mon Pere, ne caches point la verité a vostre filz, qui est perplexe sur ce sujet..

  A018000309 

 Je fus esmeu a la verité, mais je retins toute mon esmotion, et confessay ma foiblesse a nostre Mere, qui, en cette occasion, n'eut, non plus que moy, aucune [6] parole de passion; et je vous diray bien de plus: il semble que ces bonnes gens la se plaisent a luy donner des frequens sujetz de mortification, qu'elle boit insatiablement..

  A018000318 

 J'ay esté vivement touché d'apprendre qu'au prieuré de [Talloires] l'on n'y voit plus la face de la sacree dilection et union, sans laquelle la Religion n'est qu'une veritable illusion.

  A018000318 

 Le pire est que la dissension est entre les bons, dont elle est plus dangereuse; et, comme dit saint Bernard parlant des Religieux qu'il estime estre les yeux de l'Eglise, espouse de Jesus Christ, non est [8] dolor sicut dolor eorum.

  A018000345 

 Je jointz ma tres humble supplication a la sienne, protestant que jamais Vostre Altesse ne gratifiera aucuns peuples de sa sujettion qui ayt (sic) plus de cœur, d'honneur, de fidelité et d'obeissance a vostre coronne, Monseigneur, que celuy ci qui, au reste, a un extreme besoin d'estre revigoré par telz bienfaitz, tandis qu'incessamment avec moy il leve les mains et les yeux au Ciel pour la prosperité de Vostre Altesse, delaquelle je seray a jamais,.

  A018000362 

 C'est pourquoy elle l'implore de toutes ses forces; et moy, Monseigneur, j'accompaigne d'autant plus hardiment sa supplication, que Vostre Altesse me tesmoigna lhors qu'elle estoit de deça, qu'elle nous favoriseroit tous en cett'occasion.

  A018000410 

 Pour moy, ma chere Fille, j'ay pleuré plus d'une fois en cette occasion, car j'aymois tendrement ce frere, et n'ay sceu m'empescher d'avoir les ressentimens de douleur que la nature m'a causés; mais pourtant, je suis maintenant tout resolu et consolé, ayant sceu combien il est trespassé devotement entre les bras de nos Peres Barnabites et de nostre chevalier, apres avoir fait sa confession generale, s'estre reconcilié trois fois, avoir receu la Communion et l'Extreme Onction fort pieusement.

  A018000413 

 Jamais homme ne fut plus generalement regretté que celuy ci..

  A018000416 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A018000429 

 Ma pauvre chere seur tesmoigne entre ses pleurs et regretz la plus aymable, constante et religieuse pieté qu'il est possible de dire: en quoy elle nous contente extremement, pour le desir que nous avons qu'elle conserve l'enfant que nous croyons, par bonnes conjectures, avoir esté laissé en ses flancs par le defunt, comme pour quelque sorte d'allegement a ses freres..

  A018000430 

 Que vous diray-je plus, Monsieur mon cher Oncle? Ce pauvre garçon decedé s'estoit destiné a la vie militaire, et pouvoit mourir de cent façons plus lamentables que celle de laquelle il est mort.

  A018000457 

 Et donques, comme je voy, c'est presque sans intermission que nos amis se vont separant de nous tous les jours; et partant, il se faut resoudre de bonn'heure de n'esperer plus es consolations de cette vie, pour attendre plus doucement celles de l'autre vie, en laquelle nostre societé sera inseparable..

  A018000457 

 Je regrette extremement la perte que nous avons faite par le trespas du bon monsieur le President de Sautereau, qui vous honnoroit certes plus quil ne se peut dire, et me favorisoit d'un' amitié extraordinaire, a vostre consideration.

  A018000486 

 O que bienheureux sont ceux qui, vivans en continuelle [25] desfiance de mourir, se treuvent tous-jours prestz a mourir, en sorte qu'ilz puissent revivre eternellement en la vie ou il n'y a plus de mort! Nostre bienaymé trespassé estoit de ce nombre la, je le sçai bien.

  A018000487 

 Sans doute, ma chere Dame, le plus grand desir que monsieur vostre trespassé eut a son depart fut que vous ne trempassies pas longuement dans le regret que son absence vous causeroit, mais que vous taschassies de moderer, pour l'amour de luy, la passion que son amour vous donnoit; et maintenant, en son bonheur dont il jouit, ou qu'il attend en asseurance, il vous souhaite une sainte consolation et que, moderant vostre tribulation, vous conservies vos yeux pour un meilleur sujet que les larmes, et vostre esprit pour des plus desirables occupations que celles de la tristesse..

  A018000500 

 Mays sur tout, en pleurant descharges bien vostre cerveau, reposes vous convenablement, et vous divertisses le plus doucement que vous pourres; prenes bien souvent des raysins un peu amollis au vin et eau chaude, et en somme ayes soin de vous conserver la, car icy, ne doutes point; je suis un certain homme quil ny a rien a craindre, sinon quand je le diray moymesme..

  A018000517 

 Et cependant, je cheriray de tout mon cœur tout ce quil vous plaira de me recommander, comme je fay le sujet d'avoir soin plus particulier de ces deux damoyselles, desquelles l'une, madamoyselle Favreau, est des-ja voylee, et l'autre le sera soudain que je seray de retour d'un voyage que je vay faire a Thonon; et espere que l'un'et l'autre donneront [et recevront] reciproquement de l'edification et consolation en la Congregation en laquelle elles ont esté appellees, puisque a ce commencement Dieu leur en donne de si bonnes arres.

  A018000518 

 Playse a la divine Bonté de vous conserver et prosperer de plus en plus en son saint service, et je suis de tout mon cœur,.

  A018000520 

 Vostre plus humble, tres affectionné.

  A018000533 

 Je suis consolé que nos pauvres filles soyent un peu allegees, car je les cheris d'un cœur plus que paternel toutes, et vous sçaves que j'ayme particulierement cette pauvre Marie Gasparde de tous tems, et, maintenant qu'elle est malade, encor plus tendrement.

  A018000534 

 Saint Pierre, prince des pœnitens, est devant mes yeux, qui fut si doux aux pecheurs apres quil ne le fut plus..

  A018000550 

 Vous pouves penser, ma tres chere Fille, ma Seur, et je croy que vostre cœur vous le dit asses, que j'ay une extreme consolation dans le mien quand vous m'escrives de vos nouvelles; car, puisqu'il a pleu a Dieu, je suis le cher frere et le Pere tout ensemble, mais le plus affectionné et sincere que vous sceussies imaginer..

  A018000575 

 Je m'asseure que cette gayeté et consolation d'esprit s'estend et rend son odeur pretieuse sur toutes vos conversations et particulierement sur la domestique, laquelle, comme elle vous est la plus ordinaire et selon vostre principal devoir, aussi s'en doit elle ressentir plus que nulle autre.

  A018000575 

 Je suis consolé dequoy vous aves l'esprit plus gay que ci devant.

  A018000575 

 Sans doute, Madame, tous les jours vos contentemens croistront, car la douceur de Nostre Seigneur se respandra de plus en plus en vostre ame.

  A018000576 

 Hé, que vous seres heureuse si vous observes bien la moderation que je vous ay dite en vos exercices, les accommodant le plus que vous pourres a vos affaires domestiques et a la volonté de vostre mari, puisqu'elle n'est point desreglee ni farouche.

  A018000577 

 Je vous en dis quelque chose pendant ce Caresme, je ne sçai si vous y aures mis la main; mays je desirerois que vous n'y employassies pas sinon demi heure chasque jour et non plus, au moins de quelques annees; je pense que cela serviroit bien fort a la victoire de vos ennemis..

  A018000599 

 Vostre plus humble confrere,.

  A018000614 

 Apres, donq, avoir bien sceu que l'estrange accident advenu au sieur [Président Crespin] estoit procedé de malheur, plustost que d'aucune malice ou deliberation; voyant qu'en une si extreme tribulation il recouroit a moy pour obtenir, par ma tres humble intercession, l'acces aux pieds de Vostre Altesse, je ne l'ay peu ni voulu esconduire, de peur d'offencer Celuy qui jugera les vivans et les mortz selon l'assistence qu'ilz auront faite aux affligés, puysque mesme les deux personnes [43] qui ont esté les plus touchees en ce desastre semblent conspirer au desir de la consolation de celuy auquel il est arrivé: car la fille ne souhaite rien tant que d'avoir son pere, puisqu'elle a perdu sa mere; et quant a monsieur [l'Abbé de la Mente,] soit qu'il ayt eu compassion de ce pere et de cette fille, soit qu'il ayt esté animé de ce divin Esprit qui nous fait vouloir du bien a ceux qui nous font du mal, il a des-ja protesté qu'il ne vouloit procurer aucune punition, ni faire partie..

  A018000630 

 Reste le publiq lequel, je m'asseure, ne sera nullement scandalisé si, sur forces (sic) raysons justificatives d'un tel accusé, il plait a Son Altesse d'ouctroyer la grace, laquelle affin de pouvoir plus aysement obtenir, j'addresse a vostre charité, Monseigneur, cette tres humble requeste, fondee partie sur la justice, partie sur la misericorde; d'autant que, comme on ne peut pas nier qu'il ny ayt en cet accident quelque sorte d'apparence de coulpe, puisqu'il y a des mortz et blessés, aussi faut il confesser qu'il y a beaucoup d'innocence en effect, et plus de grande infortune que de grande iniquité.

  A018000644 

 Je voy bien qu'a Sainte Catherine, ou on gardoit la place, j'auray a m'excuser, puisque mesme la chere fille s'estoit desfaite de tout autre besoigne pour avoir le soin de cette fille; mays j'auray plus tost accommodé cela que mon esprit, si en chose qui se peut j'avois despieu a monsieur le premier Præsident.

  A018000648 

 La multitude des occasions de bien faire tient quelquefois lieu de croix, mais cet (sic) pourtant la croix la plus douce.

  A018000649 

 Nos malades m'ont fait une grande consolation de guerir, et ces malades spirituelles nous en feroyent encor un (sic) plus grande si elles guerissoyent.

  A018000665 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A018000678 

 Ces deux motz sont escritz sur le plus empressé depart [51] que je fis onques; M. le Collateral vous le dira, et tout le reste.

  A018000695 

 J'escris sur le depart pour Evian, ou je vay le plus empressement que jamais j'allay en lieu du monde; M. le Collateral vous le dira..

  A018000753 

 Nul ne vous est icy ce que je vous suis, et nul, ni icy ni ailleurs, ne vous veut honnorer et cherir plus que je [57] souhaite de le faire.

  A018000772 

 Vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A018000783 

 Reste qu'il vous playse de me faire [60] sçavoir si vous voudries accepter le parti, et si nous pourrions y avoir d'abord huit prestres, puisque la fondation requiert cela, et si il se pourroit pas faire que l'un des huit exerçast la charge des ames, aydé par les autres; car cela estant, je n'auray plus a faire que d'obtenir le consentement de Son Altesse qui, je m'asseure, l'accordera volontier..

  A018000813 

 C'est grand cas comme l'esprit humain est ami de sa volonté, et comme chacun suit l'amour propre sans regarder ce qui est plus au service de Dieu! Sur cela je luy escris l'advis requis pour l'affaire de monsieur le Prieur; je ne sçai si cela accommodera son cœur, mais il me tardoit que je le fisse..

  A018000832 

 La femme du sieur Gautier m'a forcé par ses larmes de vous supplier, Monseigneur, de recommander sa misere a son mari, ou plus tost la misere de ses filles, car quant a la sienne, elle ne nie pas de l'avoir meritee.

  A018000927 

 Nous n'avions encor achevé nos plaintes pour la perte que nous avions faite en Piemont, que voyci la seconde arrivee, laquelle, je vous asseure, nous est infiniment [72] sensible, cette chere ame ayant tellement vescu parmi nous, qu'elle nous avoit rendus tous parfaitement siens, mais moy plus particulierement, qu'elle regardoit avec un amour et honneur filial; et puis, le contrecoup receu par l'affliction de sa digne mere donne surcroist a nostre desplaysir..

  A018000941 

 Il a pleu encor, ces jours passés, a Dieu de me visiter en nostre mayson, retirant a soy nostre nouvelle vefve, ma seur de Thorens, femme des plus sages, vertueuses et aymables qu'on eust sceu desirer.

  A018000951 

 Au reste, que dires vous de nos afflictions domestiques? Ce n'est pas l'aymable belleseur de Thorens que vous avies veuë, c'est une seur toute autre que nous avons veu trespasser ces derniers jours; car, des un an en ça, elle estoit tellement perfectionnee qu'elle n'estoit plus connoissable, mais sur tout despuis sa viduité, qu'elle s'estoit voüee a la Visitation.

  A018000951 

 Aussi, mon Dieu, quelle fin a elle faite! certes, la plus sainte, la plus suave et la plus aymable qu'il est possible de s'imaginer.

  A018000951 

 Non, je la cherissois d'un amour infiniment plus que fraternel; mais, ainsy qu'il a pleu au Seigneur, ainsy doit il estre fait: son saint nom soit beni! Amen.

  A018000960 

 VIVE JESUS et MARIE, que j'ayme plus que ma vie! » et semblables, prononcés si suavement que merveilles..

  A018000991 

 Mais il y a de longues années déjà que, converti au Christ, Evêque et Pasteur de nos âmes, il est venu, ou plutôt revenu, à sa très douce Epouse, l'Eglise catholique, dans la communion de laquelle il a été rétabli à [77] Rome même, et par l'ordre du bienheureux Pontife Clément VIII. Plus tard, il reçut de notre Très Saint-Père le Pape Paul V — que Dieu conserve! — un canonicat de notre Eglise de Genève, ainsi qu'une pension qui devait tant bien que mal subvenir à sa pauvreté; car, en ce qui concerne le canonicat, personne assurément, si économe soit-il, ne peut vivre de ses revenus: à peine s'élèvent-ils a quarante écus, et encore, le plus souvent, ils n'atteignent pas même vingt-cinq pièces d'or.

  A018000992 

 Je saisis cette occasion pour vous féliciter vivement de vos deux derniers livres, pleins de piété, par lesquels vous avez ranimé le cœur [78] des fidèles et les avez excités à poursuivre une perfection plus haute.

  A018000992 

 Mais je dirai encore un mot à mon seigneur. Combien je voudrais, ô Dieu de bonté! combien souhaiteraient aussi la plupart des gens de bien, que nous eussions, sinon toutes, au moins l'une ou l'autre des Epîtres de saint Paul, fût-ce des plus courtes, expliquée au triple sens historique, dogmatique et mystique, que signale Votre Illustrissime Seigneurie.

  A018000993 

 En attendant, tout en formulant ce vœu de tout cœur, je supplie le Dieu très bon et très grand de garder une vie florissante le plus longtemps possible à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime.

  A018001008 

 C'est pourquoy je vous exhorte de toutes mes forces de prendre au plus tost entre vous la resolution de commencer; pour a quoy vous servir et assister, je vous envoyeray homme bien instruit et de bonne qualité, quand vous me feres sçavoir qu'il en sera tems, et moy mesme, s'il est requis, je m'y achemineray tres volontier, et m'estimeray bien heureux si je puis estre utile a faire reuscir un dessein si honnorable et pieux.

  A018001010 

 Vostre plus humble et tres affectionné.

  A018001032 

 A quoy elles perseverent, et prient lesditz Reverens Peres d'en venir a expedient amiable par les voyes qui seront advisees plus propres; et ce, en consideration de la charité religieuse qui doit regner entre des personnes qui, par commune vocation, ont quitté le monde pour servir Dieu, lesquelles se pouvant entr'ayder, le doivent faire, et non pas s'empescher l'une l'autre..

  A018001069 

 Humblement prosternées aux pieds de Votre Béatitude, elles adressent à Votre providence Apostolique les vœux les plus ardents pour qu'elles puissent, sous son bon plaisir et avec sa dispense, posséder en commun des biens fonds et autres immeubles.

  A018001069 

 Il y a dans ce diocèse de Genève deux Monastères de l'Ordre de Sainte-Claire, transférés, depuis plus de soixante ans, l'un de la cité de Genève en celle d'Annecy, l'autre de la ville d'Orbe en celle d'Evian, lorsque l'injustice et la violence des hérétiques chassèrent les Religieuses de leurs couvents.

  A018001069 

 Mais désormais, ce diocèse, cruellement appauvri par les fréquentes incursions des hérétiques et les ravages de longues guerres, ne peut plus répondre à leurs demandes de [89] secours.

  A018001070 

 En effet, libres et affranchies par ce moyen des pénibles anxiétés qui, dans un si grand dénûment de toutes choses, semblent presque étouffer l'élément spirituel, elles se rendront avec ardeur parfaites observatrices des autres règles de leur Ordre; et, avec plus de [90] joie, de facilité, d'attention et de persévérance, elles s'adonneront à célébrer les louanges de Dieu et à prier pour l'Eglise..

  A018001096 

 Finalement, les choses en sont venues maintenant à un tel point qu'il n'y a plus du tout moyen de pourvoir à leur subsistance, si le Siège Apostolique ne daigne leur donner la dispense nécessaire pour qu'elles puissent posséder en commun des biens fonds et autres biens immeubles..

  A018001097 

 En effet, après trente années d'une guerre cruelle, après les fréquentes et désastreuses incursions des hérétiques, on ne peut plus trouver dans ce diocèse de Genève, des aumônes suffisantes pour soutenir et entretenir ces Monastères.

  A018001097 

 Je passe sur ce qu'une expérience convaincante nous apprend de la mendicité des femmes: elle est toujours accompagnée de préoccupations pénibles, de soucis immodérés et continuels, de pensées mélancoliques, d'industries dangereuses sur les moyens de demander et d'obtenir, et des plus troublantes inquiétudes..

  A018001098 

 Aussi, voyant cette pauvreté extrême nuire beaucoup à leur vie intérieure et rendre ces Religieuses incapables de persévérer plus [92] longtemps dans leur vocation, si le Siège Apostolique ne pourvoit d'un remède opportun, j'ai tenu — bien que le soin de ces Sœurs incombe, non à moi, mais aux Frères Mineurs — à appuyer les demandes et les supplications qu'elles se proposent d'adresser à Sa Sainteté, par mes très humbles prières à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime, que je souhaite beaucoup leur être favorable..

  A018001099 

 Bien plus, alors que, pour le Jubilé, il est permis à chacun de choisir un confesseur à son gré, pourvu qu'il soit approuvé par l'Ordinaire, ce moyen de soulager leur conscience leur est interdit par une cruelle injustice.

  A018001146 

 Je [97] vous supplie, mon Reverend Pere, de me faire cette faveur que ce soit au plus tost..

  A018001148 

 J'ay receu une lettre de la premiere qui estoit addressee a Vostre Reverence, et en vostre absence, a moy, en laquelle j'ay plus de part que je ne merite; c'est pourquoy je ne vous la renvoye pas..

  A018001191 

 Que si je ne puis, [102] vous aures plus que vostre desir, puisque le bon Pere que j'ayme et honnore si cordialement, y fera cent fois mieux le service de nostre commun Maistre que moy..

  A018001200 

 C'est pourquoy je n'ay plus rien a vous dire, sinon que je ne cesse jamais de souhaiter mille et mille benedictions a vostre chere ame que j'ayme de tout mon cœur, estant a jamais,.

  A018001202 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A018001214 

 Je fus l'autre jour dire a Dieu a mon tres cher, tres aymable et tres digne voysin Monseigneur de Belley, qui s'en reva en son Paris et païs prescher a Saint Severin; et outre mille qualités qui m'obligent a l'honnorer, je le vis si plein d'amour, de respect et d'estime pour vos merites quil ne se peut rien adjouster, et partant vous fustes une grande part de nos plus doux entretiens..

  A018001217 

 Vous commanderes, et vous seres obei de tous eux, et de moy en verité plus affectionnement que de tout le reste, puisque, vous baysant tres humblement les mains et vous souhaitant toute sainte fœlicité, je suis,.

  A018001282 

 Et je vous prie de croire que je vous ay neanmoins escrit plus d'une fois despuis, et que je suis bien marri quand je sçay que vos addresses me manquent, car je fay beaucoup d'estat de vos escris, esquelz j'apprens ordinairement et treuve une particuliere consolation..

  A018001335 

 En effet, il a maintenant touché du doigt que j'ai raison; car, dans tout le jardin du collège, il n'est pas une place plus stérile et moins propre à la récréation: deux fenêtres des Pères Dominicains y ont vue directe, et le Père Prieur prétend bâtir son Noviciat contre le mur qui donne juste sur cet endroit-là, avec des fenêtres du même côté.

  A018001335 

 Mais, pour le dire librement et sincèrement, si le prix de cette place de l'étang est employé comme il convient, il sera bien plus utile au collège que la place elle-même; voilà pourquoi j'ai été étonné des préventions de nos Pères, [120] auxquels néanmoins je n'en ai point parlé; car voyant que la seule idée de cette affaire les refroidissait avec moi, je n'ai pas voulu passer outre.

  A018001337 

 Et puisque je n'ai pas le temps d'écrire plus longuement, ou plutôt, ayant sujet de vous faire agréer mes excuses pour m'être trop étendu, je souhaite à Votre Paternité Révérendissime tout saint bonheur dans le service du Seigneur, et je demeure.

  A018001337 

 Je supplie de nouveau Votre Paternité Révérendissime d'autoriser le voyage du P. D. Juste, qui me sera de moindre dépense, et à la Congrégation de plus grande utilité.

  A018001384 

 Je suis allé tout gay comme un petit oyseau, dans ma chaire, ou j'ay chanté plus joyeusement que l'ordinaire a l'honneur de ce grand Dieu, qui a racheté ma vie de la mort, et qui me couronnera en sa misericorde et miserations.

  A018001385 

 Dieu soit a jamais beni, et veuille de plus en plus establir l'esperance qu'il nous donne de la guerison de ma tres aymee Mere et Fille.

  A018001409 

 C'est pourquoy, bien que par les projetz de l'annee passee je devois m'imaginer que vous n'esties plus icy, si est ce que je n'ay peu m'empescher que d'abord mon cœur ne vous cherchast autour de [128] madame vostre mere.

  A018001413 

 Elle rend la jeunesse et plus sage et plus aymable, et la viellesse moins insupportable et ennuyeuse..

  A018001429 

 Quelle plus grande austerité y peut-il avoir que de tenir sa volonté sujette et continuellement obeyssante?.

  A018001441 

 Il est vray neanmoins qu'une fille qui voudra perdre son ame et son honneur se pourra marier apres les vœux, comme feroit la plus grande professe de France si elle se vouloit perdre et se servir de l'Edict de pacification.

  A018001441 

 Le formulaire [132] de vos vœux est fait selon ceux des pareilles Congregations d'Italie, et exprime beaucoup plus la force de l'obligation que ne font la pluspart des formulaires de la Regie de saint Benoist.

  A018001442 

 Il est vray, on peut estre dispensé des vœux simples, et des autres aussi; plus facilement toutefois de ceux la que de ceux ci, mais non sans grande occasion, et lhors qu'il est expedient: dont les Peres Jesuites se treuvent extremement bien, maintenant en partie le lustre de leur tres illustre Compaignie par ce moyen, lequel le monde n'appreuve pas, mays ouy bien Dieu et l'Eglise.

  A018001443 

 En fin, les Religieux, mesme les plus solemnelz, expulsent; au moins voit-on des [133] Religieux expulsés de l'Ordre de Saint François, voire mesme des Capucins; et les Peres Jesuites, qui sont si avisés et prudens, expulsent pour les desobeyssances, pour peu qu'elles soyent affectionnees et entretenues..

  A018001454 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Niece, ma Fille, dequoy vous perseveres tous-jours au soin de luy garder les plus pretieuses affections de vostre cœur.

  A018001479 

 Comme Vostre Altesse Serenissime pouvoit choysir mille et mille personnes plus capables de servir dignement Monseigneur le Prince Cardinal au voyage de France, aussi ne pouvoit elle donner le commandement de ce faire a homme qui vive, qui, avec plus de fidelité et de cœur, receut cet honneur, ni qui, avec plus d'affection, se veuille essaÿer de correspondre par son tres humble service a la faveur et gloire que je sens d'y estre appellé.

  A018001513 

 Secondement, en cette Congregation on desire recevoir les filles de petite complexion, et lesquelles, faute de forces corporelles, ne peuvent estre receuës es Religions plus austeres.

  A018001513 

 [140] C'est pourquoy il est plus convenable que celles-ci qui, faute de forces corporelles, ne le pourroyent pas dire posement, ne disent que le petit Office..

  A018001521 

 Le Concile de Trente suffiroit, mais [142] pour le faire valoir plus efficacement, la susdite lettre seroit requise..

  A018001535 

 Nous sçavons bien cette douce importunité des amans, qui se playsent d'ouïr mille et mille fois repeter qu'on les ayme, non pour s'asseurer, mays pour se complaire en l'asseurance quilz ont, qui semble estre mieux savouree quand ell'est plus souvent repetee.

  A018001537 

 Pleut a Dieu seulement qu'elles eussent poursuivi leur voyage jusques icy, ou madame de Chantal leur avoit præparé une douce retraitte pour tant qu'elles eussent volu; je m'asseure qu'elles s'en fussent retournees fort consolees de voir la devotion qui se prattique en la Mayson de la Visitation, ou maintenant nostre fille est portiere pour la seconde fois, tant on estime sa vertu que de luy donner cette charge, l'une des plus importantes, affin que je vous die encor ce mot de consolation..

  A018001538 

 Quant a moy, je pense que la douceur gaigneroit plus sur cett'ame qu'aucune autre chose; au moins vois-je bien que l'amertume la trouble demesurement.

  A018001541 

 En cette presse, on ne vid jamais un esprit si clair, si doux, si paisible, ni plus de marques d'une vraye sainteté, car jusques au trespas elle souspira des [affections] si extremement devotes qu'elle nous ravissoit tous en admiration.

  A018001584 

 Conservés-le donq bien, ce cœur, en ce juste contentement qu'il a de se sentir en paix avec son Dieu; paix de laquelle le prix n'est point au monde, non plus que la recompense, puisqu'elle vous est acquise par le merite [150] du sang de nostre Sauveur, et qu'elle vous acquerra le Paradis eternel, si vous la gardes bien.

  A018001597 

 Certes, puisque vous le voules, je ne sçaurois aussi plus me priver de ce contentement..

  A018001598 

 Et vous diray donq, ma tres chere Fille, que je suis bien ayse que ces filles soyent venues icy faire l'apprentissage du sacré mestier que par apres elles iront exercer, comme j'espere, dedans le païs de leur naissance et de mon affection: pour moy, je n'en puis plus douter, voyant cette generale concurrence des souhaitz qu'en font tant de gens de bien.

  A018001614 

 Outre que, s'il y avoit quelque chose de plus, il devrait plustost estre destiné a l'accommodement des Peres Capucins qui, des plusieurs annees en ça, resident audit lieu de Gex et y travaillent avec beaucoup de zele et d'incommodités..

  A018001615 

 Et lhors, Sire, si Vostre Majesté me commandoit de nommer quelle compaignie j'estimerois plus propre pour ce lieu la, je nommerois celle des Prestres de l'Oratoire, bons a toutes sortes de services spirituelz et qui plus aysement peuvent se mesler parmi les adversaires..

  A018001615 

 Et quant a ce que Vostre Majesté veut sçavoir, s'il seroit point plus a propos d'introduire en la ville dudit Gex quelque compaignie de Religieux reformés, je pense, Sire, qu'il n'y a point de doute, puisque les desvoyés ne sont pas moins attirés a la connoissance du bon chemin par les bons exemples que par les bonnes instructions.

  A018001653 

 L'autre est que laiqs ne peuvent en conscience tenir les benefices, ni les nominateurs ne peuvent non plus les tenir en suspens sans offencer Dieu et les ames [159] des fondateurs.

  A018001655 

 Vostre plus humble tres affectionné serviteur,.

  A018001691 

 Si c'est sur luy, pourquoy pleurer, que nostre Frere est en Paradis ou les pleurs n'ont plus de lieu? Que si pour vous, n'y a-il point trop d'amour propre (je parle avec vous ainsy franchement), d'autant qu'on jugera que vous vous aymes plus que son bonheur, qui est incomparable? Et voudries vous que, pour vous, il ne fust pas avec Celuy in quo movemur et sumus, tous tant que nous sommes qui acquiesçons a son saint playsir et divine volonté?.

  A018001692 

 Mais venes nous voir, et souvent, et nous convertirons les pleurs en joye, nous souvenant par ensemble de celle de laquelle nostre bon frere jouit et laquelle jamais plus ne luy sera ostee.

  A018001763 

 Et que Dieu vous regarde avec amour, vous n'aves nul sujet d'en douter; car il voit amoureusement les plus horribles pecheurs du monde, pour peu de vray desir qu'ilz ayent de se convertir.

  A018001764 

 Mais, ma Fille, l'amour de Dieu ne consiste pas en consolation ni en tendreté; autrement, Nostre Seigneur n'eust pas aymé son Pere lhors qu'il estoit triste jusques a la mort et qu'il crioit: Mon Pere, mon Pere, pourquoy m'as-tu abandonné? Et c'estoit lhors, toutefois, qu'il faysoit le plus grand acte d'amour qu'il est possible d'imaginer.

  A018001764 

 Vous dites bien, ma tres chere Fille, que ces tentations vous arrivent parce que vostre cœur est sans tendreté envers Dieu; car c'est la verité que si vous avies de la tendreté vous auries de la consolation, et si vous avies de la consolation vous ne series plus en peyne.

  A018001766 

 Vivés joyeuse: Nostre Seigneur vous regarde, et vous regarde avec amour, et avec d'autant plus de tendreté que vous aves d'imbecillité.

  A018001834 

 Mais on attend les dépêches de Rome; ayant maintenant pour les obtenir un solliciteur aussi habile que l'est le P. D. Juste, et de si nombreuses recommandations, il faut espérer qu'avec la grâce de Dieu nous les recevrons bientôt, d'autant plus [180] qu'il s'agit du service et de la gloire de sa divine Majesté, et du salut des âmes rachetées par le sang du Rédempteur.

  A018001834 

 Pour vous y encourager, je vous assure que cette Congrégation croît toujours plus dans la perfection religieuse et répand une telle odeur [de vertu], que de plusieurs côtés on demande des Sœurs pour fonder des Monastères.

  A018001861 

 Il estoit vierge, et la plus douce et humble ame qu'on sçauroit dire..

  A018001861 

 Il me semble que ce fut saint Thomas d'Aquin que vous tirastes pour le mois: le plus grand Docteur qui aye jamais esté.

  A018001872 

 Dieu face de plus en plus abonder ses graces sur la personne de Vostre Altesse, a laque (sic) je suis,.

  A018001887 

 Si bona suscepimus de manu Domini, mala etiam cur non sustinemus? Mays je sçai si asseurement que nos prætentions tendent a la plus grande gloire de Dieu, que je ne puis perdre l'esperance de les voir reuscir, apres que sa divine Majesté aura un peu espreuvé nostre courage..

  A018001890 

 Ains, si cela se pouvoit obtenir, je l'aymerois mieux que toute autre [187] chose, car toutes les difficultés cesseroyent; mays j'ay grand peur que cela ne fut encor plus difficile a impetrer du Saint Siege, quoy que l'exemple des Peres Jesuites serviroit de beaucoup pour faciliter l'affaire..

  A018001890 

 Et plus tost que de mettre le grand Office en cette Congregation, j'aymerois mieux accepter le parti que Monseigneur de Lyon propose, pourveu qu'on le puisse impetrer du Saint Siege: a sçavoir, que cette Congregation demeurast en tiltre de simple Congregation, avec les vœux simples, et qu'il pleut neanmoins a Sa Sainteté d'annuller et casser, ou declarer nulz et de nulz effectz, tous les mariages que les Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais permettre) voudroyent contracter apres avoir faitz lesditz vœux simples, tout ainsy que Gregoire 13 a fait en faveur des Jesuites estudians.

  A018001891 

 Que si en fin on ne peut mieux faire, il faudra au moins tascher d'obtenir que cette Congregation soit mise en tiltre de Religion, mais avec remission de l'obligation de dire le grand Office, tant en particulier qu'en general, pour le plus long tems que se pourra, comme pour cinquante ans ou soixante; car au bout dudit tems on obtiendroit peut estre bien une prolongation, quand le Saint Siege auroit veu par experience que cette dispense reusciroit a plus grand bien.

  A018001908 

 Que si je n'ay pas escrit plus tost, ça esté sans ma coulpe, a cause de la multitude des bonnes occupations qui m'environnent, outre la principale des sermons..

  A018001910 

 Plus humble, tres affectionné frere et serviteur,.

  A018001928 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A018001962 

 Et de toutes les assistences quil vous fait, sa divine Majesté luy en tiendra bon comte; comm'il fera aussi de la patience et du courage que vous prattiqueres a maintenir et avancer cette Mayson lâ, laquelle reuscira un jour dautant plus grande qu'elle semble croistre plus lentement..

  A018001982 

 La premiere, que les Seurs disant le petit Office gravement et avec pauses, elles y employent autant de tems comme la pluspart des autres Religieuses en mettent a dire le grand Office, sans autre difference, sinon que les unes le disent avec plus d'edification et meilleure prononciation que les autres.

  A018001984 

 La seule consideration de la plus grande gloire de Dieu me donne ce desir, et l'utilité de plusieurs ames capables de servir beaucoup sa divine Majesté en cette Congregation, avec la seule charge du petit Office, incapables autant de pouvoir suivre le grand Office.

  A018001998 

 Mais elle passe bien plus avant, car elle dit que je ne suis pas homme, mais quelque divinité envoyee pour se faire aymer et admirer, et, ce qui importe, elle dit qu'elle passeroit bien plus outre, si elle osoit..

  A018001999 

 Mais pourtant, dites-le luy si doucement, amiablement et saintement, qu'elle treuve bonne cette reprimande, laquelle part du cœur plus que paternel que vous connoisses, comme fille certes tres chere de mon cœur, mais fille en laquelle j'ay mis toute confiance..

  A018001999 

 Or, dites luy, ma tres chere Fille, qu'il ne faut jamais attribuer, ni en une [197] façon ni en l'autre, la divinité aux chetifves creatures, et que penser encor de pouvoir passer plus outre en louange, c'est une pensee desreglee, ou au moins de le dire ce sont paroles desordonnees; qu'il faut avoir plus de soin d'eviter la vanité es paroles qu'es cheveux et habitz; que des-ormais son langage soit simple, sans estre frisé.

  A018002039 

 Il me tardoit bien fort, ma tres chere et plus que tres chere Mere, de vous escrire des icy, ou je suis arrivé, grace Dieu, en bonne santé.

  A018002048 

 Je consens tres librement que nostre tres chere Seur Peronne Marie communie trois, voire quatre et plus encor de fois la semaine jusques a l'edition des Regles, et que tous-jours une des Seurs communie avec elle; et quand elle ne communiera pas, qu'une Seur communie, [205] en sorte que tous-jours quelque Communion se face tous les jours; car je me confirme tous-jours plus au desir que je vous ay communiqué, qu'en cette Congregation la Communion y soit quotidienne de quelques unes des Seurs a tour, pour le souhait que le sacré Concile de Trente fait de voir que quelqu'un communie a chaque Messe, ainsy que je le declareray plus a plein aux Regles..

  A018002052 

 Je salue d'un cœur incomparablement paternel toutes [206] nos cheres Filles, que j'ayme tous les jours plus, m'estant advis que je dois cela a l'affection qu'elles ont de bien servir Dieu.

  A018002055 

 Maintenes moy bien es bonnes graces de celles que Dieu veut estre plus de mon soin..

  A018002057 

 Je ne vous envoye pas le contract, d'autant que je n'ay peu le faire copier, et si il me semble quil ne soit pas trop bien fait; mais je vous en escriray plus amplement.

  A018002058 

 Aymes bien madame de Granieu, car quant a madame Barbe Marie, il y a si long tems quil ne le faut plus dire.

  A018002072 

 Et quoy que vous ne voyes pas les ressortz par lesquelz ce bien vous doit arriver, demeures tant plus asseuree qu'il arrivera.

  A018002073 

 Ayes le soin qu'il veut que vous ayes en vostre personne et en vostre famille, et non plus, car ainsy vous verres qu'il aura soin de vous.

  A018002074 

 [210] Et pourquoy donq n'aures vous pas courage de reüscir de toutes les autres adversités? Dieu ne vous a pas abandonnee jusques a present; comme vous abandonnera-il des a present, que, plus qu'auparavant, vous voules estre sienne?.

  A018002096 

 Quant au jardin, mon tres cher Pere, je n'y pense plus; non que je ne voye bien que le projet que nous avions fait n'incommodoit pas le [collège,] ains l'accommodoit par le moyen de la recompense que nous eussions donnee; mais, par la grace de Dieu, je n'eus jamais [212] desir de me rendre contentieux, ni de blesser l'esprit de personne..

  A018002111 

 Vostre plus humble,.

  A018002181 

 En suite de quoy, comme je conseille a madame de Chantal de ne point s'arrester a la diminution des esperances que nous avions des biens, aussi vous conjure-je, Madame, d'apporter de vostre costé tout ce qui peut faciliter et rendre douce et aggreable l'execution d'une si bonne [222] œuvre, et de prendre la methode la plus claire et franche.

  A018002183 

 Vostre plus humble serviteur.

  A018002194 

 En cette vacance de l'estât d'advocat de Vostre Grandeur en ce Conseil de Genevois, advenue par la promotion de monsieur Ouvrier a celuy de senateur, je croy que le sieur Mottier sera proposé a Vostre Grandeur; et je puis dire que si elle luy fait la grace de le recevoir en cette charge, ell'en sera extremement bien servie, non seulement par ce que c'est l'un des plus dignes advocatz que nous ayons en ce païs, mais aussi par ce qu'il [223] affectionnera ardemment son devoir.

  A018002210 

 Dieu soit loüé! Du reste, nous en parlerons avec un peu plus de loysir quand vous viendres icy; et cependant, voyla un billet de nostre Mere, que j'ay ouvert comm'addressé a [ma] fille et tres chere fille.

  A018002225 

 Quelle apparence y auroit il de laisser partir ce porteur, de mes amis et confreres, sans luy donner ces quatre motz? car ne faut il pas, le plus souvent que l'on peut, ramentevoir cette juste et inviolable affection plus que fraternelle que mon cœur a envers vous? Il est vray, Monsieur mon tres cher Frere, plus l'honneur et le bien de vous revoir m'est differé, plus ce sentiment va croissant en moy..

  A018002226 

 Au reste, on nous a annoncé de toutes partz le mariage de Sa Grandeur; mais j'attens que vous me le facies sçavoir, avant que j'en tesmoigne ma joye, comme je dois, a sadite Grandeur, avec laquelle je me res-jouirois bien davantage si on ne nous asseuroit pas, par la mesme [225] nouvelle, qu'elle se resoult de ne venir plus icy.

  A018002246 

 Monsieur nostre Prieur vous dira les nouvelles tous-jours plus asseurees de la paix.

  A018002264 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A018002290 

 Cependant, salues cherement tout ce qui est plus cher a mon ame dans vostre Grenoble.

  A018002304 

 J'ay regardé avec compassion l'estat de vostre cœur, des que j'ay sceu le desplaysir qu'il a receu ces jours passés; car encor que je sache bien que, graces a Dieu, l'experience et accoustumance que vous aves faite des quelques annees en ça a souffrir les mescontentemens, aura affermi vostre ame et animé vostre courage pour n'estre plus si extraordinairement sensible a ces coups inevitables de nostre condition mortelle, si est ce que d'ailleurs je crains que ces recharges si frequentes n'estonnent vostre resolution.

  A018002317 

 Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma tres chere Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces separations; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces separations exterieures, ni aux desplaysirs qui en procedent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux empesche la libre communication des ames, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres.

  A018002338 

 En somme il est donq vray, Monsieur mon Frere, que les estoilles ne sont plus en veuë quand le soleil l'est sur nostre horizon, et qu'ainsy ce grand contentement que vous contemples au mariage de Monsieur vous vaut tellement que nous ne sommes plus en memoire.

  A018002340 

 Vostre plus humble et affectionné frere et serviteur,.

  A018002352 

 Que nous serons heureux, ma tres chere Mere, si nous changeons un jour n.ostre nous mesme a cet amour qui, nous rendant plus un, nous vuidera parfaitement de toute multiplicité, pour n'avoir au cœur que la souveraine unité de la tressainte Trinité, qui soit a jamais benite au siecle des siecles! Amen.

  A018002362 

 Mais ne pouvant pas encor, je demeure, et suis de plus en plus desireux d'estre reconneu et advoué de vous,.

  A018002379 

 Je me resouviens fort bien qu'un jour en la confession vous me dites comme vous faysies, et je vous dis que cela alloit fort bien, et qu'encor qu'il falut porter un point, si toutefois Dieu vous tiroit a quelque affection soudain que vous series en sa presence, il ne falloit point s'attacher au point, ains suivre l'affection; et quand elle sera plus simple et plus tranquille, elle sera meilleure, car elle attache plus fortement l'esprit a son object.

  A018002381 

 Je ne cesseray jamais de l'en supplier, car croyes, ma tres chere Fille, que je cheris tendrement et plus que paternellement vostre ame et vostre cœur, que Dieu veuille de plus en plus rendre siens.

  A018002384 

 Je doy [239] une response a M. d'Aouste, vostre bienaymé et bien aymable cousin, mais je payeray la debte, quoy qu un peu plus tard, Dieu aydant; dites le luy, je vous supplie, ma tres chere Fille..

  A018002447 

 Et en ce païs mesme de deça, si on ne les a fait publiques, on les a fait generales, et moy je les ay fait tres particulieres, comme ayant receu en vostre conservation un des plus singuliers bienfaitz que j'aye receus il y a long tems..

  A018002479 

 Certes, je croy pourtant qu'il n'en peut [248] plus, car, comme un plaideur qui a mauvaise cause, il ne sçait plus que faire, sinon caler et prendre des delais..

  A018002514 

 C'est pourquoy, toutes choses considerees, j'ay creu qu'il estoit requis de faire un'assemblee a cett'intention et qu'il seroit a propos qu'elle se fit icy, affin que nous fussions plus pres de Son Excellence, pour, en cas quil fut necessaire, recourir a elle..

  A018002514 

 Outre l'extreme desir que j'ay tous-jours eu de voir une resolution au maniment des affaires de la Sainte Mayson, par laquelle tous ceux qui y servent a Dieu puissent vivre avec plus de tranquillité qu'on n'a pas fait jusques a present, monsieur le Marquis de Lans me convie a m'employer a cela, s'offrant de son costé de contribuer toute son authorité et son pouvoir.

  A018002515 

 Pour cela, j'ay prié ce Pere de procurer de dela une assemblee preparatoire, en laquelle vous deputeres ceux qu'il vous semblera plus propres a laditte resolution; et pourveu que le jour de Saint Pierre aux liens et celuy de Nostre Dame ad Nives soyent exceptés, tout autre tems [253] m'est indifferent, vous priant seulement, sil se presentoyt commodité, de m'en advertir..

  A018002544 

 La Congregation des Cœlestins, agitee maintenant en France de quelque contention, espere que la venue [255] de son Abbé general, qui est de plus commis expressement par nostre Saint Pere le Pape, calmera et accoysera aysement leur petite mer; mais sur tout, si l'œil de Vostre Majesté en favorise le dessein..

  A018002562 

 Je ne voy pas qu'il y ayt autre chose a dire en l'affaire de nostre chere Seur, sinon qu'il faut au plus tost faire le renvoy de cette pauvre fille.

  A018002562 

 Madame [de] Brochenu, sa tante, me dit a Grenoble qu'elle desiroit [qu'on] la renvoyast en la Mayson de Grenoble, estimant [que l'air] luy seroit plus propre; c'est pourquoy il ny [aura pas] grande difficulté de la renvoyer, en disant [que ce] n'est pas l'air, mais la volonté de cette fille [qui l']afflige.

  A018002596 

 Ce porteur m'a fort obligé par la peine qu'il a prise de me venir voir, mais encor plus par le soin qu'il a eu de me dire de vos nouvelles, puisqu'elles sont toutes bonnes, et qu'avec cela, pour me donner plus de gloire et de contentement, il m'a dit que vous avies souvent memoire de moy; car je confesse franchement que ce bonheur m'est grandement praetieux, selon l'extreme affection que je sens en mon ame a cherir et honnorer singulierement la vostre qui m'est tous-jours presente, je vous asseure, au moins en mes principales prieres, qui sont celles de la sainte Messe.

  A018002597 

 Dieu, par sa bonté, vous veuille combler de ses plus desirables benedictions, ma tres chere Fille, et vous rendre de plus en plus toute parfaitement sienne.

  A018002612 

 Or ainsy soit il et a la tres bonne heure, que tous-jours, quand vous obeires, vous vous treuvies de plus en plus unie a nostre Sauveur..

  A018002615 

 Je suis bien ayse que vous ayes une parfaite confiance a la Mere de dela, car je croy qu'elle vous sera utile, et c'est une Mere qui est toute ma tres chere fille et en laquelle j'ay toute confiance aussi; et sans cette confiance je luy escrirois plus souvent, mais je m'en dispense, comme je feray de vous a qui j'escris maintenant par rencontre, et j'en suis bien ayse.

  A018002651 

 Mais il y a bon espoir d'une augmentation de revenu, d'autant plus que M gr l'Evêque de Valence, Prélat vraiment [263] de grand mérite et très zélé, aidera volontiers, je le sais, au succès de l'affaire et protégera la Congrégation avec une particulière sollicitude..

  A018002652 

 Toutefois, outre que nous avons l'exemple des collèges des Pères Jésuites, cette condition, loin de nous faire hésiter, doit au contraire nous exciter à accepter; car peut-être n'y a-t-il pas de voie plus facile pour convertir les hérétiques que celle-ci, et ce moyen employé avec adresse aura un merveilleux succès..

  A018002654 

 De plus, l'enseignement de la théologie et de la philosophie sera excepté.

  A018002668 

 Dites moy, ma tres chere Fille, vostre cœur que fait il? Il est, je m'asseure, plus brave que l'ordinaire en cette sainte octave en laquelle on celebre les triomphes de nostre Reyne, en la protection de laquelle nostre esprit repose et nostre petite Congregation respire.

  A018002680 

 C'est pourquoy, Monseigneur, je suis forcé de recourir de rechef a l'æquité et bonté de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse d'user de sa providence en cett'occasion et d'ordonner ces payemens, en sorte que meshuy ces pauvres ecclesiastiques puissent en paix faire le service de Dieu en leurs eglises; et cette divine Majesté en benira de plus en plus Vostre Altesse,.

  A018002697 

 Mays pour tout cela, non plus que pour trente pareilles promesses, rien ne se fait, ains finalement Son Excellence a declaré qu'il n'y avoit pas moyen; qui me fait de rechef hurter a la providence de sadite Altesse.

  A018002698 

 Et les parroisses en seront soulagees, car elles payeront plus a commodité, et les curés asseurés, tant de ce qui leur est deu et qu'ilz doivent reciproquement [269] ailleurs ou ilz ont emprunté, que de ce qui leur doit ci apres estre payé pour leurs pensions..

  A018002699 

 Mais encor, s'il n'y a de bonnes clausules derogatoires, courrions nous fortune de n'avoir rien, tant sommes nous favorisés en nos poursuites, pour justes qu'elles soyent! Ce que je dis, non pour me plaindre de la Chambre, qui est certes marrie de nous voir maltraitter non obstant les arrestz qu'elle a rendus pour nous contre les gabelliers, mais pour vous supplier, Monsieur, de ne rien oublier es depesches, affin que nous vous soyons, et ces curés et moy, de plus en plus obligés.

  A018002701 

 Vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A018002734 

 Depuis longtemps j'aimais, bien plus, je vénérais votre personne et votre nom, mon [271] Père; non seulement à cause de l'estime que je fais toujours de tout ce qui tient à votre Compagnie, mais encore à cause des œuvres remarquables de Votre Révérence, dont j'ai d'abord entendu parler, et qu'ensuite j'ai vues, examinées, admirées..

  A018002736 

 Cette constatation m'a été d'autant plus agréable, que moi-même j'ai toujours regardé cette opinion comme plus vraie et plus aimable, en tant que plus digne de la grâce et de la miséricorde divine.

  A018002752 

 — Je suis ce que je viens de dire, plus que vostre..

  A018002796 

 J'espere d'aller faire dans quelques jours un peu de saint repos aupres de luy, qui est nostre commun phœnix, pour odorer les bluettes de cinnamome dans lesquelles il veut mourir, pour plus heureusement revivre parmi les [280] flammes de l'amour sacré duquel il escrit les saintes proprietés dans une histoire qu'il compose..

  A018002796 

 Oh! si j'estois veritablement Theophile, comme vostre grand Prelat m'appelle (plus selon la grandeur de sa charité que selon la connoissance qu'il a de mes infirmités), que je vous serois aggreable, mon tres cher Frere! Mays si vous ne me pouves aymer parce que je ne le suis, aymes moy affin que je le sois, priant nostre grand Androphile qu'il me rende par ses prieres son Theophile.

  A018002798 

 En verité, elle le fait, et plus que cela.

  A018002812 

 Mays de cela, Monsieur, vous en discerneres et jugeres, tandis que priant Dieu qu'il vous face de plus en plus abonder en sa grace, je veux estre a jamais de tout mon cœur,.

  A018002832 

 Au demeurant, comme je loue le desir que ledit sieur President a de finir ses jours en nostre vocation ecclesiastique, comme dans un havre de grace pour passer au havre de gloire apres cette si rude tempeste et l'essay des plus cruelz orages du monde, aussi suis je de vostre advis, que ce soit apres s'estre enrayé pour un peu du naufrage duquel il sort..

  A018002846 

 Vous ne sçauries, je vous asseure, Madame, m'escrire trop souvent, ni donner du divertissement a mes occupations par vos lettres, qui plus tost me soulagent par la consolation que j'ay de sçavoir des nouvelles de vostre cœur qui m'est extremement cher, et que je prie de tout le mien de vouloir continuer sa charité envers mon ame, la recommandant souvent a Nostre Seigneur; comme de mon costé je ne cesseray jamais de vous souhaiter la tressainte perseverance, avec un continuel accroissement en l'amour celeste de sa divine Majesté, qui est le comble de tout bonheur, Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et benisses de plus en plus la Bonté divine qui vous veut toute pour elle..

  A018002848 

 Vostre plus humble, tres fidele serviteur,.

  A018002861 

 Vous faites certes tres charitablement, ma tres chere Fille, de m'escrire souvent, car en verité, vos lettres me consolent et recreent extremement, puis que Dieu a voulu que mon cœur soit si paternel qu'il ne se peut dire plus, pour vous, qui estes reciproquement ma fille tres desirable es entrailles de nostre Sauveur.

  A018002863 

 Je vous escris sans loysir et seulement pour respondre a vostre petit billet; un'autre fois que j'auray plus de commodité, je respondray a vos deux precedentes, et qui sçait si dans le moys prochain je passeray a Grenoble? J'en ay certes quelqu'esperance: soit fait selon le bon playsir de Dieu.

  A018002894 

 Vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A018002917 

 Qui auroit le loysir d'y mettre un autre rideau, il ne la connoistroit pas, ou bien qui en osteroit le boys pour la luy rendre plus portable.

  A018002917 

 Voyla la plus belle des trois.

  A018002995 

 Mais notre Mère reviendra bientôt, c'est-à-dire au printemps, et d'ici là, les affaires du Monastère [295] de Turin s'affermiront sur un fondement plus solide.

  A018003024 

 Mais me voyant maintenant appelé à Paris pour servir notre Sérénissime Prince Cardinal en ce voyage de France, je perds tout espoir de le faire, d'autant plus que l'histoire dont il s'agit requiert [298] un écrivain qui soit à même de savoir beaucoup de particularités que je ne puis connaître ni apprendre ici, et moins encore en France..

  A018003075 

 Or, vous juges donq bien qu'estant aupres de ce Prince pour ce voyage, je ne suis plus a moy, ni n'ay point de liberté que celle qu'il me donnera.

  A018003076 

 Mays j'ay tort [de] dire tant de choses sur ce papier, puisque me voyci a la veille de vous voir en presence, et de prendre avec monsieur de Montelon tous les moyens de suivre au plus pres qu'il se pourra toutes ses volontés..

  A018003117 

 Deux fois par jour, Son Altesse lisait des livres français pour apprendre de plus en plus la langue et s'initier aux affaires de ce royaume.

  A018003136 

 Mon esprit ne peut cesser de penser en vous, ma tres chere Cousine, ma Fille, et ne voudroit faire autre chose [311] que de vous parler en la façon qu'il peut, et ne sçait neanmoins que vous dire, estant, comme le vostre, encor tout estonné; sinon, ma tres chere Fille, que le divin Espoux de nos ames veut que nous regardions tous nos evenemens dans le sein de sa celeste Providence et que nous jettions nos affections en l'eternité, ou nous nous reunirons tous pour ne jamais plus estre separés.

  A018003138 

 Pour moy, je ne puis pas dire plus que jamais, mais s'il se pouvoit dire, certes, je dirois qu'inseparablement, plus que jamais, je suis.

  A018003157 

 Je salue vostre cœur de tout le mien et vous prie d'aymer tous-jours bien ce vieux pere qui vous cherit, certes, de tout son cœur de plus en plus, ma tres chere Fille, et se res-jouit d'apprendre que, graces a Dieu, cette Mayson la s'advance en humilité, douceur, paix et amour divin.

  A018003158 

 Voyla, ma tres chere Fille, comme Dieu multiplie et benit l'œuvre qu'il luy a pleu de faire commencer par la petitesse et abjection de troys petites creatures, lesquelles pour cela doivent s'esvertuer d'estre de plus en plus toutes a la divine Majesté et a cette vocation, pour la rendre tous les jours plus aggreable a Dieu..

  A018003172 

 En cette generale allegresse de tout ce royaume sur l'heureuse conclusion du mariage de Vostre Altesse, je ne puis ni ne dois m'empescher de rendre quelque tesmoignage de la mienne, laquelle, certes, est d'autant plus grande, que d'un costé je suis plus obligé a la bonté de Vostre Altesse, et de l'autre j'ay reconneu plus particulierement un tres parfait assemblage de perfections en Madame, au visage, au maintien, au parler; en la conduitte de laquelle on remarque tant de traitz de bonté, de prudence, de douceur et de devotion, qu'on ne sçait discerner laquelle de ces perfections y èst plus parfaite.

  A018003186 

 Nous aurons au moins la plus vertueuse Princesse qui vive..

  A018003190 

 Je suis en luy, plus vostre qu'il ne se peut dire..

  A018003202 

 Oüy, ma Fille, j'ay presché ce matin devant la Reyne et tout son beau monde; mais en verité, je n'ay pas presché avec plus de soin, plus d'affection ni plus de playsir qu'en ma pauvre petite Visitation.

  A018003226 

 O Dieu, que c'est chose bien plus desirable d'estre pauvre en la mayson de Dieu, que d'habiter dans les grans palais des Rois! Je fay icy le noviciat de la cour; mais jamais je n'y feray profession, Dieu aydant.

  A018003228 

 Il est luy seul nostre paix, nostre consolation et nostre gloire: que reste-il, sinon que nous nous unissions de plus en [320] plus a ce Sauveur, affin que nous portions bon fruit? Ne sommes nous pas bien heureux, ma chere Mere, de pouvoir enter nos cœurs sur celuy du Sauveur qui est enté sur la Divinité? car ainsy, cette infiniment souveraine Essence est la racine de l'arbre, duquel nous sommes les branches, et nos amours les fruitz: ç'a esté le sujet de ce matin..

  A018003243 

 Je vous ay tesmoigné par mes lettres que je prendrois a faveur de me nommer vostre frere, qui est le mot du plus franc et desirable amour de tous ceux que la nature nous a donné et que la grace nous ordonne.

  A018003245 

 Et moy, ne pouvant sans prejudice du porteur escrire plus longuement, je demeureray d'un cœur paternellement fraternel,.

  A018003253 

 Puisque je n'ay sceu plus tost, ma tres chere Fille, je respondray maintenant aux deux pointz principaux pour lesquelz vous m'aves cy devant escrit..

  A018003255 

 Il y a plus: que quand Dieu se veut servir des revelations qu'il donne aux creatures, il fait preceder ordinairement ou des miracles veritables, ou une sainteté tres particuliere en ceux qui les reçoivent.

  A018003256 

 Il y eut du tems de la bienheureuse Seur Marie de l'Incarnation, une fille de bas lieu qui fut trompee [324] d'une tromperie la plus extraordinaire qu'il est possible d'imaginer.

  A018003259 

 J'avois oublié de vous dire que les visions et revelations de cette fille ne doivent pas estre treuvees estranges, parce que la facilité et tendreté de l'imagination des filles les rend beaucoup plus susceptibles de ces illusions que les hommes: c'est pourquoy leur sexe est plus addonné a la creance des songes, a la crainte des espritz et a la credulité des superstitions.

  A018003274 

 Mays il ny a remede; l'esprit de contrarieté se fourre par tout, mais plus violemment ou il sçait que l'unité et conformité seroit de plus grande edification.

  A018003275 

 De sçavoir sil seroit expedient de le loger ou a Sessi, ou a Grilly, je n'en puis pas bien resoudre de si loin, encor que j'inclinerois plus tost a Grilly.

  A018003277 

 Que si j'ay treuvé bon que M. Jaquin ny eut plus rien a faire, ça esté par ce qu'il failloit preferer l'un des deux, dont le premier ne vouloit point de compaignon, ni le second de maistre..

  A018003280 

 Vostre plus humble confrere et serviteur,.

  A018003300 

 De tout mon cœur, Madame, je me treuveray ou vous me marques et quand vous me marques, et ne refuse pas la commodité de vostre carosse, puisque je n'en ay point que de ceux qui me favorisent; parmi lesquelz vous estes, je vous asseure, l'une des ames a laquelle je souhaite plus cherement, tendrement et fortement toute sorte de sainte consolation, estant sans fin et sans reserve,.

  A018003314 

 Ma tres chere Mere, cette vie mortelle est toute pleine de telz accidens, et les douleurs de l'enfantement durent souvent plus que les sages femmes ne pensent.

  A018003315 

 Plus je vay avant en la connoissance du monde, plus j'estime heureux ceux qui sont a Jesuschrist, quoy qu'ilz endurent pour luy..

  A018003316 

 C'est, a mon gré, le plus digne d'amitié quil est possible de voir.

  A018003358 

 S'il plaît à Dieu, j'aurai désormais plus de facilité de traiter avec lui; car il ne sera plus surchargé de tant d'affaires tandis qu'on attendra la venue du Sérénissime époux.

  A018003360 

 La charité est la reine de la conscience; quand elle dit de différer pour la plus grande gloire de l'Epoux, la conscience ne doit point craindre.

  A018003377 

 En somme, Jesus glorifié est beau; mais quoy qu'il soit tous-jours tres bon, si semble-il qu'il le soit encor plus crucifié.

  A018003391 

 Je participe par ressentiment au mal que monsieur vostre mari souffre et a la peine que vous en aves, parmi laquelle nostre tres sacree Maistresse et Abbesse vous peut bien donner de la consolation, vous menant sur la montaigne de Calvaire ou elle tient le noviciat de son monastere, monstrant la leçon non seulement de bien souffrir, mais de souffrir amoureusement tout ce qui nous arrive, et a nos plus chers.

  A018003410 

 Il me semble, ma tres chere Fille, que vostre cœur est tellement asseuré de l'invariable affection que j'ay pour luy, qu'il ne sçauroit meshuy plus en douter: ce que Dieu fait est bien fait.

  A018003410 

 Que si j'ay retardé a vous escrire, attribués-le, je vous prie, a ce tracas insupportable parmi lequel il faut faire plus qu'on ne peut et qu'on ne veut, et ne faire pas ce que l'on veut, encor que l'on le peut..

  A018003413 

 Croyés moy, ma chere Fille, pour vivre content au pelerinage, il faut tenir presente a nos yeux l'esperance de l'arrivee en nostre patrie, ou eternellement nous arresterons; et ce pendant croire fermement (car il est vray) que Dieu qui nous appelle a soy regarde comme nous y allons, et ne permettra jamais que rien nous advienne que pour nostre plus grand bien.

  A018003430 

 En Piemont et Savoye on a fait des allegresses incroyables les festes de Noel, lors que le Prince eut receu les couleurs des faveurs ou les faveurs de couleurs de Madame; et le Prince publia un cartel pour un tournois general, auquel il invite toute l'Italie a venir voir mourir a ses pieds tous ceux qui diront que l'amarante n'est pas la plus belle de toutes les couleurs, et la Princesse qui favorise cette couleur, la plus digne qui est (sic) jamais esté, et quechevalier qui est son esclave n'est pas le plus heureux du monde.

  A018003430 

 Les ambassadeurs ont visité nostre chere petite Madame, avec tiltre de Vostre Altesse et conjouissance de son mariage: c'est la plus brave Princesse quil est possible de voir.

  A018003430 

 Vous ne doutes plus de nostre mariage, je m'asseure; car vous aures sceu meshuy que le contract fut solemnisé il y a 9 jours, que tout s'est passé avec un bonheur nompareil.

  A018003431 

 Qui luy pourroit persuader que la douceur et courtoysie est incomparablement plus honnorable que la violence et fierté, le mettroit au chemin de faire des merveilles.

  A018003432 

 Et je vous asseure que le pauvre garçon n'en est guere plus grand docteur que moy, ouy bien en toute sorte de vertu, pieté et courtoysie; et luy est advis qu'encor qu'il n'espouseroit pas M lle de Chantal, laquelle pourtant il a bien envie d'espouser, il ne laisserait pas d'estre vostre filz..

  A018003434 

 Dieu vous benisse et toutes nos Seurs; mays Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, que je cheris plus que moymesme, ou comme moymesme..

  A018003452 

 Plus je vay, plus je l'ayme..

  A018003468 

 Pour le point que vous me marques, il ne faut nullement alterer la regie du confesseur extraordinaire; ni aussi estonner ce (sic) Seurs infirmes qui ont appetit d'avoir communication avec le confesseur extraordinaire plus souvent que quatre fois l'annee.

  A018003491 

 Je salue bien cherement madamoyselle de Tornon, ma cousine, et desire bien qu'elle ayme plus la beauté [356] de son ame et face plus pour l'accroissement d'icelle que pour celle de son cors, car il y a longtems qu'elle sçait bien que j'ayme son cœur..

  A018003508 

 Ces grandes tentations sont plus ennuyeuses que perilleuses.

  A018003520 

 O ma chere Mere, que la prudence humaine est admirable! Croiries vous que des grans serviteurs et servantes de Dieu m'ont encor dit aujourd'huy que la douceur et la pieté de nostre Institut estoyent tellement au goust des espritz françois, que vous osteries toute la vogue aux autres Maysons religieuses; que quand on auroit veu cette madame de Chantal, il n'y auroit plus que pour elle.

  A018003548 

 Et pour Votre Seigneurie, j'ajoute la consolation de saint François; maintenant, n'ayant plus de père temporel, vous pourrez dire avec plus de vérité: Notre Père, qui êtes aux cieux.

  A018003549 

 Hélas! Madame ma très chère Fille, les choses du service de Dieu ne se font qu'avec ces difficultés et délais; c'est pourquoi il faut avoir non seulement la magnanimité, mais encore, et bien plus, la longanimité..

  A018003549 

 Mais moi je dis qu'il vaut mieux que vous attendiez un peu, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes; car il ne se passera guère que quelques mois tout au plus, avant de voir la fin [362] de cette affaire.

  A018003562 

 Je vous escris peu, selon mon desir; beaucoup selon mon loysir, dont je n'eus jamais moins, ce me semble, ni jamais plus de force et de santé.

  A018003564 

 Cette affaire s'entreprend sous la seule Providence de Dieu... C'est un coup de hasard, et plus que cela; mays Dieu requiert que l'on le fasse, et il vaut mieux n'estre appuyé que sur sa tressainte Providence que de se gouverner selon la sagesse et prudence humaine..

  A018003575 

 Si j'estois aupres de vous, je vous dirois bien plus de choses que je n'en sçaurois escrire, et si j'estois en un autre lieu je vous escrirois plus amplement que je ne puis faire en celuy ci.

  A018003576 

 Petit a petit, Dieu nous sevre des contentemens de ce monde; oh! ma tres chere Fille, il faut donq ardemment aspirer a ceux de l'immortalité, et tenir nos cœurs eslevés au Ciel ou sont nos pretentions et ou nous avons meshuy une grande partie des ames que nous cherissons le plus..

  A018003589 

 Demain j'auray le bien de vous voir, sil plait a Dieu, et ce pendant, je prie sa divine Majesté qu'elle vous comble de ses plus favorables benedictions, qui suis,.

  A018003604 

 Tasches donq, ma tres chere Fille, a fortifier de plus en plus vostre confiance en cette sainte Providence, et l'adorés frequemment en vos retraittes spirituelles, et par ces regars interieurs dont nous parlons en la prattique..

  A018003605 

 Je loüe Dieu que vous soyes plus constante, nonobstant vos perpetuelz tracas domestiques, parmi lesquelz il faut faire valoir vostre dilection, comme le courage es batailles.

  A018003606 

 Le vingt huitiesme avril elle commenceront a chanter les Offices en publiq, ayant treuvé beaucoup plus de faveur en l'ame de Monsieur le Cardinal, que les premieres apparences ne promettoyent..

  A018003619 

 Elle dit plus: que l'hostel du Cardinal de Guyse, qui est proche de cette mayson, nous sera encor vendu si nous voulons.

  A018003630 

 Je m'en vay a vous tout presentement, mays M. Berger y arrivera peut estre encor plus tost que moy.

  A018003639 

 Vous n'aves donq plus parmi vous, ma tres chere Fille, M me la Presidente Le Blanc; or, je croy qu'elle est parmi les Anges.

  A018003661 

 Mays, a ce que je voy, mes remonstrances et supplications ont esté charmees par quelque esprit contraire, la force duquel Dieu a permis avoir esté plus grande.

  A018003679 

 Et ne croyés nullement que j'aye cette cogitation que vous recherchies l'excellence du personnage, car, bien que cette sorte de pensee est grandement convenable a ma misere, si est ce qu'en telles rencontres elle ne me vient pas; ains au contraire, il n'y a peut estre rien qui soit plus capable de m'acheminer a l'humilité, admirant que tant de serviteurs et servantes de Nostre Seigneur ayent une si grande confiance en un esprit si imparfait comme est le mien.

  A018003683 

 Au reste, je feray l'une des deux choses; car, ou je vous escriray avant mon depart plus au long, ou je vous iray voir au jour que j'ay marqué a ce bon et aymable porteur.

  A018003699 

 Vostre plus affectionné parrein, amy.

  A018003715 

 Et si vous voyies ce que je voy, vous ne douteries point de cette verité, ni monsieur Meynier non plus; et icy comme ailleurs, mais plus icy qu'ailleurs, il faut aller tendrement aux demandes..

  A018003720 

 Je n'oublie point le desir de monsieur de Vallon, mon cousin, et m'essayeray de le faire reuscir; mais j'attens [383] l'occasion plus propre, et tandis, je le salue tres humblement..

  A018003734 

 Considerons que tout ce que nous avons ne nous fait estre rien plus en effect que le reste du monde, et que tout cela n'est rien devant Dieu et les Anges..

  A018003734 

 Salomon, le plus sage des mortelz, commença son inenarrable malheur par la complaysance qu'il prit es grandeurs, ornemens et magnifiques appareilz qu'il avoit, bien que tout cela fust selon sa qualité.

  A018003735 

 Souvenes vous, ma tres chere Fille, de bien faire la volonté de Dieu es rencontres ou vous aures le plus de difficulté.

  A018003746 

 Moy je me porte bien, et hier je n'eu nulle peine, sinon en la si longue attente qu'on fit faire aux auditeurs, qui me donna certes de l'inquietude, et m'osta un peu l'asseurance; mays, comme vous sçavés, ces choses-la sont de peu de consideration en moy qui suis certes tous-jours de plus en plus vostre en Nostre Seigneur..

  A018003757 

 Et de plus, je connois qu'il m'est profitable et qu'il m'encourage a mieux faire: c'est pourquoy je le conserveray soigneusement.

  A018003757 

 Il n'y aura donq plus en moy de Monsieur pour vous, ni en vous de Madame pour moy; les anciens, cordiaux et charitables noms de Pere et de Fille sont plus chrestiens, plus doux, et de plus grande force pour tesmoigner la dilection sacree que Nostre Seigneur a voulu estre entre nous.

  A018003758 

 Or sus donq, ma tres chere Fille, c'est la verité que je suis meshuy en si grande incertitude du tems de mon depart que je n'ose plus me promettre la consolation de vous revoir de mes yeux mortelz; mays si j'en ay le loysir, je le feray tres affectionnement, et si je croy que vostre cœur bienaymé en doive recevoir quelque notable utilité, je feray tout ce que je pourray pour cela..

  A018003775 

 Et d'autant qu'elle m'a prié de l'escrire a Vostre Altesse, je l'ay fait, Monseigneur; suppliant encor pour moy vostre bonté de se resouvenir que je ne suis plus icy, il y a quelques moys, que pour y attendre les commandemens qu'elle me fera au retour de M. Carron, puisqu'elle me l'a ordonné, et qu'en tout je veux vivre,.

  A018003775 

 La bonne madame de Saint George fait elle mesme par lettre ses excuses a Vostre Altesse, dequoy elle ne s'est [391] peu mettre en chemin pour suivre Madame; mays elle n'a pas l'asseurance de nommer la cause de son retardement, par ce qu'elle est extraordinaire pour elle qui, n'ayant peu devenir grosse en tant d'annees de son mariage, a rencontré ce contentement en celle ci, comme plus heureuse pour la benediction des noces.

  A018003788 

 Et bien que je nomme ces deux lieux, ce n'est pas pour prsevenir vostre volonté, ains seulement pour tesmoigner qu'y ayant en l'un et en l'autre des gens dignes de creance, il sera peut estre plus a propos d'y faire venir des parties qui ont besoin d'estre rangees par l'advis de juges de qualité, et sur tout par vostre commandement..

  A018003789 

 Et tandis, je prie Dieu, Monsieur mon tres cher Filz, qu'il vous comble de toute parfaite prosperité avec tout ce qui vous est plus cher, et suis invariablement, d'un cœur paternellement passionné,.

  A018003806 

 Je voudrois bien, certes, avoir quelque beau bouquet du desert de nostre glorieux saint Jean pour le presenter a vostre chere ame; mais la mienne, plus sterile que le desert, n'a sceu y en treuver aujourdhuy, bien qu'en verité ell'ayt eu ce matin et ayt encor presentement un certain petit, insensible sentiment de ne vouloir plus vivre selon la nature, mais, tant qu'il se pourra, selon la foy, l'esperance et la charité chrestienne, a l'imitation de cet homme angelique qué nous voyons, dans ce profond desert, ne regarder que Dieu et soymesme.

  A018003819 

 Mays pourtant, les Seurs de la Visitation disent qu'elles se sont apperceuës que ledit Conseil ne treuve nullement convenable qu'elles reçoivent cette bonne dame, parce que leur Monastere est tout composé de Novices, et si recent en cette ville que la reputation en est delicate, comme regardé curieusement en ce commencement, et [397] regardé de beaucoup d'espritz fort tendres; que, de plus, ledit Conseil a mis en consideration que mondit seigneur le Cardinal avoit tous-jours declairé qu'il ne souffriroit jamais qu'on y entrast, sinon pour y vouloir demeurer tout a fait: qu'en suite de cela il fut conclu qu'on ne la recevroit point pour quelque tems; mais que si elle estoit bien tendre et qu'elle voulust estre Religieuse a bon escient, on la pourroit recevoir, comme vous me dites vous [mesme, quand on] auroit bien espreuvé sa vocation, et qu'une des bonnes marques seroit qu'elle se contentast d'aller pour quelque tems en quelqu'un des monasteres de France, pour ensuite revenir icy.

  A018003819 

 Voyla en substance ce que j'en appris hier de la Mere Superieure, laquelle me nomma son autheur, bien digne de foy; mais parce qu'il n'est pas du Conseil, je m'addressay hier a M. de Pierrevive, qui, je m'asseure, me donnera plus de clarté..

  A018003830 

 Et vrayement, je la reverray avant mon depart, s'il se peut, affin que la connoissant encor plus particulierement, je puisse, si Dieu en dispose ainsy, la servir plus a son souhait es occurrences..

  A018003833 

 Je ne treuve rien au monde dequoy nous ayons plus de possession et sur quoy nous ayons tant de domination que la viande que nous aneantissons pour nous conserver; et Nostre Seigneur est venu jusques a cet exces d'amour, que de se rendre viande pour nous.

  A018003870 

 Mais toutefois, je ne laisse pas de croire fort asseurement et de dire constamment que, nonobstant cette admirable et amiable clarté de l'Escriture es choses necessaires a salut, l'esprit humain ne treuve pas tous-jours le vray sens d'icelle, ains peut errer, et d'effect erre tres souvent en l'intelligence des passages les plus clairs et les plus necessaires a l'establissement de la foy: tesmoins les erreurs lutheriennes et les livres calvinistes, qui, sous la conduitte des peres de la pretendue reformation, demeurent en une contention irreconciliable sur l'intelligence des paroles de l'institution de l'Eucharistie; et se vantant l'un et l'autre parti d'avoir soigneusement et fidelement examiné le sens de ces paroles par le rapport de la conference des autres passages de l'Escriture, et le tout adjusté a l'analogie de la foy, demeurent neanmoins contraires en l'intelligence des paroles de si grande importance..

  A018003915 

 Ayant sceu la peine en laquelle se treuve le sieur collateral de Quoëx, detenu es prisons de Chamberi pour la somme d'environ mille ducatons, esquelz il a esté condamné par quelques uns des seigneurs senateurs et maistres des Comptes a ce deputés specialement; asseuré que [407] je suis d'ailleurs, qu'en tout ce dont il a esté chargé il n'a commis aucune faute malitieuse, ni manqué en chose quelcomque a la tres humble sujettion qu'il doit a Vostre Altesse, en laquelle et luy et tous les siens ont tous-jours vescu tres fidelement; et de plus, estant fidele tesmoin qu'en l'occasion qui se presenta en Genevoys, il y a quatre ans, et luy et son frere rendirent force bons et laborieux tesmoignages de leur zele au service de Vostre Altesse, je ne puis m'empescher de la supplier tres humblement et, si elle me permet, de la conjurer par sa propre bonté de tendre sa main secourable a cet homme de bien et d'honneur, pour le retirer de la ruine en laquelle son malheur, et non aucun forfait, le va precipiter..

  A018003942 

 Je me suis essayé de le soulager de parole et d'accroistre la confiance qu'il a en Vostre Altesse, selon le commandement delaquelle j'arresteray ou partiray ainsy qu'il luy plaira, ne doutant point qu'elle ne face toute la consideration requise du devoir que j'ay de retourner en ma residence, soudain qu'elle jugera que mon retardement de deça ne pourra plus estre utile a son service..

  A018003957 

 Et pour cela elle a choysi entre toutes les Congregations celle de la Visitation, ou elle pretend qu'estant retiree, Dieu l'inspirera plus fortement qu'ailleurs, et que la cordiale douceur et charité dont on y fait profession servira de moyen a la divine Providence pour cet effect..

  A018003957 

 Vous recevres cette lettre, Dieu aydant, par les mains [411] de madamoyselle du [Tertre], grandement bien apparentee en cette ville, laquelle estant demeuree vefve despuis peu et s'estant resolue a ne plus rentrer dans les liens du mariage, a creu de ne pouvoir mieux conserver sa resolution que dans l'estat religieux, auquel neanmoins ne sentant pas pour encor une si forte affection qu'elle souhaiteroit pour pouvoir d'abord s'y engager, elle a nonobstant un desir si grand de s'y voir arrestee, qu'elle veut rechercher cette grace de Dieu es lieux ou elle espere qu'elle luy sera plus facilement accordee.

  A018003958 

 A cette occasion donq, ma tres chere Fille, nostre bonne Mere et moy vous l'envoyons, et avons fait cette eslection pour elle comme la plus convenable, dont elle mesme vous dira franchement toutes les autres raysons.

  A018003986 

 En un mot, je voudrois que vous fussies toute Philothee, et que vous ne fussies rien plus que cela: c'est a dire, que vous fussies comme je marque au livre de l' Introduction, qui est fait pour vous et vos semblables..

  A018003992 

 Vostre plus humble serviteur en Nostre Seigneur,.

  A018004001 

 Je m'en vay a la reception de la Religieuse; de la, je vay disner avec M. vostre frere, chez M. d'Origni; de la, a l'assemblee qui se fait pour nos affaires, ou j'auray besoin d'une Regie, car on en parlera, et je n'en ay plus.

  A018004055 

 Votre très humble et plus obéissante fille et servante.

  A018004072 

 Vous vous y disposerez donc de bonne heure, sans attendre plus expresse licence de nostre part..

  A018004125 

 Monsieur Bernard aussy desireroit d'y venir, mais il seroit plus necessaire audit Versoix, si sa volonté y acquiesce..

  A018004125 

 Si vous trouvés bon que cela soit, lors monsieur Gobet, au lieu de Versoix (qui est un lieu plus important et qui requier un homme bien capable), pourroit estre institué de Sessy.

  A018004135 

 seigneur de Fribourg, les domestiques se plaignoient a eux qu'ilz viendroient (sic) volontier venir a Divonne (lieu plus proche) pour ouyr la S. Messe, mais quilz n'osoient a cause d'eux qui ne le veulent permettre..

  A018004146 

 Je ne pouvoy entendre une nouvelle plus aggreable que celle que monsieur de Medio a donné à Monseigneur le R me de vostre voiage de Paris, avec Monseigneur le Prince Cardinal, vous voiant regardé sur le theatre de ce grand monde de deçà comme l'instrument plus considerable pour conduire à heureuse fin l'alliance d'un si illustre et si vertueux Prince, avec une si grande Princesse que Madame de France; y aiant pour associé monsieur le premier President, à qui l'envie eust volontiers ravy cet honneur, si son merite ne le luy eust conservé..

  A018004163 

 O combien de vanités renversées! combien d'inutiles conversations distraites! combien de pertes de temps heureusement rachetées! On ne coiffe plus Hécube en Hélène, mais on renverse Bélial aux pieds de Jésus-Christ..

  A018004181 

 J'ay infiniment à me plaindre à V. A. que nonobstant toutte poursuite que j'aye sceu faire, presenté les lettres de V. A. à Messieurs du Senat, leur commandant de n'octroyer plus aucun dellay au presidan Crespin sur l'assassinat qui m'a esté faict y a deux moys, ayns de veulloyr le juger prontemant; neantmoings, au prejudice de mon honneur et de ma reputation, et de la justice qu'ils doyvent à un chasqun, ils vont prolongant le jugemant, ayant de nouveau octroyé un prolong de troys semaynes pour ce (sic) representer; encore qu'an mespris de la justice, un chasqun croye qu'il ne soyt jamais parti de ce lieu, estan porté d'une partie de ses (sic) Messieurs du Senat ausquels il est apparanté.

  A018004212 

 Avons octroyé et permis, octroyons et permettons par ces presentes aux dictes Dames de la Visitation d'entrer en Nostre lieu et place, et de prendre et retirer les fruicts des dicts moulins, en payant par elles audict de Conflens les sommes portées par son contract d'engaigement du dixhuictiesme janvier mil cinq cents nonante six, et aux charges et conditions portées par yceluy, avec pouvoir de faire en yceux des nouveaux artifices pour la plus grande commodité de Nos subjects..

  A018004226 

 Exposent en toute humilité les Reverendes Dames Religieuses de la Congregation par elles erigée dans Vostre Ville et cité d'Annessy, soubs le tiltre de la Visitation de Nostre Dame, Vous (sic) tres humbles Oratrices: comme pour vivre plus commodement dans leur dicte Congregation du peu de revenu que chescune d'elles y raporte, et mieux vacquer au service pour lequel elles se sont sequestrées tout a faict du monde, elles auroient besoing de quelque fond proche de la dicte ville, que leur raportast du bled pour leur provision.

  A018004229 

 Et a ces fins, plaira a Vostre Altesse Serenissime enjoindre a sa dicte Chambre des Comptes de Savoye, de verifier les Patentes que leur seront expediées pour le faict que dessus, sans aulcune difficulté et sans aulcung esmolument, en derogeant pour ce regard, entant que de besoing, a tous edicts a ce contraires: affin que les dictes Dames puissent jouyr plus seurement et paisiblement de la commodité des dicts moulins, et faire leurs fonctions avec plus de tranquillité d'esprit au service de Dieu, qu'elles prient incessamment pour la prosperité de Vostre Altesse, conservation et accroissement de ses Estats et de Nous (sic) Seigneurs les Princes Ser mes, qu'il veillie combler de ses graces et benedictions..


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000017 

 — Une mère dépouillée de son plus précieux vêtement. 21.

  A019000027 

 Intime union que l'éloignement resserre de plus en plus.

  A019000031 

 — Un métier plus difficile que celui de reprendre.

  A019000034 

 — Pourquoi les PP. Capucins sont plus propres à faire le bien dans le diocèse de M gr Camus.

  A019000037 

 Une Communauté fervente, sous une Supérieure très sainte mais plus propre à converser avec Dieu qu'avec les hommes.

  A019000054 

 — Troupe de bergères offrant leur plus bel agneau au divin Enfant. 56.

  A019000080 

 La chose la plus agréable et salutaire en ce monde.

  A019000145 

 — «Loup par nature, mais brebis par grace.» — Deux lettres que la Mère de Chantal pourra confronter plus tard.

  A019000166 

 — Sa décision après plus ample information.

  A019000171 

 — Philothée réimprimée plus de quarante fois. 177.

  A019000205 

 — Comment Notre-Seigneur nous fait souvent le plus de bien.

  A019000207 

 — Pourquoi l'Evêque de Genève cèle le plus qu'il peut la nouvelle d'une apostasie.

  A019000243 

 Mays Dieu l'assistera et la tiendra de sa main, ainsy que j'en supplie sa souveraine Bonté, que je ne cesseray jamais non plus de vous souhaiter propice et secourable, ma tres chere Fille, demeurant a jamais.

  A019000255 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, il faut laisser nostre vie et tout ce que nous sommes a la pure disposition de la divine Providence; car en somme, nous ne sommes plus a nous mesmes, ains a Celuy qui, pour nous rendre siens, a voulu d'une façon si amoureuse estre tout a fait nostre..

  A019000256 

 J'attens response de Monseigneur le [Prince de Piémont], et j'espere que ce sera pour mon retour, auquel mon ame me presse grandement a cause de mon devoir; et ne puis m'imaginer que ni retour, ni chose quelcomque me puisse jamais separer de vous: non, ni mesme la mort, puisque nostre union est en Celuy qui ne meurt plus.

  A019000267 

 Je me blasmerois moy mesme, ma tres chere Fille, si je laissois partir cette chere seur sans luy donner, en ces trois lignes, ce foible mais asseuré tesmoignage de la souvenance que j'ay de vous et de vostre cœur que je cheris parfaitement, avec mille desirs qu'il se perfectionne de plus en plus en douceur et humilité, affin quil vive tout selon le cœur de Nostre Seigneur, auquel je le recommande incessamment, et tout ce qui vous est plus aymable, demeurant a jamais et invariablement,.

  A019000281 

 Non, ne dites pas encor l'Office, mais si vous pouves bien descendre pour la Messe, je le veux bien; et tenes vous assise le plus que vous pourres, et en lieu ou ce grand vent qui tire dans le chœur ne vous frappe point..

  A019000291 

 En fin, ma tres chere Fille, vous voyla despouillee et desnuee du vestement le plus pretieux que vous eussies.

  A019000292 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A019000312 

 L' Introduction a la Vie devote ayant esté faite pour des ames de vostre condition, je vous supplie de la lire [9] et observer au plus pres que vous pourres; car elle vous fournira presque tous les advis qui vous sont necessaires.

  A019000331 

 Quelle benediction plus grande vous puis-je souhaiter? Ainsy donq, par ce souhait que je feray incessamment sur vostre ame, ma tres chere Fille, je vous dis a Dieu; et vous priant de me recommander souvent a sa misericorde, je demeure.

  A019000332 

 Vostre plus humble serviteur,.

  A019000343 

 Sçaves vous que c'est que le Monastere? C'est l'academie de la correction exacte, ou chaque ame doit apprendre a se laisser traitter, raboter et polir, affin qu'estant bien lissee et explanee, elle puisse estre jointe, unie et collee plus justement a la volonté de Dieu.

  A019000345 

 Vous estes dessous ses aisles comme un petit poussin, que craignes vous? J'ay, estant jeune, esté touché de cette fantasie, et pour m'en desfaire, je me forçois petit a petit d'aller seul, le cœur armé de la confiance en Dieu, es lieux ou mon imagination me menaçoit de la crainte; et en fin je me suis tellement affermi que les tenebres et la solitude de la nuit me sont a delices, a cause de cette toute presence de Dieu de laquelle on jouit plus a souhait en cette solitude.

  A019000347 

 Vostre plus humble frere et serviteur,.

  A019000358 

 J'espere que Dieu vous fortifiera de plus en plus; et a la pensee, ou plustost tentation, de tristesse sur la crainte que vostre ferveur et attention presente ne durera pas, respondes une fois pour toutes, que ceux qui se confient en Dieu ne seront jamais confondus, et que, tant selon l'esprit que selon le cors et le temporel, vous aves jetté vostre soin sur le Seigneur, et il vous nourrira.

  A019000358 

 Si sa Bonté eust pensé, ou pour mieux dire conneu que vous eussies besoin d'une assistance plus presente que celle que je vous puis rendre de si loin, il vous en eust donné, et vous en donnera tous-jours, quand il sera requis de suppleer au manquement de la mienne.

  A019000359 

 J'espere que j'entendray bien ce que vous me dires de vostre orayson, en laquelle pourtant je ne desire pas que vous soyes curieuse de regarder vostre procedé et façon de faire; car il suffit que tout bonnement vous m'en fassies sçavoir les mutations plus remarquables, selon que vous en aves souvenance apres l'avoir faite.

  A019000362 

 Pour la seconde lettre: Ne falloit il pas que vous fussies espreuvee en ce commencement de plus grande pretention? Or sus, il n'y a rien en cela que des traitz de la providence de Dieu, qui a abandonné cette pauvre creature affin de faire que ses pechés soyent plus fortement chastiés, et que par ce moyen elle revienne a soy et a Dieu, duquel il y a si long tems qu'elle s'est departie.

  A019000365 

 Je pars un peu plus a la haste, parce que la Reyne desire que je luy face la reverence avant mon retour..

  A019000392 

 Je ne vous escriray guere, car je n'en puis plus du grand tracas que nous avons fait.

  A019000394 

 La Reyne mere m'a fait caresse, et si, je n'en suis point plus glorieux pour cela: la veuë de ces grandeurs du monde me fait paroistre plus grande la grandeur des vertus chrestiennes et me fait estimer davantage leur mespris.

  A019000420 

 Et par ce que je n'[ai point oublié que] vous l'estes aussi fort particulierement, je ne vous appelleray plus ma Seur, [ains ma Fille,] en toutes les occasions qui se presenteront desormais..

  A019000434 

 A mesure que je m'esloigne de vous, ma tres chere Fille, selon les lieux, je me sens interieurement de plus [25] en plus joint et uni a vostre cœur selon l'esprit; et connois bien par la que c'est le bon playsir de Dieu que nous ayons ce sentiment de veritable et sincere dilection..

  A019000436 

 J'avois escrit jusques icy, ma tres chere Fille, quand j'ay esté emporté du tracas a la cour, et apres disné ay reveu ce cher frere, tous-jours plus ferme de courage, quoy qu'attendri jusques aux yeux sur la maladie de nos Seurs Catherine de Gennes et Marie.

  A019000448 

 Que vous diray-je, ma Fille, vous voyant parmi ces amertumes? Oh! courage, je vous prie; l'Espoux que vous aves choisi des que vous estes separee de celuy qu'on vous avoit choysi, est un faisceau de myrrhe: quicomque l'ayme ne peut n'aymer pas l'amertume; et ceux [27] qu'il favorise de son plus estroit amour sont tous-jours piqués de tribulations.

  A019000450 

 Et moy, ma tres chere Fille, j'espere que Dieu ayant receu en sacrifice de suavité l'acquiescement de ce pere et le vostre, et celuy du grand pere et de la grand mere, et des tantes, il ne permettra pas que la tribulation face plus de progres: ainsy je l'en supplie, et qu'il vous face sainte..

  A019000451 

 Or sus, que puis je dire davantage? Celle qui vit mourir le plus aymable filz de tous les filz sur la croix, veuille impetrer de ce mesme Filz les consolations qui vous seront convenables, et a monsieur vostre pere et a madamoyselle vostre mere..

  A019000453 

 Je n'escris point non plus a madamoyselle vostre mere, car je sçai bien qu'elle se contente que ce soit a vous a qui je dis que je suis finalement son serviteur tres humble.

  A019000461 

 Que vous puis je donq dire en cette occasion? Laissons prendre a Dieu ce qu'il luy plait, et le remercions de ce qu'il nous laisse, et encor plus de ce qu'il nous rendra le tout avec une usure nom-pareille au jour auquel nous verrons sa face..

  A019000462 

 Vous feres incomparablement plus en dix ans de labeur moderé qu'en un ou deux de peyne excessive.

  A019000472 

 Mais j'admire bien plus que vous ayant escrit de Chatres ( sic ), d'Orleans, de Tours, [31] d'Amboyse, vous n'en ayes encor receu pas un seul mot.

  A019000474 

 Nos Seurs ont esté consolees plus quil ne se peut dire, bien qu'en cet embaras incroyable je ne les ay guiere veu en particulier, ains seulement a la Messe et exhortation.

  A019000489 

 Je retourne en arriere vous revoir en esprit et saluer vostre chere ame par ce billet, ne me pouvant contenter [33] de cet a Dieu si court que je fus forcé de vous dire, m'estant demeuré sur le cœur que je ne vous parlay pas asses clairement sur le sujet de vostre conduitte en l'administration de vostre charge, selon que je m'estois proposé de vous en entretenir un peu plus amplement, si j'en eusse eu le loysir.

  A019000493 

 Ne vous troubles point d'estre un peu rudement contrerollee par cette bonne ame de dehors, mays passes outre en paix, ou a faire selon son advis es choses esquelles il n'y a point de danger de la contenter, ou a faire autrement quand la plus grande gloire de Dieu le requerra; et alhors il faut, le plus dextrement qu'on pourra, la gaigner, affin qu'elle le treuve bon..

  A019000494 

 Sil y a quelque Seur qui ne vous traitte pas avec asses de respect, faites le luy sçavoir par celle des autres [35] que vous jugeres la plus propre a cela, non comme de vostre part, mais de la sienne.

  A019000509 

 Je ne la vis que deux fois, non seulement par ce que cette cour si grande et en laquelle j'avois tant de complimens a faire m'en empescherent, mais aussi, et encor plus, par ce que monsieur de Villesavin estoit en une si grande anxieté, crainte qu'on ne la fit parler, que nonobstant tout le soin que j'avois pour cela, il estoit merveilleusement en peine.

  A019000510 

 J'appris a connoistre tout plein de Praelatz, et particulierement M. l'Evesque de Lusson, qui me jura toute amitié et me dit qu'en fin il se rangeroit a mon parti, pour ne penser plus qu'a Dieu et au salut des ames.

  A019000510 

 La, je vis la Reyne mere et luy fis la reverence a l'arrivee et au depart; et elle me favorisa grandement par le tesmoignage qu'elle rendit du desir qu'ell'avoit eu de [37] me voir, et de celuy qu'ell'avoit de m'ouïr et me voir plus longuement.

  A019000511 

 J'en conferay avec M. de Berule et avec mon parfait ami M. des Hayes, duquel, quand il viendra a Paris, vous pourres sçavoir plus entierement la chose; car je luy escriray quil vous en parle, bien que nous fussions demeurés d'accord que nul n'en sceut chose du monde, d'autant que je pensois vous le pouvoir escrire au long; ce que je voy maintenant n'estre pas possible ni asseuré.

  A019000511 

 Je vis enfin M. le Cardinal de Retz, qui d'abord m'invita a demeurer en France par une proposition laquelle, [38] estant bien mesnagee, seroit la plus convenable a mon esprit de toutes celles qu'on m'eut peu faire.

  A019000511 

 L'affaire n'est pas encor preste, ni ne le sera pas si tost; et tandis, nous escouterons ce que Dieu en ordonnera, a la plus grande gloire duquel je veux tout reduire et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace, ainsy que je fis entendre a mondit seigneur le Cardinal d'abord, et le luy repliquay de rechef estant a Amboyse, ou il m'en parla encor plus cordialement; et Monsieur le Cardinal de la Rochefocaut m'en tendit un mot devant M. le Prince, mais en sorte que cela ne fut [39] point consideré.

  A019000520 

 J'ay escrit sur chemin a la Superieure pour la soulager un peu, puisque mesme je ne peu luy dire a Dieu qu'a la desrobee, non plus qu'a nos Seurs de Moulins et de Lyon, a cause de la surprise de mon depart que, par force, il me faut faire soudain comme Madame monte en carosse, par ce que je suis de la carosse qui va immediatement devant elle..

  A019000532 

 On peut, pour le sujet dont vous m'escrives, retarder la profession de nostre Seur; ce que je vous escrirois plus amplement, n'estoit que je suis si pressé que je n'ay loysir de rien adjouster.

  A019000533 

 Vostre plus humble frere en Nostre Seigneur,.

  A019000566 

 Non veritablement, ma tres chere Mere, car je ne sens nulle sorte d'ambition que celle de pouvoir utilement employer le reste de mes jours au service de [49] l'honneur de Nostre Seigneur Non certes, la court m'est en souverain mespris, parce que ce sont les souveraines delices du monde que j'abhorre de plus en plus, et luy, et son esprit, et ses maximes, et toutes ses niaiseries..

  A019000578 

 Mais es lettres, a la verité, cela est un peu, ains beaucoup plus insupportable; car on void mieux ce que l'on fait, et si on s'apperçoit d'une notable affectation, il faut punir la main qui l'a escritte, luy faysant escrire une autre lettre d'autre façon..

  A019000591 

 Cette pure colombe est bien plus propre a demeurer avec son Bienaymé dans le trou de la masure d'une cellule, qu'a converser avec les hommes.

  A019000602 

 Je vous priay de dire a M. Combaz quil vint retirer sa fille; mays despuis, sachant l'extremité de la passion en laquelle il est sur ce sujet, j'ay pensé que je pourrois encor voir plus particulierement sil y aura moyen de la [54] retenir; et Dieu sçait si j'en seroys joyeux, n'y ayant que la necessité et force de la conscience qui puisse la faire renvoyer.

  A019000618 

 Mays on ne peut croire que ces lettres soyent selon l'intention de sadite Altesse, puisque elles sont contraires a la resolution prise avec tant de consideration, delaquelle il se peut faire que la souvenance ne soit pas tous-jours presente a Son Altesse; puysque mesme, en attendant qu'on obtienne de Rome le pouvoir d'appliquer plus fructueusement ces praebendes, on les employe a reparer les domiciles necessaires et entretenir la sacristie de ladite eglise..

  A019000619 

 Et tandis, je prie Dieu qu'il face de plus en plus abonder Vostre Altesse en ses benedictions, et suis,.

  A019000619 

 Vostre Altesse donq est suppliee tres humblement de faire declarer la volonté de Son Altesse sur cette occasion, affin que l'on puisse asseurement ou accorder, ou, ce qui est plus desirable, refuser ladite praebende.

  A019000634 

 Vostre plus humble et tres affectionné confrere,.

  A019000648 

 Et neanmoins, puisque vous le treuves a propos, j'escriray au premier jour a M. Berger, affin qu'il ayt dequoy rejetter la calomnie, asseuré de sa parfaitte charité pour moy qui l'estime et honnore plus qu'il ne se peut dire..

  A019000649 

 La Providence supreme sçait la mesure de la reputation [58] qui m'est necessaire pour bien faire le service auquel elle me veut employer, et je n'en veux ni plus ni moins que ce qu'il luy plaira que j'en aye.

  A019000670 

 Je ne puis n'aymer pas vostre ame que je connois estre bonne, et ne puis ne luy souhaiter le tres desirable amour de la genereuse perfection, me resouvenant des larmes que vos yeux respandirent lhors que, vous disant adieu, je vous desirois a Dieu, et que, pour estre plus a Dieu, vous dissies adieu a tout ce qui n'est pas pour Dieu..

  A019000726 

 Permettes moy, je vous supplie, Monsieur, de soulager mon ame en me plaignant a vous mesme de vos plaintes, [65] lesquelles a la verité m'affligent et m'estonnent, ne croyant pas d'en avoir donné aucune occasion; puisque, hors le veritable tesmoignage que j'ay rendu une seule fois des merites et bonnes qualités du gentilhomme, et une autre fois de sa religion, je n'ay nullement cooperé a cette alliance que peut estre par la recommandation que j'en ay faite a Dieu, si elle devoit estre a sa gloire; et tout ce qui se dit de plus n'est qu'exageration..

  A019000727 

 Pouvois je refuser de telz offices a de telles personnes? Non plus que celuy que je fis envers vous, Monsieur, qui, ce me semble, ne me fistes pas sçavoir que vous eussies une si puissante aversion pour ce mariage, que de la j'eusse peu inferer cet ardent mescontentement que vous aves, ce me dit on....................................................................................

  A019000745 

 Et de plus, quand j'eusse esté aupres de vous, que vous eusse-je peu dire sinon: Bibe aquam de cisterna tua? Quelz parfums peut on donner aux habitans de l'Arabie Heureuse? On ne peut leur porter de la suavité qui soit comparable a celle de leur païs, et ne peut on leur dire autre chose sinon: Sentes, odores, receves les exhalaisons de vos cinnamomes, de vos bausmes, de vos myrtes.

  A019000745 

 Je n'ay rien a vous dire de plus sur ce sujet, sinon que toute ma vie j'honnoreray la riche memoire de ce bon seigneur trespassé, et seray invariablement tres humble [68] serviteur de sa tant honnorable posterité et de madame sa vefve, qui a si heureusement cooperé au bonheur de sa vie et a le faire vivre encor apres la mort en la personne de tant de si dignes enfans; car au reste, de vous vouloir dire des paroles de consolation, je suis trop loin, et ne puis estre ouy qu'apres tant d'autres, que ce seroit une impertinence trop excessive.

  A019000746 

 C'est qu'apres une forte resolution d'aller prendre congé de ce bon pere a mon despart de Paris, l'ayant reservé pour le dernier comme celuy a qui je devois beaucoup d'honneur et qui estoit le plus pres, ravi et emporté de la force des visites qui me furent faites ce jour la, je fus tellement suffoqué d'esprit que je ne pensay point a cette obligation sur l'occasion; et estant en chemin, lhors que je ne pouvois plus m'en acquitter, je m'en apperceus, comme seulement pour en estre marri.

  A019000747 

 Mais, a ce propos de conserver les bienveuillances, on m'escrit que je suis presque privé de celle de M. de Montholon pour le sujet du mariage de M. de [Foras.] Et encor faut il que je vous rende conte de ceci, puisque vous estes celuy qui me l'avies procuree; et en un mot, je puis dire avec verité que, hors les veritables tesmoignages que j'ay rendus une seule fois a madame de [Vaulgrenant] de la vertu et bonnes qualités de son mari, je n'ay rien cooperé a ce mariage, sinon qu'apres avoir veu et sceu les fortes et vehementes liaisons d'affections, avec des grandes promesses reciproques d'un futur mariage entre ces deux parties, faites pendant que j'estois a Maubuisson, et de plus, la damoyselle se promettre fort asseurement que madamoyselle de [Sanzelles] appreuveroit tout, je dis alhors, qu'encor que je ne doutasse point de leur discretion a la suite de leurs affections, neanmoins je leur conseillois de ne pas beaucoup tarder leur mariage; conseil conforme aux decretz de l'Eglise, et que je donnay ne regardant qu'au plus grand bien et a la plus entiere asseurance de ces ames, et a l'observance des commandemens de Dieu..

  A019000768 

 Je n'escriray point pour ce coup a ces dames, que j'honnore tant et que Dieu veut que j'honnore de plus en plus; salues les toutes cherement es occurrences.

  A019000777 

 Le bon pere me remercie si bonnement de la dilection que je porte a cette chere fille, sans considerer que c'est une affection qui m'est si pretieuse et tellement naturalisee en mon ame, que personne ne m'en doit sçavoir non plus de gré que dequoy je me souhaitte du bien a moy mesme..

  A019000779 

 Dites luy que je demeure icy, en mon diocese, tandis qu'il plaist a Dieu; et que, comme rien ne m'en peut tirer que quelque particuliere occasion que je croiray estre a la gloire de Nostre Seigneur, aussi, cela se [75] presentant, je n'auray non plus difficulté de me desprendre maintenant des faveurs que je reçoy, qu'auparavant qu'elles me fussent donnees.

  A019000804 

 Je ne sçaurois luy escrire, ni quasi plus a personne; ce sera au premier jour, et a nostre tres cher frere le P. D. Juste, duquel j'ay receu la boëte et la lettre du P. Justin..

  A019000804 

 Je suis grandement ayse de sçavoir que madame de Saint George demeurera, sachant combien elle a de pouvoir et de vouloir pour le bien de l'esprit de nostre Maistresse, et par consequent pour le contentement plus desirable de Son Altesse et de Monseigneur nostre Prince, et le bonheur de cet Estat.

  A019000822 

 Et puis qu'elles ont encor desiré mon intercession aupres de Vostre Altesse, je la fay tres humblement, adjoustant qu'il ny a, comme je pense, aucun Monastere de cet Ordre-la qui fleurisse plus en veritable devotion que celuy ci..

  A019000823 

 J'envoye aussi a Vostre Altesse le projet dressé par son commandement, pour la reformation des Monasteres de deça les montz, duquel la lecture ne sera point hors de sayson parmi ces festes, puisque tout le dessein regarde la plus grande gloire du divin Enfant, la naissance duquel on celebre, et que je ne cesseray jamais de supplier qu'il face de plus en plus prosperer Vostre Altesse,.

  A019000841 

 Je salue cherement la chere trouppe de nos Seurs, que je regarde comme des simples bergeres veillantes sur leurs troupeaux, c'est a dire sur leurs affections, qui, adverties par l'Ange, vont faire l'hommage au divin Enfant, et pour gage de leur eternelle servitude luy offrent le plus beau de leurs aigneaux, qui est leur amour sans reserve ni exception..

  A019000849 

 David pleura tant sur Saül mort, quoy que ce fust son plus grand ennemi: pleurons un peu sur ce monde, [87] qui meurt, ains qui est mort pour nous, et auquel nous voulons a jamais mourir..

  A019000850 

 Et moy, ne croyes vous pas que mon cœur s'attendrisse sur le vostre? Si fait, je vous asseure, mais attendrissement doux et suave, pour voir que vos douleurs sont des presages de plusieurs faveurs que Dieu vous fera, si constamment et fidellement vous perseveres en cette entreprise, la plus digne, la plus genereuse, la plus utile que vous pouvies jamais faire..

  A019000855 

 Et qui ne se mouvroit a ces coups de rasoir qui separent et divisent l'ame d'avec l'esprit, et le cœur de chair d'avec le cœur divin, et nous mesmes d'avec nous mesmes? Mais, vive Dieu! Ces [89] coups sont donnés, c'en est fait: non, jamais plus il n'y aura reunion de l'un a l'autre, moyennant la grace de Celuy pour auquel nous unir inseparablement nous nous sommes separés pour jamais de toute autre chose..

  A019000858 

 Ce grand Dieu aggrandisse de plus en plus le regne de son saint amour en nous.

  A019000906 

 Ne permettes plus tant a vostre esprit de faire des reflexions sur vostre misere et sur vostre incapacité; car, a quoy est bon tout cela? Dépendes vous pas de la Providence de Dieu en tout et par tout? Or, celuy qui habite dans le sejour du Seigneur demeurera en sa protection..

  A019000913 

 Et tenes vous joyeuse, ma tres chere Fille, puisque il n'y a point de veritable joye en cette vie mortelle que celle de se treuver en la voÿe la plus asseuree pour parvenir a l'immortelle..

  A019000932 

 Mais n'est ce pas, donq, ma Fille, dores-en-avant nous ne serons plus ces vieux nous mesmes que nous avons esté devant; nous serons des nous mesmes qui, sans exception, sans reserve, sans condition, serons a jamais sacrifiés a Dieu et a son amour, et, comme de petitz phœnix, nous serons renouvellés de ce feu de la dilection divine pour laquelle, avec un irreconciliable divorce, nous avons pour jamais abandonné et rejetté le monde et toute sorte de vanité.

  A019000946 

 Vostre plus humble et tres affectionné confrere,.

  A019000958 

 Que diray je a ce commencement d'annee? Je suis roy de bon jeu en vostre Mayson, et nos Seurs en sont fort contentes, et m'ont envoyé par escrit une grande protestation de leur sousmission et obeyssance, et m'ont demandé quelques nouvelles loix selon lesquelles elles vivront; et je les mediteray pour leur en porter quand je pourray leur faire une exhortation, que je m'essayeray de faire dans cette octave le plus gratieusement que je sçauray, car j'ay des-ja une idee aggreable pour cela..

  A019000961 

 Monsieur [de Boisy] est tous-jours a la cour, ou il apprend la mortification de la propre volonté, excellemment, et encor plus celle de l'impatience, activité et soudaineté, car il faut demeurer trois heures et quatre a attendre les heures du service; beaucoup plus, certes, que quand il treuvoit quelqu'un a l'autel de la Visitation.

  A019000972 

 Que jamais vostre ame, comme un'abeille mistique, n'abandonne ce cher petit Roy, et qu'elle face son miel autour de luy, en luy et pour luy, [102] et qu'elle le prenne sur luy, duquel les levres sont toutes detrempees de grace, et sur lesquelles, bien plus heureusement que l'on ne vid sur celles de saint Ambroyse, les saintes avettes, amassees en essein, font leurs doux et gratieux ouvrages..

  A019000973 

 Ma Fille, je suis de plus en plus parfaitement vostre..

  A019000986 

 Et tous-jours l'action sera plus authorisee par ce moyen que par aucun autre.

  A019000989 

 Elle a consacré ses forces corporelles a Dieu; ce n'est plus a elle a les ruiner, sinon quand Dieu l'ordonnera, et elle n'apprendra jamais l'ordonnance de Dieu que par l'obeissance aux creatures que le Createur luy a donnees pour sa direction..

  A019000990 

 Si faut, ma tres chere Fille, il la faut faire ayder contre cette tentation par les advis de quelque vray serviteur de Dieu; car il faut plus d'une personne pour desraciner ces persuasions de sainteté exterieure et cherement choisies par la prudence de l'amour propre.

  A019001017 

 Je ne vis jamais une tentation plus manifeste et connoissable que celle la; ell'est presque sans fard et sans praetexte.

  A019001017 

 Rompre des vœux pour jeusner, presumer d'estre bonne pour la solitude sans estre bonne pour la Congregation, vouloir vivre a soymesme pour mieux vivre a Dieu, vouloir avoir l'entiere jouissance de sa propre volonté pour mieux faire la volonté de Dieu: quelles chimeres! Qu'une inclination, ou plus tost fantasie et imagination, chagrine, bigearre, depiteuse, dure, aigre, amere, testue, puisse estre un'inspiration, quelle contradiction! Cesser de louer Dieu et se taire de depit es Offices que la sainte Eglise ordonne, par ce qu'on ne le peut louer en un coin selon son invention, quelle extravagance! Or sus, j'espere que Dieu tirera de la gloire de tout ceci, puisque cette pauvre chere fille se sousmet en fin a ce qu'on luy commandera et qu'elle revere vostre presence.

  A019001031 

 Il n'y a point d'entredeux entre vostre sortie et vostre perte; [110] car ne voyes vous pas que vous ne sortiries jamais que pour vivre a vous mesme, de vous mesme, par vous mesme et en vous mesme? et ce d'autant plus dangereusement, que ce seroit sous pretexte d'union avec Dieu, qui toutefois n'en veut point avoir ni n'en aura jamais point avec les solitaires retirés, particuliers et singuliers, qui quittent leurs vocations, leurs vœux, leurs Congregations par amertume de cœur, par chagrin, avec depit et par degoust de la societé, de l'obeyssance des Regles et sainte observance..

  A019001031 

 La cogitation de sortir a toutes les plus veritables marques de tentation qu'on sçauroit treuver; mays Dieu soit loué dequoy en cet assaut le donjon n'est pas encor rendu ni, comme je pense, prest a se rendre.

  A019001033 

 Je vous laisse a penser, ma tres chere Fille: faire les genuflexions au Saint Sacrement comme par despit, en suitte de la tentation, quelle plus grande marque de tentation peut on avoir? La force des inspirations est humble, douce, tranquille et sainte; et comme donq peut estre inspiration vostre inclination, qui est si depiteuse, dure, chagrine et tempestueuse? Retires vous de la, ma tres chere Fille; traittés cette tentation comme on traitte celles du blaspheme, de trahison, d'heresie, de desespoir.

  A019001033 

 Ne devises point avec elle, ne capitules point, ne l'escoutes point; traverses-la le plus que vous pourres par des frequens renouvellemens de vos vœux, par des frequentes sousmissions a la Superieure; invoques souvent vostre bon Ange, et j'espere, ma tres chere Seur, que vous treuveres la paix et la suavité de l'amour du prochain.

  A019001034 

 Chantes au chœur tous-jours plus constamment a [111] mesure que la tentation dira: Taises vous! a la façon de ce saint aveugle.

  A019001042 

 Mays pourtant, bien que la douleur ne puisse pas estre si tost tout a fait appaysee, nous devons neanmoins l'adoucir le plus qu'il nous sera possible, par toute sorte de bonnes et veritables considerations..

  A019001043 

 Cette chere fille estoit bonne et vertueuse; et, comme je m'asseure, elle hantoit les saintz Sacremens, et par consequent estoit tous-jours bien disposee, au moins suffisamment, pour se conserver [112] en la grace de Dieu: c'est pourquoy son trespas n'a peu estre que bon, non plus que celuy de saint Simeon Stilite, que la foudre et feu du ciel tua sur la colomne.

  A019001054 

 Je croy fort asseurement que nul homme du monde ne vous honnorera jamais plus franchement que je fay; et d'autant plus suis-je marri de ce qui s'est passé ces derniers jours en vostre mayson, puis que Dieu y a esté [113] offensé et le publiq scandalisé, et que le mariage est tout a fait nul et invalide, la commission de dispenser obtenue a Rome n'ayant point esté executee; de sorte qu'il sera requis de celebrer derechef le contract du consentement nuptial, affin de rendre cette conjunction et la posterité legitime.

  A019001069 

 Mays moy, Madame, comme le plus obligé du monde, je le benis et beniray incomparablement par les plus ardens souhaitz que mon ame puisse faire.

  A019001085 

 Et ce pendant, ce m'est tous-jours de lhonneur et de la consolation de vous ramentevoir et raffraichir la tres humble et inviolable passion paternelle que j'ay pour vous, Monsieur mon Filz, selon laquelle je vous souhaite incessamment les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et suis.

  A019001105 

 J'ayme messieurs les Grassi, et d'autant plus que l'un d'entre eux est a vostre service; mais je suis obligé de maintenir le respect qui est deu a l'authorité qui m'est confiee et a luy faire faire place ou il est requis.

  A019001121 

 On me mande de Paris que l'on m'y rase la barbe a bon escient, mais j'espere que Dieu la fera recroistre plus peuplee que jamais, si cela est necessaire pour son service.

  A019001138 

 O ma tres chere Fille, que vous puis je dire sur ce trespas? Nostre bonne Mere de la Visitation m'en a donné l'advis; mais a mesme tems elle m'escrit qu'elle avoit veu madame vostre mere et ma tres chere fille vostre seur Catherine de Gennes, braves, resolues et [122] vaillantes, et de plus, que M. de Belley avoit receu de vos lettres, par lesquelles vous luy tesmoignies vostre asseurance en cette occasion.

  A019001139 

 Mais c'est donq asses, ma tres chere Fille: Dieu et vostre bon Ange vous ayant consolee, je n'y metz plus la main; vostre amertume tres amere est en paix, qu'est il besoin d'en plus parler? A mesure que Dieu tire a soy, piece apres piece, les thresors que nostre cœur avoit icy bas, c'est a dire ce que nous y affectionnions, il y tire nostre cœur mesme; et puisque je n'ay plus de pere en terre, dit saint François, je diray plus librement: Nostre Pere qui es es cieux.

  A019001142 

 C'est beaucoup qu'exterieurement vous soyes plus observatrice de la Regle.

  A019001142 

 Les humiliations, dit nostre Seigneur, precedent et introduisent bien souvent l'humilité; continues en cet exterieur, qui est plus aysé, et petit a petit l'interieur s'accommodera..

  A019001146 

 Mais, ma Fille, cet amour de la propre excellence n'est [125] il pas gratieux en cette fille que je vous ay tant recommandee et qui en verité m'est chere comme mon ame? Car, qu'y a il de plus gentil que cette petite aversion, laquelle [provient] d'estre appellee fille de cette pauvre Mere? Mays demandes luy, je vous prie, si elle a encor point de sentiment dequoy je l'appelle ma Fille, et si elle voudroit point que je l'appellasse ma Mere? O vray Dieu, qu'il luy a cousté d'effortz pour me dire cette petite niaiserie! Certes, ma Fille, je ne sçai pas combien il luy couste, mais je ne voudrois pour rien du monde qu'elle ne me l'eust dit, puisqu'en cela elle a prattiqué une si profonde resignation et confiance envers moy..

  A019001147 

 Au reste, ma tres chere Fille, je ne sçai pas ce que cette fille m'a fait, mais je treuve ses miseres, qu'elle me descrit si naïfvement, si bien remarquees que rien plus.

  A019001147 

 Elle est de rechef encor plus aggreable quand elle me defend de dire ceci a cette pauvre Mere.

  A019001148 

 Mays voyes vous, ne vous estonnes pas de ces distractions: Si j'estois sainte, si je parlois au Pape, et semblablables; car, pour estre fort vaines, elles n'en sont que plus parfaitement distractions, et n'y faut nul autre remede que de ramener doucement le cœur a son object..

  A019001163 

 La paix et tranquillité du cœur, qui prennent leur origine d'une parfaite confiance en la bonté de Dieu et sont le lieu du Saint Esprit, soyent aussi a jamais vos plus cheres compagnes.

  A019001169 

 Je vous supplie de saluer de ma part monsieur vostre tres digne Curé et l'asseurer de mon service plus humble.

  A019001182 

 Ayes toute vostre confiance en sa [130] Bonté, et il aura soin de vostre ame et de tout ce qui la regarde plus que jamais nous ne sçaurions penser..

  A019001183 

 Je serviray ce que je pourray monsieur N.; mais il faut advouer qu'en matiere de negociations et affaires, sur tout mondaines, je suis plus pauvre prestre que je ne fus jamais, ayant, graces a Dieu, appris a la cour a estre plus simple et moins mondain..

  A019001195 

 Mais n'attendes pas, mon cher Frere, que je vous face le remerciement que je devrois de vostre boëte toute pleine de parfums sacrés: seulement je vous asseure que j'estime plus ce present que l'or et le topaze, car il vient de vostre dilection et ne rend que devotion..

  A019001198 

 Vives tous-jours uniquement en Dieu, mon tres cher et tres veritablement tous-jours plus cher Frere, et aymes continuellement mon ame, laquelle souhaite mille et mille consolations et prosperités saintes a la vostre, vous cherit et vous honnore invariablement..

  A019001213 

 Dequoy c'est la verité quil communiqua premierement avec moy, sur le sujet du refus quil fit d'aller aupres de Madame, ou Monseigneur le Serenissime Prince le desiroit; mais ce fut avec une resolution en laquelle il ny avoit plus aucun lieu de conseil.

  A019001213 

 Mays vous sçaves bien que le bon M. le Doyen de Chevron, mon cousin et vostre parent, que j'avois retenu des il y a trois ans en nostre profession ecclesiastique, estimant qu'il y pouvoit rendre plus de service a Nostre Seigneur, enfin s'est retiré a Talloyres, dans la vocation monastique.

  A019001234 

 Messieurs du Conseil et toute la ville, tout cela est en joye, et chacun l'appreuve encor plus parce que cela s'est fait sans brigue ni recherche.

  A019001260 

 Son Altesse ayant fait à mon frère la faveur de le nommer à la coadjutorerie de cet Evêché avec future succession, j'ai pensé que Votre Seigneurie me rendrait volontiers le service d'en entreprendre la sollicitation, d'autant plus que votre naissance en ce diocèse et l'amitié que votre père et vos frères m'ont toujours témoignée [139] vous inviteront à le faire.

  A019001272 

 A vous, ma tres chere Fille, il ne faut point de ceremonie, car Dieu ayant rendu mon cœur si fortement serré au vostre, il n'y a plus d'entredeux, ce me semble.

  A019001273 

 O ma tres chere Fille, recommandes moy a ce divin Amour crucifié et crucifiant, affin qu'il crucifie mon amour et toutes mes passions, en sorte que je n'ayme plus que Celuy qui, pour l'amour de nostre amour, a voulu estre douloureusement mais amoureusement crucifié..

  A019001273 

 Ouy, ma tres chere Fille, et tous-jours, certes, plus chere Fille.

  A019001286 

 Pour moy, je cheris vostre cœur de plus en plus, je le benis de plus en plus, et suis en verité de plus en plus.

  A019001320 

 Et de plus, s'il se treuve quelque ame, voire mesme au noviciat, qui craigne trop d'assujettir son esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuydance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que pour l'ordinaire celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A019001320 

 Le Directoire du noviciat propose quantité d'exercices, il est vray, et il est encor bon et convenable pour le commencement de tenir les espritz rangés et occupés; mays quand, par le progres du tems, les ames se sont un peu exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors les exercices s'unissent a un exercice de plus grande simplicité: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu; de sorte que cette multiplicité se convertit en unité.

  A019001332 

 Ce pendant, Monsieur, cette mesme amitié ancienne qu'il vous a pleu de me marquer, m'oblige a vous communiquer lhonneur que Son Altesse a fait ces jours passés a mon frere qui est aupres de Madame, l'ayant nommé mon coadjuteur et successeur en cett'Evesché, avec une gratification d'autant plus honnorable que ça esté sans que je l'aye jamais ni demandee ni fait demander.

  A019001356 

 Et l'excellence du fait, c'est que, ni directement ni indirectement, j'e n'ay demandé ni procuré ce bienfait, qui n'est pas grand, a la verité, quant aux moyens, mais bien grand quand a lhonneur et la façon encor plus honnorable de le conferer.

  A019001356 

 Saches, ma tres chere Mere, que par une voye admirable Son Altesse a nommé mon frere a ma coadjutorie et succession en cet Evesché, sur le desir de Madame et de Monseigneur le Prince, brevet expedié et toutes les faveurs les plus favorables pour Rome; mays avec des paroles si avantageuses de Son Altesse et de Madame pour toute nostre mayson, pour mon frere et pour moy, que rien ne s'est veu de pareil.

  A019001358 

 Mays je luy dis asses intelligiblement a Tours, que je ne voudrois estre demarié que pour n'estre plus marié, et notamment de la sorte que vous m'escrives.

  A019001362 

 En verité, je ne sens quasi point ce desplaysir, non plus que si c'estoit d'un'autre..

  A019001362 

 Ne vous fasches point de ce que je vous ay dit de cette Seur Jeanne Françoise, car j'en suis plus en peine que fasché; c'est a dire, je suis plus en perplexité comme je dois faire, qu'affligé de ce qu'il y faut faire.

  A019001365 

 Je voy a la desrobee les Directoires, et n'ay sceu achever, non plus que faire les entretiens que vous desiries..

  A019001366 

 Je n'ay jamais bien peu concevoir qu'il fut juste qu'on fit perdre les creances a un homme pour les conserver au debiteur qui, [155] en aage de discretion, a fait l'emprunt; mays si on pouvoit mettre ordre pour l'advenir affin qu'on ne peut plus valablement emprunter et que cela fut notifié aux presteurs, cela seroit bon..

  A019001399 

 Ce qu'il fit, mais en confession, en sorte que je ne puis dire sur ce sujet que deux veritables verités: l'un'est que cett'ame est parfaitement bonne et toute exposee a la volonté de Dieu; et l'autre, que j'ay estimé a propos de luy donner [159] encor un peu de tems, tandis qu'elle acheve son cours de theologie, pour plus entierement digerer ses cogitations sur le fait de sa vocation.

  A019001399 

 Son confesseur, a ce qu'il m'a dit, est un tres grand personnage, et de la Compaignie, qui verra plus clairement a la suite ce qui sera convenable, et en discernera mieux que je ne sçaurois faire..

  A019001416 

 Et pour cela je me contenteray de luy en faire tres humblement la reverence et l'asseurer que, comme elle pouvoit gratifier grande multitude de gens de plus de merite, aussi n'eut elle peu en regarder de plus de fidelité et d'obeissance [161] que mondit frere et moy, qui ne cesseray jamais de louer Dieu de quoy il m'a rendu, par tant de devoirs,.

  A019001429 

 Les faveurs les moins meritees sont a la verité les moins honnorables, mais elles sont aussi les plus obligeantes; et quand elles viennent d'un haut lieu et d'une main souveraine, elles sont estimees parfaites, et ostent a ceux qui les reçoivent le pouvoir d'en faire des dignes actions de [162] graces.

  A019001442 

 Si vous mesures vos faveurs a ce que Dieu a voulu que vous fussies, il n'y en aura jamais de trop grandes; mays [163] si elles sont balancees avec le merite de ceux qui les reçoivent, celle dont il vous a pleu de gratifier mon frere et moy, en la nomination faite par Son Altesse, sera sans doute des plus excessives, et faudra advoüer, Madame, qu'elle n'a nul fondement qu'en la grandeur de vostre bonté; sinon que, parmi plusieurs graces de Dieu, vous aves encor celle la de connoistre les cœurs, et que dedans les nostres Vostre Altesse ayt regardé l'incomparable passion que Dieu mesme y a mise, pour nous rendre infiniment dediés a vostre service et nous faire resigner a jamais a l'obeissance de vos commandemens: car en ce cas, Madame, s'il vous a semblé bon de mettre en consideration nostre tres humble sousmission, Vostre Altesse aura bien eu quelque sujet de nous departir ce bienfait, duquel je luy rens tres humbles graces..

  A019001455 

 Demeurés en paix, ma tres chere Seur, et ne croyes point que j'aille ni en Espagne ni ailleurs, au moins ny [164] a-il nulle apparence de cela; et j'espere que j'auray le contentement de vous rendre quelque service pour vostre logement avant mesme que j'aille en l'autre monde, qui est le plus long et le plus esloigné, comm'aussi le plus asseuré de tous les voyages que j'aye a faire, et lequel je vous supplie tous-jours de recommander et faire recommander a Dieu par vos cheres Filles, affin quil me soit heureux.

  A019001471 

 Outre que les venerables Religieux de Six, pour leur bonne vie et affection a la reformation, meritent d'estre [165] protegés, l'affaire qu'ilz ont maintenant prenant son origine en partie de la visite que j'y ay faite, et en laquelle je puis bien prendre Dieu mesme a tesmoin d'avoir eu seulement son service en veüe, et en laquelle, de plus, je n'ay presque rien ordonné qu'apres avoir, par raysons, tiré le consentement amiable des parties, je me sens obligé de faire avec lesdits Religieux une mesme supplication aupres de vous, affin qu'il vous playse de les favoriser en la conservation de leur bon droit; en quoy vous feres chose grandement aggreable a Nostre Seigneur et qui m'obligera extremement, qui suis a jamais,.

  A019001515 

 [169] Elle pourra estre des Seurs Associees, qui sont l'objet de la plus parfaite charité qu'on puisse exercer, ce me semble, en attendant que, le courage luy venant, elle puisse se rendre un peu sujette au chœur.

  A019001560 

 Que cette chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument [174] comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens, ni il ne dependra pas de moy, qui suis fort peu de chose icy et rien du tout ailleurs: seulement je repete que pour mon consentement je le donne, et contribueray, de plus, ce que je pourray bonnement faire a vostre intention..

  A019001563 

 Que vous puis je desirer de plus, ma tres chere Fille?.

  A019001593 

 Ne prenes pas garde, je vous supplie, a ce que j'ay tant tardé de vous escrire, car vous auries grand tort si vous [177] pensies que pour cela j'aye jamais cessé de vous cherir et honnorer tendrement et tres partialement, et d'autant plus, certes, que je vous sçavois estre en peine sous la persecution que l'on faysoit a vostre personne et a mon nom; mais j'avois quelque desfiance que mes lettres n'eussent pas esté ni utiles ni a propos, si l'on eust sceu que vous les eussies receuës.

  A019001594 

 On m'escrit que vostre amitié nuptiale est si entiere et parfaite que rien plus: et n'est ce pas cela la veritable et certaine marque de la benediction de Dieu sur un mariage? Et ce que Dieu benit, qu'importe-il que les hommes le censurent? Continues seulement en cette benediction, et nourrisses soigneusement ce bonheur par une perseverante fidelité au service de la divine Majesté; et que tout le monde parle tant qu'il voudra.

  A019001607 

 Ces quattre lignes suffiront, ma tres chere Fille, pour servir de preface a une plus grande lettre que je me sens obligé de vous escrire, pour reparer le manquement que j'ay fait de vous rendre ce devoir des mon arrivee en ce pais, ou je vous supplie de croire que vous estes toute presente a mon esprit, qui ne finira jamais de cherir infiniment le vostre et luy souhaiter toutes les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et particulierement un continuel progres en l'amour celeste qui seul peut assoüir vos affections..

  A019001608 

 J'ay loué sa divine Majesté quand j'ay sceu que vous esties acouchee heureusement apres tant de maux et de peines, par lesquelles la divine Providence vous veut associer a sa croix, qui est la plus estimable marque de sa dilection parmi ses enfans.

  A019001609 

 Je vous demande permission de saluer en ce petit bout de lettre ma tres chere petite fille madamoyselle Anne, qui, je m'asseure, est encor plus devote que belle.

  A019001650 

 ..................................................................on l'apprendroit a l'avantage, et seroit on deschargé de plus de la moytié de la peine quand ce viendroit au fait et au prendre, car on n'auroit a faire sinon d'appliquer cela au point.

  A019001651 

 Je vous escriray plus amplement dans trois ou 4 jours que M. du Chastelard partira, car j'ay tant escrit que je n'en puis plus.

  A019001703 

 Je vous supplie en même temps, si toutefois cela se peut et s'il est expédient, de vouloir bien les renvoyer ici; car, ayant appris la langue et les usages du pays, ils pourront y travailler plus utilement que d'autres qui viendraient sans ces éléments nécessaires de succès..

  A019001704 

 Néanmoins, je ne laisserai pas de dire à Votre Paternité Révérendissime, comme très désireux du bien et de l'honneur de sa Congrégation, qu'il serait aussi très à propos d'envoyer avec eux un des Pères anciens, dont l'âge inspirerait plus de respect encore [186] pour ces collèges récemment fondés qui s'augmenteront peut-être bientôt d'un troisième pour le Noviciat; ainsi, par la présence et l'autorité d'un si vénérable personnage, toutes ces Maisons recevraient leur entier perfectionnement..

  A019001717 

 Que vous diray je? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon qu'il me semble que mon ame est un peu plus solidement establie en l'esperance qu'elle a eu, de pouvoir un jour jouir des fruitz de la mort et resurrection de Nostre Seigneur; lequel, comme il m'est advis, parmi les jours de la Semaine Sainte et jusques a present, non seulement m'a fait voir plus clairement, mays avec une certitude et consolation intellectuelle et toute en la pointe de l'esprit, les sacrés axiomes et les maximes evangeliques, plus clairement et suavement, dis je, que jamais; et je ne puis asses admirer comme, ayant tous-jours eu une si grande estime de ces maximes et de la doctrine de la Croix, j'ay si peu pris de soin pour les prattiquer.

  A019001718 

 La coadjutorie s'en va estre toute arrestee et accomplie avec tant de faveur que rien plus; et ne se peut croire [188] combien mon frere tesmoigne d'esprit et de vertu aupres de Madame et de ces grans Princes, de sorte que je commence d'estre conneu et aymé parce que je suis son frere..

  A019001726 

 J'eusse desiré que le sieur Grassi se fut contenu dans les termes du respect et de la verité a Vienne, et que monsieur Gariod n'eut pas fait l'esclat qu'il a fait a Chamberi (sur lequel monsieur le Marquis de Lans m'a escrit que le service de Son Altesse requeroit qu'on donnat la cure de Villy aux doctes, et monsieur le procureur general a appellé comme d'abus, et le Senat a tesmoigné de l'affection a la conservation du concours), ou qu'il eut eu encor un peu de courage pourvoir sortir les effectz de sa requeste et de son bon droit, affin que l'equité estant victorieuse et l'authorité des Evesques maintenue, on eut par apres plus honnorablement et courtoysement accommodé toute cette affaire en la façon mesme qu'il a, comme je voy, acceptee.

  A019001726 

 Mays puis que il a treuvé bon de le faire avant ce tems-la, je ne m'y oppose point, et dautant plus, qu'autant quil me sera possible j'affectionneray tous-jours vos desirs et ceux de monsieur de [190] Polinge.

  A019001740 

 Non veritablement, ma tres chere Fille, il n'est pas vray que je vous puisse dire de quel cœur je vous cheris et honnore, ni par consequent que jamais je vous puisse obliger en vous escrivant le plus souvent que je puis; quoy que je le fay avec bien plus de douceur, sachant que vous aymes a recevoir ce petit tesmoignage de mon infinie affection, que vous ne pouves guere connoistre humainement d'autre sorte, et de laquelle en suite vous auries bien sujet de douter si Dieu, qui en est l'autheur, ne vous en donnoit la certitude dans le fond de vostre ame, comm'au milieu de la mienne il a planté un invariable sentiment de ce que vous m'estes et de ce que vostre cœur est au mien.

  A019001741 

 Je pense, pour moy, que je ne bougeray point de ce païs avant la Feste Dieu, et ne suis pas certain si encor, apres cela, j'iray en aucun autre lieu, n'estant guere plus certain de l'employ de ma vie que de l'heure de ma mort, tant je suis maintenant engagé dans la volonté d'autruy.

  A019001757 

 Il faut donq que je vous die que je ne puis avoir opinion que rien se face de ce costé-la, que vous sçaves, si Dieu ne le veut de sa volonté absolue; car premierement, ce fut ce que d'abord je dis a Monsieur le Cardinal, que [193] si je quittois ma femme, ce seroit pour n'en avoir plus.

  A019001760 

 N'en parlons donq plus que selon les occurrences, ma Mere..

  A019001786 

 Le Concile de Trente prefige absolument une annee de noviciat, en sorte que nul ne peut en establir deux, ni mesme un seul mois davantage, sans special privilege du Pape; bien qu'es cas particuliers, les Superieurs, ains la Superieure et les Seurs, peuvent differer la Profession quand il y a cause legitime: comme quand, avec un peu de loysir, la Novice pourra se rendre plus capable, ainsy qu'il est dit es Constitutions.

  A019001799 

 Il faut donq balancer: est il mieux qu'en nostre jardin il y ayt des espines pour y avoir des roses, ou de n'avoir point de roses pour n'avoir point d'espines? Si cette fille apporte plus de bien que de mal, il sera bon de la recevoir; si elle apporte plus de mal que de bien, il ne la faut pas recevoir..

  A019001803 

 Un petit habit tanné, ou blanc, ou de la couleur que vous jugeres plus propre, avec un peu de forme approchant de celle de la Religion, qui monstreroit qu'elles sont en pretention et attendant l'aage, les pourroit contenter..

  A019001804 

 Ces bonnes filles n'ayment pas la pauvreté necessiteuse, et nous, certes, n'en sommes pas non plus ravis d'amour.

  A019001827 

 Vostre plus humble et tres affectionné confrere,.

  A019001852 

 J'auroys grand'envie de sçavoir un peu clairement le [207] fond de vostre proces, pour voir sil y auroit moyen de le terminer, affin que de ce costé la vous eussies plus de repos.

  A019001872 

 Ce porteur mesme me remit une lettre de Vostre Excellence, addressee a monsieur de la Feuge, colomnel de la ville dAnnessi; et j'ay eu peine a me resoudre si je [209] la luy envoyerois, puisque il y a long tems quil n'est plus colomnel de cette ville, monsieur de Villette l'ayant esté l'annee passee, et mon frere le Chevalier l'estant celle ci, lequel, n'estant pas a present icy, j'eusse adverti promptement d'y venir, si ce n'eut esté que, par un bruit commun, j'ay sceu que Vostre Excellence avoit donné tout le commandement et du chasteau de cette ville et des compaignies de la ville mesme a monsieur de Monthouz, en sorte que mondit frere ne semble y avoir plus rien a faire.

  A019001872 

 Et neanmoins, pour ne point faillir, j'ay envoyé ladite lettre des ce matin, desireux que je seray tous-jours d'honnorer les volontés de Vostre Excellence, a laquelle souhaitant de plus en plus toute sainte prosperité,.

  A019001883 

 N'en doutes point, je vous ayme plus que jamais, parce que je vous voy en estat d'entrer dans cette voye d'une [210] veritable devotion qui commence a destacher son cœur de toutes les choses du monde, affin d'estre toute a Dieu et qu'il puisse absolument disposer de vous, pour n'aymer que ce que Dieu ayme, pour faire sa volonté et suivre ses conseilz, pour fuir avec un soin extreme tout ce qui le peut offencer, mortifier ses passions et regler sa vie sur les maximes de Jesus Christ, estre humble et patiente; car le grand secret pour entretenir une bonne devotion, c'est d'avoir beaucoup d'humilité.

  A019001884 

 Cet Amour increé, qui, sans esgard a ses propres advantages, s'employe par tout a chercher nostre bien, nous cachant souvent les plus belles flammes ou nous le pensions moins, a ce saint artifice pour nous engager a l'aymer de toute nostre puissance; et parce que cet amour est un don [211] gratuit de son amour, aussi devons nous le chercher de toutes nos forces.

  A019001884 

 Nous ne devons pas nous troubler pour nos offences; car souvent ce divin Esprit est plus liberal de ses dons a ceux qui luy ont esté plus avares de leur cœur et de leurs affections..

  A019001894 

 Et puisque vous le connoisses ainsy, benisses du plus profond de vostre esprit cette divine douceur; et moy je l'en beniray avec vous, destinant a cela les Sacrifices tressaintz que j'offriray sur ses autelz sacrés, car plus grande action de graces ne puis je faire a la divine Majesté, que de luy presenter Celuy pour lequel et par lequel tout luy est aggreable au Ciel et en la terre..

  A019001896 

 Et je voy bien que je ne dois rien dire de plus pour ce point, puisque vous mesme en confesses la verité et connoissesqu'ily a de l'impossibilité.

  A019001896 

 Mays comment? en quel estat? en quelle condition de vie? De demeurer en l'estat auquel vous estes, ce seroit bien le plus aysé en apparence, mais en verité le plus difficile.

  A019001898 

 Or, je dis encor d'autant plus asseurement ceci, que je voy en vous le mariage plus perilleux qu'a une autre, a cause de ce courage pretendant que vous me marques, qui vous feroit incessamment souspirer apres les aggrandissemens et vous feroit nager continuellement dans la vanité..

  A019001899 

 Mais cette resolution estant ainsy prise sans qu'il y ait sujet d'en avoir aucun scrupule, il est bien plus difficile de vous dire ensuite: Entres donq en Religion.

  A019001901 

 Et neanmoins, c'est un des plus parfaitz serviteurs que jamais Dieu ayt eus en ce monde, et lequel en fin fut si heureux que de pouvoir dire en verité: Je vis moy, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy, apres que la grace eut assujetti la nature et que les inspirations eurent subjugué les inclinations..

  A019001917 

 Vostre serviteur plus humble et plus affectionné,.

  A019001928 

 Il m'a grandement vanté l'honneur qu'il dit avoir de vostre bienveuillance; ce seroit bien la plus advantageuse qualité qu'il peust posseder.

  A019001928 

 Si Monsieur luy fait du bien (et mesme il [y] pretend), peut estre s'assujettira-il plus qu'il n'a fait jusqu'a present a mieux vivre..

  A019001929 

 Voyla tout, car, pressé que je suis, je differe d'escrire a la bonne Mere de Chantal jusqu'a vendredi ou samedi, que je pourray prendre plus de loysir.

  A019001943 

 Il vous dira comme M. Fornand s'en [va] aujourdhuy, ou demain au plus tard, pour suivre la voye de toute chair.

  A019001945 

 Mais nous acheminons le plus que nous pouvons l'eschange de son benefice avec un autre qui est possedé par un autre changeant, affin quil puisse revenir; et le tems nous fera sages..

  A019001951 

 Et ce qui m'oste encor plus l'esperance de pouvoir servir monsieur Pernet en son desir, qui est digne de luy et du soin charitable quil a de ceux qui luy appartiennent, c'est que son cousin, M. le chanoyne, a ses apprehensions si fortes, qu'il croid que sa partie a grand tort et luy en doit de reste; combien que m'estant enquis le plus que j'ay peu de la verité, je treuve que c'est tout au contraire, et que ledit sieur chanoyne Pernet a excedé fort scandaleusement, et que le bon M. Rogex l'a traitté avec un respect duquel la partie a grandement a se plaindre.

  A019001951 

 J'ay un desir extreme de servir monsieur Pernet, mesme en la mauvaise affaire que son cousin a avec [226] ce soldat; et y ay des-ja mis la main par l'entremise de monsieur de Mesme, qui a fort heureusement gaigné sur ledit soldat quil se contentera de ses despens, la difficulté n'estant plus que sur la quantité, laquelle je voy estre fort grande par la liste que j'en ay tiree, et delaquelle, si je ne puis maintenant, au premier jour je vous envoyeray copie.

  A019001952 

 Certes, j'estimerois madamoyselle de Beaufort l'une des plus heureuses femmes du monde, si ell'estoit mariee avec luy.

  A019001952 

 Mays je vous suplie, faites quil me pardonne si je ne luy escris pas pour ce coup, car je n'en puis plus..

  A019001956 

 M. de Brescieu a desiré que le curé de Bellecombe l'accompaignast, et je n'ay pas eu grande difficulté a le luy accorder, car, jusques a ce que ce curé change d'humeur, son absence sera plus utile que sa presence..

  A019001960 

 et je le treuve tous-jours plus a mon gré..

  A019001988 

 Monsieur vostre frere le plus jeune m'a grandement tesmoigné de ne vouloir nullement estre ecclesiastique, non seulement par sa façon de vivre, mais par la priere quil m'a faite de supplier madame sa mere d'avoir aggreable qu'il en quitte la robbe.

  A019002000 

 Et de dire que monsieur le Comte de Verrue ayt conillé pour obtenir plus aysement le chapeau, c'est chose impertinente; car mes Bulles furent expediees en un tems auquel monsieur l'Abbé Scaglia estoit si jeune, ou plustost si enfant, que son pere ne pouvoit avoir cette pensee.

  A019002000 

 Et moy, mon tres cher Frere, il faut bien que je corresponde et que j'escrive le plus que je pourray.

  A019002003 

 Nous attendions M. le premier President pour ces festes, mais son indisposition nous a privés de ce bien jusques a [233] ce quil ayt plus de santé.

  A019002020 

 Nous ferons partir nos Seurs au plus tost, mais non pas, a l'aventure, si tost que vous desireries; car nous n'en voudrions pas faire deux trouppes, et il en faut pour Paris, et Orleans encores.

  A019002025 

 O ma Fille, il ny a pas moyen d'escrire davantage, non pas mesme a ma tres chere grande fille de Paris, a laquelle neanmoins je dis icy qu'il faut qu'elle ne desire plus la Profession avant l'annee, par ce que cela est impossible.

  A019002039 

 Car, je vous prie, ma tres chere Fille, comme vous pourrois je conseiller de demeurer au monde? Avec ce tres bon naturel que veritablement je connois en vous dans le fond de vostre cœur, mays accompaigné d'une si forte inclination a la hauteur et dignité de vie, et a la prudence et sagesse naturelle et humaine, et de plus, d'une si grande activité, subtilité et delicatesse d'entendement, que je craindrois infiniment de vous voir dans le monde! n'y ayant point de condition plus dangereuse en cet estat-la que le bon naturel environné de telles qualités; auxquelles si nous adjoustons cette incomparable aversion a la sousmission, il n'y a plus rien a dire, sinon que, pour aucune consideration, quelle qu'elle soit, il ne faut pas que vous demeuries au monde..

  A019002054 

 Et ainsy semblables choses, lesquelles sont fort veritables; de sorte que, sans doute, il ny en [a] pas un au Senat qui peut mieux [242] succeder que luy; car les uns sont si vieux quilz n'en peuvent plus, les autres sont bas de naissance et fort peu bien disans, les autres n'ont pas tant d'estude ni tant d'habilité.

  A019002054 

 Que M. le premier President est le plus grand jurisconsulte de ce tems, et que c'est dommage quil ne puisse plus si aysement meshuy prononcer les arretz et se treuver a toutes occasions comm'il faysoit; que sa maladie luy donne egalement cette incommodité et presque asseurance de longue vie, puisque elle le decharge des humeurs peccantes; que c'estoit une belle chose, es occurrences, de le voir haranguer et representer le Senat.

  A019002076 

 J'escris a madame de Chantal, qui en ayant appris plus de particularités, me les fera sçavoir affin que si on peut treuver quelque remede on le face..

  A019002077 

 Certes, j'apprehenderois plus cent fois vostre desplaysir que le mien propre, car je suis parfaitement tout dedié a vostre bienveuillance et a celle de madamoyselle ma [248] fille, a laquelle je n'escriray pas pour cette fois, puis que j'ay des-ja trop retenu ce porteur qui devoit partir hier matin si j'eusse peu escrire.

  A019002077 

 Mays vous croires tous deux, je vous en supplie, que vous ne sçauries jamais rencontrer un'ame qui vous honnore plus passionnement et constamment que moy, qui suis,.

  A019002083 

 Je vous supplie, Monsieur, d'asseurer monsieur Lefevre que je l'honnore de tout mon cœur et suis son serviteur; comm'aussi de prier monsieur et madame de Forax qu'ilz me favorisent tous-jours de leur bienveuillance, car d'escrire il ny a plus de moyen..

  A019002093 

 O que puisse je, ma tres chere Mere, bien recevoir et employer le don du saint entendement, pour penetrer plus clairement dans les saintz mysteres de nostre foy! car cette intelligence assujettit merveilleusement la volonté au service de Celuy que l'entendement reconnoist si admirablement tout bon, et dans lequel il est enfoncé et engagé: en sorte que, comme il n'entend plus qu'aucune chose soit bonne en comparayson de cette Bonté, aussi la volonté ne peut plus vouloir aymer aucune bonté en comparayson de cette Bonté, ainsy qu'un œil qui seroit planté bien avant dans le soleil ne peut envisager d'autre clarté..

  A019002102 

 Or, on y pensera; et ce pendant, [251] parmi ce tracas, je vous respons, ma tres chere Fille, le plus courtement que je pourray..

  A019002106 

 Il y a quelquefois de l'incommodité, mays on ne sçauroit comme l'oster sans tomber en une plus grande..

  A019002111 

 Et je pense qu'au plus tard il seroit expedient que cela se fit quand on ira au nouveau monastere..

  A019002115 

 Vos inclinations ne vous sçauroyent nuire, pour mauvaises qu'elles soyent, puisque elles ne vous sont laissees que pour exercer vostre volonté superieure a faire un'union a celle de Dieu plus avantageuse..

  A019002131 

 Je ne vous ay point escrit despuis vostre depart parce que je n'ay peu bonnement le faire, et je ne vous en fay point d'excuses parce que vous estes veritablement et de plus en plus ma plus que tres chere fille..

  A019002133 

 Et de plus, mon Official et luy eurent une petite prise inopinement, sur ce qu'il s'estoit presenté aux Ordres non tondu ni tonsuré, ni barbe a la façon d'icy, qui l'a fait retourner un peu mescontent; non pas qu'il me l'ayt tesmoigné a moy, mais il le tesmoigna a d'autres en partant.

  A019002137 

 Ainsy soit il, ma tres chere et tous-jours plus tres chere Fille.

  A019002150 

 Je croy que parmi la multitude des affaires importantes que Son Altesse peut avoir pour le bien de sa coronne et consolation de ses Estatz, il y en a peu qu'elle doive affectionner plus fortement que celle que je proposay a Vostre Altesse quand j'eu l'honneur d'estre aupres d'elle au chasteau de cette ville, pour le retirement de cette autre ville, par voye douce, paysible et asseuree.

  A019002151 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse, ains, si elle me le permet, je la conjure par sa propre bonté et par son bonheur, de l'oüir promptement et favorablement, et de donner des maintenant un bon commencement a ce saint projet, puis que il ny a rien a perdre, mais tout a gaigner et encor plus a esperer, par la bonne issue que Dieu en donnera a Vostre Altesse, selon les vœux universelz de tous les gens de bien et mes continuelles prieres pour la prosperité de la coronne de Son Altesse et la vostre,.

  A019002163 

 Il est vray, Madame ma tres chere Mere, que feu monsieur le Marquis vostre frere avoit desseigné de me faire une entiere confession generale de toute sa vie, pour prendre de moy les advis convenables pour en employer le reste plus ardemment au service de Dieu; mais je ne revins pas asses tost pour luy rendre cet office, puisque Dieu l'appella avant mon depart de Paris, avec la grace qu'il luy fit de bien recevoir ses divins Sacremens..

  A019002167 

 Et faut que j'adjouste que cette coadjutorie a esté donnee a mon frere sans que je l'aye demandee ni fait demander, ni d'une façon ni d'autre; ce qui ne m'est pas une petite consolation, parce que, n'y ayant rien du mien que le consentement, j'espere que Nostre Seigneur l'aura plus aggreable..

  A019002169 

 Vostre tres humble et plus obeissant filz, frere.

  A019002176 

 C'est la verité que non seulement vous estes ma tres chere fille, mais c'est la verité aussi que tous les jours [261] vous l'estes davantage en mon ressentiment; et Dieu soit loué dequoy non seulement il a creé en mon ame un'affection veritablement plus que paternelle pour vous, mais dequoy il a mis l'asseurance que vous en deves avoir dedans vostre cœur.

  A019002177 

 Ce que vous dites pour sauver un peu de bien temporel ne fut pas un mensonge, ains seulement un'inadvertence, de sorte que tout au plus ce ne peut estre qu'un leger peché veniel; et, comme vous m'escrives, encor y a-il de l'apparence qu'il ny en eut point du tout, puisque il ne s'en ensuivit aucune injustice contre le prochain..

  A019002196 

 Nous ne faysons guere de praefaces, elle et moy, ni d'appendices non plus..

  A019002200 

 S'ilz voyoyent la Profession des Benedictins, qui est la Profession des plus anciens et peuplés monasteres, ilz auroyent donq bien a discourir, car il ny est fait mention quelcomque ni des Superieurs, ni des vœux de chasteté, pauvreté et obeissance, ains seulement [265] de stabilité au monastere et de la conversion des mœurs selon la Regle de saint Benoist.

  A019002201 

 Veritablement M me la Presidente de Herce, est ( sic ) ma tres chere fille et comere, est toute aymable devant Dieu et es ( sic ) hommes; je luy escris, et la rayson mesme vouloit bien que je luy eusse plus tost rendu ce devoir.

  A019002202 

 M me la Contesse de Fiesque est une des dames que j'honnore le plus en ce monde; et je sens encor avec suavité l'odeur de sa pieté et vertu, que je receu en deux seules fois que je la vis chez le bon monsieur de Monthelon et chez M me de Guise, et m'estimerois grandement favorisé si je pouvois luy rendre quelque digne service.

  A019002233 

 J'ay dit a M. Michel Favre, mon assistant continuel, que s'il se pouvoit, il vous allast voir de ma part; car si je pouvois, j'irois moy mesme et m'en estimerois plus heureux, ayant tous-jours une tres singuliere complaysance et consolation a seulement penser que vous estes ma tres plus chere fille.

  A019002236 

 Ma tres chere Fille, Dieu m'a rendu vostre, et je le seray invariablement a jamais et tout a fait sans reserve; il est vray, ma tres chere Fille, je le suis plus qu'il ne se peut dire..

  A019002243 

 Dieu nostre Sauveur sçait bien qu'entre les affections qu'il a mises en mon ame, celle de vous cherir infiniment et vous honnorer tres parfaitement est l'une des plus fortes et tout a fait invariable, exempte de vicissitude et d'oubli.

  A019002244 

 J'attendois que vous m'escrivissies, non point pour penser que vous le deussies, mais ne doutant point que vous ne le feries et que, par ce moyen, je vous escrirois un peu plus amplement.

  A019002244 

 Mais si vous eussies tardé davantage, croyes moy, ma tres chere Fille, je ne pouvois plus attendre; non plus que jamais je ne pourray omettre vostre chere personne et toute vostre aymable mayson en l'offrande que je fay journellement a Dieu le Pere, sur l'autel, ou vous tenes, en la commemoration que j'y fay des vivans, un rang tout particulier: aussi m'estes vous toute particulierement chere..

  A019002244 

 Oh! certes, ni moy non plus, car je vous dis en toute fidelité et certitude, que ce que Dieu a voulu que je vous fusse, je le suis, et sens bien que je le seray a jamais tres constamment et tres fortement, et ay en cela une tres singuliere complaysance, accompaignee de beaucoup de consolation et d'utilité pour mon esprit.

  A019002274 

 Mais il y a une loi supérieure: «Le salut du peuple est la suprême loi,» d'après laquelle j'ose dire qu'on ne saurait rendre un plus grand service à Dieu, au Siège Apostolique et à la sainte Eglise, qu'en usant de dispense en pareil cas et en accordant le bénéfice à ce Prélat: et cela pour deux raisons principales..

  A019002275 

 La première: que l'église Saint-Germain est des plus importantes de Paris, étant la paroisse du Louvre, de la cour et de plusieurs milliers de personnes.

  A019002286 

 Or sus, vous l'aures, je m'asseure, ce soin-la, car vous aspires de plus en plus a la parfaite union avec Dieu, et ce desir vous pressera d'estre de plus en plus exacte en l'observance [278] des vertus qui sont requises pour le contenter: entre lesquelles, la paix, la douceur, l'humilité, l'attention a soy mesme tiennent les premiers rangs..

  A019002298 

 Ainsy je salüe cette chere ame de ma plus chere fille, et suis.

  A019002313 

 Je loüe Dieu que vostre arrivee en ce païs-la a esté accueillie avec tant de joye, et j'espere que la suite sera tous-jours correspondante; car les amis de Dieu sont trop plus honnorés..

  A019002337 

 Monseigneur le Prince ayant sceu que vostre Bulle fondamentale obligeoit la Congregation des Reverens ecclesiastiques de Nostre Dame a vivre a l'instar de ceux de l'Oratoire, et ne doutant point que cela ne se fit plus heureusement si quelques uns desdits Peres de l'Oratoire, qui sont maintenant establis presque par toute la France, venoyent en ladite Congregation de Nostre Dame pour la dresser et perfectionner selon leur Institut, il me commanda d'en traitter avec ceux de Paris; et despuis peu, j'ay receu nouvel advis de la part de Son Altesse, qu'elle vouloit faire reuscir ce projet, et bientost, avec ordre de tenir la place vacante en attente, affin que plus librement et aysement on la puisse employer pour une si sainte intention.

  A019002337 

 Pour cela donq, ay-je estimé qu'on devoit retarder pour un peu la provision, sans craindre d'alterer ladite Bulle fondamentale, qui en sera au contraire mieux executee et plus selon l'intention de Sa Sainteté.

  A019002338 

 Mays puisque je doy dans quelques semaines me treuver avec vous, je pense que nous aurons plus de bonne commodité d'en conferer ensemblement, et ny aura point de hazard de surseoir jusques a ce tems-la toute sorte de resolution.

  A019002340 

 Vostre plus humble, tres affectionné confrere,.

  A019002352 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que cette difficulté ne m'a point tant fasché que pour le desplaysir que je sçai que vous en aves eu; sur le sujet duquel il faut que je vous die que vous lisies un peu le chapitre De la Patience, de Philothèe, ou vous verres que la piqueure des mouches a miel est plus douloureuse que celle des autres mouches.

  A019002354 

 Si moins, on nous la renvoyera quand le tems sera un peu plus propre.

  A019002366 

 Quand je seray plus asseuré de retourner a Paris, je vous en advertiray.

  A019002380 

 En quoy vostre conscience demeurera du tout accoysee sur la plus grande gloire de Dieu qui] reuscira de ce partage, par le moyen duquel vous servires Dieu au monastere dans lequel vous demeureres, en vostre propre personne et par vos propres actions, et en celuy auquel vous ne seres pas, en la personne des Seurs qui, par vostre moyen, y seront assemblees..

  A019002381 

 Voyla tout ce que je vous puis dire, ma tres chere Fille, demeurant au reste plein d'une sainte satisfaction et, sil est permis de le dire, tout glorieux dequoy on m'asseure si fort que vous faites des merveilles en pieté, et dautant plus que c'est madame la Mareschale de Saint Geran, laquelle est, graces a Dieu, sçavante en ce saint mestier; car je croy que vous ne doutes pas que la tres sincere et invariable dilection que Nostre Seigneur m'a donnee pour vostre ame, me face aymer, cherir et sentir tres passionnement vostre establissement et progres au saint service de sa divine Majesté.

  A019002399 

 Ce qui sera plus selon la gloire de Dieu, sera plus selon mon desir.

  A019002400 

 Et pour finir et vous dire, Monsieur, ce que j'escris a l'une et a l'autre de ces filles: j'escris a M lle du Tertre, qu'elle face ce que le P. Recteur luy dira pour sa conscience; et a ma Seur de Brechard, qu'ell'endure tout ce qui reuscira de ce conseil, qu'elle reçoive en patience cett'abjection, et qu'elle se resouvienne que les piqueures des avettes sont plus sensibles que celles des mouches, et qu'a cause de leur miel on ne laisse pas de les aymer, encor qu'elles piquent.

  A019002418 

 Dieu vous face croistre de plus en plus en sa tressainte grace, mon tres cher Frere, a qui je suis.

  A019002448 

 Je voy vostre cœur assis et affermi sur cette verité; c'est pourquoy, bien que d'un costé je ne puisse [298] pas m'empescher de compatir avec vous, puisque veritablement vous estes ma Fille, d'autre part je me glorifie avec vous en la Croix de Nostre Seigneur, puisque vous estes si heureuse que d'y participer; et ne cesseray jamais de prier le Saint Esprit qu'il establisse de plus en plus le vostre en son obeissance [et en son] tres pur et tressaint amour..

  A019002449 

 Faites moy ce bien, ma tres chere Fille, que par la premiere bonne commodité qui se presentera, je puisse sçavoir quelque chose de l'estat de vostre cœur et de toute vostre chere petite trouppe de petitz enfans, que Dieu vous a donnés affin que vous fussies leur mere selon l'esprit encor plus que vous ne l'estes selon le cors; et de nostre frere N. et de nostre seur N., et Sur tout de la bonne madamoyselle vostre mere.

  A019002461 

 Tant mieux, car cela sert a l'estre plus asseurement..

  A019002462 

 Reposes vous ainsy sur luy, et quand vous feres des fautes ou des defautz, ne vous estonnes point; ains, apres vous estre humiliee devant Dieu, souvenes vous que la vertu de Dieu se manifeste plus glorieusement dans nostre infirmité.

  A019002464 

 Il m'est advis, ma tres chere Fille, que je vay bien a la bonne foy avec vous de vous parler ainsy, comme si je ne sçavois pas que vous sçaves mieux que moy tout ceci; mays il n'importe, car cela fait plus de coup quand un cœur ami le nous dit..

  A019002475 

 Et de plus, si j'eusse sceu plus tost le depart du sire Pierre, j'eusse escrit a cette fille bienaymee que vous aves aupres de vous, fille du jour et de l'oratoire de la Visitation, qui fut si efficacement visitee au jour qu'on celebroit la feste des visites celestes.

  A019002475 

 J'ay envoyé a Rome affin d'obtenir l'entree de cette seur, qui sçait bien ce que je luy suis, et que je sçai la sainte et parfaite union qu'ell'a avec cette chere fille, qui merite bien qu'elle la puisse quelque fois voir de plus pres..

  A019002476 

 O ma Mere, je vous escriray, et a toutes nos Filles, si tost que nostre bon P. D. Juste sera parti, qui est le plus admirable amateur et admirateur de la Visitation, de nous et de tout ce qui est de nous, quil est possible d'imaginer.

  A019002496 

 Vostre tres humble et plus obeissant parent.

  A019002548 

 N'attendes nullement de moy une grande lettre, ma tres chere Mere, car j'ay tant escrit que je n'en puis plus, ayant esté contraint de faire de rechef des lettres pour Moulins et Nevers, plus longues beaucoup que l'ordinaire, pour m'esclarcir sur les responses que j'avois faites, car on ne m'avoit pas dit tout et je n'avois pas respondu tout..

  A019002550 

 La pauvre Seur Jeanne Charlotte a esté bien exercee, a ce qu'on m'escrit; et, ce qui est plus deplorable, c'est que l'on a remué ces vieux bruitz qui, comme tres injustes, avoyent esté ensevelis, ainsy que m'escrit ma chere fille de Goufiez, a laquelle je ne puis escrire, me contentant de la saluer de tout mon cœur pour cette fois.

  A019002551 

 Et moy, voyant que je suis appellé a suivre M. le Prince Cardinal, soit quil aille a Rome, soit qu'il aille en France, comme l'on dit quil fera, je ne suis plus de ce païs, ains du monde, et fay estat de n'avoir nulle habitation que dans le sein de l'Eglise.

  A019002551 

 Je commence a ne plus arrester ma pensee qu'a la reunion de l'autre vie, en laquelle, comme nous sommes inseparables d'esprit, nous le serons encor de veue.

  A019002567 

 Ce n'est rien, certes (et je voy bien que vous le croyes ainsy), ce n'est tout a fait rien en comparayson de vostre devoir et de ces immortelles recompenses que Dieu vous a preparees; car, que sont toutes ces choses que nous mesprisons et quittons pour Dieu? En somme, ce ne sont que des chetifz petitz momens de libertés, mille fois plus sujettes que l'esclavage [313] mesme; des inquietudes perpetuelles, et des pretentions vaines, inconstantes et incapables d'estre jamais assouvies, qui eussent agité nos espritz de mille sollicitudes et empressemens inutiles: et ce, pour des miserables jours, si incertains, et courtz, et mauvais.

  A019002567 

 Mais neanmoins il a pleu ainsy a Dieu, que qui quitte ces neans et vains amusemens des momens, gaigne en contreschange une gloire d'eternelle felicité, en laquelle cette seule consideration d'avoir voulu aymer Dieu de tout nostre cœur et d'avoir gaigné un seul petit grade d'amour eternel de plus, nous abismera de contentement..

  A019002585 

 Je me res-jouys avec vous, ma tres chere Fille, de la retraitte de la chere seur, tant par ce qu'en verité ell'a esté faite genereusement, saintement et, pour le dire comme je l'entens, heroiquement et a la façon de ces anciennes ames du christianisme de l'aage plus saint, qu'aussi dautant que, comme m'a escrit la bonne Mere Superieure, vous aves autant de part en cette retraitte, et plus encor, que si vous vous fussies retiree vous mesme, en cas quil vous eut esté loysible.

  A019002586 

 Je sçai le fort, vif et tendre amour de vostre cœur envers cette seur, et que cette petite separation luy aura costé des grans effortz, et c'est cela qui me donne mille playsirs en la partie superieure; car en l'inferieure, croyes moy, ma Fille, j'ay treuvé mon sentiment engagé dans le vostre, tant il est vray en un sens tres sincere, que «l'amour egale les amans.» Vous aves donq si bonne part en ce sacrifice aggreable, que je m'en res-jouis tres affectionnement avec vous, et croy que la divine Bonté aura une douce souvenance de vostre holocauste et confirmera vostre conseil, et vous rendra, selon l'intention de vostre cœur, une consolation qui vous fera tousjours croistre en cet amour, ou une force qui, sans consolation, vous fera tous-jours de plus en plus parfaitement servir ce celeste amour..

  A019002601 

 Car je sçai bien, Monsieur, que cette fille vous estoit parfaitement pretieuse, et que vous n'auries peu la donner a la divine volonté que premierement vous ne vous fussies abandonné tout a fait vous mesme a son obeissance, qui est le plus excellent bonheur qu'on puisse souhaitter..

  A019002602 

 Or, j'augure de plus que, pour ce saint sacrifice spirituel que vous aves si franchement fait a Dieu, sa souveraine et [infinie] Bonté vous donnera les mesmes benedictions qu'elle donna en pareille occasion au grand Abraham.

  A019002629 

 De plus, ce livret a été traduit sans aucun retranchement en Espagne, où cependant on fait grand cas de la gravité extérieure.

  A019002633 

 Si la divine Majesté le veut, elle m'en donnera le loisir; et si elle ne le veut pas, je ne dois pas le vouloir non plus..

  A019002634 

 Quant à l' Introduction, il est vrai qu'elle a été très utile en France, en Flandre, en Angleterre; on l'a réimprimée en français plus de quarante fois, en divers lieux; elle a même servi à convertir les hérétiques, comme le remarque le P. Jacques Gaultier, de la Compagnie de Jésus, au sixième siècle de ses Tables chronographiques.

  A019002654 

 En d'autres, la force des mots français n'avait pas été bien saisie, et ceux-ci sont en fort petit nombre; je ne me rappelle même pas qu'il y en ait plus de trois ou quatre.

  A019002663 

 Plus je vay avant, moins j'escris, car il me semble qu'il y a moins a dire..

  A019002666 

 [327] J'escriray a Monseigneur le Prince soudain que je sçauray quil sera de retour, affin quil luy playse faire reuscir ce bon œuvre general, car tous les jours il y a plus de necessité..

  A019002673 

 Je salue tres humblement madame de Saint George, que j'honnore plus qu'il ne se peut dire, et la signora Donna Genevra, ma chere fille, et M me de Berné, et toutes ces dames qui me font la faveur de me vouloir du bien, et madame de Sarsenas a part, comme l'honnorant singulierement.

  A019002693 

 Or sus, c'est la verité que j'ay escrit une seule fois a N. qu'une aumôsne voiiee et non delivree pouvoit estre en quelque sorte transferee d'un lieu auquel elle estoit destinee en un autre d'egale pieté; mais qu'estant voüee, delivree et executee on ne pouvoit plus s'en desdire, puisqu'une aumosne delivree n'est plus a celuy qui l'a faite, mais, de plein droit et tres certainement, appartient a celuy qui l'a receuë, et sur tout quand il l'a receuë sans condition, ou avec une condition qu'il est prest de son costé d'executer.

  A019002694 

 Aussi vous est il egal de donner ou icy ou la, puisque le Dieu du Monastere de [Nevers] est le Dieu du Monastere de [Moulins], et que toutes les deux Maysons sont egalement a la tressainte Vierge, et a vous, ma tres chere Fille, que je conjure de perseverer a m'aymer constamment en Nostre Seigneur, comme tres invariablement je suis a jamais et sans reserve vostre; et ne cesse point de supplier la tressainte Vierge, la plus aymee Dame du Ciel et de la terre, qu'elle vous ayme et vous rende toute bien-aymee de son Filz, par les continuelles inspirations qu'elle impetrera de sa Majesté divine..

  A019002695 

 Vostre plus humble pere et serviteur,.

  A019002717 

 Je vay tous-jours differant de luy escrire, et peut estre le verray-je plus tost, bien que je croy que le voyage ne se fera que sur l'extremité du moys prochain ou sur le commencement de novembre.

  A019002718 

 Demain je vay voir M. de Belley son frere, que je treuve tous-jours plus aymable; mais je ne voy pas comme on puisse luy persuader de quitter ces gestes immoderés de la praedication, ni arrester le cours de sa plume, comme vous m'avies escrit que c'estoit le desir de plusieurs gens de bien.

  A019002719 

 Mays quel moyen? plus j'y pense, moins je voy de possibilité: cest Institut-la tient un plus grand rang que le nostre, cet Ordre, grandement accredité.

  A019002761 

 Je ne suis nullement estonné si vostre courage vous semble un peu plus pesant et engourdi, car vous estes grosse; et c'est une verité manifeste que nos ames contractent ordinairement les qualités et conditions de nos cors, en la portion inferieure.

  A019002761 

 Mays tout cela ne prejudicie nullement aux actes de l'esprit, de cette pointe superieure, autant aggreables a Dieu comme ilz sçauroyent estre parmi toutes les gayetés du monde, ains certes, plus aggreables, comme faitz avec plus de peine et de conteste; mais ilz ne sont pas si aggreables a la personne qui les fait, parce que, n'estant pas en la partie sensible, ilz ne sont pas aussi sensibles ni delectables selon nous..

  A019002762 

 Et pour relever ces langueurs et pesanteurs et engourdissemens de cœur, et les faire servir a l'amour divin, il faut en advoüer, accepter et aymer la sainte abjection: ainsy vous changeres le plomb de vostre pesanteur en or, et en un or plus fin que ne seroit celuy de vos plus vives gayetés de cœur.

  A019002765 

 Tres humble et plus obeissant serviteur,.

  A019002776 

 C'est une qualité des amitiés que le Ciel fait en nous de ne perir jamais, non plus que la source dont elles sont issues ne tarit jamais, et que la presence ne les nourrit non plus que l'absence ne les fait languir ni finir, parce que leur fondement est par tout: puisque c'est Dieu, auquel j'ay rendu graces tres humbles de vostre vocation et de celle des deux cheres Seurs a un si saint Institut; et sur tout dequoy il vous y maintient avec tant de faveur, que toutes trois vous y rendes du fruit et devenes toutes, les unes apres les autres, Meres en une si honnorable famille, pour l'establissement de laquelle, en France, vostre veritablement sainte mere avoit tant prié et travaillé, comme pour sa finale retraitte et vostre habitation en cette vie.

  A019002779 

 A la verité, estant ce qu'elles me sont, elles ne pourront que d'avoir en vous une tres cordiale et tres asseuree confiance en vostre dilection, en vous rendant tous-jours, et a tout vostre Monastere, un veritable honneur et respect, selon la grande estime et amour que toute la Mayson de cette ville, dont elles sont, a conceu de toutes les vostres, et (puisque je parle avec vous, ce me semble, cœur a cœur) je puis adjouster, et selon la veritable regle que je leur ay souvent inculquee, qu'il failloit que chacun cultivast la vigne en laquelle il estoit, fidelement et tres amoureusement pour l'amour de Celuy qui nous y a [344] envoyés; mais qu'il ne falloit pour cela laisser de connoistre et reconnoistre franchement la plus grande excellence des autres, et a mesme mesure leur porter toute reverence et veneration..

  A019002800 

 Nous sommes persuadé que Votre Seigneurie recevra cette lettre, non seulement avec bienveillance, mais même avec plaisir et conformité de pensées avec nous, et de plus, qu'Elle nous recommandera à la Bonté divine, comme réciproquement nous en usons envers Elle..

  A019002811 

 Ce n'est pas que cela ne se soit fait et ne se fasse encor a present loüablement en plusieurs lieux; mays c'est qu'il seroit encor plus louable s'il se faysoit autrement: sur quoy il y auroit plusieurs choses a dire..

  A019002812 

 De plus, il me semble qu'il n'y a non plus d'inconvenient que le Pape exempte les filles d'un Institut de la jurisdiction des Religieux du mesme Institut, qu'il y en a eu a exempter les Monasteres de la jurisdiction ordinaire qui avoit une si excellente origine et une si longue possession..

  A019002833 

 Et de tout cela, je l'en supplie tres humblement, comm'aussi de commander que les pauvres cures d'Armoy et de Draillens soyent assistees de l'argent que tant de foys Vostre Altesse leur a ordonné; n'estant pas en nostre pouvoir, ni par prieres, ni par sousmissions, ni par [351] importunité d'en rien avoir, des cinq ou six ans en ça, sinon 50 escus, sans plus.

  A019002833 

 Yostre Altesse sçait combien cette supplication est juste; qu'il soit donq son bon playsir de la faire reuscir, tandis que nous prions Nostre Seigneur qu'il la conserve et face de plus en plus prosperer..

  A019002846 

 Cette grande Reyne sera, ce crois-je, plus ardente et plus voysine si elle revient a Paris, comme l'on tient asseuré..

  A019002886 

 O ma Fille, que le monde appelle souventesfois bien ce qui est mal, et encor plus souvent mal ce qui est bien!.

  A019002897 

 Il faut tous-jours avoir un peu de patience avec les Princes, mais j'espere que le tout reuscira a vostre gré, et supplie Nostre Seigneur qu'il respande de plus en plus abondamment ses saintes graces sur vous,.

  A019002907 

 Quant aux bonnes festes qui approchent, vous n'aves rien a faire de plus, apres vos Offices, qu'a tenir vostre esprit en la celeste Hierusalem, parmi ses ruës glorieuses ou vous verres de toutes partz retentir les loüanges de Dieu.

  A019002907 

 Vous ires aussi le jour des Mortz en Purgatoire, et verres ces ames pleines d'esperance qui vous exhorteront de profiter le plus que vous pourres en la pieté, affin qu'a vostre depart vous soyes moins retardee d'aller au Ciel..

  A019002937 

 Et prie Dieu qu'il la conserve et protege de ses plus saintes faveurs a longues annees, qui suis,.

  A019002974 

 Donnes le plus que vous pourres l'esprit d'un ( sic ) tres humble mais courageuse simplicité, et de l'amour de la croix a ces ames que vous nourrissés, affin qu'elles soyent aggreables a Celuy qui desire les rendre ses espouses..

  A019002989 

 Ayant sceu que M. le Prieur de Rumilly inquietoit le sieur Curé dudit lieu pour certaine reconnoissance qu'il prœtend de luy, j'ay creu que je vous devois rendre ce veritable tesmoignage, que la cure de Rumilly n'est plus au Curé (bien que, comme il est raysonnable, les fruitz luy soyent reservés), puisque il l'a resignee par supplication qu'il m'a faite de l'unir au Chapitre ou cors des Altariens de cette eglise-la, et que j'ay fait toutes les formalités praeparatoires a laditte union, delaquelle les finales expeditions seroyent signees et mises en execution, si Monseigneur le Serenissime Prince ne m'eust fait sçavoir que, voulant faire unir quelques autres pieces [370] pour le plus grand bien de cette eglise, il desiroit que j'attendisse pour un peu, affin de faire tout ensemble ce qui sera requis..

  A019003008 

 Ilz ne doutent nullement que vous ne leur rendies bonne, briefve et fidele justice; mais je doy vous recommander leurs affaires comme les miennes propres, puisque Dieu m'a joint plus particulierement a eux et m'a enjoint la conservation de leurs droitz.

  A019003027 

 En somme, c'est avoir certains papiers, inutiles a vous, Monsieur, ou je suis le plus trompé homme du monde, et utiles a moy qui, apres mon retour d'un voyage forcé que je vay faire, auray bien peut estre lhonneur de vous offrir mon service en presence, comme, absent et present,.

  A019003043 

 Et ne s'ensuit pas que ce qui s'est fait pour cette fois [375] il le faille faire pour des autres, non plus qu'il ne s'ensuit pas qu'un homme s'estant chargé d'une juste charge pour un amy, il doive se surcharger d'une seconde charge pour un autre amy; et ceux qui le seront aussi de vostre Institut auront patience jusques a ce que les enfans soyent d'aage convenable.

  A019003095 

 J'ay une inclination particuliere a cette grande Isle et a son Roy, et en recommande incessamment la conversion a la divine Majesté, mais avec confiance que je seray exaucé, avec tant d'ames qui souspirent pour cet effect; et des-ormais, encor prieray je plus ardemment, ce me semble, pour la consideration de cette ame-la.

  A019003112 

 Pour Ripaille, je ne pense pas que Son Altesse y puisse loger plus a propos aucuns Religieux que les Chartreux, en se reservant ce quil luy plaira pour y bastir son palais..

  A019003116 

 Je ne sçai plus que vous dire, mon tres cher Frere, pour cette fois, ayant le cœur si oppressé de douleur de la perte de ce miserable qui vous escrit, que je confesse de n'avoir jamais eu tant de sensible desplaysir que j'en ay eu; mays par ce que je sens encor un peu d'esperance en Dieu pour son retour, je vous escris la lettre ci jointe, affin que vous la luy envoyïes.

  A019003129 

 Il escrit luy mesme sa perte a [mon frere,] avec [387] tant de respect, de sousmission et de courtoysie que rien plus, et avec ces termes: «Je me separe de la communion de l'Eglise pour me retirer en Angleterre, ou Dieu,» dit il, «m'appelle.» Qui ne gemiroit sur ce mot la: «Je me separe de la communion de l'Eglise»? puisque se separer de l'Eglise, c'est se separer de Dieu.

  A019003130 

 Que de consolations, au contraire, de sçavoir que nostre petite Congregation se multiplie en bonnes ames; que ma tous-jours plus chere fille de Port Royal tient son cœur haut eslevé en Dieu; que ma chere dame de Montigni souffre en patience sa maladie.

  A019003131 

 Dieu nous face de plus en plus abonder en la pureté et simplicité de sa dilection, et en la fermeté et sincerité de celle du prochain.

  A019003132 

 Il faut finir] en vous asseurant, ma tres chere Mere, que par la cheute de ce jeune homme, Dieu m'a gratifié de nouvelles douceurs, suavités et lumieres spirituelles, pour me faire tant plus admirer l'excellence de la foy catholique..

  A019003162 

 Il faut laisser a nostre doux Seigneur la tres aymable disposition, par laquelle il nous fait souvent plus de bien par les travaux et afflictions que par le bonheur et consolation..

  A019003163 

 Dieu donq le benisse a jamais, ce cœur de ma tres chere Fille, et luy face la grace d'estre de plus en plus humble..

  A019003173 

 Et m'asseurant de vostre fidellité et diligence a cela, je prie Dieu qu'il vous donne ses plus desirables benedictions, et suis.

  A019003187 

 Tenés aujourd'huy,........pour toutes asseurances de la triomphante sortie de M. Bonfilz, qui est a mesme tems establi General des Finances, avec un si extreme credit que nul ne pourra plus vivre que par sa bonne grace.

  A019003188 

 C'est une merveille qu'en ce païs on ne sçait encor point la deplorable adventure de M. de [Granier]; car, quant a moy, je la cele le plus que je puis, affin de n'infecter point l'air d'une si puante nouvelle.

  A019003194 

 Ce que M. de Vallon vous a escrit touchant le mariage de M. de Charmoysi avec la fille de M. de Montmayeur, m'empeschera de vous en faire un plus long recit.

  A019003209 

 Car, de vous dire des nouvelles, ce seroit hors de propos, puisque le porteur en sçait bien plus que moy, qui, presque aussi solitaire qu'un hermite et plus esloigné des affaires du monde que plusieurs hermites, ne sçai rien de tout cela que ce qu'on ne peut ignorer.

  A019003225 

 Vostre plus humble et affectionné serviteur,.

  A019003237 

 Le remede, Monseigneur, a ce mal qui, a la verité, est de plus grande consequence qu'il ne semble, consiste en ces pointz:.

  A019003238 

 Il est vray encor, avec tout cela, Monseigneur, que la mauvayse intelligence des membres de cette [399] Mayson et la mauvaise conduite de ses affaires l'apauvrit de plus en plus..

  A019003255 

 J'ay accommodé les Constitutions le plus que j'ay sceu, au gré du tres bon P. Binet et au vostre, et ne voy pas que pour des Constitutions on y puisse guiere plus rien adjouster.

  A019003255 

 Mays je vous en escriray plus au long, apres que, pendant ces festes, j'y auray un peu mieux pensé, avec l'advis de monsieur l'Abbé d'Abondance que nous avons de conversation..

  A019003258 

 Puys, quant a l'execution, il faudra prendre le biays le plus doux et avantageux qu'on pourra..

  A019003271 

 Ce pendant je me vay preparant, affin de n'estre pas tout a fait surpris; que si je puis vous laisser icy en ma place, je m'en iray bien plus joyeux.

  A019003272 

 Nostre monsieur le Collateral me conseille que, si je puis, j'aille voir comme Madame se porte bien et exerce plusieurs vertus dignes d'elle, affin d'en pouvoir parler plus particulierement au Roy et a la Reyne Mere; mays je voy que je suis trop pressé pour prendre ce loysir-la, et sur tout en ce tems que les jours sont si cours, et faudroit une trop grande diligence; car autrement, cela seroit fort a propos..

  A019003274 

 Ce qui m'en desplait le plus, c'est le mespris de la justice, et que, sans ma coulpe, j'en aye esté l'occasion.

  A019003275 

 Je vous escris l'histoire seulement affin que vous la sachies, et par ce que monsieur le President a recouru a monsieur le Marquis de Saint Damien qui, peut estre, vous en parlera; affin que vous sachies que, quant a moy, je ne me suis nullement plaint, et avois de tres bon cœur pardonné l'insolence, laquelle fut sans doute faite de guet a pend et sans que j'aye jamais offencé ni les maistres ni les valetz; mais je sçai de certaine science qu'il faut dissimuler beaucoup et mespriser toutes les offences qui le peuvent estre, et que, par cette methode, on garde la paix et en fin on gaigne les cœurs des plus inconsiderés.

  A019003296 

 Certes, dit saint Augustin a ses Filles, vous aves pris naissance, nourriture et accroissement ainsy, pour la plus grande gloire de Dieu et l'establissement de vostre salut: demeures donq ainsy, mes bienaymees, et qui est bien, qu'il ne se meuve pour rien que soit, de peur qu'au lieu de mieux on treuve le mal..

  A019003319 

 Faites belle moysson pendant qu'il en est la sayson, recueilles bien les benedictions des contradictions; vous proffiteres plus ainsy dans un jour, que vous ne feries en dix d'une autre sayson..

  A019003338 

 Je suis vostre plus affectionné a vous faire service,.

  A019003387 

 Ce que Nous fîmes d'autant plus volontiers que, outre la particulière inclination et dévotion que ce jeune homme montre d'avoir à cet habit de Saint-Benoit, Nous sommes convié d'en prendre quelque soin en mémoire des services du père qui a délaissé plusieurs autres enfants sans commodités ni moyens de s'élever aux vertus..

  A019003388 

 Chose qui Nous occasionne de vous donner charge pour cela d'embrasser avec votre saint zèle accoutumé, de Notre part, cette affaire; tenir main que le Prieur claustral dudit Contamine mette le froc audit Claude du Noyer, et dispose par même moyen lesdits Pères à payer librement le revenu de sa prébende dès le jour de la vacance, en suite de la provision qu'il en a de Nous; en quoi ils Nous feront chose très agréable de consentir, sans Nous donner plus sujet d'en être importuné davantage ni d'un côté ni d'autre.

  A019003388 

 D'ailleurs, vous verrez le Mémorial ci-joint du [419] Sacristain, qui s'offre de payer auxdits Pères les 500 ducatons qui leur sont assignés sur ledit prieuré, d'employer annuellement 200 ducatons aux réparations d'iceluy et d'accroître encore l'aumône de dix coupes de froment, si [l'on] veut laisser à sa disposition le revenu avec les autres deux prébendes vacantes: qui sont véritablement toutes considérations remarquables et qui Nous font désirer d'autant plus l'effet de la consolation dudit du Noyer, lequel Nous vous recommandons par ce bien particulièrement..

  A019003422 

 J'admire les nouvelles que vous nous dites de Savoye, mais plus la premiere que la derniere, du sieur Bonfilz; nous en parlerons a loysir..

  A019003441 

 Dautant que l'Evesché de Geneve est de tres grand poidz et tire appres soy beaucoup de soing et de travail, tant pour la grande estendue de sa diocese que la voysinance de l'heresie de Geneve, outre les grandes fatigues que tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire François de Sales, moderne Evesque, faict aux predications et autres exercices spirituelz pour exciter les ames a luy commises a leur perseverance a la devotion: il Nous a semblé luy estre grandement necessaire un Coadjuteur, et que Nous ne pourrions faire nomination de personne plus digne et de plus de merite que de Reverend nostre tres cher, bien amé et feal, devot Orateur Jean François de Sales, frere dudict Evesque et premier Aulmosnier de Madame; lequel, pour sa bonne vie, doctrine et autres vertuz, et pour satisfaire au desir dudict Evesque, Nous avons nommé et presenté, et par ces presentes, en vertu du droict de nomination qui Nous appertient sur ledict Evesché, nommons et presentons a Nostre Tressainct Pere le Pape, pour Coadjuteur et futeur successeur audict moderne Evesque et Evesché de Geneve, suppliant Sa Saincteté de le vouloir aggreer et luy faire expedier ses Bulles et provisions a ce necessaires, moyenant lesquelles Nous voulons qu'il soit receu, admis et maintenu en la plaine et legitime jouissance de ladicte coadjutorie, aucthoritez, prerogatives et autres choses quy en despendent, sans aucune difficulté: car ainsy Nous plait..

  A019003568 

 Peut-être ces arrêts n'étaient-ils pas tout à fait contre le gré de la prisonnière! — «J'eusse grandement souhaité qu'elle n'eût bougé de notre maison,» écrivait la Sainte à M. de Palierne, «assuré que l'on doit être que c'est un lieu où l'on ne force personne; mais bien, puisque Dieu a permis cela, patience! Nous vous supplions toutefois que, puisqu'elle est résolue de continuer sa bonne volonté, elle y retourne au plus tôt.».

  A019003569 

 Vrai Dieu!... que ces soulèvements ont touché mon cœur!» Et mettant le doigt sur la plaie: «Quoi! il n'est question que d'argent! Et qu'est-ce que cela? Si M me du Tertre en veut plus donner à Moulins qu'à Nevers, au nom de Dieu soit-il! cela nous est indifférent; nous chérissons nos Maisons également, et la chère dame sait bien que c'est son pur mouvement qui l'avait portée à Nevers.

  A019003571 

 La solution indiquée par la Sainte était conforme, pour le partage des biens, à celle que donna quelques jours plus tard François de Sales: que M me du Tertre demeure à Moulins avec ses vingt mille francs, et que les dix mille autres, déjà employés, appartiennent à la Maison de Nevers.

  A019003572 

 La première, blâmée par ceux de Nevers comme leur ayant manqué de parole, se voyait à Moulins en butte aux calomnies: on lui attribuait faussement «le dessein premier de M me du Tertre;» on l'accusait d'avoir eu «de grandes passions pour aller à Nevers» et de s'être montrée «trop inflexible et sensible sur la rupture de ce dessein;» des esprits «plus curieux que charitables» allaient plus loin, et semaient contre la vénérable Mère les bruits les plus injustes..

  A019003574 

 L'une et l'autre eurent une vertu plus forte que les épreuves.

  A019003575 

 Le Saint, averti plutôt que consulté par la dame bienfaitrice, déclare que son vœu subsiste; et la Mère de Chantal multiplie ses lettres pour parer le coup qu'elle redoute: «Il faut, s'il vous plaît, contenter Monseigneur de Genève et le croire,» écrit-elle à M me du Tertre, «car pour nous, nous ne voulons avoir ni débat, ni procès; nous quitterions plutôt cent fois autant que ce que vous donnez, estimant incomparablement davantage la paix avec la sainte pauvreté, que tous les biens du monde et le moindre trouble... Or sus donc,... qu'il ne se parle plus de tout cela, s'il vous plaît, puisque vous avez le sentiment de Monseigneur de Genève et son avis; car nos pauvres Sœurs des deux Maisons sont affligées d'entendre parler de choses qu'elles n'ont pas accoutumé d'ouïr.» Et quatre jours après, elle expose les choses avec sa logique et sa clarté ordinaires à M. de Palieme, soutient le conseil donné par le Saint, supplie d'accepter ce moyen terme, et conclut: «Si après toutes ces raisons et prières très humbles, M me du Tertre et ceux de Moulins veulent agir contre ceux de Nevers, qu'elle fasse ce qu'il lui plaira; mais pour nous, nous n'attaquerons ni ne nous défendrons.


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
  A020000124 

 — Ce qui mortifie plus que le mal.

  A020000191 

 — Permission pour des Communions plus fréquentes.

  A020000232 

 Passage trop rapide à Vienne; espérance d'un prochain séjour plus prolongé.

  A020000235 

 Désirs rendus plus ardents par la charge que la Providence a donnée à la Mère de Chastellux.

  A020000235 

 — Confiance toujours plus grande. 229.

  A020000285 

 Qui me fait vous prier bien humblement, ma tres chere Seur, [3] de contribuer a ce projet tout ce que, selon Dieu, vous pourres, ne doutant point que ce ne soit la plus grande gloire de Dieu et l'advancement et establissement de plusieurs ames en la pieté, et en fin une tres grande consolation pour les premieres qui viendront s'employer a ce bon œuvre..

  A020000317 

 Je baise avec humilité vos mains sacrées, et je supplie le Dieu tout-puissant de conserver et de protéger le plus longtemps et le plus heureusement possible Votre Seigneurie Illustrissime qui sait relever les mains fatiguées et fortifier les genoux affaiblis..

  A020000391 

 Dieu, par sa bonté, vous face croistre de plus en plus en sa sainte grace..

  A020000408 

 Or sus, de plus je salue M. d'Andilly et madamoyselle d'Andilly; en somme, toute cette chere famille, ou la crainte, ains l'amour de Dieu regne, et sur laquelle j'invoque tres affectueusement la providence et protection divine.

  A020000434 

 Je vous juge digne de compassion, ma tres chere Fille, vous voyant agitee de tant de sortes d'afflictions; mays vous series bien plus a plaindre si Dieu ne vous tenoit de sa tressainte main dans la resolution en laquelle il vous a mise de vouloir a jamais estre toute sienne; car sans cela, ma tres chere Fille, vostre ame ne seroit pas seulement agitee, ains elle seroit tout a fait submergee sous l'effort de tant d'adversités, et les eaux de la tribulation vous auroyent des-ja ensevelie dedans leurs ondes.

  A020000448 

 Et si ce bien la m'arrive, mon tres cher Frere, vous m'ayderes a la suite de pouvoir adjouster plus hardiment qu'a cette heure: Et nomen Domini invocabo..

  A020000469 

 Or, ainsy que je vous escrivois ceci, j'ay receu vostre lettre et vostre paquet du 30 de janvier, avec la nouvelle de l'inopiné depart de Monseigneur le Prince Cardinal pour Rome, ou, si tost que je sceu des hier la mort du Pape, je m'imaginay qu'il accourroit pour la nouvelle election d'un autre Pape, a laquelle il pourra beaucoup plus contribuer y arrivant de bonn'heure qu'y allant plus tard.

  A020000518 

 plus pour elle et pour son s... idolatre de son mirouer et ... de la Visitation.

  A020000526 

 Vous deves travailler a la conqueste de la tressainte humilité, que le monde ne peut connoistre, non plus que la paix qu'elle nous donne..

  A020000551 

 Il me semble qu'il n'en est pas tant de besoin maintenant que vous estes tant accoustumee a la croix; et moy, je suis chargé d'aage, et, pour le dire a vous, d'incommodités qui m'empeschent de pouvoir ce que je veux, et de plus, la multitude des correspondances que j'ay acquises depuis ce tems la, fait que j'escris moins aux uns et aux autres.

  A020000551 

 Mais, ma tres chere Fille, vous estes tous-jours presente a mes Messes, ou j'offre au Pere celeste son Filz bienaymé, et, en l'union d'iceluy, vostre chere ame, affin qu'il luy playse de la recevoir en sa sainte protection et luy departir son tressaint amour, notamment en l'occasion des proces et affaires que vous aves avec le prochain; car c'est la ou il y a plus de peine de tenir ferme pour la douceur et humilité, tant exterieure qu'interieure, et j'y voy les plus asseurés bien empeschés: c'est pourquoy cette tribulation me donne plus de crainte pour les ames que j'ayme le plus.

  A020000552 

 Aymes le bien, ma chere Seur, en vos retraittes que vous faites pour le prier et adorer; aymes le quand vous le receves en la sainte Communion; aymes le quand vostre cœur sera arrousé de sa sainte consolation; mais aymes le sur tout quand il [25] vous arivera des tracas, des importunités, des secheresses, des tribulations; car ainsy vous a-il aymé en Paradis, mais encor a-il plus tesmoigné d'amour en vostre endroit parmi les fouetz, les clouz, les espines et les tenebres de Calvaire..

  A020000552 

 Quelles benedictions vous puis je souhaiter plus aymables que celles la, d'estre fidele a Nostre Seigneur parmi les adversités de toutes sortes qui vous agitent? car le souvenir que j'ay de vostre ame ne m'arrive jamais qu'avec mille souhaitz que je fay pour vostre avancement en l'amour de ce bon Dieu.

  A020000592 

 Sur la maladie du plus ancien chanoyne de Nostre Dame de cette ville, Vostre Grandeur sera suppliee de [28] nommer messire Jean Baptiste Gard; et sa vertu, sa pieté, sa suffisance m'obligent a luy desirer cet honneur qu'il a en quelque sorte merité par le service qu'il a des-ja rendu en cette mesme eglise des quelques annees en ça.

  A020000608 

 Et si, de plus, je puis rendre quelque service a Vostre Reverence, soit pour l'argent de M lle Bellot, soit pour autre chose, je le feray de tout mon cœur, comme estant, Mon Reverend Pere,.

  A020000624 

 Vostre serviteur plus humble,.

  A020000637 

 Mais maintenant que je n'espere presque plus ce bien et que ce digne porteur me donne une commodité si asseuree, je me res-jouis de tout mon cœur avec vous, ma tres chere Fille (car ce mot est plus cordial), je me res-jouis et loue Nostre Seigneur de vostre si estimable et aymable mariage, qui [32] vous servira de fondement pour bastir et eslever en vous une douce et aggreable vie en ce monde, et pour heureusement passer cette mortalité en la tressainte crainte de Dieu, en laquelle, par sa grace, vous aves esté nourrie des vostre berceau; car tout le monde me dit que monsieur vostre mary est un des plus sages et accomplis cavaliers de France, et que vostre liayson est non seulement noüee de la sainte amitié qui la doit serrer de plus en plus, mais aussi des-ja benite de la fertilité, par laquelle vous estes a la veille de vos couches, ainsy que [nostre Mere] m'asseure..

  A020000678 

 Mais puisque tel a esté le bon playsir de Dieu qu'il s'en allast en son repos, non seulement j'acquiesce, ains je loüe la divine Providence qui luy a donné un bon long sejour en cette vie mortelle, et, ce qui importe le plus, l'a conduit si amiablement par le chemin de sa crainte et de sa grace, que nous avons tout sujet d'estre asseurés qu'il le fait jouir maintenant de sa gloire.

  A020000679 

 Il ne me reste donq plus en cette occasion que de vous supplier de me vouloir tous-jours conserver en l'honneur et contentement qu'il m'avoit accordé pour toute ma vie, qui est que je serois de vostre mayson et censé comme l'un de ses enfans, vostre frere.

  A020000679 

 Je le seray de mon costé en affection, et n'oublieray jamais l'extreme devoir que j'ay a la memoire de ce pere et au service de sa posterité; vous suppliant encor, Messieurs, de me permettre qu'avec cette lettre je dise la mesme verité et face la mesme priere a mesdamoyselles vos cheres espouses, desquelles j'estime et ayme infiniment les bonnes et devotes ames, et ausquelles, comme a vous, je ne cesseray jamais de souhaitter les plus favorables benedictions du Ciel, demeurant a tous-jours de tout mon cœur, Messieurs,.

  A020000694 

 Vous ne laisseres pas pourtant de voir au plus tost le [39] Pere Diegue et le Pere Dom Sens de Sainte Catherine, jadis General des Feuillans, auquel vous remettres la lettre qui est pour Monseigneur le Cardinal de Sainte Suzanne, car je m'asseure que tant ledit Pere Dom Sens que le Pere Diegue s'employeront volontier pour l'affaire des Seurs de la Visitation, selon que je les en supplie.

  A020000726 

 Et de mon costé, pour contribuer ce que je puis a vostre recompense pour tant de bonnes œuvres ausquelles vous aves ci devant cooperé, je prie Dieu qu'il vous face la grace de continuer de plus en plus, croissant incessamment en vertu et devotion, affin qu'apres une longue et utile vie temporelle, vous soyes treuvé en l'estat de perseverance pour passer a l'eternelle..

  A020000727 

 Et sur cett'esperance de vostre assistence, et du zele, prudence, bonté et bienfaisance du Reverend Evesque de Valey, j'ay donné courage a ces deux Peres, qui sont vrays serviteurs de Dieu et dignes d'estre aymés, de faire de leur part tout ce qu'ilz pourront bonnement pour ce bon œuvre, que je supplie de rechef la divine Providence de vouloir benir, et de vous faire de plus en plus prosperer en sa grace,.

  A020000727 

 Et voyla une bonne commodité qui se presente de rechef a vostre zele en l'establissement des Peres Capucins a Syon, ou, comme vous sçaves, ilz rendront mille sortes de bons et fideles services spirituelz a tout ce pais-la, [43] et beaucoup plus qu'ilz ne pourroyent faire en aucune contree de la patrie; et croy que mesme cela seroit proffitable au service temporel de Messieurs du païs, pour plusieurs dignes considerations que l'estat des affaires du monde me suggere.

  A020000766 

 Je vous rens mille actions de graces du portrait de la [46] bien heureuse Seur Marie de l'Incarnation, et ne sçai ce que je pourrois recevoir de plus utile et aggreable a mon ame; puisque d'un costé j'ay un amour si plein de reverence pour cette sainte personne, et d'autre part, une si grande necessité de resveiller souvent en mon esprit les pieuses affections que sa veuë et sa tressainte communication a excitees autrefois en moy, tandis que six mois durant j'estois presque son confesseur ordinaire, et que, pour tant de diverses occasions du service de Dieu, elle me parloit et entretenoit presque tous les jours..

  A020000781 

 Mais je ne sçai non plus que dire sur cela, ne sachant pas quell'est la vocation du Ciel et voyant les enfans de M me de Dalet si petitz..

  A020000781 

 Mays elle parle, cette mere, d'autre chose, qui est qu'elle aymeroit mieux que sa fille fut Religieuse tout a fait, puysque en ce cas-la on ne la luy demanderoit plus pour caution, et que l'administration des biens des enfans luy seroit conferee.

  A020000782 

 Une chose seule me touche plus que les autres de tout ce que cette dame m'escrit: c'est ce qu'elle dit que sa fille fait bourse a part parmi tant de peynes et travaux qu'elle void a sa mere, sans la soulager de son assistence.

  A020000783 

 Je vous escris la teste pleyne d'affaires et entre plusieurs tintamarres, et de plus, je vous escris a tastons; car je sçai bien que pour bien parler en cette occasion, il faudroit ouyr bien au long les parties.

  A020000796 

 Elle propose troys partis pour cela: ou que vous vous retiries tout a fait en Religion, affin que les creanciers ne vous desirent plus pour caution et que la disposition des biens de vos enfans luy soit libre; ou que vous vous remanies avec les advantages qui vous sont offertz; ou que vous demeuries avec elle avec une seule bourse.

  A020000801 

 Dieu ne requiert que certains jours, que certaines heures, et sa presence veut bien que nous soyons encor presens a nos peres et a nos meres; mais ceux ci sont plus passionnés: ilz veulent bien plus de jours, plus d'heures et une presence non divisee.

  A020000801 

 Quel remede a cela? Il faut avoir patience, et faire au plus pres que l'on peut tout ce qui est requis pour y correspondre.

  A020000816 

 Tout cela je le ressens au fond de l'ame, et d'autant plus que je vous porte de respect et de sainte dilection, puisque je me souviens bien de madame de Montaret, et de son amour et de sa passion pour son filz..

  A020000893 

 Plus Nostre Seigneur soustrait ses consolations sensibles, plus il nous prepare de perfections, pourveu que nous nous humiliions devant luy et que nous jettions toute nostre esperance sur luy.

  A020000937 

 Je ne vous dis point l'amour plus que paternel, certes, que mon cœur a pour vous, ma tres chere Fille, car je pense que Dieu mesme qui l'a creé vous le dira; et s'il ne le vous fait entendre, il n'est pas en mon pouvoir de le faire.

  A020000937 

 Mais pourquoy vous dis je cela? Parce, ma tres chere Fille, que je ne vous ay pas escrit si souvent que vous eussies peut estre desiré, et que quelquefois on fait jugement des affections plus par les feuilles de papier que par les fruitz des veritables sentimens interieurs, qui ne paroissent qu'es occurrences rares et signalees, et qui sont plus utiles..

  A020000939 

 Et pour ne vous plus faire de preface, je vous vay dire sans art et sans deguisement ce que mon ame desire de vous dire.

  A020000941 

 Il est vray, ma tres chere Fille; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit: Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela; et crioit apres les Corinthiens: Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble.

  A020000942 

 Mays escoutes, ma Fille, escoutes le sentiment et le conseil de cet homme qui ne vivoit plus en luy mesme, mais Jesus Christ vivoit en luy: Pourquoy, adjouste il, pourquoy n'endures vous pas plustost qu'on vous de fraude? Et notes, ma Fille, qu'il parle non a une fille qui aspire d'un air particulier, et apres tant de mouvemens, a la vie parfaitte, mais a tous les Corinthiens; notes qu'il veut qu'on souffre le tort; notes qu'il leur dit qu' il y a de la coulpe pour eux de plaider contre ceux qui les trompent ou defraudent.

  A020000944 

 Je ne fay pas l'examen de conscience, mais, selon que je voy en gros, je croy que je dis vray; et tant plus inexcusable suis-je..

  A020000948 

 — Et comment? Aves vous jamais veu que Nostre Dame en eust tant? Que vous importe il que l'on sache que vous estes de bonne mayson selon le monde, pourveu que vous soyes de la mayson de Dieu? — Oh! [72] mais, je voudrois fonder quelque mayson de pieté, ou du moins faire des grandes assistences a une Mayson; car estant infirme de cors, cela me feroit plus gayement supporter.

  A020000966 

 Que vous diray je plus? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon que je cheris incomparablement vostre cœur, et comme le mien propre, si mien et tien se doit dire entre nous, ou Dieu a establi une tres invariable et indissoluble unité, dont il soit eternellement beni.

  A020000981 

 Vostre plus humble et tres affectionné confrere,.

  A020000997 

 C'est en la presence de Dieu que je vous dois particulierement escrire cette lettre, puisque c'est pour vous dire ce que vous deves faire pour sa plus grande gloire es choses que vous m'aves marquees..

  A020000999 

 Il est tout vray que vous n'estes nullement obligee par droit de justice d'assister de vos moyens la mayson de monsieur vostre pere, puisque vos moyens et ceux [77] de vos enfans, par l'ordre establi en la republique, sont separés et independans de la mayson de monsieur vostre pere, et qu'il n'est point en necessité effective; et d'autant plus qu'en effect vous n'aves rien receu de vostre dot, promis seulement, et non payé..

  A020001003 

 Et quant au reste, je pense qu'il seroit plus a propos, [78] pour vostre repos et pour la suite de l'eslection que vous aves faite d'une perpetuelle pureté, que vous demeurassies a part en vostre petit train, a la charge que vous vissies souvent madame vostre mere, laquelle, si j'entens bien sa lettre, ne seroit point marrie que mesme vous fussies Religieuse, pourveu que vous luy communiquassies vos moyens pour la retenir en possession des biens de la mayson.

  A020001003 

 Et veritablement, ne vous voulant pas ranger a un second mariage, ni ne pouvant pas seconder le courage que je voy en cette dame a tenir grand train et portes ouvertes a toutes sortes d'honnestes conversations, je ne voy comme ce ne seroit pas plus a propos que vous demeurassies a part, n'y ayant rien d'esgal a la separation des sejours pour conserver l'union des cœurs entre ceux qui sont de contraires, quoy que bonnes humeurs et pretentions..

  A020001004 

 Et je vous supplie, Madame, de ne point vous mettre en aucune consideration qui vous puisse oster la liberté de m'escrire, puisque je suis et seray des-ormais tout a fait et sans reserve vostre tres humble et tres affectionné serviteur, qui vous souhaitte le comble des graces de Nostre Seigneur, et sur tout un progres continuel en la tressainte douceur de charité et la sacree humilité de la tres aymable simplicité chrestienne; ne me pouvant empescher de vous dire que j'ay treuvé parfaitement douce la parole que vous mettes en vostre lettre, disant que vostre mayson est des communes et rien plus; car cela est cherissable en un aage ou les enfans du siecle font de si gros broüa de leurs maysons, de leurs noms et de leurs extractions..

  A020001004 

 Oh! s'il eust pleu a Dieu que je vous eusse veuë a Lyon, que de consolation pour moy, et combien plus certainement et plus clairement j'eusse peu vous expliquer mon sentiment! Mais puisque cela n'a pas esté, je m'attendray a recevoir vos repliques, s'il vous semble que j'aye manqué a comprendre le fait que vous m'aves proposé, et je m'essayeray a reparer les manquemens.

  A020001017 

 Et par ce qu'ilz ont desiré mon [80] intercession aupres de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse d'ordonner au Magistrat de leur faire bonne et brieve justice, je la supplie en toute humilité, Monseigneur, de leur departir cette si juste et charitable faveur qu'elle ne refuse a personne et que, plus que nul autre, je me prometz de la veritable bonté et equité de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle j'ay lhonneur d'estre,.

  A020001048 

 Je feray au plus tost le voyage de Thonon, selon le commandement de Vostre Altesse, ne me pouvant empescher de me res-jouir avec elle du commencement qu'elle donne a l'execution du saint projet qu'elle fit estant en cette ville, pour la reformation des Monasteres et le bien publiq de l'Eglise en cette province; ne doutant point que, comme c'est un tres grand service de Dieu, aussi sa divine Majesté n'en recompense Vostre Altesse des tres grandes benedictions que je luy souhaite incessamment, comme estant sans fin,.

  A020001103 

 C'est pourquoy, Monseigneur, laditte dame ayant quelques affaires a Paris, et estant conseillee d'y envoyer plus tost son filz que d'y aller elle mesme pour les conclure, ell'en demande les commandemens de Vostre Altesse Serenissime, sous lesquelz et elle et son filz veulent a jamais vivre en tres humble sousmission et obeissance.

  A020001122 

 Je respons a vostre lettre, et correspons, autant que je le puis, a vos desirs, vous asseurant que je laisseray le plus long tems que le service de Dieu me le permettra ma Seur Marie Jacqueline Favre au monastere ou, par vostre pieté, elle se treuve maintenant, et ou je suis grandement consolé qu'elle employe les graces que la divine Providence luy departira.

  A020001137 

 J'ay tant escrit aujourd'huy, que je n'ay plus aucun moyen de vous escrire au long comme je desirerois.

  A020001150 

 Et ce matin, a mon premier reveil, il m'est venu une si forte impression de vivre tout a fait selon l'esprit de la foy et la pointe de l'ame, que, malgré mon ame et mon cœur, je veux ce que Dieu voudra, et je veux ce qui sera de son plus grand service, sans reserve ni de consolation sensible ni de consolation spirituelle; et je prie Dieu que jamais il ne permette que je change de resolution..

  A020001162 

 [Dieu soit] loué que vous ayes la mon autre tres chere fille, la Mere Seur Marie de Jesus, qui m'a tant saintement aymé en ses plus jeunes annees et qui continue a cela.

  A020001192 

 Cependant, si mes souhaitz sont exaucés, vous vivrés tout en Dieu, auquel seul il faut colloquer toute nostre [96] confiance, et me tiendres tous-jours de plus en plus, comme je le suis tres constamment et de tout mon cœur,.

  A020001212 

 Je sçai que vous estes malade; mais, ma chere Fille, a mesure que vostre maladie redouble, vous deves redoubler vostre courage, en esperance que Celuy qui, pour monstrer son amour envers nous, a choysi la mort de la croix, vous tirera de plus en plus a son amour et a sa gloire par la croix et tribulation quil vous envoye.

  A020001226 

 Dequoy escrivant un Memoire a part, dans le paquet que j'addresse a Monseigneur le Serenissime Prince pour moins importuner Vostre Altesse, il ne me reste que de continuer mes supplications a Dieu, qu'il face de plus en plus abonder Vostre Altesse en ses saintes benedictions; qui suis a jamais et invariablement,.

  A020001253 

 Et ainsy, le revenu que possedent a present les ecclesiastiques seculiers de Nostre Dame n'estant point employé en gages particuliers, ains estant mis tout en commun, il y aura dequoy faire une Congregation de beaucoup davantage de Peres, qui, mesnageant par leurs freres les biens, auront dequoy entretenir les meubles de l'eglise, les Offices et ce qui dependra d'eux, en une grande reverence et politesse: et cette partie de la Sainte Mayson, qui est la fondamentale, et laquelle paroist le moins, paroistra indubitablement le plus et edifiera infiniment.

  A020001254 

 Et de plus, il se convertit de tems en tems des honnestes hommes, comme de nouveau le sieur de Prez, sujet de Son Altesse et homme de grande capacité, qui demeure tout a fait sans secours de ce costé la..

  A020001266 

 Puysque j'ay occasion d'escrire a Vostre Altesse Serenissime, je la supplie tres humblement d'avoir aggreable [103] que je luy represente l'extreme besoin qu'ont les Religieuses de Cisteaux de deça les mons, et celles de Sainte Claire hors la ville de Chamberi (sujettes au General des Conventuelz surnommés, de deça, de la Grand'manche), d'estre ou reformees ou changees selon le projet ci devant envoyé a Vostre Altesse; et cela est dautant plus desirable que la plus part des Religieuses mesme le desirent et souspirent apres ce bien..

  A020001267 

 Et par aventure, Monseigneur, qu'il seroit a propos que Vostre Altesse ou Monseigneur le Prince Cardinal appellast ledit sieur President [104] pour ouïr plus de particularités sur ce sujet et sur celuy de la Sainte Mayson que les escritz n'en peuvent declarer; ce que je dis dautant plus volontier, que j'ay reconneu audit sieur de Lescheraine une grande suffisance d'esprit et beaucoup de bon zele..

  A020001267 

 J'adjousteray de plus, Monseigneur, qu'il seroit requis, pour l'establissement des PP. Chartreux a Ripaille et en l'abbaye d'Aux, que Vostre Altesse commandast et fit commander par leur General au P. D. Laurens de Saint Sixt, leur Procureur en Savoye, de se rendre aupres d'elle pour terminer ce projet ainsy qu'il est requis; car, Monseigneur, de reformer ces Religieux d'Aux qui y sont maintenant, il est impossible.

  A020001267 

 Monsieur l'Abbé de Tamié a fait ce qu'il a peu pour cela, et monsieur le President de Lescheraine ayant esté-la cette semaine, au retour de Tonon, y a treuvé un si extreme scandale qu'il ne sçait plus qu'en dire.

  A020001268 

 Dieu, par sa bonté, face de plus en plus prosperer Vostre Altesse, delaquelle je suis tout a fait,.

  A020001297 

 Je viens donc supplier humblement Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de daigner le favoriser et faire cette charité, d'autant plus qu'il est de bonnes mœurs et de bon esprit.

  A020001309 

 Mais, ma tres chere [107] Fille, de mettre la main a vostre cœur et d'entreprendre de le guerir, il ne m'appartient pas, et sur tout le mien estant certes des plus affligés de toute nostre parentee, comme celuy qui cherissoit passionnement ce cher oncle, qui m'honnoroit reciproquement, avec beaucoup d'affection, de sa digne et aymable bienveuillance..

  A020001320 

 O ma tres chere Fille, quelle pitié de considerer les effectz de la prudence humaine en ces ames dont vous m'escrives! Le mien et tien regnent d'autant plus puissamment es choses spirituelles, qu'il semble estre un mien et tien spirituel; et cependant il est tout a fait non seulement naturel, mais charnel.

  A020001324 

 Vous estes tous-jours plus ma tres chere fille et tout a fait bienaymee, et je suis.

  A020001353 

 Ce porteur va de la part de M. de Chalcedoine et du Chevalier, mes freres, comme aussi de la mienne, pour vous offrir nostre service en cette occasion de la perte que vous aves faite, laquelle, comme elle est extreme, aussi nous la ressentons vivement avec vous; et ne laissons pas pourtant de vous prier de soulager vostre cœur de tout vostre pouvoir, en consideration de la grace que Dieu vous a faite, et a tous ceux qui ont le bien de vous appartenir, vous ayant laissé la jouissance de ce bon pere a longues annees, ne l'ayant retiré qu'a l'aage apres lequel cette vie ne pouvoit plus guere durer sans beaucoup de peines et de travaux qui accompaignent ordinairement la viellesse..

  A020001354 

 Mais vous deves encor plus vous consoler dequoy ce bon pere a vescu toutes ses annees dedans l'honneur et [113] la vertu, en l'estime publique, en l'affection de sa parentee et de tous ceux qui le connoissoyent, et en fin dequoy il est decedé dans le sein de l'Eglise et parmi les actions de la pieté: de sorte que vous aves dequoy esperer qu'il vous assistera mesme en la vie des Bienheureux..

  A020001365 

 Je salue vostre cœur qui m'est plus pretieux que le mien propre.

  A020001367 

 Puisque le Reverend Pere et vous treuves bon de donner la somme que vous me marques, je l'appreuve grandement, puisque cela est plus conforme a la douceur que Nostre Seigneur enseigne a ses enfans.

  A020001368 

 Je fus une heure et demie au parloir: je vis troys de nos Seurs, et je fus fort consolé de voir comme la vraye lumiere leur fait voir la verité des grandes et profondes maximes de la perfection, qui plus qui moins, mais toutes, a mon advis, avancees; [115] et plusieurs dames estrangeres qui les ont veuës s'en sont allees les larmes aux yeux et avec des goustz extremes..

  A020001368 

 L'edification que les Maysons donnent tous les jours fait foy de l'intention du Saint Esprit; car c'est merveille combien la reputation de la vie devote s'aggrandit par la communication de nos Seurs, lesquelles je voy aussi proffiter tous les jours et devenir plus affectionnees a la pureté et sainteté de vie.

  A020001370 

 Je suis de plus en plus, ma tres chere Mere, tout uniquement vostre en Nostre Seigneur.

  A020001388 

 Et je veux bien qu'il y eust de la rusticité: mais faut il se despiter pour cela? Vous sçaves bien le païs ou vous m'aves pris: deves vous attendre des fruitz delicatz d'un arbre des montaignes, et encor, d'un si pauvre arbre comme moy? Oh! bien, ne me soyes plus que ce qu'il vous plaira; moy, je seray tous-jours vostre, mais je dis tout a fait, et, si je ne puis autre chose, je ne cesseray point de le tesmoigner devant Dieu es saintz Sacrifices que j'offriray a sa Bonté..

  A020001400 

 Je suis grandement consolé de sçavoir que vous estes arrestee plus particulierement au service de Nostre Seigneur en la Mayson de sa tressainte Mere, en une condition que j'estime de grand proffit: J'ay choisi d'estre abject, dit le Prophete, en la mayson de mon Dieu, plus que d'habiter les tabernacles des grans, qui souvent ne sont pas si pieux..

  A020001401 

 C'est un grand honneur, ma chere Fille, [119] d'avoir en charge la conservation d'une mayson toute composee d'espouses de Nostre Seigneur; car, qui garde les portes, les tours et les parloirs des monasteres, il garde la paix, la tranquillité et la devotion de la mayson, et de plus, peut grandement edifier ceux qui ont besoin d'aborder le monastere.

  A020001401 

 Vous aves esté heureuse d'avoir jusques a present servi Dieu en la personne d'une maistresse de laquelle Dieu est le Maistre et avec laquelle vous cives eu toutes sortes de sujetz de proffiter spirituellement; mais vous estes encor plus heureuse d'aller servir ce mesme Seigneur en la personne de celles qui, pour le mieux servir, ont quitté toutes choses.

  A020001412 

 Une chose vous puis je dire: que cette tant chere Mere differera sa venue jusques a l'extremité, quoy qu'elle soit grandement desiree et requise icy; mays nous nous promettons aussi que le tems estant venu, vous recevres doucement la separation de cette ame, laquelle ne sera pas une mort comme l'est la separation que l'ame fait de son cors, car le Saint Esprit, qui est la vie de nos cœurs, vous animera tous-jours de son saint amour, et vous tiendra de plus en plus unie a nous et nous a vous..

  A020001426 

 Vostre affectionné et plus humble voysin.

  A020001458 

 Or ne faut il pas croire, Madame, que l'amour des meres envers les enfans ne puisse estre de mesme; ains, il l'est d'autant plus librement qu'il semble qu'il le soit loysiblement, avec le passeport, ce semble, de l'inclination naturelle, et l'excuse de la bonté du cœur des meres..

  A020001459 

 Et en somme, je veux dire en un mot, que vous aves tant de puissance a mouvoir les cœurs, que le mien ayant sceu les traitz de vostre esprit, en estant tout espris, vous n'aves pas besoin d'estre aydee pour mouvoir celuy de madame de [Dalet] a tout ce qu'il vous plaira; m'asseurant qu'apres les forces de l'Esprit de Dieu, auquel il faut que tout cede, les vostres seront en toutes occurrences les plus grandes..

  A020001469 

 Or, je les vous envoyeray ou par cette commodité, si le porteur retarde un jour de plus, ou par la fine premiere qui se presentera, laquelle sera bien tost.

  A020001471 

 Je suis bien marry dequoy nostre fille a perdu son filz, et ne laisse pas pour cela d'esperer qu'elle portera plus heureusement ceux que Dieu luy donnera ci apres..

  A020001472 

 Quand il sera tems de vous envoyer un ecclesiastique pour vous accompaigner au retour, vous m'advertires, et je vous envoyeray ou M. Michel, ou M. Rolland qui a une affaire par dela, laquelle il pourroit peut estre bien faire en ce tems la, et vous serviroit bien au voyage pour tout le tems que vous desireries, puisqu'il n'est plus chanoine de Nostre Dame, ayant quitté cette place pour avoir plus de commodité de faire ce que je desire de luy; mays il ne faut encor pas faire bruit de ceci..

  A020001474 

 M. de Chalcedoine m'a corrigé de ce costé la, et nous vivons avec plus de regie, mays il m'eschappe tous-jours de faire quelque faute; et bien que ce soit fort peu, neanmoins mes vielles habitudes m'estant imputees, on me compte une faute pour trois..

  A020001475 

 Ma tres chere Mere, si vous connoissies qu'il fust plus utile que vous demeurassies la encor quelque tems, quoy que mes sens y repugnent, ne laisses pas de demeurer doucement, car je me plais a gourmander cet homme [128] exterieur; et j'appelle l'homme exterieur mon esprit mesme, entant qu'il suit ses inclinations naturelles.

  A020001478 

 Je suis, ma tres chere Mere, et suis tous-jours plus entierement, plus invariablement et plus parfaitement vostre, et tous-jours plus incomparablement..

  A020001479 

 Je suis de l'advis du P. Binet pour nostre seur de Gouffiez, et neanmoins je voudrois bien regaigner son cœur, car il me semble qu'elle n'en treuvera pas un qui soit plus pour elle que le mien; et il n'est pas bon d'abandonner les amitiés que Dieu seul nous avoit donnees.

  A020001480 

 Helas! je pensois escrire a ma tous-jours plus chere fille M me de Port Royal, et il n'y a moyen, non plus que de vous envoyer les Constitutions; ce sera au premier jour.

  A020001494 

 J'attendois tous-jours que cette bonne fille vint pour vous escrire plus confidemment, ma tres chere Fille, car je sçavois qu'elle viendroit bien tost..

  A020001498 

 Pensés meshuy a vostre advancement a la vertu, et ne pensés plus aux pechés passés sinon pour vous humilier doucement devant Dieu et benir sa misericorde qui vous les a pardonnés par l'application des divins Sacremens..

  A020001503 

 Vous appelleres le plus souvent que vous pourres vostre servante ma mie..

  A020001522 

 Mon Dieu, que cette plainte est delicate! Les Peres de l'Oratoire font bien plus; et en Italie, plusieurs Evesques ont composé tout entierement les Offices des Saintz de leurs Eglises.

  A020001524 

 Et je pense qu'il faudra faire, au plus pres qu'il se pourra, selon la commodité des lieux, tous les monasteres ainsy; et tous-jours les treilles bien ferrees et les jalousies de bois esloignees des grilles; car c'est un grand playsir de parler en asseurance es parloirs.

  A020001525 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, et vous sanctifie de plus en plus.

  A020001555 

 Madame, je vous regarde en esprit, et quoy que tous-jours vous ayes tenu vostre cœur en Dieu, il m'est advis que maintenant il est encor plus entierement attaché a sa Bonté, n'ayant plus aucun objet avec luy, comme il n'en eut jamais sans luy, ni hors de luy.

  A020001574 

 Entre toutes les œuvres de pieté par lesquelles Vostre Altesse a signalé sa devotion envers la tressainte Vierge Mere de nostre Sauveur, il n'y en a peut estre point de plus illustre que celle de la fondation de la Sainte Mayson de Thonon; mays, pour l'affermir, il faut remedier a quelques defautz quy y sont.

  A020001590 

 Et je ne doute point qu'il ne represente a Vostre Altesse, qu'entre tous les remedes par lesquelz on peut le mieux empescher la decadence de ce lieu de pieté, l'introduction des Peres de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estans a Tonon ensemblement nous l'avions jugé; dont j'ay des-ja donné advis [à] Vostre Altesse Serenissime, laquelle je supplie tres humblement de proteger tous-jours cette Sainte Mayson, comme un œuvre de grande qualité pour la gloire de Dieu et le lustre du nom de la serenissime Mayson de Son Altesse, de la main delaquelle est sortie cette piece de devotion, affin qu'elle ne [140] perisse pas, ou du moins qu'elle ne perde pas, faute de bon ordre, la grande reputation sous laquelle ell' a esté fondee contre l'heresie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique..

  A020001591 

 Je supplie encor Vostre Altesse Serenissime de se resouvenir de l'establissement des Prestres de l'Oratoire en l'eglise de Rumilly, en l'occasion qui se presente maintenant, que le sieur de Saunas, sujet de Son Altesse, un jeune gentilhomme des plus sçavans theologiens de son aage, y desire contribuer sa personne des-ja vouee a cette Congregation, et son prieuré de Chindrieu, et que le Curé de Rumilly, decrepite et extremement malade, est jugé a mort par les medecins qui asseurent que dans bien peu de jours il decedera..

  A020001625 

 Vostre plus humble et plus affectionné.

  A020001639 

 Certes, vous estes bien brave, ma tres chere Fille, de sçavoir si bien escrire; mays pour vous rendre maistresse en ce mestier, il faut forcer vostre main, pour un tems, d'escrire ainsy a tous, et non seulement a moy qui, plus que tous peut estre, supporterois plus doucement vostre mauvaise escriture..

  A020001640 

 Dieu, par sa bonté, tienne de sa sainte main madamoyselle de la Ramilliere par tout ou ell'ira, et vous console de plus en plus en son saint service.

  A020001669 

 Tous les arbres, ma tres chere Fille, ne produisent pas leurs fruitz en mesme sayson; ains, ceux qui les jettent meilleurs demeurent aussi plus long tems a les produire, et la palme mesme cent ans, a ce qu'on dit.

  A020001670 

 Demeures ainsy en paix, ma tres chere Fille, entre les bras paternelz, du soin tres amoureux que le souverain Pere celeste a et aura de vous, puisque vous estes sienne et n'estes plus vostre; car en cela ay je une suavité nompareille de me ramentevoir le jour auquel, prosternee [148] devant les pieds de sa misericorde, apres vostre confession, vous luy dediastes vostre personne et vostre vie, pour, en tout et par tout, demeurer humblement et filialement sousmise a sa tressainte volonté..

  A020001699 

 Je viens finalement a vous, ma tres chere Mere, pour vous dire que j'ay receu trois de vos cheres lettres, et vous rens graces du soin que vous aves de m'escrire ainsy souvent; aussi est ce la plus grande consolation que j'aye en cett' espece, car vos lettres sont, en comparaison de toutes les autres, ce que m'est vostre chere ame en parangon des autres, selon qu'il a pleu a Dieu de le faire..

  A020001703 

 Il est vray qu'il ne faut plus recourir a Rome, puisque on peut eviter cet incomparable tracas qu'on y a en telles matieres.

  A020001704 

 Deux maysons de Congregation de Provence, qui ne sont es terres du Pape, veulent estre reduites en Monasteres de nostre Institut et en ont escrit a Grenoble affin d'y pouvoir envoyer des filles pour faire le novitiat; si cela reuscit, ce sera par l'ordre de Rome, et cela affirmera de plus en plus l'approbation, comm' aussi un autre Monastere ancien de la Val d'Aouste, qui fera mesme supplication.

  A020001709 

 Il y a quantité de bonnes et braves postulantes, non en la mayson, car il n'y en a plus, mays parmi ce païs..

  A020001710 

 Je n'ay point veu madame de Royssieux, ni ne sçai pas ou elle est, bien que par la lettre de madame la Premiere il semble qu'elle ne soit plus a Dijon.

  A020001711 

 Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer: faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable..

  A020001712 

 En somme, je me porte bien, mais je confesse que je suis plus accablé d'affaires que jamais.

  A020001713 

 Nous vivons de regie quant au manger, et je n'escris plus le soir, parce que mes yeux ne le peuvent pas porter, ni certes mon estomach.

  A020001715 

 Dieu vous conserve, Dieu vous benisse, Dieu vous remplisse de plus en plus de son tressaint amour.

  A020001741 

 Mays, ma Fille, tout ce que je sçai pour cela, vous le sçaves, et l'ordinaire hantise que les desplaysirs ont avec vous, vous aura rendue encor plus sçavante en l'art de bien souffrir.

  A020001742 

 Je suis consolé de la consolation que vous prenes en la reception du tres divin Sacrement, mais je n'ay pas eu le loysir de parler au bon P. Recteur du desir que vous auries de communier plus souvent; et de plus, je n'eusse pas osé, n'estant pas la rayson que je donne la leçon a des si braves maistres.

  A020001742 

 Ma tres chere Fille, Dieu benira vostre sousmission, et supleera a la consolation que vous auries de communier plus souvent, par celle que vous aures d'avoir obei a vostre confesseur..

  A020001743 

 Je suis de plus en plus tout vostre..

  A020001789 

 Mais je ne porte point d'envie au cœur de qui que ce soit, car jamais il n'y en aura qui vous ayme et cherisse plus que le mien fait, et si je ne craignois d'offencer celuy de ma tres chere fille (dites moy son nom moderne), je dirois absolument: ni tant que le mien fait et fera a jamais..

  A020001792 

 Au moins, mon Reverend Pere, faites bien sçavoir a la Serenissime Infante Catherine que je luy souhaite les benedictions des plus serenissimes Princesses qui furent jamais, et sur tout la perseverance aux desirs fervens d'aymer de plus en plus Jesus Christ crucifié, qui est la benediction des benedictions..

  A020001822 

 Vostre plus humble et tres affectionné.

  A020001835 

 C'est la plus grande ambition, mays la plus juste que je puysse avoir, que celle d'estre conservé au service de Madame, puisque Vostre Altesse, par sa seule bonté, m'y a appellé.

  A020001835 

 Et par ce que ma charge ne me permet pas d'y rendre mon devoir par ma presence, non plus que mon insuffisance d'y estre utile, je remercie en toute humilité Vostre Altesse dequoy elle aggree que l'un des enfans de feu mon frere entre au nombre des pages de Madame, pour apprendre en son enfance les premiers elemens de ce service auquel sa naissance l'oblige de faire l'employ de toute sa vie; tenant lieu d'une marque visible que Vostre Altesse me fait lhonneur de m'advouer,.

  A020001862 

 La divine Majesté vous benisse de plus en plus de son saint amour, et le cœur de monsieur vostre mari qui conspire si doucement avec vous pour aspirer tout a fait a Dieu et ne respirer qu'en luy.

  A020001928 

 Monseigneur le Prince treuve ce sejour beaucoup plus aggreable que celuy de Chamberi, et delibere de venir fort souvent faire des alternatives.

  A020001952 

 Or, pour toutes telles affaires, il me semble que vous pouves vous resoudre plus aysement que je ne sçaurois faire icy, puisque ce que vous voyes sur les lieux mesmes vous donne meilleure instruction que je n'en sçaurois prendre.

  A020001964 

 Que si Sa Sainteté luy en faisoit la concession, il y auroit une tres probable apparence que son desir est de la volonté de Dieu, attendu que la chose estant de soy mesme difficile, elle ne pourroit reuscir sans un special concours de la faveur divine; que si, au contraire, Sa Sainteté l'esconduisoit, il n'y auroit plus autre occasion de faire autre chose que de s'humilier et appayser son cœur.

  A020001965 

 Je voyois bien que cette prætention estoit extraordinaire, mais je voyois aussi un cœur extraordinaire; je voyois bien l'inclination de ce cœur a commander, mais [184] je voyois que c'estoit pour ruiner cett' inclination qu'elle vouloit se lier a l'obeissance; je voyois bien que c'estoit une fille, mais je voyois qu'elle avoit esté plus que fille a commander et gouverner, et qu'elle le pourroit bien estre a bien obeir..

  A020001966 

 Je confesse bien que j'ay une particuliere dilection pour l'Institut de la Visitation; mais madame de Chantal, vostre chere fille et la mienne, vous dira que pour cela je ne voudrois pas avoir fourvoyé la plus excellente creature du monde et la plus accreditee, de sa juste vocation, encor qu'elle deut devenir sainte canonizee en la Visitation.

  A020002039 

 Il y a, ce me semble, bien environ mille ans que je ne reçois point de vos lettres, non plus que vous des miennes..

  A020002064 

 M. le Prince Thomas, qui a logé ceans ces trois ou quatre jours passés pour faire la chasse en ces plaines voysines, a mis, comme l'on vient de me dire, en alarme ceux de Geneve, qui ont le plus grand tort du monde de se laisser agiter par tant de vaines apprehensions, puisqu'on observe si soigneusement les derniers articles qui ont esté passés..

  A020002066 

 Vostre plus affectionné voysin et serviteur,.

  A020002089 

 Je l'ouys, et, avec M. de Calcedoine, M. l'Abbé d'Abondance et les Peres Barnabites et M. le Prevost, je jugeay qu'il avoit un des plus excellens talens qui aye esté de long tems en ce païs.

  A020002089 

 Je vous escris courtement, ma tres chere Fille, et vous remercie de vostre lettre que j'ay receue hier matin, suivant laquelle je vous diray que si vous n'aves point de predicateur pour ce Caresme, j'en fourniray un des plus braves et bons que vous puissies desirer, qui prescha hier a la Visitation et preschera un de ces jours devant ce peuple.

  A020002105 

 Je loüe Dieu dequoy Vostre Altesse persevere au dessein de la restauration de la discipline ecclesiastique en ce païs, asseuré que je suys qu'a mesure que le zele de Vostre Altesse fera croistre en ses Estatz la gloire de la [198] divine Majesté, vostre coronne, Monseigneur, fleurira de plus en plus.

  A020002132 

 Et de plus encor, il se treuve des-ja des tres bons ecclesiastiques du pays qui n'attendent que leur venue a Rumilly pour s'associer a eux et se ranger a la Congregation..

  A020002132 

 Et de plus encor, ilz ne sont pas exemptz de la jurisdiction des Evesques, ains demeurent en leur sujettion comme les curés; de sorte qu'on n'a pas besoin, en cas de desordre, de sortir du païs pour les ramener au devoir.

  A020002135 

 Or, Monsieur, je vous escritz ainsy au long toutes ces particularités affin que vous voyiés que cette introduction des Peres de l'Oratoire sera non seulement utile au service de la gloire de Dieu et des ames, mays encor selon le service de Son Altesse Serenissime et l'utilité de nostre patrie; qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier de nous procurer au plus tost les expeditions que je demande, puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir pour disposer de la cure de Rumilly, apres lesquelz la provision tumbera es mains du Pape..

  A020002149 

 Ma Fille, aymes moy bien tous-jours avec toutes nos cheres Seurs, et pries la divine Providence de m'estre de plus en plus misericordieuse pour le pardon de mes fautes passees, et de plus en plus propice pour mon amendement a l'advenir.

  A020002159 

 [Je ne treuve non plus rien a redire pourquoy l'autre fille ne doive estre receuë, je dis tres amoureusement.] O quand les filles ont le cœur bon et le desir bon, encor qu'elles n'ayent pas ces grandes ardeurs de resolution, il n'importe.

  A020002161 

 Je suis de plus en plus, tres entierement tout vostre..

  A020002170 

 Mays, ma tres chere Fille, il me semble que vous estes un peu plus susceptible des consolations que cette chere seur; c'est pourquoy je vous dis que nous avons tort si nous regardons nos parens, nos amis, nos satisfactions et contentemens comme choses sur lesquelles nous puissions establir nos cœurs.

  A020002189 

 Nos Seurs sont consolees sur l'esperance de la paix; elles le doivent estre encor plus en la parole de l'Espoux celeste, qui conserve les siens comme la prunelle de ses yeux.

  A020002190 

 Ma Fille, je suis de plus en plus tout a fait.

  A020002201 

 Comme cacheroit on le feu? Je ne puis non plus celer l'extreme affection que j'ay au milieu de mon cœur a vous honnorer de toute ma force; et chacun croid que, reciproquement, j'aye le bonheur d'estre grandement aymé [208] de vostre bonté, et sur cela, comme vous voyes souvent, on recourt a mon intercession es occurrences esquelles on recherche vostre faveur..

  A020002202 

 Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu.

  A020002220 

 Bon soir, ma tres chere Mere; Dieu vous comble de ses plus cheres benedictions, qui sont ses dilections.

  A020002231 

 Jamais on ne vit un plus pauvre ni un plus heureux accouchement, ni jamais une si somptueuse et si contente accouchee.

  A020002233 

 Que je le sois donq encor plus cette annee; mais sur tout, que Jesus le soit de plus en plus jusques a la tressainte eternité.

  A020002244 

 Je suis bien ayse que nos Filles de Sainte Marie soyent [213] en leur monastere; ce ne sera pas un petit attrait a plusieurs ames pour se retirer du monde, puisque l'on est si miserable en ce siecle que l'on ne regarde pas tous-jours le celeste Espoux au visage, ains a ces ageancemens exterieurs, et que souvent nous estimons les lieux plus devotieux que les autres, a cause de leur forme..

  A020002268 

 Comme se peut il faire que je sente ces choses, moy qui suis le plus affectif du monde, comme vous sçaves, ma tres chere Mere? En verité, je les sens pourtant; mais c'est merveille comme j'accommode tout cela ensemble, car il m'est advis que je n'ayme rien du tout que Dieu et toutes les ames pour Dieu.

  A020002268 

 Mays c'est grand cas, il n'y a point d'ames au monde, comme je pense, qui cherissent plus cordialement, tendrement et, pour le dire tout a la bonne foy, plus amoureusement que moy; car il a pleu a Dieu de faire mon cœur ainsy.

  A020002300 

 Les tribulations sont plus pretieuses que l'or et le repos aux ames que Dieu a choysies..

  A020002302 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre ame, pour l'enflammer de plus en plus de son pur amour, qui est la plus digne et la plus desirable benediction de vostre esprit.

  A020002311 

 Que faut il faire la dessus affin que l'intention soit purifiee? Regardons si nostre dessein peut estre legitime, juste et pieux; et s'il le peut estre, proposons et deliberons de le faire, non plus pour obeir a la prudence humaine, mais pour, en iceluy, accomplir la volonté de Dieu..

  A020002313 

 Ce ne sera plus pour la prudence mondaine, bien que ce soit elle qui ayt excité la volonté, que vous feres cette resolution, mais parce que vous aves conneu que Dieu l'auroit aggreable: ainsy, par l'infusion de la volonté divine, vous corrigeres la volonté humaine..

  A020002313 

 Et cela fait, laisses clabauder la prudence humaine tant qu'elle voudra, car l'œuvre ne sera plus sienne; et vous luy pourres dire comme les Samaritains dirent a la Samaritaine apres qu'ilz eurent oüy Nostre Seigneur: Ce n'est plus meshuy pour ta parole que nous croyons, mays parce que nous mesmes l'avons veu et entendu.

  A020002313 

 Nous ne sommes pas plus saintz que l'Apostre saint Paul, qui sentoit deux volontés au milieu de son ame: l'une qui vouloit selon le viel homme et la prudence mondaine, et cette cy se faisoit plus sentir; et l'autre qui vouloit selon l'esprit de Dieu, et celle cy estoit moins sensible, mais laquelle pourtant dominoit, et selon laquelle il vivoit; dont d'un costé il s'escrioit: O moy miserable homme, qui me delivrera du cors de cette mort? et d'autre part il s'escrioit: Je vis, non plus moy mesme, mais Jesus Christ vit en moy.

  A020002326 

 Mais affin que leur volonté soit plus conforme a la regie de toute bonne volonté, leur perfection doit estre de vouloir seulement ce que Dieu veut.

  A020002336 

 Plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable et les pretentions des mondains vaines, et ce qui est encor pis, plus injustes..

  A020002337 

 Je ne puis rien dire de mon ame, sinon qu'elle sent de plus en plus le desir tres ardent de n'estimer rien que la dilection de Nostre Seigneur crucifié, et que je me sens tellement invincible aux evenemens de ce monde, que rien ne me touche presque..

  A020002373 

 Neanmoins, la cheute de Salomon, que j'ay si souvent en la pensee, me mit, je vous asseure, grandement en peine; et fus grandement soulagé quand ce bon Frere m'eut parlé et que j'eus veu le tesmoignage plus grand qu'aucune exception de monsieur l'Archidiacre, duquel [229] le tesmoignage est digne de tres grand respect.

  A020002374 

 Voicy mon advis: Premierement, puisqu'ainsy que me dit ce porteur et que vostre lettre me signifie, la calomnie n'est pas encor entree dans la foule du peuple, et qu'au contraire les plus apparens et les plus dignes juges des actions humaines de ce païs la sont tout a fait resolus en l'opinion de vostre probité, je prefere la dissimulation au ressentiment; car nous sommes au cas de l'ancien sage:.

  A020002377 

 Je voudrois que la dissimulation fust franche, et comme doivent estre les actions heroïques qui se pratiquent pour l'amour de Dieu: sans se plaindre, sans tesmoigner des grandes repugnances au pardon, car la candeur du cœur qui pardonne fait tant plus connoistre le tort de l'injuriant..

  A020002404 

 Dieu vous a mis au lieu et au grade auquel il vous a eslevé par vos merites, affin que vous soyes, pour l'amour de luy, le refuge commun des affligés, mais particulierement de ceux qui tombent en adversité plus par malheur que par malice..

  A020002436 

 De sorte, ma tres chere Fille, que pour les deux fondations que vous me marques, vous n'avies nul besoin de m'advertir sinon en ce qui regarde la disposition de vostre chere personne, pour laquelle je ne voy nul lieu de me dispenser contre les promesses faites a tant de personnes, mays sur tout a monsieur vostre pere, qui ne peut quasi plus rien esperer pour l'accomplissement de ses consolations en ce monde, que de vous voir au Monastere de Chamberi que l'on va entreprendre, affin de vous avoir aupres de luy, d'ou il a esloigné tous messieurs vos freres par les charges honnorables dont ilz sont tous prouveuz maintenant, puisque, comme vous sçaves, M. de Feliciaz est senateur et juge maje de la province de Chablaix; monsieur de Charmettes a la cour, aupres de Madame; monsieur nostre President de Genevois icy, d'ou il ne peut absenter, non plus que monsieur de Vaugelaz de la cour de France; de sorte quil ne reste que monsieur [237] le Doyen de la Sainte Chapelle.

  A020002436 

 Et bien que ce tres bon pere, comme tout dedié a Dieu luy mesme, se remet tres volontier a tout ce qui sera jugé plus a propos pour l'employ de sa fille au service de la plus grande gloire de cette celeste Majesté, si est ce que cela mesme nous oblige tant plus a le consoler en ce qui se pourra.

  A020002438 

 Mays j'appreuverois merveilleusement que l'on ne se hastat pas tant de faire le Monastere de Riom, non seulement pour donner du tems aux autres Institutz des filles, Carmelites, Urselines et autres qui y sont, mays principalement pour en donner a vostre Monastere de Montferrant de se bien establir, sur tout en personnes; car c'est cela que j'apprehende en toutes les fondations, qu'elles ne se facent sans filles bien formees et solides [238] en cette vertu religieuse que l'Institut requiert autant ou plus qu'aucun autre Institut qui soit en l'Eglise, puisque dautant plus qu'il y a moins d'austerité exterieure il faut quil y ayt de l'esprit interieur.

  A020002439 

 Je croy que nostre Mere ira la; et avec ces dames [239] du païs et elle, vous pourres prendre meilleur advis par l'opinion de vos bons Peres spirituelz que vous aves-la, et vos amis, que non pas par la mienne qui ne void pas des icy ce qui pourroit estre plus a propos.

  A020002441 

 Et certes, il n'est pas convenable que l'on engage ces si jeunes filles a l'habit, car il y [a] bien plus de peine a oster l'habit a une fille qu'a la renvoyer avant qu'elle l'ayt (sic) pris l'habit..

  A020002441 

 Mays affin que cela se face comm'il est expedient, il faut qu'elle face le premier essay de quelques semaines, apres lequel, sil (sic) ell'estjugee propre, il faut avoir dispense de M. l'Evesque ou du Pere spirituel, car autrement cela tireroit consequence plus grande.

  A020002443 

 Je treuve que c'est une grande Providence de Dieu que [240] les Supperieurs, en ce commencement, ne soyent pas trop empressés de vostre conduite; elle se fera plus suavement par les advis des amis que vous employerés..

  A020002457 

 Les paroles interieures que Dieu dit au cœur affligé qui recourt a sa bonté sont plus douces que le miel, plus salutaires que le bausme prætieux a guerir toutes sortes d'ulceres.

  A020002458 

 Vostre sainte Blandine ne treuvoit point de plus grand soulagement parmi les blessures de son martire que la sacree cogitation qu'ell'exprimoit souspirant ces troys douces paroles: « Je suis chrestienne.

  A020002459 

 Ce cher filz est passé de ce monde a l'autre sous des bons auspices, a la suite de son devoir envers Dieu et le Roy: ne voyes plus ce passage qu'en l'eternité..

  A020002487 

 Ma tres chere Fille, Rien tout a fait maintenant, parmi ce deluge de lettres que j'escris, sinon que je vous souhaitte tous-jours de plus en plus courageuse en ce saint service de Dieu auquel vous estes.

  A020002501 

 Puisque non une seule rayson, mais plusieurs bien justes et urgentes retirent la bonne Mere Superieure de la Visitation Sainte Marie de Paris a Dijon et de deça, il est bien raysonnable que je vous remercie, ainsy que je fay tres humblement, des consolations et faveurs qu'elle a recueillies de vostre continuelle charité: vous suppliant neanmoins tous-jours de les luy continuer en la personne de cette trouppe de filles qu'elle laisse la pour le service de la gloire de Dieu, qui est tout vostre amour, et duquel la providence a preparé vostre cœur pour estre le refuge et la protection des petites servantes de son Filz, qui en sont d'autant plus necessiteuses que l'aage et l'imbecillité de leur establissement est plus tendre et sujet a la contradiction..

  A020002502 

 J'espere que l'humilité et la connoissance de leur petitesse les conservera non seulement en la grace de Dieu, [246] mais aussi en vostre bienveuillance, Madame; et que parmi tant d'autres ames plus relevees et dignes de vostre faveur, que vostre pieté appuye de son zele, elles aussi, en leur rang, vivront a l'abry de vostre debonaireté, laquelle se souviendra que son Mirouër et son Exemplaire et Patron ayme plus tendrement les petites gens, basses et infirmes, ouy mesme les plus jeunes petitz enfans, pourveu qu'ilz se laissent sousmettre a ses mains et prendre entre ses bras..

  A020002520 

 J'ay veu l'histoire de la consultation faite pour nostre tres chere fille madame de Port Royal, sur laquelle il n'y a rien a dire sinon que je voy un examen merveilleusement ponctuel, en ce que on y a pensé que, [à cause de] la longueur du tems et [de] la multitude des actions de superiorité, nonobstant la protestation et le continuel [249] desadveu interieur, cette fille soit tellement obligee de demeurer qu'elle ne puisse pas faire autrement; car bien que cela soit probable en terme de conscience, si est ce que cela n'est pas advoüé de tous, et de plus, le Pape en peut dispenser.

  A020002522 

 Il est a considerer si vous treuveres plus a propos qu'on la fasse professe icy ou qu'on l'envoye pour faire profession a Dijon, sur l'attestation qu'on luy feroit icy de sa capacité; car nous avons pensé que peut estre seroit on bien ayse que cette action se fist la, en presence de ses parens et amys, et la rendre ainsy la premiere fille de ce Monastere..

  A020002523 

 Or, ce sera donq a vous, ma tres chere Mere, de nous, advertir si vous voudres ou moins ou plus de filles, et quand elles devront partir... [252].

  A020002529 

 Je l'espere, ma chere Fille, et que vous seres comme l'ancienne Anne, laquelle, avant qu'elle fut mere, changeoit souvent de visage, comme touchee de diversités de pensees et d'apprehensions; mays estant devenue mere, dit l'Escriture sacree, sa face ne fut plus variante ni diversifiee, par ce, comme je croy, qu'elle fut accoysee en Dieu qui luy avoit fait connoistre son amour, sa protection et son soin sur elle.

  A020002535 

 Quel moyen d'escrire a ma chere Seur Jeanne Marie, ma niece, et a ma Seur Anne Constance, et a ma Seur Marie Anastase, et a ma grande fille Marie Marguerite? Il ne se peut, car il ne me reste plus de loysir que pour un mot a ma tres chere fille Helene Angelique, la nouvelle espouse de nostre Maistre.

  A020002544 

 Vives donq de plus en plus en ce celeste amour de Nostre Seigneur qui vous y oblige par mille benedictions qu'il [256] vous a donnees, et sur tout par l'inspiration qu'il vous a departie de le vouloir et de le desirer; et, en ce desir, vivés joyeuse et saintement contente, voire mesme parmi les ennuis et les afflictions qui ne manquent jamais aux enfans de Dieu..

  A020002558 

 Monsieur Roland vous dira [257] toutes les nouvelles que vous pourries desirer de deça, d'ou, comme je croy, plusieurs vous escriront plus amplement que moy qui n'en ay nul loysir; aussi est il a propos que je soys court, pour ne point divertir la consolation que vous aures a recevoir nostre bonne Mere..

  A020002559 

 Je connois certes en luy beaucoup d'excellentes qualités grandement propres au service de Dieu et de l'Eglise, lesquelles il faut esperer devoir estre egalement utiles quand elles seront bien employees, ainsy qu'il commence a les rendre par la prædication, et qu'il continuera sans doute tous-jours plus fructueusement.

  A020002559 

 Si faut il pourtant que je vous die que rien ne me pouvoit estre plus doux et aggreable en vostre lettre, que la bonne nouvelle que vous me donnés de la favorable souvenance que Monseigneur l'Evesque d'Orleans a de moy; et bien que je sache que ce bien provienne de son bon naturel, qui est franc et genereux, si ne laisse je pas de le reconnoistre de Dieu, qui, m'ayant donné une singuliere affection envers ce Prælat, a voulu quil y eut en luy cette aggreable correspondance et qu'il eut une bonne inclination pour moy.

  A020002589 

 Dites moy donq, ma tous-jours plus chere Fille, que fait il? car maintenant il sçait la resolution qui a esté prise par ces six ou sept grans serviteurs de Dieu qui s'assemblerent pour son sujet..

  A020002591 

 Il est vray, ma tres chere Fille, que vous n'aves point de cœur qui soit ni plus ni certes tant vostre que le mien.

  A020002604 

 Dieu vous face de plus en plus prosperer en son pur amour, ma tres chere Fille, avec toutes nos cheres Seurs que je salue..

  A020002615 

 Je suys tous-jours attendant les despeches necessaires pour remettre l'eglise de Rumilly entre les mains des Peres de l'Oratoire, bien en peyne dequoy je n'ay plus que seze jours de loysir pour disposer de la cure vacante, apres quoy elle vaquera en Cour de Rome, sans que j'y puysse plus mettre la main; et c'est sans doute qu'il ne manquera pas d'impetrans, qu'il sera par apres malaysé de ranger au salutaire dessein de Vostre Altesse..

  A020002634 

 Mon neant espere en vostre douce infinité avec d'autant plus d'asseurance que vous estes infini; j'espere en vous, en comparayson duquel je suis un vray neant..

  A020002714 

 J'avoys pensé de vous escrire un'asses longue lettre, en response de celle que j'ay receüe de vous; mays puisque, comme monsieur le Baron de Vallon m'a dit, on a mis remede a tout ce que vous craignies, il ne me reste a vous dire sinon que tous-jours je feray tout ce que je pourray pour le bien de ce cher filz et le contentement de ma tres chere fille, sa mere, laquelle pourtant il faut que j'advertisse d'avoir soin de sa santé: car on me dit, certes de tres bon lieu et de tres bon cœur, que vous ne prenes pas asses de soulagement pour la conserver et que vous n'espargnes pas autant quil est necessaire vostre force et complexion, et, plus quil ne faudroit, les moyens.

  A020002725 

 O ma tres chere Fille, ce ne seront plus meshuy des lettres entieres, ains seulement des billetz, jusques a ce que vous me donnies des nouvelles selon mon cœur.

  A020002738 

 Combien plus donq se peut elle vouer a Dieu, le mariage qui semble mettre en difficulté sa devotion estant nul de tant de nullités comm'il l'est, devant Dieu et les hommes.

  A020002738 

 Il ny a nulle difficulté qu'on ne puisse, ains qu'on ne doive recevoir madamoyselle de Pressin, ma tres chere Fille, si son esprit est appellé, ainsy que vous me dites; car encor bien qu'ell'eut fait promesse de mariage, et de plus encor, bien qu'ell'eut contracté et celebré le mariage en la face de la tressainte Eglise, pourveu qu'elle ne l'eut pas consommé, il est constant entre les docteurs tant des loix que de la theologie, qu'elle ne laisseroit pas de pouvoir entrer en Religion, et que par sa Profession elle rendroit le contract annullé et de nul effect.

  A020002739 

 C'est un œuvre de charité presque le plus excellent qu'on puisse faire, bien plus grand sans comparayson que de bastir un hospital, recevoir les pelerins, nourrir les orphelins.

  A020002739 

 Or cette fille icy voulant estre Religieuse, establira quant a elle son privilege, je m'asseure, a mieux obeir, si elle peut, que les autres, et a faire le plus de progres qu'elle pourra en l'humilité, pureté de cœur, modestie et obeissance..

  A020002741 

 C'est pourquoy, dautant plus je me res-joüys qu'elle face une si bonne election et que, quittant les amours peu aymables des hommes, elle se consacre a l'amour tres aymable de son Dieu, vray Espoux des ames genereuses..

  A020002773 

 Gardés bien, ma chere Fille, d'entrer au festin de la Croix, plus delicieux mille et mille fois que celuy des noces seculieres, sans avoir la robbe blanche, candide et nette de toute autre intention que de plaire a l'Aigneau..

  A020002777 

 Tout le reste je l'ay dit a la Mere; a vous je n'ay plus rien a dire, sinon que, puisque Dieu le veut, je suis de tout mon cœur.

  A020002791 

 Or, ma tres chere Fille, le moyen d'ayder cet esprit pour luy faire connoistre son bonheur, c'est de la conduire le plus doucement que l'on pourra aux exercices de l'orayson et des vertus, de luy tesmoigner un grand amour de vostre part et de toutes nos Seurs, sans faire nul semblant de l'imperfection du motif par lequel ell'est entree, de ne point luy parler avec mespris de la personne qu'elle a aymé.

  A020002791 

 Que si elle en parle, il faut renvoyer [283] le propos a Dieu, comme seroit de luy dire: Dieu le conduira par le chemin qu'il sçait estre plus convenable..

  A020002836 

 Vous aves receu deux nouvelles, mais anciennes filles de vostre Mayson; le retour est tous-jours plus aggreable aux meres que le despart des enfans.

  A020002847 

 Et par ce que nous vous envoyons ma Seur Paule Hieronime Favrot qui de jour a autre attendoit de faire la Profession, affin de ne l'envoyer pas novice nous la recevons a Profession ce mattin; et soudain la ferons partir avec les autres troys, puisque il ny a pas lieu dans la carrosse pour plus de filles que pour 4.

  A020002849 

 La bonne madame de Dalet est bienheureuse de vouloir cette vie-la; Dieu luy face la grace qu'y estant, elle ne recherche plus rien et ne refuse plus rien.

  A020002868 

 Et priant Dieu qu'il prospere de plus en plus la personne de Vostre Altesse,.

  A020002905 

 Toutes ces bonnes besoignes sont pour l'unique Mere et pour la grande et brave Fille de nostre cœur, qui sera, de plus, genereusement humble parmi tous ces employs..

  A020002916 

 Je les incite fort a se tenir invariables dans la pureté et sincerité de l'esprit de leur Institut, puisque c'est pour elles le chemin le plus asseuré pour parvenir a Dieu..

  A020002927 

 Et si d'ailleurs les Peres de l'Oratoire entrent en la Sainte Mayson, on espargnera les gages que l'on donne aux ecclesiastiques seculiers qui y sont maintenant, et de cette espargne on pourra payer cette pension et faire plusieurs autres bonnes affaires: qui sont les deux moyens que je voy, quant a present, plus propres pour remedier a la miserable pauvreté de ce gentilhomme, pourveu qu'il playse a Vostre Altesse que bien tost on les prattique, ainsy que tres humblement je l'en supplie,.

  A020002959 

 Affin que, comme je desire infiniment, je vous puisse escrire souvent, ma tres chere Fille, il faut que je vous escrive, tant que faire se pourra, courtement; et je vous prie de me faire la consolation que de m'escrire aussi le plus frequemment que vous pourres..

  A020002962 

 Je ne puis oublier madame la Marquise de Dampierre, ni les mouvemens que le Saint Esprit donne a son cœur; playse a sa divine Majesté de les benir et faire reuscir a la plus grande sanctification de son nom et de sa sainte Mere.

  A020002997 

 Mays avant que je parte, je dresseray tout ce quil faut pour l'eglise de Rumilly, selon que le Prince Thomas m'a commandé, et treuveray tout prest a mon retour, qui sera dans six semaines au plus tard..

  A020003032 

 Je le veux bien, ma tres chere Fille, puisque vous en aves du desir, que vous facies la sacree Communion tous les huit jours; m'asseurant qu'a mesure que vous approcheres plus souvent de ce divin Sauveur, vous tascheres [310] de luy rendre aussi plus d'amour et de fidelité en son service, et que le jour de vostre Communion vous vous garderes de donner sujet a ceux avec lesquelz vous converseres de penser que vous n'estimes pas asses l'honneur de la reception de vostre Salut..

  A020003059 

 La Congrégation, et surtout son Général, n'auront jamais de plus ardent désir que de demeurer soumis au bon plaisir de Sa Sainteté et à ce qui leur sera indiqué par Votre Illustrissime Seigneurie.

  A020003073 

 Quant au Chapitre general qui y a esté celebré, je puis dire avec verité que je n'ay jamais veu assemblée plus modeste, plus religieuse, ny où la paix reluisit avec plus d'esclat qu'en celle-là.

  A020003074 

 Je remercie tres-humblement Vostre Seigneurie Illustrissime de ce qu'Elle a daigné me commander et se servir de moy en ceste petite occasion; car c'est la plus grande [316] gloire que je pouvois esperer.

  A020003088 

 Je baise tres-humblement les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime, et prie Dieu qu'il vous comble de ses plus sainctes felicitez, selon l'estenduë des desirs,.

  A020003101 

 Et pour ce, je ne doute point que ceste eslection ne soit tres-aggreable à Vostre Seigneurie Illustrissime, laquelle, pour ne point entretenir plus long-temps avec des termes mal polis et grossiers, je supplie de me permettre que, comme Elle m'a recommandé ceste Congregation, je la recommande semblablement avec une tres-profonde reverence à son affection et à sa tres-amoureuse charité..

  A020003127 

 J'asseure donc Vostre Seigneurie Illustrissime que toutes choses s'y sont passées avec une si estroicte union d'esprit, de paix et de pieté, que ces nobles qualitez n'y [322] pouvoient pas estre desirées en un plus excellent degré: de sorte que je puis dire ma presence y avoir esté tres-inutile, n'ayant eu autre exercice pendant cest employ, sinon de gouster en moy-mesme la douceur et la consolation en la veuë de tant de modestie et de tant de vertu.

  A020003128 

 Car il me semble que luy ayant reüssy d'escrire avec l'heur et la grace qu'on remarque es traductions du grec en latin et en françois qu'il a données au public, et en refutant les heresies de ce temps, il pouvoit rendre un plus grand et plus important service à la saincte Eglise en la continuation de cest employ.

  A020003143 

 Verum, quia id quidem plerique capitulantium doctiores et sapientiores expetebant, sed simpliciores ac suarum antiquitatum, ut vocant, plus sequo amantiores tueri conabantur Breviarium usu inter eos hactenus receptum, non putavi Capitulum tanta alioquin concordia celebratum, debere me fortiori authoritate compellere; [326] ratus fœlicius ac facilius rem totam definiendam, si Beatitudo Sua coram præcipiat Generali ut quamprimum rejecto illo antiquato Breviario, monasticum quod a Sede Apostolica non solum approbatum est, sed omnibus Monachis maxime commendatum in usum inducat.

  A020003157 

 Aussi n'y a-t-il [324] plus rien à désirer, sinon que cette union, ou mieux cette unité entre tant de têtes de diverses nations, que l'on peut et que l'on doit maintenant louer, puisse et doive mériter les mêmes louanges à l'avenir..

  A020003157 

 Enfin, selon l'usage, on y a élu le Supérieur général, mais avec une si parfaite concorde et tant de douceur dans les procédés, qu'on ne saurait rien voir de plus aimable.

  A020003158 

 Aussi y a-t-il lieu de croire que sous son gouvernement toute la Congrégation produira des fruits de jour en jour plus abondants..

  A020003159 

 A mon avis, toute l'affaire se conclura plus heureusement et avec plus de facilité si Votre Sainteté fait un précepte au Général de laisser au plus tôt ce Bréviaire vieilli, pour adopter l'édition monastique, laquelle est non seulement approuvée, mais absolument recommandée à tous les moines par le Siège Apostolique.

  A020003159 

 Sans doute, la plupart des capitulants, les plus doctes et les plus sages, réclamaient une telle mesure; mais d'autres, moins éclairés et attachés jusqu'à l'excès à leurs anciennetés, comme ils disent, ont mis toute leur ardeur à défendre le Bréviaire usité jusqu'ici parmi eux.

  A020003160 

 Que Dieu très bon et très grand conserve le plus longtemps possible les jours de Votre Sainteté: tel est l'objet de tous mes vœux, de mon humble prière, de mon ardent désir..

  A020003184 

 Il ne reste plus qu'une chose à désirer: c'est que cette union, ou plutôt cette unité, entre des hommes de tant de provinces et de nations différentes, continue dans l'avenir à mériter les éloges qu'elle mérite aujourd'hui..

  A020003184 

 Tout cela s'est passé dans une si parfaite harmonie des coeurs, une si grande paix, une telle douceur, que l'on ne saurait rien voir de plus suave, de plus aimable.

  A020003185 

 On doit donc espérer que, sous son gouvernement, toute cette Congrégation produira des fruits de jour en jour plus abondants.

  A020003186 

 Puisse Dieu très bon et très grand, dans son admirable providence envers l'Eglise, garder saine et sauve Votre Sainteté! Je l'en prie et l'en conjure à genoux, de mes vœux les plus humbles et les plus ardents..

  A020003196 

 Les plus courtes responses sont ordinairement les meilleures, et avec cela, [je suis] pressé de mon depart de cette cour et du desir de depescher vostre homme, qui me conjure ardemment de ne le point retenir davantage.

  A020003199 

 Car, presupposé la charité de monsieur vostre mari et la vostre [331] envers vos petitz enfans pour avoir soin d'eux et de leurs petitz affaires, et asseurer madame vostre fille pour luy [donner] commodité de vivre plus parfaitement sous l'ombre de la Croix, que peut on dire autre chose sinon que Dieu a donné l'inspiration a la fille de se retirer, et au pere et a la mere de luy en donner les moyens? Je sçai qu'a faire ces grandes et heroïques vertus il y a de l'effort; mays c'est aussi de la d'ou elles tirent leur plus grande gloire..

  A020003199 

 Mais, Madame, si cette chere fille de vostre cœur s'arreste dans les bornes que vostre authorité luy préfixé, de n'estre au monastere que comme fondatrice, sans changement d'habit ni de condition exterieure, je ne croy pas que la plus sage sagesse humaine puisse sagement gronder, ni, je m'asseure, probablement murmurer.

  A020003200 

 C'est une des plus aymables conditions que vous puissies avoir, je le confesse; mais il faut adjouster une autre grandement pretieuse, qui est de ne point user de vostre authorité maternelle contre cet esprit qui, pour eviter le coup, se desrobe plustost que de parer..

  A020003201 

 Je vous en donne ma parole plus clairement: je n'ay nulle authorité sur les Monasteres de la Visitation qui sont hors de mon diocese, de sorte que je ne puis m'obliger sinon a ne point consentir, ains a faire tout ce que je pourray, non point par authorité, mais par credit que j'espere d'avoir envers les Superieures de ces Monasteres, et particulierement avec madame [Favre], de laquelle je suis grandement certain qu'elle suivra en cela ma direction.

  A020003276 

 Je ne parlerai pas à Votre Altesse des faveurs reçues de leur bonté; mais je dirai bien que celle que me fait la Sérénissime Infante Françoise-Catherine en m'ordonnant de saluer ainsi par écrit et à la hâte Votre Altesse, est une des plus grandes et précieuses que je [339] pusse attendre en ce monde.

  A020003302 

 Et comme toutes regardent la plus grande gloire de Dieu et qu'elles ne peuvent réussir que par l'intervention de la main très puissante de Votre Seigneurie Illustrissime, je les lui recommande, et à sa piété et à sa sollicitude, avec un très profond respect.

  A020003319 

 Et de plus, Monsieur, bien que l'exercice de la meditation soit grandement desirable es Monasteres, si est ce que, quand toutes les autres qualités se treuvent en un esprit, j'ay tous-jours jugé que celle de n'estre pas propre a former les meditations n'estoit pas suffisante pour forclorre un'ame du cloistre.

  A020003321 

 Vostre plus humble et affectionné serviteur,.

  A020003338 

 Je ne treuve nulle difficulté que la [mère de monsieur] de la Gamelle soit receue en vostre Mayson pour y demeurer [en habit] seculier, pourveu qu'il soit modeste, selon son ordinaire; qu'elle] couche sur les plumes ou [en autre] telle sorte, pourveu...; car en tout cela [il n'y a aucune] messeance... p[our la] cha[rité]... par la plus douce... bonne... le plus grand secours de son aage.

  A020003352 

 Mais il est vray aussi que j'eusse souhaité qu'elles eussent eu encor un peu de patience, puisque nous [347] sommes a la veille de voir un ordre general pour la reformation de tous les Monasteres de cette province de deça les mons, notamment des filles, parmi lesquelles les moindres defautz sont plus blasmés que les grans parmi les hommes.

  A020003353 

 Mais de tout ceci il en faut parler plus au long, Dieu aydant..

  A020003353 

 Mon inclination estoit que l'on attendist de faire celuy ci jusques a ce que l'ordre en fust venu de Rome, affin qu'il y eust moins de resistance; la ferveur de la charité de quelques unes ou, si vous voules, l'ardeur de la propre volonté des autres, a fait choisir un autre moyen qui leur sembloit plus court; il ne faut pas pour cela le rejetter, ains il faut y contribuer tout ce que la sainte, sincere et veritable charité nous suggerera.

  A020003354 

 Il [348] importe peu que le bien se face d'une façon ou d'autre, pourveu qu'il se face en sorte qu'il en revienne plus grande gloire a Nostre Seigneur.

  A020003370 

 Je suis bien plus scandalisé des contestes qui sont entre nos Seurs Superieures de Moulins et de Nevers pour certains mille escus que je voudrois plustost estre au fons de la mer qu'en l'esprit de ces filles.

  A020003375 

 J'ay un grand desir d'escrire a ses deux filles sur ce sujet, mais maintenant je n'ay pas la commodité, non plus que d'escrire a monsieur le premier President; en lieu dequoy je prie Dieu pour leur consolation et pour le repos de l'ame de cette chere personne que j'aymois et honorois de tout mon cœur, et de l'absence de laquelle je serois bien affligé davantage si je ne prenois asseurance en la misericorde [353] de Dieu qu'elle jouit des a present du bien auquel elle a tous-jours aspiré..

  A020003375 

 J'eusse bien desiré une plus longue vie a madame la premiere Presidente, ma tres chere fille; mais il faut s'arrester court et sans replique au decret de la volonté celeste, laquelle dispose des siens selon sa plus grande gloire.

  A020003381 

 Au premier jour je vous escriray plus au long.

  A020003398 

 Quelle plus legitime descharge pouves vous faire de la personne et des biens de vos enfans, que de les remettre entre les mains de monsieur vostre pere et de madame vostre mere? Et n'est ce pas un trait visible et palpable de la Providence divine pour ce sujet, que cela se puisse faire avec l'aggreement, ains avec le desir de cette mere, jadis si jalouse de vostre presence au monde? Il m'est [356] advis, certes, ma tres chere Fille, que Dieu luy mesme jette des fleurs et des parfums aux chemins de vostre retraitte, affin qu'elle se face avec plus de douceur et que les plus coquilleux l'appreuvent et benissent; car, que peut on dire? Que vous laisses vos enfans? Ouy; mais ou les laisses vous? Entre les bras de leur [premier] pere et de leur premiere mere.

  A020003399 

 Ainsy que vous me descrives tout cest affaire, je n'y voy nulle sorte de difficulté sinon pour la chere petite fille, que la grand'mere retirera de la Religion dans la nourriture du monde; car quant au garçon, aussi bien dans deux ou trois ans ne le pouves vous plus garder dans vostre giron, ni le nourrir de vostre nourriture, ains de la nourriture du college ou de la cour.

  A020003399 

 Vos offrandes de cette fille a Dieu luy seront plus utiles que vostre nourriture..

  A020003413 

 Il est vray, elles sont plus que vous: mays les Seraphins mesprisent ilz les petitz Anges? et au Ciel, ou est l'image sur laquelle nous nous devons former, les grans Saintz mesprisent ilz les moindres? Mais apres tout cela, en somme, qui plus aymera sera le plus aymé, et qui aura le plus aymé sera le plus glorifié.

  A020003431 

 Je ne treuve nul inconvenient que l'on reçoive M me de Vigni et telles autres bienfactrices, sur tout quand elles ne veulent plus sortir du monastere, ou que du moins elles en veulent sortir peu souvent; car en cela il ny a rien de contraire a la bienseance..

  A020003447 

 Je suis tous-jours de plus en plus, ma tres chere Fille,.

  A020003464 

 Ainsy, partés au plus tost pour Rumilly, et salues bien de ma part, a vostre arrivee, mes cheres Filles qui y sont des-ja..

  A020003471 

 Il ne reste plus sinon que le R. Pere General envoye des Peres pour commencer le service, et dans peu de jours je recevray la lettre que Son Altesse luy fait a cett'intention..

  A020003473 

 Je prie Dieu, mon Reverend Pere, quil vous face de plus en plus croistre en son saint amour, qui suis.

  A020003491 

 Il reste que le juste dessein que Vostre Altesse en a si souvent fait soit executé, non seulement empeschant que les præbendes soyent remplies, mays impetrant de Sa Sainteté les provisions requises pour la translation du revenu, de l'Ordre de Cluni a celuy des Peres Barnabites, infiniment plus utiles au service de Dieu et au bien publiq.

  A020003491 

 Vostre Altesse avoit judicieusement estimé qu'il estoit expedient de transferer le revenu de ce monastere-la a l'entretenement des colleges et lecteurs Barnabites, attendu qu'il est un monastere tout a fait ruiné et qui ne peut bonnement estre reparé, et que la discipline monacale ny est nullement observee, non plus qu'es autres lieux de cet Ordre-la.

  A020003491 

 Vostre Altesse demeura en ceste resolution quand je partis de Turin; il ne reste donq plus sinon que la sollicitation s'en face, et c'est cela dont maintenant Ell' est tres humblement suppliee..

  A020003541 

 Et puis dire en verité, que la consideration de vostre ennuy fut une des plus promptes apprehensions dont je fus touché, a l'abord de l'asseurance du mal qu'on nous avoit presagé par les bruitz incertains qui nous en arrivoyent..

  A020003545 

 Au demeurant, je ne vous asseureray pas de mon service fidele en cette occasion: il vous a esté dedié une fois pour toutes fort entierement, et je vous supplie de n'en jamais douter, non plus que du soin que j'auray d'assister des Sacrifices que je presente a Dieu l'ame de ce digne chevalier, les merites duquel je veux a jamais honnorer, avec tout ce qu'il a laissé de plus cher icy bas..

  A020003547 

 Vostre plus humble et tres affectionné.

  A020003559 

 Nous attendrons donq que vous envoyies au plus tost deux Peres, pour, sur le lieu, prendre les resolutions convenables a l'acheminement de ce saint œuvre.

  A020003561 

 Mays je reserve a vous dire plus au long mes pensees quand j'auray tout leu, et je voudrois bien encor avoir veu tous les escritz qui se sont divulgués, qui ont donné sujet ou occasion au vostre; car j'en ay seulement eu [376] quelque vent par la communication de nostre Monseigneur de Belley et du tres Reverend General des Feuillans.

  A020003561 

 Vous m'obliges certes trop et me tesmoignes un'estime tout a fait au dessus de tout ce que je suis, de me faire part de vos besoignes, que j'admire infiniment en ce commencement, et que j'admireray tous-jours plus avec amour au progres que je feray de leur veue; qui suis, Monsieur, tres invariablement,.

  A020003562 

 Vostre tres humble et plus obligé.

  A020003577 

 De sorte qu'il ne reste plus a ce peuple aucun autre refuge qu'en la debonaireté de Vostre Altesse Serenissime, qu'il implore avec moy [en] toute sousmission et reverence, avec confiance que la bonté de Vostre Altesse est trop grande pour laisser perir dans le malheur d'une ruine toutale (sic) un peuple si fidele a son Prince..

  A020003577 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse Serenissime d'avoir aggreable, que je recoure a Elle pour le soulagement de cette ville en la necessité delaquelle elle est pressee maintenant, pour l'entretenement des trouppes [378] qui sont icy, lesquelles sont a [la] veille d'entrer en des effortz impitoyables pour faire treuver en desordre, aux particuliers, ce que la communauté ne peut plus fournir par aucun ordre dont on se puisse adviser, puisque meshuy l'on a espuisé jusques aux bourses mesmes des Religieux et des Religieuses.

  A020003587 

 Je salue cherement vostre cœur et celuy de toutes nos Seurs, et suis tout a fait de plus en plus vostre, ma tres chere Fille..

  A020003598 

 Je ne cesse point d'implorer le Saint Esprit pour vous, affin qu'il vous eschauffe de plus en plus, et qu'en fin il vous brusle toute du feu sacré de son saint amour, selon lequel je suis totalement.

  A020003599 

 Tout vostre plus humble et invariable Pere,.

  A020003619 

 Et de plus, Monseigneur, je supplie tres humblement Vostre Altesse d'escrire a Monseigneur le Serenissime Prince Tomas quil face convenir pardevant luy tous les principaux conseillers de la Sainte Mayson de Tonon, [383] affin que par son authorité il soit mis ordre aux affaires de cette Mayson la, qui sans cela s'en vont tout a fait en ruine; qui seroit un extreme dommage, qu'un'œuvre de si sainte et grande consequence, fondee avec tant de pieté par Son Altesse, perit faute de secours et d'ordre..

  A020003632 

 Et je confesse que ce me seroit de la consolation de sçavoir des nouvelles de ces nouvelles plantes que Dieu, ce me semble, a plantees de sa main pour son plus grand honneur et service..

  A020003632 

 Voyes, je vous prie, vous mesme, ma tres bonne et tres chere Mere, les lettres ci jointes, et voyes s'il y a apparence que, sans vous incommoder beaucoup, vous puissies donner ce contentement tant desiré a ces cheres ames; car, si cela se peut bonnement, pour moy, non seulement j'y consens, mais je le souhaiterois tres volontier, sur tout s'il est vray que venant de Dijon a Monferrant, ce fust vostre passage de voir vostre chere fille; et encor plus, si venant de Monferrant a Lion, c'estoit vostre passage [384] de voir Saint Estienne de Forez.

  A020003635 

 Tout se porte bien icy, et je suis de plus en plus.

  A020003706 

 Et parce que je me præparois au [392] voyage que je fay maintenant, je ne puys vous rien dire davantage, n'ayant eu le tems d'attendre rien de plus..

  A020003721 

 C'est un grand advantage pour vostre vertu, ma tres chere Fille; faites le bien profiter, et quoy que vostre aage, vostre complexion et vostre santé vous promettent une longue vie, souvenes vous neanmoins qu'aussi pouves vous mourir bien tost, et que vous n'aures rien de plus desirable a la fin, que d'avoir mis un grand soin a recueillir et conserver les faveurs de la Bonté divine..

  A020003733 

 Mon Dieu, que bienheureux sont ceux qui, desengagés des cours et des complimens qui y regnent, vivent paysiblement dans la sainte solitude aux pieds du Crucifix! Certes, je n'eus jamais bonne opinion de la vanité, mais je la treuve encor bien plus vayne parmi les foibles grandeurs de la cour..

  A020003734 

 Ma tres chere Fille, plus je vay avant dans la voye de cette mortalité, plus je la treuve mesprisable, et tous-jours plus aymable la sainte eternité a laquelle nous aspirons et pour laquelle nous nous devons uniquement aymer.

  A020003746 

 Je suis plein de tres bonne esperance, ma tres chere Fille, et vous conjure de prendre de plus en plus confiance en la misericorde de Nostre Seigneur, laquelle vous tiendra de sa sainte main et vous protegera de sa force..

  A020003777 

 Car, que vous diray je de plus, ma tres chere Fille, puisque cette bonne et vertueuse ame vous dira tres amoureusement tout ce qui se passe icy?.

  A020003815 

 Encore que madame de Dalet, notre fondatrice, soit l'une des âmes la plus vertueuse et la plus aimable que mon esprit ait jamais rencontrée, si je voyais tant soit peu de déraison dans sa retraite, et que quelque autre attrait que le pur mouvement divin l'attirât à nous, je me retirerais entièrement d'elle.

  A020003815 

 Et encore l'autre jour, sortant du parloir où sa passion maternelle avait assez paru, elle me voulut toucher la main et dit: Je ne m'étonne pas que ma fille de Dalet aime cette fille de Monseigneur de Genève, mais je me passionne de ce qu'elle aime plus le cloître que moi, qui suis sa mère..

  A020003815 

 Et vous assure, Monseigneur, que Dieu, qui vient toujours au secours de votre grande fille qui n'est grande qu'en misère, conduit si bien les affaires, que madame de Montfan, sa mère, a blâmé tout le [401] monde et m'a jugée la plus blâmable, [et cependant,] nous sortons toujours l'une d'avec l'autre bonnes amies.

  A020003841 

 Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de S t Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts: pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers: Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle..

  A020003843 

 Et affin que ces bons Peres Religieux reformés ayent plus de moyen de s'entretenir et maintenir, Nous leur donnons dez à present, en tant qu'il Nous touche, tous les revenus, offices et prebendes monastiques, tant du dit Talloire que des autres monasteres susdits, pour en jouir et les unir à la dite reforme à perpetuité; si qu'ils puissent en prendre possession apres qu'elles seront vacantes, au cas que les possesseurs modernes n'acceptent la ditte reforme..

  A020003860 

 Je dis quelque chose en faveur de notre chère Visitation, non pour la rendre recommandable, car elle ne pourrait être plus honorée et estimée qu'elle est ici, mais pour satisfaire à l'affection et dévotion des assistants, et pour rendre le devoir que j'ai aux Filles [405] d'un si grand, digne et aimable Père, de la débonnaireté duquel j'espère que j'aurai toujours la grâce d'être avoué.

  A020003891 

 Cependant, je vis encore dans l'attente d'une ample réponse sur ma lettre précédente, car il faut dire de vos lettres, pour précipitées qu'elles soient, comme des Oraisons de Démosthène, que les plus longues sont les meilleures.


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000023 

 » — Comment rendre parfaites nos actions les plus ordinaires. 18.

  A021000034 

 Les amitiés les plus solides.

  A021000039 

 — Un mort auquel on porte plus d'envie que de compassion.

  A021000056 

 — Quelle est la plus fructueuse 42.

  A021000057 

 Les communications spirituelles plus aisées de vive voix que par écrit.

  A021000140 

 — La parfaite simplicité que Dieu demande de la Mère de Chantal et le plus agréable sacrifice qu'elle pourra lui faire.

  A021000149 

 — La plus grande assurance qu'on peut avoir en cette vie.

  A021000170 

 Qui a moins de propre volonté a plus de Dieu.

  A021000170 

 — Qui mortifie plus ses inclinations naturelles attire plus les inspirations surnaturelles.

  A021000179 

 O Dieu, quelle benediction de rendre toutes nos affections humblement et exactement sujettes a celles du plus pur amour divin! Ainsy l'avons nous dit, ainsy a il esté resolu, et nostre cœur a pour sa souveraine loy la plus grande gloire de l'amour de Dieu.

  A021000220 

 Au demeurant, pour rendre cette divine vocation fructueuse, et pour plus clairement apprendre l'estat que vous deves choisir, pour la plus grande satisfaction de cette Misericorde infinie qui vous semond a son parfait amour, je vous conseille de prattiquer ces exercices pour ces troys moys suivans:.

  A021000221 

 Ce point icy vous donnera plus de loysir de faire l'orayson et la lecture..

  A021000221 

 Premierement, que vous retranchies quelques satisfactions sensuelles que vous pourries autrement prendre sans offencer Dieu, et que, pour cela, vous vous levies tous-jours a six heures du matin, soit que vous ayes bien dormi ou mal dormi, pourveu que vous ne soyes pas malade, car alhors il faudroit condescendre au mal; et pour faire quelque chose de plus les vendredis, vous vous levies a cinq heures.

  A021000223 

 Davantage, que vous renoncies aux playsirs du goust, mangeant les viandes que vous pourres avoir a table lesquelles vous seront les moins aggreables, pourveu qu'elles ne soyent pas malsaines, et laissant celles ausquelles vostre goust aura plus d'inclination.

  A021000224 

 Or, ces petites et foibles austerités vous serviront a double fin: l'une, pour impetrer plus aysement la lumiere requise a vostre esprit pour faire son choix; car la deperition du cors en ceux qui ont les forces et la santé entiere, esleve merveilleusement l'esprit.

  A021000227 

 Faites les passetems qui seront plus vigoureux, comme de monter a cheval, sauter et autres telz, et non pas les molletz, comme de jouer aux cartes et danser.

  A021000235 

 Et quant a moy, qui l'estimois et avois une particuliere dilection pour elle, je n'ay pas manqué ni ne manqueray de la recommander souvent a Nostre Seigneur, comme aussi tout ce qu'elle a laissé de plus cher en ce miserable monde..

  A021000238 

 Vostre plus affectionné amy et serviteur,.

  A021000247 

 Pleures maintenant, mais moderes vos pleurs et benisses Dieu; car cette mere vous sera propice, comme vous deves esperer, beaucoup plus ou elle est, qu'elle n'eust sceu l'estre ou elle estoit.

  A021000249 

 Estudies tous-jours de plus en plus, en esprit de diligence et d'humilité, et je suis.

  A021000258 

 Me voyci certes en une grande peine de sçavoir combien vous en aves eu parmi cette forte et fascheuse maladie de laquelle, comme j'espere, vous releves, et dont j'eusse eu infiniment plus de desplaysir, si de toutes partz on ne m'eust asseuré que, graces a Dieu, vous n'aves esté en nulle sorte de danger, et que vous commencies a reprendre les forces et le chemin de la guerison..

  A021000259 

 Mais ce qui me donne plus d'apprehension maintenant, c'est ce qu'on crie, qu'outre le mal que vous aves par les accidens corporelz, vous estes surchargé d'une violente melancholie; car je m'imagine combien cela retardera le retour de vostre parfaitte santé et engendrera de dispositions contraires.

  A021000259 

 Or, c'est icy, Monsieur, ou mon cœur [11] est grandement pressé, et selon la grandeur de la vive et extreme affection dont il vous cherit plus qu'il ne se peut dire, il a aussi une extraordinaire compassion aux vostres..

  A021000281 

 Encor voudrois je bien la mienne plus souple a m'humilier sous cette souveraine Providence, affin de non seulement incliner mes affections au vouloir de mon Dieu, mays aussi d'aymer tendrement et affectueusement son sacré vouloir..

  A021000281 

 Pleust a Dieu que j'eusse autant de liberté que ce porteur en a, pour aller ou je voudrois! vous me verries au moins toutes les annees une bonne fois aupres de vous, avec le contentement que les plus tendres enfans ont d'estre en la presence de leur bonne mere; car vostre [15] bienveuillance et mon affection me rendent cela en vostre endroit.

  A021000283 

 Je suis bien esloigné de cette pureté: pour y parvenir, secoures moy en ce dessein, je vous supplie, par vos prieres et oraysons, ainsy que, de mon costé, je ne presente jamais le tressaint Sacrifice au Pere eternel que je ne luy demande pour vous abondance de son saint et sacré amour et ses plus desirables benedictions, et pour vostre famille..

  A021000322 

 Vous devries tous les matins, avant toute chose, prier Dieu qu'il vous donnast la vraye douceur d'esprit qu'il requiert es ames qui le servent, et prendre resolution de vous bien exercer en cette vertu la, sur tout envers les deux personnes a qui vous aves le plus de devoir.

  A021000323 

 Mais s'il vous arrive de commettre quelque manquement, ne perdes point courage, ains remettes vous soudain, tout ne plus ne moins [19] que si vous n'esties point tombee.

  A021000348 

 Si Dieu vous a rendue plus forte et vaillante a supporter vos adversités, la gloire en soit a sa Bonté, laquelle est tous-jours prompte au secours des ames qui esperent en luy.

  A021000349 

 Madame, je ne vous diray pas que vous ne regardies point vos afflictions, car vostre esprit, qui est prompt a repliquer, me diroit qu'elles se font bien regarder par l'aspreté de la douleur qu'elles donnent; mais je vous diray bien que vous ne les regardies pas qu'au travers de la Croix, et vous les treuveres ou petites, ou du moins si aggreables, que vous en aymeres plus la souffrance que la jouyssance de toute consolation qui en est separee.

  A021000367 

 Dieu vous face la grace, ma Fille, de bien absolument mespriser le monde qui vous est si inique: qu'il nous crucifie, pourveu que nous le crucifiions! Aussi les abnegations mentales des vanités et commodités mondaines se font asses aysement; les reelles sont bien plus difficiles.

  A021000367 

 Et vous voyla donq emmi les occasions de prattiquer cette vertu jusques a l'extremité, puisqu'a cette privation est joint l'opprobre, et qu'elle se fait en vous, sans vous et pour vous, mais plus en Dieu, avec Dieu et pour Dieu..

  A021000368 

 Il est vray, la joliveté de l'esprit nous donne quelquefois bien de la vanité, et on leve plus souvent le nez de l'esprit que celuy du visage; on fait les doux yeux par les paroles aussi bien que par le regard.

  A021000368 

 Il n'est pas bon, vrayement, d'aller sur le bout du pied, ni d'esprit ni de cors; car si on choppe, la cheute en est plus rude.

  A021000378 

 O Dieu, que les amitiés fondees sur le solide fondement de la charité sont bien plus constantes et fermes que celles desquelles le fondement est en la chair et au sang et aux respectz mondains!.

  A021000385 

 On vous a rompu la foy donnee; celuy qui l'a rompue en a le plus grand mal.

  A021000385 

 Vous ne sçauries tesmoigner plus de courage que de mespriser le mespris..

  A021000386 

 Exclames comme saint François (son pere le rejetta): Hé! dit il, « je diray donq avec tant plus de confiance: Nostre Pere, qui estes au ciel, puisque je n'en ay plus en terre.

  A021000386 

 » Et vous: Hé! je diray donq tant plus confidemment: Mon Espoux, mon Amour, qui est au Ciel..

  A021000396 

 La pluspart des injures sont plus heureusement rejettees par le mespris qu'on en fait que par aucun autre moyen; le blasme en est plus pour l'injurieux que pour l'injurié..

  A021000397 

 [27] Je prieray donq Nostre Seigneur qu'il vous donne une bonne et sainte issue de cest affaire, affin que vous abordies au port d'une solide et constante tranquillité de cœur, qui ne se peut obtenir qu'en Dieu, au saint amour duquel je souhaitte que de plus en plus vous fassies progres..

  A021000399 

 Vostre tres affectionné et plus humble serviteur,.

  A021000414 

 Vous seres bienheureuse si vous aves quelque repugnance a vous apprivoyser, esgaler et associer a quelques personnes, car en surmontant la repugnance, vostre humilité en sera plus excellente..

  A021000425 

 Luy vous doit estre pour filz, pour pere, pour mere, pour frere, pour tout, en la presence duquel si vous vives tous-jours en innocence, au moyen de la grace vous obtiendres un jour le Paradis auquel regne cette ame bienheureuse de ce petit innocent, auquel je porte plus d'envie que de compassion, sachant qu'il void la face de [30] Dieu, comme fait son Ange qui avoit esté commis a sa tutelle.

  A021000433 

 Je veux bien que vous pleuries pour cette perte, car c'est la rayson; mais je desire bien aussi que vous ne pleuries pas desordonnement, et qu'en cette occasion vous tesmoignies que vous aves des-ja tant proffité en la vertu, que vous aves plus de fondement sur l'eternité que sur l'image de ce monde.

  A021000442 

 O Dieu, ma chere Fille, il se faut bien preparer a mieux faire pour la premiere occasion qui se presentera; car a mesure que nous voyons ce monde et les liens que nous y avons se rompre devant nos yeux, il faut recourir plus ardemment [32] a Nostre Seigneur et advoüer que nous avons tort de loger nos esperances et esperer nos contentemens ailleurs qu'en luy et en l'eternité qu'il nous a destinee..

  A021000443 

 Il faut que je die ce petit mot de confiance: il n'y a homme au monde qui ayt le cœur plus tendre et affectionné aux amitiés que moy, et qui ayt le ressentiment plus vif aux separations; neanmoins je tiens pour si peu de chose cette vanité de vie que nous menons, que jamais je ne me retourne a Dieu avec plus de sentiment d'amour que quand il m'a frappé, ou quand il a permis que je sois frappé.

  A021000450 

 Je ne veux pas, ma chere Fille, que vous desiries nullement la mort, car vous n'estes plus vostre, ains a Celuy qui, pour vous avoir faite sienne, s'est rendu [33] tout vostre; et partant il ne vous appartient pas de desirer ni de sortir de ce monde, ni d'y demeurer, ains vous deves laisser ce soin au Seigneur..

  A021000452 

 A mesure que Dieu tire nos plus chers a soy, il veut attirer nostre cœur, et, comme disoit saint François: A qui n'a point de pere en terre, il est plus aysé de dire: Nostre Pere, qui estes aux cieux.

  A021000452 

 En somme, ma chere Fille, releves le plus que vous pouves vostre cœur en Dieu, et il vous consolera..

  A021000452 

 Et [a] qui n'a point de mere en terre, il est plus aysé [de dire] a la Bonté divine: Nostre dame, nostre mere qui estes au Ciel.

  A021000472 

 Au moins me permettres vous que je tienne celuy que j'y ay, et qu'a mesure que ces parens temporelz vous vont manquant, l'affection plus que paternelle que je vous porte et que je vous ay dediee fort fidelement s'aggrandisse en tendreté et ardeur sainte..

  A021000482 

 Il y a sans doute des chemins plus excellens, mais non pas pour vous; et l'excellence du chemin ne rend pas excellens les voyageurs, ains leur vistesse et agilité.

  A021000482 

 Rien n'est si aggreable que la perseverance, a la divine Majesté, et les plus petites vertus, comme l'hospitalité, rendent plus parfaitz ceux qui perseverent jusques a la fin, que les plus grandes qu'on exerce par change et varieté..

  A021000482 

 Tout ce qui vous voudra destourner de cette voye, tenes le pour tentation d'autant plus dangereuse que peut estre elle sera specieuse.

  A021000483 

 Ouy sans doute, ma tres chere Fille, l'unité de cœur est le plus excellent moyen de la perfection.

  A021000490 

 Je respons a vostre lettre du 2 de ce mois plus tard que je ne desirois, attendu la qualité de l'advis et du conseil que vous me demandes; mais les grandes pluyes ont empesché les voyageurs de se mettre en campagne, au moins n'ay je point eu de commodité asseuree jusques a celle ci..

  A021000491 

 L'advis que la bonne cousine vous donna si constamment, de demeurer en vous mesme au service de monsieur vostre pere et en estat de vous consacrer par apres cœur et cors a Nostre Seigneur, estoit fondé sur une grande quantité de considerations tirees de plusieurs circonstances de vostre condition; c'est pourquoy, si vostre esprit se fust treuvé en une pleine et entiere indifference, je vous eusse sans doute dit qu'il failloit suivre cet advis la, comme le plus digne et le plus propre qu'on vous sceust proposer, car, sans difficulté, il eust esté tel.

  A021000491 

 Mays puisque vostre esprit n'est nullement en l'indifference, ains totalement penché au choix du mariage, et que nonobstant que vous ayes recouru a Dieu vous vous y sentes encor attachee, il n'est pas expedient que vous facies violence a une si forte impression par aucune sorte de consideration; car toutes les circonstances, qui d'ailleurs seroyent plus que suffisantes pour me faire conclure avec la chere cousine, n'ont point de poids au prix de cette forte inclination et propension que vous aves; laquelle, a la verité, si elle estoit foible et debile, [39] seroit peu considerable, mais estant puissante et ferme, elle doit servir de fondement a la resolution..

  A021000493 

 L'estat de mariage est un estat qui requiert plus de vertu et constance que nul autre; c'est un perpetuel exercice de mortification, il le sera peut estre a vous plus que l'ordinaire: il faut donq vous y disposer avec un soin particulier, affin qu'en cette plante de thym vous puissies, malgré l'amertume naturelle de son suc, en tirer et faire le miel d'une sainte conversation..

  A021000501 

 O qu'heureux sont ceux que Dieu manie a son gré et qu'il reduit sous son bon playsir, ou par tribulation ou par consolation! Mais pourtant, les vrays serviteurs de Dieu ont tous-jours plus estimé le chemin de l'adversité, comme plus conforme a celuy de nostre Chef, qui ne voulut reuscir de nostre salut et de la gloire de son nom que par la croix et les opprobres..

  A021000502 

 Mais, ma tres chere Fille, connoisses vous bien en vostre cœur ce que vous m'escrives, que Dieu, par des voyes espineuses, vous conduit a une condition qui vous avoit esté offerte par des moyens plus faciles? car si vous avies cette connoissance, vous caresseries infiniment cette condition que Dieu a choysie pour vous, et l'aymeries d'autant plus que non seulement il l'a choysie, mais il vous y conduit luy mesme, et par un chemin par lequel il a conduit tous ses plus chers et grans serviteurs.

  A021000504 

 Cet espoux de Cana en Galilee fait le festin de ses noces, et croit d'estre l'espoux; mais il est trop plus heureux, car Nostre Seigneur luy donne le change, et convertissant son eau en tres bon vin, il se rend Espoux luy mesme et fait l'ame de ce pauvre premier espoux son espouse; car, soit que ce fust saint Jean l'Evangeliste ou quelque autre, estant non a la veille, mais au jour de son mariage, Nostre Seigneur l'emporte a sa suite, il ravit a soy sa chaste ame et le rend son disciple; et l'espouse, voyant que ce Sauveur pouvoit avoir plusieurs espouses, voulut [41] estre du nombre.

  A021000522 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que j'ayme vostre cœur, puisqu'il ne veut plus rien aymer que son Jesus et pour [43] son Jesus! Helas! se pourroit il bien faire qu'une ame qui considere ce Jesus crucifié pour elle, peust aymer quelque chose hors d'iceluy, et qu'apres tant de veritables eslancemens de fidelité qui nous ont si souvent fait dire, escrire, chanter, aspirer et souspirer: VIVE JESUS! nous voulussions, comme des Juifz, crier: Qu'on le crucifie, qu'on le tue en nos coeurs? O Dieu, ma Fille, je dis ma vraye Fille, que nous serons fortz si nous continuons a nous entretenir liés l'un a l'autre par ce lien teint au sang vermeil du Sauveur! car nul n'attaquera vostre cœur qu'il ne treuve de la resistance et de vostre costé et du costé du mien, qui est tout dedié au vostre..

  A021000524 

 Vous aves rayson: puisqu'une fois pour toutes vous aves declairé les resolutions invariables de vostre esprit, et qu'il fait le fin a ne les vouloir pas advoüer, ne respondes plus pas un seul mot jusques a ce qu'il parle autrement; car il n'entend pas le langage de la Croix, ni nous aussi celuy de l'enfer..

  A021000525 

 Vous aves rayson encor de recevoir ce peu de paroles que je vous dis avec tendreté d'amour; car l'affection que j'ay pour vous est plus grande et plus forte que vous ne penseries jamais..

  A021000526 

 La vraye paix ne gist pas a ne point combattre, mais a vaincre: les [44] vaincus ne combattent plus, et neanmoins ilz n'ont pas la vraye paix.

  A021000543 

 Ma tres chere Seur, ma Cousine et ma plus chere Fille,.

  A021000549 

 Vostre plus humble cousin et serviteur,.

  A021000570 

 Il faut encor sçavoir que le Pere, le Filz et le Saint Esprit, un seul vray Dieu, sont par tout et totalement par tout le monde, comme vostre ame est par tout vostre cors; mais parce qu'au Ciel sa divine Majesté se manifeste plus clairement, nous imaginons plus facilement sa presence au Ciel..

  A021000572 

 Mais il y a de plus: c'est que vous consideries Nostre Seigneur en tant qu'homme, et, en cette sorte, il est vrayement different d'avec le Pere en nature; car le Pere n'est pas homme, ains seulement Dieu.

  A021000573 

 Il suffit que vostre meditation alloit bien, et que Nostre Seigneur a plus aggreable vostre simplicité que la science de ceux qui pensent beaucoup estre.

  A021000580 

 Cela ne vient pas de nostre faute le plus souvent, mays de la providence de Dieu, qui nous veut faire faire nostre chemin par terre et par desert, et non par eaux, et veut que nous nous accoustumions au travail et a la dureté..

  A021000590 

 Continues, ma Fille, a vous unir de plus [en plus] a ce Sauveur; abismés vostre cœur en la charité du sien, et disons tous-jours de tout nostre cœur: Que je meure, et [54] que Jesus vive! Nostre mort sera bien heureuse si elle se fait en sa vie.

  A021000590 

 Je vis, dit l'Apostre; mais il s'en repent: non, je ne vis plus en moy, mais mon Jesus vit en moy..

  A021000599 

 Les bouillonnemens et dilatemens du cœur ne peuvent quelquefois estre evités; mais quand on s'apperçoit de leur venue, il est bon d'addoucir ces mouvemens et les appayser, en debandant un peu l'attention ou les eslans, d'autant que l'orayson, plus elle est tranquille, simple et delicate, c'est a dire, plus elle se fait en la pointe de l'esprit, plus elle est fructueuse..

  A021000605 

 Une autre fois, il vous faut bien tenir vostre cœur ouvert et sans aucune sorte d'apprehension, car il vous sera bien plus utile de conferer bouche a bouche que par escrit..

  A021000606 

 Faites aboutir vos oraysons es affections qui leur sont contraires, et soudain que vous sentires d'avoir fourvoyé, repares la faute par quelque action contraire de douceur, d'humilité et de charité envers les personnes ausquelles vous aves repugnance d'obeir, de vous sousmettre, de souhaitter du bien et d'aymer tendrement; car en fin, puisque vous connoisses de quel costé vos ennemis vous pressent le plus, il vous faut roidir et vous bien fortifier et tenir garde en cet endroit la.

  A021000618 

 Que de douceurs hier, a considerer cette belle accouchee, avec le petit Poupon pendu a sa mammelle, qu'elle va presenter au Temple, et avec cette paire de colombes, plus heureuses, ce ine semble, que les plus grans princes du siecle, d'avoir esté sacrifiees pour le Sauveur.

  A021000632 

 Et, a parler realement, encores aves vous quelque devoir de priser l'affection que j'ay, aussy grande que la valeur des plus grans, de meriter d'estre ce que ne pouvant meriter je ne laisse pas,.

  A021000632 

 Si aurois je occasion de craindre que n'y languissies, si vous n'avies infiniment plus de courtoisie que je n'ay de merite.

  A021000645 

 Elle m'en a promis une plus grande a Thonon, et d'estre favorable a tous nos convertis, notamment aux pauvres....

  A021000716 

 Mais pourquoi les nourrit-il, sinon parce que, par la condition de leur nature, ils ne reçoivent pas leur pâture de leurs père et mère qui ne prennent aucun soin de leurs fruits? Ainsi pourvoira-t-il bien plus ses servantes qui, par la condition de leur profession, se sont vouées à la pauvreté et communauté, sans l'entremise de ces moyens contraires à la pauvreté et à la parfaite communauté.

  A021000719 

 Je sais bien que vous avez de très grands empêchements; c'est ce qui me fait pitié et m'oblige à vous écrire, car j'ai certaines considérations lesquelles, à mon avis, pourront vous aider à surmonter les obstacles qui retardent un si grand bien. Je pense que le plus grand empêchement à votre réforme, c'est de vous imaginer que le mal et le défaut soit petit et léger, ne pouvant [71] guère me [persuader que si vous le jugiez grand vous voulussiez y persévérer et le permettre.

  A021000719 

 Vous ne pouvez nier que ce ne soit un manquement et déchet en la pauvreté et communauté religieuse; et pour petit qu'il soit, faudra-t-il en négliger l'amendement? Tout au contraire, il faut le corriger pendant qu'il est petit, car il pourrait arriver que, croissant, il ne soit plus possible de le guérir.

  A021000722 

 Or, qui ne voit que, pour petit que soit le péché, il croît aisément quand on veut le maintenir? Pour moi je vous exhorte à le juger bien grand, puisqu'il vous prive d'un grand bien, et à le croire une très grande imperfection, puisqu'il vous empêche d'atteindre à une plus haute perfection.

  A021000747 

 Vostre plus humble neveu et serviteur,.

  A021000791 

 Disposés vous a la plus rigoureuse residence que vous [79] ayes encor faitte icy, sil vous plait, mon tres cher Frere, car je ne vous en dispenseray nullement; non tant fondé sur l'extreme contentement que j'ay en vostre presence, comme sur la necessité que vostre santé a de repos en ce tems-la auquel le froid ne peut estre vaincu par le mouvement..

  A021000792 

 Aymons-nous de plus en plus, mon cher Frere, et Dieu soit nostre plus grand amour..

  A021000793 

 Vostre serviteur et frere plus humble, plus affectionné,.

  A021000889 

 J'ay receu vos deux lettres, et en escris une, la plus pressante que j'aye escrit il y a long tems, a monsieur d'Avully pour leur sujet.

  A021000890 

 Je me recommande de plus fort a vos saintz Sacrifices et suis de toute mon ame,.

  A021000891 

 Vostre confrere plus affectionné.

  A021000904 

 Encor ne sçai je pas, ma tres chere Seur, ma Fille, si je vous escriray trop amplement, car monsieur vostre cher neveu m'avoit dit ce matin quil ne partiroit qu'apres demain, et voyla que son homme fait sa valise et dit que, despuis, il a resolu de partir demain mattin; qui m'a fait rompre le dessein d'aller visiter le bon M. Nouvelet, qui sort d'une grande maladie, pour venir vitement escrire le plus que je pourray..

  A021000906 

 celles que je vous monstray, il y a apparence quil ne se continue plus; et il me semble que de mettre ces petites en voyage au Caresme, ce seroit chose bien dure; outre que le cher neveu m'a dit que le bon pere et monsieur vostre frere ont marqué le tems d'apres Pasques immediatement.

  A021000907 

 Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenuës a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est, certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur.

  A021000908 

 Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.

  A021000910 

 Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre le service que le P. Remond desire de moy pour Madame de Saint Jean; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'ell'aura [92] moyen de voir plus souvent se rendra plus utile, mais sur tout Monsieur d'Aoustun; car, qui pourroit mieux mettre la main a ce bon œuvre? Et moy, cependant, je prieray Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnés, je commence a l'aymer tendrement, la pauvre femme.

  A021000911 

 Or, cela est sous la main de Dieu, et moy je n'oserois en rien dire, ni directement ni indirectement, car j'en effaroucherois les plus anciennes et gasterois tout pour le present.

  A021000914 

 Je persevere a la resolution d'aller a Salins, en quoy neanmoins plusieurs difficultés me sont survenues a l'improveu; mais il les faut surmonter, Dieu aydant, pourveu qu'elles ne grossissent plus.

  A021000915 

 Il faut que je vous die que j'ayme tous les jours plus vostre filz, par ce qu'a mon advis, il devient tous les jours plus doux et gracieux.

  A021000916 

 Faites tous-jours comme vous m'escrivés: gardes vous des fortes applications de l'entendement, puisqu'elles vous nuysent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travailles autour de vostre cher object avec les affections tout simplement, et le plus doucement que vous pourrés.

  A021000918 

 Mais ne voudrois tu pas bien avoir du mouvement pour aller plus pres de luy? Non pas, sinon quil me le commandast.

  A021000921 

 Bonsoir, ma chere Seur, ma Fille; vous aures de mes nouvelles le plus souvent que je pourray..

  A021000922 

 Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien veritable, que Dieu m'avoit donné a vous; les sentimens en sont tous les jours plus grans en mon ame.

  A021000953 

 Quant à la pauvreté, elle est telle, qu'entre les distributions et les prébendes, ils n'ont pas de quoi vivre convenablement trois mois de l'année; car les Genevois les ont d'abord dépouillés de la plus grande partie de leurs biens, et ensuite, les guerres qui se sont succédé ont presque épuisé le reste.

  A021000972 

 Et pour me donner plus de pouvoir de recommander vostre affaire, non seulement je remonstre qu'on vous a fait tort, et a vostre Monastere, mais je me dis vostre parent, comme je puis [102] faire a bonn' occasion telle qu'est celle ci, puisque je le suis, quoy que d'asses loin, et que si le tems et les successions nous esloignent quant au sang, la charité et dilection nous approchent selon l'esprit..

  A021000975 

 Sur tout, n'oublies pas les affaires interieures pour les exterieures, mais donné tous-jours des parties plus prætieuses de vos jours et de vostre tems a Celuy qui vous veut donner son eternité..

  A021000991 

 Bonsoir, ma tres chere Fille; Nostre Seigneur nous veuille de plus en plus rendre tous siens par effect, comme par affection nous le sommes.

  A021001011 

 Je n'ay pas plus tost sceu vostre maladie que vostre guerison.

  A021001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, si vous me le permettes, ce qui me sembleroit a propos maintenant: c'est qu'il vous pleust, par cette occasion, faire bien valoir l'innocence du cousin, laquelle on tasche, sans rayson ni propos, de rendre suspecte par tant d'inventions et d'exagerations; car ces petitz mensonges sont bons pour donner connoissance des plus grans.

  A021001033 

 Vostre plus humble et affectionné serviteur,.

  A021001044 

 Elle-même [109] prit soin de venir enseigner à saint Grégoire de Néocésarée ce qu'il devait prêcher touchant la foi alors combattue; aussi veux-je me promettre de sa miséricorde, qu'étant plus attentif à son amour, elle m'apprendra encore à bien espérer et à bien faire..

  A021001044 

 Hélas! ma très chère Mère, que je suis plein de confusion lorsque je me ressouviens des ardeurs avec lesquelles en ce saint jour je sacrifiai en esprit toute ma vie à la gloire de Notre-Seigneur et au salut de ce peuple, il y a onze ans, et quand je considère combien peu j'ai correspondu à ces résolutions! J'y réfléchis cependant sans perdre courage; au contraire, j'en ai beaucoup, et d'autant plus que Notre-Seigneur m'a donné une aide qui non seulement m'est semblable, mais qui est une même chose avec moi, de telle sorte qu'elle et moi ne sommes qu'un en un seul esprit.

  A021001045 

 Bonsoir, ma très chère et unique Mère, que j'aime parfaitement comme moi-même et plus que moi-même.

  A021001070 

 Et maintenant, Monsieur, je viens trop tard pour contribuer de la consolation a vostre cœur, lequel aura, je m'asseure, des-ja receu beaucoup de soulagement, pour ne plus demeurer au regret qu'une si sensible affliction luy avoit donné; car vous aures bien sceu considerer que ce cher enfant estoit a Dieu plus qu'a vous, qui ne l'avies qu'en prest de cette souveraine liberalité.

  A021001071 

 Nous nous en allons, et sommes plus asseurés de la presence de nos chers amis qui sont la haut, que de ceux qui sont icy bas: car ceux la nous attendent, et nous allons vers eux; ceux cy nous laissent aller et retarderont le plus qu'ilz pourront apres nous, et s'ilz vont comme nous, c'est contre leur gré.

  A021001075 

 Vostre plus humble, tres obeissant serviteur,.

  A021001088 

 Dieu vous comble de toute sainte felicité, Monsieur, et vous rende de plus en plus favorable a cherir.

  A021001105 

 Il est vray, Monsieur, je veux des-ormais cherir Vostre Grandeur si fortement, fidelement et respectueusement, que le meslange de la force, de la fidelité et du respect fasse le plus absolu amour et honneur qui vous puisse jamais estre rendu par homme quelcomque que vous ayes provoqué; en sorte que le tiltre de Pere dont il vous plaist me gratifier, ne soit ni trop haut, ni trop puissant, ni trop doux pour signifier la passion avec laquelle j'y correspondray.

  A021001116 

 Vostre plus humble, tres affectionné serviteur,.

  A021001141 

 Il est d'ailleurs bon, pliable, simple et, de plus, orné de plusieurs dons de science.

  A021001141 

 Je ne dirais pas cela à Votre Paternité si les [117] Pères de ce collège n'en témoignaient le désir et si je ne voyais que lui-même, ayant appris la langue, incline à servir ce pays, auquel il se rendra d'autant plus utile qu'il aura reçu les instructions de Votre Révérendissime Paternité.

  A021001152 

 Que mon ame me fit grand playsir de ne les vouloir pas seulement regarder, et de ne tenir non plus de conte de cela que si j'eusse esté en l'article de la mort, auquel tout le monde ne semble qu'une fumee!.

  A021001186 

 Vostre plus humble et tres affectionné serviteur,.

  A021001201 

 Ma Fille, souvent les fleurs croissent plus belles sur les fumiers que dans les jardins de belle apparence; a cause de la bassesse ou vous vous tenes, Dieu fera de [123] grandes choses en vous.

  A021001219 

 A peu que je ne me plains (sic) de vous, ma tres chere et tous-jours certes plus tres chere Fille.

  A021001219 

 Et comment? que j'eusse retenu nostre Seur Superieure de Grenoble par surprise? Vrayment, je ne suis pas de ces gens-la; je ne frappe point sans dire: Garde! Or sus, vous l'aves donq, et vous n'en doutes plus..

  A021001220 

 Mays, quand j'eusse eu une grande colere contre vous, ell' eut esté toute appaysee par le doux et gracieux presage que vostre ame bienaymee fait, que nous aurons encor le bien de nous revoir avant mon depart pour Romme; car je le desire certes grandement, et de plus je le croy, y voyant maintenant des tres grandes apparences, puisque ce voyage commence d'estre douteux..

  A021001221 

 Au demeurant, vous estes tellement et si veritablement ma plus que tres chere fille, que si j'eusse remarqué en vous quelque defaut je vous l'eusse dit ingenuement; mays en si peu de tems on ne les peut pas discerner.

  A021001248 

 Me resouvenant avec extreme consolation du grand zele que Vostre Altesse tesmoigna a la conversion des huguenotz a Thonon, il y a 25 ans, et sur tout du soin qu'elle prit pour le sieur Depréz, l'un des plus obstinés d'entre eux et qui, par son malheur, ne sceut pas faire son proffit de la debonaireté de son Prince souverain, [127] je prens une sainte confiance en la pieté de Vostre Altesse, Monseigneur, pour la supplier qu'en lieu du pere il luy playse recevoir le filz, qui, ayant tres bien estudié es loix et se treuvant fort estimé parmi les heretiques, apres avoir meurement examiné les raysons catholiques, avec un courage que Dieu seul peut donner, a la veüe de son pere et de tous ceux de ce malheureux parti, et, s'il se peut dire ainsy, les foulant saintement aux pieds, fit la profession publique de la foy catholique il y a justement un moys; et apres avoir soustenu une rude batterie de convices, injures, reproches et calomnies, qui sont les armes des hæretiques, en fin s'est retiré, comme au port, dans les Estatz de Vostre Altesse delaquelle il est nay sujet et vassal, dont il s'estime fort heureux.

  A021001249 

 Ainsy Dieu la face de plus en plus prosperer, et je suis invariablement,.

  A021001262 

 Ah! quand serons nous entierement mirrhe par mortification, encens par orayson et or par charité? Quand traitterons nous des affaires de ce siecle avec les yeux fichés au Ciel? Quand affectionnerons nous un chacun au rang qui luy appartient, selon le desir de Nostre Seigneur? Quand ne chercherons-nous plus rien pour la consolation de nos cœurs? Quand ne chercherons nous plus que Celuy qui nous va par tout cherchant pour avoir nos coeurs et les remplir de benedictions? O qu'il est desirable que nous aymions Dieu solidement et constamment! ... [130].

  A021001303 

 Vrayement, vous avez bonne grace de me consulter sur ce que des soldats mangeront en Caresme, comme si la loy de la guerre et celle de la necessité n'estoient pas les deux plus violentes de toutes les loix et par delà toute exception! N'est-ce pas encore beaucoup que ces bonnes [135] gens se sousmettent à l'Eglise et luy deferent à respect, de demander son congé et sa benediction? Certes, ils font mentir celuy qui a chanté que.

  A021001305 

 Dieu vueille qu'ils ne fassent rien de pis que de manger des œufs ou des bœufs, des fromages ou des vaches; s'ils ne faisoient point de plus grands desordres, il n'y auroit pas tant de plaintes contre eux..

  A021001372 

 En son absence, a madame de Chantal, qui ouvrira le pacquet et la lettre du S r de Boysi, pour faire selon icelle au plus tost..

  A021001396 

 Divertisses vous le plus que vous pourres; ne les regardes point, ne les espluches point, mays remettes vous humblement en Dieu, luy recommandant le tout.

  A021001404 

 Je [141] ne veux plus que vous marchies comme un enfant, pointillant tant autour de vos actions, les espluchant de si pres; contentes vous que vous ne voudries, pour mourir, offencer Dieu a escient.

  A021001405 

 Adores Dieu le plus souvent que vous pourres par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur, desquelz je vous ay si souvent parlé.

  A021001435 

 De mesme, l'amour parfait du prochain qui est selon Dieu, se communique en diverses manieres: il l'ayde par paroles, par œuvres et par exemple; le prouvoit de toutes ses necessités entant qu'il luy est possible; il se res-jouit de son bonheur et felicité temporelle, mais beaucoup plus de son avancement spirituel; luy procure les biens temporelz entant qu'ilz luy peuvent servir pour obtenir la beatitude eternelle; luy desire les principaux biens de la grace, les vertus qui le peuvent, selon Dieu, perfectionner; les luy procure par toutes les voyes licites avec grande affection, mais avec quietude d'esprit, sans aucune alteration; avec une pure charité, sans aucune passion de tristesse ou indignation pour les evenemens contraires..

  A021001446 

 Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur vous a sauvee en souffrant et endurant, et que, de mesme, nous devons faire nostre salut en souffrant les injures et les contradictions et desplaysirs; et partant, il les faut endurer avec le plus de douceur et de resignation qu'il sera possible, selon la mesure qu'il plaist a Dieu les nous envoyer..

  A021001468 

 Les considérations que je desire en vostre obeissance, elles sont toutes en une: car je ne desire que la simplicité, laquelle fait acquiescer doucement le cœur aux commandemens et fait qu'on s'estime bien heureux d'obeir, mesme aux choses qui repugnent, et plus en celles-la qu'en nulle autre..

  A021001482 

 Deux ou troys fois la semaine, mortifies vous au manger, laissant ce qui viendra le plus a vostre goust et mangeant ce qui y sera le moins.

  A021001498 

 Les croix que l'on rencontre emmi les rues sont excellentes, et encor davantage celles que l'on treuve dans la mayson; a mesure qu'elles sont plus importunes, elles sont meilleures que les cilices, les disciplines, les jeusnes et tout ce que l'austerité a inventé.

  A021001498 

 Les meilleures croix sont les plus pesantes, et les plus pesantes sont celles qui nous sont plus a contrecœur selon la portion inferieure du cœur.

  A021001509 

 D'autant plus que l'on perd de consolation pour Nostre Seigneur, d'autant plus on se doit res-jouir de la perdre, puisqu'il sçaura bien nous la rendre.

  A021001536 

 Il [l'amour] ne consiste pas aux plus grans goustz et sentimens, mais en la plus grande et ferme resolution et [153] desir de contenter Dieu en tout, et tascher, autant que nous pouvons, de ne l'offenser point, et de prier que la gloire de son Filz aille tous-jours augmentant.

  A021001553 

 La croix est de Dieu: il ne [la] faut point regarder, mais s'y accommoder, comme l'on feroit avec une personne avec laquelle il faudroit tous-jours demeurer; il n'y faut plus penser, mais aller doucement, et prendre toutes [155] choses simplement, dè la main de Dieu, sans aucune reflexion.

  A021001579 

 Aux plus fascheux evenemens, il faut adorer profondement la divine Providence..

  A021001579 

 Les menues occurrences donnent occasion aux plus utiles mortifications et resignations.

  A021001580 

 Je voudrois qu'on m'arrachast le cœur ou que, s'il me demeure, ce ne soit plus que pour cet amour..

  A021001581 

 Le plus ordinaire sejour de l'ame doit estre autour de la Croix, et le pain quotidien de la Religion, la meditation de la Passion!.

  A021001586 

 La plus excellente intention de s'humilier est parce que Nostre Seigneur s'est humilié.

  A021001611 

 Que nous doit il chaloir si nous sentons ou ne sentons pas l'amour? puisque nous ne sommes pas plus asseurés de l'avoir en le sentant qu'en ne le sentant pas, et que la plus grande asseurance consiste en cet entier, et pur, [160] et irrevocable abandonnement de nous mesme entre les bras de sa divine Majesté, sans reserve de consolation ou desolation, affin que, d'un cœur tout escorché, mort et maté, il reçoive l'odeur aggreable d'un saint holocauste, et affin que nos Seurs travaillees treuvent chez nous un cœur compatissant et un support suave et amoureux..

  A021001642 

 La croix est de Dieu, mais elle est croix parce que nous ne nous joignons pas a elle; car, quand on est fortement resolu de vouloir la croix que Dieu nous donne, ce n'est plus croix.

  A021001681 

 Nostre Seigneur vous veut en cette maniere de si parfaite simplicité, tres asseurement; c'est ce que vous pouves faire de plus aggreable a sa Bonté.

  A021001681 

 Vous ne sçauries faire un sacrifice plus aggreable [à Dieu], ni plus utile a vous, a cause de l'activité de vostre esprit.

  A021001689 

 Quand Nostre Seigneur nous a donné ses clartés et la connoissance de sa divine volonté une fois, il faut conserver cette connoissance et la memoyre en doit estre fidellement gardee, affin de demeurer en sa volonté et la suivre estant en secheresse comme durant ses visitations; car Nostre Seigneur se contente bien souvent de nous monstrer une fois, ou plusieurs, ce qu'il veut que nous fassions, et l'ayant veu, il faut demeurer ferme la, comme ont fait tous les Saintz, auxquelz il n'a pas non plus continué tous-jours ses clartés..

  A021001706 

 Puisque vous aves abismé vostre volonté dans la sienne, que vous aves prise pour vostre, il ne faut plus rien vouloir, mais se laisser porter et emporter au gré de la divine volonté, dans les effectz de laquelle il faut demeurer doucement et tranquillement, sans se divertir pour chose quelconque, regardant perpetuellement en toutes occasions Nostre Seigneur.

  A021001752 

 Puisque nous ne sommes plus a nous, mais a luy, laissons-nous conduire par ou il luy plaira..

  A021001756 

 Quand une ame fait quelque chose fort contraire a ses inclinations et qu'elle le ressent beaucoup, venant a considerer que c'est le plus grand service de Nostre Seigneur, elle se doit hontoyer et ne plus faire cas de ce qu'elle souffre, mays l'endurer doucement; car d'autant plus que l'on perd de sa consolation pour Nostre Seigneur, d'autant plus se doit on consoler de la perdre..

  A021001760 

 Celuy qui previendra son prochain es benedictions de douceur sera le plus parfait imitateur de Nostre Seigneur.

  A021001771 

 Ne vous disois-je pas, ma chere Fille, que ce seroit une belle chose d'estre pauvre pour l'amour de Nostre Seigneur, pourveu qu'on n'en receust aucune incommodité et qu'on eust a souhait tout ce qui seroit requis pour toutes nos affaires, et encor pour nous faire estimer et estre plus honnorés du monde? Certes, ma chere Fille, ce seroit une brave pauvreté, mais le mal seroit qu'on ne vous la laisseroit pas si elle estoit ainsy.

  A021001780 

 Oh! que la science est dangereuse, pour grande qu'elle soit, quand elle opere sans charité et humilité! Oh! qu'elle est encor plus dangereuse quand elle est petite et arrogante! Ce pauvre jeune homme, comme vous sçaves, a tous-jours eu un esprit trop hardi pour avoir tous-jours esté si peu armé..

  A021001791 

 La plus grande asseurance que nous pouvons avoir en cette vie consiste en ce pur et irrevocable abandonnement de tout son estre entre les mains de Dieu et en l'absolue resolution de ne jamais vouloir, pour chose que ce soit, consentir a faire volontairement aucun peché grand ni petit; car nous ne sommes pas plus asseurés quand nous sentons l'amour de Dieu que quand nous ne le sentons pas.

  A021001798 

 Il faut de plus en plus retirer tout nostre cœur en la divine Bonté, relever son cœur en haut vers son Dieu, pour l'aymer avec une tous-jours plus grande pureté, sincerité, innocence et vaillance spirituelle, et vivre toute douce, toute jointe au Sauveur.

  A021001815 

 Je sens mon esprit, ce me semble, plus tendant a la pureté du service de Dieu et a l'eternité que jamais..

  A021001826 

 Nostre Seigneur est si proche qu'il ne se faut soucier de rien; car j'espere en sa misericorde qu'il m'acheminera a ce qui luy sera plus aggreable, et fera sa volonté de moy..

  A021001832 

 Quantité d'ames recourent a moy pour sçavoir comme il faut servir Dieu; secoures moy bien par vos prieres, car pour l'ardeur je l'ay plus grande que jamais; mais, voyes vous, tant d'enfans se jettent entre mes bras et me succent les mammelles, que j'en perdrois la force si l'amour de Dieu ne me revigoroit..

  A021001836 

 Je les disois ce matin a Dieu, mais je n'ose plus les dire maintenant, parce que j'ay treuvé que je ne sçay que trop ce que Dieu veut que je face: il veut que je me [182] mortifie en toutes les puissances de mon ame et que je sois un vaysseau d'eslite pour porter son sacré Nom parmi le peuple.

  A021001840 

 Je suis fort pressé, et me semble que je n'ay nulle force pour resister et que je succomberois si l'occasion m'estoit presente; mais, plus je me sens foible, plus ma confiance en Dieu est vive, et je m'asseure qu'en presence des objectz je serois revestu de la force et vertu de Dieu, et que je devorerois mes ennemis comme des aigneletz..

  A021001850 

 Je la supplie, cette sacree Dame, de mettre sa main dans le pretieux costé de son Filz pour y prendre ses plus cheres graces, affin de les nous donner avec abondance..

  A021001857 

 Un jour que Dieu sçait, nous irons vers eux; et ce pendant, apprenons soigneusement le cantique du saint amour, affin que plus parfaitement nous le chantions en cette sacree eternité..

  A021001865 

 Il m'est advis que nous ne devons plus vivre qu'a Dieu; mon cœur, mon courage fait une nouvelle saillie pour cela, et luy semble qu'il sera vray..

  A021001872 

 Mais venons a l'exercice de la veritable douceur et sous-mission, au renoncement de soy mesme, a la souplesse de cœur, a l'amour de l'abjection, a la condescendance aux intentions d'autruy: c'est cela qui est la vraye et plus aymable extase des serviteurs de Dieu..

  A021001881 

 Le tresor des ames nettes ne consiste pas a avoir des biens et faveurs de Dieu, ains a le rendre content, ne voulant ni plus ni moins que ce qu'il donne..

  A021001898 

 Il faut assujettir la nature a la grace, et ne s'estonner nullement pour les difficultés que l'on rencontre; car tous-jours il faut faire estat de commencer a s'aneantir, perseverant en cet exercice jusqu'a l'extremité de nostre vie, a laquelle nous treuverons nostre besoigne faite, si nous perseverons, mays non pas plus tost; car il faut coudre nostre perfection piece a piece, parce qu'il ne s'en treuve point de toute faite, sinon que, par une grace miraculeuse, Nostre Seigneur peut donner une habitude en un instant, comme il fit a saint Paul.

  A021001945 

 Le remède à cela serait qu'il acceptât de prêcher les Avents ou le Carême en cette ville (je l'en ferais bien convier, et même par Sa Majesté s'il en était besoin), ou que les affaires qu'il a autrefois eues lui permissent de faire un voyage ici, où, en quinze jours de présence, nous ferions plus d'affaires qu'en un an d'absence..

  A021001946 

 Maintenant qu'il a plu à Dieu retirer à lui Madame sa mère, il sera plus libre et pourra plus aisément prendre cette résolution, dont je ne lui écrirai point que je n'aie de ses [193] nouvelles et que vous ne me mandiez qu'il y soit disposé.

  A021001947 

 Voilà ce que je vous puis mander de ce particulier, approuvant la pensée que vous avez autrefois eue, d'autant plus que l'indisposition du personnage s'augmente tous les jours, bien que lentement..

  A021001950 

 Votre plus humble et très-affectionné serviteur,.

  A021001966 

 Certes je me taste partout, pour voir, si la vieillesse me porte point à l'humeur avare; et je treuve au contraire, qu'elle m'affranchit de soucy, et me fait negliger de tout mon cœur et de toute mon ame toute chicheté, prevoyance mondaine, et desfiance d'avoir besoing; et plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable, et les prétentions des mondains vaines; et ce qui est encor pis, plus injustes.

  A021001966 

 Je ne puis rien dire de mon ame, sinon qu'elle sent de plus en plus le desir tres-ardent, de n'estimer rien, que la dilection de nostre Seigneur crucifié; et que je me sens tellement invincible aux evenemens de ce monde, que rien ne me touche presque.

  A021001966 

 O ma Mere, soit que la Providence de Dieu me face changer de sejour, soit qu'elle me laisse icy (car cela m'est tout un) n'auray-je pas mieux, de n'avoir pas tant de charge, à fin que je puisse un peu respirer en la Croix de nostre Seigneur, et escrire quelque chose à sa gloire? Cependant nous escouterons, ce que Dieu ordonnera, à la plus grande gloire duquel je veux tout reduire, et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace: car vous sçavez, ma [194] tres-chere Mere, quelle fidelité nostre cœur luy a voué.


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000050 

 — Une «porte plus grande que tout l'édifice». 51.

  A022000098 

 — Il serait injuste de respecter les «reformés» plus que les autres et d'excepter de, la règle générale «ce seul coin du royaume».

  A022000099 

 — On espère du Roi de plus grandes faveurs pour les prêtres qui seront installés dans le pays de Gex.

  A022000195 

 Je tascheray par tous moyens de recevoir reveremment le plus souvent que fayre se pourra le tres auguste et tressaint Sacrement de l'autel, me resouvenant qu'il est institué pour la reparation de l'[humeur] radical spirituel de nostre ame, et a iceluy est attribuee la conservation et perseverance de la vie spirituelle militante, [11] jusques a ce qu'on soit en la spirituelle triomphante.

  A022000196 

 Que si je ne peux plus souvent, au moins tous les moys je ne failliray poinct, estimant que les douze signes du zodiaque ne m'advisent et signifient autre sinon de me preparer, a fin qu'une foys je puysse arriver la haut, sur cest arc du pont celeste sous lequel le fleuve des mutations de ce monde passe, qui s'appelle vanité.

  A022000198 

 Que si je ne puys, par quelque legitime empeschement, aller a la table de Nostre Seigneur et me refectionner de ceste sainte viande quand sera le tems ordinaire, je feray quelque extraordinaire bonne œuvre en contreschange: comme sera quelque effort de prieres, de misericorde tant spirituelle que corporelle, d'austerité, d'humilité et abjection, et autres semblables; imitant en cecy ceux lesquelz en hyver n'ont pas du feu pour se garder du froid, qui s'advisent de fayre d'autant plus d'exercices et mouvemens: ainsy, ne pouvant m'approcher du Saint Sacrement, qui est le feu que Nostre [12] Seigneur vint mettre au monde, je feray d'autant plus d'exercice et mouvement en la vertu, a fin que le froid et vent de bize a quo omne malum panditur, qui est le peché, ne me gele interieurement; et particulierement je feray a la façon des François, qui passent la faim en chantant, car je passeray la faute de ce Pain celeste faysant d'autant plus de prieres..

  A022000235 

 Est-ce que mon âme ne sera pas soumise à Dieu? car c'est de lui-même que vient mon salut, car lui-même est mon Dieu et mon Sauveur; mon soutien, je ne serai plus ébranlé.

  A022000241 

 Moy, miserable, helas! seray je donques privé de la grace de Celuy qui m'a faict gouster si souefvement ses douceurs, et qui s'est monstré à moy si aymable? O Amour! o Charité! o Beauté a laquelle j'ay voué toutes mes affections, hé, je ne jouyray donques plus de vos delices, et je ne seray plus enyvré de l'abondance de vostre mayson, et vous ne m'abbreuveres plus du torrent de vostre volupté? O les bienaymés tabernacles du Dieu des vertus, hé donques, je ne passeray jamais au lieu de ce tabernacle admirable, jusques en la mayson de Dieu?.

  A022000261 

 De plus, reconnoissant que la conversation m'a autresfoys faict tomber en beaucoup d'imperfections et de manquemens, je m'escrieray: Sœpe expugnaverunt me a juventute mea, dicat nunc anima mea; O mon ame, dites hardiment: des mon bas aage on m'a grandement et fort souvent persecutee.

  A022000261 

 Et de plus: Domine, esto mihi in Deum protectorem, et in domum refugii, ut salvum me facias; O mon Dieu, soyes mon protecteur, soyes moy lieu de refuge, sauves moy des embusches de mes ennemis.

  A022000264 

 La quattriesme partie est la resolution, en suitte dequoy je feray un ferme propos de ne jamais plus offencer Dieu, et specialement en ceste presente journee.

  A022000290 

 En fin, apres avoir consideré les tenebres et les imperfections de mon ame, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? c'est a dire: O surveillant, surveillant, reste il encores beaucoup de la nuict de nos imperfections? Et j'entendray qu'il me respondra: Venit mane et nox, le matin des bonnes inspirations est venu; pourquoy est ce que tu aymes plus les tenebres que la lumiere?.

  A022000290 

 «Dum medium silentium tenerent omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet, omnipotens Sermo tuus, Domine, a regalibus sedibus venit.» Les plus sombres tenebres de la minuict ne peuvent donner aucun obstacle a vos divins effectz; à ceste heure la, vous naquistes de la Vierge sacree vostre Mere, a ceste heure la aussy vous pouves fayre naistre vos celestes graces dans nos ames et nous combler de vos plus cheres faveurs.

  A022000296 

 Item: comme le cors a besoin de son sommeil pour delasser [27] et soulager les membres travaillés, aussy prendray je tous les jours quelque tems pour le repos et sommeil de mon ame, a fin que si, comme par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent dans le cors, ne s'estendant rien plus loin qu'iceluy, ainsy en ce tems la, l'ame estant retirëe en soy mesme, ne face autre operation que de ce qui luy touche et appartient, obeyssant au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis..

  A022000308 

 Apres cela je conforteray et confirmeray le plus qu'il me sera possible ma volonté au bien et au propos de ne jamais offencer mon Createur.

  A022000310 

 Troysiesmement: je me reposeray tout doucement en la consideration de la laydeur, de l'abjection et de la deplorable misere qui se retrouve au vice et au peché, et aux miserables ames qui en sont obsedëes et possedëes; puys je diray, sans me troubler et inquieter aucunement: Le vice, le peché est chose indigne d'une personne bien nëe et qui faict profession de merite, jamais il n'apporte contentement qui soit veritablement solide, ains seulement en imagination; mais quelles espines, quelz scrupules, quelz regretz, quelles amertumes, quelles inquietudes et quelz supplices ne traisne il quant et soy! Voire, et quand tout cela ne seroit pas, ne nous doit il pas suffire qu'il est desaggreable a Dieu? Oh, cela doit estre plus que suffisant pour le nous faire detester a toute outrance..

  A022000330 

 Item, je conforteray et confirmeray le plus quil me sera possible ma volonté au bien et au propos de ne jamais offencer Dieu..

  A022000331 

 Et cecy se fera plus briefvement ou longuement, selon la commodité..

  A022000338 

 Encores me faudra il par tout exercer le jugement et la prudence, puysqu'il n'y a regle si generale qui n'aye quelquefoys son exception, sinon celle ci, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Donques, en conversation, je seray modeste sans insolence, libre sans austerité, doux sans affectation, souple sans contradiction, si ce n'est que la rayson le requist; cordial sans dissimulation, parce que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent; toutesfoys il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies..

  A022000339 

 Il y a bien certains melancholiques qui se playsent qu'on leur descouvre les vices que l'on a: toutesfoys, c'est a ceux la qu'il les faut davantage cacher, car ayant l'impression plus forte, ilz rumineront et philosopheront dix ans sur la moindre imperfection.

  A022000341 

 Entre les esgaux, il faut estre esgalement libre et respectueux; avec les inferieurs, il faut estre plus libre que respectueux; mais avec les grans et superieurs, il faut estre beaucoup plus respectueux que libre.

  A022000341 

 L'amour, certainement, engendre la liberté, et le respect la modestie; il n'y a donques poinct de mal d'estre en leur compaignie un peu libre, pourveu qu'on ne s'oublie poinct du respect, et pourveu que le respect soit plus grand que la liberté.

  A022000359 

 Mais il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies: car aux personnes insolentes ils se faut cacher du tout; aux libres, se monstrer du tout; aux melancholiques et sombres, se monstrer seulement de la fenestre: ausquelz il se faut bien monstrer en partie, d'autant que ceste sorte [40] de gens se playsent de voir les cœurs des hommes, et partant sont volontier soupçonneux; il ne se faut toutesfoys du tout monstrer, d'autant quilz se playsent a philosopher et vont remarquant trop au pres les conditions des hommes..

  A022000360 

 Aux superieurs, ou d'aage, ou de profession, ou d'authorité, l'exquis; aux semblables, le bon; aux femmes et inferieurs, l'indifferent: car les grans et sages n'admirent que l'exquis; les semblables appelleroyent affectation la monstre de l'exquis seulement; les moindres et les femmes se playsent plus en l'indifferent.

  A022000361 

 Il y a certains melancholiques [41] qui se playsent qu'on leur descouvre les vices qu'on a; mays c'est a ceux qu'il les faut plus cacher, car ilz ont l'impression plus forte, et rumineront dix ans la moindre imperfection.

  A022000362 

 Avec les grans il faut estre plus modeste, et neantmoins entre-mesler un'honneste liberté; car il faut estre avec eux comme avec le feu, ny trop pres ny trop loin, et si, ilz se playsent de voir qu'on les respecte et ayme: or, le respect engendre modestie et l'amour liberté.

  A022000362 

 Le mesme doit estre avec les esgaux, sinon qu'avec iceux la liberté doit estre esgale avec le respect, comme avec les moindres et femmes elle doit estre plus grande.

  A022000367 

 De la, je passeray a la consideration de l'ancien Temple, et compareray combien est plus auguste la moindre de toutes nos eglises que n'estoit le Temple de Salomon, parce que, sur nos autelz, le vray Aigneau de Dieu est offert en hostie pacifique pour nos pechés.

  A022000368 

 — Je communieray le plus souvent que je pourray, par l'advis de mon Pere confesseur.

  A022000401 

 J'ai noté ceci avec crainte et tremblement, l'an 1590, le 15 décembre, pour ne pas avoir peut-être à en regretter la perte, si dans la suite cette façon de penser, dans laquelle je me suis affermi quand j'eus atteint l'adolescence et quand j'eus acquis plus d'expérience par l'âge et par la science, continue à paraître vraie selon le jugement et la décision de l'Eglise, comme elle m'a paru vraie alors, dans mon enfance.

  A022000402 

 Et jamais je ne dirai aucune chose, tant que Dieu me donnera l'intelligence, que ce qui sera le plus conforme à la foi catholique, car j'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, et non j'ai parlé parce que j'ai cru; ce qui revient à dire: la foi doit être la règle de la croyance; mais que l'humilité soit la conclusion de tout: et je suis grandement humilié.

  A022000451 

 Et puis, que signifie cet adage: Dieu ne te fait pas défaut si tu ne te fais pas défaut? En vérité, pourrait-on dire, il m'a fait défaut au commencement, alors que je ne pouvais ni m'être utile, ni m'être nuisible, si nous supposons que l'opinion ci-dessus, plus dure que le fer, est vraie.

  A022000459 

 Il est probable que Dieu, dans sa très grande bonté, en a ordonné plusieurs à la gloire en leur accordant un moyen plus puissant, lesquels, s'il leur en avait concédé seulement un moindre et ordinaire, n'auraient pas agi convenablement.

  A022000460 

 La damnation (plus encore que le salut) de quelqu'un en dehors de démérites de sa part ne convenant ni à la justice de Dieu ni à sa puissance, il est déraisonnable d'admettre le mode de réprobation que certains admettent.

  A022000476 

 Il y a un passage quelque part dans l'Ancien Testament, où le Prophète, prédisant la future rédemption du Christ, affirme qu'il [63] ne faudra plus dire alors que les pères ont mangé de mauvais raisins et que les dents des fils en ont été agacées; parce que, dit-il, le Christ arrivant, le fils ne portera pas l'iniquité du père, mais c'est l'âme pécheresse qui mourra d'elle-même..

  A022000479 

 En effet, quoique je ne doute pas que les choses que j'ai écrites ne soient vraies, parce que je n'y vois rien qui puisse former un doute solide au sujet de leur vérité; cependant, parce que je ne vois pas tout et qu'un mystère si profond est trop brillant [64] pour pouvoir être regardé en face par mes yeux de chouette, si, dans la suite, le contraire apparaissait (ce qui, je pense, n'arrivera jamais); bien plus, si je me savais damné (que cela n'arrive pas, Seigneur Jésus!) par cette volonté que les thomistes placent en Dieu afin que Dieu montre sa justice, frappé de stupeur et levant les yeux vers le Juge suprême, volontiers je dirais avec le Prophète: Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi; que votre volonté soit faite.

  A022000479 

 Je t'ai fait, comme toutes les autres choses, pour moi-même; bien plus, même les impies qui, par leur faute, sont destinés au jour de malheur, je les ai faits pour moi-même.

  A022000480 

 Alors non plus je ne devrai pas répondre autrement qu'auparavant [66]: Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi.

  A022000543 

 Et cela, avec tant de précision et de concision, que j'ai trouvé inutile de recueillir les principales de ces notes, car toutes sont principales et aucune n'est inutile; d'autant plus qu'à ce travail minutieux, j'ai, au début de notre apprentissage, consacré de bonnes heures.

  A022000604 

 Ce Titre est précieux et tout à fait auguste, et digne d'être lu souvent contre les novateurs, les demi-savants et les politiques; c'est pourquoi j'ai pris ces notes avec plus de précision, en les extrayants de chaque Loi une à une..

  A022000657 

 Bien que je me rende assez compte en moi-même de quelle importance il est pour ma réputation de vous adresser autant que je le puis les très vifs remerclments qu'exige de moi le saint et sacré bienfait que vous m'accordez aujourd'hui, Révérendissime Vicaire général, vénérable Prieur, Pères conscrits: [82] cependant, ne me sentant pas capable de vous les présenter tels qu'il le faudrait et connaissant les graves occupations qui vous empêchent d'y prêter une longue attention, plus soucieux de vos intérêts que de ma propre renommée, je me serais volontiers abstenu de ce devoir de reconnaissance.

  A022000658 

 En effet, les autres avantages ne sont que les ornements de la fortune ou de la personne; mais seul celui du doctorat est l'ornement du mérite [83] lui-même, qui d'ailleurs est, de soi, fort glorieux; et j'estime cet honneur d'autant plus grand et éclatant que ce n'est pas seulement une couronne de laurier que ce Collège m'a conférée, mais le laurier lui-même: car il ne m'a pas fait docteur seulement, mais il m'a rendu digne de le devenir et d'en porter le titre..

  A022000658 

 Je reconnais, honorables Auditeurs, que ce bienfait qui m'a été conféré par ces Pères éminents est de telle sorte qu'on n'en peut attendre de plus grand en cette vie.

  A022000659 

 C'est là que je me suis appliqué d'abord aux belles-lettres, puis à toutes les parties [84] de la philosophie, avec d'autant plus de facilité et de fruit que ses toits, pour ainsi dire, et ses murailles semblent philosopher, tant elle est adonnée à la philosophie et à la théologie..

  A022000659 

 Certes, ma très chère patrie a ajouté en moi à la nature les commencements des belles-lettres, et lorsqu'il m'en vit pourvu, mon excellent père, dans l'espoir de me voir de jour en jour plus docte, m'envoya en l'Université de Paris, très florissante alors et très fréquentée.

  A022000660 

 Jusqu'alors, je n'avais consacré aucun travail à la sainte et sacrée science du Droit: mais lorsque, ensuite, j'eus résolus de m'y employer, je n'eus aucunement besoin de chercher où je devais me tourner, où je devais me porter; ce Collège de Padoue m'attira aussitôt par sa célébrité, et sous les plus favorables augures, car, [85] en ce temps, il avait des docteurs et des lecteurs tels qu'il n'en eut et n'en aura jamais de plus grands: Guido Panciroli, prince de la jurisprudence, votre lumière et votre gloire, Pères, et qui ne périra jamais.

  A022000660 

 Quoi de plus beau? Il m'était permis de puiser la science du Droit canon à la source dérivée de cette colline dont, sans aucun doute, les muses habitent le sommet comme un autre Parnasse..

  A022000661 

 Ensuite, cette Université eut le très docte Otellio qui sait si bien assaisonner d'agrément la science la plus solide, qu'il semble, sachant «unir l'utilité à la douceur,» avoir «emporté tous les suffrages.» Un autre maître était le très excellent Castellano [87] dont l'enseignement, à mon avis, n'est si extraordinaire que parce que sa science est, comme son enseignement, en dehors et au-dessus de l'ordre et de l'intelligence ordinaires.

  A022000662 

 J'ai donc reçu deux bienfaits de cette école, et je ne sais quel est le plus grand, mais je n'ignore pas que tous deux sont très grands; c'est à savoir, que je suis docteur et que j'ai eu le moyen de le devenir..

  A022000663 

 Aussi, cette circonstance et ce lieu exigeraient-ils de moi la plus vive démonstration de gratitude; mais puisque pour un bienfait si grand et si précieux, il nous manque, à moi l'éloquence, et à vous le loisir, à la place d'un plus long discours, recevez avec indulgence et bienveillance cette protestation de mes sentiments devant cette très noble assemblée.

  A022000696 

 Le lendemain, ayant entendu le saint Sacrifice de la Messe, comme nous avions résolu de nous diriger vers Rome, par crainte des brigands qui, disait-on, avaient élevé leur nombre jusqu'à mille et dévastaient [91] terriblement toute la plage d'Ancône, principalement les chemins menant à Rome, nous retournâmes, bien malgré nous, à l'endroit d'où nous étions venus; puis, grâce à un léger détour, nous vîmes à Sirolo l'image du Christ Notre-Seigneur suspendu vivant à la Croix, que l'on dit peinte par saint Luc. Bientôt [nous atteignions] Ancône, nous étant servis du même navire sur lequel nous avions été précédemment portés; et toujours sur la même heureuse embarcation de Chioggia, mais par une traversée beaucoup plus pénible, après avoir bien payé les frais du voyage, nous débarquâmes le 5 novembre, vers le soir, aux colonnes de la grande place de Saint-Marc.

  A022000697 

 De plus, monsieur Jean Déage, mon vénérable précepteur, mon frère [93] Gallois et moi, nous n'avions l'habitude de voyager qu'à cheval: or, à nous trois, il ne nous restait que la somme de vingt-huit couronnes, et les courriers, ainsi que les guides, refusaient de nous accorder des montures à moins de trente couronnes.

  A022000697 

 En effet, n'ayant plus à craindre de souverain ni de maître, une foule infâme de brigands se leva furieuse, et l'élection du nouveau Pontife ne paraissait pas devoir se produire bientôt; aussi fallut-il penser au retour.

  A022000700 

 A ce moment, reprenant la course que j'avais commencée de faire précédemment à travers tous les Titres du Droit, je suis tombé [95] sur celui qui est mentionné plus haut: Des créances et du serment.

  A022000700 

 J'ai décidé alors de ne plus prendre en note ce qui se trouve sous des titres semblables (livre XII des Pandectes ); sinon ceci, que peut-être cette partie du titre: Des créances, a été ajoutée, de peur, sans doute, que le Code du seigneur Justinien, privé d'un titre si noble, ne semblât inférieur, du moins en apparence, aux livres des Pandectes de nos jurisconsultes.

  A022000700 

 L'ayant parcouru et n'ayant rien trouvé qui se rapportât aux créances, car tout y traite uniquement du serment, j'ai été étonné de voir que la porte était plus grande que tout l'édifice.

  A022000721 

 Or, elle n'est pas obligée, même pour son fils, le Sénatusconsulte Velléien ne lui permettant pas de s'obliger; Loi III. Elle n'en reçoit pas non plus de secours quand elle promet de doter sa fille; Loi XII. C'est cette Loi que, par voie de tirage au sort, m'attribua pour mon examen solennel le Collège de Padoue, en cette année, le 5 septembre, messire Quarantotto étant Prieur..

  A022000728 

 MAIS IL FAUT ECRIRE EN LETTRES MAJUSCULES CE QUI EST DIT DANS LA 1 re Loi: «DANS CES CHOSES MEMES OU NOUS INTRODUISONS UNE REFORME DES MŒURS, NOUS NE DEVONS PAS TENIR COMPTE DE LA QUESTION D'ARGENT.» L'observation de cette Loi n'est pas d'une nécessité urgente aujourd'hui, car les usuriers et les prêteurs à gages les plus sordides, lorsqu'ils ont réduit à l'indigence une province jusqu'alors intacte, s'ils se laissent saisir, tous leurs biens reviennent au fisc; pour quelle raison, je l'ignore, car ces biens ne sont pas ceux des usuriers, mais ceux des débiteurs pauvres.

  A022000842 

 Plus claire mille fois que n'est le beau soleil.

  A022000843 

 Lhors qu'en son plein mydi le plus fort il esclaire.

  A022000846 

 Mais, si tel est le cors, combien est plus luysante.

  A022000947 

 Et premierement, quant a l'exterieur, FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, ne portera point d'habitz de soye ni qui soyent plus pretieux que ceux qu'il a portés par cy devant; toutesfois ilz seront netz et bien proprement accommodés autour de son cors..

  A022000953 

 Ilz seront habillés a la Romaine, s'il se peut faire, avec toute sorte de modestie, ou bien comme les prestres du Seminaire de Milan, parce que ceste sorte d'habillement couste moins et est plus commode.

  A022000957 

 Chacun benira la table a son tour et dira pareillement les Graces, excepté les testes solemnelles; car alhors l'Evesque fera la benediction et l'action de grace, comme aussi tous les jours il dira l'orayson: «Seigneur, benisses nous,» parce que le moindre doit recevoir la benediction du plus grand.

  A022000958 

 Il faudra tascher que les aumosnes qu'on distribuera aux Freres Mineurs, aux Jacobins, aux Capucins, aux Religieuses de Sainte Claire et a l'Hospital soyent remarquees, tant pour l'exemple que pour une plus grande efficace envers le peuple.

  A022000958 

 Quant à l'aumosne, il faudra observer les jours que feu Monseigneur le Reverendissime avoit choysis, affin qu'elle se fasse publiquement; il faut tascher qu'elle soit plus grosse en hiver qu'en esté, principalement despuis la feste des Roys, car alhors les pauvres en ont plus de besoin; et pour ce, l'on distribuera des legumes.

  A022000960 

 Il assistera, autant quil se pourra faire, le plus souvent aux Offices et exercices des Confreres de la Sainte Croix, du tressaint Sacrement, du saint Rosaire, du Cordon, mays principalement de la Sainte Croix, a cause de la Communion qui s'y fait et qu'il taschera de faire le plus souvent.

  A022000964 

 Il sortira le matin a neuf heures pour offrir le tressaint Sacrifice de la Messe, laquelle il celebrera tous les jours, sinon qu'il soit empesché par quelque extreme necessité; et affin de la celebrer avec plus de devotion, [122] il fera un recueil et abbregé de diverses considerations et affections par lesquelles la pieté peut estre excitee envers ce grand mystere, et s'y occupera et entretiendra en sortant de sa chambre et en allant a l'autel.

  A022000966 

 Il se confessera de deux en deux ou de troys en troys jours, sinon que la necessité portast autrement, vers le plus capable confesseur qu'il pourra commodement avoir et lequel il ne changera sans necessité.

  A022000980 

 Comme aussi, pour celebrer plus devotement la sainte Messe, je m'occuperay, jusques a ce que je sois a l'autel, dans toutes les considerations et affections par lesquelles la pieté peut estre excitee envers ce grand mystere..

  A022000981 

 De plus, en ceste montaigne, qui est si eslevee qu'on n'y entend point le bruict des creatures, on gouste, comme dit le Prophete, que Dieu est doux et suave.

  A022001056 

 Mays le fruict que jusqu'a praesent ilz y ont faict n'a esté que de consoler le peu de Catholiques qui y estoyent et donner a penser a la plus part des autres, qui ne croyoyent pas que personne parlast ou entendist la rayson de l'Escriture que les ministres huguenotz; n'ayant peu reduire que cinq personnes, entre lesquelles il y a un advocat nommé Pierre Poncet, le mieux entendu de tout le balliage..

  A022001057 

 En quoy ilz se sont d'autant plus resoluz, qu'ilz n'ont jamais voulu croire que Son Altesse desire leur reduction, par ce que, comme plusieurs ont dict, si ell'eust eu cest œuvre a cœur, elle eust faict inviter les habitans a la prendre, par quelque declaration de son intention.

  A022001058 

 Et quant aux villageois, ilz protestent ordinairement n'avoir point d'autre regle pour leur religion que la volonté du Prince, qui est, ce disent ilz, plus entendu qu'eux..

  A022001060 

 Esperant qu'avec ceste commodité vous pourres reconnoistre le bon chemin de vostre salut, le mesme zele qui Nous a poussé a vous procurer ce bien Nous faict encor vous inviter et exhorter par ce mot a bien user d'iceluy, ouyant diligemment les raysons qui vous sont proposees, les pesant et considerant de pres, et proposant les difficultés que vous y trouveres aux predicateurs, ne Nous pouvant estre chose [143] plus aggreable que d'entendre vostre advancement et prouffit en nostre sainte religion catholique..

  A022001093 

 Et pour attirer ceux de Thonon plus aysement a se rendre capables de la raison, il seroit expedient que l'un de ces seigneurs du Senat convocast le Conseil general de la ville de Thonon, et invitast les bourgeois a bien ouyr et sonder les raysons catholiques, et de la part de Son Altesse, avec paroles qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon Prince vers un peuple desvoyé; car ce leur seroit une douce violence, et un bon exemple aux voisins..

  A022001097 

 Au reste, il y avoit parmi les huguenotz un Consistoire, composé pour le plus et presque tout de gens laicz, ou praesidoit un homme laiz et assistoit un des seigneurs officiers de Son Altesse, sans y avoir voix decisive; et la estoyent corrigés, repris et censurés de paroles et de quelque legere peyne, les vices que le magistrat n'a pas accoustumé de punir: comme ivroigneries, jeuz, noyses, luxures; en quoy le peuple se tenoit en discipline, non sans autant de fruict que le mauvais fondement de leur religion le peut permettre.

  A022001097 

 Et partant sembleroit bon de leur en laisser quelque forme, avec ce changement: que puisque telles corrections se doivent faire a [155] la forme de l'Evangile, ce president seroit l'un des praedicateurs, constitué par l'Evesque; les conseillers, [156] des plus apparans dela autour, moitié ecclesiastiques, moitié lais, entre lesquelz le premier seroit un des seigneurs officiers de Son Altesse, avec voix decisive.

  A022001105 

 Et partant sembleroit qu'il sera bon de leur en laisser quelque forme, mays avec ce changement: parce que ces corrections se doivent faire par parolle et remonstrance a la forme de l'Evangile, le praesident sera l'un des praedicateurs, tel qu'il plaira a l'Evesque de deputer; aura pour conseillers les plus notables de la ville et lieux de la autour, moidé ecclesiastiques, moitié laiz, vieux, graves et de reputation, et entre les laiz assistera tousjours l'un des seigneurs et le premier officier de Son Altesse, qui y aura voix decisive.

  A022001107 

 Que si Vostre Altesse veut passer plus outre et remettre entierement sa province de Chablais en son premier estat, elle doit sçavoir qu'il y avoit autresfois, depuis la riviere de la Durance jusques a Geneve, cinquante deux egiises parroissiales, et au balliage de Ternier dix-neuf, sans compter les abbayes, prieurez, couvents et chappelles.

  A022001115 

 Ces années passées, Monseigneur, que Vostre Altesse [158] estoit venuë en Savoye pour faire la guerre aux huguenots, selon son zele à la religion catholique, elle avoit déclaré par lettres patentes que sa volonté estoit que tous les biens d'Eglise fussent restituez, specialement à l'Eglise cathedrale de Geneve, qui est des principales de vos Estats, et, entre les principales, la plus illustre et plus ancienne; et ceste volonté vostre a esté enterinée par vos cours souveraines du Senat et de [159] la Chambre des Comptes de Savoye.

  A022001116 

 Privez de tout secours humain et chassez de leur cité comme des larrons, ils sont contraincts de celebrer leurs Offices dans une eglise mendiée, que toutesfois ils font si bien, par la grace de Dieu, qu'il n'y a point d'eglise en l'Europe (et que cecy soit dit sans envie) où les divins Offices soyent celebrez avec plus de solemnité, ayant esgard à leur pauvreté, qui est presque extreme..

  A022001118 

 Toutesfois, la souveraine Chambre des Comptes a jugé que pour ces graines ainsi enlevées on devoit au Chapitre plus de deux mille et six cens florins: c'est pourquoy, Monseigneur, Vostre Altesse est tres-humblement suppliée de vouloir ratifier les volontez des Souverains Pontifes; et, pour le payement de ces deux mille et six cens florins, s'il luy plaisoit de faire faire des habits à l'usage de l'Eglise, elle imiteroit glorieusement la pieté et liberalité de ses serenissimes ancestres, specialement de ce tres-sage prince Amedée, Duc premier, lequel, apres avoir cedé la Papauté pour la tranquillité de tout le Christianisme, se contenta de demeurer Evesque de Geneve, et mourut sous l'auguste mittre de ceste Eglise..

  A022001123 

 Rien ne peut arriver de plus utile a ceste province de Chablaix que si l'on construit et erige un college de la [162] Compaignie de Jesus en la ville de Thonon; car d'iceluy, non seulement maintenant plusieurs Religieux pourroyent aller par tous les autres lieux du diocese, mais encores, comme d'un Seminaire, plusieurs prestres et jeunes hommes pourroyent sortir par cy apres, qui porteroyent l'Evangile par toutes les villes et villages du voysinage.

  A022001125 

 Et affin que le peuple de Thonon soit porté d'une plus grande affection d'embrasser la religion catholique, il faut remonstrer a Son Altesse qu'elle fera beaucoup si elle relasche en leur faveur quelque chose des contributions ordinaires et extraordinaires..

  A022001158 

 C'est pourquoi, à la prière des personnes susdites, nous avons fait la présente, afin d'assurer chacun du plus ample pardon Apostolique et de la sécurité qu'il obtiendra lorsqu'il abandonnera l'hérésie non seulement de Calvin, mais de tout autre fauteur.

  A022001177 

 Que le ministre soit esloigné le plus qu'il se pourra faire de ceste ville, puysque, selon les conventions faites a Nyon, elle a esté nommement exceptee pour n'y avoir jamais aucun exercice heretique, et que l'approche que le ministre a fait n'a aucun congé de Son Altesse, mais seulement une simple connivence des officiers; ce qui fait encores pour une juste rayson de lever le maistre d'escole..

  A022001178 

 S. A. l'accorde; et de plus, conformement a sa resolution prinse desja de longue main, entend et veut que l'exercice de la religion contraire soit du tout defendu, tant en general qu'en particulier.

  A022001212 

 Que les cloches qui sont aux Alinges seront restituees aux eglises ausquelles elles appartiendront; et le metail de celles de Thonon, Filly et autres, qui est audit lieu, sera remis au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, pour estre employé a faire des cloches aux eglises de Thonon, ainsy qu'il verra estre plus expedient; le tout dans quinze jours..

  A022001247 

 Ainsi le feu évangélique s'allumera plus intense autour des Genevois pour chasser le vent du Nord qui les glace..

  A022001250 

 Partant, on supplie Sa Sainteté de l'exempter de tout payement des décimes concédées au Duc de Savoie, reportant la part qui lui échet sur d'aures bénéficiers de Savoie qui n'ont pas tant de charges et sont plus à leur aise..

  A022001251 

 On demande donc que l'Evêque puisse affranchir et libérer ses sujets de ces [185] servitudes, moyennant une somme d'argent qui sera employée à l'évidente utilité de la mense épiscopale, pour donner d'autant plus de facilité à l'Evêque et aux autres de travailler à l'œuvre du Seigneur..

  A022001255 

 On demande cette permission à perpétuité, à causé des nombreux empêchements qu'on peut avoir de recourir à Rome, parfois même quand le besoin en est plus grand, comme maintenant; et d'autant plus que, jusqu'ici, les pouvoirs accordés à l'Evêque ont été, par la grâce de Dieu, employés heureusement et avec fruit..

  A022001257 

 Les Monastères de Savoie, d'hommes et de femmes, donnent à tous d'incroyables scandales par la mauvaise vie de ceux qui les habitent: c'est pourquoi, et parce que le mal est invétéré, on demande qu'un Prélat ultramontain, ou un autre des Etats de Savoie, comme mieux informé de ce qui est requis, reçoive commission de visiter tous les Monastères, assisté de deux Pères [187] Jésuites, Capucins ou autres, selon qu'il sera expédient; de les réformer et corriger de par l'autorité Apostolique, sans appel ni opposition quelconque; et cela d'autant plus que tel est le désir du Sérénissime Duc de Savoie qui, à cet effet, prêtera tout secours du bras séculier là où il sera nécessaire..

  A022001302 

 Exponit humillime Tuae Sanctitati Episcopus Gebennensis: quamplures habet subditos, seu tributarios, innumeris astrictos servitutibus, quae plus ethnicismum quam Christianismum sapiunt; veluti, cum absque filiis moriuntur, in nullius favorem testamentum condere posse, nec nigro panno vestiri, ne quidem tenuem eligmum limbi ex colorato panno gestare.

  A022001344 

 Supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne l'exempter de tout payement quelconque de décimes concédées au Duc de Savoie, reportant la part qui lui incombe sur les autres Evêques et bénéficiers de Savoie, beaucoup plus riches et moins chargés que lui..

  A022001352 

 Expose très humblement à Votre Sainteté l'Evêque de Genève, qu'il a plusieurs sujets ou taillables, astreints à d'innombrables servitudes qui sentent plus le paganisme que le christianisme: ainsi, lorsqu'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent faire de testament en faveur de personne; ils ne peuvent se vêtir de drap noir, ni porter le moindre ourlet de drap de couleur.

  A022001406 

 Cette partie des décimes pourrait être facilement payée par d'autres bénéficiers moins chargés et plus riches..

  A022001407 

 De plus, l'évêché de Genève a un grand nombre de sujets appelés taillables, qui sont astreints à beaucoup de servitudes barbares, telles que celles-ci: lorsqu'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent tester ni disposer de ce qui leur appartient, pas même en faveur des pauvres, des églises, de leurs femmes ou de leurs frères, ni en autre façon quelconque, mais tous leurs biens meubles et immeubles passent à l'Evêque; item, ils doivent imposer silence aux grenouilles pendant que l'Evêque dort, et choses semblables.

  A022001407 

 On procurerait ainsi un grand avantage spirituel et temporel aux sujets, et l'on augmenterait la mense épiscopale d'un revenu régulier et assuré, plus utile sans comparaison que ce qui se peut retirer de ces héritages éventuels qui tous se réduisent à très peu de chose ou sont accompagnés de chicane..

  A022001408 

 Pour ce qui concerne ces deux articles, Sa Sainteté a chargé le [207] cardinal Aldobrandini d'en écrire à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, afin qu'ayant une plus entière connaissance des raisons apportées, Elle prît les moyens convenables pour mettre à exécution ce qui a été demandé.

  A022001409 

 De plus, on a encore supplié Sa Sainteté de daigner appliquer et assigner sur chaque monastère ou prieuré du diocèse de Genève, une prébende monacale vacante ou à vaquer, pour l'entretien des chanoines théologaux qui sont très nécessaires en plusieurs lieux et ne peuvent autrement y être établis, vu l'exiguité des prébendes théologales.

  A022001410 

 Et pour lui ouvrir encore plus la voie, on expose ce qui suit: Il y a, dans bon nombre de monastères, abbayes et prieurés, plusieurs prébendes dites laïques que l'on donne à des personnes très inutiles, et à des serviteurs non des monastères, mais des Abbés et Prieurs commendataires, en rétribution de leurs services: telles, les prébendes des bûcherons, des portiers, des cuisiniers, des intendants de cuisine.

  A022001411 

 On pourrait plus facilement réussir en rappelant que Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, à la requête du R. P. François Papard, Dominicain, prédicateur à Evian, ordonna que cette prébende lui fût payée; ce qui s'est fait jusqu'à présent, même après la mort du P. Papard, pour d'autres prédicateurs..

  A022001412 

 C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurerie Illustrissime d'interposer son autorité, afin d'obtenir l'extension de cette faveur du Saint-Siège et des pouvoirs plus étendus, pour la consolation des âmes et pour leur aplanir le chemin de la pénitence.

  A022001412 

 De plus, le pouvoir d'absoudre les hérétiques a été accordé au Prévôt de Genève avec cette clause: «S'ils ont verbalement détesté leurs erreurs en confession sacramentelle;» et plus bas: «seulement au for de la conscience.» Ces clauses empêcheront une grande partie du fruit que sans cela on pourrait retirer, moyennant la grâce de Dieu et les travaux dudit Prévôt, qui ne pourra suffire à confesser tous ceux qui voudront se convertir.

  A022001430 

 Auquel neanmoins il n'y a aucun point prejudiciable a la Milice plus qu'en la condition inseree en celuy de Gregoire, delaquelle il n'est qu'une declaration pour lever toutes occasions de douter..

  A022001436 

 En fait, niant la reduction de ces peuples; mais cela ne se pouvoit, et de plus, quand il n'y en eust eu que dix de chasque parroisse avec liberté en leur faveur, le Pape eust tous jours disposé comme il fait..

  A022001438 

 La moindre ame ou Messe vaut plus que toutes les nominations, pour la conservation de Son Altesse.

  A022001495 

 Cet excès, commis à cause d'une certaine débauchée, rend vacante la prébende de l'Ouvrier qui est la plus riche du monastère (il est vrai que le moine qui en est pourvu a en charge la fabrique de l'église).

  A022001497 

 Cette localité, distante d'Annecy de plus d'une journée, est assez peuplée.

  A022001502 

 De cette manière, on constituerait dans ce diocèse sept théologales moyennant lesquelles on pourrait rétablir toujours davantage la religion, jusqu'à ce que Dieu nous envoie des bénédictions plus abondantes.

  A022001504 

 On a indiqué les monastères et prieurés qui ont des prébendes vacantes; mais, en accordant la provision, il me semblerait [230] beaucoup plus sûr de le faire en ces termes: les premières vacantes ou à vaquer; parce que, pendant que l'on propose et délibère, celles qui actuellement se trouvent vacantes pourraient être pourvues par les Abbés ou Prieurs..

  A022001505 

 Et lors même qu'ils s'en soucieraient, je pense qu'on ne devrait guère s'inquiéter de leurs prétentions; il suffit que leurs prébendes soient appliquées à la plus grande gloire de Dieu; car, pour ce qui est de la majorité, ils donnent de tels scandales qu'il faudrait mille prédicateurs pour restaurer ce qu'ils détruisent.

  A022001561 

 On ne doit pas redouter [242] les séditions, soit parce que, la plus grande partie de la noblesse étant catholique, les magistrats sont des hommes de marque, soit parce qu'il n'y a aucune forteresse ni aucun château-fort..

  A022001562 

 A plus forte raison ne se soulèveront-ils pas contre Sa Majesté, à qui ils ne sauraient songer à faire la loi sur le mode de gouverner les sujets du royaume.

  A022001563 

 Quant à la seconde chose qu'on demande, c'est-à-dire, que les biens de l'Eglise soient restitués, il peut y avoir plus ou moins de [244] difficulté, suivant l'état où ils se trouvent.

  A022001564 

 Ici, la difficulté serait encore plus [245] grande, parce que les Genevois estiment et croient que l'Evêque était Prince suprême de ces lieux; dès lors, eux aussi se considèrent là comme maîtres et seigneurs absolus, sans reconnaître aucun supérieur.

  A022001567 

 De plus, puisqu'Elle a déclaré vouloir que son Edit fût observé dans les pays récemment unis en ce qui est favorable à l'hérésie, il semble que, réciproquement, Elle doive le faire observer en ce qui est favorable à l'Eglise.

  A022001624 

 En [260] quoy, aucun n'aura rayson de se lamenter, puisque ce sera traitter ledit balliage comme tous les autres sujetz du royaume, le laissant en mesme liberté; n'estant raysonnable que les pretenduz reformés d'iceluy soyent plus respectés que les autres, et que ce seul coin du royaume soit excepté de la regle generale de l'Edit, tous traittés faitz au contraire ayans esté cassés par les guerres subsequentes; n'y ayant mesme pas si long tems que l'exercice de la sainte religion y a esté, d'autant que l'an 1590 il y fut restably par le Duc de Savoye, apres que les Bernois eurent violé le traitté fait avec le pere dudit Duc.

  A022001640 

 Est aussi a considerer que le Roy tient le baillage de Gex a pareilles conditions que le Duc de Savoye tient les autres baillages qui confinent les Bernois, ou le Duc de Savoye a restabli l'exercice de la religion Catholique sen ( sic ) que les Bernois s'en soyent offencéz, non plus que de l'ordre que le Duc de Savoye a mis aux biens ecclesiastiques desdits baillages qui est tel, que il a permis aux ecclesiastiques de rachepter ce qui en a esté aliené par les Bernois, selon la forme du droit.

  A022001641 

 Mays la difference qui est entre le Roy et le Duc de Savoye fait aussi esperer beaucoup plus de grace aux ecclesiastiques qui seront installés au balliage de Gex, que le Duc de Savoye n'a osé ouctroyer a ceux qui sont maintenant aux balliages susdits; en quoy ilz se treuvent bien fondés, tant pour la grandeur de Sa Majesté tres chrestienne, que pour ce quilz esperent estre compris au nombre de tous les autres ecclesiastiques de France qui ont esté remis en l'entiere jouissance de tous et chascuns leurs biens, droitz et privileges..

  A022001654 

 Et le reste du revenu dudit prieuré d'Asserens, qui se treuvera hors lesdites parroisses et les fillioles, demeurera, pour le payement de ladite pension, au sieur Bonfilz; au moyen dequoy, il se contentera sans plus, avec la rente..

  A022001664 

 Expose humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, comme du dernier novembre 1601, suyvant le bon playsir de Sa Majesté, il avoit esté, par monsieur le Baron de Lux, mis en possession, saysie et jouissance tant de l'eglise Saint Pierre de Gex que des maysons presbiterales et biens dependans du doyenné et [272] cure de laditte eglise, comme plus a plein est contenu par ledit establissement sur ce fait lesditz an et jour, duquel il est prest faire apparoir..

  A022001679 

 Qu'est la cause qu'il requiert playse a vous, Monsieur, en ensuyvant la portee de vostre commission de saditte Majesté, le reintegrer de plus fort en la jouissance et possession du susdit cimetiere, par les susnommés indeuement occupé, avec inhibition et defense tres expresses de par ci apres ne commettre semblables abus, sous peyne d'estre punis selon la rigueur des ordonnances, comme vrays perturbateurs du repos publiq, et sous autres peynes qu'il vous plaira leur imposer: et sur ce, luy prouvoir et faire justice..

  A022001695 

 Par le moyen de quoy, l'avancement de nostre saincte religion et de l'exercice d'icelle est beaucoup retardé, [278] au grand scandalle et prejudice des pauvres convertys de ladite terre de Gex, lesquelz sont tellement estonnés et degouttés, quil est a craindre que plusieurs d'entreux ne soyent contrainctz de regarder en arriere, silz ne sont retenus et confirmés par quelque esperance quil leur naisse de veoir la religion Chatolique favorizee, supportee et avancee audit pays plus qu'elle n'a esté jusques a present..

  A022001698 

 Et le sieur suppliant, avec tout sont ( sic ) Clergé et tant d'ames qui implorent et attendent se ( sic ) secours de voz charités, seront tant plus obligés de prier Dieu, comme il faict continuellement, pour la santé et prosperité de voz, mes Seigneurs, en general et en particulier, et pour l'avancement de nostre saincte foy et religion Chatolique, Apostolique, Romaine..

  A022001707 

 Mays ilz n'en demeurerent maistres que pour peu, parce que le Serenissime seigneur Duc de Savoye la reprit avec vive force tout incontinent apres, et l'ayant ainsy reprise, ne se treuvant plus engagé dans l'obligation des conditions precedentes, il restablit par tout les eglises et l'exercice catholique.

  A022001752 

 Le droit sera observé pour ce regard, et par consequent la residence observee d'autant plus estroittement que le lieu [la] requiert plus entiere; et les contrevenans [290] estans deferés, seront punis de la privation proposee..

  A022001871 

 Sera traitté plus a plein sur cest article important, et ce pendant le sieur Œconome prendra l'advis du Superieur des Peres Capucins; et pour le reste, est remis a sa prudence de faire selon les occurrences..

  A022001984 

 Et comme «on ne se passionne pas pour les choses devenues familières,» ainsi, en vieillissant, cette hérésie à la vérité, ne fera pas plus de progrès, mais, ce qui importe, elle ne diminuera pas non plus et demeurera comme une paralysie incurable dans ces très nobles parties de l'Europe.

  A022001990 

 Item, ou encore, en laissant aux princes et aux républiques la nomination aux bénéfices les plus considérables, voire même à [306] tous, comme on laisse au Roi de France celle des plus importants; et il n'y aurait pas en cela, semble-t-il, plus de danger de mauvaises conséquences qu'en la coutume de France..

  A022001991 

 Il faudrait promettre aux ministres hérétiques le même traitement qu'ils ont pour leurs familles, et même encore plus de moyens temporels; car, c'est la vérité, la plupart, pour ce morceau de pain, demeurent dans l'hérésie.

  A022001991 

 Quant aux clercs apostats, on les dispenserait de leur vœu de continence, surtout s'ils ont des enfants, sans toutefois jamais plus les admettre aux fonctions de leurs Ordres, ni leur laisser porter l'habit clérical.

  A022001994 

 S'il était besoin de distribuer un peu d'argent, cela pourrait se faire au moyen de quelques décimes prélevées sur les bénéfices plus opulents..

  A022001997 

 Tant d'hérétiques et de républiques hérétiques sont si proches de moi, que mon esprit ne peut se défendre d'y songer souvent et de prendre en pitié une telle désolation, non seulement présente, mais future; puisqu'avec le temps, ces ennemis de l'Eglise oublient d'autant plus qu'ils ont été jadis ses [309] enfants, qu'ils naissent en des pays où l'on ne parle d'elle qu'avec exécration..

  A022002029 

 Or, esperant que ceste commodité vous ouvrira le chemin de vostre salut, avec le mesme zele que Nous vous avons procuré ce bien, Nous vous exhortons aussi d'en bien user; et vous en userez bien, si vous prenez garde aux raysons qui vous seront exposees, si vous les pesez esgalement, et si vous proposez les difficultez qui vous surviendront aux predicateurs; car Nous n'avons rien tant a souhait, ny qui Nous soit plus aggreable, que quand Nous entendons que vous proffitez en la saincte Religioa Catholique..

  A022002059 

 2 a Il y a des ministres en tres grand nombre, des plus doctes [316] de leur secte, de toutes nations.

  A022002083 

 Et n'y a rien de plus facile que d'avoir ladite lettre par ce moyen: c'est que le sieur Conte de Saconay a un amy secretaire du Roy, voire des premiers; il s'appelle monsieur Ruzé, seigneur de [320] Beaulieu, lequel facilement dresseroit la lettre a ceux de Geneve en bonne forme.

  A022002088 

 Et au plus tost faudrait avoir ceste lettre..

  A022002118 

 Et cependant, pour remedier aux inconvenientz qui en pourroint resulter, Nous escrivons audict President de ne proceder plus avant a la declaration des peines par luy imposees, et au Pere Cherubin d'y fere valloir par cy apres sa doctrine, sans y adjouster les menaces, jusques a ce que Nous voions quelque aultre temps plus propre pour ce fere..

  A022002118 

 Il est bien vray que Nous estimions que ce deubst estre par le [324] moien de bonnes exortations et par la voye des presches, et non par commination ny menaces, pour ne donner aulcun subject d'ombrage aux circonvoisins, ny subject d'alteration ausdictz de Thonon, bien sacheantz que la conjuncture du temps present ne portoit pas que l'on procedast aultrement, et que la procedure rigoureuse estoit mal convenable a la disposition des aultres affaires que Nous avons sur les bras, encores que bien deue a l'obstination de quelques particuliers dudict Thonon qui se rendent les plus difficiles.

  A022002146 

 Desormais il ne sera plus permis aux personnes qui ont charge et cause des biens et revenus ecclesiastiques, tant des Chevalliers de la Religion des Saincts Maurice et Lazare que des autres quelconques, aux bailliages de Chablais et Ternier, de les bailler directement ou indirectement à louage, ferme, exaction ou recepte, à d'autres personnes qu'à celles qui font profession de la vraye Religion Catholique, Apostolique et Romaine; à peine de confiscation..

  A022002148 

 Que les personnes de la religion pretenduë ne puissent plus doresenavant exercer aucunes charges publiques, ny estre promeus, receus et admis à aucuns offices ou dignitez: de sorte qu'ils ne puissent point estre juges, ny advocats, ny chastellains, ny curiaux, ny procureurs, ny notaires, ny commissaires; et que l'exercice de ces dignitez, charges et offices soit entierement defendu à tous ceux qui ont eu quelque chose de semblable jusques à present, avec abrogation, abolition et revocation des Lettres patentes, ou constitutions qu'ils ont, comme contrats et autres actes; sous peine de faux..

  A022002163 

 Sed quia ipsis rectoribus sic deputandis, ut illorum muneri sedulo et absque alia rei familiaris distractione satisfaciant, congrua sustentatio assignanda esset, et si ipsi rectores a praedictae Militiae Militibus sustentandi, aut portio quinquaginta ducatorum, ut praefertur, eis per ipsos Milites assignanda venirent, ilii proculdubio in eo quod eorum victui necessarium foret, seu praedictorum quinquaginta ducatorum exactione ab iisdem Militibus procuranda, plus temporis quam in eorum muneris et officii exercitio impenderent; si unio per Gregorium, praedecessorem, dictae Militiae, ut praefertur, facta, in totum perpetuo dissolveretur, ac revocaretur et annullaretur, ipsorumque beneficiorum unitorum hujusmodi fructus in praedictarum parrochialium ac aliarum ecclesiarum utilitatem et reparationem, earumdem parrochialium rectorum congruam sustentationem, arbitrio tuo; necnon trium aut plurium insignium secularium, vel cujusvis Ordinis regularium, verbi Dei praedicatorum et concionatorum, in eisdem balliagiis manutentionem converterentur; ex hoc profectio ipsorum conversorum in Christi fide perseverationi earumdemque animarum saluti divinique cultus incremento et manutentione ut plurimum consuleret et, annuente Domino, aliud balliagium de Gex ad eandem conversionem, ex continuo vicinorum ita piorum operum exercitio, magis ac magis in dies invitaretur: propterea Nobis humiliter [330] supplicari fecisti, ut in praemissis opportune providere de benignitate Apostolica dignaremur..

  A022002179 

 «Ils disoyent de ne vouloir en façon quelconque troubler ny empescher une affaire si saincte protestans plustost d'estre prests de faire tout ce qui seroit raisonnable; mais qu'il sembloit estre contre la raison si, apres avoir baillé aux Curez la portion congrue, et plus que congrue, ils estoyent spoliez des autres revenuz, et principalement des abbayes e t prieurez, où il n'y a point de charge d'ames..

  A022002268 

 A raison de quoy, ils ont plus consumé et faict de despence que receu, et quils ne peuvent plus supporter, daultant que ce de quoy ils se [339] doibvent nourrir et allimenter il fault quils le despence ( sic ) aux courses et poursuittes qu'il faut fere pour en obtenir le paiement; et, que pis est, ils sont contraincts de laisser le service divin» a leur grand regret, le plus souvent pour chercher leur pauvre vie..

  A022002268 

 Supplient humblement les pauvres Aulmosniers d'Armoy et de Draillans, disants: quil est plus que notoire a la Chambre la pention quil a pleu a S. A. Sme leur establir vers le S r Gabellier general, de cinquante escus annuels a chacung d'eulx, pour estre les biens desdits curés occupés par les Seigneurs de Geneve; dallieurs, les divers voiages, frais et despens quil a convenu faire et supporter pour estre paiés d'une partie d'icelle, appres tant de decretz, arrests et jugement de ceans contre les ja dits Gabelliers.

  A022002293 

 Monsieur de Lux est arrivé icy bien a poinct pour y faire de tres bons offices, comme Vostre Seigneurie Reverendissime entendra plus a plein quelque jour, car il seroit trop long et difficile de vous en representer par lettre toutes les particularités..

  A022002294 

 Cependant monsieur mon Frere, parmy tant d'embarrassemens, ne laisse de se faire admirer par les doctes et belles predications qu'il faict en divers lieux, et aux plus honnorables de la ville, a certains jours de la semaine; chose qui rend favorable a luy et a sa negociation non seulement tous les bons catholiques, mais encores les princes et princesses qui assistent presque ordinairement a ses predications..

  A022002309 

 En somme, il est tenu pour le premier predicateur que la France ayt eu des long temps en ce grand theatre, et plusieurs pensent que le Roy ne le laissera poinct venir quil ne l'aye faict prescher devant luy; ce que je desirerois, comme font aussy plusieurs autres, m'asseurant que cela donneroit beaucoup de credit a sa negociation, delaquelle ne pouvant vous escrire autre pour le present, je ne feray ceste plus longue, sinon pour vous baiser tres humblement les mains et prier Dieu quil vous doint, Monseigneur, en santé, longue et contante vie..

  A022002309 

 Vous ne pourriez croyre, ny moy vous dire combien tous les princes et princesses de la Cour favorisent mon Frere pour les merites qu'ilz reconnoissent en luy, et pour la reputation que luy ont acquise tant de belles et doctes predications quil a faictes aux plus celebres lieux de ceste ville en ce Caresme et en ces festes de Pasques.

  A022002313 

 Monsieur m'a commandé de l'attendre icy; cela m'en fera partir plus tard, mais j'espere que pour tout le mois do may je pourray avoir ce bonheur d'estre pres de Vostre Seigneurie Reverendissime..

  A022002359 

 a laquelle sont unies Saint Loup, qui estoit la cure, anciennement, dudict Versoy; plus, a esté uni Malagny et certains autres hameaux.

  A022002361 

 plus, le terrage du susdit Versoy, qui vaut annuellement............ florins 100 00.

  A022002362 

 plus, le revenu de la chappelle du Saint Esprit, qui vaut annuellement......... ff.

  A022002363 

 plus, cent florins deus par le sieur de Boisy pour l'albergement de la cure de Collex, et partant.......... ff.

  A022002364 

 plus, l'albergement de la cure du susdit Versoy, qui vaut..................... ff.

  A022002365 

 plus, le cinq pour cent deu pour l'albergement du prieuré de Prevessin...... ff.

  A022002371 

 plus, huictante huict florins six solz provenus de l'albergement de l'hospital dudit Macconnex....

  A022002372 

 plus, quatorze florins de l'albergement de la cure dudit Versonnex......... ff.

  A022002373 

 plus l'albergement de la cure de Sauverny............ ff.

  A022002384 

 plus, les censes et terrages du dit Sacconex, qui valent annuellement......... ff.

  A022002385 

 plus, deux centz florins pour la pension de Saint Jean........................ ff.

  A022002386 

 plus, sept escus et demy pour l'albergement de l'abbaye de Jond............ ff.

  A022002400 

 120 00 plus, le disme de Prevessin et d'Ornex, qui vallent annuellement....................................... 5 paires.

  A022002401 

 plus, le disme de Perignin............................... 18 paires.

  A022002402 

 plus, le disme de Saint Genix........................... 12 paires [351].

  A022002408 

 plus, le terrage dudit Crozet............................. ff.

  A022002409 

 plus, le disme de d'Ars ( sic )............................. 10 paires.

  A022002410 

 plus, le disme de Pouilly................................. 8 paires.

  A022002411 

 plus, le disme de Mars................................... ff.

  A022002417 

 plus, le disme de Saint Jean............................. 10 paires.

  A022002418 

 plus, le terrage avec les cinq pour centz, qui est de dix florins, audit Saint Jean; le tout monte a..................... ff.

  A022002419 

 plus, le disme de Villeneufve........................... 15 paires.

  A022002420 

 plus, le disme de Sergy.................................. 6 paires.

  A022002421 

 plus, le disme d'Avouson................................ 12 paires.

  A022002422 

 plus, soixante florins annuelz pour l'albergement du domaine du prieuré de Sessy........................... ff.

  A022002428 

 plus, la chappelle de Nostre Dame, fondee audit Challex, qui vaut annuellement... ff.

  A022002429 

 plus, le terrage dudit Challex, qui vaut annuellement........................... ff.

  A022002430 

 plus, le disme de Tougin, qui vaut..................... ff.

  A022002439 

 Plus, sera payé au filz du sieur Paris, par ledit sieur curé, la somme de deux centz florins pour assister à l'Office qui se fera en ladite eglise de Gex; il enseignera le plain chant aux vicaires et enfans qui voudront apprendre..

  A022002439 

 Plus, seront payés par ledit sieur curé trois centz florins pour les luminaires accoustumés et necessaires en ladite eglise, selon l'ordre qui en a esté fait par cy devant par Monseigneur le Reverendissime.

  A022002443 

 plus, luy sera remis le disme de Fleix, qui est annuellement........................... paires 20.

  A022002444 

 plus, les revenus des chappelles non pourveues de tout le balliage, qui peuvent valoir annuellement argent...... ff.

  A022002445 

 plus, 12 fl. dé la chappelle de Saint Theodore, situee a Collonges......... ff.

  A022002448 

 Plus, les susditz prestres et vicaires eh sus establis seront logés en la maison de la cure dudit Gex.

  A022002451 

 Et touchant la maison de la cure, qui reste designee pour le logement du vicaire qui fera l'office de maistre d'escole et pour le sieur Paris qui tiendra place d'un vicaire, Monseigneur le Reverendissime a ordonné que le sieur vicaire qui fera l'escole sera logé au logis le plus logeable de ladite maison, a son choix, a cause de la charge de ladite escole, et le sieur Paris aura le reste dudit logis.

  A022002454 

 plus, les censés, qui vallent annuellement: argent ff.

  A022002455 

 plus, son terrail et sa vigne, qui sont trois poses;.

  A022002456 

 plus, deux poses de vigile qu'il a acquise des albergemens des Nicotz;.

  A022002457 

 plus, trois poses de vigne qu'il a acquises des albergemens de Bordet;.

  A022002458 

 plus, une pose acquise des albergemens de Mercier..

  A022002461 

 plus, un chenevrier, demy fossoree;.

  A022002462 

 plus, deux poses de bonne vigne a Verny, appelle Encrozottant; plus, au mesme Verny, une piece de pré contenant demy seytoree..

  A022002464 

 De mesme, pour ledit, curé, il a acquis la pluspart des biens de la chappelle de [355] Mattignin, a sçavoir: une vigne, deux poses; plus, une seytoree de pré, appelle pré Rossillion; une autre seytoree de pré appellé Espanges; plus, une piece de vigne a Verny, dependant de ladite chappelle de Mattignin.

  A022002465 

 Le curé de Pouilly, oultre l'establissement cy dessus, article 7, il a acquis tous les biens de la cure de Pouilly autrefois albergez par les seigneurs de Berne, a sçavoir: une maison et grange proche de l'eglise; plus, une seytine de pré proche de ladite maison; plus, cinq seytines de prez en l'estang; plus, trois seytines de pré en praz Punel; plus, deux poses de pré proche l'eglise..

  A022002466 

 Plus, depend de la cure de Fernex une grande vigne qu'il a acquise du sieur Diodati qu'il tenoit albergee, et payoit audit Paris 29 florins de cinq pour centz, lesquelz ledit curé ne veut payer audit Paris.

  A022002467 

 En ladite cure il y a plus de trente pieces, que vignes, chams, prez, bois, censes albergez, possedés par le sieur de Fernex et encor les dismes..

  A022002468 

 Ledit curé s'est acquis les biens dependantz de ladite cure, scavoir: une maison et courtine en icelle; plus, une seytine de pré en lieu dit Enfouillie; plus, une autre seytine de pré sous les vignes; plus, une autre seytine de pré en praz Gaillard; plus, trois quartz de poses de vigne en lieu dit En chaud-soleil.

  A022002469 

 Il y a plus de vingt pieces, que vignes, chams, prez et teppes, et dependantz de ladite cure..


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000139 

 Quarto, hoc primum dictum pugnat cum quarto, nam fere nulli sunt qui in tota serie, seu ordine gratiae, non habeant gratiam plus quam sufficientem qua justificantur, concipiunt bona desideria (inter Christianos maxime); at in quarto dicitur reprobis solam sufficientem dari, quod falsum erit, cum plurimi reprobi sint ex Christianis qui habent plus quam sufficientem..

  A023000152 

 En quatrième lieu, la première proposition des adversaires est en contradiction avec leur quatrième, car il n'y a presque personne (surtout parmi les chrétiens) qui, dans toute la série ou économie de la grâce, n'ait pas en partage une grâce plus que suffisante qui le justifie, lui fasse concevoir de bons désirs; et cependant, dans la quatrième proposition il est dit que les réprouvés reçoivent la seule grâce suffisante: ce qui est faux, attendu que de nombreux réprouvés se trouvent être des chrétiens, lesquels ont plus que la grâce suffisante..

  A023000152 

 La première a été réfutée par l'argument de saint Thomas: la volition de la fin, en effet, précédant celle des moyen?, la préparation de la fin doit précéder aussi celle des moyens; bien plus, les moyens ne sont préparés qu'en vue de la fin.

  A023000156 

 Le but principal de celui-ci ayant été de combattre Pélage, notre opinion, en lui donnant un sens droit, ne peut s'éloigner plus que la vôtre de celle d'Augustin: en d'autres termes, s'il est vrai que nous avouons tous que c'est gratuitement et grâce à la miséricorde de Dieu que les prédestinés le sont, Augustin donne là-dessus son explication, vous une différente, nous encore une troisième; mais nous, au moins, nous nous séparons d'Augustin avec d'autant plus de sécurité que nous suivons les traces de tous les autres Pères; tandis que pour vous, l'abandon que vous faites de saint Augustin est d'autant plus dangereux, que vous vous éloignez et écartez davantage, en solitaires, de tous les autres..

  A023000156 

 Nous aussi, à la vérité, nous sommes d'accord avec lui, car nous savons que le but poursuivi par Augustin a été par dessus tout de combattre Pélage: celui-ci [6] enseignant que nous méritons le salut par le seul usage de notre libre arbitre, Augustin, pour l'attaquer avec plus de force, a nié qu'il y ait en nous une cause à la prédestination.

  A023000221 

 L'opinion de Grégoire, [docteur] de Rimini, sur le concours de Dieu donné aux actes mauvais au moyen d'une influence s'unissant à la volonté qui se détermine, et aussi sur son concours aux actes bons au moyen d'une prédétermination de la volonté, cette opinion, dis-je, ne me satisfait pas, parce qu'elle supprime presque la liberté dans les actes bons, comme nous le dirons mieux plus loin.

  A023000281 

 FRANÇOIS — Quelle est la marque plus frequente que vous donnes pour prouver que vous estes Chrestien?.

  A023000306 

 Et quoy? disois je, ceste sacree parolle qui est sur le commencement de ce Symbole, ne suffiroit elle pas, quand il n'y auroit autre, pour rompre tous les effortz de ces seditieux? JE CROY: c'est le mot que j'ay ja prononcé des mon Baptesme par la bouche de ceux qui m'y presenterent; je suis donques croyant et fidelle, non pas entendeur ou compreneur, et partant, plus on me rend ce Sacrement malaysé a entendre et comprendre, plus on me le rend croyable et venerable.

  A023000306 

 La foy a plus de lustre ou l'entendement a plus d'obscurité..

  A023000309 

 Dieu est Dieu en toutes, ses œuvres, mais en celles qui sont plus grandes il faict mieux voir sa Divinité.

  A023000309 

 Et puysque ce Sacrement est un grand œuvre de Dieu, quelle plus asseuree marque peut il porter de son Ouvrier, pour estre receu en ma croyance, que d'estre admirable et incomprehensible?.

  A023000311 

 La parolle de Dieu a eu tant de vertu que, par elle, les choses qui n'estoyent ont esté: combien plus en aura elle, pour faire estre ou bon luy semble celles qui sont, et les changer en autres? Elle a bien mis en un lieu ce qui n'estoit point: pourquoy ne mettra elle en plusieurs ce qui estoit en un? [20].

  A023000314 

 Quand je voy, o mon Sauveur, vostre Pere avoir tant aymé le monde qu'il vous a donné pour en estre le Pasteur et Medecin, hé, quelle merveille est ce, dis je, [si] le Filz, d'esgale ains de mesme bonté, s'est encor donné luy mesme pour estre la pasture et la medecine, pour se rendre tousjours tant plus Sauveur, Roy et Seigneur, du tout et par tout nostre?.

  A023000324 

 C'est luy qui, pouvant visiter en mille autres façons les siens qui estoyent au sein d'Abraham, descendit toutesfois es enfers pour les visiter en la reelle presence de son ame; ce n'est merveille si, pouvant nous nourrir en plusieurs autres manieres, il a choysi la plus chere, admirable et aymable, qui est de nous donner en viande sa propre chair..

  A023000325 

 Que si, par la resurrection, il a delivré son cors des qualités grossieres de passibilité, pesanteur, espesseur et obscurité et autres semblables, si qu'il a traversé la pierre, est entré les portes fermëes (ce qui ne s'est peu faire sans mettre deux cors en un lieu, en sorte que l'un n'en occupast point); s'il s'est rendu, invisible, impalpable, imperceptible et sans occuper place, pourquoy ne sera il, en ce saint Sacrement, invisible et sans occuper lieu, puysqu'il a dict qu'il y estoit? A quel propos rechercherions nous plus en luy les conditions d'un cors mortel et corruptible?.

  A023000328 

 Trouverons nous estrange que ce cors vienne reellement et de fait, quoy que surnaturellement, dans les nostres, puysque, plus leger qu'un oyseau, outrepassant toutes les regles d'un cors humain, il est monté sur tous les cieux? «Il est assis a la dextre de Dieu le Pere,» sur tous les cieux, ou il n'occupe plus ni lieu ni place; car, quelle superficie peut environner le cors qui est au pardessus de tout autre cors? Pourquoy ne sera il bien icy bas sans tenir ni remplir aucun heu ni aucune place?.

  A023000340 

 Et si nous ne mangions qu' une mesme viande spirituelle par foy, quelle plus grande communion auroit le Chrestien avec les autres Chrestiens qu'avec les anciens Juifz qui mangeoyent aussy Jesuschrist par foy, et par consequent une mesme viande spirituelle? N'avons nous rien plus qu'eux?.

  A023000340 

 Mays y a il plus parfaitte communion des Saintz que celle cy, en laquelle nous sommes tous un pain et un cors, d'autant que nous sommes participans d'un mesme pain qui est descendu du Ciel, vivant et vivifiant? Et comme mangerions nous tous d'un mesme pain, si ce pain n'estoit le Cors de Jesuschrist? autant de lieux, autant de pains divers y auroit il.

  A023000350 

 La manne, quoy que vraye figure de vostre Cors, ne pouvoit pas tant; il faut une viande plus solide et moëlleuse, pour une telle vie.

  A023000359 

 Le marquis de Cambis ( Vie manuscrite de saint François de Sales, 1762, vol. I er, p. 245) attribue également l'ouvrage à l'Apôtre du Chablais: «parce que le livre du medecin estoit fort gousté dans le» bailliage, dit-il, c François de Sales se crût en droit d'y répondre.» Le «precis» qu'il en fait est beaucoup plus long que celui de Charles-Auguste.

  A023000364 

 166-171.) — Charles-Auguste et M. de Cambis se contredisent donc eux-mêmes quant à la date de la composition du Traité, qu'ils placent en 1597; cette composition, ayant suivi l'apparition du Discours veritable de Marescot, ne pouvait être antérieure aux derniers mois de 1599, puisque l'opuscule du médecin dut paraître au plus tôt vers la fin de juillet.

  A023000364 

 Le témoignage du biographe est déjà fort infirmé par cette contradiction; mais il y a plus..

  A023000366 

 — Aucun déposant aux Procès de Béatification du saint Evêque n'a fait mention du Traité qui nous occupe, plus considérable, cependant, que la Briefve Meditation sur le Symbole et les deux Lettres au ministre Viret dont plusieurs témoins ont [28] parlé.

  A023000368 

 De tout ce qui précède on doit conclure que l'hypothèse émise par D. Mackey dans la note indiquée plus haut ne peut plus être soutenue et qu'il faut penser tout le contraire; au lieu de céder à M. de Bérulle un écrit sorti de sa plume, saint François de Sales reçut de lui le Traité qu'il venait de composer.

  A023000369 

 On pourrait objecter, au sujet de l'envoi fait par Pierre de Bérulle à François de Sales: Se connaissaient-ils déjà en 1600? leurs relations ne datent-elles pas de 1602? — L'on ne rencontre, en effet, aucune trace de relations antérieures; Bérulle était de huit ans plus jeune que notre Saint, et quand il entra au collège de Clermont, le gentilhomme savoyard avait quitté Paris.

  A023000376 

 Les raysons que vous produyses contre ma Consideration sur le Symbole establissant tousjours tant plus sa verité par les fausetés sur lesquelles elles sont fondëes, prenes a gré, je vous prie, que je les vous monstre..

  A023000380 

 Et vostre argument ne vaut non plus que celuy ci: Tout cors humain est faict de l'accointance de l'homme a la femme; le cors de Jesuschrist est cors humain, donques il est faict par l'accointance.

  A023000381 

 Quand vous dites que si le cors de Nostre Seigneur n'occupa point de place sortant du ventre de sa Mere, il n'en occupa donques point estant dans iceluy, d'autant que la virginité n'est non plus lezee par l'un que par l'autre, il semble que vous ne consideries pas bien en quoy gist la parfaitte virginité.

  A023000381 

 Si donques la Sainte Vierge fut ouverte en l'enfantement, elle ne demeura plus vierge en sa perfection.

  A023000385 

 Et le dire de Nostre Seigneur: Touches et voyes, n'y est point contrayre; car je ne dis pas que Nostre Seigneur fut tousjours invisible et imperceptible, mays confesse que, comme il a esté visible et perceptible, il a aussy esté invisible et imperceptible quand il luy a pleu: l'un n'empeschoit point l'autre, non plus que d'estre mortel et immortel en divers tems.

  A023000386 

 Ce pendant, prenes garde qu'admettant ouverture au ventre de la Vierge, vous vous rendes coulpable de l'haeresie de Jovinien et que, nous accusant de nier la verité du cors de Nostre Seigneur, vous ne faites rien que ce qui a esté faict contre les plus anciens Catholiques, ainsy que tesmoigne saint Augustin.

  A023000397 

 Ce que faisant, je ne destruis aucunement la verité de l'humanité de Nostre Seigneur, quoy que vous en puyssies imaginer, non plus que d'Adam, qui fut faict et produit outre tout ordre naturel.

  A023000399 

 Naistre d'une Vierge, marcher sur les eaux, entrer les portes fermëes, ne destruit point la nature humaine de Jesuschrist, qui ne laisse pour cela d'avoir un tres vray cors humain et naturel, non plus que saint Pierre.

  A023000400 

 Et si, n'estime qu'un cors semblable aux nostres ne puisse entrer les portes fermëes, et cæt.; mays je dis que lhors que cela se feroit, il ne seroit plus semblable aux nostres en cela.

  A023000400 

 L'Apostre met si clairement difference entre un cors reel, vray et humain, mais mortel et animal ou charnel, et ce mesme cors reel, vray et humain, mais immortel et spirituel, que, a qui le considerera, il ny a plus moyen de resister.

  A023000401 

 Mon garand en avoit dict de mesme, ains bien plus, car le mot de partus ex Virgine se peut entendre non seulement de la conception, mays de toutes les autres actions ou entremises necessaires a la parfaitte disposition d'un filz: qui me faict tant plus croire que quelque chaleur, ou du desir de reprendre, ou du zele sans science, vous a empesché de considerer que vous enveloppies dans vostre censure mon garand avec [39] moy, pensant peut estre vous opposer a quelque absurdité..

  A023000406 

 Et bien que l'un viole plus que l'autre, si est ce que l'un et l'autre repugne a la perfection de la virginité de la Vierge Marie; je craindray donques tous-jours de dire et de penser que Nostre Seigneur ayt ouvert le ventre de sa Mere, et par consequent quil ayt occupé place, d'autant que c'est une proposition condamnee pour haeretique de l'ancienneté..

  A023000414 

 Estre parfois impalpable et invisible, ce n'est pas n'estre point cors parfois, mais seulement avoir des qualités surnaturelles; non plus qu'estre immortel ou cors spirituel, comme parle saint Pol, n'est pas n'estre point cors, mais estre cors accompaigné de conditions spirituelles et glorieuses..

  A023000415 

 Plus donques je m'oppose a vous en cest endroit, plus je suis, et de vous et de tous les autres,.

  A023000426 

 Pourquoy donques est ce que ces pretenduz reformateurs ont laissé les anciens et accoustumés noms de ce Sacrement pour luy imposer celuy de Cene? Ne monstrent ilz pas en cela un'extreme affectation de nouveauté? Que s'ilz estiment que saint Pol aye employé le mot de cent pour signifier l'Eucharistie, quand il reproche aux Corinthiens la façon de faire leurs cenes, ne sont ilz pas ineptes? veu que l'Apostre declaire qu'il parle d'une cene en laquelle on s'enyvroit, ou s'avançoit on de manger son souper en particulier, [que] les riches en avoyent plus que les pauvres, et qu'on pouvoit faire chacun chez soy: ce qui ne peut arriver en la manducation de la sacree viande.

  A023000430 

 Les Apostres ayans connoissance des langages de tous les coins du monde ou ilz ont conversé, qui sont en grand nombre et fort divers, n'ont toutesfois laissé l'ordre et façon de celebrer l'Eucharistie qu'en troys langages au plus.

  A023000430 

 Pourquoy donques est ce, et par quelle authorité, que les ministres l'ont produit a leurs gens en tant de differens langages, difformes, desreglés et bastars? Ont ilz eu plus de soin et de charité vers les peuples que les Apostres?.

  A023000438 

 Quelle asseurance donques peuvent avoir les ministres, qu'il faille employer, en l'usage du calice, le vin pur plustost que l'eau, ou la cervoise, ou le vin attrempé par l'eau? Si cela revient plus a leur goust, si n'est il pas pourtant plus commandé [45] en l'Escriture.

  A023000450 

 Et que dires vous a ce que le mesme saint Augustin escrit: Que cest adversaire de la Loy et des Prophetes demeure «en arriere avec ses semblables, qui dirent: Ceste parolle est dure, et qui la peut ouyr? Car nous autres, d'un cœur fidele et de la bouche, nous recevons Jesuschrist nous donnant sa chair a manger et son sang a boire, encores qu'il semble plus horrible de manger la chair humaine que de la massacrer, et de boire le sang humain que de le respandre.» Voyla comme saint Augustin ne çourt pas soudain aux figures, et dict aussi qu'on reçoit «d'un cœur fidele et de bouche» les choses qui, de prime face, semblent absurdes..

  A023000452 

 Et outre plus, si tout ce qui semble absurde ne se doit croire, que respondres vous aux haeretiques Ariens, Montanistes et Manicheens, qui sentoyent mal de l'Incarnation du Filz de Dieu? car il leur sembloit aussi absurde et indecent que la Divinité fust meslëe parmy les souilleures de nostre nature, que Dieu souffrist faim, playes et mort: qui n'est gueres different des absurdités que vous dites [47] estre en la reelle presence du Cors de Jesuschrist en la sainte Hostie; et toutesfois, vous tenes ces pestes d'haeretiques anciens pour hommes tres malheureux qui ont advancé ces choses la..

  A023000460 

 Quel autel donques est celuy la que nous avons de plus qu'eux?.

  A023000480 

 Pourquoy prives vous les malades de ce Sacrement, contre l'institution d'iceluy qui ne les rejette point? puysque telles gens en ont plus de necessité que les autres, et que «l'ancienne Eglise» le leur conferoit tres soigneusement, comme Calvin mesme confesse 1.

  A023000493 

 Venerer et adorer sont peu differens, sinon en ce, peut estre, que venerer signifie un peu plus l'habitude, adorer l'acte et l'exercice.

  A023000494 

 Et de fait, saint Augustin tesmoigne que nous autres Latins n'avons point de simple mot latin pour signifier la veneration deuë a Dieu seul, mais avons emprunté et approprié a cest effect le mot grec latrie, faute d'autre plus commode.

  A023000494 

 Et neanmoins, qui considerera de plus pres l'Escriture et les Anciens, trouvera que le mot d'adorer panche un peu plus a l'honneur deu a Dieu seul que non pas a l'autre; de façon que l'hors que le mot d'adorer est seul en l'Escriture, il s'entend ordinairement de l'adoration de latrie.

  A023000496 

 Que les Peres en ayent fait de mesme et neanmoins ayent estimé que le mot d'adoration tirast un peu plus a l'honneur de latrie, j'en produiray ces exemples.

  A023000523 

 Quant au lieu, pour plus grande commodité des parties, il nomme Thonon ou la ville mesme de Geneve, avec les asseurances requises en tel cas, pour entrer, sortir et demeurer..

  A023000527 

 Pour conferer, il prend avec soy jusques au nombre de cinq theologiens, luy faisant le sixiesme; outre lesquels il appellera trois ou cinq tesmoins sortables, pour tant plus rendre auctentique ce qui se passera..

  A023000528 

 Et quant aux pointz a traitter, pour prendre les plus import antz il propose ceux cy:.

  A023000554 

 Et de plus, que la conference de laquelle a esté traitté cy devant comprent asses touttes les commodités de ce nouveau moyen proposé maintenant, puisqu'on y devoit tout escrire, et fidellement; et, outre cela, apportoit plusieurs autres commodités, comme: le bien de la briefveté des resoulutions; de l'exibition des aucteurs qu'on auroit a proposer; de la plus particuliere et claire declaration de l'intention d'un chacun, laquelle est bien souvent mal aisee a tirer des escritr faitz entre absentz, et y va une grand piece de temps a envoyer et renvoyer, et les raisons se presseront plus et mieux en presence; avec autres telles occasions qui se perdent par la voye proposee par les ministres.

  A023000557 

 Et prie fort instamment que, comme de sa part il a apporté toutte diligence a respondre et nommer les termes de ladicte conference, n'ayant jamais esté le sieur Sarazin arresté icy que demy jour pour avoir les responces, qu'aussi du cousté des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve il y soit procedé avec telle diligence, franchise et naifveté que l'affaire requiert, affin qu'au plustost on en sache la resoulution finale, mesme pendant que l'on a icy lhonneur de la presence de Son Altesse: dont il demande que pour ceste sepmaine, au plus tard, il aye advis certain de la vraye intention desditz Seigneurs; autrement, il sera a croyre qu'on n'aye point de vollonté d'entrer en conference amiable..

  A023000591 

 Au siècle dernier, s'échappa de l'enfer une race d'hommes dont je ne sais si elle est plus digne d'horreur ou de pitié.

  A023000592 

 Parmi eux tous, les principaux et les plus fameux de nom et d'impiété furent: les Luthériens, les Ubiquitaires, les Zwingliens, les Anabaptistes, les Swenckfeldiens, les Davidiens, les Samosaténiens, les Calvinistes, les Anglocalvinistes, les Puritains, les Adiaphoristes, les Osiandriens, les Mélanchtoniens.

  A023000602 

 Huic autem negationi contraria est affirmatio Christi dicentis potuisse se rogare Patrem, et exhibuisset illi Pater plus quam duodecim legiones Angelorum; et camelum per foramen acus transmittere; item affirmatio illa Joannis Baptistae, posse Deum ex lapidibus suscitare filios Abrahae.

  A023000634 

 Negant ex Libris Sacrae Scripturae Libros Judith, Baruch, Sapientiae, Ecclesiastici, Machabaeorum et Tobiae auctoritatem canonicam habere, quod in Canone Hebraeorum adscripti non sint; quasi plus auctoritatis judaicae Synagogae tribuendum sit, quam Ecclesiae Catholicae universae quae, unanimi consensu, habuit semper Libros illos pro canonicis.

  A023000688 

 Quid enim potuit scribi apertius, aut ad excludendam figuram istam et significationem commentitiam, aut ad eam quoque interpretationem explodendam, quae veritatem corporis Christi in fide accipientis, non in Sacramenti veritate constituit, plus tribuens fidei accipientis quam potentiae instituentis? Quis enim potest indignius manducare, quam qui omnino non credit esse corpus Christi? Atqui etiam is qui indigne manducat et bibit, ideo judicium sibi manducat et bibit, quia non dijudicat corpus Domini.

  A023000727 

 A cette négation est opposée l'affirmation du Christ, disant qu'il aurait pu prier son Père, et que son Père lui eût fourni plus de douze légions d'Anges; et aussi faire passer un chameau par le trou d'une aiguille; de même l'affirmation de Jean-Baptiste, que des pierres mêmes Dieu pourrait faire naître des fils à Abraham.

  A023000743 

 Quelle n'est pas l'audace de ces hérétiques de dire que rien n'eût été fait par la mort du Christ, alors que, à cause de la dignité infinie de Celui qui l'a subie, la plus petite goutte de son sang royal et divin eût suffi à racheter des mondes innombrables!.

  A023000751 

 Luther s'exprime, en effet, ainsi au passage cité plus haut: «J'étais persuadé de ces opinions pestilentielles.» Expliquant ensuite ces dernières, il énumère entre autres celle du Christ Juge, et dit qu'il travaille à la désapprendre.

  A023000759 

 Ils nient que, parmi les Livres de la Sainte Ecriture, ceux de Judith, de Baruch, de la Sagesse, de l'Ecclésiastique, des Machabées et de Tobie aient une autorité canonique, attendu qu'ils n'appartiennent pas au Canon des Juifs; comme s'il fallait attribuer une autorité plus grande à la Synagogue juive qu'à l'Eglise Catholique universelle, laquelle, d'un consentement unanime, a toujours tenu ces Livres pour canoniques.

  A023000768 

 Ils nient que les Saintes Ecritures contiennent des difficultés qui empêchent les fidèles de les comprendre aisément, de sorte qu'elles sont plus claires et plus faciles que les commentaires de tous les Pères.

  A023000768 

 Mais quelle sera donc l'utilité, quelle sera surtout la nécessité des Docteurs dans l'Eglise de Dieu, si les rêves de ces hérétiques sont conformes à la réalité? A quoi serviront tant de [83] commentaires des Pères, composés au prix de tant de veilles et d'études, achevés au prix de tant de fatigues, s'ils sont plus difficiles et plus obscurs que les saints Livres qu'ils ont prétendu expliquer?.

  A023000780 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il appartient à tous les chrétiens et à chacun d'eux de connaître et de juger de la doctrine, et cela leur appartient tellement, qu'il faudrait dire anathème à quiconque léserait ce droit le moins du monde Car le Christ a dit: Gardez-vous des faux prophètes... Cette seule autorité suffit contre les sentences de tous les Pontifes, de tous les Pères, de tous les Conciles, de toutes les écoles, qui ont accordé le droit de juger et de décider aux seuls Evêques et ministres, et l'ont, d'une manière impie et sacrilège, arraché au peuple, c'est-à-dire à l'Eglise-reine.» Un peu plus loin il s'en prend au roi Henri: «Et pour faire ici mention de mon Henri et des sophistes qui font dépendre leur foi de la durée des temps et de la multitude des hommes, tout d'abord on ne peut nier que ce soit depuis plus de mille ans que le droit en question a été tyranniquement ravi; car dans le Concile de Nicée, le meilleur de tous cependant, on commençait déjà à faire des lois et à s'attribuer le droit susdit.» Et peu après il ajoute: «Il est hors de controverse que le droit de connaître de la doctrine, d'en juger ou de l'approuver réside en [86] nous-mêmes, non dans les Conciles, chez les Pontifes, les Pères, les Docteurs.».

  A023000781 

 Je vous le demande, qui que vous soyez qui lisez ces phrases, a-t-on jamais rien écrit de plus arrogant et de plus impudent? Ce ne sont pas les Conciles, les Pontifes, les Pères, les Docteurs qui ont le droit de connaître et de juger des doctrines, mais le seul Luther; bien mieux, le premier venu de la lie du peuple, pourvu qu'il soit luthérien (car j'imagine que c'est là le sens de Luther; autrement c'en serait fini de lui et de tous les luthériens, s'ils avouaient qu'il faut croire à Calvin et aux calvinistes au sujet de l'interprétation des Ecritures).

  A023000786 

 Mais les Grecs n'ont pas eu honte d'employer une expression beaucoup plus arrogante, en parlant de pouvoir propre, comme si l'homme conservait le pouvoir sur lui-même,» etc. Luther, de son côté, avec une audace non moins grande, a intitulé un de ses livres: Du serf arbitre.

  A023000795 

 Mais rien n'est plus digne de ces grands théologiens que ce qu'affirme Calvin, lorsqu'il dit que certains de ces Sacrements ont existé au temps des Apôtres, qui cependant n'existent plus aujourd'hui; comme si les Sacrements n'avaient été institués que pour un temps, non pour tout le temps que devait durer l'Eglise elle-même, c'est-à-dire jusqu'à la consommation des siècles!.

  A023000804 

 Cependant, c'est une opinion bien peu sévère que celle des catholiques au sujet des enfants non baptisés, auxquels ne peut être imputé d'autre péché que le péché originel: à savoir, qu'ils sont, condamnés à la peine du dam seulement, non à celle du sens, et qu'ils jouissent d'un bonheur naturel le plus grand possible en qualité et en quantité, en sorte qu'ils rendent gloire à Dieu pour sa justice, non seulement vindicative, mais aussi distributive.

  A023000809 

 A cette négation, ou plutôt à cet enfantillage des sacramentaires, s'oppose diamétralement cette parole du Christ, plus claire que le soleil, plus inébranlable que le firmament: Ceci est mon corps.

  A023000810 

 Quant aux sacramentaires, qui se croient d'autant plus subtils qu'ils sont en fait plus impudents, bonté de Dieu! à quelle abondance follement variée d'opinions et d'expressions ne se sont-ils pas laissés aller lorsqu'ils se sont efforcés d'expliquer les paroles du Christ! Ici la confusion a été plus grande, semble-t-il, que celle que nous lisons avoir régné parmi les bâtisseurs de la tour de Babylone.

  A023000811 

 Parmi ce déluge d'opinions calvinistes, deux paraissent être plus plausibles que les autres si nombreuses.

  A023000811 

 Que peut-on émettre de plus sot, de plus insensé que cette dernière interprétation?.

  A023000812 

 Cela admis, il reste en outre certainement manifeste que l'addition du verbe grec substantif ( est ), faite d'un commun accord par tous les autres Evangélistes et par [96] saint Paul (celui-ci d'après l'enseignement, non de ses collègues en apostolat, mais du Seigneur déjà monté au Ciel), que cette addition, disons-nous, n'a pas été, faite dans le but d'aplanir la voie à l'interprétation mensongère ci-dessus et de faire croire qu'ils voulaient donner au verbe est le sens de signifie; mais pour exprimer plus ouvertement le même sens que saint Matthieu a exprimé dans la langue maternelle du Christ.

  A023000813 

 Qu'a-t-on pu écrire de plus clair, soit pour exclure le sens mensonger de simple figure et signification, soit pour éliminer l'autre interprétation qui met la vérité du corps du Christ dans la foi du communiant, non dans la vérité du Sacrement, et attribue ainsi plus de valeur à la foi du communiant qu'à la puissance de Celui qui a institué le Sacrement? Comment, en effet, communier plus indignement qu'en ne croyant point à la présence du corps du Christ? Or, même celui qui mange et boit indignement, ne mange et boit sa propre condamnation que parce qu' il ne discerne pas le corps du Seigneur.

  A023000817 

 Notre foi est surabondamment établie par la parole ci-dessus, prononcée par la bouche du Seigneur, qui prouve avec la plus grande force et évidence que l'Eucharistie n'est pas uniquement un Sacrement devant nous être présenté, mais encore un Sacrifice devant être offert pour nous..

  A023000817 

 Quoi de plus clair, en eflet, que ces paroles: Ceci est mon corps qui est donné pour vous; Ceci est mon sang qui est répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des péchés? Sans nul doute, ce corps très saint est donné, non pas seulement à nous en Sacrement, mais aussi pour nous en Sacrifice.

  A023000817 

 Tous les hérétiques de ce temps sont d'accord sur cette négation, et pensent avoir pleinement atteint leur but s'ils enlèvent à notre religion un sacrifice, sans lequel cependant la religion ne peut pas plus subsister que sans Dieu.

  A023000818 

 Ils en déduisent qu'il n'est pas besoin que le Christ s'offre plus souvent.

  A023000819 

 Mais auprès des savants et de ceux qui sont davantage versés dans la connaissance, soit de la théologie, soit de la logique, tous ces raisonnements sont parfaitement ridicules; car les gens instruits savent qu'il nous faut, au contraire, raisonner ainsi: La foi justifie, donc bien plus la charité justifie, elle sans laquelle la foi est morte; la justice du Christ nous est inciputée, donc une réelle et vraie justice est produite en nous; le Christ a mérité pour nous, donc nous avons des mérites que nous ont valus les mérites du Christ; le Christ est souverain Pontife, donc parmi ceux qui pour le moment le remplacent, il faut qu'il y en ait un qui soit souverain Pontife; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il peut et il doit y avoir de nombreux médiateurs d'intercession, qui, avec nous et pour nous, implorent de lui qu'il nous applique le prix et l'efficacité de sa rédemption; le Christ a jeûné pour nous, donc à plus forte raison devons-nous jeûner à son exemple et imitation; le Christ est ressuscité et monté aux cieux, donc nous aussi, si nous sommes non pas seulement fidèles, mais aussi élus, nous ressusciterons et monterons aux cieux, selon le raisonnement de Paul dans son Epître aux Thessaloniciens; enfin, il y a un signe dans le Sacrement, donc il faut que la chose signifiée y soit aussi.

  A023000821 

 Ainsi donc, celui qui dirait que le sacrifice de la Messe et celui de la Croix sont deux sacrifices, dirait vrai à cause de la forme et des modes divers de la double offrande; mais il est bien mieux et non moins vrai, tout au contraire plus vrai, de parler d'un seul sacrifice, à cause de l'identité, pour ainsi dire, de Celui qui à la fois offre et est offert, de Celui à qui il est offert et de la fin pour laquelle il est offert.

  A023000821 

 C'est comme pour le soleil: celui qui parlera d'un seul, à cause de l'unité indivise de la substance du soleil, s'exprimera avec plus de vérité que celui qui, à cause de la distinction des jours, estimera devoir parler de plusieurs soleils.

  A023000826 

 Cependant les paroles du Sauveur, par lesquelles il affirme ce pouvoir, sont plus claires que le jour dans l'Evangile de saint Matthieu et de saint Jean.

  A023000834 

 En voulant ramener cette communion à l'union d'une même foi avec nous, Calvin agit en homme très ignorant et très irréfléchi, puisque les Saints, étant en possession de la béatitude, ne doivent plus être appelés croyants, mais voyants: la foi, en effet, au témoignage de l'Apôtre, disparaît dans les Bienheureux..

  A023000838 

 «Qui donc,» écrit Calvin, «a-t-il révélé qu'ils aient des oreilles assez longues pour écouter nos voix?» Qu'il me soit plus justement permis de m'écrier: Qui donc pourrait croire que Calvin ait une âme assez méchante et assez stupide, pour mesurer l'ouïe des esprits bienheureux à la longueur de leurs oreilles? Le Christ n'a-t-il pas lui-même révélé que même les Anges dans le ciel se réjouissent du repentir des pécheurs? Mais comment peuvent-ils s'en réjouir s'ils ne le connaissent pas? Et s'ils le connaissent, avec quelles oreilles l'ont-ils appris? C'est, en effet, avec [108] les mêmes oreilles que les âmes des Saints perçoivent nos voix, étant égaux aux Anges quant aux oreilles, aux yeux, aux mains et aux pieds, selon cette parole du Christ notre Seigneur: Ils seront semblables aux Anges de Dieu..

  A023000876 

 Proinde hoc ipso negant, nec teneri nos, nec ligari lege ulla; nam, ut est in Juris nostri regula, «impossibilium nulla est obligatio,» nec a nobis exigere quisquam jure potest plus quam praestare possimus, nisi durus nimis et tyrannicus sit exactor.

  A023000890 

 Hoc vero quis ferat, ut eadem sit malitia peccati ejus qui thorum proximi, et ejus qui thorum patris sui violaverit? Ergo non gravius peccat qui patrem, quam qui servum occiderit? qui columbas in templo plus aequo, quam qui in trivio vendiderit? Quid igitur illud est, quod tantopere Paulus exaggerat Corinthii illius fornicationem, quae tam gravis erat, ut nec inter Gentes inveniretur, nimirum quod quis patris sui uxorem habere auderet?.

  A023000894 

 «Mot hoc,» ait ille, « Crescite et multiplicamini, non est praeceptum, sed plus quam praeceptum divinum, puta opus quod non est nostrarum virium, ut vel impediatur, vel omittatur, sed tam est necessarium, quam ut masculus sim, magisque necessarium quam edere, bibere, purgare, mucum emungere, somno et excubiis inteutum esse.

  A023000908 

 Parole [127] enim ejus gallica haec sunt: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos peches, nous ne pouvons estre damn6s non plus que luy.» Horresco referens! et quis non horrescet, sive legens, sive audiens?.

  A023000937 

 L'art de nier leur plaît tellement, que même en affirmant ils nient et, suivant la parole de Tertullien rapportée plus haut, «tout en croyant, ils ne croient pas.» Je vais exposer séparément quelques-uns des points qui s'offrent à nous..

  A023000941 

 J'avoue,» dit-il, «que tous les fils d'Adam sont tombés dans ce malheur,» (il parle du péché) «et cela doit être en définitive, comme je le disais en commençant, attribué au seul libre arbitre de la volonté divine.» Tout aussitôt il attaque ceux qui «ne veulent pas attribuer à un décret divin la perte d'Adam par suite de sa défection.» Parlant ensuite des damnés: «C'est de la prédestination de Dieu,» dit-il, «que dépend leur perdition.» De nouveau: «L'homme tombe, la providence de Dieu en ordonnant ainsi.» Bien plus, il appelle «œuvre de Dieu» l'inceste commis par [111] Absalon et les mauvais traitements infligés aux Juifs par les Chaldéens.

  A023000946 

 Mais si le Père a horreur du péché, le Fils n'en a pas moins horreur; si le Père ne peut le tolérer et le voir sans s'irriter, le Fils non plus ne peut le cacher ou le couvrir par sa justice.

  A023000955 

 Le même Luther dit au même endroit: «Les effets, les obligations et les vertus de la charité sont contraires à la foi.» Et un peu plus loin: «La charité, en effet, ou les œuvres qui la suivent ni n'informent la foi, ni ne l'ornent, mais ma foi informe et orne ma charité.» Paul, au contraire, déclare inutile la foi sans la charité, Jacques la déclare morte; de plus, l'un et l'autre affiiment que s'il fallait comparer entre elles les deux vertus, la charité l'emporterait sur la foi.

  A023000959 

 Et pour empêcher quelqu'un qui aurait meilleure opinion de la bonté morale d'appliquer cette proposition aux simples actions moralement bonnes, Luther l'a expliquée par ces paroles plus claires: «Toute œuvre bonne est un péché dans les saints tant qu'ils sont viateurs.» Calvin, de son côté, soutient dans le même sens «que pas un seul acte n'est produit par les saints qui, s'il est examiné en soi, ne mérite une juste punition.» Ailleurs il ajoute: «Toute action d'un homme pieux, si elle était examinée au sévère jugement de Dieu, serait condamnable.».

  A023000961 

 Si, en effet, il vaut mieux «travailler à son aise que de ne rien faire du tout,» comme disait Pline, n'est-il pas beaucoup plus sûr de ne rien faire que de mal agir et de pécher? Ici, qui n'aperçoit dans cette espèce d'hommes une envie extraordinaire et continuelle de contredire? Le bien, disent-ils, est le mal; la lumière se confond avec les ténèbres, le chaud avec le froid.

  A023000965 

 Par suite ils nient que nous soyons tenus ou liés par aucune loi; car, suivant la règle de notre Droit, «les choses impossibles ne créent aucune obligation,» et personne ne peut justement exiger de nous plus que nous ne pouvons faire, sans être un bourreau excessivement dur et tyrannique.

  A023000966 

 Quiconque professe cela et y oblige est un ministre de loi, de péché, de colère et de mort, la nature humaine étant dans l'impossibilité de suivre la loi, même s'il s'agit des justes qui possèdent le Saint-Esprit.» Et un peu plus loin: «Celui donc qui enseigne que la foi dans le Christ ne justifie qu'avec l'observation de la loi, celui-là fait du Christ un ministre de péché et un tyran cruel qui, comme Moïse, exige des choses impossibles que personne ne peut faire.» Même enseignement chez Calvin, meilleur luthérien que théologien en cet article, aussi bien qu'en beaucoup d'autres..

  A023000970 

 «Le Christ,» dit Luther, «a ainsi ordonné les choses, qu'il n'existe aucun péché en dehors de l'incrédulité, et aucune justice si ce n'est la foi.» Ailleurs, il soutient âprement cette proposition: «Le baptisé, même en le voulant et au prix des plus grands péchés, ne peut perdre son salut, à moins qu'il renonce à la foi, parce que,» dit-il, «la foi enlève tous les péchés et empêche de pécher celui qui le voudrait.» Par [120] cette affirmation ils nient de toute évidence que les impudicités les homicides, les parjures, les blasphèmes soient des péchés; et cependant, c'est là une telle absurdité, que si quelqu'un ne la voit pas, jamais il ne trouvera quoi que ce soit d'absurde.

  A023000978 

 Qui donc, [122] cependant, admettra une identité de malice pour la violation du lit nuptial du prochain, ou pour celle du lit nuptial paternel? Faudra-t-il conclure que tuer son père ne soit pas plus grave que tuer son domestique, que vendre des colombes à un prix excessif dans le temple ne soit pas plus grave que de le faire sur la place publique? Pourquoi donc saint Paul fait-il tant de cas de la fornication de ce Corinthien, fornication si grave qu' il ne s'en rencontrerait pas de semblable même chez les gentils, puisqu'il s'agissait de quelqu'un qui osait violer la femme de son père?.

  A023000994 

 Mais que répondront-ils à cette parole d'Ezéchiel: Si le juste se détourne de sa justice et commet l'iniquité, toute sa justice on ne s'en souviendra plus? Que signifie ce que le Christ ordonne d'écrire à l'Evêque de Philadelphie: Tiens ce que tu as, de peur qu'un autre ne reçoive ta couronne? Quant à l'Apôtre Paul, bien que fidèle, et même très fidèle, que ne fait-il pas pour qu'après avoir prêché aux autres, il ne soit lui- même réprouvé!.

  A023000995 

 Dans les premières, en effet, non seulement il est affirmé que «le royaume des Cieux ne peut, pas plus nous manquer» qu'au Christ, ce que porte expressément la dernière édition, mais que nos péchés [127] ne peuvent pas plus nous faire condamner qu'ils ne peuvent faire condamner le Christ lui-même.

  A023000995 

 Mais écoutons, je vous prie, au moyen de quelle belle et juste comparaison Calvin explique sa doctrine: «Il suit de là que nous» devons «nous promettre avec certitude que la vie éternelle est [126] nôtre, puisque» le Christ «en a hérité, et que le royaume des Cieux, où il est déjà entré, ne peut pas plus nous manquer qu'à lui-même.

  A023000995 

 Nous ne pouvons de nouveau être condamnés pour nos péchés, puisqu'il a voulu se les faire imputer comme s'ils étaient siens.» Toutefois, en cet endroit il faut remarquer que dans les premières éditions, surtout françaises, cette doctrine est exprimée plus durement que dans l'édition postérieure de 1602.

  A023000995 

 Voici les paroles françaises: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos pechés, nous ne pouvons estre damnés non plus que luy.» C'est avec horreur que je cite! et qui lira ou entendra ces paroles sans horreur?.

  A023000999 

 Ce n'est pas chez eux manque d'audace (il y a certes plus d'audace à se prétendre juste qu'à se confesser timoré), c'est plutôt honte, non évidemment de mentir, mais de s'exprimer en telle sorte que, par un mensonge sur le point en question, ils aient l'air de dire la vérité..

  A023001000 

 Qu'est-ce donc qui peut rendre plus certains ces derniers que le premier, qui autrefois fut très certain? Si la voix céleste du premier l'a trompé, parce qu'elle exprimait le bavardage de Calvin au lieu de la voix de l'Esprit-Saint, pourquoi la voix céleste des autres ne les trompera-t-elle pas aussi?.

  A023001004 

 Calvin ajoute que le Christ souffrit «de cruels et horribles tourments,» — «on ne peut,» dit-il, «imaginer abîme plus épouvantable que de se sentir abandonné et rejeté de Dieu» — «lorsqu'il connut que, à cause de nous, il se tenait en qualité de coupable devant le tribunal de Dieu.».

  A023001004 

 Mais son impiété, après être montée jusqu'à son comble, continue en se laissant aller aux choses les plus basses.

  A023001016 

 Cependant, qui ignore que la foi vient de l'audition, et que l'audition a lieu par la prédication de la parole de Dieu? Et [133] comment la parole de Dieu est-elle parvenue à l'âme de l'enfant sans prédicateur? Qui donc a prêché aux enfants? De plus, les actes de foi ne peuvent exister sans l'usage de la raison, comme tout le monde l'avoue et comme l'enseigne le bon sens naturel; or, qui peut croire que les enfants jouissent de l'usage de la raison?.

  A023001044 

 «Je ne nie pas,» dit-il, «que Dieu ait envoyé parfois plus tard des apôtres, ou au moins, à leur place, des évangélistes, comme cela s'est produit de notre temps; car ils étaient nécessaires pour retirer l'Eglise de la défection de l'Antéchrist.

  A023001046 

 Par suite ils l'ont dispensée, non comme le faisaient leurs consécrateurs les Evêques, mais d'une façon bien plus juste et plus pure..

  A023001047 

 Quant à du Plessis, comme un arbitre tombé du ciel pour mettre d'accord ceux qui se disputent, et comme s'il avait assisté à leur vocation, il affirme audacieusement: Luther a mal parlé, plus mal encore Calvin; c'est de nos Evêques qu'ils ont reçu leur vocation.

  A023001053 

 Effectivement, non seulement ils ne s'entendent pas sur l'origine de leur vocation, mais aussi, qui plus est, ils sont d'un avis unanime sur la vocation légitime de nos Evêques.

  A023001053 

 Et à la vérité, nous sommes forcés d'avouer que le ministère ordinaire est de leur côté; mais comme ils ont abusé de leur pouvoir, nous pouvons nous moquer de leurs prétentions.» Quant à Mornay, puisqu'il fait dériver de nos Evêques la mission de Luther et de ses disciples, ne reconnaît-il pas par là très ouvertement la vocation de nos Evêques? Aussi Calvin avait-il raison, plus même qu'il ne le croyait, lorsqu'il disait que «dans les églises régulièrement constituées» il n'y a pas place pour sa mission ni celle des siens..

  A023001066 

 Bien plus, il se dit ailleurs prêt à ne pas croire à l'Evangile, si l'autorité de l'Eglise n'était pas là pour le pousser à y croire.

  A023001066 

 Et de nouveau, en un autre endroit, à propos du Baptême qui ne doit pas être réitéré aux hérétiques, il écrit ces paroles: «Quoique les Ecritures canoniques ne nous offrent pas d'exemple à ce sujet, c'est cependant encore la vérité de ces Ecritures que nous suivons, lorsque nous agissons selon la volonté de l'Eglise universelle, Eglise qui s'appuie sur l'autorité des Ecritures.» L'Apôtre Paul n'a pu louer plus ouvertement l'autorité de l'Eglise, qu'en l'appelant colonne et base de la vérité.

  A023001066 

 Et, en effet, si le [141] Christ a voulu que l'Eglise, son épouse très chère, fût la mère de tous les chrétiens, comment peut-on la mépriser sans mépriser le Christ lui-même? «Le Christ,» dit saint Augustin, «rend témoignage à l'Eglise... Si tu résistes, ce n'est pas à moi ou à un autre homme, mais au Sauveur lui-même que tu résistes le plus malheureusement du monde, à l'encontre de ton propre salut, car tu ne veux pas croire à la nécessité pour toi d'être admis en la manière qu'admet l'Eglise; or, à cette Eglise rend témoignage Celui auquel, de ton propre aveu, on ne peut sans crime refuser de croire.».

  A023001067 

 Et dans cette fameuse dispute, de toutes la plus délicieuse, qu'il se glorifie d'avoir eue avec le démon, il rapporte que c'est convaincu par les arguments de ce dernier qu'il a abandonné la doctrine de l'Eglise.

  A023001079 

 Et saint Basile soutient que la meilleure et plus certaine façon de juger si tels ou tels sont oui ou non hérétiques, est de voir s'ils acceptent ou méprisent le Concile de Nicée..

  A023001101 

 Si à celui-là l'universalité des frère6 obéissait selon les enseignements reçus de Dieu, personne ne s'opposerait au collège des Prêtres; personne ne se constituerait, après la sentence de Dieu, [146] après le suffrage du peuple, après l'assentiment des Evêques, le juge, non plus de l'Evêque, mais de Dieu; personne ne romprait l'unité de l'Eglise du Christ; personne, par satisfaction et ambition personnelles, ne créerait une hérésie nouvelle.» Ailleurs le même Docteur a des paroles à peu près semblables.

  A023001104 

 Ce n'est pas que je ne le sache bien plus récent; mais c'est que les calvinistes ont l'audace, à la suite de Calvin lui-même, de louer ce Docteur comme un contempteur du Siège Apostolique.

  A023001105 

 Et Calvin lui-même ne peut s'empêcher d'avouer et de reconnaître que dès le temps du grand Athanase, tous les gens pieux ont accordé volontiers à l'Eglise Romaine le plus possible d'autorité: «Mais,» dit-il, «tout cela n'avait pas d'autre sens que d'estimer à un grand prix sa communion, et de considérer comme une injure d'être excommunié par elle.» Pourquoi donc, ô Calvin, n'avais-tu pas, et tous les tiens aussi, l'obligation de faire de même, s'il vous restait une étincelle de la piété antique? [149].

  A023001106 

 Quant à Luther, il a parlé avec tant d'éloges du Pape dans tous les opuscules composés au commencement de sa défection, que dans ses ouvrages postérieurs, devenu plus audacieux et plus insolent, il s'est excusé d'avoir auparavant accordé au Pape tant et de si grandes choses..

  A023001122 

 Ailleurs le même Augustin, parlant de Cyprien, de Basile, d'Hilaire et autres Pères: «Tous ces [152] grands hommes» dit-il, «admettent ces vérités [relatives au dogme du péché originel], ainsi que toutes celles conformes à la foi catholique, partout répandue dans le monde, en sorte qu'il suffit de leur autorité pour écraser votre nouveauté, bien fragile et bien subtile; outre que leurs enseignements sont tels que la vérité atteste parler elle-même par leur bouche.» Et de nouveau un peu plus loin: «Ce qu'ils ont trouvé dans l'Eglise, ils l'ont retenu; ce qu'ils ont appris, ils l'ont enseigné; ce qu'ils ont reçu de leurs pères, ils l'ont transmis à leurs fils.» Nous en disons aujourd'hui autant de toi, grand Augustin, et de tes contemporains, contre ces imposteurs, sans arriver cependant à les faire rougir de leur folie et de leur impudence..

  A023001139 

 La divine Majesté me met dans la disposition de ne pas me troubler si mille Augustin, si mille Cyprien m'attaquaient; Augustin et Cyprien, comme tous les élus, ont pu errer, et ont erré.» Et à la fin: «Je ne cherche pas ce que disent Ambroise, Augustin, les Conciles et la tradition des siècles; je n'ai pas eu non plus besoin d'avoir le Roi Henri pour m'enseigner toutes ces choses, que je connaissais fort bien, au point de les avoir même attaquées.

  A023001141 

 Et cela, non en matière légère, [155] mais à propos des plus graves articles de notre foi: pax exemple, au sujet de la question du libre arbitre, sur laquelle il dit que les Latins ont parlé avec arrogance, «mais les Grecs avec plus d'arrogance encore;» relativement à la question de la personne du Médiateur, question où il soutient que l'erreur des Anciens est inexcusable; par rapport à la question de la concupiscence, où, après avoir dit qu'à lui seul le témoignage d'Augustin contient le sens de toute l'antiquité, il avoue bientôt après qu'il n'est pas de son avis.

  A023001142 

 Lorsqu'il traite de l'Eglise Romaine, il s'exprime ainsi: «Je veux commencer par dire que je ne nie pas le grand honneur que rendent les Anciens à l'Eglise Romaine, et la façon respectueuse dont ils parlent d'elle.» Et un peu plus loin: «L'opinion, répandue je ne sais comment, que cette Eglise a été fondée et constituée par le ministère de Pierre, avait pour résultat de procurer à cette Eglise une faveur et une autorité considérables; c'est pourquoi en Occident elle s'appelait, par honneur, le Siège Apostolique.» Or, au même endroit il méprise, autant qu'il le peut, l'Eglise Romaine, et nie qu'elle ait été fondée par Pierre.

  A023001144 

 A propos des cérémonies du Baptême, il convient qu'elles sont d'une origine très antique, mais il ajoute aussitôt: «Il m'est cependant permis, et à toutes les personnes pieuses, de repousser tout ce que les hommes ont osé ajouter à l'institution du Christ.» Dans la question du Sacrement de l'Autel conservé comme viatique des malades, question de grande importance pour confirmer la foi en la présence réelle du corps du Seigneur, il se fait cette objection: «Mais ceux qui agissent ainsi suivent l'exemple de l'ancienne Eglise.» Il y répond en ces termes: «J'avoue qu'en une matière si grave, et où l'erreur n'est pas sans grand danger, rien n'est plus sûr que de suivre la vérité.» Comme si l'Eglise ancienne avait suivi la fausseté! Et ailleurs, à propos des cérémonies de la Messe: «Si quelqu'un veut défendre des inventions de cette sorte en se basant [158] sur leur antiquité, je n'ignore pas qu'assez près de l'âge apostolique la Cène du Seigneur a été couverte de rouille; mais c'est là un effet de l'audace qu'a l'homme se fiant à lui-même.» Dans un autre endroit il avoue que les anciens Docteurs ont d'ordinaire employé le mot de Messe «au pluriel».

  A023001144 

 Et ailleurs: «Je vois aussi que ces Anciens ont détourné ce mémorial [de la Passion du Seigneur] vers un autre sens que celui qui convenait à l'institution du Seigneur.» Et un peu plus loin: «Je ne pense pas qu'on puisse les excuser d'avoir, dans une certaine mesure, péché quant à leur manière d'agir.» De nouveau: «C'est avec raison qu'on leur reproche d'avoir trop incliné vers les ombres de la Loi.» Enfin, pour ne pas énumérer en particulier tous les écrits de cette sorte, ce qui serait un travail presque sans fin, disons que le même Calvin avoue que l'usage de la Confession est très antique, et cependant il le méprise..

  A023001145 

 En somme, si la caractéristique la plus propre à dénoter avec certitude l'hérésie, est le mépris de l'Eglise et de l'antiquité, il est hors de doute que Luther et Calvin, ainsi que tous leurs sectateurs, sont hérétiques au plus haut point, tant ils ont dépassé tous les autres hérétiques antérieurs en mépris de l'Eglise et de toute l'antiquité.

  A023001184 

 En matière de foi, ils ne disent rien contre les catholiques qui ne soit nouveau, ou au moins renouvelé des hérésies anciennes et passées de mode, comme cela résulte très clairement de tout ce que nous avons dit jusqu'ici, et encore [160] plus de ce qu'a écrit sur ce sujet l'Illustrissime Cardinal Bellarmin dont on ne louera jamais assez les mérites.

  A023001185 

 Car au moment où seul j'étais en pleine lutte, où seul je me voyais forcé de m'exposer aux traits et aux foudres de César et des Pontifes, à ce moment, dis-je, dans toute leur hauteur et fermeté d'âme, ils restaient plus muets que des grenouilles de Sériphe.

  A023001185 

 «Tout d'abord,» dit Luther, «j'étais seul, et certes tout à fait dépourvu d'aptitude et de science pour traiter de si grandes choses.» Et peu après: «Tous les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien, n'avait osé entreprendre.» Cependant le même Luther, peu après le début de la Défense des paroles de la Cène, parlant des sacramentaires, s'exprime ainsi: «Rien n'aide autant cette hérésie que sa nouveauté; car nous autres allemands sommes ainsi faits, que nous nous attachons avec avidité à ce qui est nouveau pour nous.» Et dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, toujours à propos des sacramentaires: «Je n'ai pas jusqu'ici rencontré d'ennemis plus acharnés que ces bons frères, collègues, amis, que nous avons élevés comme [161] des fils dans notre sein, docteurs de sectes nouvelles, j'entends les sacramentaires et autres fanatiques; vois de quelle façon ils nous récompensent.» Et un peu plus loin: «Nous autres au commencement nous nous sommes mis à affirmer et à revendiquer la liberté et l'honneur du Christ, et à foncer sur la tyrannie pontificale.

  A023001187 

 Puis il avoue que les sacramentaires ont semé de nouveaux dogmes, après être sortis de lui pour s'en séparer ensuite; en sorte qu'il a été, lui, un novateur, et que les autres ont été plus novateurs que lui.

  A023001189 

 Ils ont lancé un Canon de l'Ecriture tout à fait nouveau, comprenant plus ou moins de Livres que ne l'a fait aucun Concile ou aucun Père ancien; ils ont bouleversé l'Ecriture avec leurs innombrables versions nouvelles, personne ne se contentant de la version d'un autre.

  A023001189 

 Mais si vous voulez voir plus ouvertement l'attrait violent qu'ont ces novateurs pour la nouveauté, vous vous en [165] rendrez facilement compte par leurs écrits et leurs actions.

  A023001190 

 Mais qui ne reconnaîtra plus manifestement et plus expressément la fureur du changement dans Calvin, lorsque, à propos de la Trinité et de ces mots: personne, substance, consubstantiel, il écrit: «Plût à Dieu que ces mots fussent ensevelis dans l'oubli! Au moins on entendrait partout cette profession de foi commune, que le Père, le Fils et l'Esprit» Saint «sont un seul Dieu.» Ailleurs il change le mot de personne en celui de résidence, si nous voulons nous en tenir aux plus anciennes éditions de ses Institutions, surtout aux françaises, celle en particulier que fit Thomas Courteau en 1564.

  A023001191 

 «Si je hais cette expression,» ajoute-t-il ensuite, «et que je me refuse à m'en servir, je ne suis pas pour cela hérétique; car, qui peut me forcer à l'employer, pourvu que je tienne la chose elle-même que le Concile a définie d'après les Ecritures? Quoique les Ariens aient erré dans la foi, cependant (que ce soit avec une bonne ou une mauvaise intention) ils ont très bien fait d'empêcher qu'il fût loisible d'introduire dans les règles de la foi un terme profane et nouveau.» Que peut-on imaginer, je le demande, de plus impudent que ce charlatan? Les Pères antiques et catholiques ont combattu près de trois cents ans pour maintenir ce mot très vénérable de consubstantiel, dont la prononciation diverse faisait reconnaître les hérétiques des catholiques, et voici que ce [168] novateur et mauvais plaisant l'appelle un mot nouveau et profane! Aussi, rien d'étonnant que parmi ses disciples et sectateurs, il s'en soit trouvé qui ont substitué, par une souveraine perfidie, «semblable en substance» à consubstantiel; dignes disciples, à la vérité, de Cet apostat et déserteur de la foi qui, après treize cents ans, accuse de profanation le Concile de Nicée, le plus auguste de tous ceux qui eurent jamais lieu, tout en attribuant aux Ariens un zèle pieux.

  A023001197 

 Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.».

  A023001201 

 Vous verrez le même Hespérius, pour n'avoir à souffrir lui-même aucun mal, suspendre dans sa chambre de la terre, apportée par un ami de Jérusalem, du lieu où le Christ ressuscita le troisième jour; puis, après que sa maison eut été purifiée de la présence des démons, ne plus vouloir garder dans sa chambre la terre sainte, et cela uniquement par respect.

  A023001206 

 Il est par suite étonnant que de ce seul chef tous les luthériens et calvinistes ne se sentent vaincus et convaincus, et ne considèrent Luther et Calvin comme des imposteurs, eux qui confessent l'état très pur de l'Eglise à l'époque d'Augustin, et qui d'autre part, ne tiennent pas pour un menteur ce dernier qui rapporte comme très vraies et très certaines toutes les choses racontées plus haut..

  A023001207 

 Reconnaissez-vous donc vaincus maintenant par ce que vous avez avoué plus haut.

  A023001207 

 Vous nous avez trop libéralement concédé, ô Luther et Calvin, que l'Eglise de Dieu n'a été déformée par aucune erreur et aucun abus pendant ses cinq cents premières années: quoi, en effet, de plus facile pour nous que de prouver que les Pères de cette époque ont cru exactement tout ce que nous croyons aujourd'hui et qui fait le sujet de nos controverses? Pour que vous ne pussiez plus en douter, deux Illustrissimes Cardinaux, remarquables lumières et ornements de notre siècle, Baronius dans ses Annales Ecclésiastiques, et Bellarmin dans ses Controverses, en avaient fourni la preuve.

  A023001237 

 Mais le plus beau passage est celui où, après quelques mots, Luther provoque à la lutte tous ses adversaires: «Eh bien donc! apparaissez tous, vous, papistes sectaires, ministres et satellites de [180] Satan, et toute la troupe du diable, d'un commun accord réunissez vos forces! Amenez ici vos escadrons, attaquez le seul Luther de toutes vos phalanges.

  A023001244 

 Il arrive alors ce que dit Augustin: «Les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises;» et Hilaire: «La façon de comprendre constitue l'hérésie; c'est le sens qu'on lui donne, non le texte lui-même, qui amène le crime d'hérésie;» et Jérôme: «La valeur des Ecritures ne consiste pas dans leur simple lecture, mais dans la manière de les comprendre;» et ailleurs: «Le démon emploie les Ecritures, et toutes les hérésies s'en font des oreillers qu'elles mettent sous le coude des gens de tout âge, selon l'expression d'Ezéchiel.» Mais entre tous, Vincent de Lérins s'exprime avec le plus de clarté et de justesse, si bien qu'il semble avoir voulu dépeindre les mœurs et la tournure d'esprit des hérétiques de notre temps: «Lisez,» dit-il, «les opuscules de Paul de Samosate, de Priscillien, d'Eunomius, de Jovinien et des autres auteurs pestilentiels» (les luthériens et les calvinistes eux-mêmes considèrent tous ces personnages comme des hérétiques): «examinez l'interminable liste des exemples apportés, et vous verrez qu'il n'y a presque aucune page qui ne soit fardée et colorée au moyen de phrases du Nouveau ou de l'Ancien Testament.» Et peu après: «Qu'est-ce que les vêtements de brebis, sinon les oracles [183] des Prophètes et des Apôtres? Que signifient les loups dévorants, sinon les interprétations cruelles et délirantes des hérétiques? etc..

  A023001245 

 Et cependant il nous faut continuellement lutter avec lui.» Et un peu après, à propos de Satan: «Il trouvera le moyen de faire naître par l'Ecriture tant et de si grandes sectes turbulentes, que tu ne sauras plus retrouver l'Ecriture, la foi, le Christ et toi-même.» Et aussitôt, revenant à la même pensée: «Quoique le démon soit forcé de nous laisser tranquilles, cependant il n'a pas oublié ses artifices; car à la dérobée il a semé dans nos assemblées la zizanie, je veux dire les faux frères qui ont embrassé notre doctrine et nos paroles, non pour nous aider à propager l'Ecriture, mais pour attaquer par derrière notre armée, au moment où nous combattons en première ligne, afin d'exciter les foules et nous faire une guerre furieuse.» Et peu après: «Mais il ne cessera pas; il ira plus loin dans une occasion si favorable, et attaquera plusieurs articles de foi.

  A023001245 

 Un peu plus haut, en parlant des sacramentaires et de leur hérésie, il avait dit: «En cette partie, il [le démon] a fait par l'Ecriture une dizaine de brèches environ et s'est préparé des échappatoires, si bien que je ne sache pas qu'il ait jamais existé une hérésie plus difforme, ni qui dès son origine ait eu tant de chefs, tant de sectes différentes, tant d'opinions discordantes, tendant toutefois finalement au même but, qui est de poursuivre le Christ.» Jusqu'ici Luther..

  A023001245 

 » Un peu plus loin, expliquant la nature de ces moyens humains de défense nécessaires pour supprimer les dissensions, il dit que ce seront les Conciles.

  A023001246 

 Toutefois, pour ne pas manquer de se montrer hérétique même ici, Luther fait un beau mensonge en appelant «moyens humains de défense» les Conciles; car elle est divine, non humaine, l'assemblée qui commence ses décrets par ces mots: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous. S'il s'agit ici d'un moyen de défense purement humain, où en trouvera-t-on un, je le demande, qui sera divin? Et s'il existe quelque part un autre moyen divin de défense, pourquoi donc Luther fait-il de si grands efforts pour éviter les moyens humains, pouvant s'en procurer de divins et, par le fait même, évidemment meilleurs et plus sûrs que les humains? En vérité, quelqu'un peut-il croire que le Dieu très bon et très grand n'ait pas songé à fournir pour le besoin en question le moyen de défense voulu, moyen, par suite, totalement divin, destiné à conserver l'union et la paix de toute son Eglise? [187].

  A023001246 

 qu'il a considéré les sacramentaires [186] comme des hérétiques et comme les plus affreux des hérétiques; 2.

  A023001256 

 Verum ego me captum video, nulla elabendi via relicta.» Et paulo post: «Quod si etiam hodierno die fieri posset, ut quis firmo Scripturarum testimonio mihi fidem facere queat, in Sacramento non nisi panem et vinum esse, nihil tamen opus esset quemquam tam amaro me adoriri animo; sum enim, proli dolor! plus aequo in hanc partem propensus, quantum Adami mei naturam animadvertere possum.» Quid, obsecro, hujusmodi ingenio contentiosius, quod non quaerit quid verum sit aut falsum, sed quid Papatui, ut ipse loquitur, aut Ecclesiae incommodare possit, studetque non veritatis amori et desiderio, sed Papatus odio?.

  A023001296 

 Ce sont des murmurateurs, des gens qui se plaignent sans cesse, qui vivent au gré de leurs convoitises, et leur bouche profère des paroles d'orgueil. Et saint Paul: Si quelqu'un veut contester, pour nous, nous n'avons pas cette habitude, non plus que l'Eglise de Dieu.

  A023001297 

 Celui-ci, dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, écrit: «Je dirai franchement, et sans arrogance aucune, que j'ai purifié et éclairé l'Ecriture de telle sorte, que d'ici mille ans elle ne sera jamais ni plus claire, ni connue d'un plus grand nombre.» Et un peu auparavant: «C'est pour moi chose indifférente, maintenant que le monde entier adhère à mon parti, si ce monde vient de nouveau à me mépriser; j'approuverai l'une et l'autre détermination, car, qui me soutenait au commencement, quand j'étais seul?» Et ailleurs il se vante étonnamment lui-même, et aussi son esprit d'entêtement: «L'arme,» dit-il, «avec laquelle les hérétiques obtiennent aujourd'hui la victoire, c'est la fureur incendiaire des imbéciles, des ânes et des porcs qui suivent la doctrine thomiste.

  A023001297 

 Je veux que vous enragiez de plus en plus, jusqu'à ce que, après avoir épuisé vos forces et vos fureurs, vous vous écrouliez sur vous-mêmes au milieu de vos discours.

  A023001299 

 Mais je me vois pris; nulle voie pour m'échapper.» Et peu après: «Si encore aujourd'hui quelqu'un pouvait me prouver, par un témoignage solide des Ecritures, que dans le Sacrement de l'Eucharistie il n'y a que du pain et du vin, il ne serait pas nécessaire de m'entreprendre à ce sujet sur un ton si mordant; car je suis, hélas! porté plus qu'il ne faut de ce côté, autant que je puis connaître la nature de l'Adam qui est en moi.» Peut-on imaginer, je le demande, un esprit plus contentieux que celui de cet homme, qui ne cherche pas, selon ses propres expressions ce qui est vrai ou faux, mais ce qui peut ennuyer le Pape ou l'Eglise, et étudie, non par amour et désir de la vérité, mais par haine de la Papauté?.

  A023001300 

 On peut tirer un autre exemple encore plus typique d'un autre endroit où il dit à propos de la Messe: «Que répondre contre le Canon et l'autorité des Pères? Je réponds d'abord: s'il n'y a rien à dire, il est phis sûr de tout nier que de concéder la Messe.» [192] Qu'est-ce cela, je le demande, sinon vouloir défendre son opinion à tout prix et en employant toute espèce de moyens, selon le mot du poète: Fais cela «si tu le peux,» comme il faut; «si tu ne le peux, fais-le de n'importe quelle manière.».

  A023001301 

 Au sujet de Zwingle, de Carlostadt, d'Œcolampade, de Calvin, pères des sacramentaires et fils de Luther, nous ne pouvons citer de témoignage plus approprié, plus certain et moins suspect que celui de Luther lui-même, lequel affirme que, semblables à Absalon, envieux du royaume et de la gloire de son père, ils ont lancé en avant leurs hérésies.

  A023001301 

 Bien qu'il ne parle pas expressément de Calvin, qui du vivant de Luther n'était encore ni tellement décrié, ni tellement fameux, cependant ce qu'il dit des autres chefs des sacramentaires ne s'applique-t-il pas parfaitement à Calvin, d'autant plus orgueilleux et arrogant que les autres qu'il est venu après eux? Si, en effet, Carlostadt et Zwingle ont été arrogants en contredisant leur père Luther, plus arrogant certes a été Calvin en contredisant Luther, Zwingle et tous les chrétiens de tous les âges.

  A023001301 

 Quoi de plus arrogant que l'accusation lancée par Calvin contre tous les Pères, qui, d'après lui, seraient tombés dans l'erreur ou auraient parlé avec [193] arrogance? De même, quoi de plus arrogant que Bèze, qui attribue au seul Calvin l'honneur d'avoir vu juste, d'avoir découvert la vérité au sujet du mystère de l'Eucharistie, comme si personne, absolument personne d'entre les mortels, n'avait possédé la vraie doctrine sur l'Eucharistie avant l'époque de Calvin? Et que donne-t-il à entendre, je vous prie, lorsqu'à la fin de la Vie de Calvin écrite par lui, Bèze ajoute ces paroles d'Elisée voyant Elie enlevé au ciel: Mon père, mon père, char d'Israël et son conducteur! sinon qu'il veut qu'on prenne Calvin pour Elie et lui-même pour Elisée?.

  A023001309 

 On demande qui de nous interprète plus justement, car il n'est pas admissible que quelqu'un soit témoin et juge dans sa propre cause; lui, pour ne pas sembler vaincu, pour en imposer aux vieilles femmes et au vulgaire, il en appelle à l'Ecriture.

  A023001310 

 De là, la nécessité des juges, même dans les affaires profanes; à plus forte raison celle des Conciles dans l'Eglise de Dieu, de peur que, s'il n'y a aucun juge qui prononce sans appel, le mauvais vouloir des parties et leur envie de disputer n'empêchent qu'il y ait jamais une fin aux litiges et aux appels..

  A023001310 

 Que faire avec ces impies qui toujours marchent en louvoyant, et reviennent sans cesse à l'endroit d'où on les a souvent chassés? Quelle obstination plus impudente que celle de ne pas s'en tenir au jugement de l'Eglise, des Pères, des Conciles? Comment finir une discussion d'une telle importance, si personne ne peut trancher le litige et n'a l'autorité de définir en dernier ressort la question? Sans aucun doute le désir de disputer sera sans fin.

  A023001311 

 Au commencement, il en [197] appela du Légat du Siège Apostolique au Siège Apostolique lui-même; puis, une fois condamné par le Siège Apostolique, se tint-il tranquille ou se soumit-il? Ni l'un ni l'autre, mais avec une impudence plus grande il en appelle au Concile.

  A023001318 

 Nous apportons un texte tiré de ses Commentaires sur l'Exode, où il enseigne ouvertement que, «par les prières des Martyrs, Dieu pardonne aux péchés de son peuple.» Nous apportons aussi le passage cité plus haut, où il affirme clairement que plusieurs personnes ont été guéries ou aidées par les prières de saint Etienne.

  A023001318 

 Or, nous citons un passage plus remarquable, où Augustin lui-même invoque le bienheureux Cyprien en présentant ainsi son désir: «Puisse-t-il nous aider par ses prières, afin que, par la grâce du Seigneur, nous imitions ses vertus autant que nous le pouvons.» C'est là peu de chose, [199] disent-ils, car Augustin ne s'arrête pas longtemps à ces prières.

  A023001318 

 Que reste-t-il à faire, même au plus patient des hommes, avec ces gens-là?.

  A023001320 

 Attendez-vous encore ou exigez-vous, vous tous luthériens et calvinistes, que nous vous présentions quelque chose de plus clair? Nous avouons ingénûment que nous n'avons rien et ne pouvons rien imaginer, même si vous nous donniez ce que nous ne demandons pas, le droit d'imaginer à notre fantaisie.

  A023001320 

 Qui en juge ainsi, vous ou moi? Que restera-t-il qui ne puisse être sûrement nié, si cette façon de rejeter l'autorité des Pères est une fois admise? Car si les passages les plus clairs doivent être examinés suivant le goût de ceux qui discutent, ils ne seront jamais du goût des contradicteurs.

  A023001321 

 Un catholique ayant cité le texte ci-dessus, et ayant interrogé le ministre en ces termes: «Que répondez-vous à cela, monsieur le grand docteur?» celui-ci, tout d'abord hésitant et paraissant surpris, reprit ensuite courage et, comme s'il allait dire quelque chose [202] de remarquable et d'élégant, avec un air de suprême réformateur de l'Eglise, prononça ces paroles: «C'est là une tache sur un beau corps.» Que pouvait faire le pauvre catholique avec ce charlatan, sinon demander à Dieu de ne pas lui imputer ce péché, parce qu'il ne savait ni ce qu'il disait ni ce qu'il faisait? [Va donc te faire pendre avec tes taches et tes sornettes!] Ne pouvais-tu dire avec plus de vérité que la tache se trouve dans l'opinion de ton Calvin rejetant témérairement l'intercession de la Bienheureuse Vierge et des Saints? Rien n'empêche, en effet, que des taches ne se trouvent [203] sur un corps difforme, pour le rendre d'autant plus laid, qu'elles eussent rendu plus séduisant un corps déjà beau..

  A023001322 

 C'est là un trait commun à tous les hérétiques présents et passés, ainsi que l'a autrefois observé notre Vincent de Lérins: «Lorsque,» dit-il, «ils complotent d'échafauder une hérésie sous un faux nom, le plus souvent ils s'emparent de paroles écrites un peu trop obscurément par quelque ancien, pour que, par leur obscurité même, elles s'accordent en quelque façon à leur enseignement, et afin que le je ne sais quoi qu'ils émettent, ils ne paraissent ni les premiers ni les seuls à l'émettre.» Notre distingué ministre, dont nous venons de parler, appliquant cette façon de faire à tous les passages si clairs d'Augustin que nous avons cités, opposait ce seul endroit où, à propos du Christ, il s'exprime ainsi: «Il est le Prêtre qui, maintenant entré dans l'intérieur du voile, est seul, de tous ceux qui ont porté la chair, à intercéder pour nous.» Ainsi ce docteur subtil voulait montrer une contradiction entre Augustin et [204] Augustin, sans voir que dans le dernier texte il s'agit de l'intercession qui s'opère par la rédemption, ce que le contexte indique très clairement.

  A023001329 

 En voici un exemple dans cet article même dont nous avons écrit un peu plus haut: l'intercession des Saints..

  A023001329 

 Mais ajoutons encore à ces caractéristiques d'opiniâtreté une autre caractéristique ayant quelque rapport avec celles que nous avons examinées plus haut, bien que distincte: à savoir, que nos novateurs sont des disputeurs, comme disait le bienheureux Apôtre [205] Jude, des amis de la contention, pour parler comme Paul, de sorte qu'on a beau répondre à leurs arguments, on ne les satisfait jamais.

  A023001330 

 Comme cependant nous comprenons qu'ils sont, eux, plus agréables au Christ et, en quelque manière, plus rapprochés de lui, étant déjà dans la gloire, la plupart des Anciens les ont appelés médiateurs: non point pour la raison qui fait donner au Christ le nom de Médiateur, parce qu'il occupe vraiment ce que je nommerai le milieu mathématique, mais parce qu'on dit de quelqu'un qui est rapproché d'un autre, même d'une distance minime, qu'il tient le milieu entre cet autre et celui dont il est éloigné davantage.

  A023001330 

 Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ.

  A023001348 

 Ecoutez Calvin: «Nous concluons que les papistes ne laissent rien au Christ, eux qui ne comptent pour rien son intercession, si elle n'est pas accompagnée de celle de Georges, d'Hippolyte ou de semblables fantômes.» Ailleurs il ment avec la plus grande effronterie, en accusant les catholiques de ne faire «aucune mention du Christ dans toutes leurs Litanies, Hymnes et Proses où ils ne refusent aucun honneur aux Saints défunts.» Quant à Luther, il fait si bien, dans un certain passage, le procès du bienheureux Thomas d'Aquin, qu'il n'a pais honte de dire de lui qu'il est probablement damné! En somme, ces hérétiques n'ont rien respecté, ni au Ciel ni sur terre; et vraiment il était juste qu'ils [211] n'épargnassent pas le Docteur Angélique, eux qui n'ont épargné ni les Anges ni Dieu lui-même..

  A023001356 

 Et Luthero quidem id pro gloria est, quod primus et solus fuerit, qui turbas excitavit; nam congratulatur sibi ipsi, quod «Germani, suspensis animis, expectabant» quem eventum habitura esset contentio quam ipse excitaverat et «quam,» inquit, «nullus antea, neque episcopus, neque theologus ausus esset attingere.» Tantique fecit hanc haereticam laudem, ut injuriae loco duxerit, si quando suas opiniones ab aliis didicisse diceretur; cumque plerique Hussitam eum esse existimarent, reclamat ipse et exclamat: «Non recte vocant, qui me Hussitam appellant, non enim mecum ille sentit; sed si ille fuit haereticus, ego plus decies haereticus sum, cum ille longe minora et pauciora dixerit.» At videamus quibus viis et quo genio Lutherus in hanc doctrinae novitatem venerit.

  A023001380 

 Pour Luther, il est vrai, c'est une gloire dont il se pare d'avoir le premier et seul excité des troubles; car il se félicite de ce que «les allemands, l'esprit en suspens, attendaient» quelle serait l'issue de la lutte provoquée par lui, et «que personne auparavant,» dit-il, «ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Pour lui, cette gloire hérétique était d'un si grand prix, qu'il se considérait comme offensé si l'on disait qu'il avait emprunté à d'autres ses opinions; et parce que la plupart le considéraient comme un hussite, il réclamait par cette exclamation: «C'est faux de m'appeler hussite! Hus n'est pas de mon avis; mais s'il a été hérétique, je le suis dix fois plus que lui, car il a dit bien moins de choses que moi, et de moindre importance.».

  A023001381 

 Il est évident que ce n'est pas sous l'impulsion divine qu'il a commencé toute l'affaire (bien qu'il se vante ailleurs, comme le font tous les hérétiques, d'avoir été appelé par Dieu), mais que ç'a été par un entraînement [213] humain et tout à fait charnel: «C'est,» dit-il lui-même, «par hasard, non volontairement et à dessein, que je me suis jeté dans ces agitations; j'en atteste Dieu lui-même.» Qu'y a-t-il de plus opposé à une impulsion divine que ce qui arrive par hasard? Quoi de plus clair, d'après les paroles ci-dessus, que notre apostat s'est jeté, non dans la prédication pacifique de l'Evangile, mais dans les agitations? Et il n'est pas le seul à affirmer cela; Philippe Mélanchton, fameux luthérien, s'exprime ainsi: «Tels ont été les commencements de cette controverse dans laquelle Luther, ne soupçonnant ou ne rêvant rien au sujet du changement futur des rites, ne répudiait pas même absolument les Indulgences, mais y réclamait seulement de la modération.

  A023001382 

 Voici, en effet, ce qu'il écrit de lui-même: «Je haïssais ce mot: Justice de Dieu, que, par suite de l'usage de tous les docteurs, j'avais appris à comprendre philosophiquement de la justice formelle et active de Dieu, par laquelle Dieu est juste et punit les [214] pécheurs et les coupables.» Et peu après: «Je n'aimais pas, bien plus, je haïssais un Dieu juste et punissant les pécheurs, et je m'indignais contre lui en silence; ce qui, si ce n'était un blasphème, était certes un grand murmure.» Et ailleurs, expliquant ce texte de saint Paul: La justice de Dieu est révélée dans l'Evangile, il dit que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, l'ont interprété dans le sens de justice punissante de Dieu.

  A023001383 

 D'abord, que la nouveauté de Luther commença par la haine de Dieu, de tous les péchés le plus grave: source digne, en vérité, de s'épancher en tant de ruisseaux d'hérésies..

  A023001386 

 En quatrième lieu, Luther montre bien son impudence lorsqu'il affirme que le passage cité plus haut du Psaume n'a été compris par personne, parmi les catholiques et les Pères, dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie.

  A023001387 

 Mais, peu de temps après, le Roi d'Angleterre ayant une seconde fois écrit contre lui, de nouveau il attaque le Roi avec des injures beaucoup plus atroces encore, se repent d'avoir écrit sa lettre, s'efforce par tout moyen d'excuser l'hypocrisie avec laquelle il avait promis de chanter la palinodie, et montre qu'il lui a écrit la lettre en question pour [218] l'attirer à son hérésie: «Tout plein de mes convictions,» dit-il, «j'ai fait cette prière, et écrit cette lettre vainement suppliante, que ces porcs traitent indignement et déchirent.» Peu après il dit avoir usé du même stratagème à l'égard de Georges, duc de Saxe; quelques mots plus loin il affirme de nouveau qu'il ne se repent pas de ses stratagèmes, ayant agi pour propager l'Evangile, et n'a pas honte d'appeler zèle pieux et honnête de telles fictions et hypocrisies.

  A023001388 

 Qui croira jamais que ces lèvres trompeuses d'un Luther parlant d'un cœur double, ont été choisies par Dieu pour allumer de nouveau dans le monde la lumière de l'Evangile! Où a-t-on jamais vu ou lu qu'une hérésie ait eu des origines si basses et plus exécrables que celle où tout a commencé, non sous l'impulsion d'un motif sérieux et volontairement, mais par l'effet du hasard; par haine de Dieu, non par amour; au moyen de mensonges et d'hypocrisie, non pour la vérité? Quant à son auteur, c'était un homme fauteur de troubles et tellement violent, que, au témoignage de Philippe Mélanchton, non seulement Erasme, mais aussi le duc Frédéric, soud la protection et les auspices duquel Luther lança [219] son aventure tragique, lui souhaitaient une douceur et une modération que lui-même reconnaissait lui faire défaut, en avouant qu'il agissait sans être en pleine possession de soi-même..

  A023001394 

 Mais quelle a bien pu être, je le demande, la cause d'une si grande haine? Est-ce à une persuasion céleste d'un Ange ou de Dieu qu'il faut attribuer une pareille horreur de Luther pour la Messe? Bien plus, certes: le maître qui a enseigné et occasionné ces colères de Luther contre la Messe, le beau maître bien digne que Luther jurât sur sa parole, ce fut le diable.

  A023001394 

 Nous avons rapporté plus haut le passage fameux de Luther où celui-ci assure que la Messe lui déplaît tellement, qu'il est prêt à tout nier plutôt que de l'accepter.

  A023001396 

 Pour finir, à tous ceux qui suivent Luther, nous lancerons toujours cette apostrophe infamante on ne peut plus méritée, tirée de la confession même de Luther et sur laquelle personne ne peut chicaner: Vous autres, vous avez pour père le diable..

  A023001464 

 [Même à ne tenir compte que de l'ennui qu'il y a à s'occuper de pareille matière, il serait temps que je misse fin à cette discussion [223] qui m'a retenu plus longtemps que je n'avais pensé, si je ne me voyais obligé, par le zèle du bien public, de dévoiler le plus brièvement possible la ruine toujours plus grande dont les inventions de nos novateurs menacent les intérêts civils des chrétiens.

  A023001470 

 Notre homme, en effet, qui a voulu passer pour un grand politique, n'a pas ignoré que rien n'est plus dangereux que d'exciter le peuple et la partie dirigeante du peuple, par l'espérance d'un gouvernement meilleur, à ambitionner ou désirer le pouvoir; car, après l'avoir ambitionné ou désiré, ils peuvent chercher à le capter.

  A023001470 

 Tout en avertissant ceux qui sont soumis à des monarques de n'avoir rien à changer [224] à l'état de choses, lui-même cependant, né et élevé sous un si grand Monarque, montre assez de quel esprit il était animé envers son Prince, puisqu'il méprise la monarchie et enseigne qu'il faut plutôt la tolérer, pour éviter un plus grand mal, que l'aimer à cause de son excellence.

  A023001471 

 Bien plus, parmi les animaux qui vivent en troupeaux, l'un d'eux est toujours le chef des autres: ainsi pour les éléphants, les cerfs, les brebis, les grues, les abeilles et les huîtres perlières, etc. En effet, ce mode de gouvernement, qui se rapproche davantage de celui du Dieu très bon et très grand, de même qu'il est le meilleur de tous, est aussi le plus souhaitable et le plus aimable, en sorte que Dieu semble en avoir répandu le désir dans la nature elle-même en la créant..

  A023001477 

 La seconde proposition est celle de Luther, que nous avons déjà rapportée plus haut: «Il n'y a absolument aucune distinction à [226] faire entre les diverses circonstances que l'opinion commune de tous les hommes considère comme aggravant les péchés;» de sorte que l'inceste commis par un individu avec sa fille ou sa sœur n'est pas plus grave que s'il était commis avec une veuve étrangère ou avec une courtisane; de sorte aussi que l'homicide d'un ennemi est l'égal de celui d'un père, d'une mère ou du prince.

  A023001483 

 Avec quelle gloire ils retournent victorieux du combat! Et ceux qui meurent au combat, quels bienheureux martyrs! La vie est pleine de fruits, la victoire pleine de gloire, mais à l'une et à l'autre est préférée une mort sainte.» Et plus loin: «Les soldats du Christ combattent avec assurance les combats de leur Seigneur, sans craindre le péché en tuant les ennemis, ou le péril en étant eux-mêmes tués.

  A023001483 

 La troisième proposition est encore de Luther: «Combattre contre les Turcs, c'est s'opposer à Dieu, qui visite nos iniquités par leur moyen.» Que peut-on dire, je le demande, de plus insensé, de plus inique et de mieux fait pour perdre toute la République chrétienne que cette proposition? Faudra-t-il donc qu'aucun prince [227] ne réprime les brigands des grands chemins, les ravageurs des champs, les incendiaires, enfin les ennemis qui portent la ruine au dehors ou au dedans? Il est en effet certain que les hommes pervers qui tourmentent les bons, le font pour que, avec la permission de Dieu, ceux-ci soient visités par Dieu et corrigés.

  A023001483 

 Oui, le soldat du Christ tue en toute sûreté, et meurt avec plus de sûreté encore; il est utile à lui-même en étant tué, au Christ en tuant.

  A023001498 

 La cinquième proposition, dont je ne sais dire si elle est plus jolie ou plus dangereuse, est celle-ci de Calvin encore: Les sujets ne doivent pas souhaiter la puissance de leurs princes.

  A023001499 

 [O Rois, ô Princes, permettez-moi de crier, pour votre sécurité et celle de vos peuples: Que faites-vous? Qu'attendez-vous, [231] vous qui dans vos Etats favorisez, chérissez et recevez comme de grands prophètes de Dieu les auteurs et les sectateurs d'une doctrine aussi pernicieuse et pestilentielle? C'est vous seuls, en effet, que j'interpelle, en m'étonnant de votre conduite; non ceux qui, pour empêcher les guerres et les factions de tout troubler, font comme malgré eux acte de seule tolérance, même à l'égard de gens qu'ils haïssent.] Quand donc les royaumes et les peuples vivent-ils plus heureux que lorsque les princes gouvernent de très vastes provinces, pourvu qu'ils le fassent avec justice et équité? Quand donc la France a-t-elle été plus florissante que sous Charlemagne, roi et empereur très puissant? Quand donc les Israelites ont-ils été plus heureux que sous le règne du grand Salomon?.

  A023001505 

 La sixième proposition est de Luther (nous parlons indifféremment de Luther et de Calvin, parce que nous ne croyons pas que leur enseignement soit fort dissemblable): «Aucun état n'est heureusement administré par des lois.» Et lorsque nos docteurs [232] catholiques eurent tiré cette proposition des assertions de Luther et la lui eurent opposée comme une très absurde erreur, lui, non seulement ne la nia pas, mais l'affirma expressément et en donna la raison par ces paroles: «C'est là un fait d'expérience.» Quelle expérience, ô Luther? As-tu connu, peut-être, de tes yeux, par ouï dire, ou par tes lectures, un état monarchique, aristocratique ou démocratique, qui ne soit régi et dirigé par des lois? Es-tu par hasard meilleur politique et plus prudent que le Dieu très bon et très grand, ou mieux exercé dans l'art d'administrer heureusement un état? Or, à son peuple d'Israël, Dieu a proposé et ordonné des lois à observer, non seulement morales et cérémonielles, mais aussi politiques et judiciaires.

  A023001512 

 Est-ce que jamais la République chrétienne a été plus heureusement administrée que sous Constantin, Théodose l'ancien, Honorius, Théodose le jeune, Justinien, Charlemagne, Louis, nos Amédée [de Savoie.] tous empereurs, rois et princes très pieux? C'est pourquoi, comme il convenait à un si grand Prophète de Dieu, Isaïe a dit, en parlant du Christ et de l'Eglise: La nation et le royaume qui ne te servira pas, périra.

  A023001512 

 Et si le Christ po rte écrit sur sa cuisse: Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce n'est pas pour autre chose que pour apprendre aux rois qu'ils ne peuvent régner d'une manière plus heureuse et meilleure qu'en étant fidèles au Christ, à l'Evangile et à la piété, car le Christ est la Sagesse qui dit dans les Proverbes: C'est par moi que règnent les rois.

  A023001517 

 Il avertit, en effet, au [236] texte cité, que tous les tyrans et princes sont de puissants chasseurs, poursuivant, non les bêtes, mais les hommes, et il ajoute: «Plus tard ce fut le titre général de tous les tyrans et princes.».

  A023001519 

 Aujourd'hui, en effet, presque personne dans le monde ne se fait hérétique; seuls à le devenir sont ceux qui naissent parmi les hérétiques [237] et d'hérétiques, et qui n'ont jamais entendu parler de notre religion catholique, sinon par des calomniateurs; ou encore, ceux qui désirent plutôt abandonner l'état monastique ou sacerdotal que la religion elle-même, pour chercher parmi les hérétiques l'impunité des crimes qui les ont rendus infâmes parmi nous; ou bien pour obtenir une plus large commodité de se livrer à la luxure et à la débauche, commodité qu'ils «appellent liberté de conscience; ou enfin, ceux qui sont empêchés de revenir à nous pour des motifs d'utilité ou même de fausse honte, plutôt que pour des raisons tirées de la science ou de la conscience.

  A023001521 

 Combien n'avez-vous pas d'exemples de ceux qui avaient été des vôtres, et parmi les plus illustres, et qui, après être retournés à l'Eglise de Dieu, se sentaient seulement couverts de confusion d'avoir fait trop tard ce qu'ils auraient dû faire plus tôt! Vous ne niez pas que cette Eglise, dont vous vous dites les réformateurs, est à la fois la nôtre et l'Eglise Romaine; vous avouez donc que c'est la vraie.

  A023001521 

 La pénitence [239] ne sera jamais trop tardive, si elle est vraie; mais, elle sera plus digne de louanges, croyez-moi, et plus sûre, si elle est moins tardive.

  A023001521 

 Qui croira jamais que vous avez été d'assez grands jurisconsultes pour pénétrer tous les textes les plus obscurs et les plus cachés de Papinien, et que cependant vous, même avertis et éclairés par tant de livres de nos théologiens, vous n'avez pas su percer à jour leurs inepties si sottes et puériles, si éloignées du sens commun? Revenez, je vous en prie, à l'Eglise de Dieu qui vous a reçus avec bonté à votre naissance dans le bain de la régénération, et qui, pour vous recevoir de nouveau, toute vénérable par ses soupirs et ses larmes, va au-devant de votre conversion.

  A023001521 

 Si donc vous en créez une nouvelle, confessez qu'elle est fausse; si vous conservez la nôtre, c'est donc de la nôtre que Paul a dit qu'elle est la colonne de vérité, en union avec laquelle, par conséquent, vous ne pouvez pas plus errer que demeurer dans la vérité en vous en éloignant.

  A023001583 

 Et affin de tellement declairer la presence de ce cors sacré au tressaint Sacrement que nul ne puisse plus douter comme les Catholiques la croyent, je dis et asseure: que le vray cors reel, substantiel, naturel de Jesus Christ, c'est a dire le mesme cors qui fut formé au ventre de la Vierge et de son tres pur sang, le mesme cors qui fut attaché en la croix et mis dans le sepulchre, le mesme cors qui fut resuscité, qui fut touché par saint Thomas, qui fut eslevé au Ciel et qui y est maintenant, lequel saint Estienne vid, ce mesme cors, dis-je, est vrayement, reellement et substantiellement present en ce divin Sacrement de l'Eucharistie..

  A023001584 

 La sacree parole de Jesus Christ nous en asseure en saint Jean, 6; en saint Mathieu, 26; en saint Marc, 14; en saint Luc, 22; en la I. aux Corinth. XI, ou les paroles sont claires plus que le soleil du mydi, pour cette verité..

  A023001608 

 Vostre plus humble et affectionné cousin et serviteur,.

  A023001614 

 Toutesfois, pour l'esperance du residu qui demeure encor sus pieds [252] par la grace, je vous supplies au nom de Nostre Seigneur, que l'on ne recule plus ceste conference; aultrement tout est perdu..

  A023001615 

 Je ne parle plus par cueur; mon apprehension n'est pas une terreur panique, vous en voyez les effects.

  A023001617 

 Plus humble et affectionné serviteur,.

  A023001631 

 [253] Vous ne pourres point accuser ceux qui se departiront de vostre doctrine, puis qu'au besoing vous ne les voules secourir lors quils vous declairent qu'ils n'ont plus que tenir..

  A023001632 

 Nous sommes arrivés au temps de la desolation, et semble que Dieu, par un juste jugement, ayt bandé les yeux aux plus entendus et frappe les voyans d'aveuglement.

  A023001638 

 Tu nous as, contre nos plus proches,.

  A023001651 

 Ceste union doibt estre recerchee plus soigneusement que nous ne faisons pas quand, au heu de nous approucher pour entrer en conference, nous reculions.

  A023001655 

 Pour vostre plus humble et affectionné serviteur,.

  A023001671 

 Max. suis benedictionibus adeo beavit, ut prius etiam quam in Episcopum eligeretur, ac sub Episcopi sui Claudii de Granier imperiis, ducatum Chablasiensem universum finitimasque provincias gladio verbi Dei subactas ad ovile Christi reduxerit, quae Bernensium dominationem et imperium antea expertae indeque sacrosanctae religionis Catholicae jacturam per annos plus minus sexaginta perpessae, vix unquam haeresim abjuraturae credebantur?.

  A023001695 

 Desirant que les ordonnances faittes au dernier Sinode (qui a esté le premier celebré sous Nostre charge) soyent soigneusement observees, Nous les avons fait imprimer, affin que la communication en estant plus aysee, vous ne pretendies cause d'ignorance, mays que, les ayans devant vos yeux, vous les prattiquies selon leur teneur qui s'ensuit..

  A023001699 

 IV. Tous curés enseigneront le Cathechisme de l'Illustrissime Cardinal Bellarmin les Dimanches et festes commandees, a l'heure qui sera jugee plus propre selon [264] la condition des lieux; et, pour cet effect, s'essayeront les jours ouvriers d'apprendre ledit Cathechisme aux petitz enfans, affin qu'ilz en puissent respondre..

  A023001706 

 Comme aussi la chasse qui se fait a course de chiens et avec l'arquebuse, de laquelle le port leur est totalement inhibé; et de plus, toutes autres chasses qui se trouveront defendues aux laicez mesmes, selon la diversité des lieux..

  A023001714 

 XIX. Les curés feront publier au Prosne par troys divers Dimanches que les recteurs ou fondateurs des chappelles qui sont en leurs parroisses, ayent dans un moys apres la derniere publication, a comparoistre par devant nostre Vicaire general pour l'instruire du service et moyen d'entretenir lesdites chappelles; a faute dequoy elles seront rasees, et le revenu qui se trouvera, appliqué au maistre autel de la parroisse ou a quelqu'autre, selon qu'il sera plus convenable..

  A023001716 

 XXI. Les curés feront au plus tost venir par devant eux les sages femmes de leurs parroisses pour les examiner de la forme et matiere du Baptesme, et, si elles l'ignorent, la leur apprendront, a ce qu'en cas d'extreme necessité elles puissent baptizer, avec la matiere, la forme et l'intention requises..

  A023001740 

 Il n'y aura que deux classes, l'une pour les petitz enfans et l'autre pour les plus avancés..

  A023001752 

 On enseignera autant de tems que le Prieur trouvera estre a propos, lequel prendra garde qu'un chacun fasse bien sa charge; et s'il n'est empesché de son office, assignera ceux qui devront disputer et respondre, choysissant tous-jours les mieux instruitz et plus capables..

  A023001754 

 Il les fera quelquefois arrester et leur demandera ce qu'il voudra, affin de les rendre par ce moyen plus prudens et plus attentifz.

  A023001758 

 Tous les moys une fois pour le moins, le Prieur envoyera quelqu'un des officiers ou maistres a la Congregation generale ou diocesaine, qui rapportera tout l'estat et les necessités de son eschole; comme pareillement toutes les escholes se visiteront les unes les autres par quelqu'un des leurs, affin qu'il se fasse une sincere et sainte communication de tous les fruitz et utilités spirituelles a la plus grande gloire de Dieu.

  A023001774 

 Si donques, par exemple, vous le voyes travaillé de honte et de vergogne, donnes luy asseurance et confiance, luy remonstrant que vous n'estes pas ange, non plus que luy; que vous ne trouves pas estrange que les hommes pechent; que la confession et penitence rend infiniment plus honnorable l'homme que le peché ne l'avoit rendu blasmé; que Dieu premierement, ni les confesseurs n'estiment pas les hommes selon qu'ilz ont esté par le passé, mais selon ce qu'ilz sont a present; que les pechés, en la confession, sont ensevelis devant Dieu et le confesseur, en sorte que jamais ilz ne soyent rememorés..

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001779 

 S'ilz s'accusent d'eux mesmes, quelques parolles deshonnestes qu'ilz prononcent, ne faittes nullement le delicat ni aucun semblant de les trouver estranges, jusques a ce que toute la confession soit achevee; et lhors, doucement et amiablement, vous leur enseigneres une façon plus honneste de s'exprimer en ces matieres la..

  A023001780 

 Si en ces pechés honteux ilz embrouillent leur accusation d'excuses, de pretextes et d'histoires, ayes patience et ne les troubles nullement, jusques a ce qu'ilz ayent tout dit; et lhors vous commenceres a les interroger sur ce peché pour leur faire faire plus parfaittement et distinctement la declaration de leurs fautes, leur monstrant amiablement et faysant connoistre les superfluités, impertinences et imperfections qu'ilz avoyent commis en s'excusant, palliant et desguisant leur accusation, sans toutesfois les tancer en aucune façon..

  A023001781 

 Si vous voyes qu'ilz ayent de la difficulté de s'accuser eux mesmes de ces pechés honteux, vous commenceres a les interroger des choses les plus legeres, comme d'avoir pris playsir d'ouyr parler de choses deshonnestes, d'en avoir eu des pensees; et ainsy, petit a petit, descendant de l'un a l'autre, a sçavoir, de l'ouye aux pensees et des pensees aux desirs, aux volontés, aux actions, a mesure qu'ilz se descouvriront, vous les ires encourageant a tousjours passer plus avant, leur disant parfois telles ou semblables paroles: Que vous estes heureux de vous bien confesser! croyes que Dieu vous fait une grande grace; je connois que le Saint Esprit vous touche au cœur pour vous faire faire une bonne confession.

  A023001782 

 Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames..

  A023001801 

 Non seulement on doit s'enquerir de l'espece du peché, mais aussi du nombre d'iceux, affin que le penitent s'en [285] accuse, disant combien de fois il a commis tel peché, ou environ plus ou moins, au plus pres qu'il pourra selon sa souvenance, ou au moins disant combien de tems il a perseveré en son peché et s'il y est fort addonné; car il y a bien de la difference entre celuy qui n'aura blasphemé qu'une fois, et celuy qui aura blasphemé cent fois, ou qui en fait mestier..

  A023001802 

 Il faut de plus examiner le penitent sur la diversité des degrés du peché.

  A023001804 

 Encor faut il penetrer plus avant et examiner le penitent touchant les desirs et volontés purement interieures, comme [286] seroit s'il a desiré ou voulu faire quelque vengeance, deshonnesteté ou semblable chose, car ces mauvaises affections sont pechés..

  A023001805 

 Il faut passer plus outre, et esplucher les mauvaises pensees, encor qu'elles n'ayent esté suivies de desir et de la volonté.

  A023001805 

 Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et n'est nullement loysible de prendre a son escient playsir et contentement au peché, ni par les actions du cors, ni par celles du cœur.

  A023001824 

 Mais quant aux usures, faux proces et autres semblables embrouillemens de conscience, il est besoin d'en ordonner les reparations avec une exquise prudence, de laquelle si le confesseur ne se trouve pas prouveu suffisamment, il doit doucement demander au penitent quelque loysir pour y penser; puys, s'addresser aux plus doctes, comme sont les deputés des quartiers, lesquelz, si le cas le merite, prendront Nostre advis, ou de nostre Vicaire general.

  A023001846 

 Et de plus, on doit absoudre celuy lequel, bien qu'il n'aye pas [292] demandé le prestre, le voyant neanmoins et l'escoutant, donne signe de vouloir l'absolution..

  A023001851 

 Et neanmoins, il ne faut pas oublier de faire connoistre au penitent que, selon la gravité de ses pechés, il meriteroit une plus forte penitence, affin qu'il face ce qu'on luy enjoint plus humblement et devotement..

  A023001851 

 Le confesseur doit imposer la penitence avec des parolles douces et consolatoires, sur tout quand il voit le pecheur bien repentant, et luy doit tousjours demander s'il le fera pas volontier; car en cas qu'il le vid en peyne, il feroit mieux de luy en donner une autre plus aysee, estant beaucoup meilleur, pour l'ordinaire, de traitter les penitens avec amour et benignité (sans toutesfois les flatter dans leurs pechés) que non pas de les traitter asprement.

  A023001852 

 Car il arrive deux inconveniens de cest amas d'actions ou d'oraysons: l'un, que le penitent s'en oublie, et plus, demeure en scrupule; l'autre, c'est qu'il pense plus a ce qu'il a a dire ou a faire que non pas a ce qu'il dit ou qu'il fait, et ce pendant qu'il va cherchant en sa memoire ce qu'il doit faire, ou dedans ses Heures ce qu'il doit dire, la devotion se refroidit.

  A023001853 

 Et pour le regard des conseilz que le confesseur doit donner au penitent en general, voyci les plus utiles a toutes sortes de personnes: se confesser et communier tres souvent et de choysir un bon confesseur ordinaire; hanter les sermons et predications; avoir et lire des bons livres de devotion, comme entre autres ceux de Grenade; fuir les mauvaises compaignies et suivre les bonnes; prier Dieu bien souvent; faire l'examen de conscience le soir; penser a la mort, au jugement, au Paradis, a l'enfer; avoir et bayser souvent de saintes images, comme de Crucifix et autres..

  A023001859 

 Apres cela, vous luy pouves faire sçavoir que la sentence de son absolution que vous prononceres en terre, sera advoüee et ratifiee au Ciel; que les Anges et les Saintz de Paradis se resjouiront de le voir revenu en la grace de Dieu; et que partant il vive des-ormais en sorte qu'a l'heure de la mort il puisse jouïr du fruict de ceste confession, et puisqu'il a lavé sa conscience au sang de l'Aigneau immaculé, JESUS CHRIST, il prenne garde de ne la plus souiller.

  A023001866 

 Prenes garde sur tout de ne pas user de parolles trop rudes a l'endroit des penitens; car nous sommes quelques-fois si austeres en nos corrections que nous nous monstrons en effect plus blasmables que ceux que nous reprenons ne sont coulpables.

  A023001882 

 Premieremént, si elles se portent plus au sens le moins receu de l'Escriture qu'a celuy qui, pour estre le plus commun, est le moins dangereux, parée que l'Escriture Sainte est la regle des conduittes de Dieu sur les ames..

  A023001884 

 Le parfait, qui est un oyseau plus rare en ce siecle que le phœnix en l'Arabie, non seulement attend les affrontz, les persecutions et les calomnies, mais mesme va au devant sans temerité, et y court comme au festin des noces, jugeant encor qu'il est indigne d'avoir des livrees qui le font prendre pour un serviteur de la mayson de Dieu..

  A023001885 

 C'est encor une marque de l'Esprit de Dieu, d'estre doux et misericordieux a son prochain, lhors mesme qu'il est plus proche de tomber sous la rigueur de sa justice, de peur de l'ensevelir sous ses ruynes.

  A023001887 

 Examines encor si ces personnes se perdent en leur propre estime en relevant leurs graces et leurs propres dons, [300] et lesquelz au contraire traittent avec mespris ou tiennent pour suspectes les faveurs que Dieu depart aux autres; car la marque la plus asseuree de la sainteté c'est quand elle est fondee sur une vraye et profonde humilité et une ardente charité.

  A023001889 

 Voyes aussi si le rapport que l'on fait a ces personnes de l'infirmité d'autruy leur donne plus de mouvement d'indignation et d'horreur que de compassion et de pitié de leur misere; parce que c'est un faux zele de s'escrier contre le vice de son frere, d'en descouvrir les defautz sans necessité et contre la charité.

  A023001890 

 De plus, examines si, lhors qu'on parle de Dieu, ces personnes s'esgarent en des termes affectés, voulant faire voir que leur feu ne peut demeurer sous la cendre et que, par ceste estincelle, on pourra descouvrir les brasiers qui sont en leur interieur..

  A023001891 

 Au contraire, l'esprit de superbe donne de l'asseurance, et rend ceux qu'il veut tromper fiers, opiniastres et fort resoluz, et leur fait tellement aymer leur mal, qu'ilz ne craignent rien a l'esgal de leur guerison, leur persuadant que ceux qui leur parlent portent plus d'envie a leur bonheur que d'affection a leur salut.

  A023001893 

 Saint Jean Chrisostome dit qu'a la verité Dieu fit entendre aux Hebreux ses commandemens avec de grans effroys et plusieurs bruitz de tonnerres, mays il le failloit pour espouvanter des gens qui ne se fussent pas rendus a composition que par crainte; et que, d'autre part, nostre Seigneur vint doucement a ses Apostres, qui estoyent plus dociles et moins ignorans des misteres divins.

  A023001899 

 Je vous puis dire avec verité qu'il n'y a pas grande difference entre l'ignorance et la malice; quoy que l'ignorance soit plus a craindre, si vous consideres qu'elle n'offence pas seulement soy mesme, mais passe jusques au mespris de l'estat ecclesiastique..

  A023001900 

 C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti.

  A023001900 

 Pour cela, mes tres chers Freres, je vous conjure de vaquer serieusement a l'estude, car la science, a un prestre, c'est le huitiesme Sacrement de la hierarchie de l'Eglise, [303] et son plus grand malheur est arrivé de ce que l'Arche s'est trouvee en d'autres mains que celles des Levites.

  A023001900 

 Pour cela, pressés des heretiques, mays plus sensiblement oppressés de ceux qui ne sont nos freres qu'en apparence, ilz souffrirent et souffrent encor des persecutions qui sont toutes venues de Geneve; mays leur courage infatigable, leur zele sans apprehension, leur charité, leur profonde doctrine et l'exemple de leur sainte et religieuse vie, les a, par revelation de leur saint Fondateur, asseurés que ces violences dureroyent un siecle, apres lequel ilz seroyent triomphans de l'erreur et des heretiques.

  A023001918 

 Ayant reconneu qu'il y a plusieurs chappelles de peu de revenu et chargees par la fondation de grand service, auquel les recteurs ne peuvent pas satisfaire, Nous avons ordonné que le recteur d'une chappelle qui n'aura, pour exemple, que dix florins de revenu, ne sera obligé de dire que vingt Messes par an, a rayson de six solz pour Messe, et ainsy des autres; n'entendant pas, toutesfois, d'obliger ceux qui possedent des chappelles de bon revenu a plus de service qu'elles ne se treuvent chargees par leur fondation..

  A023001943 

 In Ecclesia Gebennensi, quae Beati Petri a vinculis liberati miraculo ac nomine dedicata est, sunt triginta Canonici, Praeposito qui dignitatem habet majorem, ac Cantore et Sacrista, quae officia perpetuo existunt, inclusis; quorum singuh unam praebendam aequalem omnino percipiunt, ita ut Praepositus nihilo plus caeteris excipiat.

  A023001971 

 Il a eu pour prédécesseur Claude de Granier, Prélat digne d'une mémoire éternelle, qui chaque année, selon les décrets ecclésiastiques, réunissait le Synode; qui, d'après la prescription du Concile de Trente, élevait aux charges curiales ceux qu'un examen avait désignés comme les plus dignes; qui presque à chaque Quatre-Temps faisait les Ordinations, et qui avait soin de faire réciter l'Office selon l'usage romain.

  A023001971 

 Son successeur, bien qu'indigne, tâche de suivre le plus possible ses traces.

  A023001975 

 Chacun des chanoines reçoit une prébende qui est absolument égale pour tous, en sorte que le Prévôt ne touche rien de plus que les autres.

  A023002041 

 Il n'y a point de diocèse dans le monde chrétien qui ait plus besoin d'un Séminaire de clercs que celui de Genève.

  A023002041 

 Quant aux abbayes ou prieurés, bien que riches, on ne peut rien en toucher du tout, parce que ceux qui les tiennent les tiennent bien, et que le plus souvent ces bénéfices sont rendus exsangues par suite des diverses pensions qui leur sont imposées.

  A023002049 

 Chez tous les autres l'argent s'est changé en scorie et le vin a été mêlé d'eau, bien plus, s'est transformé en venin.

  A023002050 

 Le premier remède est très facile; le troisième est très utile et, vu les besoins de cette province, serait excellent pour procurer la plus grande gloire de Dieu; le second est très difficile et très incertain, car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002060 

 Le diocèse de Genève est situé au milieu de très hautes montagnes, dont cependant les sommets et les escarpements sont semés le plus souvent de villages renfermant des familles très nombreuses.

  A023002061 

 Mais aujourd'hui, que généralement, comme cela a été dit plus haut, leurs successeurs n'ont conservé du moine que l'habit, ces pauvres habitants des montagnes crient comme des troupeaux sans pâturages: Pourquoi donc ces gens-là se nourrissent-ils de notre lait s'habillent-ils de notre laine, et ne paissent notre troupeau ni par eux ni par d'autres? Et ce qu'ils disent paraît juste..

  A023002062 

 Dès que j'arrivai, tout le [330] monde, hommes et femmes, du premier au dernier du pays, de s'écrier: Comment se fait-il que nous respections tous les droits ecclésiastiques, que nous payions les dîmes et les prémices, et qu'aucun curé ne nous soit accordé, mais que nous soyons au contraire comme des béliers qui ne trouvent pas de pâturages? Tout, en effet, était touché par l'Abbé le plus voisin..

  A023002062 

 J'ai vu de mes yeux et visité une église paroissiale située sur [329] une très haute montagne, où personne ne peut arriver qu'en grimpant des pieds et des mains, et distante de l'église la plus voisine de six milles italiens.

  A023002068 

 Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).].

  A023002113 

 Repas dus, aux fêtes plus solennelles, à tous les chanoines qui servent à l'autel l'Evêque officiant, florins...............................100.

  A023002119 

 Cependant, il faut de nouveau noter que si, par suite d'un hiver ou d'un été excessif, d'une tempête ou d'une peste, les champs ont à souffrir ou restent incultes, les revenus de l'Evêque diminuent bien, mais nullement ses charges, lesquelles alors surtout augmentent plutôt, à moins qu'il ne veuille être plus cruel que l'autruche dans le désert.

  A023002122 

 Si dorénavant on enlève à celui qui est dépourvu même ce qu'il a, non seulement l'administration publique ecclésiastique sera conservée plus difficilement dans ce diocèse, mais elle se verra forcée à tomber tout à fait, à moins que Dieu ne daigne de nouveau accorder sa manne céleste à ceux qui manqueront de la farine d'Egypte..

  A023002131 

 A quoy vous les convierés et exhorteres le plus quil vous sera possible, au nom de Nostre Seigneur, duquel je vous souhaite la sainte benediction..

  A023002190 

 Que le malheur de cest aage a tellement perverti la conscience de plusieurs que, destournant l'usage du secours de la justice a une inique et maligne production de proces, se ruinant eux mesmes ilz font miserablement consumer, par toutes sortes de procedeures, contentions et chicaneries, les personnes, moyens et loysir des gens d'Eglise qui estoyent destinés au service de Dieu et des ames, au grand prejudice du bien publiq et de l'intention de ceux qui, anciennement, ont fait les fondations pieuses; entre lesquelles, [345] comme les devanciers de Vostre Altesse tiennent en toute sorte le premier rang, aussi semble il qu'Elle ayt plus d'interest a la maintenance et conservation d'icelles..

  A023002191 

 C'est pourquoy les susditz ecclesiastiques la supplient? tres humblement de les relever de tant d'ennuis par une favorable, mais tres juste et tres equitable declaration, suyvant les Articles ci jointz, affin qu'avec plus de tranquillité ilz puissent s'acquitter de leurs devoirs spirituelz envers Dieu et le peuple; continuant d'implorer la souveraine bonté de Dieu pour la prosperité et benediction de la couronne de Vostre Altesse, laquelle ne les obligera pas moins en la grace qu'Elle leur fera de les rendre paysibles en la jouissance de leurs revenuz, que ses Serenissimes praedecesseurs ont fait leur en donnant les droitz et tiltres..

  A023002209 

 D'autant qu'en plusieurs lieux et presque par tout il se treuve [347] grande diversité de quotes de la disme en la mesme dismerie, sans qu'il y ayt autre rayson que de la diversité des humeurs, du pouvoir et de la conscience des personnes, les plus riches et moins conscientieux amoindrissant tous-jours la quote, appuyés sur les commodités qu'ilz ont de donner delay et duree aux proces; au moyen dequoy les ecclesiastiques n'ont aucune certitude de leur revenu, d'autant que les dittes dismes leur sont differenciees, non seulement par regions, mais voire aussi par particulieres prestations en chacune d'icelles, au moyen de quoy lesditz ecclesiastiques les vont petit a petit perdant par la continuelle mutation de la quote: playse a Son Altesse ordonner qu'en chacune dismerie la disme se payera a mesme quote et la plus commune d'icelle dismerie, et uniformement par tous, sinon que les particuliers refusans fussent munis de tiltres suffisans au contraire..

  A023002245 

 Bien plus: par le fait même que les ennemis de l'Eglise, avec des efforts plus violents et une excessive audace, ont tourné leurs attaques contre le nombre, la dignité et les cérémonies des Sacrements, tous les Evêques d'abord, réunis au très auguste Concile de Trente, puis la plupart d'entre eux séparément dans leurs provinces, avec une ardeur toujours croissante, ont lutté avec d'autant plus d'énergie et de fermeté en faveur de leur nombre sacré de sept, de [351] la religieuse solennité de leurs rites et de la sainteté qui appartient à tout ce qui les touche..

  A023002246 

 Parmi eux, et au nombre de Nos prédécesseurs, Nous rappelons l'illustre Ange Giustiniani, homme d'une doctrine et d'un talent incomparables, qui, au retour du Concile, où il intervint, dépensa les plus grands efforts dans ce sens.

  A023002246 

 Quoique, en effet, parmi nos populations, personne ne professât ouvertement l'hérésie, quelques-uns toutefois ne jugeaient pas le crime d'hérésie aussi exécrable qu'il l'est en réalité: hommes non pas froids à l'égard de la foi, il est vrai, mais sans doute non plus bien chauds.

  A023002247 

 C'est lui qui, le premier dans nos provinces françaises, adopta la coutume, on ne peut plus utile et sainte, et prescrite par le même Concile, de conférer les églises paroissiales au concours: il donna ainsi l'exemple aux autres Evêques, afin que, comme il avait fait, ils fissent aussi eux-mêmes.

  A023002250 

 Vous aviez déjà à part ce formulaire édité par ordre de Notre Révérendissime Prédécesseur; maintenant, vous le trouverez ici revu et corrigé des erreurs qui s'y étaient glissées, afin que le présent volume réunissant tout ce qui touche à votre ministère, vous l'ayez ainsi plus facilement sous les yeux..

  A023002386 

 L'adoration de ce Sacrement étant, par une insigne perfidie, un objet de moquerie de la part des hérétiques, il convient que, surtout dans ce diocèse, on l'honore avec la plus grande dévotion possible..

  A023002392 

 Et c'est pour, en icelle, celebrer le tressaint Sacrifice de la Messe, auquel nostre Sauveur, par les mains des prestres, s'offre et presente reellement, sous les especes de pain et de vin, a Dieu son Pere eternel, pour hostie et offrande vivante, en remembrance et commemoration de sa Mort et Passion; affin que, par ce divin Sacrifice, nous fassions hommage, reconnoissance et action de graces a Dieu nostre Createur de tous nos biens et personnes, et qu'en vertu d'iceluy nos prieres soyent encor plus aggreables devant le throsne de sa divine Bonté..

  A023002392 

 Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu exauce [365] toutes les prieres qui luy sont devotement presentees au nom de Jesus Christ son Filz, toutesfois il s'est reservé des lieux et des jours esquelz il veut estre plus particulierement servi et invoqué; comme aussi en iceux il reçoit plus favorablement nos requestes.

  A023002403 

 De plus, Nostre Seigneur reputant estre fait a soy ce qui est fait au moindre des siens, nous prierons pour tous les pauvres affligés et necessiteux, pour les vefves, orphelins, malades, prisonniers, pelerins, et generalement pour tous ceux qui sont en tribulation et adversité, affin qu'il playse au Pere des misericordes et de toutes consolations de les assister de son Saint Esprit, affin que, recevans leur affliction en humilité, ilz puissent posseder leurs ames en patience..

  A023002408 

 Nous prierons aussi pour tel N., ou telle N., de cette parroisse, lequel estant touché d'une griefve maladie se recommande a vostre charité, a ce qu'il playse a Dieu luy envoyer ce qu'il sçait luy estre plus prouffitable a son salut.

  A023002411 

 Or, affin que nos requestes soyent plus aggreables au Pere eternel, nous les luy presenterons selon la forme que Nostre Seigneur son Filz nous a monstree en l'Orayson dominicale, laquelle nous reciterons maintenant, tant pour nous en resouvenir que pour commencer nos prieres par icelle..

  A023002418 

 De plus, parce que non seulement nos prieres, mais aussi toutes nos actions doivent estre fondees en la vraye foy, sans laquelle, comme dit l'Escriture, il est impossible de plaire a Dieu, nous ferons generale protestation de vouloir vivre et mourir en la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, par le recit du Symbole des Apostres, disans:.

  A023002431 

 S'il y a des festes ou vigiles on pourra dire: Obeyssans donq ausditz Commandemens, vous jeusneres tel ou tel jour, et vous observeres la feste de N. tel ou tel jour, vous abstenans de toute œuvre servile, pour vacquer au service de Dieu ne plus ne moins que le jour de Dimanche ou de Noël (selon la feste)..

  A023002454 

 Le Sacrement de Mariage estant de si grande importance a l'Eglise et republique chrestienne, affin que desormais il soit celebré plus convenablement et saintement, nostre Mere la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine a declairé nulz et de nul effect tous mariages qui se font sans la presence de l'Evesque ou du Curé, ou de quelqu'un deputé de la part de l'Evesque ou de la part du Curé, et sans l'assistence de deux tesmoins.

  A023002466 

 Et parce que ce saint tems est sayson de la cueillette spirituelle des bonnes œuvres, on vous exhorte au nom de Dieu de vacquer plus soigneusement a prieres, aumosnes et penitences, en vous preparant de faire la sainte Confession et Communion de Pasques, a la gloire de Dieu et salut de vos ames..

  A023002662 

 Ce que les chanoines séculiers touchent par des distributions journalières, eux ont coutume de le toucher par des prébendes, et, après les avoir touchées, ils assistent aux Offices quand cela leur plaît; s'ils n'y assistent pas, ils n'en sont pas plus pauvres.

  A023002662 

 Pourquoi donc ne sont-ils pas transformés en chanoines séculiers, bien plus utiles à la république chrétienne? D'autant plus qu'il y a ici en Savoie une multitude de gens nobles, sans revenus suffisants, dont les fils, parmi ceux qui suivent la profession ecclésiastique, pourraient de cette manière être commodément pourvus.

  A023002668 

 Je ne vois aucun antre moyen de les réformer, sinon de les établir dans les villes et de les soumettre à d'autres Supérieure, qui s'occupent plus sérieusement du soin de leurs âmes..

  A023002729 

 Pour remedier, aultant que Nous pouvons, aux grands scandales que plusieurs ecclesiastiques donnent au peuple chrestien par la frequentation des tavernes, mesprisants les deffences auparavant faictes, Nous les renouvelions soubz plus grande peine, asçavoir, d'excommunication ipso facto incurrendae et reservee a Nous; laquelle encourront tous ecclesiastiques qui, dans l'enclos de leurs parroisses et lieux de leur sejour, boiront et mangeront en taverne, saufz es cas de nopces, baptesme, funerailles et Confrairies seulement; dont Nous n'exceptons aucunement les fiançailles, ni anniversaires, ni mises de dismes, ni appointements, ni aultre pretexte quel quil soit..

  A023002753 

 La modestie de l'ornement corporel sera tellement recommandee aux ecclesiastiques, que l'on ne les verra plus porter les moustaches longues, ni les petradilles ou rotondes, mais feront voir en eux grande moderation en touttes sortes d'habits..

  A023002812 

 Mais le [plus haut] point est a vouloir sçavoir pour estre edifié, car c'est la le cabinet de la vraye science..

  A023002833 

 Plus est inhibé a tous curés et exorcistes de ne exorciser aucune femme sans Nostre permission, ou de nostre Vicaire, dans leur cure, sinon publiquement dans l'eglise, ni les tenir dans leur cure; pareillement, ne fere aucune peregrination avec lesdictes femmes: a peyne de vingt cinq livres et autre peyne arbitraire..

  A023002837 

 Et par ce quil Nous est venu a notice que, en plusieurs endroictz et parroches de ceste diocese, la coustume est que ensepvelissant les [404] decedés, de mettre ung linceul sus les corps d'iceulz et de se servir d'un linceul honneste, lequel les curés ne perçoipvent, mais appartient [aux héritiers]: affin que l'honneur deubt et service soit faict avec la decence requise, a esté ordonné quil ne sera plus exigé par cy apres pour ledict linceul sinon six florins, et pour le couvre-chief accoustumé mettre sus les petitz enfans, deux florins seulement..

  A023002839 

 Et dautant quil y a des chappelles ausquelles les recteurs sont chargés de celebration de Messes plus que le revenu ne peut porter, l'on a reduict icelles Messes a six solz, et que a concurrence dudict revenu et proportion elles seront celebrees..

  A023002840 

 Et comme Nous avons heu des plaintes et veu des proces sur l'excessive exaction qu'aucuns curés font de luminaire qui se faict en la sepulture des decedés et durant l'annee du dueil: a quoy desirant obvier, a esté dict quil ne sera loisible a qui que ce soit d'user es eglises que de cire pure, et que pour chasque livre de ladicte cire pure fournye par les curés, ne sera permis de demander et se fere paier plus haut que de cinq florins, poidz de ceste ville d'Annessy, lequel sera pesé au commencement et a la fin du dueil..

  A023002841 

 Plus a esté ordonné que le luminaire qui sera mis en faisant les funerailles et Office, ledict Office achevé et cessé, appertiendra au curé.

  A023002842 

 Plus a esté ordonné que la feste de sainct Pierre ad vincula, avec l'octave, seront celebrees par toute la diocese; ensemble, le jour de la Dedicasse le jour qu'elle tombera, qu'est le huictiesme d'octobre..

  A023002853 

 Plus a esté conclud, ordonné et arresté, par l'advis de mondict Seigneur et sondict Clergé, que dores en avant il sera permis a tous de pouvoir user de beurre en temps de Caresme, en conferant l'aulmone aux pauvres, telle que sera ordonné, ou d'assister a une procession [en compensation]; en consideration que, en ce pais, ny a ny huille d'olive ny de noix des environ trois ou quattre annees..

  A023002872 

 Comme aussi pour les Messes et aulmones qui se font par les parroches pour la boyte de touttes ames et trespassés, que les curés exigent plus exactement quilz ne doibvent: a esté dict, que les Survelliantz se transpourteront par les parroches dependant de leur surveillance, pour avoir instruction des coustumes observees en icelles, pour, icelles instructions veues et rapportees par devers Nous, estre donné tel ordre et reiglement que verrons estre expedient et de raison..

  A023002873 

 Plus a esté dict et ordonné que aucun Monitoire apostillé ne sera publié par aucun curé; lesquelz Monitoires les impetrantz d'iceulx seront tenus aporter au paravant la Messe: autrement, la publication sera diferee au prochain Dimenche par ledict curé, auquel est inhibé que pour la publication d'iceulx, ny pour autres offices pastoraulx quelz qu'ils soyent, ilz n'en prennent aucune chose, sinon que ilz fussent requis se transporter par les maisons..

  A023002901 

 Sur la plaincte a Nous faicte que aucuns curés prennent argent pour publier mariages et Monitoires, des a present il est inhibé a tous curés que, pour publication de mariages ou Monitoire, il n'en soit prins aucun argent; a peyne de vingt cinq livres et autre plus grande, sil y eschoit..

  A023002904 

 Lesquelz cafés tascheront de n'imposer aux penitentz penitences confuse», mais specifiques ( sic ) et tendantz a douceur plus tost qu'a rigueur.

  A023002922 

 Plus, tous curés seront tenus de enseigner le Cathechisme.

  A023002923 

 Plus, d'achepter les Tables des Cas de conscience.

  A023003010 

 Plus, a esté dict et ordonné que les festes commandees par le Rituel seront celebrees; et quant aux festes de devotion, l'on pourra travallier, et ne sera loisible adjouster condition.

  A023003022 

 Plus, que les flambeaux que seront donnés pour les funerallies des decedés, les heretiers d'iceulx s'en pourront servir pendant l'annee du dueil aux services; laquelle passee, appertiendront a l'eglise en laquelle le corps est enterré, sauf ceux qui sont donnés aux eglises qui accompagnent le corps..

  A023003023 

 Plus, que tous curés viendront querir les sainctz Huilles touttes les annees et les viendront prendre vers les distributeurs accoustumés (ausquelz seront tenus paier quattre solz pour leurs despenses), qui registreront les noms de ceulx qui en seront [pourvus] et les remettront] par devers Nostre greffe dans l'octave de Pentecoste..

  A023003024 

 Plus, que tous distributeurs qui pretendent d'avoir droict de distribuer les dictes Huilles feront apparoir de leurs droictz dans quinzaine; autrement sera sur ce proveu.

  A023003027 

 Plus, que le Praune sera faict selon la forme prescripte par Nostre antecesseur..

  A023003028 

 Plus, que les osties des communions seront consumees de trois septmaines en trois septmaines..

  A023003029 

 Plus, que tous curés maintiendront leur autel decemment..

  A023003030 

 Plus, que tous venants aux Ordres, et mesmes ceulx qui seront desja subdiacres, [y viendront] en habits decents et convenables a leur qualité; lesquels seront tenus d'apprendre leur chant, autrement ne seront receuz..

  A023003040 

 Veu les Requeste et Articles cy attachés, a Nous presentés de la part du Clergé de Savoye, et le tout bien consideré, attendu le faict dont il s'agit; de Nostre certaine science et avec l'advis de Nostre Conseil, vous mandons et ordonnons par ces presentes, que, le tout bien et deuement consideré, ayes a pourvoir sur les fins et conclusions desdicts articles le plus promptement que faire se pourra, ainsy et comme verres estre a faire par rayson et justice, vous donnant de ce faire plein pouvoir, authorité, mandement et commission: car tel est Nostre vouloir..


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000286 

 En dernier lieu viendra Notre Eglise cathédrale, au milieu de laquelle Nous-même, Dieu aidant, porterons le très auguste et redoutable Sacrement dans le plus grand apparat et la plus grande magnificence qu'il sera possible.

  A024000312 

 Lequel sieur Doien a dict quil n'avoit poinct plus particuliere instruction de mondict Seigneur de Vienne que ce quil a dict, remettant le surplus a la lettre..

  A024000316 

 Et de vostre Eglise faisant aller leur plainte jusques au Pape Gregoire treiziesme, il commanda au sieur Cardinal de de fere une lettre au Sieur Justinian, tesmogniant le degoust qu'avoit heu Sa Saincteté de telle procedure, avec inhibition de plus y revenir et commandement de maintenir son Eglise en son autorité et preeminence: chose qui ne peut estre ignoré par lesdictz seignieurs Doien et Chanoennes, veu que le tout leur a esté communiqué au proces.

  A024000322 

 « De plus, ilz sçavent tropt mieulz que vostre Eglise n'occupoit poinct le cueur, s'estant reduictz les Chanoennes d'icelle en une chappelle a cousté dudict cueur, ny ayant occupé que le sancta sanctorum par vous, Monseigneur, et ceulx qui vous servoient a l'autel.

  A024000323 

 « Et beaucoupt plus en ce quil a dict que vostre Eglise faisoit difficulté de chanter avec eulx; par ce que vous sçaves, Monseigneur, que tant s'en faut que l'on leur fasse telles difficultés es eglises quilz servent, que mesme, quand ilz sont convocqués en vostre Eglise, vousdictz Chanoennes les prient ordinairement de chanter avec eulx: notamment aux Synodes, ou vostre Eglise doibt paroir, et son autorité, plus qu'en poinct d'autre acte, elle permet ausdictz sieurs Chanoennes, voire les en prie, de chanter avec eulx et psalmodier alternativement.

  A024000325 

 Et de plus requerons que lesdictz sieurs Doien et Chanoennes et Chappitre ayent a declerer s'ilz ont demandé la declaration pourté par ladicte lettre, et faict instruire au pres de mondict Seigneur l'Archevesque de Vienne aux fins quil commanda telle (sic) meslange de corps en ladicte procession.

  A024000350 

 Sur le different et proces meu et pendant indecis par devant le Conseil de Genevois entre les venerables Dames Prieure et Religieuses de la Chartreuse de Melan demanderesses, en possession et jouissance, seu quasi, de prendre et percevoir de tout temps certain disme et nouveletz riere la paroisse de Samoen, comme plus amplement [18] est contenu en leur requeste fondamentale et lettres dudict Conseil, du 23 juin 1606; comparant pour icelles venerable Pere Anthoine Curtet, Chartreux et procureur de ladicte Maison de Melan, assisté de M e Jean Greyffié, procureur audict Conseil et leur procureur, et les R ds sieurs Doyen, Chanoines, Chapitre et Curé de Samoen, defendeurs, comparant pour eux M re François Cornu, Doyen de Samoen:.

  A024000355 

 Et neanmoins, ayant aucunement esgard que les nouveletz pour lesquelz le present proces a esté intenté sont de fort peu de revenu, et [que] pour regard d'iceux ne pourroit estre deub que quatre ou cinq quartz au plus d'avoine: nous trouverions bon et raisonnable que lesdictes Dames [19] demanderesses s'emploiassent envers le R. P. General des Chartreux pour obtenir de luy declaration en bonne forme que lesdictz nouveletz contentieux demeurassent acquis audict sieur Curé et a ses successeurs, affin de donner tesmoignage du desir quil a de contribuer quelque chose a l'erection et amplification de l'eglise collegiale de Samoen; a la charge neanmoins que la dicte liberalité ne puisse par cy apres estre tiree a aucune consequence au prejudice de ladicte Maison de Melan, et sans que ledict sieur Curé ny ses successeurs puissent pretendre aucun droict ny disme aux nouveletz qui se feront cy apres riere toute ladicte dismerie (quand elle viendroit a tomber en friche en tout ou en partie, et a estre par apres defrichee et renouvelee), sinon dans les confins dudict quartier auquel lesdictes Dames ne sont costumieres que de prendre les deux tiers du disme.....

  A024000355 

 Le tout sans despens ny restitution des choses perceues d'une part et d'autre, et sans prejudice de plus amples droictz aux parties, si aucuns elles en ont au petitoire..

  A024000388 

 [22] Ceux qui, pour des fautes ou excès légers, auront été punis ou corrigés, ne pourront plus être molestés, en quelle manière que ce soit, par l'Ordinaire du lieu ou tout autre..

  A024000397 

 Premierement, que Nous avons esleu et institué le susnommé M re Philippe de Quoex du canonicat et præbende vacans, en vertu de l'alternative [accordée] par nos Saintz Peres aux Evesques et autres Ordinaires residens actuellement en leurs eglises; comme d'ores en avant Nous voulons, en acceptant laditte alternative, jouïr du benefice d'icelle, sauf neanmoins es mois de juin et de decembre, esquelz Nostre alternative auroit lieu si le droit d'eslire et instituer esditz mois n'appartenoit a Nostre dit Chapitre: esquelz mois de juin et de decembre Nous ne pretendons de prouvoir, non plus qu'es autres deux mois de mars et de septembre: advouant, reconnoissant et declairant par ces presentes que ledit droit d'eslire, nommer et instituer es canonicatz et præbendes de Nostre ditte Eglise, qui sont venus, viennent ou viendront a vacquer esditz quatre mois de mars, juin, septembre et decembre, appartient purement et solidairement au Chapitre d'icelle Nostre Eglise.

  A024000443 

 Comme la meilleure chose qui puisse arriver à l'homme est de chercher, pendant cette vie et pour les nombreux siècles à venir, les moyens les plus propres à s'assurer la vie éternelle: pour cette raison, et aussi poussé par le souvenir affectueux et reconnaissant de ses parents qui lui donnèrent la vie temporelle, [29] la noblesse de la race et une éducation distinguée, il a résolu (l'aide de Dieu venant appuyer ses saints efforts) de construire, moyennant Notre bon plaisir, en l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, surtout en mémoire du très saint Nom de JESUS, une chapelle contigue à l'église de Notre-Dame de Compassion dans la ville de Thonon.

  A024000469 

 Que noble et puissant Jean-Louis de Bonivard, chef de la garnison du Sérénissime Duc de Savoie au lieu appelé des Allinges, et [34] sa très chère épouse Anne de Mareschal, dite de Duyn, Nous ont exposé que dans l'église paroissiale des Allinges il y avait jadis une chapelle érigée sous le vocable de la Bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Claude, laquelle fut entièrement détruite et rasée par les Bernois et les Genevois, méchants hérétiques, qui envahirent le pays il y a soixante ans ou environ; tellement que l'on ne rencontre plus trace ni de la chapelle, ni de quelques revenus en dépendant, ni du possesseur du droit de patronage, bien que le recteur de l'église paroissiale ait fait les recherches suffisantes en lançant une monition trois dimanches de suite..

  A024000501 

 Sachant pertinemment que le vénérable M. Humbert Bochet, prêtre de Notre diocèse de Genève, [recteur] moderne de l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, a atteint la quatre-vingtième année de son âge, ou à peu près, en sorte que, par suite de cet âge avancé et de ses infirmités physiques, il ne peut plus faire les fonctions sacrées, administrer les Sacrements de l'Eglise et accomplir [39] les autres devoirs d'un vrai pasteur; sachant, en outre, que vous Nous êtes présenté, pour les causes susdites, comme coadjuteur dans l'administration et le gouvernement de ladite église, par le Révérend Etienne de la Combe, chanoine de l'Eglise de Genève, procureur de M. Bochet, en vertu de la procuration reçue par François Galmeris (?), notaire, le 3 de ce mois de novembre:.

  A024000503 

 Bien plus, ils doivent vous recevoir et admettre comme coadjuteur, ainsi établi et député par Nous, toute opposition et appellation cessant et ne pouvant porter préjudice..

  A024000523 

 Il estime devoir obtenir ce résultat plus facilement et plus heureusement, si l'esprit des fidèles est alléché par des Indulgences..

  A024000569 

 Bien plus, Nous avons remis et transporté la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix de septembre, à la fête de la [Nativité] de la Bienheureuse Marie, fixée au 8 septembre de [46] toute année, et Nous déclarons que les paroissiens de Saint-André de [Domancy], mandement de Sallanches, devront la célébrer ce jour-là, s'ils veulent éviter la peine contenue dans l'acte écrit ci-dessus..

  A024000593 

 Attendu que l'institution de la Confrairie du saint Rosaire tourne a la plus grande gloire de Dieu et porte de [48] grans fruitz de pieté au milieu du peuple qui Nous est confié, appreuvons de Nostre authorité celle qui a esté establie dans l'eglise de Sainte Marie du Petit Bornand par le R. P. François Sebastien de Maurienne, de l'Ordre de Saint François, des Capucins..

  A024000604 

 Et par ce que ladicte chappelle est sans ornements et mal propre, tant la voute que murallie, et encores le toict mal couvert, supplie de plus ledict M e Aubert Darand vous plaise, mondict Seigneur, luy decerner lettres pour saizir tous les revenus et arrerages dependants de ladicte chappelle, pour iceux estre appliquez tant au divin service que reparation decente, et, pour cest effect, commettre tel quil vous plaira pour iceux estre emploié selon quil est requis et supplié; et autrement, luy prouvoir comme de raison.

  A024000671 

 Dequoy le messager et questant faict quelque peu de difficulté, sur l'opinion de certains offrantz ordinaires et quelques particulliers, lesquels, plustost pour envie qu'aultre devotion, ne voudroyent observer lesdictes coustumes, nonobstant que la plus-part des bons parroissiens le veulent; qu'est cause d'un grand bruict et clameur dans ladicte esglise (chose malsonnante au peuple), voulant distribuer l'offrande a leur playsir, sans avoir esgard auxdictes coustumes que ledict questant voudroit plus particullierement observer qu'iceulx....

  A024000696 

 Apres Nous estre informé diligemment de tout ce qui en pourroit estre, tant des parroissiens dudit lieu qu'autres qui en pouvoyent sçavoir quelque chose, ayant treuvé le revenu de laditte cure ne pouvoir valoir par communes annees, pour consister en terrage, plus de dix huit couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et d'une sommee de vin, tous les dismes de laditte parrochialle tant du blé que du vin estans possedés et perceus par le sieur [58] Prieur de Bonneguette: Le tout meurement consideré, avons ordonné et ordonnons, qu'outre ce qui est du terrage de laditte cure, le sieur Curé present et ses successeurs en laditte cure prendront et percevront annuellement, sur les dismes de laditte parroisse appartenant audit seigneur Prieur de Bonneguette, la quantité de vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et quattre sommees de vin, mesme mesure; et c'est pour complement de la portion congrue demandee par ledit sieur Curé, et pour laquelle avoir il auroit tiré en instance ledit seigneur Prieur de Bonneguette..

  A024000719 

 Et pour le regard de la prise de l'annee mil six centz et huict et sequutives a l'advenir, avons dict et ordonné que le tout sera partagé en trois parties, la troisiesme partie desquelles avons unys (sic) et unissons a leurs dictes parrochiales [62] de Surjouz et Cra; et ce faisant, dict et ordonné qu'icelle troisiesme partie sera et appertiendra ausdictz Curés de Surjouz et Cra, chacun rierre sa parroche respectivement, pour toutte la portion congrue par eulz pretendue contre ledict seigneur chamarier de Nantua, sans aucuns despens entre lesdictes parties, et saufz ausdictz Curés de Surjouz et Cra de pouvoir poursuivre plus ample portion congrue contre tous autres ecclesiastiques ainsi et comme ilz verront a fere..

  A024000750 

 A quoy seroit esté replicqué par ledict sieur des Osches, present Curé dudict Sainct Jullien, que ledict messire Guilliaulme Coudurier dudict Feygieres, au contraire, avoit plus que pourtion congrue, puisque il avoit possedé ladicte cure de Feigieres par l'espace de huict annees sans avoir jamais demandé ladicte portion congrue ny le dixme quil demande a present, a feu M re Scipion Machet, jadis Curé dudict Sainct Jullien.

  A024000764 

 Supplient humblement les nobles François (sic) et Jaques de Vallon, freres, disantz que par diverses requestes ils auroient recouru a Vostre R me Seigneurie aux fins d'avoir une chapelle dans l'esglise de Samoen, pour y faire le service divin et y eriger ung banc pour prier Dieu; et ce, en contre eschange d'une quils en a voient, fondee par leurs predecesseurs, laquelle plus n'est leur, pour la place estre employee au bastiment du chœur....

  A024000815 

 Et a ce effect sera ipothequé expressement une piece de terre de bonne valleur, size illec pres, et dans laquelle ladicte chappelle est bastie au cuyng: sçavoir, de la valleur de cent ducattons pour une foys, delaquelle sera possedé les fruictz pour la securation annuelle desdictz quattre florins ou plus apperpetuitté; en consideration que lesdictz pere et filz et les leurs en demeureront presenteurs du prebstre ou recteur que fera ledict office, et en passeront acte de fondation par main de notaire, auctantique et vallable.

  A024000837 

 Nous permettons l'erection des oratoires requis pour, par apres, estre en iceux celebrees les Messes, ainsy que le sieur Curé de Vacheresse verra estre a faire; n'entendant qu'il soit obligé a la celebration d'icelles, ni a plus grande charge d'office pour l'erection desditz oratoires, esquelz se faysant des offrandes, appartiendront a iceluy Curé, ainsy que de droit..

  A024000874 

 Supplient humblement les habitantz du village de Macherine, parroesse de Dousard, disant qu'y ayant au pres de leur village, lieu dict au Crestet, une place ou, par tradition, ceux du lieu ont [79] tousjours entendu des plus vieulx qui le rapportoient aussy de leurs plus anciens, quil y avoit heu une esglise, mesmes quil y apparoissoit une grosse pierre qui estoit reputee avoir esté celle du grand autel; qu'en temps des Rogations la procession de Douzard y vient tousjours fayre une station, et en temps de contagion l'on y a ensevely ceulx que en sont mort (sic): sur ces considerations, ilz se sont mis en devoir d'y bastir une chappelle, en quoy faysant ilz ont treuvé les fondementz de la vieillie esglise, la separation du cœur et de la neufz (sic), ou il y avoit quattre fort grosses pierres mises deux a deux en esquarre et de distance comme pour l'entree au cœur, trouëes au dessus, ou estoient les fertz des treillies; et loin de la, a cousté, pres des fondementz, ont treuvé des charbons, apportés, comme est a croyre, pour allumer le feu ou s'en servir a l'encensoir.

  A024000875 

 Et a ces fins, ilz supplient vostre Rsse Seigneurie, quil luy playse commettre quelqu'un, tel quil luy playra, pour la benediction du lieu; et cependant, jusques a ce que vostre commodité soit d'aller fayre consecration de l'autel, ilz supplient leur permettre l'usage d'un portatil, ou aultrement leur prouvoir plus pertinemment..

  A024000951 

 De plus, grande confusion entre ces parroissiens et grand scandalle pour les miens; car, y lia envyron trois ans, que certains desdictz parroissiens furent reprins par la justice temporelle a cause qui labouroint le jour du Patron dudict lieu.

  A024000986 

 Commis le suppliant pour assembler les confreres de la Confrerie de sa parroisse, pour, ayant conferé avec eux, [93] prendre le Dimanche du moys plus convenable pour la procession mentionnee, selon les fins de la requeste.

  A024001012 

 Et mesme que ledict suppliant desire faire celebrer la saincte Messe en icelle chappelle es jours celebres et qui seront plus propres selon sa droitte devotion; a la charge neantmoins qu'il s'offre [doter] ladicte chappelle d'une piece de terre pour l'entretien et maintenance d'icelle, et pour le revenu et salaire du service qu'il desire y estre faict par le sieur Curé dudit lieu, a forme de l'acte de fondation qu'il s'offre faire et passer.

  A024001041 

 Et de plus, estant prié par les supliantz, [vu] sa bonne doctrine, d'instruyre la junesse (sic) aux lettres et pieté, il le leur auroit liberalement acordé par tollerance, et y seroit entré en exercice des Pasques en ça, par forme d'essay, attendant la permission de vous, Monseigneur; laquelle les suplians, humiliés aux piedz de Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie, vous supplieent octroyer, avec la dispence requise audit sieur du Martherey de la residance audit Pelliones, attendu le grand fruit et utilité qui en peult reussyr par la bonne instruction quii a encommencé de donner a la junesse de ladite ville et circonvoysins qui envoyent leurs enfans audit lieu.

  A024001112 

 Par devant Nous, FRANÇOYS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et comparu au palaix de Nostre habitation et residence ordinayre de cette cité M re Jacques Duret, procureur de M re Laurent de Collonges, Curé de [106] Morzine, lequel Nous a remonstré comme les scindicques et procureurs dudict lieu auroyent fondez et donné a laditte eglise a perpetuité, et promis paier annuellement audict sieur Curé et a ses successeurs la somme de douze vingtz florins, monnoye de Savoye, pour l'entretien d'ung vicayre audict lieu de Morzine, ainsi que plus amplement est contenu au contraict du premier de ce mois, qu'il exhibe, receu et signé par M e Galliard, notayre.

  A024001134 

 Supplient en toute humilité noble Gaspard de Lucinge, seigneur dudict heu, et avec luy tous les parroiessiens et habitantz riere la parroiesse de Sales, mandement de Monthoux, disantz que cy devant et de tous temps ceulx dudict Sales ont heust leur Curé, lequel fesoit son habitation ordinaire dans la cure dudict lieu et administroit en toutes necessités et occasions a ceulx dudict Sales les sainctz Sacrementz; et c'est jusques il y a envyron cinq ou six annees, que M re Henry Lancod, dernier Curé de ladicte parrochiale, apres avoir gaigné quelque petit nombre des parroiessiens, il auroyt remis ladicte cure a M re Symond Ruptier lequel, du susdict consentement, auroyt uny ladicte cure avec celle de Cranves; en telle sorte que du despuis ilz ont estés contrainctz, la plus grand part du temps, d'aller audict Cranves ouir la saincte Messe, quoy que par ladicte union, il soit esté expressement convenus (sic) que les jours de feste et Dimenches l'on celebreroit une petitte Messe audict Sales, Oultre quoy, du despuis les suppliantz ont estés contrainctz d'aller fere baptizer leurs enfantz audict Cranves, et dudict Cranves fere apporter les sainctz Sacrementz aux mallades, et fere benir le jour de la Purification les chandoielles audict Cranves; quoy que audict Sales ilz aient leur eglise asses [110] commode pour ceulx dudict lieu, mesmement il y a un honneste revenu pour l'entretient d'un prebstre..

  A024001163 

 Nous appliquons volontiers Notre attention à ce qui augmente le culte divin et procure plus heureusement la consolation spirituelle des paroissiens, pour les églises soumises à Notre autorité, surtout pour celles qui ont le privilège de la charge des âmes.

  A024001164 

 Posé que, par suite de son absence, la charge des âmes a été exercée dans l'église [112] de Sales avec peu d'exactitude et de bienséance depuis l'union, et que les saints Sacrements de l'Eglise n'ont pu être administrés aux paroissiens de Sales qu'avec de grandes incommodités pour eux; posé en outre que les fruits et revenus de cette église paroissiale suffisent à l'entretien convenable d'un recteur, et que, l'union dissoute, les revenus ainsi séparés et disjoints pourront être à l'avenir appliqués en particulier à chacun de leurs futurs recteurs; posé enfin qu'il y aurait ainsi respectivement consolation spirituelle pour les paroissiens de ces églises, augmentation du culte divin, et aussi de dignité et de lustre pour celle de Sales, les revenus annuels des deux églises devant être par ailleurs plus sûrement conservés et même accrus:.

  A024001165 

 Nous accordons l'investiture au recteur de Sales pour pouvoir et devoir assumer toutes les obligations, offices et charges d'un recteur indépendant (ce à quoi Nous le considérons comme tenu), et, pour que soit donnée satisfaction le plus tôt possible aux pieux désirs du patron et de la communauté de Sales, que ladite dissolution obtienne son effet..

  A024001202 

 Et cependant, enjoignons que la recepte tant desdites censes que dudit vin [118] se face par homme resseant, a ce choysi par le sieur Curé, et les scindiqs, par devant lesquelz il rendra compte de l'emploite, et sera de plus ledit sieur Curé [obligé] Nous tenir adverti d'an en an d'icelle emploite..

  A024001202 

 Et quant a l'employte de l'argent provenant desdites censes, comm'encor de l'argent provenant du vin des vignes mentionnees, Nous ordonnons qu'elle soit faite, tant pour les reparations, ornemens et ustensiles sacrés de l'eglise, que pour l'erection de la chapelle du Saint Rosaire, pour sept ans; apres lesquelz, si l'eglise se treuve en terme quil ne soit plus besoin d'y appliquer lesditz revenus, dont les remonstrans feront apparoir, sera prouveu par l'authorité ordinaire, ainsy que de rayson.

  A024001243 

 Supplie humblement messire Jean Mocand, Cure en la parroesse de l'abbeie de N. Dame d'Abondance, il vous plaise permettre [122] que la Confrerie du tressainct Nom de JESUS soyt erigee en son eglise, pour la correction et extirpation des vices et pechés des blasphemes, juremens, mauvaises imprecations, maledictions et mensonges, et que ceux qui s'y feront inscrire, observant les regles et Statutz d'icelle, joyssent de ses graces et privileges, a la plus grande gloyre de Dieu, salut de leurs ames et ædification de leurs prochains..

  A024001268 

 Nous avons ordonné qu'elles seront l'une et l'autre enregistrées au greffe de l'Evesché, avec Nostre present Decret, par lequel Nous ordonnons de plus, qu'il sera par Nous, ou Nostre Official et Vicaire general, procedé aux formalitées præparatoires a l'union suppliée; et qu'en suitte de ce, tant les deux requestes que le present Decret seront affigés, par copie dheuement expediée, aux grands portes de l'eglise de Rumilly, et y sera ladicte copie trois sepmaines durant, pour servir de signification a tous quil appertiendra et qui porroient pretendre interestz en l'union requise, affin que nul n'en puisse pretendre cause d'ignorance..

  A024001280 

 Qu'estantz les Altariens de leur eglise [contraints], par la petitesse [125] de leur revenu, d'aller servir aux autres parrochiales pour en tirer quelque plus grand secour a leurs necessités, ladicte eglise [demeure] presque a l'ordinaire, mais principalement aux festes solemnelles, destituee [des] Offices qui luy sont convenables, tant pour l'edification du grand peuple [qui y] concourt, consequence des anciennes et si sainctement establies coustumes et qualité du lieu; le tout au scandale des voisins et notable prejudice du [service de] Dieu, ne pouvantz le Curé et Vicaire du lieu tout seulz satisfaire a l'administration des Sacrementz a si grande multitude de peuple..

  A024001326 

 Or, les six ans estantz expirez, ledict Rev. messire Gaspard Querlaz a prié ledict R d Bernard de Montpithon de desister de faire plus l'office et percepvoir lesdictes six coppes de froment, dautant quil est en aage et qualité de faire sa charge dans ladicte chapelle.

  A024001354 

 Nous commettons les sieurs de Blonnay, Prsefect de la Sainte Mayson, et le sieur Chatillon, Plebain de Thonon, avec pouvoir d'associer tel autre ecclesiastique que bon leur semblera, pour voir de l'incommodité et commodité de la proposition et requisition faite par ceux de Luly, ouïr le sieur Curé de Fessi et lesditz parroissiens, et regler le tout selon qu'ilz verront a faire pour la plus grande gloire de Dieu; et du tout Nous donner advis..

  A024001364 

 Sur la remonstrance a Nous faite a Thonon, tendante aux fins que les ecclesiastiques de la Congregation de Nostre Dame de Thonon ayant a faire celebrer la sainte Messe, et faire la station accoustumee dans le diocese pour les fideles trespassés dont les cors reposent au cimitiere de Saint Bon: Nous commettons les sieurs de Blonnay, [134] Prefect, et de Chatillon, Plebain, pour voir ce qui sera plus a la gloire de Dieu, et ordonner de Nostre part ce qui devra estre observé pour ce regard; et s'il y a de la difficulté, Nous renvoyer leur advis, sur lequel Nous puissions prouvoir..

  A024001465 

 Nous ayant esté remonstré de la part de messire Pierre Rouffille, prebstre, quil auroit cy devant faict permutation de la cure d'Arit, de laquelle il estoit paisible pocesseur et laquelle il avoit descervy l'espasse de trente cinq ans, a une chappelle a luy remise en eschange par messire Jehan Claude Blanc, prebstre et curé moderne dudict Arit, et que depuis ladicte permutation, a raison d'une maladie, joincte a son vieil aage, qu'il luy seroit survenue, il auroit faict despence de toute l'espargne qu'il avoit faict en son jeune aage; si que maintenant il ne luy reste plus aucun moien de pouvoir s'entretenir et secourir en ceste extremité de sa vie, sinon qu'il luy soit par Nous prouveu, attendu que la chappelle sus mentionnee n'est pas de revenu suffisant pour ce faire:.

  A024001624 

 En vertu [154] donc de ces Lettres, vous devrez les visiter au moins deux fois chaque année; s'il existe quelque lacune, vous la ferez combler, ou quelqu'abus, vous le ferez rentrer dans l'ordre; si parmi les fidèles quelque correction ecclésiastique est nécessaire, vous l'infligerez, et s'il est besoin d'une correction plus énergique vous en déférerez à moi-même..

  A024001626 

 Et l'Ange du Seigneur se tiendra auprès de vous, et la lumière de Dieu vous environnera; et ainsi, tandis que vous m'aiderez et me soutiendrez dans la charge où je succombe, nous nous donnerons un mutuel appui; comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et nos pieds se poseront [155] avec d'autant plus d'assurance que nous aurons l'un pour l'autre plus de charité et de confiance..

  A024001627 

 Cependant, afin que les intéressés sachent que vous avez le pouvoir de remplir les fonctions indiquées plus haut, Nous avons signé de Notre propre main et ordonné l'apposition de Notre sceau..

  A024001650 

 Quand les monitions seront sans effet, vous en défèrerez le plus tôt possible à moi-même, afin que je puisse employer une correction plus énergique..

  A024001652 

 Nous donnant un mutuel appui, et comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et chacun aura d'autant plus d'assurance qu'il s'appuiera avec plus de confiance sur l'autre, jusqu'à ce que, avec l'aide de Dieu, Prince de tous les pasteurs, nous qui participons à ses labeurs, ayons part à ses consolations..

  A024001661 

 Supplie humblement messire Pierre Vallet, curé de Vacheresse, disant qu'il est chargé de dire deux Messes le Dimanche et festes, sçavoir: en l'eglise dudict Vacheresse, et Bonnevaulx, distant d'envyron deux lieües; de façon qu'il est contrainct le plus souvent d'aller audict Bonnevaulx le soir devant, pour y estre plus matin, a fin d'y rendre le debvoir, et retourner audict Vacheresse: chose a luy fort incommode, sinon qu'il playse a Vostre Seigneurie Reverendissime de luy permettre de souper ou fayre collation a l'hostellerie dudict Bonnevaulx, sans en abuser, mays fayre comme un bon ecclesiastique..

  A024001708 

 Aussi l'estimons-Nous digne d'être promu à l'abbatiat en question, surtout parce que le Révérend M. Louis de Perrucard, s'appuyant sur la puissance de son frère et des siens, a si heureusement et fortement administré ce Monastère et sa juridiction temporelle (laquelle en grande partie s'exerce non seulement à proximité des hérétiques, mais chez eux), qu'en ces temps calamiteux rien, semble-t-il, ne peut arriver de plus heureux que de voir son neveu lui être adjoint comme coadjuteur, [164] lequel étant le continuateur de son zèle et de sa vertu, deviendra son successeur dans le titre lui-même..

  A024001708 

 Quant au reste, Nous savons et témoignons en toute vérité que M. Gaspard est né dans ce diocèse, d'illustres et, ce qui vaut bien [163] mieux, de catholiques et très pieux parents; que dès son enfance il s'est adonné à la piété et aux lettres avec un tel profit, que, proclamé docteur à l'Université d'Avignon, il a atteint une connaissance plus qu'ordinaire de la théologie.

  A024001728 

 Et, pour que vous vous employiez à cette mission d'une manière plus efficace.

  A024001779 

 Et Nous, qui avions reçu du Saint-Siège Apostolique, par lettres à Nous adressées par l'IIl me et R me M gr Pierre-François, Evêque de Savone, Nonce de notre Très Saint Père le Pape auprès du Sérénissime Duc de Savoie, la plus ample faculté particulière et nominale de recevoir, absoudre et réconcilier ledit Claude Boucard, [172] Nous l'avons entendu abjurer, condamner et anathématiser toute hérésie, surtout celle de Calvin, et avons reçu sa profession solennelle de foi catholique et d'obéissance au Siège Apostolique..

  A024001780 

 Alors, comme conséquence, en vertu du pouvoir Apostolique à Nous concédé et commis pour cette affaire, Nous avons absous le même Boucard selon toutes les règles et prescriptions des lois et du droit, dans le for intérieur et extérieur, de toutes les censures, absolument, par lui encourues à cause de son hérésie; Nous l'avons ensuite, en vertu de la même autorité, dispensé au sujet des irrégularités par lui contractées; enfin, Nous l'avons libéré entièrement du lien du vœu simple qu'il avait émis dans la Compagnie de Jésus, déclarant, comme Nous le déclarons par les présentes, qu'il n'est plus tenu dorénavant par aucune des lois de la Compagnie de Jésus, mais qu'il doit être considéré par tout le monde comme un vrai clerc et prêtre séculier, capable et participant de tous les privilèges concédés aux prêtres légitimes et honnêtes.

  A024001826 

 Et outre ce, consentent que tout ce qu'elle leur a donné et fourni pour leur usage, tant en meubles qu'immeubles, luy soit rendu et restitué; et qu'a ces fins laditte damoyselle face un estat de tout ce qu'elle pensera avoir donné ou delivré a leur prouffit, lequel soit remis es mains de personnes notables, telles que ledit seigneur Evesque de Geneve nommera, par l'advis desquelz la restitution puisse estre regiee; declarant de plus, lesdittes venerables Prieure et Religieuses, de ne se vouloir servir ni ayder de la donation qui leur avoit ci devant esté faitte par laditte damoyselle Chevrier, ains consentent qu'elle soit comme non advenue et s'en despartent a son prouffit: ce qu'elles promettent [180] faire appreuver et ratifier par leurs Superieurs dans un moys.

  A024001859 

 Moi, Claude de Quoex, premier collatéral en la Chambre du Conseil du duché de Genevois, j'ai assisté à tout ce qui a été dit plus haut.

  A024001860 

 Moi aussi, Michel Favre, prêtre du diocèse de Genève, j'ai assisté à tout ce qui a été dit plus haut.

  A024001861 

 Moi aussi, Pierre Thibaud, secrétaire ordinaire du R me Seigneur Evêque, j'ai assisté à tout ce qui a été dit plus haut.

  A024001908 

 Aussi, condescendant à leurs vœux pieux, Nous certifions, par la teneur des présentes, que les susdits Frères N. et N., nés dans ce diocèse de parents catholiques, ont habité de longues années le monastère de Saint-François de cette ville comme Religieux profès, et n'ont donné, que Nous sachions, aucun scandale ni aux autres Religieux, ni aux fidèles de la ville, des bourgs ou des villages voisins; bien plus, ont répandu pareillement partout la bonne odeur du Seigneur, en sorte qu'ils semblent dignes de toute créance et charité..

  A024002194 

 Cela est d'autant plus digne de louange qu'elle abandonnait ainsi, de son propre mouvement et volontiers, des richesses et des honneurs appréciables, dont devaient hériter les enfants par suite de la mort du père, préférant être abjecte et pauvre dans la maison du Seigneur, qu'habiter sous les tentes des pécheurs..

  A024002304 

 Et pour esclarcir plus entierement ce qui est de ses affaires, fera voir encor le contract de mariage de madame de Chantal sa mere, laquelle, en cas que par son testament elle n'eut pas disposé en faveur de son filz de ses biens, en disposera par le contract du mariage de son dit filz, pour avoir plus de force, sil est ainsy advisé..

  A024002349 

 Nous faisons savoir et témoignons que notre bien aimé dans le Christ M. Alexandre Gauttier, seigneur de Beauregard, de Paris, aujourd'hui même a comparu devant Nous, et, après avoir abjuré [227] comme il convenait, toutes les hérésies, mais surtout celle de Calvin, a légitimement reçu de Nous, qui en avions obtenu le pouvoir de l'Illustrissime Cardinal de Retz, Evêque de Paris, l'absolution des censures qu'il avait encourues à cause de ladite hérésie; en sorte que rien ne s'oppose plus à ce qu'il soit tenu, reçu, aimé et honoré comme un vrai catholique, par tous les vrais catholiques..

  A024002377 

 C'est un point de pieté et de justice tout ensemble, car ces pauvres filles sont pupilles, et on ne sçauroit preuver solidement la mort de leurs oncles ausquelz la curialité d'Ugine appartenoyt: de sorte qu'en cette (sic) doute du trespas on pourroit leur præfiger un terme dans lequel on les laisseroit joüir de laditte curialité et passé lequel elle seroit reunie au revenu de Sa Grandeur; car aussi bien, le droit qui presuppose que chasqu'homme puisse vivre cent ans, et qu'en effect il les vive, portera que ces filles jouissent encor plus de soixante ans, puisque leurs oncles dont on ne peut preuver la mort, l'un estant allé en Levant et l'autre en Hongrie, ne sçauroyent avoir, s'ilz sont en vie, plus de trentecinq ou quarante ans..

  A024002401 

 Le Procureur fiscal de l'Evesché dit que le suppliant doit remettre en propre personne et entre les mains de Vostre Reverendissime Seigneurie, le contenu [234] en la susdite requeste, par laquelle il confesse d'avoir commis l'execrable et abominable crime..., qui semble, a correction, devoir estre puni par adjudication de quarante livres d'amende applicables a la mense episcopale, et vingt livres a œuvres pies, ayant esgard a la confession et volontaire recognoissance de sa faute; et a jeusner trois jours de la sepmaine pendant le temps et espace d'un mois prochain, a compter des hores; avec inhibition et defense de ne rechoir par cy apres a telles semblables fautes, a peine de cinq cent livres, et autres plus grandes s'il y eschoit.

  A024002401 

 S'en soubmettant sur le tout au bon vouloir et plaisir de Vostre Reverendissime Seigneurie, et d'y prouvoir plus pertinemment selon le subject de la matiere, tant pour raison de l'offence de Dieu, scandale du prochain, que pernicieuse conséquence resultante du pardon et impunité de semblables delicts..

  A024002519 

 Les discours et harangues se feront avec plus d'eloquence que la leçon, et l'on s'y servira de l'art oratoire..

  A024002588 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun qui verront les présentes, à ceux surtout à qui appartient, appartiendra ou pourra appartenir plus tard, salut dans le Seigneur..

  A024002589 

 Et cela, pour que les professeurs prêtres, y établis et fondés, aient un autel sur lequel ils puissent commodément, aux heures fixées, célébrer la Messe devant les élèves, ou encore pour que soit créé un nouveau cinquième professeur, prêtre lui aussi, selon le progrès dudit Collège, et les Statuts donnés par le Révérend M. Bochut, si le revenu provenant [254] des chapelles unies est suffisant, ou qu'au moins ce revenu serve à assurer d'une façon plus certaine l'entretien des susdits professeurs.

  A024002629 

 Supplient humblement les Reverendz Peres reguliers de la Congregation de S t Paul, appelés Barnabites, recteurs perpetuelz du College de la presente ville, disantz: qu'en consideration du peu de reveneu quilz ont, il pleut a Son Altesse, il y a desja quelques annees, de tesmoigner quil desiroit l'augmentation d'icelluy, affin quilz heussent plus de commodité d'entretenir plus grand nombre de Peres en ceste ville pour l'instruction de la jeunesse, et de maintenir les bastimentz dudit College, qui sont grandz.

  A024002630 

 Et certes, il y a de la rayson de leur prouvoir de quelque plus ample revenu, attendu la modicité de cestuy la quilz ont, l'utillité et necessité du ministere quilz font, et que ladite chappelle, bien qu'elle soit communement appellee prieuré, neantmoings il ny a qu'un recteur, sans Religieux, vivant comme prebstre seculier, independant d'aulcung chefz (sic) d'Ordre.

  A024002691 

 Aussi, puisque les saints Canons engagent à [263] attribuer les bénéfices soit à ceux qui célèbrent les Offices divins, soit à ceux qui s'occupent du salut des âmes par la parole, l'enseignement et l'administration des Sacrements, et que tout dernièrement, le saint Concile de Trente a témoigné un intérêt spécial à l'égard des collèges où la jeunesse apprend les rudiments de la piété et des belles-lettres, non seulement en ordonnant de les ériger, mais encore en indiquant les moyens particuliers de subvenir à leurs charges, en leur assignant des revenus ecclésiastiques: Nous, à Notre tour, avons jugé que Nous remplirions plus équitablement le devoir de Notre ministère touchant la distribution de ces revenus, si Notre soin de Pasteur, sur ce point, gratifiait ceux qui s'adonnent avec zèle, non seulement à une des œuvres susmentionnées, mais à toutes simultanément..

  A024002692 

 Or, par de légitimes documents et témoignages reçus dans ce but et à Nous montrés, il est évident que les Révérends Clercs réguliers, de Saint-Paul, appelés vulgairement Barnabites, qui au Collège Chappuisien d'Annecy, sous le vocable des Saints Paul et Charles, tout en s'acquittant, selon les pieux statuts de leur Congrégation, de la célébration des Offices divins, de l'administration des Sacrements, des prédications, du catéchisme, des écoles et autres fonctions [264] religieuses, jouissent cependant d'un si petit revenu, que, ne pouvant suffire à tant de charges assumées, ils se voient forcés à diminuer le nombre de leurs Religieux, et à omettre les fonctions ordinaires plus solennelles, ou à les célébrer moins solennellement que ne le leur permettent leurs Constitutions:.

  A024002725 

 Et fut ladite sentence rendue en forme de pragmatique sanction, qui ne pourroit estre plus grave.

  A024002735 

 Quand aux prætentions des citoyens de Geneve, elles sont plus recentes et infiniment plus frivoles; car ilz alleguent seulement que l'Evesque Ademarus leur donna pouvoir de connoistre et juger des crimes et occurrences qui surviendroyent des le soleil couchant jusques au soleil levant.

  A024002783 

 De plus, Nous affirmons que le même Georges Seyffert, porteur des présentes, a toujours vécu, pendant le peu de jours qu'il a passés avec Nous, selon les usages catholiques et qu'il n'a rien fait qui ne respire le vrai christianisme.

  A024002827 

 De plus, l'Evêque de Grenoble étant le chef et le président des comices et des assemblées séculières et temporelles du Dauphiné, s'il surgit quelque dissentiment entre les couronnes de France et de Savoie, ou même entre les gouverneurs de Savoie et du Dauphiné, les relations entre les deux peuples deviennent très difficiles et le passage de l'Evêque sujet à de graves soupçons de part et d'autre; [290] car alors il n'est pas regardé comme le Pasteur commun de l'un et de l'autre peuple, mais comme un homme exclusivement dévoué et lié au pays où il réside et exerce la prééminence..

  A024002829 

 Enfin, on peut croire que le Révérendissime Evêque de Grenoble songe à désirer d'être déchargé de cette partie de son diocèse, afin qu'il puisse, avec plus de facilité et d'exactitude, s'occuper du reste de sa charge qui sera encore bien grande, pour ne pas dire très grande.

  A024002853 

 Les évêques, en effet, étant, au dire [292] du grand Pontife Grégoire de Nazianze, les peintres de la vertu, qui est la chose la plus belle, et devant, par leurs paroles et leurs actes, retracer avec art et, autant que possible, exactement une chose si excellente, je ne doute pas que nous ne devions contempler en notre très illustre et distingué Juvénal l'image parfaite de la justice chrétienne, c'est-à-dire de toutes les vertus..

  A024002855 

 Or, j'appelle très pure dilection celle où ne se trouvait presque rien de l'amour-propre ou égoïsme: rare et exquise dilection celle-là, rare même parmi ceux qui font profession de piété, et partant plus précieuse que ce qui s'apporte de l'extrémité du monde..

  A024002857 

 C'est pourquoi lorsque ceux qui, touchés intérieurement par l'amour céleste, désiraient suivre une manière de vie plus pure et lui demandaient son avis, il ne regardait que la plus grande gloire de Dieu, et les conduisait avec grande affection, par conseils et par actes, vers la Société qu'il pensait pour eux la mieux désignée: homme, par conséquent, qui n'était ni à Paul, ni à Pierre, ni à Apollon, mais à Jésus-Christ; qui ne se souciait, ni dans les affaires temporelles ni dans les spirituelles, de ces mots si froids de mien et de tien, mais pesait sincèrement toutes choses dans le Christ et pour le Christ.

  A024002858 

 » Et m'ayant vu le désir d'apprendre l'affaire plus au long, il continua ainsi..

  A024002860 

 Lui aussitôt: « L'affaire, » dit-il, « doit être traitée avec plus d'attention, nous n'aurions pas le temps de le faire maintenant que le jour est à son déclin; si donc demain vous venez me trouver, nous nous occuperons plus opportunément de toute cette question.

  A024002861 

 Ce qu'ayant écouté et examiné attentivement: « Et c'est pour cela, » me dit ce Serviteur de Dieu, « que la Providence [297] a ménagé dans l'Eglise la variété des Ordres religieux; afin que celui qui ne peut s'engager dans ceux qui sont austères et voués à la pénitence extérieure entre dans les plus doux.

  A024002863 

 Quand ensuite il passa de l'excellent genre de vie de la Congrégation de l'Oratoire à la charge sainte de l'épiscopat, alors sa vertu commença à briller plus vivement et, ainsi qu'il fallait s'y attendre, à resplendir avec plus d'éclat, comme une lampe ardente et luisante qui, placée sur le chandelier, éclaire tous ceux qui sont dans la maison..

  A024002865 

 Pour tout dire en un mot absent d'envie: il ne me souvient pas d'avoir jamais vu un homme plus abondamment et splendidement orné des qualités que l'Apôtre désirait tant voir chez les hommes apostoliques.

  A024002888 

 A iceluy sieur Doyen remonstré comme Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve desireroit aller a la procession du S t Sacrement, voullant que Mess rs les chanoines de S t Pierre marchent les derniers et facent l'Office, et que ceux de Nostre Dame marchent a part et devant; voullant, de plus, faire l'Office a S t Mauris.

  A024002895 

 Et pour autant qu'ils se treuvent tellement joincts, unis et collés a la chaire episcopale, ils desireroient qu'ils s'approchassent de plus pres de leur chief, puisque l'Evesque et le dict Chapitre ne font qu'un corps, et que Mess rs les Rever ds sieurs Doyen et chanoines du venerable Chapitre de Nostre Dame marchent devant et a part: estant les dicts sieurs de S t Pierre, avec Monseigneur le Reverendissime, fondés sur des raisons peremptoires et qui ne reconnoissent exception, tant sur les saincts Canons que determinations du S t Consile de Trente.

  A024002896 

 Neanmoins, qu'ils feront entendre au vray de nouveau l'intention [305] de Monseigneur le Reverendissime a la Ville, qu'ils promettent faire assembler au plus tost, affin de faire, sur les raisons qu'il pretend avancer (en presence de ceulx que l'on deputera d'une part et d'autre), decider ce different.

  A024002914 

 La Ville, en l'assemblee a demy, ayant consideré que la procession de samedy prochain a esté vouee par l'Estat et non par le Clergé sous l'authorité duquel elle a esté continuee jusques a maintenant, a deliberé et resolu qu'en tant que concerne la precellence et preeminence deue a M rs les cathedraux de Sainct Pierre de Geneve, que cela ne touche la Ville, n'empeschant qu'ils marchent au rang qu'il leur plaira; et neanmoins, que pour l'assemblee, que le dict S r R me sera supplié de permettre d'estre faicte a Sainct Mauris, comme eglise capitale de la ville, si plus il n'ayme, pour sa commodité, permettre que la procession sorte de Nostre Dame, ainsy que de tous temps.

  A024002940 

 Et affin que la presente transaction et accord puisse avoir plus de force et de vigueur et sortir son plain et entier effect, les susnommés Reverends seigneurs Prevost et chanoines de ladicte Esglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, comme de mesme les cy devant nommés seigneurs chanoines et prestres d'honneur de ladicte Esglise collegiale de Nostre Dame, ont requis et requierent mondict Seigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, qu'est icy present, vouloir insinuer, emologuer et interposer son decret et authorité judiciaire: ce qu'il a faict.

  A024002973 

 De plus, les confreres et seurs quy, penitentz, confessés et communiés, assisterontz aux processions que lesdictes Confrairies ont accoustumés de faire chasque mois, et prieront comme dessus, gaigneront trent'ans et autant de quarantainnes.

  A024002995 

 J'ay de plus remarqué ladicte chapelle estre close de bonnes murailles blanchies par le dedans, deuement couverte de deux tallappines a tavaillon et clavins; ayant au devant ung trillier bois de sappin, posé sur murailles, de l'haulteur de trois piedz et cloz d'aiz au dessus ledict trillier, et sa porte au milieu, et au coing dudict trillier, a costé gaulche, y a une pierre de taille ronde crusee, pour tenir l'eau beniste; estant a craindre, a cause dudict trillier, que, celebrant la saincte Messe en temps d'hyver en ladicte chapelle, la consecration ne vienne a congeler.

  A024003003 

 Interrogé de plus quelle dote il veult constituer en faveur de la dicte chappelle pour fere ledict service:.

  A024003004 

 Respond qu'il veult constituer quattre florins de revenu annuelz, et pour l'asseurance d'iceux, obliger et ypothequer une piece de terre, pré et champt contenant environ ung journal et demy, size audict village en dernier ladicte chappelle; et si plus il en pretendoit fonder, il en bailleroit davantage.

  A024003011 

 Respond quil est vray qu'en ladicte annee 1598 il fut detenu d'une grosse maladie de laquelle il tint le lict pres de trois mois, sans se pouvoir lever ny retourner qu'avec assistance d'aultruy, et qu'alhors il fit plusieurs devotions et vœux pour recouvrer sa santé; entre lesquelz l'un fut de fere bastir la susdicte chappelle au plus tost quil en auroit les moyens et commodité, sans touttesfois [317] declarer sondict veu (lhors de sadicte maladie) a son pere jusques environ quattre ans appres icelle.

  A024003013 

 Et plus oultre n'a esté interrogé, et s'est soubscript..

  A024003023 

 Dict et respond qu'il y a environ demy lieue de distance et qu'il y a trois nantz a passer en chemin; l'un desquelz est plus proche dudict village des Vorziers, appellé nant de Dyere, qui vient fort grand et impeteux en temps de pluye, tenant mesme de gravyne [318] en largeur, en temps sec, environ trente pas, et que deça dudict nant, proche dudict village des Vorziers, sont buissons, bourses et pierres environ deux centz pas de chemin..

  A024003032 

 Dict et respond qu'il estime y avoir environ une bonne demy lieue de chemin, touttesfois tout a plain, auquel se trouve, au sortir des possessions dudict village, des isles plaines d'espines, buissons et pierres, contenant de chemin environ douze vingtz pas, dans lesquelles isles se trouvent souvent, mesmes en hyver, des loupz et aultres bestes; dela desquelles est la riviere appellé le nant de Diere, fort impetueux en temps de pluye et difficile a passer, et encoures de la ledit nant s'en trouve ung aultre dict le nant de la Croix, et plus oultre, tendant contre Salanche, distant du precedent environ deux centz pas, un aultre appellé nant de Lespignier, lesquelz touttesfois ne viennent si impetueux ny grandz que le premier..

  A024003045 

 Que pour avoir desmeuré en ladicte ville de Salanche des unze annees en ça et avoir servy de vicaire [a] messieurs du Chapitre durant ledict temps, il cognoit tres bien lesdictz Guilliame et Nicolas Perroullaz, et lesquelz il a tousjours recognus bons catholicques, pieux et devotz, et que, pour avoir esté plusieurs fois audict village des Vorziers, tant pour porter le tressainct Sacrement aux malades que pour faire les benedictions accoustumees, il a remarqué le chemin estre long et de plus de demy lieue des ladicte ville, et qu'es ditz voyages il se seroit trouvé diverses fois en peyne et danger de passer le nant de Diere pour son impetuosité et grandeur; et qu'il se souvient qu'il y a environ dix ou unze ans, que les loupz tuerent une fille aagé d'environ douze annees, ez isles des-dictz Vorsiers, dela ledict Nant de Dyere, qui estoit a l'un des freres Challamel, laquelle fut apportee ensepvellir a Salanche; et la mesme annee, lesditz loupz manquerent encor de tuer une femme qui menoit abbreuver du bestail audit nant.

  A024003059 

 A respondu quil a cognu des sa jeunesse ledict Guilliame Perroulaz et a heu grande familiarité avec luy, et l'a tousjours recognu pour homme de bien; et que pour estre allé souventesfois audict village des Vorziers ou ledict Guilliame desmeure, il a trouvé le chemin fort long, luy semblant exceder demi lieue des la ville de Salanche pour estre au coing de la parroesse; et qu'audict chemin tirant contre les Vorziers, il y a trois nantz, desquelz le dernier et le plus proche dudict village est fort dangereux et se desborde touttes les annees, de sorte que par foys un (sic) ny peult passer qu'au preallable il ne soit descru, comme est arrivé audict deposant; et qu'appres ledict nant, sont les isles des Vorziers, dans lesquelles se treuvent quelques fois des loupz qui font dommaige ez passantz, estant advenu il y a environ quelques annees qu'ilz y gasterent une fillie qui en mourut.

  A024003085 

 De plus, un article ayant esté proposé en la Chambre du Tiers Estat par l'invention du diable et de ses supposts les heretiques et par l'entremise des gros, ou pour mieux dire des faux catholiques, qui derogeoit a l'authorité de nostre S. Pere le Pape soubs faulx pretexte de conserver la personne de nos Rois, a esté si courageusement impugné par nostre Chambre assistee de celle de la Noblesse et de la plus grande part mesmes de ceux du Tiers Estat (au grand regret desquels il avoit esté proposé), que par commendement de Sa Majesté il a esté osté de leur cayer, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté, par l'advis et conseil de Messieurs du Clergé ausquelz il remettoit entierement cet affaire.

  A024003085 

 En un mot je vous diray que toute la France est tant esloignee de tout chisme et desunion, qu'a contrepoir elle se paine et travaille incessamment, et maintenant plus que jamais, a reunir tant par predication que par escript ceux qui se sont separez et desunis de l'Eglise Saincte, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024003086 

 Qu'ilz s'attendent maintenant de ravoir nos eglises; mais plus tost qu'ilz se preparent a la restitution de tout ce qu'ilz y ont desrobé, et seront sages, car on ne les espargnera pas.

  A024003102 

 Estant heureusement arrivé a la fin des Estats, il m'a semblé a propos vous en donner advis et vous dire par mesme moyen que lundy dernier, veille de saint Mathias, les cayers furent presentés au Roy, celui du Clergé par Monseigneur l'Evesque de Luçon, celui de la Noblesse par Monsieur le baron de Senessé, celui du Tiers Estat par Monsieur le Prevost de Paris, lesquels trois arranguerent non moins disertement que doctement: ausquelz le Roy, apres avoir remercié les Estats de leurs bons conseils et advis, respondit en peu de paroles que, le plustost qu'il pourroit, il y donneroit response et la plus favorable qu'il lui seroit possible, et que personne des deputez ne partisse de Paris jusqu'a ce qu'il y eu respondu entierement.

  A024003103 

 Il y a environ 12 jours que Sa Saincteté nous escrivit, comme aussy a Messieurs de la Noblesse, remerciant bien humblement eux et nous du zelle et affection que nous avions tesmoignez au S t Siege, nous opposant si courageusement a un article du Tiers Estat, fort pernicieux et prejudiciable a l'authorité d'iceluy, lequel, comme desja je vous en ay escript, fut osté de leur cayer par commandement de Sa Majesté, a la requeste tant du Clergé que de la Noblesse, avec deffance a ceux du Tiers Estat de ne plus s'ingerer de traicter des choses qui touchent la religion, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté par l'advis et conseil du Clergé auquel seul appartenoit cet affaire.

  A024003171 

 Et d'aultant que Nostre bon plaisir a esté d'introduire dans le College de ladicte ville les Peres Barnabites, sans que le revenu dudict College soit souffisant pour les entretenir, ladicte ville, en suytte de Nostre intention, leur auroit volontiers lasché et remis la moitié desdictz trois deniers pour les aider aulcunement aux grandes charges quilz supportent, moyennant quil Nous pleust leur laisser l'aultre moitié...: ce que Nous ayant esté d'aultant plus agreable qu'en mesme temps Nous tenons a aider et soulager Nostre bonne ville, comme Nous avons tousjours desiré, et tout ensemble prouvoir a l'establissement d'ung œuvre si saincte (sic) et si utile a Nos peuples et subjectz:.

  A024003429 

 Alors furent expulsés le Révérendissime Evêque, les Révérendissimes Chanoines et tout le clergé, ainsi que les autres adeptes de la vraie foi; les églises détruites et dépouillées de leurs très vénérables images et de leurs ornements; les vases sacrés dérobés, les reliques des Saints dispersées et foulées aux pieds, toutes choses saintes profanées; en sorte que, depuis lors, cette ville est réputée, hélas! par tous, et elle est en réalité, la source de toutes [341] les hérésies, la nourricière des guerres intestines qui dévastèrent depuis la France, l'inventrice des trahisons, la propagatrice des homicides, la sentine des incendies et des rapines, l'asile des plus grands malfaiteurs de toute l'Europe, et l'origine de tous les maux qui ont accablé et accablent cette patrie savoyarde et les provinces limitrophes..

  A024003430 

 Après avoir détruit les ennemis publics de sa Divinité, de l'humaine nature et des hommes, il fera revivre là, la sainte religion catholique, et nous, soussignés, il nous ramènera et nous réinstallera dans nos sièges d'autrefois et dans notre propre église, d'où, comme il a été dit plus haut, nous avons été bannis en cette ville d'Annecy, depuis plus de cinquante ans, où nous résidons comme étrangers et pèlerins dans une église d'emprunt..

  A024003431 

 Et comme la prière assidue de plusieurs est très agréable au Dieu très bon et très grand, et que la principale raison d'espérer le secours demandé est l'assemblée pieuse et unanime, sous l'action de l'Esprit-Saint, de nombreux fidèles, au nom du Fils unique de Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a promis de se trouver au [343] milieu d'eux; c'est pourquoi, à l'exemple de ce qui se pratique en d'autres provinces, villes et localités, lesquelles, sous l'empire de nécessités et périls semblables, reçoivent un puissant secours et réconfort par l'érection de Confréries et sociétés sous diverses appellations saintes et pieux vocables, et par les œuvres de piété qui en résultent: pour ce motif, nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en l'un et l'autre droit, Prévôt; Jean Tissot, protonotaire apostolique, sacriste; Jean Coppier, maître de chœur et ouvrier; R mi Louis Reydet, Louis de Sales; François [de] Chissé, vicaire général au spirituel et au temporel du R me Père dans le Christ M gr Claude de Granier, Evêque et Prince de Genève, et Officiai; François de Ronis, Jacques Bally (?), docteur en sacrée théologie; Jean Portier et Etienne de la Combe, maître ès-arts, vicaire substitut du R me Seigneur Evêque; Janus Regard, commendataire perpétuel du prieuré de Lovagny; Jacques Brunet, doyen de Rumilly; Jean d'Eloise, Charles-Louis Pernet, procureur fiscal de l'évêché de Genève; Charles Grosset, Antoine Bochut, Claude d'Angeville, doyen de Vullionnex; Eustache Mugnier, commendataire perpétuel [344] du prieuré de Saint-Bardolphe, du diocèse de Grenoble, et Jean Déage, docteur en sacrée théologie, chanoines théologaux de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, capitulairement réunis, selon l'usage, au son de la cloche, au lieu ci-dessous indiqué, [345] constituant plus des deux tiers des résidents et représentant le Chapitre; tant en notre nom qu'en celui des autres chanoines absents, et de nos successeurs dans la même Eglise à l'avenir, à l'honneur de Dieu et à la gloire de toute la Cour céleste, érigeons et instituons à perpétuité une sainte et très salutaire Confrérie ou Société de fidèles des deux sexes, sous le nom ou invocation de la très sainte Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des très saints Apôtres Pierre et [346] Paul, dans ladite Eglise cathédrale de Genève, et à l'autel de la Sainte-Croix y situé, avec cependant le consentement et sous l'autorité de notre Révérendissime Seigneur Evêque, et avec l'agrément de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique, avec les Statuts et ordonnances ci-dessous: Confrérie à laquelle dès aujourd'hui nous déclarons expressément appartenir comme confrères et vrais fondateurs..

  A024003435 

 Plus tard, lorsque, avec l'aide de Dieu, nous retournerons en notre ville de Genève, cette Confrérie sera placée corporellement, réellement et pour toujours à l'autel de la Sainte-Croix de notre Eglise cathédrale, où elle est érigée jusqu'ici d'une manière fictive, ainsi qu'il a été dit..

  A024003435 

 Tout d'abord, étant donné que, par suite de notre expulsion, [347] comme il a été dit, de notre Eglise et ville de Genève, nous résidons dans cette ville d'Annecy et faisons les divins Offices du Chapitre et de la cathédrale dans l'église de Saint-François des Frères de l'Observance, de la même façon qu'ils se faisaient dans notre cathédrale, et que, parmi les autels érigés dans cette église de Saint-François, il y en a un, outre le maître-autel où sont chantées les Messes capitulaires, sous l'invocation de Saint-Germain, qui sert à la célébration de nos Messes matinales: nous constituons, à cause de cela, la Confrérie érigée par nous, comme il a été dit plus haut, à l'autel même de Saint-Germain.

  A024003439 

 Et parce que, soit pour célébrer et chanter les divins Offices de la [348] Confrérie et exercer les autres œuvres pies, soit pour traiter ses affaires, il est nécessaire d'avoir un lieu particulier tout à fait libre, hors de l'église où est situé l'autel que nous avons érigé (comme cela se pratique partout pour les autres Confréries), et que l'église de Saint-Jean-Baptiste, de la commanderie du Genevois, de l'Hôpital de Jérusalem, sise en lieu public de ladite ville, n'est guère fréquentée à cause du manque de ministres et de l'injure du temps présent, mais qu'il y a lieu d'espérer que les habitants de cette ville, d'ailleurs très religieux et professant avec dévotion de bouche et d'œuvre la foi catholique, visiteront ensuite cette église de Saint-Jean avec plus de ferveur, si l'on y chante plus souvent la Messe et les autres Offices divins, et si les prières publiques et les pieuses exhortations s'y multiplient; pour ces raisons, du consentement de [349] noble et magnifique seigneur Denis de Saconay, baron des Clets, seigneur temporel de Saconay, Truaz et Lorcier, procureur général de l'Illustrissime et Révérend seigneur Pierre de Saconay, son frère, de l'Ordre militaire de l'Hôpital de Jérusalem, prieur du prieuré d'Auvergne et commandeur du Genevois, nous établissons et choisissons, dans cette même église de Saint-Jean-Baptiste l'oratoire de notre Confrérie, tant que le Chapitre de Genève résidera dans la ville d'Annecy.

  A024003463 

 A ces processions, que tous et chacun des confrères des deux sexes soient tenus d'assister avec le costume à choisir plus bas, marchant convenablement, dévotement, gravement, lentement et en silence, et chantant distinctement, ceux qui savent le faire, les prières qui seront alors ordonnées; les autres, qu'ils récitent à voix basse le Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie.

  A024003467 

 Aussi, rien n'étant plus salutaire, puisqu'il dépasse en excellence tous les autres, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères des deux sexes, aux fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, ainsi que Je deuxième dimanche de chaque mois (excepté septembre, décembre, mai et juin où tombent ces fêtes), s'il s'agit des prêtres, qu'ils célèbrent le saint Sacrifice de la Messe à l'oratoire, s'il est possible, sinon dans une autre église à leur choix; s'il s'agit des laïques des deux sexes, qu'ils reçoivent dans l'oratoire le Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, après avoir fait, où il leur plaira, une soigneuse confession de leurs péchés.

  A024003479 

 Il ne suffit pas, pour atteindre notre but pieux et obtenir les fruits spirituels attachés à notre Confrérie, que la Messe se célèbre une fois par mois dans son oratoire, où plus se multiplie la digne réception [357] de la sainte Eucharistie, plus aussi deviennent abondants les bienfaits spirituels et temporels.

  A024003491 

 Aucun catholique d'esprit sain ne doute que le très saint Sacrement de l'Eucharistie est un sujet d'amour pour Dieu et de vénération pour les hommes, car rien ne se rencontre de plus précieux, à rien autre n'est dû un honneur plus grand.

  A024003495 

 Aussi statuons-nous et ordonnons que les confrères qui auront été choisis par le Prieur et les Assesseurs soussignés, pour une œuvre aussi pieuse et charitable (comptée pour cela parmi les œuvres de miséricorde), soient tenus de visiter et de consoler le plus tôt possible ces malades et prisonniers.

  A024003495 

 Et cela plus fréquemment encore s'il s'agit de confrères, avec l'obligation de faire connaître aussitôt au Prieur leurs besoins, pour qu'il puisse les aider selon les ressources de la Confrérie..

  A024003495 

 Il ne faut pas non plus omettre une chose à laquelle sont poussés non seulement ceux qui portent le nom de chrétiens, mais même ceux qui Suivent la seule loi de nature, à savoir la visite des prisonniers et des malades, accompagnée de paroles de consolation, qui, bien qu'elles ne guérissent ni ne délivrent, cependant apaisent et adoucissent les peines et les douleurs.

  A024003499 

 C'est pourquoi, dès qu'une dispute ou une discorde, même minime, se fera jour, pour quelle cause que ce soit, entre les confrères, que le Prieur en soit averti aussitôt, pour qu'ensuite il puisse avec ses Assesseurs, le plus promptement possible et avant qu'elle ne s'aggrave, s'efforcer de l'apaiser par lui-même, ou par d'autres confrères à son choix.

  A024003499 

 L'expérience de chaque jour enseigne assez de quels maux, de [361] quels troubles sont la cause, les disputes et discordes, les unes ouvertes, les autres plus cachées, que l'abominable ennemi de la paix et de la concorde s'efforce toujours plus de propager.

  A024003507 

 L'âme étant plus noble que le corps mérite d'être aidée avec plus de soin, aussi bien en ce monde qu'en l'autre, où elle a souvent besoin des suffrages des fidèles; et malgré la multiplicité des moyens d'obtenir cet effet, il n'en est pas de plus efficace que le Sacrifice de la sainte Messe, étant ordonné par le Christ pour les vivants et les morts.

  A024003507 

 Quant aux confrères prêtres, nous les exhortons dans le Seigneur à célébrer le plus tôt possible une Messe pour l'âme de chaque confrère défunt..

  A024003512 

 En outre, pour que chaque année une mémoire se fasse en commun [364] des confrères défunts, nous statuons et ordonnons que chaque année, le jour libre le plus rapproché de l'Exaltation de la Sainte Croix, se fasse un anniversaire général dans l'oratoire, où tous les confrères assisteront avec l'habit ci-dessous décrit, et entendront la Messe que le Prieur célèbrera et les autres prières qui se chanteront..

  A024003516 

 Plus le vêtement est humble, plus aussi il est agréable à Dieu; et il avertit ceux qui le portent et ceux qui le voient de ne pas s'enorgueillir, mais de servir Dieu en toute humilité, dans les larmes, la cendre, le cilice, les jeûnes, les veilles, les prières et autres pénitences.

  A024003536 

 Une république ou une famille est dite par tout le monde bien ordonnée, lorsqu'elle se compose d'une tête et de membres: autrement, comment pourrait-elle se maintenir? Pour que notre Confrérie, instituée avec piété et érigée en esprit de dévotion, dure à perpétuité, et soit régie avec justice et sainteté, et pour que tout souffle de confusion soit aboli, nous, soussignés, constituons et députons comme officiers perpétuels qui seront nommés par nous-mêmes, pour cette première fois, le 13 de ce mois, dans la première assemblée à convoquer alors; et ensuite, chaque année, le jour non empêché le plus proche du 1 er septembre, ces officiers seront changés en l'assemblée générale..

  A024003560 

 En plus de cela, chaque mois une autre, le deuxième jour du mois, toujours à trois heures après midi, où assisteront seulement le Prieur, les Assesseurs, le Trésorier, le Secrétaire et les Conseillers, qui traiteront les affaires courantes concernant la Confrérie.

  A024003588 

 Enfin, pour que cette Confrérie, instituée comme définitive et ratifiée avec les Statuts et ordonnances ci-dessus, sous l'étendard [378] de la Croix toute-puissante et l'invocation de la Très Sainte Vierge Marie et des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, pour les causes exprimées plus haut, soit aussi protégée contre toutes attaques par le secours de notre Révérendissime Evêque et le patronage du Saint-Siège Apostolique; qu'elle soit pourvue et honorée de quelques faveurs spéciales, de grâces et d'Indulgences, en sorte qu'elle augmente chaque jour, qu'elle produise des fruits plus abondants, et dure et persiste à jamais: nous supplions notre Illustre et Révérendissime Evêque susnommé, de vouloir accorder son assentiment et consentement à l'érection de la Confrérie et autres choses ci-dessus mentionnées, en faisant intervenir son autorité ordinaire; nous supplions aussi notre Très Saint Père le Papè et le Saint-Siège Apostolique de daigner confirmer et approuver la Confrérie, ses ordonnances et Statuts faits et à faire, et lui procurer augmentation et force par les faveurs et grâces apostoliques, par la concession d'Indulgences à perpétuité.

  A024003621 

 Bien plus, Nous avons trouvé très dignes ces pratiques que, pour l'utilité commune de l'Eglise, ces mêmes confrères observent religieusement; utiles aussi et efficaces pour l'accroissement du culte divin, pour la formation des mœurs et l'exercice des œuvres de piété.

  A024003622 

 En outre, en témoignage de Notre bienveillante faveur et désirant étendre toujours plus les grâces que Dieu Nous a départies: à chaque confrère ou autre qui visitera l'oratoire de la susdite Confrérie et suivra la procession les jours où le très saint Sacrement de l'Eucharistie est exposé sur l'autel à l'adoration des fidèles, pourvu qu'auparavant il ait adressé à Dieu des prières pour la paix et la prospérité de l'Eglise universelle, selon le texte des Statuts de la Confrérie, Nous accordons la remise certaine de quarante jours d'Indulgence..

  A024003687 

 S'il arrive quelques differens entre quelques uns des confreres, les autres qui s'en appercevront seront tenus d'en advertir le Prieur qui, par les moyens plus convenables, procurera qu'au plus tost appointement en soit fait..

  A024003748 

 Le même François, ayant été peu après créé Evêque et Prince de Genève, et délié ainsi de sa charge de Préfet de la Maison de Thonon, de son plein gré et avec amour se dévoua et consacra tout entier, tel qu'il est et avec toutes ses forces, à cette Institution, [397] faisant les vœux les plus ardents et les plus profonds pour que les noms très augustes de JESUS et de MARIE se répandent de la Maison de Thonon, comme une huile épandue, une cannelle et un baume odorant, à travers tout le territoire et les habitations du diocèse, surtout de la ville de Genève, et y apporte le suave parfum d'une myrrhe choisie.

  A024003779 

 De plus, relasche a forme accoustumee de la sainte Eglise, soixante jours de penitences a eux enjointes ou autrement deuës, aux mesmes confreres lesquelz se seront employés en quelque maniere que ce soit a la conversion des heretiques, et a cest effect auront exercé quelque œuvre; et ce pour chacune fois.

  A024003821 

 Or, pour oster et deposer lesdits prestres, suffira que le Conseil assemblé en juge par la pluralité des voix; mais pour la deposition du Præfect il sera requis que cela se face par les deux tiers des voix du Conseil, auquel entreviendra tous-jours le Conservateur, lequel n'estant pas au lieu, sera attendu jusques a deux moys et non plus.

  A024003901 

 Sera deputé un receveur general de tous les revenuz de la Sainte Mayson, qui donnera bonne caution; et la constitution d'iceluy se fera par ledit Conseil, devant lequel, ou les deputés d'iceluy, il rendra ses comptes de six mois en six moys, sauf sil semble au Conseil de les luy faire rendre en autres occurrences plus souvent; et le tout avec presentation de reliquaz..

  A024003965 

 De plus, d'appreuver et confirmer par mesme authorité apostolique l'erection de ladite Mayson d'heberge et annexement et incorporement, fait cy devant par [416] feu de bonne memoire nostre tres Reverend predecesseur Claude de Granier, Evesque de Geneve, Commissaire en cette partie deputé, du prieuré Saint Hippolite de cette presente ville de Thonon a ladite Sainte Mayson d'heberge de Nostre Dame de Compassion, pour l'entretenement d'un Præfect et sept prestres seculiers de mesme unité, selon l'institut des Prestres de la Congregation de l'Oratoire de Rome, et d'un Seminaire clerical..

  A024003968 

 En vertu de laquelle association ladite sainte Milice, comme plus puissante es choses exterieures et temporelles, defendra et maintiendra ladite Sainte Mayson, et ce principalement par le soin, diligence et sollicitude d'un des seigneurs Chevaliers d'icelle Milice et Ordre, qui sera establi Conservateur de ladite Sainte Mayson; comme reciproquement, les ecclesiastiques et autres personnes de ladite Sainte Mayson ayderont les bons et chrestiens desseins de ladite sacree Milice par leurs Sacrifices, prieres et bonnes œuvres..

  A024003978 

 Et en cas que la nouvelle se treuve veritable, ce que Dieu ne veuille, il fera la plus grande diligence qu'il luy sera possible pour divertir ce mauvais coup et rompre cette si impertinente pretention:.

  A024003978 

 Il s'essayera d'avoir le plus de connoissance qu'il pourra de la verité du bruit que nous avons de deça, que les seigneurs [420] Chevaliers des Saints Maurice et Lazare pretendent tirer sous leur Religion la Sainte Mayson de Thonon pour en avoir la direction et administration.

  A024003980 

 Si c'est pour s'exercer en la pieté, ilz pourront, si bon leur semble, relever plusieurs hospitaux ou ilz la prattiqueront plus utilement..

  A024004001 

 Attendu que l'intention de nostre Saint Pere le Pape Clement huitiesme, declairee en la Bulle de l'institution de [423] la Sainte Mayson, fut que les prestres de l'Oratoire d'icelle se conformassent au plus pres que faire se pourroit a l'institut de la Congregation de l'Oratoire de Rome, et que neanmoins la diversité qui est entre cette ville et celle la et la consideration de plusieurs circonstances ne permettent pas qu'il y ayt une parfaitte similitude, pour accommoder la necessité avec la bonne volonté, ont esté dressees les presentes Constitutions..

  A024004054 

 Non seulement pour plus grande modestie et bienseance, mais pour imiter les Peres de l'Oratoire Romain, selon l'intention du Pape, les prestres de l'Oratoire mangeront en table commune, en laquelle ilz seront assis d'un costé seulement, a la façon religieuse, et sera donné a un chacun sa portion a part.

  A024004064 

 Or, en cas de l'absence du Prefect, le Plebain fera par mesme ordre la correction, et en l'absence du Plebain, le plus ancien en reception..

  A024004065 

 Il appartiendra pareillement audit Prefect et, a son absence, a celuy qui presidera, d'ordonner, la surveille des festes solemnelles et de Nostre Dame, de ceux qui feront les Offices les jours suivans, assemblant pour cela la Congregation; et en l'absence dudit Prefect, il appartiendra au Plebain, et en l'absence d'iceluy, au plus ancien.

  A024004082 

 L'assemblee deputera un Portier qui sera revestu d'une soutanelle bleuë, et son office sera d'ouvrir et fermer la porte soudain qu'il entendra sonner la cloche, et advertir le Superieur avant que d'ouvrir a personne du dehors, sinon que ce soyent des gens ordinaires de la mayson; et en l'absence du Prefect advertira le Plebain, et en l'absence du Plebain, le plus ancien..

  A024004093 

 En l'absence du Prefect et Plebain, le plus ancien presidera, mais sans advantage de voix.

  A024004152 

 Les [424] autres jours, parce qu'ilz sont occupés le plus souvent aux exercices de la charge pastorale, ilz chanteront au chœur tant seulement Tierce, Sexte, None, la Messe, Vespres et Complies..

  A024004170 

 Les jours solemnelz de la premiere classe et les festes de Nostre Dame, le Praefect celebrera; en son absence, le Plebain, et si le Plebain n'y est pas encor, le plus ancien selon l'ordre de reception.

  A024004181 

 Le Praefect estant malade ou absent, la charge de faire la correction appartiendra au Plebain, et apres luy au plus ancien, selon l'ordre de la reception..

  A024004198 

 Il ne sera permis a personne de posseder quelqu'autre benefice qui requiere residence plus outre que troys moys, sinon que peut estre [437] le Souverain Pontife ayt dispensé pour quelque cause; autrement il sera privé de la Congregation..

  A024004200 

 Il ne sera permis a personne de manger de la chair en la mayson les veilles des festes de Nostre Dame; et tous observeront absolument le jeusne la veille de la Nativité de la mesme glorieuse Vierge, par ce que c'est la feste la plus solemnelle de la Congregation..

  A024004302 

 L'Abbé répondit que les revenus étaient si diminués, soit par l'incurie de ses prédécesseurs, soit par la violence des eaux qui ont [445] détruit des métairies et villages entiers, qu'il ne pouvait nourrir et entretenir plus de Religieux.

  A024004334 

 Qu'aucun Religieux dorénavant ne quitte le lieu de Sixt, sous aucun prétexte, sans la licence du Prieur, et, pour le Prieur, sans avoir averti de son départ le Religieux le plus ancien, bien qu'il n'ait pas de permission à recevoir ou à demander..

  A024004336 

 De même, à propos de la façon expresse d'émettre les vœux, la question fut laissée sans être traitée, parce que le Visiteur ne se trouve pas assez informé sur la Règle et les Constitutions; il verra cependant à ce que plus tard cela puisse se faire et il s'occupera de le faire faire..

  A024004373 

 Si vero post dictum annum probationis Noviti is adhuc habilis ad profitendum non existimetur, et nihilominus spes probabilis existat eum fieri posse idoneum, si paulo plus, imo etiam anno integro in Monasterio retineatur; id licitum esse, Congregatio Cardinalium Concilii respondit, quandoquidem Concilium de idoneis et habilibus, non de aliis decrevit..

  A024004434 

 Le Monastère de l'Ordre vénérable des Chanoines réguliers de [454] Saint-Augustin, du pays de Sixt, ayant été confié, par les saintes règles de l'antique droit ecclésiastique, au soin et à la juridiction de Nos prédécesseurs et de Nous-même, Nous devons et voulons Nous occuper et Nous préoccuper d'être le plus utile possible à ce Monastère et aux vénérables Chanoines qui y servent Dieu.

  A024004435 

 Nous aussi, dans le but d'apporter plus facilement à cette entreprise si louable et si souhaitable Notre autorité ordinaire et Notre aide, venant sur les lieux et toutes choses examinées et considérées, [455] et aussi toutes personnes ouïes au sujet de ce qui précède.

  A024004436 

 Et d'abord Nous ordonnons plus strictement encore de faire tout ce qui a été établi dans Notre dernière Visite, comme conforme au droit et à la raison..

  A024004441 

 Si cependant, après l'année de probation, il n'est pas encore jugé digne de faire Profession, et que néanmoins il y ait espérance probable qu'il le devienne en le retenant dans le Monastère un peu plus, ou même une année entière, la Congrégation cardinalice du Concile a répondu que cela serait licite, attendu que le décret du Concile touche les idoines, non les autres..

  A024004451 

 [458] Dans toutes les difficultés plus graves qui ne pourront être tranchées par le Prieur et le Chapitre, que l'on ait recours à l'Evêque de ce diocèse, ou, en son absence, au Vicaire général de l'évêché, lequel, en vertu de son pouvoir ordinaire, règlera ce qu'il faudra faire, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici..

  A024004461 

 Chaque jour en outre, un Chanoine, celui qui aura été jugé le plus capable, donnera une heure de leçon de chant théorique et pratique aux Novices, et aux autres s'il en est besoin..

  A024004473 

 Aussi [461] ordonnons-Nous plus sévèrement, en vertu de la sainte obéissance et sous peine de l'excommunication majeure, à tous et chacun que cela concerne, que toutes les femmes absolument soient par eux écartées, chassées et expulsées, s'il s'en trouve maintenant, et qu'ils ne les admettent jamais, ni elles ni d'autres, et ne leur permettent pas de séjourner dans l'enclos du Monastère..

  A024004485 

 Et pour ce qui regarde la réparation du chœur, du réfectoire et de l'horloge, le Révérend seigneur Coadjuteur et Abbé élu a promis qu'il la ferait faire le plus tôt possible, en sorte qu'elle soit terminée pour la Noël prochaine.

  A024004532 

 Tout cela ne pouvant s'effectuer qu'après un long espace de temps, si l'on se contente des revenus du monastère, qui ne dépassent pas la valeur de douze cents écus d'or, qui sont grevés de nombreuses charges ordinaires et extraordinaires, ainsi que d'une pension accordée et à fournir à l'Illustrissime et Sérénissime Charles-Emmanuel, duc de Savoie: Nous accordons, en vertu de la susdite autorité Apostolique, au Révérend seigneur Abbé, ou commendataire perpétuel de la Bienheureuse Marie d'Abondance actuellement en charge, ou à son légitime procureur, de louer et donner à cens, pour seize ans, à n'importe quelles personnes, même laïques, le membre de Présinges, d'une valeur annuelle de cent [469] écus, à compter du jour de l'accensement, au prix de mille écus à payer en argent comptant et par anticipation; ou bien d'hypothéquer et de céder à un juste prix à ces dites personnes le même membre, toujours pour l'espace de seize ans; en outre, d'hypothéquer d'autres biens du monastère avec tous et chacun des contrats, conventions, commissions, obligations, soumissions, clauses de renonciation et précautions nécessaires et ayant coutume de figurer dans les actes; ainsi que d'exiger de ces mêmes personnes les sommes dues et de leur donner quittance pour celles reçues; enfin, de placer ces sommes sur un édifice sacré ou chez une personne digne de confiance et pouvant répondre, dans le but de faire le plus tôt possible la construction en question, nonobstant la Constitution de Paul II, d'heureuse mémoire, et autres ordonnances.

  A024004557 

 Neantmoins, estant le propre de touttes personnes congregees a pieuse fin, d'eslire et embrasser quelque maniere de vie spirituelle [475] et œconomique, ilz ont unanimement composé sur l'une et l'autre les Reigles suivantes, et supplié tres humblement Monseigneur Reverendissime qu'il se daigne d'y interposer son authorité, approbation et benediction, afin qu'il plaise a la divine Bonté leur faire la grace de les bien et sainctement observer, soubz l'obeissance de mondict Seigneur, a la plus grande gloire et culte de la benite et pure Vierge, Mere de nostre Sauveur Jesus Christ, au salut de leurs ames et a l'edification du peuple catholique des provinces voisines de cest hermitage et, sinon a la conversion, du moins a la disposition des heretiques pour recevoir la lumiere de la foy vraye et salutaire..

  A024004562 

 Or, estant aussy une tres ancienne, louable et saincte coustume des dictes personnes aggregées, de prendre et venerer pour protecteur ou patron singulier quelque favory de Dieu en sa Court celestielle, et n'en pouvant ny devant lesdicts hermites choisir de plus grands que les comprins au sacrésainct mistere de la Visitation, soubz le nom duquel cest hermitage fut dedié a Nostre Dame: assavoir, le benit et doulx fruict de son ventre virginal, nostre Dieu et Redempteur Jesus Christ, elle mesme et son bienheureux Espoux et vierge sainct Joseph qui l'accompaigna en si misterieux voyage, sainct Jean Baptiste, et ses pere et mere sainct Zacharie et saincte Elizabeth......

  A024004572 

 Et parce que, comme il n'y a poinct de genre de vie en l'Eglise de Dieu militante qui s'aproche plus de l'angelique, aussy nulle n'a tant de besoing de l'assistance des bons Anges que celle des hermites, ilz l'implorent des maintenant pour toujours.

  A024004580 

 Pour n'estre moins pieux a l'endroict des sainctz Peres de leur profession que les moindres et plus viles (sic) artisans a celuy des Sainctz, qui, vivant, exercerent quelque fois leur mestier, ilz implorent aussy leurs merites et intercession, et eslisent d'entreux pour Patrons sainctz Paul, Anthoine et Hilarion..

  A024004604 

 Considerans lesdictz Hermites, que non rarement, soubz couleur de l'abstinence d'aucunes viandes l'on affecte et abuse d'autres plus friandes et moins decentes, afin que l'usage du poisson soit a jamais conforme a l'austerité et pauvreté de la vie heremitique, il ne leur sera loisible, s'ilz en acheptent (ce qu'ilz n'ont encour faict), d'y despendre plus hault de trois florins, monnoye de Savoye, pour une fois seulement en chascune des trois Caresmes qu'ilz feront en I'annee..

  A024004608 

 A fin de mortiffier l'esprit par le corps, tous les vendredis, en l'hermitage, l'oraison matutine achevee, durant le recit du Psaulme Miserere mei, en penitence de leurs pechés et diminution des peynes des ames du Purgatoire, a l'honneur et commemoration de la discipline de nostre paix avec la justice de Dieu, volontairement soufferte par Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ, les Peres hermites se la donneront aussi volontaire et par leur arbitre et mesure a leurs forces; si mieux n'aime qui ne la pourra tolerer, porter la haire ou cilice de crin trois jours de la sepmaine, ou jeusner au pain et a l'eau le vendredy, et comme les veilles le samedy, veu que a tous toutte penitence et austerité n'est pas convenable, aucune bien souvent plus contraire qu'utile au progres de la perfection.

  A024004612 

 En quoy les idiots les imiteront d'une profonde humilité et cognoissance de leur incapacité, taschant de les devancer en œuvres corporelles ou ilz sont plus habiles.

  A024004612 

 Les Freres literés, hors d'aultre plus utile exercice, mortifieront le corps par l'esprit en l'estude des bonnes Lettres et livres les plus profittables a la fin de leur profession, et en la subjection non seulement des puissances executives et imperatives [de] la volonté, mais encor et principalement du jugement de leur intellect [a] celuy de leur Superieur en choses indifferentes, doubteuses et ambigues, non moins qu'aux necessaires, justes et convenables; car c'est par telz actes qu'on acquiert la vraye habitude de l'obeissance.

  A024004660 

 Et parce qu'ilz ne sont pas de nature angelique ains humaine (de quoy chascun se souviendra pour moderer tout zele indiscret), ilz recreeront et delasseront leurs esprits et corps environ trois quarts d'heure appres le disner; car appres le souper ilz n'auront rien de plus empreint en leur memoire que les tenebres de la mort par celles de la nuict, leur vive image, y attendant en bons serviteurs l'evenement tant incertain et redoutable du Seigneur..

  A024004671 

 Ilz frequenteront les sainctz Sacrements de Penitence et d'Eucharistie: quant aux laiz, chasque Dimanche et principale feste de l'année, surtout en l'hermitaige, se souvenans que dehors, comme plus exposés aux tentations, ilz en ont plus de besoing.

  A024004698 

 Tous les Freres seront obligés a la queste du bled et du vin, et chascun d'eux revenant, declarera soubz serment ce qu'il aura [482] trouvé, pour l'escrire audict Livre de raison et l'assembler proche de l'hermitage, au lieu et maison la plus commode et asseuree que faire se pourra..

  A024004708 

 L'on ne recepvra plus personne pour Frere ou messagier sans le consentement de tous les Freres, advis du Reverend Surveillant qu'il plaira a Monseigneur de leur donner, et sur tout commendement de sa Seigneurie Reverendissime..

  A024004713 

 Pour ce, a elle seule appartiendra l'interlocutoire en la definitive sentence, pour ne rendre la condition desdicts Hermites ridicule et plus sordide que celle des plus abjects valets du monde, et ce sainct lieu mesprisable et malheureux par defauït d'affection.

  A024004750 

 Le lieu, pour sa hauteur excessive, extremement froid, et la plus part de l'hiver tellement couvert de neige qu'on y monte et descend au peril de la vie, de soy mesme atteste qu'on n'y peut aller deschaussé et mal vestu; c'est pourquoy les Hermites se chausseront et vestiront le moins mal et avec le meillieur mesnaige qu'il leur sera possible, accommodé a leur profession..

  A024004825 

 Aussi tost que le Sacristain aura cloché deux coups sur la fin de Prime, a la leçon du Martyrologe, ilz retourneront tous necessairement au chœur pour faire l'orayson mentale, laquelle durera demi heure, sinon qu'il y eust quelque cause urgente de la faire plus courte; et se commencera par les Litanies des Saintz.

  A024004834 

 Les Hermites estans a la queste ou a quelques negociations eviteront tout ce qui pourroit donner le moindre sujet de scandale, taschant de se comporter le plus conformement a l'ordre de l'hermitage qu'ilz verront judicieusement estre possible, sans incommoder personne; et estant de retour, jureront de tout ce qu'ilz auront receu ou negocié..

  A024004836 

 Que si, avec le tems, les Hermites pouvoyent avoir des rentes suffisantes par la charité des gens de bien, ilz s'arresteront sans plus et demeureront en i'hermitage pour vacquer avec plus de loysir a la sainte meditation et reception des pelerins..

  A024004839 

 Les Hermites observeront exactement toutes ces Constitutions pour estre dignes du saint nom qu'ilz portent; et a cest effect les reliront souvent, taschant tous-jours de faire mieux, et selon les occasions et la rayson en requerront l'Evesque, lequel s'est reservé et reserve le pouvoir d'adjouster et retrancher, selon qu'il verra estre expedient pour la plus grande gloire de Dieu..

  A024004844 

 Et specialement si Nous considerons, non seulement les miracles publiques qui arriverent en sa destination, mais encores, entre autres choses notables de sa reparation, que cette pieuse entreprise reuscit, graces a Dieu, si heureusement, que ladite devotion est frequentee de plusieurs milliers de peuples catholiques et de bon nombre d'heretiques circonvoisins, qui en demeurent pieusement edifiés et contribuent aussi promptement et charitablement de leurs aumosnes que les mesmes catholiques plus proches d'icelle, exhortant ouvertement les venerables Hermites, ses restaurateurs, a y continuer leur bon zele et probité..

  A024004844 

 Le culte et honneur de l'Immaculee Vierge Marie estans, apres ceux de Dieu son Filz, les plus recommandés et utiles en tous besoins, principalement en la conversion des heretiques a l'Eglise Catholique, qui, pour ce, luy chante meritoirement: Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti in universo mundo, il semble que Nous ne sçaurions asses cherement recommander la restauration, voire l'amplification et ornement du tres antique bastiment de Nostre Dame de la Visitation du Mont de Voyron, a la veuë orientale de ladite ville de Geneve et a la meridionale de Lausanne, affin qu'on y venere autant et plus la mesme tres glorieuse Mere de Dieu que le diable ne la voulut mespriser, prophanant et ruinant ledit saint lieu par l'introduction de l'heresie aux susdites villes [et] en la [494] duché du Chablaix.

  A024004845 

 Et, ce faisant, qu'ilz les leur recommandent le plus utilement qu'il sera possible, silz desirent d'y concourir avec Nous, et d'y servir la benite Vierge, les exhortans en Nostre Seigneur, tout ainsy que Nous les exhortons eux mesmes et tous Nos autres diocesains, a les recevoir, assister et favoriser au susdit but, de toute sorte de vrais offices chrestiens et charités dignes de leur pieté, pour en percevoir, icy et au Ciel, les fruitz et payemens inestimables de la main de Dieu tres liberale..

  A024004857 

 Quant a la closture, il est requis que nul homme n'entre dans le chœur, dans le cloistre ni dans le dortoir des Religieuses, sinon pour les causes pour lesquelles les confesseurs, medecins, chirurgiens, charpentiers et autres peuvent entrer es monasteres les plus reformés; c'est a dire, quand la vraye necessité le requiert..

  A024004861 

 Quant a la sortie des Religieuses es maysons de leurs proches et autres lieux, il seroit requis qu'elle fust du tout retranchee; mays cela semblant trop dur a quelques unes, il faut, pour le moins, que ce soit le plus rarement qu'il sera possible, puysque telles sorties ne se font gueres sans notable distraction d'esprit et murmuration de ceux qui les voyent dehors, et que les parens mesmes desireroyent que leurs Religieuses demeurassent en paix dans leurs monasteres, ainsy mesme que quelques uns m'ont librement dit..

  A024004863 

 Comm'aussi il me sembleroit plus propre et plus seant que le confessional fust mis en sorte que les Dames fussent en iceluy dedans le chœur, et le confesseur dehors, comme il se peut faire et qui se fait en tous les monasteres bien reglés.

  A024004863 

 Il faut oster l'autel qui est dedans le chœur, et tirer tout au long une separation entre le chœur et le maistre autel, qui soit faitte a colonnes de bois ou de fer, et en laquelle [498] il y aye une porte par laquelle ou les Religieuses puissent sortir pour se presenter a la Communion, ou le prestre puisse entrer pour la leur porter dedans le chœur; sinon que la separation fust faitte en sorte que les Religieuses se disposans en rang le long d'icelle, le prestre puisse les communier commodement entre les colomnes: ce qui me sembleroit plus seant et plus propre, et fort aysé pour la gravité de l'action.

  A024004864 

 Il est requis quil se face une Prieure, laquelle, comme lieutenante de l'Abbesse, soit obeye ne plus ne moins que l'Abbesse, en l'absence d'icelle.

  A024004913 

 « Ayant appris dernièrement que l'église Collégiale de Saint-Pierre, de la ville de Remiremont, diocèse de Toul, église à Nous et au Siège Apostolique immédiatement soumise, et où l'on affirme que, en plus de nos chères filles dans le Christ, l'Abbesse, faisant profession d'appartenir à l'Ordre de Saint-Benoît, [504] et les Chanoinesses, il y a d'autres clercs séculiers, en possession de canonicats, de prébendes ou autres bénéfices ecclésiastiques, tous formant un seul Chapitre: ayant donc appris que cette église a besoin de visite et de réforme, surtout sur ce point de Chanoinesses et de Chanoines constituant un seul Chapitre, et peut-être formant un même choeur pour la psalmodie; Nous donnâmes mission et ordre à Nos vénérables Frères l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et à vous, Evêque de Tripoli, par un motu proprio et d'après [505] Notre science certaine, ainsi qu'en vertu de la plénitude de la puissance Apostolique, par d'autres Lettres expédiées semblablement, en forme de Bref, afin que l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et vous, Evêque de Tripoli, ou bien les deux premiers, ou encore l'un d'eux en union avec vous, procédassent une fois seulement, à la visite de l'église susdite, aussi bien pour la tête que pour les membres.

  A024004914 

 Nous vous commandons, en effet, et ordonnons de faire tout ce qui a été dit plus haut et tout ce qui se trouve dans les mêmes Lettres, et vous accordons, par la teneur des présentes, la faculté de l'exécuter.

  A024004914 

 « Mais aujourd'hui, pour certaines causes qui agissent sur Notre esprit, déchargeant l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul sus désignés de l'obligation, à eux imposée par Nous, de visiter l'église, son Abbesse, ses Chanoinesses, et les Chanoines en question, et révoquant la faculté à eux concédée plus haut, Nous les remplaçons par vous, vénérables Frères, Evêques de Genève et de Chrysopolis; par une action, une science et une plénitude de puissance semblables, Nous confions le soin et donnons l'ordre à vous trois par les présentes, que, procédant à vous trois, ou au moins à deux de vous ensemble, vous mettiez à exécution les susdites Lettres, en en suivant la forme en tout et pour tout.

  A024004928 

 Et affin que la reformation se fit plus aysement, il seroit requis que cet ordre se mit premierement a Talloyre, ou il y a des-ja un bon commencement de reformation, et par apres il faudroit sousmettre a Talloyre tous les Monasteres de l'Ordre de Saint Benoist, affin qu'on y installast la mesme reformation..

  A024004929 

 Il y a, de plus, des Monasteres de Chanoines reguliers de Saint Augustin qui n'ont pas moins besoin d'estre reformés; ce que malaysement se pourra faire, sinon par changement d'Ordre.

  A024004931 

 Or, ce que j'ay dit de retirer quelques Monasteres dans les villes pour accroistre le nombre des chanoynes, regarde le bien de la noblesse de ce païs, laquelle est nombreuse en quantité, mais la plus part pauvre, et laquelle n'a aucun moyen de loger honnorablement ses enfans qui veulent estre d'Eglise, sinon es benefices qui se distribuent dans le [512] païs, comme sont les cures et les canonicaux, lesquelz on pourroit introduire saintement, ne devant estre distribués que par le concours aux gentilzhommes ou docteurs..

  A024004970 

 De plus assisteront aux Grandes Messes de Requiem qui se disent dans la dite chapelle le lendemain des cinq festes susdites de Nostre Dame, pour le repos des ames des confreres et consœurs trepassés.


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000307 

 Et bien que plusieurs anciens et graves scholastiques penseront jadis que cette solemnité estoit une proprieté naturelle [5] et essentielle des vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface VIII ayant du despuis determiné le contraire, il ny a plus lieu quelcomque d'en disputer, ains faut avouer ingenuement que cette proprieté n'est nullement inseparable des vœux de Religion, puisque anciennement les plus celebres et saintz Religieux faysoyent leur Profession sans icelle, et que, en nostre aage, le Pape Gregoire XIII l'a attachee aux vœux simples en faveur de la tres illustre Compaignie du Nom de Jesus; declarant asses en cela que cette solemnité depend tellement de l'authorité de l'Eglise, qu'elle la peut oster aux vœux solemnelz sans pour cela les rendre simples, et l'adjouster aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, selon qu'il est expedient au bien des ames et a la gloire du Createur: ainsy qu'ont doctement expliqué le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Bellarmin, les docteurs Lessius et Azor, et briefvement, mais pertinemment a son accoustumee, Hierosme Platus en ses beaux livres Du bien de l'estat religieux, et en fin le tres docte Thomas Sanches qui en cite une legion d'autres..

  A025000308 

 Apres quil a dit que cet admirable Praelat induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mais le nombre des femmes,» [6] adjouste-il, « fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains aussi divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocaese, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis; et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, si nombreuse en femmes et vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté sous l'observance de leurs propres Regles.».

  A025000313 

 Mais la grande authorité de saint Augustin, meritee par la tres excellente sainteté de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les legislateurs des Ordres religieux il a esté le plus suivi.

  A025000316 

 Ce qu'il dit: «Ce sont icy les choses que nous vous commandons a ce que vous les observies,» ne doit donner aucun scrupule aux Seurs, comme si cette Regle obligeoit en tous les articles sous peyne de peché; car cela n'est pas, ainsy que, apres le grand saint Thomas, les Docteurs plus asseurés ont observé.

  A025000316 

 De sorte que cette sainte Regle n'oblige point a peché, sinon es articles principaux requis a l'observance des troys vœux, ainsy quil est plus amplement declaré a la fin des Constitutions.

  A025000318 

 Il y a voirement en cette Regle quelques articles qui semblent n'avoir plus aucun usage: comme par exemple, de n'aller aux bains que tous les moys et que les Seurs ne sortent pas qu'accompagnees; car on ne doit plus sortir maintenant que pour des causes si grandes, si necessaires et rares qu'on peut dire en verité que les Seurs observantes ne sortent jamais.

  A025000319 

 Et au Livre premier des Mœurs de l'Eglise, (Inscrivant la façon de vivre des Religieux et Religieuses de son tems, il dit que plusieurs de forte complexion s'accommodoyent de vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et que, [12] quand les foibles refusoyent de boire et de manger ce qui leur estoit convenable, on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus debiles que saintz, plustost malades que mortifiés. Ce qu'a la verité arrive a plusieurs, notamment parmi les femmes, qui, trompees de leur imagination, constituent la sainteté en l'austerité, et entreprennent plus aysement de priver leurs estomacs de viande que leurs cœurs de leur propre volonté..

  A025000320 

 Mais par ce que ces motz ne sont pas usités, on les a peu et deu changer en ceux de Mere, ou Abbesse, ou bien Prieure, ou Superieure; et par ce que le dernier et le premier de ceux ci sont plus simples et signifient la mesme chose que celuy de Praeposee, il a esté treuvé bon que vous les retinssies, notamment celuy de Mere, dautant que le saint Pere dit en fin: «Que les Seurs obeissent a la Superieure comme a leur Mere.».

  A025000321 

 Il est dit au bout de la Regle: «Que l'on obeisse a la Superieure, et beaucoup plus au Prestre qui a soin de toutes.» Mays, qui est donq ce «Prestre qui a soin de toutes»? Certes, dautant qu'en la Regle des Freres aussi bien qu'en celle des Seurs cett'obeissance au Prestre est souvent inculquee, ceux que j'ay veu des interpretes de cette Regle ont creu que c'estoyt l'Evesque; «dautant [13],» dit un d'entre eux, qui a fait de bonnes et belles remarques sur icelle, «que les Chanoynes reguliers en dependoyent; mays despuis que les Evesques et leur clergé se sont, par dispense apostolique, secularisés, cest ordre n'est plus gardé.» Or, a la verité dire, quant a ce point je ne puis consentir a cette interpretation; car encor qu'au commencement de l'Eglise les noms de praestre et d'Evesque fussent souvent confondus et passassent l'un pour l'autre, ainsy qu'il est aysé a voir es Actes et es Epitres des saintz Apostres, si est ce que du tems de saint Augustin ces motz n'estoyent plus en cet usage et n'appelloyt on pas les prestres Evesques, ni les Evesques simplement prestres, comme luy mesme le tesmoigne en l'epistre [14] quil a escrite a saint Hierosme; et ne me souviens pas que jamais saint Augustin en ayt usé autrement.

  A025000321 

 Mais il y a plus; car au commencement de l'epitre ou la Regle est inseree, il est parlé manifestement de ce mesme Prestre qui avoit soin du Monastere, sous le nom de Praevost ou Praefect..

  A025000325 

 Je n'ay pas estendu au long ce que le saint Pere met en l'article par lequel il defend l'amitié sensuelle entre les Seurs; d'autant que, selon la necessité de ce tems la et de la province en laquelle il vivoit, il marque certaines particularités peu conneues es contrees de deça, et dont la malice porte quant et soy tant d'horreur qu'il n'est pas besoin d'en exprimer plus clairement la prohibition..

  A025000328 

 Et me semble que cela estoit fort convenable a son humeur naturelle qui le portoit, non tant comme un aigle que comme une blanche colombe, a desirer la netteté et du cœur et du cors, et le faysoit marcher, comme un enfant de suavité en son innocence, avec plus de simplicité et de confiance d'amour que de timidité et d'affection a l'aspreté et rigueur: tesmoin sa petite perdrix, avec laquelle il recreoit quelquefois son ame angelique.

  A025000329 

 Et ce qui est plus a mon propos, le nompareil saint Augustin l'ordonne en cette sainte Regle, de peur, dit il, qu'une ame empestee n'empeste et infecte toute une Congregation.

  A025000330 

 Car, quant a moy, je l'avois des-ja bien veue en la belle epistre 109 de saint Augustin; mais, ni je n'en avois [21] pas la memoire presente, ni je ne dressay pas ces Constitutions selon mon seul entendement, ains beaucoup plus selon la devote inclination des ames qui furent si heureuses d'estre appellees par l'Esprit de Dieu pour commencer cette si pieuse maniere de vie.

  A025000331 

 Mais a la verité, voyant vostre Congregation petite en nombre au commencement, et toutefois grande en desir de se perfectionner de plus en plus au tressaint amour de Dieu et en l'abnegation de tout autre amour, je fus obligé de l'assister soigneusement; me resouvenant bien que Nostre Seigneur, ainsy qu'il dit luy mesme, vint en ce monde pour le bien de ses brebis, non seulement affin qu'elles eussent la vraye vie, ains aussi affin qu'elles l'eussent plus abondamment; et que, pour la leur faire avoir plus abondante, il ne faut pas seulement les induire a l'observance des commandemens, mais encor a celle des conseilz; et qu'en cela ceux de ma condition doivent rendre fidele service a ce divin Maistre, puisque, comme dit saint Ambroyse, ç'a tous-jours esté une particuliere grace aux Evesques de semer les graines de l'integrité et d'exciter es ames le desir et le soin de la virginité, comme firent jadis les premiers et plus grans serviteurs de Dieu et Pasteurs de l'Eglise.

  A025000332 

 Il donnera de l'amertume a vostre interieur, car il vous conduit a la parfaite mortification de vostre propre amour; mays il sera plus doux que le miel a vostre bouche, par ce que c'est une consolation nompareille de mortifier l'amour de nous mesmes pour faire vivre et regner en nous l'amour de Celuy qui est mort pour l'amour de nous.

  A025000342 

 Mays la grande authorité de S t Augustin, meritee par [25] la tres illustre innocence de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les legislateurs des Religieux il a esté plus que nul autre suivi en la Regle quil a dressee; laquelle estant suave, benigne et vrayement digne de son tres doux esprit, et toute apostolique, il a rendu propre presque a toutes sortes de nations et de complexions.

  A025000344 

 Dont il s'ensuit clairement que cette invalidité n'est nullement de l'essence de la Religion, ains depend tellement de l'Eglise, que elle l'adjouste aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, et la peut oster aux solemnelz sans les rendre simples, selon quil est expedient pour la plus grande gloire de Dieu: ainsy qu'ont doctement monstré le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Belarmin, et briefvement, mais tres pertinemment a son accoustumé, le P. Hierosme Platus en ses livres Du bien de l'estat religieux; et apres eux, Azor, 1.

  A025000344 

 Et bien que les plus anciens et graves scholastiques eurent jadis opinion que cette solemnité estoyt de la propre nature de ( sic ) vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface huitiesme ayant du despuis determiné le contraire, il ne faut plus en disputer, ains avouer ingenuement que cette solemnité n'est nullement de l'essence des vœux de Religion, puisque anciennement tous les vœux des Religions estoyent sans cette solemnité, et que de nostre aage le Pape Gregoire tresiesme a declaré invalides les mariages de ceux qui en la tres illustre Compaignie de Jesus auroyent faitz les vœux, quoy que seulement simples.

  A025000345 

 Apres quil a esté dit quil induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mays le nombre des femmes,» poursuit l'autheur, «fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains divers nouveaux colleges fondés a cett' intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de S te Ursule qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise..

  A025000347 

 ains il y a quelques articles en la Regle qui ne sont plus en usage: comme par exemple, de sortir de la Mayson pour les bains et pour quelques autres causes ordinaires; car on ne sort plus maintenant sinon pour des causes du tout necessaires et, par consequent, infiniment plus rares..

  A025000349 

 Ce quil faut particulierement craindre es femmes, entre lesquelles plusieurs treuvent bien plus facile, comm' en effect il est, de priver leur bouche de viande, que de priver leur cœur de leur propre volonté..

  A025000349 

 Et non seulement cela, mais en cet excellent chapitre trente troysiesme du premier Livre des Mœurs de l'Eglise Catholique, ou il descrit la maniere de vivre des Religieux et Religieuses de son aage, il dit que plusieurs de bonne complexion s'accommodoyent a vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et de plus, il dit encores que quant les foibles refusoyent de boire et manger ce qui leur estoit convenable on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus tost debiles que saintz.

  A025000350 

 elle la plus suivie de toutes..

  A025000352 

 Et je croy que c'estoit selon sa naturelle inclination par laquelle, comme blanche colombe, il se vouloit laver, aymant la netteté et du cœur et du cors, et marchant comme un petit enfant en son innocente simplicité, avec plus de suavité et de confiance d'amour que d'attention a l'aspreté et a [30] la rigueur: tesmoin sa petite perdrix avec laquelle il se recreoit quelquefois.

  A025000382 

 Dequoy sert il de distribuer en donnant aux pauvres, et se rendre pauvre soy mesme, si la miserable ame est rendue plus superbe en mesprisant les richesses qu'elle n'estoit en les possedant? Vives donq toutes unanimement et de bon accord, et honnores Dieu, duquel vous aves esté rendues le temple, les unes en la personne des autres reciproquement..

  A025000382 

 Et qu'elles ne s'eslevent point si elles ont contribué de leurs facultés a la Communauté, et ne deviennent point plus superbes de leurs richesses pour les avoir departies au Monastere que si elles en jouissoyent au siecle; car toute autre iniquité est exercee es mauvaises œuvres affin qu'elles se facent, mais l'orgueil fait des embusches aux bonnes œuvres mesmes [33], affin qu'estant faites elles perissent.

  A025000396 

 Et qu'elles ne les estiment pas plus heureuses dequoy elles mangent ce qu'elles mesmes ne mangent pas; mais que plus tost elles se res-jouissent en elles mesmes de ce qu'elles sont plus robustes qu'icelles et peuvent ce qu'icelles ne peuvent pas..

  A025000396 

 Si on traitte differemment en viandes celles qui sont [34] delicates par l'accoustumance passee, cela ne doit pas fascher les autres qui par une autre accoustumance sont rendues plus fortes, ni ne leur doit pas sembler injuste.

  A025000397 

 Et celles ci qui sont plus vigoureuses ne se doivent pas troubler si elles voyent que, plus tost par support et compassion que par honneur, celles-la reçoivent des meilleures portions, affin que cette detestable perversité n'advienne, qu'au monastere ou, tant qu'il se peut, les riches sont rendues laborieuses, les pauvres soyent faites delicates..

  A025000397 

 Et si on donne quelque chose en viandes, en habitz, en lit, en couvertes, a celles qui viennent d'entre les delicatesses du monde au monastere, de plus qu'on ne donne aux plus robustes, et par consequent plus heureuses, celles ci auxquelles on ne donne pas ces particularités doivent penser combien celles la se sont demises de leur vie mondaine pour venir a la monastique, quoy que elles ne puissent pas arriver jusques a la sobrieté et frugalité des autres qui sont de plus forte complexion.

  A025000401 

 Celles-la se doivent estimer plus riches qui sont plus robustes pour supporter l'abstinence; car il est mieux de n'avoir pas besoin de beaucoup que d'avoir beaucoup..

  A025000401 

 Certes, comme les malades ont besoin de manger moins de peur de se sur charger, aussi apres la maladie doivent elles estre traittees de sorte qu'elles puissent plus tost estre revigorees, bien qu'elles fussent issues de pauvre lieu [35] au monde, comme la recente maladie leur faysant avoir besoin de ce que la praecedente accoustumance a rendu necessaire aux riches.

  A025000401 

 Mays ayant repris les forces pristines, qu'elles retournent a leur plus heureuse coustume, qui est dautant plus convenable aux servantes de Dieu qu'elles ont moins de besoin d'autre chose; et que la volupté des viandes ne les retienne plus, estant gueries, au train auquel la necessité les avoit portees durant la maladie.

  A025000410 

 Mays, soit que nul ni prenne garde: comme se cachera elle de ce Spectateur d'en haut auquel rien ne peut estre caché? Doit on, je vous prie, estimer qu'il ne void pas nos actions par ce qu'il les void dautant plus patiemment qu'il les void plus sagement? Qu'a Celuy la donq la femme sainte craigne de desplaire, affin qu'elle ne veuille meschamment plaire a l'homme.

  A025000415 

 Car si vostre Seur avoit un ulcere au cors qu'elle volut estre celé, crainte qu'on ne luy fit quelque incision, ne series vous pas cruelle en vous taysant et benigne en le revelant? Combien plus donq deves vous manifester l'ulcere spirituel, affin qu'il ne pourrisse plus dangereusement au cœur..

  A025000415 

 Et ne juges pas qu'en descouvrant ce mal vous commetties aucune malveillance; car plus tost estes vous coulpables lors que en accusant les fautes de vos Seurs vous les pouves faire amender, et en vous taysant vous permettes qu'elles perissent.

  A025000419 

 Mays avant qu'on face prendre garde de la faute aux autres, par lesquelles, en cas qu'elle la nie, elle puisse estre convaincue, si apres la premiere admonition elle ne se corrige pas il faut premierement advertir la Superieure, affin que, sil se peut, estant plus secretement corrigee, il ne soit besoin que les autres le sachent.

  A025000432 

 Mays que tous vos ouvrages se facent en commun, avec plus de soin et d'allegresse ordinaire que si vous les faysies pour vous mesme en particulier; car la charité delaquelle il est escrit qu'elle ne cherche point les choses qui sont a elle (c'est a dire ses commodités, ses proffitz, ses avantages), doit estre entendue ainsy: a sçavoir, qu'elle ne prsefere point ses commodités propres aux commodités commîmes, ains les communes aux propres, C'est pourquoy, dautant plus que vous prœfereres la Communauté a vostre particularité, dautant plus deves vous sçavoir que vous aves profité, a ce que parmi toutes les choses desquelles se sert la transitoire necessité on voye surexceller la permanente charité.

  A025000449 

 Que vous n'ayes aucun proces, ou qu'au plus tost vous le terminies, affin que l'ire croissant ne se convertisse en hayne et face un poutre d'un festu, et ne face l'ame homicide; car ce n'est pas les hommes seulz que regarde ce qui est escrit: Celuy qui hait son frere est homicide; ains, au sexe des masles que Dieu crea le premier, le sexe des femmes a aussi receu ce commandement.

  A025000452 

 Celle qui par injure, malediction, ou reproche de crime offencera une autre, qu'elle se resouvienne de reparer au plus tost par satisfaction la faute qu'elle a commise; et celle qui a esté offencee, de pardonner sans contention.

  A025000452 

 Or, celle-la est meilleure laquelle, bien qu'elle soit souvent tentee de courroux, se haste toutefois d'impetrer le pardon de celle a laquelle elle connoist d'avoir fait l'injure, que n'est pas celle qui est plus tardifve a se courroucer et plus malaysement aussi se laisse persuader de demander pardon.

  A025000452 

 Que si elles se sont reciproquement offencees, elles se doivent pardonner l'une a l'autre, a cause de vos prieres, lesquelles doivent estre d'autant plus saintes qu'elles sont plus frequentes.

  A025000456 

 Mais toutefois il faut demander pardon au Seigneur de toutes choses, qui connoist de quelle affection vous aymes celle-la mesme laquelle, peut estre, vous corriges un peu plus asprement qu'il ne faut.

  A025000464 

 Que l'on obeysse a la Superieure [comme à une mère], en gardant l'honneur qui luy est deu, de peur qu'en icelle Dieu ne soit offencé; beaucoup plus encor au Prestre qui a soin de toutes vous autres..

  A025000473 

 Et que, bien que l'un et l'autre soit necessaire, que toutefois elle affectionne plus d'estre aymee que d'estre redoutee de vous, pensant tous-jours qu'elle doit rendre conte de vous a Dieu; et partant, obeyssant de plus en plus, n'ayes pas seulement pitié et compassion de vous mesmes, mays aussi d'elle, qui est en un peril dautant plus grand parmi vous qu'elle est en une charge plus relevee..

  A025000487 

 Le second Manuscrit est aussi un in-8°, de 57 pages, dont 32 de M. Michel Favre et les 25 autres d'une main qui nous est inconnue; plus, trois pages blanches à la fin.

  A025000488 

 «Voyla les Constitutions,» écrit le Fondateur à la Mère de Chantal le 21 septembre 1621 (tome XX, p. 152); et vers la fin de la lettre il ajoute: «Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer: faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable.» (Page 155; cf. ibid., p. 142.) L'addition indiquée se trouve à la fin de la Constitution XLVII e, De l'election de la Superieure et autres Officieres; la Sainte l'a écrite sur une bande de papier, épinglée ensuite au commencement de la page où se termine cette Constitution dans le Manuscrit qui nous occupe..

  A025000491 

 Il mesure 108mm de hauteur x 58 de largeur et 13 d'épaisseur, et se compose de 284 pages, dont les deux dernières — celles de l'Approbation — non chiffrées, ainsi que celle du titre: plus, six feuillets blancs à la fin.

  A025000492 

 Parfois, cependant, on y rencontre des fautes qui ont échappé à sa révision; de plus, comme nous l'avons dit à la page précédente, il y a une lacune de plusieurs feuillets: alors on s'est reporté à la copie de M. Michel Favre, ou encore au Manuscrit de 1618 dont nous allons parler..

  A025000498 

 Le dernier jour du mois, saint François de Sales écrit à la Sainte, alors à Grenoble: «Je me confirme tous-jours plus au desir... qu'en cette Congregation la [49] Communion y soit quotidienne de quelques unes des Seurs a tour..., ainsy que je le declareray plus a plein es Regles.» (Tome XVIII, p. 206.) Et en effet, cette Communion est prescrite à la dixième page du Manuscrit, au chapitre De la Communion.

  A025000507 

 En quoy, certes, elles sont dignes de grande compassion: car, qui ne plaindroit, je vous prie, une ame genereuse, laquelle desirant extremement de se retirer de la presse de ce siecle pour vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire, faute d'avoir un cors asses fort, une complexion asses saine ou un aage asses vigoureux, la poursuitte qu'elle voudroit faire pour acquerir une plus grande sainteté, demeurant ou empeschee ou retardee par le manquement de la santé?.

  A025000509 

 On pourra, secondement, recevoir celles qui pour leur aage ou pour quelque imbecillité corporelle ne peuvent avoir acces aux Monasteres plus austeres, pourveu qu'elles ayent l'esprit sain et bien disposé a vivre en une profonde humilité, obeissance, simplicité, douceur et resignation.

  A025000517 

 Nulle Seur des autres rangs ne pourra non plus jamais proposer ladite admission, ains sera cette proposition reservee a la Superieure, apres avoir ouy l'advis des Seurs Coadjutrices ou Conseilleres; et laquelle prendra garde a ne point proposer telle admission que pour des Seurs qui, volontier et de bon cœur, auront esté douces, paysibles et humbles, et qui auront des talens convenables pour pouvoir servir es autres rangs, auxquelz, nonobstant tout cela, elles ne devront entrer que par les deux tiers des voix de la Congregation.

  A025000517 

 Que si elles le font, qu'on ne puisse plus en façon quelcomque proposer leur admission, sinon trois ans apres qu'elles auront fait la demande.

  A025000519 

 Au reste, les Seurs ne pourront estre que trente trois en tout, dont il y en aura pour le moins vingt Choristes, et pour le plus neuf Seurs Associees et quatre Seurs Domestiques; sinon que pour quelque legitime et digne respect il semblast au Pere spirituel, a la Superieure et au Chapitre d'en prendre quelques unes de plus, avec dispense de l'Evesque..

  A025000527 

 Si on est contraint pour occasion pressante et utilité de les appeller de nuit, quatre Seurs, avec plusieurs lumieres, les accompagneront a l'entree, a la sortie et pendant le sejour dans la Mayson, qu'on procurera estre le plus court que faire se pourra.

  A025000534 

 Que si l'une et l'autre estoit malade ou occupee, la Superieure commettra [58] la charge a celle laquelle, selon Dieu, elle estimera en estre la plus capable.

  A025000534 

 Que si par quelque soudain et impreveu accident, ou faute d'attention, la Superieure ne commet pas la charge, celle des Seurs Surveillantes qui sera la plus ancienne en Religion l'exercera..

  A025000547 

 Et la Superieure mesme pourra choysir pour elle, pendant sa superiorité, [60] la chambre la plus aysee au recours que les Seurs font a elle et a la descente aux Offices..

  A025000547 

 On excepte neanmoins que la Superieure puisse prouvoir, non obstant le sort du billet, aux Seurs qui ont beaucoup a escrire, comme l'Œconome, et a celle que le medecin jugeroit que pour le soulagement de la santé il falut donner quelque chambre plus aeree.

  A025000548 

 Et pour plus parfaitement observer la sainte vertu de pauvreté, les bastimens des monasteres estans achevés, on limitera les revenus que l'on devra avoir selon le lieu ou le monastere se treuvera; affin qu'en cela mesme la mediocrité soit suivie et qu'il n'y ayt nulle superfluité de biens en la Congregation, ains seulement l'honneste suffisance, a laquelle quand on sera parvenu, on ne prendra plus rien pour la reception des filles qui seront receues que ce qui sera requis pour conserver et maintenir bonnement la juste suffisance du monastere..

  A025000559 

 En tous tems, on sonnera l' Ave Maria du soir entre jour et nuit, et des lhors ne sera plus loysible de demeurer au parloir ni d'ouvrir la porte, sinon pour quelque cause pressante qui ne puisse estre bonnement differee..

  A025000583 

 Et faut noter qu'en tous tems le silence s'observe au choeur, au dortoir et au refectoir, sans que l'on y puisse parler que pour des occasions necessaires; et de plus, que l'on peut tous-jours parler a la Superieure, et les Novices a leur Maistresse, quand il est requis..

  A025000615 

 On donnera plus aysement dispense aux Novices de parler a leurs peres et meres, freres et seurs, oncles et tantes, et mesme a visage descouvert; comme au contraire on les exemptera, tant qu'il se pourra bonnement faire, de parler a tous autres..

  A025000621 

 On pourra demeurer une heure entiere a table, s'il est expedient, afin que celles qui mangent lentement prennent [70] leur refection a loysir; et ce pendant, celles qui auront plus tost achevé leur repas demeureront attentives a la lecture, sans sortir de leurs places avant Graces, sinon que quelque grande et urgente necessité le requit..

  A025000632 

 Elles s'habilleront de noir, le plus simplement qu'il se pourra tant en la matiere qu'en la forme, ainsy qu'elles sont maintenant.

  A025000633 

 Le voyle sera d'estamine noire, sans aucune doubleure, du moins d'autre couleur, et pendra par dernier jusques a demi pied plus bas que la ceinture; le bandeau du front, noir; la barbette, de toyle blanche mediocre, sans plis, et ne porteront ni attifez, ni empoy, ni chose quelcomque qui ne ressente entierement la simplicité religieuse et le mespris du monde..

  A025000637 

 Elles diront l'Office au chœur selon qu'il est marqué au Directoire, prononçant nettement et distinctement les paroles, observant les pauses, mediations, accens, moderant et ajustant leurs voix les unes aux autres, et composans leur maintien le plus devotement qu'elles pourront..

  A025000640 

 Or, parce que les espritz humains prennent bien souvent des secrettes complaysances en leurs propres inventions, mesme quand c'est sous pretexte de devotion ou accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive quelquefois que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel pretexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres ordinaires que de celles qui sont marquees en ces Constitutions et Directoire; car ainsy elle aura tant plus de moyen et de sujet de dire et chanter l'Office avec la gravité et le respect qu'elle y observe maintenant..

  A025000645 

 En toutes les occurrences esquelles il sera necessaire ou expedient de faire election d'un Confesseur ordinaire, le Pere spirituel avec la Superieure et les Seurs Conseilleres confereront soigneusement ensemble des qualités et conditions des ecclesiastiques qu'on pensera pouvoir prendre cette charge tant importante; puis, toutes choses bien considerees, le Pere spirituel et la Superieure choysiront celuy qu'en bonne conscience ilz jugeront plus propre a cela..

  A025000646 

 Or faut il qu'il soit homme de doctrine, de prudence et de vie irreprehensible, discret, honneste, stable et devot, et tel que l'Evesque, le Pere spirituel et la Superieure se puissent reposer en son soin et en son zele en ce qui est requis pour le bon estat de la conscience des Seurs; car encor que l'on employe a cela mesme plusieurs autres bons moyens, comme sont les confessions extraordinaires et les communications avec des personnes spirituelles, et specialement [74] avec la Superieure, ainsy qu'il est dit en divers endroitz des Constitutions et notamment au chapitre suivant, si est ce que le Confesseur ordinaire a plus de pouvoir pour maintenir les consciences des Seurs en pureté et sincerité que nul autre, estant comme l'ange visible deputé a la conservation des ames du Monastere et pour leur avancement au salut eternel..

  A025000653 

 Or, ledit Confesseur prendra garde, tout de mesme que l'ordinaire, de ne point imposer de penitences ni donner aucun advis qui puisse contrarier a l'ordre ou a l'esprit de cet Institut: comme seroit s'il leur imposoit ou qu'il leur conseillast de demeurer en priere pendant les assemblees, de se lever avant l'heure, ou de veiller et de demeurer en quelque exercice apres l'heure ordinaire de [76] la retraitte, ou de ne point se recreer au tems des recreations, ou de jeusner plus souvent que les autres, ou de caresmer es tems esquelz la Congregation ne caresme pas..

  A025000654 

 Mays pourtant, si la Superieure voyoit quelque Seur requerir souvent telles conferences ou confessions, specialement si c'est avec un mesme confesseur, elle en advertira le Pere spirituel pour, avec son advis, prouvoir dextrement a ce que la sainte liberté de la confession et conference ordonnee pour le bien et la plus grande pureté, consolation et tranquillité des ames, ne soit convertie en detraquement de cœur, inquietude d'esprit, curiosité, bigearrerie, melancolie, pour nourrir quelque tentation secrette de prœsumption ou d'aversion au Confesseur ordinaire, ou en fin de singularité et vaine inclination aux personnes..

  A025000681 

 Estant adverties en Chapitre ou au refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, ni n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont [80] la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais beaucoup plus lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, regardant avec estime tous ces moyens comme inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025000692 

 La veille du renouvellement de chasque moys, l'on advertira les Seurs, en donnant l'obedience a mydi, de se praeparer pour faire cette action avec le plus de soin et de devotion que faire se pourra.

  A025000696 

 Affin que l'amendement se face plus grand en la Congregation, la veille de la Circoncision, apres que l'on aura tiré les Saintz, l'Assistente priera la Superieure, au nom de toutes les Seurs, de donner a chascune une ayde; et la Superieure la baillera, leur enjoignant d'avoir soin particulier de s'exciter reciproquement a l'amour de [83] Dieu, a se corriger de leurs defautz en esprit de douceur et de charité, et sans faire, en sorte que ce soit, aucune autre particularité ensemble.

  A025000703 

 Apres cela, celles qui voudront diront leurs coulpes pour plus grande humilité, et on les corrigera doucement et amiablement, sans toutefois extenuer leurs fautes..

  A025000723 

 Comme l'ame et le cœur respandent leur assistance, mouvement et action en toutes les parties du cors, aussi la Superieure doit animer de sa charité, de son soin et de son exemple toute la Congregation, vivifiant par son zele toutes les Seurs qui sont en sa charge, procurant que les Regles soyent observees le plus exactement qu'il se pourra, et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse en la Mayson.

  A025000728 

 Elle eslevera avec un amour paternel les Seurs qui, comme petitz enfans, seront encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent les ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mais «des infirmes; car si quelqu'un te secourt plus qu'il n'est secouru de toy, reconnois que tu es non son pere, mais son pair.» Les justes et parfaitz n'ont point besoin de superieur et conducteur; ilz sont eux mesmes leur loy et leur direction, par la grace de Dieu, et font asses sans qu'on leur commande.

  A025000730 

 Elle ne reprendra point les fautes qui se commettront, sur le champ devant les autres, ains en particulier avec charité; sinon que la faute fust telle que, pour l'edification de celles qui l'auront veu faire, elle requiere un prompt ressentiment; lequel, en ce cas la, elle fera en telle sorte que, blasmant le defaut, elle soulage la defaillante, taschant d'estre vrayement redoutee, mays pourtant beaucoup plus aymee, comme dit la sainte Regle..

  A025000731 

 Qu'elle ne concede point aysement a pas une l'usage des Sacremens plus frequent que celuy qui est porté par les Constitutions, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025000741 

 La Superieure estant esleuë, avant toutes autres choses doit choysir quatre Seurs qu'elle jugera plus propres pour luy donner conseil es occurrences, avec lesquelles elle conferera pour l'ordinaire de quinze en quinze jours des affaires tant spirituelles que temporelles de la Mayson, sans toutefois leur communiquer aucunement l'estat des ames qu'elle aura appris par la reddition des comptes qu'en font les Seurs tous les moys..

  A025000743 

 Or il ne s'ensuit pas pourtant que la Superieure doive tous-jours suivre le conseil des dites Seurs; ains suffit qu'elle l'entende pour mieux se resoudre elle mesme a ce que, selon Dieu, elle estimera estre plus convenable, apres avoir bien consideré et pesé ce que lesdites Seurs auront allegué et remonstré.

  A025000749 

 Apres la consultation, qu'elles se sousmettent au jugement de la Superieure, luy laissant prendre telle resolution qu'elle treuvera plus a propos, sans murmurer, ni reveler aux autres Seurs ce qui aura esté dit.

  A025000749 

 Que si neanmoins lesdites Seurs voyoyent que la Superieure se resolust a quelque chose notablement dangereuse ou manifestement pernicieuse, elles en advertiront le Pere spirituel, ou mesme l'Evesque, le plus discrettement qu'elles pourront, affin qu'il y remedie..

  A025000750 

 Au demeurant, elles doivent estre les plus humbles, sousmises et obeissantes de toutes a la Superieure..

  A025000755 

 En toutes les occasions esquelles la Superieure ne pourra pas estre presente, l'Assistente tiendra le pouvoir et le lieu d'icelle (horsmis au chœur, ou elle se tiendra en sa place, qui sera tous-jours la premiere et la plus honnorable apres celle de la Superieure), et par consequent elle sera soigneuse de se treuver par tout ou les Seurs seront assemblees, pour les tenir en respect et faire observer la Regle..

  A025000756 

 Que si quelque Seur y commet des manquemens, elle en advertira au Chapitre affin qu'il y soit remedié; mays si ce sont des manquemens reparables, comme de prendre un Psalme pour un autre, ou un ton trop haut ou trop bas, ou semblables accidens, elle les reparera sur le champ, le plus insensiblement que faire se pourra..

  A025000759 

 Elle aura un particulier soin du zele de la Regle et advertira la Superieure du manquement qui y surviendra; et aura memoyre que, comme lieutenante de la Superieure, elle doit en tout et par tout conspirer avec elle pour le [94] bon estat de la Mayson et avancement des Seurs en la perfection, suyvant au plus pres qu'il luy sera possible non seulement les ordonnances, mais encor les intentions de la Superieure..

  A025000767 

 De la bonne nourriture et direction des Novices depend la conservation et le bonheur de la Congregation: et partant, la Directrice qui en doit avoir le soin ne doit pas seulement estre discrette, douce et devote, mays elle doit estre la douceur, sagesse et devotion mesme, pour, avec un amour plus que maternel, eslever ses Novices de degré en degré a la perfection religieuse, comme des futures espouses du Filz de Dieu..

  A025000768 

 Or, ce qu'elle taschera le plus de leur faire concevoir et bien entendre, c'est principalement l'intention qu'elles doivent avoir eue en l'eslection qu'elles ont faite d'abandonner [95] le monde pour se retirer au monastere: qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu, mortifiant leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, pour rappeller toutes leurs forces au service de l'Espoux celeste, par une chasteté toute pure, une pauvreté despouillee de toutes choses et par une obeissance establie en une parfaite abnegation de sa propre volonté; et que, en somme, cette Congregation est fondee spirituellement sur le mont de Calvaire, pour le service de Jesus Christ crucifié, a l'imitation duquel toutes les Seurs doivent crucifier leurs sens, leurs imaginations, passions, inclinations, aversions et humeurs pour l'amour du Pere celeste..

  A025000772 

 Que s'il s'en treuve, comme il pourroit arriver, qui ayent le cœur un peu plus rude, grossier et agreste, mais qui ayent pourtant la volonté bien determinee a vouloir obeir et bien faire, donnant esperance de pouvoir estre addoucies et civilisees, elle usera d'un amour tout particulier et genereux pour, avec patience et perseverance, bien [97] cultiver et dresser ces plantes ainsy tortues, parce que bien souvent, moyennant la main et le soin du laboureur, elles portent a la fin des fruitz fort delicieux..

  A025000787 

 En l'absence de l'Assistente et de la Superieure, la plus ancienne d'entre elles tiendra la place de la Superieure, et en la place de la plus ancienne l'autre succedera, sinon que la Superieure en ayt nommé une autre, cela demeurant en sa liberté..

  A025000796 

 Jamais elle ne donnera connoissance a la Superieure des Seurs qui auront prié de l'advertir, ni ne dira non plus aux Seurs ni a personne ce qu'elle aura dit a la Superieure, ni ce que la Superieure luy aura respondu; ains si elle void [100] la Superieure se rendre incorrigible en chose de consequence, elle pourra seulement en conferer avec le Confesseur ordinaire, ou mesme, s'il semble mieux, avec le Pere spirituel, qui aussi sera obligé de couvrir si discrettement ce secret en remediant au mal que l'Ayde n'en puisse estre contristee..

  A025000837 

 Elle ne s'arrestera point a parler avec le Pere confesseur et chapelain ordinaire non plus qu'avec le clerc, ni moins avec les estrangers, sinon pour les choses necessaires..

  A025000845 

 Celle ci ne doit respirer que charité, tant pour bien servir les Seurs malades, que pour supporter les fantasies, chagrins et mauvaises humeurs que le mal cause quelquefois aux pauvres infirmes, les divertissant neanmoins de leurs impressions le plus dextrement et le plus suavement qu'elle pourra, sans jamais tesmoigner d'estre degoustee ni ennuyee de les servir.

  A025000860 

 Elle en fera un roolle et en tiendra conte au bout de chasque annee; et les serrera en bon ordre, mettant a part ceux qui sont propres pour les Seurs de grande taille d'avec ceux qui sont pour les petites, affin de les treuver plus aysement et les distribuer sans choix..

  A025000872 

 Elles feront neanmoins les exercices spirituelz selon qu'il y aura plus ou moins a faire et que la Superieure leur ordonnera; laquelle aura un soin particulier de ne laisser les Seurs sans la nourriture convenable a leur esprit, puisqu'elles servent a la nourriture corporelle de toute la Congregation..

  A025000885 

 En tout, la [110] Superieure leur commandera avec amour, et les Seurs les nommeront seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu'un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025000886 

 Quand donq elles seront malades, la Superieure les fera retirer dans l'infirmerie, et l'Infirmiere les traittera ne plus ne moins que les autres en toutes sortes de services et en toutes occasions, de quelque necessité corporelle et spirituelle qu'elles puissent avoir.

  A025000887 

 Quand elles iront faire les provisions, elles se conduiront avec tant de modestie et de retenue qu'elles edifient un chacun; et se comporteront tout ne plus ne moins que si elles estoyent dans la Mayson, a la veuë de la Superieure..

  A025000911 

 Outre laquelle, les Seurs feront trois jours de retraitte avant Noel, avant la Pentecoste et avant la Presentation de Nostre Dame, et de plus toute la Semaine Sainte, jusques apres la Messe du samedi; et ne se fera aucune assemblee pendant lesditz tems de retraitte, que celle de la recreation du soir, qui sera employee a parler des choses saintes et de devotion.

  A025000917 

 Apres quoy, le Pere spirituel exhortera de penser serieusement a une nouvelle eslection pour le jeudi suyvant, sans autre consideration que de la plus grande gloire de Dieu et sanctification de son nom.

  A025000919 

 Et en fin on verra laquelle des Seurs aura le plus de voix, et celle la sera la Superieure, sans qu'il luy soit loysible ni de refuser, ni de s'excuser, ni de dire des belles parolles, ains s'estant agenouillee, elle fera la Profession de foy..

  A025000921 

 Toutes les voix estans prinses, le Pere spirituel bruslera tous les billetz, affin qu'il n'en soit plus memoyre et que les voix demeurent secrettes..

  A025000923 

 La Superieure estant esleuë et ayant choysi celles que, selon Dieu, elle jugera estre plus propres pour exercer les charges d'Assistente et Coadjutrices, elle les proposera au Chapitre, et l'eslection s'en fera par la pluralité des voix.

  A025000923 

 Que si elles n'en ont les deux tiers, la Superieure en proposera des autres, et l'eslection en estant faite, elle choysira avec l'advis desdites Seurs esleuës, celles d'entre les autres Seurs qu'elle jugera estre plus propres pour exercer les autres offices; et toutes demeureront en l'exercice de [118] leurs charges jusques a ce que la Superieure jugera a propos de les changer..

  A025000956 

 Comme chose que le S. Esprit à si grand sien favory a dicté luy mesme, pour le bien non d'une mais de plusieurs Congregations religieuses, ces Constitutions doyvent estre publiees par l'impresse que trop plus que licitement s'en doit faire.

  A025000986 

 Et je pense qu'en chaque Maison il suffirait d'en recevoir, au plus, trois ou quatre ou cinq, car la Règle étant si douce, si la bénédiction du petit Office y est continuée chacun le peut dire, ou fort peu de personnes s'en trouveraient incapables..

  A025000990 

 Si on pouvait trouver quelque expédient, il serait bien nécessaire, comme qu'il y eut une des plus anciennes députée pour cela, ou autrement..

  A025001000 

 Et à la fin de cet article, serait-il bon d'ajouter que l'on sonnera les Ave Maria le soir «entre jour et nuit,» apres lesquelles il «ne sera plus loisible de demeurer au parloir ni d'ouvrir les portes, sinon pour quelque» chose de grande importance?.

  A025001026 

 Page 167: Ne serait-il point utile d'ajouter trois ou quatre des meilleures pratiques d'humilité que vous nous désirez le plus, mon très cher Père?.

  A025001038 

 Qu'il faut plus clairement spécifier ce qu'il peut et ne peut, afin qu'on ne prétende cause d'ignorance.

  A025001068 

 P. B. — Page 269: Et plus que tout, d'en prendre seulement pour les biens temporels et pour les grandes commodités qu'elles apportent..

  A025001073 

 Si, pour quelque digne sujet, il fallait en prendre quelqu'une plus jeune d'une ou deux années au plus, il ne se pourrait qu'avec licence de l'Evêque et grande considération..

  A025001080 

 Il me semble qu'il serait bon de dire si l'on peut, en une Maison, recevoir plus d'une fondatrice et une bienfaitrice (aux Carmélites, je crois qu'elles en reçoivent bien jusques à trois), et marquer leurs privilèges, surtout quand elles veulent être Religieuses.

  A025001083 

 Mais, mon Père, gravez ceci avec les paroles les plus prégnantes qui vous seront possibles, et surtout obtenez-nous cette grâce de la miséricorde de Dieu qui soit à jamais béni..

  A025001089 

 1 /2 X 51/2, et se compose de 147 pages, y compris celle du titre; plus une page blanche à la fin.

  A025001092 

 Des passages plus ou moins longs y ont été ajoutés, probablement d'après des écrits du Saint qu'il ne put classer avant sa mort.

  A025001111 

 Comme donques pourroit on avoir des liens plus fortz que le lien de la dilection, qui est le lien de la perfection?.

  A025001141 

 Les Seurs diront a l'ordinaire le petit Office de Nostre Dame, veu que cet Ordre ayant esté institué particulierement pour la retraitte des infirmes et a l'honneur de la Bienheureuse Mere de Dieu Nostre Dame, cet Office leur est plus sortable que le grand.

  A025001145 

 Pour se maintenir avec le respect et attention convenable, il faut qu'elles considerent de tems en tems combien ce leur est d'honneur et de grace de faire ça bas en terre le mesme office que les Anges et les Saintz font la haut au Ciel, et qu'elles prononcent, quoy qu'en divers langage, les louanges au mesme Seigneur, la grandeur et majesté duquel fait trembler les plus hautz Seraphins..

  A025001147 

 Mays la principale attention et le plus grand soin que doivent avoir les Seurs qui ne sont pas encor habituees a l'Office, c'est de bien prononcer, faire les accens, pauses, mediations, de prevoir ce qu'elles ont a dire selon les charges qui leur sont donnees, se tenir prestes pour commencer, et faire les ceremonies avec gravité et bienseance, sans exceder en la crainte de faillir non plus qu'en la presomption de bien faire.

  A025001152 

 Apres cela, on pourra dire le Chapelet ou telle autre priere que l'on goustera le plus, jusques a l'Evangile, auquel il se faut lever promptement pour tesmoigner que l'on est appareillé pour cheminer en la voye des commandemens de l'Evangile, et dire: Jesus Christ a esté fait obeissant jusques a la mort, et mesme a la mort de la croix.

  A025001168 

 Outre cet examen general, les Seurs pourront prattiquer le particulier, lequel se fait d'une vertu particuliere qui soit la plus convenable et qui s'oppose directement es imperfections esquelles l'on se sent plus incliné..

  A025001181 

 Que la douillette considere le fiel qui fut presenté a Nostre Seigneur au fort de ses plus ameres douleurs; celle qui est trop avide pense a l'abstinence et jeusnes rigoureux des Peres du desert et de tant d'autres Saintz qui ont si puissamment mortifié leur sensualité..

  A025001184 

 Celle qui servira prendra garde que rien ne manque aux Seurs et de lever les choses qui ne serviront plus, se servant de l'ais pour cela quand il sera besoin, et des corbeilles pour les tassines et pour le pain qu'elle levera avec le Cousteau; et mettra les potages de la seconde table sur la fin de la premiere..

  A025001204 

 Qu'en entrant elles se mettent plus particulierement en la presence de Dieu, demandant la grace d'employer le silence selon la fin pour laquelle il a esté saintement institué, qui est non seulement pour empescher le vain babil, mais aussi pour retrancher les pensees vagabondes et inutiles, s'entretenant avec l'Espoux, et pour prendre nouvelles forces affin de travailler sans cesse a son divin service..

  A025001205 

 Elles se pourront servir de l'orayson du matin, regardant Nostre Seigneur au mistere ou elles l'ont medité, et s'arrestant sur quelques uns des pointz qu'elles auront plus goustés.

  A025001226 

 O mon souverain Bien, je ne veux plus que vous..

  A025001243 

 Elles en feront de mesme envers les Saintz et Saintes auxquelz elles auront plus de devotion: comme a saint Joseph, saint Augustin, saint Jean Baptiste, les Princes de l'Eglise saint Pierre et saint Paul, saint Jean l'Evangeliste, patron des vierges, saint Bernard, saint François, sainte Anne et sainte Magdelaine, les troys saintes Catherine, et autres glorieux Saintz dont on a leu la Vie a table..

  A025001264 

 Apres quoy elles demanderont tres humblement pardon a Nostre Seigneur et la grace de se corriger; dequoy elles feront une bonne resolution, specialement des choses plus importantes qu'elles remarqueront, les detestant et taschant de donner a leur ame une vraye douleur de leurs fautes, pour petites qu'elles soyent; car c'est tous-jours trop de mal d'avoir despieu a la souveraine bonté de Nostre Seigneur qui nous fait journellement tant de misericorde..

  A025001264 

 S'estant prosternees en esprit d'humilité aux pieds de Nostre Seigneur crucifié, elles diront devotement le Confiteor jusques a mea culpa, et demanderont la grace et la lumiere du Saint Esprit affin qu'elles puissent bien connoistre leurs fautes; puis rassembleront tout ce qu'elles ont treuvé en leurs examens journaliers despuis la derniere Confession, penseront un peu s'il y a rien de plus, et acheveront le Confiteor disant mea culpa.

  A025001271 

 Mais si quelque Confesseur les troubloit en confession, apres avoir invoqué Nostre Seigneur, elles demanderont humblement a la Superieure de ne s'y plus confesser..

  A025001293 

 Outre les Communions que les Constitutions ordonnent, [162] elles communieront, selon la coustume, une fois la semaine de plus durant le Caresme; comme aussi le jour de la Conversion de saint Paul, le jour de saint Joseph, de sainte Catherine de Sienne, les festes de sainte Croix, saint Claude, (en memoyre qu'a tel jour la Congregation fut commencee), de sainte Marie Magdelaine, de sainte Anne, de Nostre Dame aux Neiges, de saint Bernard, de saint Augustin, duquel nos chosmons la feste, du Patron de l'eglise Cathedrale du diocese, de la feste du Saint principal auquel leur eglise est dediee, de saint François d'Assise, de sainte Catherine, vierge et martyre, de saint Charles, le jour des Innocens et celuy auquel elles auront fait la sainte Profession..

  A025001299 

 On ne dit rien de l'orayson, parce que l' Introduction a [164] la Vie devote suffit pour y dresser les ames qui n'en ont pas encor l'usage, et le Traitté de l'Amour de Dieu et plusieurs autres livres qui traittent de cette matiere, avec les Entretiens, fourniront suffisamment de lumiere et d'addresse aux plus advancees; et qu'en fin, le Saint Esprit est le vray Directeur en ce chemin, quoy qu'il faille tous-jours marcher appuyees sur le conseil de la Superieure, laquelle, autant qu'il luy sera possible, doit ayder et advancer les ames en cet exercice, comme tres important et utile en la vie spirituelle..

  A025001302 

 Et de plus, s'il se treuve [165] quelques ames, voire mesme au Novitiat, qui craignent trop d'assujettir leur esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuidance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que, pour l'ordinaire, celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A025001302 

 Mays quand, par le progres du tems, les ames se sont exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors il faut que ces exercices s'unissent en un exercice de plus grande simplicité, a sçavoir: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu, ainsy que l' Exercice de l'union marque, de sorte que cette multiplicité se convertisse en unité.

  A025001309 

 Qu'elles facent des questions a la Directrice pour avoir un plus grand esclaircissement des Regles, Constitutions et coustumes..

  A025001309 

 Si tost que l'Obeyssance sera donnee, que les Novices se retirent promptement au novitiat, se mettant plus particulierement [166] en la presence de Dieu, luy demandant sa grace affin de bien prouffiter des enseignemens qui leur seront donnés.

  A025001319 

 Que la Superieure de chasque Monastere prenne soigneusement garde qu'on n'introduise aucune nouveauté, retranchant toute pretention de faire plus ou moins que ce qui est compris en l'Institut.

  A025001337 

 Les Monasteres qui sont plus commodes pourront [172] et feront tres bien de secourir charitablement ceux qui se treuveront en necessité, prenant neanmoins l'advis et permissions des Superieurs lhors qu'il s'agira de chose notable; et que cela se face sans aucune alienation des fonds et revenus des monasteres.

  A025001339 

 Les Superieures doivent avoir un tres grand soin et affection de conserver la sainte amitié avec les autres Monasteres, et pour cela elles doivent s'escrire au moins une fois ou deux l'annee, voire plus souvent entre les Maysons proches, pour s'encourager a la parfaite observance et se communiquer cordialement les benedictions extraordinaires dont Dieu gratifiera leurs Communautés..

  A025001363 

 Le sermon qui se doit faire pour cett'action pourra estre fait ou par le celebrant, ou bien par quelqu'autre praedicateur; et pourra estre fait ou bien au commencement, ou bien a la fin de l'action, selon qu'il sera jugé plus a propos..

  A025001380 

 Ceux qui se confient au Seigneur pour habiter en sa mayson, ne vacilleront jamais, non plus que la montaigne de Sion.

  A025001382 

 Ceux qui se confient au Seigneur pour habiter en sa mayson, ne vacilleront non plus que la montaigne de Sion.

  A025001418 

 Vous ne seres plus appellee N., mais N. N..

  A025001422 

 Ce qui se fera le plus vistement qu'on pourra, affin de ne pas faire beaucoup attendre le Celebrant, lequel aussi, de son costé, s'estant retiré dans la sacristie des Prestres, se preparera pour venir dire la sainte Messe a mesme tems que les Seurs avec la nouvelle Novice seront retournees au chœur, et auront achevé de chanter, ou tous, ou partie des Psaumes marqués pour cet effect..

  A025001562 

 Ma Seur, vous estes morte au monde et a vous mesme pour ne vivre plus qu'a Dieu..

  A025001608 

 Item, quand il y a plus d'une fille qui fait la Profession, il faut que l'une parle pour toutes, ainsy qu'il a esté marqué en son lieu; et tout de mesme le Celebrant parlera au nombre plurier, quand elles sont plusieurs.

  A025001647 

 Des quatre feuilles qui le composent, les deux premières sont plus petites (19 cm. 1/2 X 14); les deux autres ont 29 cm.

  A025001647 

 Le premier Manuscrit, le plus incomplet mais non le moins précieux, puisqu'il est tout entier de la main de saint François de Sales, appartient à la Visitation de Thonon.

  A025001647 

 Par contre, il y a quelque différence entre ces douze pages et les quatre dernières: celles-ci sont de la même époque, sans doute, mais écrites peut-être à quelques semaines d'intervalle: la main semble plus reposée, les caractères sont plus serrés et plus droits, c'est une autre plume.

  A025001653 

 H, dont il est parlé ci-après, il change: c'est la Supérieure qui fera cette réception; elle ôtera les «habitz et coeffeures» à la prétendante, qui «prendra les habits et coeffeures de la Mayson dedans le refectoir ou ailleurs.» Probablement, le Saint avait songé à donner plus de solennité à cette vêture lorsqu'il pensait faire prendre le voile dès le Noviciat; ce fut sa première idée (voir ci-dessus, p. 201, et ci-après, note 1315, p. 241)..

  A025001663 

 a) Si l'on compare avec ce Manuscrit la lettre du 20 juillet à Philippe de Quoex (tome XIV, p. 328), on peut faire plus d'un rapprochement [205]: des deux côtés, mention des Congrégations instituées par «le Bienheureux Cardinal Borrhomee;» mêmes heures indiquées pour le lever et le coucher, et à peu près mêmes termes touchant la clôture..

  A025001669 

 Nous avons dit plus haut (p. 204), que d'après le Ms.

  A025001673 

 L'article de l' Expulsion et les Trois souhaits (copie de ceux que saint François de Sales écrivit en 1611 au commencement du Livre du Couvent de la Visitation d'Annecy) sont d'une écriture beaucoup plus grosse, mais toujours de la même plume.

  A025001673 

 Le Manuscrit est une ancienne copie, tonte de la même main, sauf les deux premières pages dont le papier est plus blanc et les caractères plus récents.

  A025001675 

 Toutefois, il semble plus probable que ce don lui ait été fait par la Mère de Chantal, qui prodigua ses encouragements à la nouvelle Société..

  A025001680 

 K. — Deux pages appartenant à la Visitation de Milan (Ms. M) se retrouvent exactement, sauf de très petites variantes, dans le même Manuscrit; nous en exceptons l'article: Du maintien exterieur et des devis, qu'on trouvera plus loin.

  A025001684 

 a) L'addition faite à l'article I er, sur les Congregations «instituees par saint Charles, Cardinal Borromee,» donne à supposer qu'il en avait acquis une plus particulière connaissance; de même, la digression sur la différence de situation morale entre les «filles et femmes» d'Italie et celles des «païs de deça»..

  A025001686 

 c) Les prescriptions plus détaillées au sujet des femmes qui entrent pour plusieurs jours dans la Maison, surtout ces mots: «et s'en iront en leur païs», font songer au séjour que des dames de Lyon firent à Annecy avec M me des Gouffiers, du 28 mai jusque vers le 10 juin 1613.

  A025001689 

 (Voir plus loin, art. 46, note 1 de la variante 1488.).

  A025001707 

 Afin donq que telles ames pleines de bonnes affections ayent moyen, parmi tous ces empeschemens que nous avons dit, de se retirer du monde, fuir les occasions du peché et s'appliquer plus doucement et parfaittement a l'exercice du divin amour, cette devote Congregation a esté dressee et procuree, sur l'exemple de celles qu'a mesme intention furent instituees par saint Charles, Cardinal Borromee, en son diocese de Milan, et de celle de sainte Françoise, de Rome..

  A025001709 

 Or, cette Congregation ayant deux principaux exercices: l'un, la contemplation et orayson, qui se prattique principalement en la mayson; l'autre, du service des pauvres et malades, principalement du mesme sexe, elle a convenablement choysi pour Patronne Nostre Dame de la Visitation, puisque en ce mistere la tres glorieuse Vierge fit cet acte solemnel de sa charité envers le prochain que d'aller visiter et servir sainte Elizabeth au travail de sa grossesse, et composa neanmoins le cantique du Magnificat, le plus doux, le plus relevé, plus spirituel et plus contemplatif qui soit escrit..

  A025001740 

 Or, outre ceux lâ qui pour telles necessités urgentes entreront dans la Mayson, pour la consolation des plus proches parens des Dames, les peres, filz, freres et les oncles, freres des peres ou des meres, pourront entrer pour visiter leurs filles, meres, seurs et nieces quand elles seront tellement malades qu'elles ne pourront descendre au parloir, et qu'on jugera leur maladie devoir estre perilleuse.

  A025001745 

 Quant au premier, [nul homme du monde ne peut aucunement entrer...] les hommes n'entreront point dans la mayson de la Congregation, sinon es cas esquelz il est permis de les recevoir es Religions les plus reformees du monde; comme sont les cas de vraye necessité, qui ne doivent estre jugés telz sinon quand [le Monastere] la Mayson a besoin de l'assistence et presence des hommes: comme des massons, charpentiers, medecins, cyrurgiens.

  A025001755 

 Et pour cela on n'en recevra que deux ou [219] trois au plus a la fois, sinon que quelque grande occasion requiere le contraire; car autrement il y auroit danger de grande distraction..

  A025001756 

 Sixiesmement, les jours de feste les femmes n'entreront point en la Mayson, affin que les Dames, qui toutes auront esté communiees, ayent plus de repos pour traitter des choses spirituelles et caresser le celeste Espoux qu'elles auront receu.

  A025001757 

 Et qu'il n'y en ayt que trois au plus au mesme tems; et pendant que telles femmes seront en la Mayson, la Superieure, par soy mesme ou par l'une des Dames, les fera assister de conseil, livres et exercices propres au sujet pour lequel elles seront venues, tesmoignant tous-jours la cordiale charité de la Congregation envers elles.

  A025001764 

 Or, en tout et partout, on prendra garde que les femmes qui entreront ne troublent point le train ordinaire des exercices de la Mayson [tant quil sera possible...] que le moins quil sera possible; et pour cela, on n'en recevra que deux a la fois, ou trois au plus, car autrement il y auroit danger de grande distraction..

  A025001765 

 La Congregation [ayant la charité du prochain...] devant avoir le service des pauvres en recommandation, et n'y ayant point de pauvreté si grande que celle de l'ame, il sera permis de recevoir en la Mayson, non seulement pour un jour, mais pour plusieurs jours, ainsy quil sera requis, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se praeparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leurs vies, [demanderont] auront besoin d'un peu de retraitte; a la charge qu'estant entrees elles observent de point en point tous les exercices de la Mayson, [220] et qu'[on n'en reçoive au...] il n'y [en] ait au plus que trois a mesme tems..

  A025001778 

 Si les Dames de cette Congregation observent tant de discretion et de bon ordre a l'entree des personnes de dehors en leur Mayson, elles en doivent encor plus avoir es sorties qu'elles feront, afïin que, comme le monde n'entre point en leur Mayson encor que les personnes du monde y entrent, on puisse aussi dire qu'elles ne vont pas au monde encor qu'elles aillent parmi les lieux et personnes du monde, et qu'elles soyent comme l'huyle qui, passant entre les autres liqueurs, n'est pourtant jamais confuse, meslee ou alteree entre icelles..

  A025001779 

 A leur retour, elles rendront fidellement conte a la Superieure de tous leurs deportemens, et se remettront en la plus grande humilité qu'il leur sera possible, pour reprendre le train des exercices de la Mayson et reparer les pertes spirituelles que la sortie leur pourroit avoir apporté..

  A025001779 

 Donq, elles ne sortiront que pour des causes ou extremement pieuses, comme est le service des pauvres et malades, a l'exemple des anciennes vefves chrestiennes; ou pour autre service grandement necessaire, comme quand, pour leur juste devoir, elles auront besoin d'aller mettre ordre en quelques affaires urgentes, pour par apres se retirer [223] avec plus de repos.

  A025001781 

 Rencontrant quelque personne a laquelle il faille parler, elles le feront le plus courtement qu'il se pourra..

  A025001796 

 Premierement donq: elles ne sortiront que pour des occasions ou extremement pieuses, comme le service des pauvres et malades,, a l'exemple des anciennes vefves de la primitive Eglise; ou extremement necessaires, comme quand les vefves, pour leur juste devoir, devront pour quelques jours aller mettr'ordre aux affaires [223] urgentes de leurs maysons, pour par apres se retirer avec plus de repos.

  A025001798 

 Elles ne s'amuseront point par les rues, ains rencontrant quelque personne a laquelle il faille parler, ce sera le plus courtement que faire se pourra..

  A025001802 

 Estant de retour, elles iront au plus tost simplement s'agenouiller devant la Superieure, luy rendre conte de leur petit voyage..

  A025001806 

 Et mesme, s'il y avoit des moyens en la Congregation, on pourroit suppleer par le seul apprest des viandes necessaires aux malades, pauvres et souffreteux; car c'est un des advantages plus desirable des simples Congregations, qu'elles puissent estre employees diversement, selon la varieté des lieux, des tems et des circonstances..

  A025001806 

 Mais si la Congregation s'establissoit en quelque grande ville en laquelle les sorties pour visiter les malades particuliers [226] fussent perilleuses, ce seroit au Prelat du lieu ou de les retrancher du tout, ou de les limiter pour la Visitation seule des hospitaux et lieux pieux, ou pour la Visitation des maysons conneuës, ainsy quil l'estimeroit estre plus a propos.

  A025001814 

 Et lhors elles iront la moytié ensemble une fois, et l'autre moytié l'autre fois, sinon que la Superieure jugeast plus a propos de partager en trois ou quatre trouppes, selon le nombre; mais, comme que ce soit, en chasque trouppe il y aura tous-jours une qui aura la charge, et les autres seront en obeissance.

  A025001824 

 Jamais aucune de celles qui auront esté choisies ne demandera plus aucune obedience du long de cette annee la, ains attendra seulement que la Superieure dispose d'elle pour cest effect..

  A025001824 

 Or, elles en choisiront en nombre, affin quil y en ayt plus qu'on [n'en] employera, ou pour le moins qu'il y en ayt pour changer de tems en tems, selon qu'il sera jugé expedient.

  A025001832 

 Si quelqu'un apres estre gueri veut remercier celles qui l'auront assisté, on ne le permettra pas, si quelque speciale consideration n'invite a cela; ains la Superieure, ou telle autre des Seurs qu'elle treuvera mieux, ira recevoir les remerciemens au nom de la Superieure, le plus court oysement que se pourra, sans affectation.

  A025001859 

 Elles seront promptes a partir au premier son de la cloche pour se treuver au chœur, et y viendront avec gravité et reverence; comme aussi elles se mettront en un maintien le plus devot qu'il leur sera possible, et ne parleront que pour chose extremement necessaire et urgente, ni ne sortiront que par necessité pressante.

  A025001862 

 La sainte Communion se fera generale tous les Dimanches et festes de commandement; et celles qui voudront communier plus souvent ne le feront point qu'avec l'advis du Confesseur et le commandement de la Superieure..

  A025001866 

 Elles s'habilleront le plus simplement que faire se pourra, tant a la matiere qu'a la forme, ainsy qu'elles sont maintenant.

  A025001871 

 Et cependant, celles qui auront plus [241] tost fait ne perdront point le tems, demeurant attentives a la lecture qui se fera, pour laquelle on deputera de semaine en semaine quelqu'une des Dames, qui lira clairement, distinctement et lentement, faysant des justes pauses de periodes a periodes, affin que toutes, gardant le silence, entendent sans peyne ce qui se lira.

  A025001871 

 Que si celle qui aura charge de lire prend le soin de prevoir la lecture qu'elle devra faire, pour la rendre plus fructueuse, ce sera chose fort aggreable a Dieu, et imitera le grand saint Thomas d'Acquin lequel, quoy quil fust le plus docte homme qui aye jamais esté despuis saint Augustin, ne laissoit pas de prevoir tous-jours la Messe avant que la dire..

  A025001913 

 Au demeurant, la veille du jour de l'an, que l'on donnera les Saintz, au bout de chasque billet on mettra un nombre selon la quantité des Dames dediees qui se treuveront en la Mayson, et selon le nombre qu'une chacune treuvera en son billet, elle prendra ce mesm'ordre toute l'annee, a suivre ou preceder les autres; de sorte que si la plus jeune ou derniere treuve en son billet le nombre I, elle sera cett'annee la, la premiere au chœur, au refectoir et, es autres occurrences, apres celles qui auront charge en chasque office: et ainsy les premieres seront faites comme les dernieres, et les dernieres comme les premieres.

  A025001919 

 Et affin que l'amendement se face plus grand en la Congreégation, la veille du jour de l'an, quand on donne les Saintz, elles demanderont a la Superieure des aydes pour leur amendement.

  A025001919 

 Et elle les leur accordera au nom de Nostre Seigneur, donnant a une chacune d'icelles une compaigne pour cette annee lâ; et leur enjoindra d'avoir soin particulier l'une de l'autre a s'[exciter] a l'amour de Dieu et a se corriger l'une l'autre de leurs defautz, en esprit de douceur et charité, sans toutefois que pour cela elles facent aucun'autre particularité ensemble, sinon de s'admonester paysiblement l'une l'autre; ce que pour faire avec plus de suavité, de moys en moys elles se prieront l'une l'autre de [se] faire la reciproque correction.

  A025001922 

 Ce qu'estant fait, celles qui voudront dire leurs coulpes pour plus grande humilité le pourront faire; et on les corrigera doucement et aimablement, sans extenuer les fautes..

  A025001931 

 Et lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees et les causes pourquoy on les a tirees, escrit de la main de la Portiere et signé par la Superieure et la plus ancienne des Seurs, affin qu'au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble, avec la Superieure, facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson..

  A025001931 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont l'une sera gardee par la Superieure, l'autre par la plus ancienne des Seurs et la troysiesme par la seconde des Seurs; et sera tenu roolle des receptions [253] des sommes, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et des causes pourquoy.

  A025001980 

 Ell'aura le soin d'eslever et conduire les Novices, et partant elle doit estre la douceur, la discretion et la devotion mesme, pour, avec un amour plus que maternel envers ses filles, les nourrir dignement en qualité de futures espouses du Filz de Dieu.

  A025001982 

 Et dautant que les Seurs Servantes qui, pour l'ordinaire, sont rustiques, dures et de naturel moins poli, sont aussi plus malaysees a manier, la Directrice usera d'un amour tout particulier en leur endroit, affin d'avoir de la patience, tolerance et perseverance a bien cultiver leur esprit..

  A025002003 

 Celle ci ne doit respirer que charité, tant pour bien servir les Seurs malades, que pour supporter les humeurs importunes que le mal donne quelquefois aux pauvres [infirmes] auxquelles elle doit compatir, en les divertissant neanmoins de leurs humeurs le plus dextrement et suavement qu'elle pourra, sans jamais tesmoigner d'estre degoustee ni ennuyee de les servir.

  A025002005 

 Mays les malades aussi, reciproquement, se resouvenant de l'infinie douceur et patience de Nostre Seigneur crucifié, qui receut le fiel et toute sorte d'aspreté sans aucun meslange de consolation pour leur salut, s'essayeront de l'imiter, prenant les medecines, viandes et autres traittemens de l'Infirmiere avec action de graces et benediction du [265] nom de Dieu, de la part duquel tous les soulagemens et services que l'on leur fait leur arrivent, dont tant d'autres, qui sont peut estre plus fidelles qu'elles au service de Dieu, se treuvent privees tout a fait..

  A025002030 

 Elle aura la charge de tirer le vin, de couper les portions de pain et d'advertir quand il n'y aura plus gueres de l'un et de l'autre, affin qu'on y pourvoye.

  A025002040 

 La Superieure sera l'ame, le cœur et l'esprit de la Congregation; en sorte que, comme l'ame, le cœur et l'esprit d'un cors respand son assistence, son mouvement et ses actions par toutes les parties d'iceluy, aussi la Superieure doit animer de son zele, de son soin et de son exemple tous les membres de la Congregation, et doit vivifier par sa charité et dilection maternelle toutes les Seurs et filles de la Congregation: procurant que les regles soyent observees le plus exactement que faire se pourra, que la mutuelle charité et sainte amitié soyent prattiquees en toutes sortes de vertus; ouvrant sa poitrine maternelle et amiable a toutes ses filles esgalement, affin qu'elles y ayent recours en leurs doutes, scrupules, difficultés, secheresses, troubles et tentations; commandant a une chacune et a toutes en general avec des paroles et contenances graves mays suaves, avec une contenance asseuree mays douce et humble, et avec [un] cœur plein d'amour et du desir du prouffit de celles auxquelles elle commande..

  A025002043 

 Elle eslevera avec un amour maternel les filles qui, comme petitz enfans, sont encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent aux ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mays «des ames infirmes; car si quelqu'un te donne plus de secours quil n'en reçoit de toy, reconnois que tu es non pere, mais pair en son endroit.» Les justes et les parfaitz n'ont point besoin de superieur et de conducteur; ilz se servent de loy a eux mesmes et font asses sans qu'on leur commande.

  A025002046 

 Et lhors on procedera a nouvelle election, qui pourra neanmoins estre faite de la mesme personne en la continuant encor pour trois ans, passé lesquelz il ne sera plus loysible d'user de continuation, ains faudra qu'elle demeure deposee au moins un an entier avant que de rechef on la puisse eslire en la mesme charge.

  A025002049 

 Puis on verra celle qui aura le plus de voix, et elle demeurera Superieure.

  A025002056 

 Puis la Superieure prendra les voix de toutes les Dames, et si la Superieure consent avec la plus part d'icelles, la reception se fera; mais neanmoins avec l'advis du Pere spirituel, qui s'enquerra des conditions de la fille, affin d'en advertir les Dames, et que par ce moyen elles facent meilleure deliberation..

  A025002064 

 La reception des Novices se fera par [les Dames, en sorte que [273] les...] la Superieure, si, ayant pris les voix des Dames dediees, la plus part d'icelles y consent; [mais tous-jours pourtant avec l'advis du P. spirituel qui sera... lequel ne...] mais si la plus part consent a la reception et la Superieure ne consent pas, la Novice ne doit pas estre receiie, sinon que les deux partz des trois faysantes le tout ne consent.

  A025002084 

 Secondement, apres avoir consideré cela a part soy, avant que de dire son avis elle proposera aux autres Dames la reception dont il sera question, pour sçavoir leurs opinions, et si [la plus part] des troys parties de la Congregation les deux ne consentent, on retardera encor la reception a [276] l'offrande.

  A025002085 

 «Ma chere Seur, nos Seurs ont grand desir que, comm'elles, vous facies la s te offrande et soyes establie en la Congregation; mais avant que vous y recevoir, elles voudroyent que vous vous amandassies de telle et telle chose, affin que, par apres, vous puissies faire un'offrande plus entiere et aggreable a Nostre Seigneur et a sa sainte Mere.

  A025002086 

 Que si apres la seconde annee elle ne s'amende point, et que l'on voye qu'elle mesprise de s'avancer en la reformation de sa vie, on luy pourra donner son congé et la prier de se retirer en paix avant que d'entrer plus avant en l'entreprise de cette vie.

  A025002146 

 La Superieure, a laquelle il appartient de ne point permettre que la Congregation ayt des personnes scandaleuses et obstinees, ayant remarqué ce malheur en quelqu'une des Seurs, si jamais il arrivoit quil y en eut de telle, en conferera premierement avec les officieres de la Mayson (qui aussi sont les plus obligees d'estre jalouses du bien, de l'honneur et de la conservation de la Congregation), et entendra leur advis; lequel se treuvant conforme au sien, ell'assemblera toutes les Seurs, et leur proposera sincerement et clairement le crime scandaleux ou la contumace de celle qu'il luy semble devoir estre expulsee et rejettee.

  A025002148 

 Et neanmoins on procurera qu'au plus tost, et avec le moins de bruit que faire se pourra, elle sorte et s'en aille, avec ce qu'ell'aura apporté en la Mayson, selon ce qui est contenu en l'article De la pauvreté, ci-dessus; a quoy il faudra prouvoir de bon'heure, et qui neanmoins ne sera pas pour l'ordinaire si malaysé, puisque si on ne peut luy rendre l'argent, on luy rendra le bien qu'on en aura acheté, ou, en attendant, la cense convenable, jusques a ce qu'on ayt commodité de rendre le fond et principal..

  A025002151 

 Et affin que lesdites voix se donnent plus sincerement, le jour de cette assemblee la, toutes les Seurs qui devront deliberer communieront et, avant toute deliberation, jureront a genoux, toutes ensemble, de dire ce qu'elles croiront estre le plus a la gloire de Dieu, selon [la] justice et selon la charité deuë tant a la Congregation qu'a celle qui est accusee..

  A025002167 

 Ce sont les paroles du grand saint Basile, qui ne nie pas que la femme ne doive reconnoistre en l'homme l'advantage de la superiorité et praeeminence, trait de la ressemblance divine que l'homme a de plus que la femme, laquelle estant extraite de l'homme, est aussi faite pour luy; mais il veut bien pourtant qu'en tout le reste la femme est egale a l'homme, et sur tout en la prœtention de la grace et de la gloire, qui est le fruit de l'honneur que la nature humaine possede d'avoir esté faite a l'image et semblance de son Createur.

  A025002167 

 «Celles ci,» dit saint Gregoire Nazianzene parlant des femmes devotes, «sont douees d'un grand et genereux esprit, comme ayant rejetté de leur poitrine, par un vaillant et vrayement masle courage, les qualités de cette ancienne et trompeuse Eve; elles ont obtenu l'oubli de toutes leurs praecedentes infirmités par l'attouchement du bord de la robbe du Sauveur; elles se sont affranchies du goust ancien de la pomme mortelle par celuy qu'elles ont pris a savourer Jesus Christ; leur [293] foiblesse ne leur demeure plus que pour la splendeur de la vertu divine, et leur infirmité que pour servir de throsne a l'humilité.».

  A025002172 

 Et quant a saint Augustin, Possidonius dit ainsy: «Entre les rares tesmoignages de son soin pastoral que l'on voyoit apres son trespas en son diocese, l'un des plus grans fut qu'il laissa un clergé tres suffisant et des monasteres, tant d'hommes que de femmes devotes, avec leurs Superieurs et Superieures.».

  A025002174 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, escrivant aux Philippiens: «Je salue,» dit il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et finalement, en l'epistre aux Antiochiens: «Que les vierges,» dit il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et en l'epistre a Heron: «Conserve,» dit il, «les vierges comme joyaux de Jesus Christ.» De sorte que les Colleges ou Congregations des femmes et filles devotes estoyent des-ja introduites et louees en l'Eglise du tems des Apostres; qui rend d'autant plus probable ce qui a esté dit de celles que la glorieuse Vierge et sainte Marthe instituerent..

  A025002177 

 Le quatriesme rang est de certains Ordres que le Saint Siege a receu et appreuvé en tiltre de Religion, encor qu'ilz ne facent pas tous les vœux essentielz, et que, de plus, ilz ne facent que des vœux imparfaitz en comparayson des autres Religieux; d'autant qu'ilz ne vouent ni la chasteté absolue, ni la pauvreté entiere, ni l'obeissance que pour certaines actions.

  A025002178 

 Et bien que anciennement, du tems de saint Augustin et de saint Hierosme, et en tous ces premiers siecles despuis les Apostres on appellast indistinctement Moynesses, Religieuses et Sanctimoniales toutes les femmes et filles qui se dedioyent a Dieu, ou en Congregation ou hors de Congregation, si est ce que maintenant [299] on ne parle pas comme cela selon le stile present de la Cour Romaine (qui en cecy doit estre suivi), ne plus ne moins qu'on n'appelle plus les Evesques Papes, tressaintz Peres, tres heureux Peres, Vostre Sainteté, Vostre Beatitude; qui sont neanmoins les tiltres ordinaires desquelz l'antiquité les honnoroit; l'usage, qui a toute authorité sur les paroles, ayant reservé ces eloges et appellations d'honneur au seul Evesque Romain qui tient la primauté de saint Pierre.

  A025002178 

 Le cinquiesme rang appartient a toutes les autres Congregations, tant d'hommes que de femmes, esquelles on s'oblige, soit par vœu simple, soit par oblation, soit par simple protestation et declaration publique, a la prattique des conseilz evangeliques; lesquelles, bien qu'elles soyent de beaucoup plus grande perfection que celles des Chevaliers mentionnés, quant a la prattique, ne sont pas neanmoins si avant dans l'estat de la perfection selon la police exterieure de l'Eglise, ni ne portent pas le tiltre de Religion entre ceux qui manient les affaires ecclesiastiques, puisque le Saint Siege ne leur donne pas ce nom, ains les laisse sous le simple nom de Congregations pieuses et devotes, comme tesmoigne le docteur Navarre en deux conseilz donnés pour les Dames oblates de la Tour des Mirouërs de Rome.

  A025002183 

 Elles n'ont point de jurisdiction ni aucune puissance qui s'estende hors d'une seule mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelles elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenues pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees et appreuvees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles se treuvent instituees, ne plus ne moins que les societés et autres confrairies pieuses; les Ordinaires demeurans, quant a cela, en leur ancienne authorité, puisqu'elle ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile de ce tems, portent le tiltre de Religion, et qu'il ne faut pas estimer que le Saint [302] Siege ayt jamais voulu lier les mains aux inferieurs Prelatz, en ce qui ne regarde que leurs troupeaux particuliers et qui est convenable a l'avancement des ames en la perfection chrestienne..

  A025002184 

 Mais, pour ne point trop s'amuser a preuver une chose qui est si evidente, la coustume, qui donne la loy aux loix, ou qui du moins leur sert d'authentique interprete, nous oste de toute difficulté en cet endroit; car, comme du tems de saint Gregoire Nazianzene, de saint Hierosme et de saint Basile les Evesques avoyent erigé force Congregations presque en tous les endroitz du Christianisme, aussi du despuis, et jusques au tems ou nous sommes, les Evesques en ont dressé en plusieurs lieux, et mesme en Italie, ou il semble que la prattique de la discipline ecclesiastique doive estre plus exactement observee..

  A025002185 

 Et d'effect, le docteur Giussan, gentilhomme milanois, parlant du zele que ce saint Archevesque avoit pour la sacree vertu de chasteté, recite qu'il induisit plusieurs hommes a la garder, et adjouste en son italien ce qui s'ensuit, rapporté de mot a mot en nostre françois: «Mais le nombre des femmes fut beaucoup plus grand, se remplissant de vierges non seulement les cloistres sacrés, mais divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis, et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, tant nombreuse en femmes vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté de vie, sous l'observance de leurs propres Regles.» Aussi les Reverendissimes Evesques de [304] cette province lâ ont par apres erigé une multitude de Congregations de filles et femmes vivantes ensemble, sous les noms de la glorieuse Vierge, de sainte Ursule et autres, comme il appert par les livretz des Regles qu'ilz ont donné, imprimés en divers endroitz d'Italie.

  A025002185 

 Et de deça, les compaignies de sainte Ursule ont esté en plusieurs endroitz reduites en Colleges et Congregations, le Saint Siege tenant pour canoniquement fait, quant a cela, ce que chasque Evesque ordonne en son diocaese pour la plus grande gloire de Dieu..

  A025002194 

 Certes, la clausure absolue, perpetuelle, rigoureuse et si estroitte, que plusieurs estiment estre la seule vraye clausure, ne fut jamais guere en usage parmy les anciens, desquelz la bienheureuse simplicité ne requeroit pas une si exacte rigueur; ains ilz se contentoyent d'une clausure moderee, qui avoit pour bornes la bienseance de la vocation [311] religieuse: en sorte que les hommes n'entrassent jamais es lieux des Religieuses sans cause tres urgente, et avec une circonspection qui ostast le juste sujet de tout sinistre soupçon, et que d'ailleurs les Religieuses ne sortissent non plus jamais que pour des bonnes et saintes occasions, avec tant de bienseance que nul ne peust avec rayson les blasmer.

  A025002197 

 Au cinquiesme Concile d'Orleans, celebré il y a plus de mille ans sous le Pape Virgile, il est ordonné que les filles qui entrent es Religions esquelles elles ne demeurent pas perpetuellement recluses, demeurent troys ans a faire leur probation en leur habit seculier..

  A025002198 

 Car il faut considerer qu'a mesure que les Religions et Congregations des femmes sont dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure; de maniere qu'estant receues par l'Eglise a cette intention, et ayant d'ailleurs solemnisé le vœu de leur sousmission et obeissance pour tout ce qui est requis a l'exacte pratique de leur vocation speciale, c'est avec juste rayson qu'on leur impose une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse a toutes, selon ce qui a esté dit ci dessus..

  A025002198 

 Que si la clausure moderee et terminee par la sainte bienseance de la vocation religieuse a esté suffisante et suffit encor pour maintenir en discipline reguliere plusieurs Congregations, et que le Concile de Trente estant [314] sainement entendu n'oblige pas a la plus rigoureuse, certes, a plus forte rayson les pieuses et devotes Congregations, qui ne sont point erigees en tiltre de Religion, seront tres suffisamment acheminees a la perfection de la vie chrestienne si elles observent fidelement une moyenne clausure, une chacune selon sa vocation.

  A025002199 

 Mays les simples Congregations n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains encor pour plusieurs autres, et estant introduites en l'Eglise pour des louables et sacrees retraites esquelles on ne solemnise [315] point les vœux, ains on les y fait simplement pour ce seul genre de vie, que le docte et pieux Navarrus appelle saint, certes il leur suffit de garder la clausure necessaire pour la bienseance de leur vocation; laquelle au reste les oblige estroit'tement de ne permettre non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet es plus estroittes Religions, d'autant que cet article est essentiel a la conservation de la pudeur et chasteté des femmes consacrees a Dieu, et a tous-jours esté observé en toute Congregation de femmes; lesquelles, par la condition de leur propre estat, doivent estre separees d'habitation d'avec les hommes, sans leur permettre aucune entree que par une tres, urgente necessité.

  A025002200 

 Mais pour le demeurant, elles peuvent donner entree aux filles et femmes seculieres pour plusieurs saintes et bonnes occasions, appreuvees neanmoins, ou en general, ou en particulier, par leurs Superieurs; comme aussi elles peuvent sortir pour plus d'occasions que celles qui servent a Dieu en tiltre de Religion, pourveu tous-jours que ce soyent occasions pieuses, graves et jugees convenables, par les mesmes Superieurs..

  A025002201 

 Et a la verité, tout ainsy qu'il faut exalter la clausure: [316] rigoureuse comme clausure plus parfaite, aussi est ce une tentation extreme de n'en vouloir aucune autre en l'Eglise; car si bien il semble que par cette rigueur on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, toutesfois en effect on la diminue extremement, en leur ostant la commodité des retraittes moderees et faciles que l'antiquité et l'experience a tesmoigné estre fort utiles au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002204 

 Il arrive quelquefois que pour eviter un danger present, nous employons des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; l'esprit humain se contente maintesfois plus a se desfaire promptement des affaires que de demeurer longuement a les bien faire, et semble que le mal n'est pas mal quand il ne paroist pas..

  A025002205 

 En somme, si l'esprit de devotion regne dans les Congregations [319], une mediocre clausure suffira pour y faire des bonnes servantes de Dieu; s'il n'y regne pas, la plus estroitte clausure du monde ne suffira pas.

  A025002206 

 Mais en fin, combien ces Congregations sont desirables, le grand saint Gregoire, Pape, le tesmoigne suffisamment, qui, ayant dit que de son tems il y avoit a Romme bien troys mille femmes et filles dediees a Dieu, il adjouste: «Or, leur vie est telle, que nous croyons que si elles n'estoyent point, nul de tous nous, il y a long tems, n'eust peu durer en ce lieu parmy les espees des Lombars.» Et l'autre grand saint Gregoire, Evesque de Nazianze, estimoit tant les servantes de Dieu, soit qu'elles fussent en Congregation, soit qu'elles fussent es maysons de leurs parens, qu'il ne fait point de difficulté de les appeller son grand honneur et la tres illustre lumiere de son parc; car encor que le sçavant et devot de Billy estime ces tiltres estre donnés [320] a une seule de ces Religieuses, qui surpassoit les autres en vertus, si est ce qu'il y a, a mon advis, plus d'apparence que cela soit attribué a la trouppe entiere; d'autant que ce mesme Saint ayant descrit par apres la vie de ces Dames, il poursuit en cette sorte: «Quoy que certes, quant a moy, j'aye peu de telles femmes, toutesfois je tressaillis tellement d'ayse de voir ces celestes et tres belles estoiles, que pour ce peu que j'en ay je ne fay point de difficulté d'entrer en desfy d'excellence de vertu avec un beaucoup plus grand nombre.» Et sur cela il proteste qu'il se glorifie plus d'avoir quantité de gens dediés a Dieu, qu'il ne feroit de toutes les grandeurs du monde, et dit que sa petite Nazianze estoit appellee Bethleem pour les amys de Dieu qui y estoyent.

  A025002215 

 Elles n'ont point d'authorité qui se respande hors d'un diocaese, ni mesme, le plus souvent, hors d'une mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelz elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenu ( sic ) pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles sont: ne plus ne moins que les confrairies et autres societés pieuses, que le Pape a accoustumé de gratifier et favoriser par la concessions ( sic ) d'Indulgences et autres advantages spirituelz, pourveu qu'elles auront esté canoniquement erigees par les Ordinaires, lesquelz, quant a cela, demeurent en leur ancienne authorité qui ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile present du S t Siege, portent le tiltre de Religions; puisque la limitation et restriction de la puissance ordinaire [302] ne doit operer que selon la rigoureuse signification des motz esquelz elle est conceue, et que le S t Siege ne doit estre estimé vouloir lier les mains aux Evesques inferieurs en ce qui est utile pour l'avancement de leurs brebis en la perfection chrestienne, aflïn qu'un chacun d'eux puisse dire quil est venu en son diocaese affin que les ames eussent la vie, et qu'ilz ( sic ) l'eussent plus abondamment..

  A025002227 

 Que si le prince l'accepte, certes, il sera desormais obligé de continuer au service; autrement il violera la fermeté et constance qu'il doit avoir en ses resolutions, et de plus fera contre le respect et la reverence deu ( sic ) au prince auquel il a donné, par cette declaration, sujet de se tenir asseuré de ce qui luy a esté offert.

  A025002234 

 C'est pourquoy ilz se contentoyent des parties essentielles de la clausure: c'est a dire, que les hommes n'en- [311] trassent jamais es monasteres des femmes sans cause tres urgente, et en sorte que leur entree ne peut causer aucun soupçon; et que les Religieuses ne sortissent non plus jamais que pour des bonnes et saintes occasions, et avec tant de bienseance que nul ne peut avec rayson les blasmer.

  A025002243 

 A mesure que les Religions et Congregations des filles et femmes sont plus dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure, pour n'estre du tout point diverties; et d'autant qu'elles sont appreuvees par l'Eglise a cette seule intention, et que d'ailleurs elles ont solemnisé le vœu de leur sousmission pour tout ce qui est requis a l'exacte observance de leur vocation, c'est avec juste rayson que l'on leur impose a toutes une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse, ainsy qu'il a esté dit ci dessus..

  A025002244 

 Mays les Congregations simples n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains pour ceux encor de la charité envers le prochain, estant receues et appreuvees de l'Eglise pour des simples, louables et saintes retraites esquelles d'ailleurs [315] on ne fait les oblations ou vœux a Dieu que pour cette seule vocation et genre de vie que le sçavant et tant pieux Navarrus, appelle saint, partant la bienseance de leur vocation les obligent ( sic ) a quelque sorte de clausure, ne permettant non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet aux plus estroittes Religions, car cet article icy est essentiel a la bienseance de leur vocation, Mays quand au reste, demeurant en liberté de sortir et de laisser entrer les filles et femmes seculieres, pour plusieurs autres raysons, outre celles pour lesquelles la sortie ou l'entree des femmes est permise aux Religions reformees..

  A025002246 

 Ou ilz veulent estre au monde, ou n'estre rien moins que Chartreux, qu'anachoretes; et pour n'avoir pas asses de courage pour entreprendre une vie si relevee, plus tost que d'en choisir une moins retiree, ilz demeurent emmi la foule du monde, affoulés de leur vanité.

  A025002248 

 La mendicité es Monasteres tire souvent apres soy une solicitude plus active, des recherches affectees et des plaintes continuelles; les moyens donnent de la fierté et de l'outrecuydance.

  A025002248 

 Souvent pour eviter un danger present, on employe des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; mais l'esprit humain se contente, pourveu qu'il se desface des affaires, et luy est advis que le mal n'est pas mal, pourveu quil ne paroisse pas..

  A025002249 

 En somme, si l'esprit de devotion regne dans les Congregations, [319] une mediocre clausure suffit pour faire des bonnes servantes de Dieu; s'il ne regne pas, la plus estroitte du monde ne suffit pas.

  A025002255 

 Ce qui est d'autant plus grief en France, a cause de la liberté de conscience; car si une fille tentee vient a se faire protestante, elle demandera son partage au bout de vingt ans, et fauldra le luy bailler, et le prendre sur tel qui l'aura dissipé il y aura dix ans; et sur cela, combien d'actions hypothecaires, combien de reductions de familles! Les Edicts ont reglé et empeché cela quant a celles qui ont faict les vœux solemnels et profession en des Religions approuvees; mais ces Filles de la Visitation, lesquelles n'auront faict ny vœux solemnels, ny profession an Religion, ne sont point comprises dans les reglemens et exceptions des Edicts; et partant, elles reviendroient an partage comme les aultres protestans.

  A025002256 

 Il fault adjouster que par la coustume generale de ce royaume les hommes ou femmes proffés en des Religions ne succedent plus aulx biens temporels qui leur pourraient escheoyr; mais tels biens appartiennent a leurs parens plus proches.

  A025002257 

 Les vœux des Jesuites, bien que simples an certaine façon, par l'approbation et privileges particuliers du Pape, sont pourtant tousjours vœux de Religion: et partant, celuy qui sort avec congé de son Superieur, peult contracter mariage; mais celuy qui sort sans congé est apostat, et non seulement il peche griefvement an contractant mariage, mais encor de plus, tel mariage est invalide..

  A025002259 

 Or, ce n'est point une speculation des plus sçavans, mais une plainte fort ordinaire et qui s'entend tous les jours en cete ville, an laquelle les parens ne sont pas fort portés a consacrer leurs filles au service de Dieu, hors du monde; et quand ils s'y laissent aller, il y a bien souvent beaucoup de considerations temporelles.

  A025002261 

 Quand les Sœurs seront Religieuses, et qu'elles auront faict les vœux solemnels, elles seront pour leur regard an estat plus parfaict; elles, les Monasteres et les parens hors de dangers, craintes et apprehensions susdites..

  A025002262 

 Et au reste, de deux fins aulxquelles l'institut de la Visitation jette son dessein, cet expedient an embrasse une, qui est d'ouvrir une porte par laquelle puissent passer au service de Nostre Seigneur les personnes desja aagees ou foibles, ou qui ne se sentent pas appellees aulx rigueurs des Religions plus estroittes..

  A025002263 

 Mais on respond, qu'an ce siecle et dans la France ces vœux simples et ces sorties pourroyent tirer apres soy des inconveniens et des incommoditez sans comparaison plus importantes et plus considerables pour le publiq, que ne doibt estre la consolation et le contentement d'un fort petit nombre de personnes; car c'est une chose bien rare qu'une veufve touchee de ces ardeurs efficaces de devotion, et neantmoings tellement attachee aulx affayres de ses enfans qu'elle ne s'an puysse descharger sur quelques parens.

  A025002264 

 Et quand il n'y a point de moien de rompre ses liens, possible est il plus asseuré de demeurer au monde que d'entrer an Congregation; car, exceptant quelques vertus extraordinaires, et parlant comme il fault des choses qui se font ordinayrement, il est fort malaysé qu'une mere renfermee an une Maison de devotion, appliquee a l'oraison et a la mortification, puysse an huict ou dix jours, an un ou deux ans, donner l'ordre necessaire aulx affaires de ses enfans; et neantmoings, si vous la presupposes attachee a ce soing par une absolue necessité, elle est comptable a Dieu des [325] omissions qu'elle faict a ce debvoir.

  A025002265 

 Les principaulx docteurs de la Sorbonne n'ont ils pas resolu que la marquise de Magneley seroit mieulx au monde qu'an Religion? Et le Pape, an suite de cete resolution, ne luy a il pas commandé par son Nonce qu'elle demeurast au monde? Sera il dict que pour une veufve qui paroistra au monde comme un phœnix an un siecle, il faille tenir un bon nombre de filles an des Congregations, plus tost que dans le nom et la profession d'une Religion?.

  A025002269 

 De plus, il fault penser au jugement du monde, et s'imaginer que ceulx qui verront cete Sœur de la Congregation par les chams et dans les villes, n'auront pas tous veu le conseil de Navarre, et ne sçauront pas les distinctions subtiles entre Religion et Congregation.

  A025002269 

 Si donc les occasions des veufves devotes et necessairement attachees au monde sont fort rares, et si leurs sorties sont fort dangereuses, il semble plus expedient de les exhorter qu'elles demeurent a servir Dieu dans le monde, combattant vertueusement par sa grace, qui suffit a toutes nos necessités et tribulations et infirmités de leur vie, que non pas, an les retirant dans des Congregations, donner occasion a toutes les incommodités susdictes..

  A025002270 

 Et par consequent, puisque ces Congregations ne sont necessaires [327] que pour ces veufves, estant suffisamment pourveu a l'aultre fin des Congregations par le moien de la Regle de sainct Augustin, et des Constitutions doulces et gratieuses, comme il a esté dict au commencement, il semble que l'on peult conclure qu'il est plus expedient d'eriger des Monasteres et Religions formelles, esquelles les Sœurs serviront Dieu an un estat de plus grande perfection et participeront a mille benedictions et Indulgences que les Souverains Pontifes ont concedees aulx dictes Religions; ou, aultrement, les Seurs ne peuvent seulement estre asseurees d'avoir le consentement de Sa Saincteté, car, recherchee plusieurs fois d'autoriser icelles Congregations, jamais elle l'a voulu faire: oultre qu'il y a grande difference entre sa tolerance, et sa benediction et ses Indulgences.

  A025002270 

 Il y a de plus, qu'elle tolere bien souvent ce qu'elle ne peult empescher; oultre que, pour se servir de sa tolerance, il la fault avoir an un cas du tout semblable au nostre, et ne fault pas mettre an une seule Congregation ce que l'on trouve toleré an diverses; car Sa Saincteté souffrant les choses singulieres, l'on ne peult pas inferer qu'elle les veuille souffrir toutes ensemble..

  A025002271 

 Il y a plus de la part des Religieux ou casuistes qui, entendant parler de cete Congregation, an louent grandement les exercices, et admirent la pieté de l'Instituteur et sa charitable prevoyance, deferant infiniment a sa suffisance et a la lumiere que le Ciel luy donne; neantmoings, quand il est question d'accorder ces vœux et ces sorties, et ces aultres inconveniens sus allegués, chacun subsiste; et si l'on les proposoit sans alleguer l'autheur, beaucoup diroyent qu'an cete saison et an ce pais cela est fort dangereux; et ne croit on pas qu'il se puysse trouver aultre exemple d'aulcune Congregation religieuse an laquelle il entre des femmes encor chargees d'affaires, qui, an habit de Religieuse, an sortent de fois, a aultre pour pourveoir aulx dictes affaires..

  A025002272 

 Si, nonobstant toutes ces considerations, il est jugé expedient de demeurer an termes de simple Congregation, on remarque que l'invocation de la Visitation ayant esté prinse sur le dessein que les Sœurs serviroyent les malades, et ce dessein ne se devant plus effectuer, il sembleroit a propos de changer cete invocation et prendre celle de la Presentation de Nostre Dame, a laquelle l'oblation des Sœurs peult avoir plus de rapport.

  A025002273 

 Mais nous disons qu'ils ne peuvent pas, soubs le nom de Congregation ou College, eriger des assemblees qui ayent toutes les, marques et l'essence encor des Religions, an sorte qu'il n'y aye a dire que le nom: les trois vœux, la communauté, l'eglise, Sacrement, le chœur, chanter tous les jours les divins Offices; et que? peult on avoir plus que cela an la Religion?.

  A025002274 

 L'on dict: La Religion a, de plus, qu'elle est approuvee du Pape, et qu'on y faict des vœux solemnels et plus indissolubles..

  A025002276 

 Mais si cela ne se peult faire canoniquement, il fauldra se restreindre au vœu de chasteté et au ferme propos et establissement du reste; et possible seroyt il a propos de le concevoir ainsy: «Je, N., fais vœu a Dieu de le servir en perpetuelle chasteté, et de vivre et mourir en la Congregation de ceans, selon les Regles et Constitutions d'icelle.» Et dans les Regles on expliquera que l'on ne fait pas vœu expres de pauvreté et d'obeissance, mais que les Sœurs observeront pourtant l'un et l'aultre volontairement et pour l'amour de Dieu, avec aultant de fidelité et de courage que si elles y estoyent liees et obligees par des vœux les plus solemnels du monde..

  A025002279 

 Et il sera bon d'expliquer que c'est principalement pour telle raison que l'on se tient dans les termes de Congregation, afin de pouvoir, an ces sorties et cete prorogation de noviciat, an l'entree des peres et enfans, an l'entree des femmes seculieres et choses semblables (si chose aultre y a), mitiger an quelque chose la rigoureuse observance des Religions et s'accommoder aux infirmités des personnes, pour la plus grande gloire de Dieu; mais qu'au reste, les Sœurs de la Congregation, apres avoir fait ce sacrifice a Dieu pour le bien de leur prochain, doibvent estre, an ce qui les regarde an particulier, aussy fideles a Nostre Seigneur et aussy observantes de leurs Regles comme si elles estoient an la Religion du monde la plus estroitte..

  A025002287 

 Premierement, on considera qu'en la province et ville de Milan il y en avoit quantité, toutes presque differentes les unes des autres; qui faisoit foy que ces erections estoyent pleinement au pouvoir des Evesques, d'autant plus que cette province la est advouee la mieux disciplinee qui soit en Italie..

  A025002289 

 De sorte qu'il suffit de sçavoir que telles Congregations sont en usage en l'Eglise de Dieu entre les Pasteurs les plus reformés et dignes d'imitation, et qu'elles peuvent estre establies sous [334] differentes Constitutions, selon que les lieux, les occasions et les fins qu'on praetend le requierent; estant au reste tres certain que non seulement a Milan, mais en la province de Milan, telles Congregations ont eglise, Messe, Sacremens, chœur, bien que non pas toutes.

  A025002290 

 Cela, comme l'on pense, avec ce qui a esté escrit au papier ci devant presenté a Monseigneur l'Archevesque, peut suffire pour monstrer que l'erection de telles Congregations est tres loysible, d'autant plus que celle de la Tour des Mirouers de Romme est non seulement toleree, mais appreuvee expressement par le Saint Siege, et grandement louëe comm'une maniere de vivre sainte; tesmoin Navarre..

  A025002291 

 Et sainte Françoise, tous-jours conduite par son bon Ange, pensa que la sienne seroit a l'honneur et plus grande gloire de Dieu.

  A025002292 

 Si donq ell'est loysible, on ne peut douter qu'elle ne soit tres utile, sans que pour cela on veuille l'esgaler en reputation, dignité et perfection aux Religions formelles ou Congregations des vœux solemnelz; car en l'Eglise il [337] y a des rangs et methodes pour le service de Dieu en grand nombre et en grande difference, tous bons, tous honnorables, mais plus les uns que les autres..

  A025002293 

 Il est vray que cet exercice fut aymé non seulement parce que de soymesme il est pieux et grandement aggreable a Dieu, mays parce que celles qui le prattiquoyent n'alloyent jamais pour le faire sans revenir meilleures et plus consolees.

  A025002293 

 La fin particuliere de l'erection de la Congregation de la Visitation en la ville d'Annessi, fut la retraitte des filles infirmes de cors ou pour l'imbecillité de la complexion, ou pour l'aage, et des vefves encor aucunement attachees aux affaires de leurs enfans, ainsy quil est dit es Regles; comm'encor le refuge et retraitte des femmes qui demeurent au monde, quand elles desireroyent prendre des resolutions et instructions pour mieux et plus saintement vivre en leurs maysons et mesnages.

  A025002294 

 Or maintenant, venans a ce qu'il faut resoudre, et considerant que le genre de vie prattiqué en cette Congregation pourra estre receu avec beaucoup d'utilité et de gloire de Dieu en divers endroitz du royaume de France, sil [338] estoit reduit au point auquel Monseigneur l'Archevesque le desire, l'Evesque de Geneve, de tout son cœur, sans un seul brin de repugnance, acquiesce a l'establissement de cette Congregation en tiltre de simple Congregation, sous la condition d'une clausure perpetuelle, toute telle qu'elle est marquee au Concile de Trente pour les Religieuses formelles, et sous cette douce et benigne interpretation que, comme a Romme et en Italie presque par tout on estime une suffisante cause pour faire entrer les filles du monde es monasteres quand elles ont besoin et volonté d'y estre instruites, on puisse aussi y faire entrer les femmes et filles qui auront besoin et volonté de s'y retirer pour un peu, affin de mettre ordre et restaurer leurs consciences; puisque cette necessité est grande, et les fruitz de ces entrees plus grans qu'il ne se peut dire, ainsy que l'experience l'a fait voir de deça.

  A025002296 

 Et pour satisfaire encor plus pleinement aux conceptions des hommes du monde, on pourroit, ce semble, obtenir aysement de la Cour de Parlement, ou du Conseil du Roy, que les renoncemens faitz par les filles, a leur entree, des pretentions temporelles, tiendroyent; aux reserves de ce qui leur seroit accordé en leurs entrees, qui demeurera acquis a la Congregation, sinon en cas d'expulsion, qu'il leur sera rendu, ou a leurs parens, pour leur entretien, sans qu'elles puissent prœtendre autre chose; car une telle declaration seroit utile, pour le temporel, aux familles, et pour la descharge des Maysons, et par consequent il y a lieu de croire qu'il seroit facile d'obtenir.

  A025002299 

 Mais, en fin finale, parce que l'on void clairement que l'esprit de Monseigneur l'Archevesque auroit une plus entiere et aggreable satisfaction que cette Congregation fust convertie en une Religion formelle, sous la Regle de saint Augustin, avec les mesmes Constitutions qu'ell'a maintenant, l'Evesque de Geneve y acquiesce aussi fort librement et de grand cœur, non seulement pour le respect, honneur et veneration qu'il doit a l'esprit majeur, mais aussi parce que, selon quil peut discerner des articles proposés, tout ainsy que Monseigneur de Paris a converti la simple Congregation des Urselines en Religion formelle sans changer la fin principale de la Congregation, de mesme, en la transmutation de la Congregation de la Visitation en Religion formelle on pourra exactement garder la fin d'icelle Congregation: ce qu'estant, il n'y a rien a dire que la Religion formelle ne soit plus desirable pour la reputation envers le monde, et pour la descharge particuliere [340] de l'Evesque de Geneve qui n'aura plus occasion de faire des apologies et esclarcissemens pour la Visitation..

  A025002300 

 Or, la fin de la Congregation sera aysee a conserver dans la Religion, pourveu que cette fin soit aymee, aggreée et favorisee autant qu'elle le merite et qu'en ces quartiers des Gaules la necessité du bien des ames le requiert; car, quand mesme il faudroit avoir approbation expresse du Saint Siege, estant bien remonstré que les vefves en ces païs de deça, pour resolues qu'elles soyent, ne peuvent demeurer en leurs maysons sans des continuelles sollicitations au mariage, sans estre attaquees, courtisees et exposees a mille incommodités a cause de la grande liberté qui regne entre les deux sexes, il n'est pas croyable qu'il ne soit treuvé bon qu'on les retire dans cette Congregation en leurs habitz, et a la charge qu'y estant, elles se conforment aux Regles et usages d'icelles, observant la clausure au plus pres quil se pourra..

  A025002301 

 Mais sur tout, si on remonstre un peu fermement la difference qu'il y a entre la France et l'Italie, et qu'en Italie les femmes et filles ont mille commodités es Compaignies, Societés et Congregations de prattiquer la devotion de plus qu'en France; car il semble qu'il n'y peut avoir aucune replique a ces remonstrances, et que si l'on prouvoit aux jeunes filles de retraitte pour les faire instruire dans les monasteres, on doit aussi prouvoir aux vefves, filles infirmes et aux femmes mesme mariees, de cette commodité, pour leur establissement et advancement en la devotion; les autres plus rigoureuses Religions n'y servant pas convenablement, puisqu'elles ne donnent que le mouvement d'admiration et estime, mais non pas celuy de prattique et d'imitation..

  A025002304 

 Et aussi n'y a-il plus lieu de retarder, attendu que l'Evesque de Geneve est en une parfaite indifference pour aggreer avec suavité le choix qu'il plaira a Monseigneur l'Archevesque de faire; et mesme a pris plus d'inclination pour celuy de la Religion, y voyant plus reluire le contentement de celuy auquel il doit et veut rendre toute obeissance, et l'applaudissement des gens du monde et mesme de plusieurs Religieux, avec la conservation des fruitz praetendus par la Congregation, afïin que les fruitz et tout l'arbre soit cheri et appreuvé esgalement en l'esprit de celuy auquel ledit Evesque se sousmet, a la gloire et louange de Dieu, a qui soit honneur et gloire..

  A025002304 

 Reste qu'il playse donq a Monseigneur de Lyon de conclure toute cette affaire, afïin que, sans plus de delay, on puisse faire l'establissement en l'une des deux façons: d'autant que les Regles sont demandees de toutes partz et la Congregation desiree en plusieurs endroitz, et mesme en ce païs de Savoye; a quoy il n'est pas expedient de respondre ni correspondre que tout ne soit arresté.

  A025002305 

 Si par adventure on retenoit la Congregation, il sembleroit a propos de faire faire les vœux les plus expres qu'il se pourrait, pour exciter les ames a plus grande reverence envers les Regles, puisque en Italie on les fait ainsy; et les paroles: «selon les Regles et Constitutions,» limitent les vœux de pauvreté et obeissance, non pas celuy de chasteté; et semble qu'es formulaires d'Italie on ayt eu esgard a cela..

  A025002319 

 e) Dans l'article 15: De l'humilité, on trouve ces détails touchant la manière d'écrire des lettres (ils furent plus tard insérés dans le Coustumier ): «En s'escrivant, comme il pourrait arriver quand quelqu'une seroit envoyee pour dresser quelque Mayson...» «Et pour la façon de mettre l'adresse, l'exemple est à noter: «A ma tres chere Seur en N. S., Ma Seur Agathe Marcelline de Monmartre, en la Congregation de la Visitation a Lyon» ou «Annessi»..

  A025002351 

 De mesme pourront estre receuës les vefves et filles qui pour l'infirmité de leur santé ne se peuvent ranger es Monasteres plus severes, pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat et bien disposé pour vivre en obeissance et en la prattique de la devotion.

  A025002357 

 Or, outre ceux-la qui pour telles urgentes necessités pourront entrer dans la Mayson, pour la consolation des plus proches parens des Seurs et attendu qu'il n'y peut avoir aucune apparence de mal, les peres et les filz pourront entrer pour visiter leurs filles et meres, quand toutefois elles seront tellement malades qu'elles ne pourront descendre au parloir et qu'on jugera leurs maladies devoir estre perilleuses; et s'il se peut bonnement faire, telz parens n'entreront qu'avec le confesseur ou medecin, affin qu'on ne multiplie pas les entrees.

  A025002364 

 Qu'a leurs entrees on observe ce qui a esté dit pour l'entree des cyrurgiens et medecins, horsmis que la Superieure pourra avec liberté faire entretenir celles qui entreront par les Seurs que bon luy semblera et es lieux qu'elle treuvera plus a propos, voire mesme pourra les admettre aux exercices de la Mayson, s'il y a apparence d'edification..

  A025002367 

 Les jours de festes les femmes n'entreront point dans la Mayson, affin que les Seurs ayant communié puissent avoir plus de repos pour entretenir le celeste Espoux.

  A025002375 

 Apres que l' Ave Maria du soir sera sonné, il ne sera plus permis d'ouvrir la porte ni d'aller au parloir, sinon pour quelque grande et absolue necessité..

  A025002379 

 Ce que neanmoins, quant a cette Congregation, sera entendu des Seurs qui seront voylees, les Seurs Servantes pouvant sortir, comm'il se prattique mesme en Italie en plusieurs Monasteres; et sauf encor quant aux entrees des femmes, qui pourront estre permises non seulement pour l'absolue necessité, mays, de plus, pour l'utilité, selon quil a esté dit en l'article 4; comm'aussi pour le regard de l'entree des proches parens en cas de perilleuse maladie des Seurs, comm'il a esté dit en l'article 3..

  A025002395 

 Elles seront promptes au premier son de la cloche pour aller au chœur avec gravité et reverence; et y estant, apres avoir fait la genuflexion devant le Saint Sacrement, elles se mettront a leur place avec un maintien le plus devot qui leur sera possible; et ne parleront jamais entre elles, sinon pour chose extremement urgente, ni ne sortiront que pour des necessités fort pressantes..

  A025002397 

 Or, parce que les espritz humains ont accoustumé de prendre des secrettes complaysances en leurs inventions et nouveautés, mesme quand c'est sous le praetexte de la devotion et accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive ordinairement que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel praetexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres quelcomques ordinaires que des Heures de Nostre Dame, qu'on appelle le Petit Office, avec la variation des seules antiennes, Chapitres, himnes, versetz, Invitatoires et Oraysons es festes nommees ci dessus, selon quil est porté au Formulaire de leur Office; et par ce moyen elles auront tant plus d'occasion d'apprendre a bien, distinctement et gravement dire, prononcer et chanter leur dit Office..

  A025002403 

 Elles s'habilleront le plus simplement que faire se pourra, tant en la matiere qu'en la forme, ainsy qu'elles sont maintenant, de robbes et cottes noires; et seront coëffees d'un voyle d'estamine noire, long jusques au dessous de la ceinture et qui leur couvre tout le visage, sans attiffetz, sans aucune façon, avec un bandeau noir qui couvre le front; leurs colletz, avec leurs barbettes, de toyle mediocre, sans plis ni empois.

  A025002408 

 On pourra demeurer une heure entiere a table, affin que celles qui mangent lentement prennent leur refection a l'ayse; et ce pendant, celles qui auront plus tost fait demeureront attentives a la lecture, en attendant la fin de la table.

  A025002427 

 Mays celles qui ont quelque charge des affaires de la Mayson pourront demeurer avec la Superieure pour l'advertir des choses qui seront necessaires; dequoy on ne [368] parlera point devant les autres Seurs, affin de laisser leur esprit en plus grande tranquillité et liberté..

  A025002430 

 Et toutes deux estant malades ou occupees, comme il a esté dit, la Superieure commettra la charge a celle laquelle, selon Dieu et en conscience, elle estimera estre la plus propre pour la bien exercer.

  A025002430 

 Que si elle ne la commet, il s'entendra qu'elle laisse la plus ancienne Surveillante; et celle la sera estimee la plus ancienne qui sera venue la premiere en la Congregation..

  A025002460 

 Elles useront indistinctement envers tous du mot de servante en N. S.; et selon la distinction [375] des personnes elles mettront: humble, bien humble, plus humble et tres humble, suivant leur qualité..

  A025002467 

 Affin que l'amendement se face plus grand en la Congregation, la veille de la Circoncision, apres qu'on aura tiré les Saintz, chasque Seur demandera a la Superieure un'ayde; et la Superieure donnera a chacune une compaigne pour cette annee-la, leur enjoignant a l'une et a l'autre d'avoir soin particulier a s'exciter a l'amour de Dieu et a se corriger l'une l'autre de leurs defautz en esprit de douceur et de charité, sans faire aucune autre particularité ensemble, sinon de s'admonester paysiblement.

  A025002472 

 Apres que cela aura esté fait, celles qui voudront dire leurs coulpes pour plus grande humilité, le pourront faire, et on les corrigera doucement et amiablement, sans toutefois extenuer leurs fautes..

  A025002477 

 Et affin que cela se face avec plus de fruit et d'utilité, on advertira les Seurs des la veille, a l'obedience du mydi, affin qu'elles se preparent ainsy quil est convenable..

  A025002490 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a trois clefz, dont l'une sera gardee par la Superieure, l'autre par la plus ancienne des Seurs et la troysiesme par la seconde selon l'ordre de reception; et sera tenu.............................................................

  A025002519 

 Comme l'ame et le cœur respandent leur assistance, mouvement et action par toutes les parties du cors, aussi, la Superieure doit animer de sa charité, de son soin et de son exemple tous les membres de la Congregation, vivifiant par son zele toutes les filles qui sont en sa charge, procurant que les Regles soyent observees le plus exactement quil se pourra, et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse en toute la Mayson.

  A025002529 

 Qu'elle ne concede pas aysement a pas une un usage plus frequent des Sacremens que celuy qui est porté par la Regle, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025002530 

 Qu'elle ayt un grand soin de faire continuer toute la Congregation a dire l'Office tres devotement et a faire les exercices spirituelz de l'orayson, meditation, examen de conscience, preparation du matin, oraysons jaculatoires, lecture et continuelle presence de Dieu, affin que la reformation de l'homme exterieur ne soit pas sans celle de l'homme interieur, et que la Congregation connoisse tous-jours que l'union des ames avec Dieu est sa principale fin, les filles d'icelle ne se retirans pas du monde seulement pour fuyr les peynes et travaux, perilz et dangers de damnation qui y sont, mais aussi, et principalement, pour estre tirees, jointes et unies de plus pres et plus fortement a leur Sauveur et Createur.

  A025002561 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera seront principalement de la fin pour laquelle elles se doivent estre retirees du monde, qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu; que non seulement elles sont entrees en la Congregation pour se retirer du monde, mais pour se retirer et separer d'avec elles mesmes, mortifians leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, rappellant toutes leurs forces au service de Nostre Seigneur, par une chasteté tres parfaite, une pauvreté et despouillement de toutes choses tres entiere, et par une obeissance et abnegation de toute propre volonté; et que, en somme, toute la Congregation est fondee spirituellement sur le mont Calvaire, pour considerer Jesus Christ crucifié pour l'amour de nous, affin que toutes les Seurs apprennent a crucifier leurs sens, passions, inclinations et humeurs pour l'amour de luy..

  A025002572 

 Que si elle en treuve, comme il pourroit arriver, specialement entre les Seurs Servantes, qui ayent le cœur un peu plus rude et agreste, mais pourtant la volonté bonne, en sorte qu'il y ayt bonne esperance de les pouvoir apprivoyser et polir, elle usera d'un amour tout particulier a leur endroit, affin d'avoir de la patience, tolerance et perseverance a bien cultiver leurs espritz..

  A025002582 

 Or, elle n'ouvrira jamais a personne sans la licence de la Superieure, prendra place dans le chœur proche de la porte, pour sortir plus a propos quand il sera besoin d'aller a sa charge.

  A025002623 

 (Le premier alinéa est conforme au texte définitif de la Constitution XXXVIII e; voir plus haut, p. 104.).

  A025002635 

 (Même texte que celui de 1619; voir plus haut, p. 107, et variantes 678, 679, sauf trois légères différences: ligne 8: « un grand soin et les...» Ms.

  A025002646 

 (Conforme au texte de 1619; voir plus haut, p. 108, et variante 681.

  A025002653 

 Elles feront neanmoins les exercices spirituelz selon quil y aura plus ou moins a faire et que la Superieure leur ordonnera; ............................................................................

  A025002655 

 (La suite est conforme au Ms. de 1618 (D); voir plus haut, p. 109, les variantes 687, 688..

  A025002669 

 Et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec amour et les appelleront leurs Seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes dames du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025002670 

 Quand donq elles seront malades, la Superieure et l'Infirmiere les traitteront ne plus ne moins que les autres en toutes sortes de services et en toutes occasions, de quelque necessité corporelle et spirituelle qu'elles puissent avoir.

  A025002697 

 Et en fin, cette espece de gens est tous-jours a guetter et considerer si on fait rien plus pour les autres que pour elles, leur amour propre suggerant a leur fantasie qu'on ne fait jamais tant pour elles comme il seroit requis: imperfection feminine, propre pour troubler, amollir et allentir toute une trouppe..

  A025002707 

 Ce qu'estant fait, celuy qui fait l'office interrogera la pretendante, disant ou en latin ou en françois, selon quil luy semblera plus a propos: Filia, quid petis? Ma Fille, que demandes vous?.

  A025002733 

 Vous ne seres plus appellee Paule, mais Paule Marie.

  A025002734 

 Cela fait, les Seurs luy ostent sa robbe et ses vestemens mondains, avec la plus grande bienseance qui se peut, et ce pendant chantent le Psalme:.

  A025002748 

 Et pendant le tems [406] de sa preparation on la fera tenir retiree autant que l'on pourra, sans la charger d'aucun service, affin qu'elle ayt tant plus de commodité de bien ruminer et digerer les exercices et resolutions qu'elle fera..

  A025002749 

 On traittera de mesme les Seurs Servantes au bout de leurs deux annees, hormis que si elles ne sont pas amendees elles n'auront plus qu'une annee de delay pour faire leur amendement..

  A025002752 

 L'establissement ne se fera jamais qu'en jour de feste, et l'on taschera qu'il se face tous-jours pour plusieurs, affin que la solemnité en soit plus grande..

  A025002846 

 Mais autrement, on ne deposera point la Superieure que de troys ans en troys ans, que tous-jours on procedera anouvelle eslection, laquelle neanmoins pourra estre faite de la mesme personne en la continuant encor pour trois ans, passé lesquelz il ne sera plus loysible d'user de continuation, ains faudra qu'elle demeure deposee au moins un'annee entiere avant que l'on la puisse de nouveau eslire en la mesme charge..

  A025002850 

 Et tous les billetz ayant esté receus, le Pere spirituel les lira tous l'un apres l'autre, et l'une des Seurs qui aura esté choysie a cet effect, ayant le roolle de toutes les Seurs dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chasque nom d'icelle, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit du nom d'icelle; puis, tout estant fait, on verra s'il y en a quelqu'une qui ayt plus de la moytié des voix, et celle la demeurera Superieure..

  A025002851 

 Chasque Seur viendra de rechef escrire sur un autre billet le nom de celle des trois qu'elle voudra choysir pour sa Superieure; et toutes en ayant fait de mesme, le Pere spirituel lira les billetz, et la Seur deputee ayant tiré des lignes comm'il a esté dit ci dessus, marquera celle qui aura le plus de voix, laquelle demeurera Superieure..

  A025002851 

 Mais s'il ny en a point qui ayt la pluspart des voix, on regardera les troys qui en auront le plus, et puis de ces trois la on en choysira une en cette sorte.

  A025002852 

 Que si encor ou toutes troys ou deux se treuvoyent esgales en voix, alhors la plus ancienne en reception sera preferee, sinon que l'Evesque ou le Pere spirituel voulust donner sa voix, laquelle feroit la decision..

  A025002872 

 Et en ce renoncement consiste la vraye abnegation de soy mesme et le vray escorchement de la victime, qui se doit faire affin de la rendre plus aggreable a Nostre Seigneur..

  A025002873 

 Quelques jours, donq, avant les vœux, celles qui les devront faire s'occuperont fort a cet exercice du renoncement, lequel affin qu'elles sçachent faire plus aysement, je marqueray quelques particulieres choses auxquelles on renonce en cette Congregation:.

  A025002874 

 A la liberté d'aller ça et la en divers lieux; a l'estime de soymesme; a la liberté de parler et converser avec autruy; a la liberté de se vestir, mirer, accommoder, faire paroistre aggreable et bref, de monstrer les advantages que la nature peut avoir donné a quelques unes; a la liberté du choix des exercices spirituelz, laquelle d'autant plus qu'elle semble honneste, d'autant est elle difficile a quitter; au contentement de voir et frequenter ses parens; a l'inclination que nous avons d'estre estimees judicieuses, sages, discrettes, bien seantes, car on ne peut y vivre selon son jugement, ni selon sa propre sagesse ou propre discretion, ni; selon sa propre bienseance, mays selon celle d'autruy..

  A025002875 

 Cette bienseance est une des choses plus difficile a renoncer [424]; c'est pourquoy il en faut faire un grand renoncement entre les femmes, qui y sont grandement attachees.

  A025002885 

 Les autres passent plus avant, et s'unissent a la Croix de Nostre Seigneur et le suivent au plus pres qu'ilz peuvent; mais ceux ci sont de deux façons.

  A025002886 

 Ilz ont deux grans avantages sur les autres: l'un est que, deschargés d'autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour divin; l'autre est qu'ilz font un acte nompareil, renonçant tout a coup et si genereusement a toutes choses pour Dieu, qui est une [429] œuvre d'une perfection vive, masle, genereuse et hardie..

  A025002886 

 Mais les autres, affin de suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a sa suite, quittent les richesses et commodités mondaines (qui pour l'ordinaire nous incommodent tant au chemin du Ciel), quittant tout comme les Apostres, s'attachant seulement au seul soin de plaire a Dieu et de le suivre, ne voulant que leur cœur soit partagé ni distrait de la variété des choses, mais cherchant simplement, d'un cœur tout uni, l'unité d'un seul et unique amour de Dieu.

  A025002886 

 O Dieu, qu'ilz sont heureux! le monde ne les connoist plus, ni eux ne connoissent plus le monde; ilz disent adieu a toutes choses, pour estre sur toutes choses a Dieu.

  A025002887 

 O s'il y avoit encor quelque autre façon de suivre de plus pres Nostre Seigneur, combien serions nous obligés, par amour, de l'entreprendre et embrasser!.

  A025002889 

 Nostre Seigneur nous offre la tressainte aeternité, affin qu'en icelle nous jouissions d'une jouissance parfaite de sa fœlicité; n'est il pas donq bien raysonnable que nous luy offrions les momens du tems que nous avons a vivre, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, jouissant de nostre estre, qui n'est qu'une vraye misere, sans que nous nous en reservions un seul moment, ni aucune partie de nostre vie, ni une seule de nos actions? Helas! qu'est ce que nous offrons a Dieu en eschange des choses qu'il nous offre? [430].

  A025002892 

 Heureuse oblation, et laquelle rendit plus excellens ceux qui la firent plus parfaitement..

  A025002893 

 Quelle celle des Martirs qui, comme brebis d'immolation, ont offert leur vie et leur mort douloureuse avec tant de courage et de constance! Quelle celle des anacoretes et de tant de confesseurs, de vierges et autres, qui, comme petitz oyseletz, se sont volontairement enfermés dans des cavernes, en des monasteres, dans des hospitaux et en d'autres sortes de vies, pour plus a commodité chanter, comme dans des cages, les louanges aeternelles de leur Dieu, et se sont rendus heureusement ses esclaves affin de ne pouvoir jamais se dedire, ni dementir le vœu de leur fidelité.

  A025002896 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees et conduittes a Jesus Christ apres elle: voyla pourquoy, a son imitation, ayant ouy que Nostre Seigneur conseille que, pour plus entierement, plus purement et plus constamment estre servantes de sa divine Majesté, il failloit quiter tout et renoncer tout son estre entre les mains de sa Providence, vous deves d'un grand courage, apres Nostre Dame, dire: Nous voyci meshuy servantes de Dieu, ayant tout quitté pour cela; nous soit fait selon sa parole.

  A025002898 

 Il reste que ceux qui vivent ne vivent plus en eux mesmes, mais en Celuy et pour Celuy qui est mort pour eux..

  A025002899 

 Je la vous dois et je la vous donne; et pour la vous mieux donner, je l'offre et sacrifie a la façon de vivre qui vous est la plus agreable, selon ma condition et portee.

  A025002899 

 Je ne veux donq plus vivre a moy, mais vivre a vous, et pour cela je fais ce choix, pour mieux vivre a vous et moins a moy..

  A025002899 

 O mon Jesus, mon Sauveur, vous estes mort pour me donner la vie; hé donques, ma vie n'est plus mienne, ains vostre.

  A025002909 

 On renonce donq a la liberté d'aller ça et la, par la clausure; a la liberté de parler et converser, par le silence et la solitude; a la liberté de se vestir, mirer et ageancer pour se rendre aggreable et faire paroistre les advantages naturelz; a la liberté du choix des exercices spirituelz pour suivre ceux qui sont prescrips au Monastere; a l'inclination que l'on a de voir les parens; a l'inclination que l'on a de bien parler et d'estre estimee judicieuse, sage, discrette et bien seante, car apres la Profession on ne doit plus vivre selon son jugement ni selon sa discretion, mais selon la discretion d'autruy; ni selon sa propre bienseance, mays selon la bienseance commune du Monastere..

  A025002910 

 Or, cette bienseance, civilité et courtoysie propre et particuliere est une des choses plus difficile a quiter, principalement pour les.

  A025002920 

 Les autres, qui sont de la seconde sorte, suivent Nostre Seigneur de plus pres et s'addonnent a la sainte devotion le mieux qu'ilz peuvent, mais neantmoins demeurent engagés dedans le commerce et la vie ordinaire des mondains; en suite dequoy ilz ne peuvent eviter plusieurs empeschemens, destourbiers et tracas grandement contraires a leur bonne intention, de maniere que c'est avec grande difficulté, et non sans des perpetuelz dangers, qu'ilz se maintiennent et conservent en leur bonne resolution.

  A025002921 

 En quoy ilz ont deux avantages: l'un est que, deschargés de toutes autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour celeste; l'autre est qu'ilz font un acte incomparable de devotion, renonceant ( sic ) [429] tout a coup si generalement et si absolument a toutes choses pour Dieu, qui est une œuvre d'une perfection vive, genereuse et tout a fait surnaturelle..

  A025002921 

 Finalement, il y en a des autres lesquelz, pour suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a son amour aeternel, quittans les honneurs et les richesses mondaines avec toutes les commodités et libertés qui les accompaignent (lesquelles pour l'ordinaire incommodent grandement nostre acheminement a la perfection), abandonnans entierement toutes choses, comme firent les Apostres, et s'attachans fermement au seul soin de plaire a Dieu et le suivre, ne voulans que leur cœur soit partagé ni distrait a la varieté des choses du monde, recherchent purement et simplement, d'un cœur tout uni et joint en soy mesme, l'unité du seul et unique amour de Dieu.

  A025002922 

 O s'il y avoit en cette vie mortelle une plus digne maniere de suivre Nostre Seigneur, combien serions nous heureux de l'embrasser et entreprendre par amour!.

  A025002923 

 meditation sera de l'offre que Nostre Seigneur nous fait de son Paradis et de son aeternité bienheureuse, affin qu'a jamais nous jouissions parfaitement de son infinie fœlicité; car n'est il pas donq reciproquement convenable que nous luy consacrions et donnions les petitz et chetifz momens de cette vie mortelle, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, [430] jouissant de nous mesme et de nostre estre qui n'est en effect qu'une veritable misere? Helas! qu'offrirons nous a Dieu en contrechange de la sainte œternité de son Paradis qu'il nous offre?.

  A025002926 

 Heureuse profession, qui rendit ces espritz saintz en un moment, et qui rendit plus excellens ceux qui la firent plus amoureusement..

  A025002927 

 Quelle profession des Martirs qui, comme des innocentes brebis, ont esté immolés, vouans leur vie et leurs peines a la gloire de Jesuschrist! Quelle oblations ( sic ) des anacoretes, des moynes, des religieuses, qui, comme petitz oyseletz du ciel, se sont volontairement enfermés dans les desertz, dans les forestz et dans les monasteres pour, avec plus de sainteté, chanter comme dedans des saintes cages les louanges aeternelles de Dieu, et se sont heureusement rendus prisonniers et esclaves dedans les cloistres pour ne pouvoir jamais se dedire de leur profession, ni dementir le vœu de leur fidelité! O combien de sujet y a il d'imitation en ces saintes trouppes! [432].

  A025002929 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees a Jesuschrist [ apres ] cette tres unique Reyne du Ciel: c'est pourquoy, a son imitation, suivant le conseil caeleste, plusieurs ames ont tout quité pour plus constamment, purement et parfaitement estre servantes de Dieu; a la suite desquelles il faut, d'un grand courage, que vous vous consacries a cet amour divin, en sorte que vous puissies dire en toute verité: Me voyci la servante de Dieu; me soyt fait selon sa parole, et qu'a jamais je soye toute sienne.

  A025002930 

 Il reste que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesme (sic), ains qu'ilz vivent a Celuy et pour Celuy qui est mort pour eux..

  A025002931 

 Je vous la dois, o mon Sauveur, et je la vous immole; et pour la vouer et dedier plus entierement a vostre gloire, je m'oblige, par la Profession et par les vœux de Religion, de vivre en la façon qui vous est la plus agreable, selon ma portee et condition.

  A025002931 

 O Jesus, vous estes mort pour me donner la vie; donques, ma vie n'est plus mienne, mays vostre.

  A025003005 

 Confession libre, pour n'estre point regardee si on demeure plus ou moins..

  A025003021 

 Que si pour quelques occasions elles n'en pouvoyent avoir le secours et assistance necessaires, apres l'avoir recherché le plus humblement et efficacement qu'il leur sera possible, mesme par l'entremise de quelque personne de qualité et consideration, elles s'addresseront a nostre Saint Pere ou a celuy qui tiendra sa place en chasque royaume ou Estat, qui est le Nonce Apostolique, affin que par ce moyen toutes choses soyent pacifiees et reduites a l'uniforme observance..

  A025003023 

 C'estoit encor la volonté de ce bon et digne Prelat, nostre Instituteur d'heureuse memoire, qu'es doutes et difficultés qui pourrovent survenir es Monasteres touchant la prattique des Regles, Constitutions et Coustumes, on demandast advis aux Monasteres plus anciens, et notamment a celuy d'Annessy; car ayant receu les premices de l'esprit, et estant le cœur et fontaine de la vie spirituelle de tout l'Ordre, d'ou sont issus tous les autres Monasteres, on peut justement et raysonnablement croire que l'eau sera tous-jours plus claire en sa source et qu'on y aura plus de lumiere et d'intelligence de toutes les choses qui appartiennent a l'Institut; joint l'honneur et bonheur qu'a ce Monastere d'avoir en preciput les reliques du Fondateur, qui est une grace tres pretieuse..

  A025003034 

 Quand elle distribuera les charges aux Seurs, les veilles des grandes festes et solemnités, elle les advertira en mesme tems de dire l'Office plus gravement..

  A025003035 

 Elle tiendra ou fera tenir par une autre Seur le livre et le sujet de la meditation tout prest pour le lire au milieu du chœur, observant de lire posement, distinctement et asses haut, et des choses les plus substantielles et devotes..

  A025003040 

 Elle mettra l'intitulation dessus chasque livre, affin qu'ilz se treuvent plus aysement.

  A025003043 

 Ce sera a elle de tenir ou faire tenir le chœur des Seurs en bon ordre et bien net, le balliant deux fois la semayne, voire plus s'il en est besoin; et le tiendra fermé des le disner jusques a la lecture, et des lhors il demeurera ouvert, jusques apres Vespres, et des les Complies jusques au souper.

  A025003048 

 Affin que les instructions que la Directrice donnera soyent receues plus souëfvement des Novices, il faut qu'elle s'estudie de leur monstrer un amour cordial et tendre, affin qu'elles prennent une vraye confiance et entiere certitude de son affection; a quoy servira de s'enquerir souvent de leur santé, tesmoignant de la compassion de leurs maux, et les visitera et servira charitablement quand elles en auront besoin.

  A025003050 

 Qu'elle ne s'estonne point si elle treuve des filles qui ayent beaucoup a combattre, soit par les anciennes habitudes, mauvaises inclinations et autres tentations, ains qu'elle les conforte et assiste charitablement, leur donnant courage et esperance qu'elles emporteront en fin la victoire; comme en verité, si telles ames sont bien aydees, [450] tant de la grace de Dieu que du soin de la Directrice, elles deviendront plus parfaittes que celles qui sont entrees plus innocentes en la Religion, d'autant que, pour l'ordinaire, elles haïssent mortellement le mal qu'elles ont reconneu, et produisent des actes de vertu tres excellens..

  A025003055 

 En fin elle doit avec grande confiance et sousmission aller a la Superieure, pour se resoudre et conseiller es doutes [451] et difficultés qui luy pourroyent arriver en l'exercice de sa charge; car c'est de la que Nostre Seigneur luy fera puyser les forces, la lumiere et la patience dont elle aura pour l'ordinaire grand besoin: de maniere que le plus souvent qu'elle pourra le faire sera le meilleur..

  A025003056 

 La Directrice se rendra fort soigneuse d'apprendre aux Novices a bien dire, prononcer et chanter l'Office divin, et pour cela, le matin apres Prime, elle se retirera le plus promptement qu'elle pourra au novitiat pour les faire estudier, commettant pour luy ayder celles qui sçauront le mieux lire et chanter, affin qu'elle ayt asses de tems pour vacquer aux autres obligations de sa charge..

  A025003059 

 Elle leur donnera le point de l'orayson un moys ou six semaines durant, tous les jours entre les deux coups de Matines, ou, si la necessité le requiert, apres Matines; voire plus long tems s'il est requis.

  A025003061 

 Elle leur pourra et devra aussi fort souvent lire les Sermons et Entretiens spirituelz qui leur ont esté faitz, comme le vray pain et la nourriture plus convenable a leurs [452] espritz, leur apprenant a tenir leurs affections arrestees et encloses dans les enseignemens qui y sont contenus, d'autant que ce sont les seulz moyens par lesquelz elles peuvent parvenir a la perfection de leur vocation..

  A025003062 

 Comme aussi les festes et Dimanches elle leur laissera le tems libre pour faire orayson; ou bien les entretiendra, ou pourra faire entretenir toutes ensemble ou deux a deux pendant le silence, leur apprenant a le faire utilement et a ne parler que de Dieu, des Regles, des advis et entretiens susditz, du bonheur et excellence de leur vocation et de la pretention qu'elles doivent avoir de parvenir au plus haut degré de la perfection de leur vocation, s'excitant l'une l'autre a l'amour de Dieu, du prochain et a la prattique de toutes les vertus..

  A025003062 

 Mais es jours de sermon, ni les samedis elle ne lira rien aux Novices, pour leur donner plus de loysir de se preparer a la Confession.

  A025003065 

 Pour y parvenir, la Maistresse les ira petit a petit despouillant de toutes autres choses, affin que plus parfaittement elles s'arrestent a celle ci qui est de si grande importance; et ne leur permettra point de lire des livres qui traittent des oraysons extraordinaires et surnaturelles, sinon par l'advis de la Superieure et de quelque personne bien versee en la spiritualité..

  A025003066 

 Et puis, quand les Novices auront dit, elle dira un mot sur chacune des vertus qui auront esté proposees, et conclura en faveur de celle qui aura parlé plus conformement a la Regle, enseignant a chacune la prattique de la vertu qu'elle aura choisie..

  A025003066 

 La Directrice doit avoir un grand soin de tenir les Novices joyeuses et ferventes, et pour cela elle diversifiera les exercices du novitiat: par exemple, quelquefois, au lieu de faire dire des coulpes, elle leur fera dire quelques vertus qu'elles estiment et affectionnent le plus, les interrogeant toutes l'une apres l'autre.

  A025003068 

 La Directrice s'estant mise a genoux devant l'autel (qui sera d'environ troys pieds ou troys pieds et demy), elle commencera a dire: «O mon Dieu, je deteste la desobeyssance,» et toutes les Novices respondront: «Nous la detestons aussi.» La Maistresse: «Je deteste l'envie;» les Novices: «Nous la detestons.» Et ainsy des autres vices qu'elle verra plus familiers entre elles.

  A025003071 

 Elle doit avoir un soin particulier des filles qui sont a l'essay et des Novices nouvellement receues, les entretenant souvent et les faysant entretenir par quelques unes des plus advancees en la vertu, affin de les recreer et tenir leur esprit en haleyne, de peur qu'elles ne s'ennuyent et estonnent au commencement..

  A025003074 

 Tous les mercredis la Directrice fera l'assemblee du Novitiat immediatement apres Prime, ainsy qu'il est porté par les Constitutions, ou estant a genoux devant l'oratoire et les Novices aussi, toutes en rang derriere elle, elle entonnera le Veni, Sancte Spiritus, etc., et les Novices poursuivront jusques au verset, que la Directrice dira avec l'Orayson; puis, ayant offert cette action a Nostre Seigneur et invoqué sa grace, elle s'assiera sur un siege a costé de l'autel, et toutes les Novices en terre ou sur des sieges fort bas, travaillant; puis viendront deux a deux dire chacune troys ou quatre coulpes, sur lesquelles la Directrice leur dira ce qu'elle jugera estre a propos; et a la fin, si elle a remarqué quelque defaut universel ou plus frequent entre les Novices, elle prendra occasion la dessus de leur parler a toutes en general pour leur donner horreur de cette sorte de defaut, et les excitera a l'amour de la vertu contraire, s'essayant de les laisser tous-jours encouragees.

  A025003087 

 Quand il y aura beaucoup de choses a faire venir, elle leur en fera une liste, et tous les soirs, a l'heure que la Superieure jugera la plus propre, elle leur ordonnera, et aussi aux Seurs Domestiques, les choses extraordinaires a quoy elle les voudra employer le lendemain..

  A025003096 

 On achetera les provisions au lieu ou elles seront establies, si elles s'y peuvent treuver, encor qu'elles deussent couster un peu plus cher, affin de ne pas surcharger les Maysons qui sont aux grandes villes; l'Œconome doit estre fort attentive sur ce point..

  A025003100 

 Elle mettra tous les papiers qui concernent un affaire ensemble, pour les treuver plus facilement; comme aussi les contratz seront a part, les quittances aussi et ainsy des autres, le tout bien rangé et avec des escriteaux, pour les prendre plus a propos selon le besoin.

  A025003101 

 Quand il faudra donner quelque papier dehors le Monastere, elle l'escrira, marquant la date du jour et a qui elle l'a donné et pour quel sujet, et procurera qu'il luy soit rendu au plus tost; et fera que le notaire ou quelque autre escrive au parloir, en dehors, les contratz permanens tout au long dans le livre fait expres, qu'elle fera collationner et signer par ledit notaire, lequel livre ne doit point sortir du Monastere.

  A025003109 

 Si elle est des Seurs du chœur elle prendra place proche la porte, pour sortir plus a propos quand il sera besoin d'aller en sa charge..

  A025003118 

 Qu'elle face fermer l'eglise avant le disner, s'il se peut, et qu'elle en retire les clefs, la faysant ouvrir a deux heures ou environ, voire plus tost s'il est requis, principalement les festes, pour la consolation du peuple; et que tous les.

  A025003132 

 Aux jours de Pasques, Pentecoste, Noël, Feste Dieu, Epiphanie et Visitation Nostre Dame elle fera servir a la Messe de la Communauté la plus belle chasuble et les plus beaux ornemens, selon les couleurs de l'Eglise; pour les autres Messes de ces jours-la, l'une des plus belles chasubles d'apres celle qui a servi a la Messe de la Communauté.

  A025003132 

 Mays en l'octave du Saint Sacrement, et tous-jours quand il sera exposé sur l'autel, elle fera servir tous les jours les chasubles et aubes destinees pour les Dimanches et festes de commandement, et aura soin de changer de parement [464] d'autel trois ou quatre fois pendant l'octave; se pourvoyant a l'advantage d'une chappe, si c'est la coustume du lieu, et d'un encensoir pour la Benediction, et fera servir la plus belle aube, si c'est une personne de grande consideration qui la fait..

  A025003134 

 Elle fera oster la premiere nappe de l'autel de moys en moys, et pendant ce tems la elle la fera retourner une fois, observant de faire mettre des plus belles aux grandes festes, sans toutesfois les y laisser longuement, ni les dentelles, sinon en quelque octave signalee..

  A025003135 

 Elle changera toutes ces choses plus ou moins souvent, si elle voit qu'il en soit besoin, observant plustost d'exceder en la netteté que d'y manquer tant soit peu..

  A025003136 

 Elle aura soin de desempeser ceux qui seront sales des qu'ilz ne serviront plus, comme aussi tous les autres linges.

  A025003136 

 Les plus beaux pourront estre gardés un an empesés, ne les faysant servir que fort rarement; elle n'y mettra pas de trop grandes dentelles.

  A025003137 

 Elle les fera anter fort proprement, affin qu'il ne paroisse que le moins qu'il se pourra, observant d'anter ceux qui sont d'une esgale grosseur ensemble, mettant tous-jours le plus gros bout dessous; elle les raclera et tiendra le plus nettement qu'il luy sera possible.

  A025003137 

 Et qu'elle prenne garde a ne laisser perdre la cire qui en tombe, ains qu'elle la resserre, comme aussi tous les boutz qui ne pourront plus servir, n'en prenant pour son usage, pour petitz qu'ilz soyent; ains qu'elle face fondre le tout quand il y en aura quantité, en faysant un pain qui pourra servir pour faire d'autres cierges avec de la cire neuve.

  A025003138 

 Elle en fera mettre quatre sur l'autel les Dimanches et festes d'Apostres, tant pour la Messe que pour Vespres; mays toutes Les grandes festes de Nostre Seigneur et de Nostre Dame et de celles dites cy devant, elle en fera mettre six des plus beaux et deux flambeaux, si elle en a, ou deux gros cierges pour l'eslevation du Saint Sacrement..

  A025003139 

 Elle observera de faire mettre des plus beaux luminaires qu'elle ayt quand on fait la Benediction le jour de la feste et le jeudy de l'octave du Saint Sacrement; comme aussi [466] elle donnera quatre flambeaux, et deux aux jours ouvriers, sinon que quelque personne de grand respect fist la ceremonie: en ce cas elle en donnera quatre..

  A025003140 

 Et en toutes ces grandes solemnités, si c'est la coustume du lieu et le tems des fleurs, elle y fera des guirlandes; observant que les cierges des festes cy dessus nommees et autres principales ne soyent pas usés plus du tiers ou de la moytié, et qu'ilz soyent de cire blanche, s'il se peut, tant pour Vespres que pour la Messe, mais ilz pourront estre un peu moindres pour la vigile..

  A025003140 

 Le Jeudy Saint elle fera tenir tout le jour huit ou dix cierges allumés devant le Tres Saint Sacrement, observant d'en faire mettre des plus beaux environ une heure apres midy, et deux flambeaux pour la sainte Messe.

  A025003146 

 Elle observera tant qu'elle pourra de mettre a part les ornemens des grandes festes, ceux des secondes et des communes, affin de ne les remuer ou froisser que le moins qu'il sera possible, appareillant la chasuble, le voyle, le parement et le pavillon de l'autel le plus convenablement qu'il se pourra, tant en couleur qu'a la beauté de l'estoffe.

  A025003185 

 Et quand on leur portera le Tres Saint Sacrement, elle preparera proprement l'autel (sur lequel il y aura de l'eau benite, une Croix, deux cierges allumés, un corporal) et tout ce qui est requis, avec un grand soin et reverence; elle ageancera la malade le plus nettement qu'il luy sera possible et mettra sur son lict un linceul pendant..

  A025003187 

 Et qu'elle ne mette point devant elles toutes leurs portions, si elle juge qu'elles ne les desirent, ains les servira a mesure qu'elles mangent, n'estant pas aussi necessaire, quand il y a plusieurs malades, de faire a chacune leurs portions, ains on doit mettre pour toutes ensemble; et elle les servira [471] chacune selon leurs besoins, si ce n'est qu'il faille quelque viande plus particuliere a quelques unes: dequoy elle en advertira des le soir la Despensiere et de ce qu'il faut pour leur dejeusner et disner; et des la recreation d'apres le disner ce qu'il faut pour leur gouster et souper, quand elle jugera que quelque chose de particulier leur sera necessaire, sans pourtant exceder aux diversités des choses qui peuvent trop surcharger celles qui apprestent, sinon lhors que le medecin aura reglé leur manger..

  A025003195 

 La Seur Robiere procurera que les Seurs ayent chacune, tant qu'il se pourra, un habit d'esté et un d'hyver et non plus, prenant garde qu'elles ne les portent trop tachés et avec indecence..

  A025003200 

 Elle escrira les habitz qui se font chasque annee, mettant a part ceux qui ne pourront plus servir; elle escrira aussi ceux que l'on ostera et rompra, pour faire voir l'estat de son office tous les ans, lhors que les Surveillantes font la visite..

  A025003204 

 Les robes d'hyver se feront de grossiere sarge drapee, ou de drap, selon les pays, et les cottes de mesme, voire encor plus vile et grossiere.

  A025003208 

 Qu'elle face faire des souliers de vache paree, ou de bon veau, un peu liegés si l'on veut, faitz a l'aiguillette, [474] sans estre ouvertz, et doublés pour l'hyver; ou bien des pantoufles, selon la plus grande commodité des Seurs..

  A025003217 

 Les vieux linges qui ne pourront plus servir seront mis a part..

  A025003217 

 Qu'elle soit soigneuse de raccommoder les linges des qu'ilz commenceront a se rompre, affin qu'ilz ne se dissipent par negligence, et qu'elle le fasse proprement; et pour ce faire plus aysement, elle mettra a part celuy qu'elle treuvera rompu en pliant le linge.

  A025003219 

 Le lundy apres Prime elle se treuvera au lieu ou elle doit enliasser le linge pour recevoir celuy que les Seurs luy porteront, prenant garde si elles luy rapportent tout ce qu'elle leur a donné, affin qu'elle advertisse en charité celle qui manquera; puis elle l'enliassera et estendra sur des perches le plus tost qu'elle pourra..

  A025003226 

 La Seur Refectoriere aura un tres grand soin de tenir tout ce qui est de sa charge fort proprement et nettement, donnera des torchemains deux fois la semayne, voire plus s'il est besoin.

  A025003233 

 Qu'elle mette des serviettes autant d'un costé que d'autre, affin que l'on garde plus facilement l'ordre.

  A025003238 

 Elle dressera les tables a l'heure que la Superieure jugera plus a propos, et semble que le mieux est apres Complies l'esté, et l'hyver apres la lecture..

  A025003253 

 Elle ira a la cuysine un peu devant que l'on sonne le premier [479] coup du repas, pour couper la viande et faire les portions, affin qu'elle ne laisse attendre les Seurs a table; prenant garde de les faire tenir chaudes, les faisant le plus nettement et esgalement qu'il se pourra, observant de faire pour les infirmes ce qui est ordonné.

  A025003267 

 Elle sera soigneuse de se treuver au lieu de son office a l'heure qu'elle aura nommee aux Seurs, pour recevoir les ouvrages et leur dire ce qu'elles ont a faire pour cela; et les Seurs ne manqueront de les aller prendre au tems marqué, luy rendant les choses qui ne leur serviront plus lhors qu'elles changeront d'ouvrages..

  A025003269 

 Pour les ouvrages de la ville, si la Superieure luy en commet la charge, qu'elle aye soin de les faire le plus promptement et proprement qu'il se pourra; comme aussi, tant qu'il sera possible, on l'envoyera au parloir pour les recevoir [481], selon que la Constitution marque, affin de donner plus de satisfaction aux seculiers.

  A025003270 

 Elle s'instruira de la Seur Œconome et beaucoup plus de la Superieure de ce qu'elle doit demander pour la façon des ouvrages, si elle ne le sçait, et tous-jours quand on luy presentera des ouvrages d'importance, elle prendra l'advis de la Superieure.

  A025003276 

 Elles employerent la demie heure de Vespres, ou autre selon la direction de la Superieure ou de l'Œconome, tant a faire l'orayson qu'a dire leurs Pater de Vespres et Complies toutes ensemble, excepté celle qui est en semayne, qui prendra pour son orayson l'heure de la lecture, s'il est plus commode, et fera la lecture a la demie heure d'apres.

  A025003281 

 Une des Seurs Domestiques (selon que l'Œconome ordonnera et pour le tems qu'elle jugera a propos, avec l'advis de la Superieure) aura la charge d'apprester le manger et de tout ce qui appartient a la cuysine, tant linges que vaisselle et autres meubles; a laquelle l'Œconome donnera une ayde de mesme rang, la plus convenable en cette charge, sur laquelle neanmoins ladite Seur cuysiniere ne prendra nulle sorte d'authorité, ains s'en servira simplement selon la necessité de la charge.

  A025003295 

 Apres disner elles choisiront demi heure la plus commode, qu'elles employeront tant a prier Dieu qu'a lire, si elles le sçavent faire.

  A025003319 

 Nous attestons que nostre tres chere Seur en Jesus Christ, M. Jeanne Françoise Fremyot, Baronne de Chantal, et Perrette de Chatel sa compaigne, de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation erigee en cette Nostre [490] citté d'Annessi, partent de ce lieu par le consentement de ladite Congregation et le Nostre, pour les affaires que ladite Jeanne Françoise Fremyot doit traitter en Bourgoigne, lesquelles ne pourroyent bonnement estre faites sans sa presence; et c'est pour le tems, et non plus, que lesdites affaires requerront..

  A025003328 

 Il faut donq que chacune fasse bonne garde en cet endroit le plus foible de son ame..

  A025003328 

 Nostre ennemy est tous-jours aux aguetz pour [491] nous surprendre, et il dresse ordinairement sa batterie contre la citadelle de nostre cœur a l'endroit le plus foible et ou il connoist, par nos frequentes cheutes, le penchant de nostre inclination perverse ou passion mignonne qui nous fait le plus de mal, et que nous pensons le moins de destruire parce qu'elle nous est aggreable et que nous nous [492] flattons dans la croyance que nos pertes y sont petites; et c'est par la neanmoins que nostre ennemy fait ses advances et tasche de nous surprendre et prendre s'il peut.

  A025003329 

 Mais je desire qu'ayant payé cette amende, vous prenies un nouveau courage pour batailler plus genereusement au premier choc, et que jamais vous ne perdies le cœur de batailler, ni l'esperance de vaincre..

  A025003526 

 Mais comme la Congrégation de ces femmes demandait très humblement au Saint-Siège Apostolique que, même transformée et érigée en Monastère, elle ne fût pas davantage pour cela tenue de réciter les Heures canoniques de l'Office qu'on appelle le grand Office, qu'elle ne l'était auparavant, mais qu'il plût au même Saint-Siège de lui accorder que les Sœurs du Monastère érigé, en récitant chaque jour le petit Office de la Très Sainte Vierge Marie au chœur, sérieusement, gravement, lentement, dévotement et religieusement, comme elles avaient jusque-là coutume de le faire, fussent [512] délivrées et exemptées de l'obligation de réciter un autre Office; le même Souverain Pontife leur accorda ce privilège pour sept ans, assurant de vive voix que, s'il était toujours en vie, il accorderait ensuite facilement ce privilège à perpétuité (au témoignage du R, P. Don Juste Guérin, Supérieur des Clercs réguliers de Saint-Paul de Turin, lequel poussait alors cette affaire, et, de plus que, s'il était mort à ce moment, son successeur ferait de même volontiers; mais, s'agissant d'une chose peu usitée jusque là, il ne voulait pas la concéder à perpétuité pour commencer et de prime abord..

  A025003529 

 Mais pour qu'elles récitent convenablement et dévotement l'Office, il importe beaucoup qu'elles récitent toujours le même: elles prononcent, en effet, plus clairement, plus distinctement et avec plus de sûreté ce qu'elles ont coutume de prononcer si souvent, et elles ne mettent pas toute leur attention à la lecture et bonne prononciation: ce qui leur est nécessaire si chaque jour il leur faut dire du nouveau et de l'inattendu..

  A025003531 

 Aussi, lorsqu'elles réciteront tous les jours le même Office, elles pourront s'en acquitter plus facilement, plus soigneusement et, tout en chantant, élever leur piété et leur attention intérieure vers Dieu..

  A025003534 

 Enfin, la plupart des vierges et aussi des veuves d'âge avancé n'arrivent presque jamais à apprendre exactement à réciter le grand Office; pour cela, le plus souvent, elles ne peuvent entrer en Religion: c'est pour elles un avantage si cet Institut de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, de l'Ordre; de Saint-Augustin, n'est pas tenu désormais à d'autre Office qu'au petit, récité convenablement.

  A025003548 

 C'est pourquoi les autres Communautés, issues de cette première soit médiatement, soit immédiatement, font-elles des vœux ardents et présentent une humble requête pour [517] être transformées en Monastères de même Institut et de même Règle, soit parce qu'elles seront ainsi attachées plus fortement à Dieu et à la vie religieuse, soit parce que cela sera plus agréable aux populations, soit parce qu'elles acquerront plus de conformité et de cohésion entre elles.

  A025003570 

 Affin donc que telles personnes ayent moien de se retirer du monde, fuir ses appasts et amorces de peché et s'appliquer plus doulcement et parfaictement au service et amour de Dieu et exercices des vertus et choses spirituelles, ceste devote et religieuse Congregation a esté dressee et procuree envers nostre S t Pere le Pape sur l'exemple de celles qui, a mesme intention, furent instituees par S t Charles Borrhomee, en son diocese de Milan, et de celle de S te Françoise a Rome..

  A025003590 

 Septiesmement: Il sera permis de recevoir en la Maison, mesme pour plusieurs jours, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se preparer a ferre des confessions generales, ou pour s'establir a l'amandement de leur vie auront besoin d'un peu de retraitte, a la charge qu'y estant entrees, elles obeissent a la Superieure et qu'il n'y en aye que trois au plus au mesme temps..

  A025003615 

 Ce qui a esté dict que toutes se treuvent couchés a dix heures n'empesche pas qu'elles ne se puissent coucher incontinant apres la retraicte, ains sera expedient que celles qui sont subjectes au someil le fassent de bon cœur, pour estre plus prompte et agile au lever..

  A025003635 

 Elles s'habilleront le plus simplement que fere se pourra, tant en la matiere qu'en la forme, ainsy qu'elles sont maintenant.

  A025003641 

 de Paris, lequel donne en plus le dernier alinéa du Ms.


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000024 

 VI. L'ame avant surmonté tous les empeschemens, n'a plus besoin de remede mays demeure absorbee et unie en Dieu par une parfaitte devotion.

  A026000034 

 — Mal penser et parler mal du prochain est la marque la plus sûre d'une âme vicieuse.

  A026000047 

 — Le rétablissement de la perfection et de la Règle sera le plus grand service que l'Abbesse pourra rendre à Notre Seigneur; le désirer et le poursuivre, mais avec patience. 83.

  A026000062 

 — Un peu de retraite intérieure et récréation plus « devote ».

  A026000067 

 — La tristesse peut être bonne ou mauvaise, mais elle est plus souvent mauvaise.

  A026000110 

 — Plus on se sent pauvre, plus il faut avoir de grandes prétentions de bien faire.

  A026000147 

 — Moins on sent de capacité en soi, plus il faut s'appuyer avec confiance sur Notre-Seigneur.

  A026000154 

 — Demander ce dont on a besoin est plus parfait que de se laisser à « la providence des Superieurs ».

  A026000157 

 — L'égalité d'esprit est l'un des plus beaux ornements de la vie chrétienne.

  A026000158 

 — Certaines âmes sont attirées à une plus grande simplicité.

  A026000158 

 — Ne rien faire de plus que la Communauté.

  A026000159 

 — Quel est, parmi les pauvres, « le plus advantagé »? — Parlons à Dieu de nos misères.

  A026000159 

 — Recevoir Jésus-Christ: le plus grand moyen d'arriver à la perfection.

  A026000259 

 Phlegon, autheur grec: que le 18 e de Tibere Cæsar il y eut un'eclipse de soleil, la plus grande que jamais fut veüe, et qu'en ce tems il y eut un si grand tremblement en Asie et en Bithinie, que plusieurs grans ædifices tumberent.

  A026000259 

 Pline, l. 2, raconte le tremblement de terre au tems de [8] Tibere avoir esté le plus grand qu'on eut ouy ni apperceu, et ruina 12 villes en Asie.

  A026000296 

 Et je ne pense pas contrevenir à ses intentions en le publiant; car, quoy qu'il l'aye tenu long-temps secret, estant un des premiers exercices de sa plume, il est neantmoins bien croyable que si la mort n'eust prevenu le dessein qu'il avoit de donner d'autres piec.es au public, non moins utiles que celles qui paroissent maintenant par tout avec tant de fruict et d'approbation, sa charité incomparable l'auroit porté à vous le presenter luy-mesme, mais sans cloute avec plus d'ornement et de perfection..

  A026000297 

 Cependant, le voilà tout tel qu'il est sorty de sa main et qu'il a esté trouvé apres son decez; lequel en avoit rendu depositaires des personnes lesquelles, soit pour leur consolation particuliere, ou pour quelque autre bonne consideration, n'avoient pas jugé à propos de le publier plus tost.

  A026000297 

 L'on a adjousté le texte latin aux marges, pour luy donner, par le rapport de l'un à l'autre, plus d'esclaircissement..

  A026000307 

 Nous pensons es choses, sans fin et intention; nous les estudions pour estre plus doctes; nous les meditons pour les aymer, et nous les contemplons pour nous y plaire.

  A026000309 

 En sorte que la ou est la foy, nous sommes faitz plus prompts a croire par la devotion; la ou est l'esperance, nous sommes rendus plus prompts a desirer ce que Dieu promet, et par la charité, a aymer ce que Dieu commande; par la temperance, a nous abstenir; par la force, a endurer, et ainsy des autres.

  A026000309 

 La devotion, aux promptitudes particulieres que les habitudes donnent, en adjouste une generale et commune engendree par la meditation et contemplation, ainsy que le pelerin est plus dispos par la refection..

  A026000310 

 Mays le pelerin estant sain, apres estre repeu, soit avec goust ou sans goust, retourne tous-jours plus promptement a son voyage..

  A026000311 

 Le pelerin sera plus disposé au voyage s'il a mangé; mais s'il a mangé avec goust et appetit, il sera non seulement disposé, ains joyeux et allegre tout ensemble.

  A026000311 

 Que si l'orayson mentale est distinguee du goust spirituel comme la cause de l'effect, elle l'est encor plus de l'allegresse spirituelle qui est engendree de la multitude des goustz.

  A026000316 

 Mais quelles choses en veut dire Salomon, ou plustost le Saint Esprit? Il nous veut monstrer par combien de degrés une ame, estant en l'orayson mentale, peut monter a la plus haute consideration de Dieu, et avec quelz remedes elle se peut ayder contre beaucoup d'empeschemens.

  A026000317 

 Mais la sixiesme scene represente une ame laquelle, ayant surmonté tous ces empeschemens, n'a plus besoin de remedes; et a chacune des cinq autres scenes, donnant ou mettant un empeschement, un remede et un degré..

  A026000327 

 Qui delibere de ne plus offencer Dieu, rencontre plusieurs occasions suggerees par le diable pour pecher; qui se resoult ne plus vouloir de consolation qu'en Dieu, rencontre le monde qui luy presente nouveaux playsirs temporelz.

  A026000333 

 Et quant au premier, elle dit: Tes amours sont meilleurs que le vin et plus odorans que les parfums; quant [16] au second: Ton nom est le mesme parfum respandu; pour le troysiesme: Les jeunes filles t'ont aymé; et pour le quatriesme: Tire moy apres toy, nous te suivrons et courrons a l'odeur de tes parfums.

  A026000335 

 Et partant, que la confiance revienne en moy, et que je commence a chercher mon Espoux ou il est plus aysement trouvé, par l'orayson.

  A026000340 

 Si tu n'as pas encores une entiere connoissance, o la plus belle des femmes, parce que tu es encores commençante, sors de la souvenance des playsirs passés, et va suyvant les pas de tes troupeaux; cherche mes sentiers en toutes les creatures, laisse-toy guider et mener la par ou elles mesmes retournent, et tu trouveras qu'elles iront reposer aux pasturages de leur premier berger: Fais paistre tes chevreaux pres les loges des pasteurs..

  A026000341 

 Il sera tous-jours mon tres cher bausme et mon plus grand thresor: Mon Bienaymé m'est une grappe de bausme cueillie aux vignes d'Engaddi..

  A026000341 

 Toutes les creatures sensibles te meneront la, et les plus nobles encores mieux.

  A026000341 

 Tu verras ces biens accidentelz, comme quoy tout le monde a esté fait pour ton usage, ornement et service: Nous te ferons des bagues d'or qui seront esmaillees d'argent; qui sont des bienfaitz si grans, que l'ame les meditant s'enflamme d'amour et est contrainte de s'escrier: [18] Puisque je ne puis autre chose, au moins t'aymeray je, o mon Espoux, et seray moy mesme ta salle royale, laquelle je parfumeray de nard; c'est a dire, je m'empliray d'amour: Tandis que mon Roy sera en sa salle, mon parfum, qui est composé de nard, embaumera tout ce lieu de la suavité de son odeur; et de plus, je m'uniray tellement avec luy, que je le porteray comme un bouquet dedans mon sein: Mon Bienaymé est le bouquet de mirrhe que je porteray tous-jours entre mes deux mammelles.

  A026000343 

 Cheres loüanges que l'ame n'accepte ni ne refuse, mays, esprise de son Espoux, retourne a le considerer es mesmes choses sensibles, non plus en meditant pour l'aymer, mais en contemplant pour se res-jouir, le confessant tres haut entre toutes les choses creées: Comme est un pommier entre les arbres des forestz, ainsy est mon Bienaymé entre les enfans des hommes.

  A026000343 

 Dont, ayant trouvé un bien si eminent au dessus de tout autre, elle s'y repose sans en plus rechercher: Je me suis reposee a l'ombre de celuy que je desirois; et en ce repos spirituel se fait le goust de la [19] devotion: et son fruict est doux a mon goust, et si doux qu'il engendre des saintes manies et fureurs en mon ame, comme si elle estoit enyvree d'amour; dont elle s'escrie: Il m'a menee au cellier de son vin, il a desployé sur moy l'estendart de son charitable amour.

  A026000344 

 Quoy plus? Le ravissement, mistiquement signifié par le sommeil.

  A026000348 

 Mais aussi, par telz chemins nous arrivons plus tard au giste, parce qu'ayant beaucoup de connoissances, icy nous parlons a l'un, la a l'autre; icy nous entrons en la boutique de l'un, la nous nous arrestons avec un amy.

  A026000348 

 Plus un chemin nous est conneu, plus nous le hantons; plus nous y connoissons de gens, et plus volontier aussi nous y cheminons et plus facilement.

  A026000348 

 Pour la consideration de Dieu, nul chemin ne nous est plus battu, conneu et familier que celuy des choses corporelles entre lesquelles nous vivons; nul n'a en soy plus de facilité, mays aussi, nul n'a plus de distractions.

  A026000353 

 Il se res-jouit de ce que les fleurs de devotion commencent a sortir et pousser: Des-ja les fleurs paroissent en nostre terre; de ce qu'elle a commencé a retrancher les superfluités vicieuses: le tems d'esmonder et nettoyer les arbres est venu; de ce qu'ainsy qu'une tourterelle, elle a fait ouÿr sa plainte et son gemissement avec l'orayson: On a ouÿ la voix de la tourterelle en ceste contree; mays de plus, il se res-jouit de ce que des-ja elle a produit des fleurs de bonnes œuvres et des odeurs de bon exemple: Des-ja le figuier jette son fruict, les vignes sont fleuries et jettent leur bonne odeur. Il l'admoneste, outre ce, de passer plus avant, et, de commençante, qu'elle se face prouffitante, luy redisant: Leve toy, ma bienaymee, ma belle, et t'en viens..

  A026000361 

 Mon bonheur a voulu que je me suis souvenu des Anges qui sont comme les sentinelles du monde: Les sentinelles qui gardent la cité m'ont trouvee, et me suis resolue de voir si en eux je trouverois la consideration de Dieu plus fermee: N'aves vous point veu le Bienaymé de mon ame? Au dessus de la nature angelique j'ay trouvé immediatement la divine: Un peu apres les avoir passees j'ay trouvé Celuy que mon ame ayme, et ce, sans distractions sensibles, si bien qu'il semble que je ne le dois jamais perdre: Je le tiens et je ne le lairray point, jusques a ce que j'entre en la gloire celeste, vraye mayson de la nature humaine; ma mere est en sa chambre, c'est a dire au siege des Anges qui m'est preparé.

  A026000362 

 A quoy Dieu adjoustant sa grace, defend avec un soin plus particulier qu'on ne l'esveille, disant: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni ne facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000362 

 La consideration du premier degré est plus interrompue, celle cy plus stable et plus haute, dont elle produit tous ses effectz avec plus d'excellence, a sçavoir, l'amour plus vif et l'allegresse plus spirituelle.

  A026000366 

 L'ame s'acheminant de degré en degré en la sainte orayson, se rend si resplendissante qu'il est impossible qu'elle ne soit admiree, et que le monde mesme la voyant, au milieu du desert empetré de tant de pechés, cheminer droit, ainsy qu'une colomne de parfum odoriferant qui s'esleve vers le ciel, ne s'escrie: Qui est ceste ci qui marche par le desert ainsy qu'un rayon de parfum, de compositions aromatiques de mirrhe et d'encens et de toutes sortes de poudres a embellir? Or, cest applaudissement est un venin caché et doucereux qui fait bien souvent que les plus saintz et devotz perdent leur justice et leur devotion..

  A026000370 

 Que s'il ne peut si tost arrester ses yeux sur la Divinité, qu'au moins il loüe Jesus Christ homme, nostre vray Salomon, et ce principalement en troys choses: la chair, la Croix, la gloire, disant: Voyes combien est digne sa chair, lict de sa Divinité et de son ame, entouree de plus de soixante vaillans soldatz qui la defendent contre quicomque, de nuit, pourroit luy faire peur; ceste chair, qui n'est inclinee au peché comme la nostre, mais, par l'union hypostatique et par l'empire qu'elle tient sur les Anges, est du tout asseuree et impeccable: Voicy que soixante hommes des plus fortz d'Israël entourent le lict de Salomon, tous tenans des glaives et bien duitz a la guerre, chacun desquelz tient son espee droitte sur sa cuisse pour les craintes de la nuit..

  A026000384 

 Tous ces ornemens sont aggreables a Dieu, mays sur tout la netteté et pureté d'intention, qui doit estre si grande que toutes nos fins se reduisent a une fin, toutes nos intentions a une intention, tous nos desirs a un desir, d'aymer et servir Dieu, en sorte qu'il n'y ayt plus qu'un œil: Vous aves navré mon cœur, ma seur, mon espouse, vous aves navré mon cœur avec un de vos yeux; et qu'il n'y ayt plus qu'un cheveu, dont il s'ensuit: et de l'un des cheveux de vostre col..

  A026000385 

 L'intention estant bien dressee avec le desir, les mammelles de la concupiscence seront bien ordonnees: Que tes mammelles sont belles, ma seur, mon espouse! tes mammelles sont plus belles que le vin.

  A026000386 

 Et quant aux exterieures, il faut qu'elles soyent comme un beau paradis: Ce que tu envoyes et metz dehors est comme un paradis auquel on void toutes vertus: de grenade, des fruictz des pommiers, de bausme avec du nard et saffran, sucre et cannelle et toutes sortes de fruictz des arbres du Liban, mirrile et aloës, avec toutes sortes des plus excellens parfums.

  A026000392 

 L'ame qui arrive jusques a ces degrés passés se trouve bien souvent avec le cors las et travaillee; dont il advient que, si Dieu l'invite a nouvelles considerations et plus hautz degrés, elle est en perplexité.

  A026000393 

 L'ame voudroit bien obeyr, mays la lassitude luy fait desirer un peu de repos; ce qui luy fait dire: J'ay despouillé ma robbe, comme la revestiray je? J'ay lavé mes pieds, comment les saliray je? Tres doux Jesus, nonobstant ceste resistance vous ne laisses pourtant de faire instance pour entrer; et, comme avec la main d'une plus forte inspiration, il semble qu'il veuille luy mesme, sans cooperation, oster le verrou de la sensualité qui luy fait empeschement, et entrer par le pertuis du cœur: Mon Bienaymé a mis la main par le pertuis.

  A026000399 

 Sa doctrine semble estre mirrhe pretieuse qui sort comme des lys de ses saintes levres: Ses levres sont des lys qui distillent la mirrhe la plus singuliere.

  A026000400 

 Quoy plus? soit au dedans, soit au dehors, cest Espoux est admirable: son cœur est d'ivoyre, enrichi de pierres pretieuses; ses deliberations sont simples, mays prudentes: Son ventre est d'ivoire, semé de saphirs au dehors; ses executions sont fortes, mays avec discretion: Ses cuisses sont colomnes de marbre fondees sur des bases d'or; et, pour finir icy, il est tout tres cher, il est tout tres beau: Sa beauté est comme celle du Liban, son port comme d'un cedre. [31].

  A026000405 

 Elle n'a plus besoin d'autre chose que de s'entretenir avec luy, disant: O Seigneur, quand vous pourray je plaire par ma beauté, douceur, bonne grace, force, innocence, devotion et discretion? Quand sera ce donq que vous me dires: O ma bienaymee, tu es belle, douce et de bonne grace comme Hierusalem, forte comme une armee bien rangee? Des-ja, Seigneur, vous m'aves monstré par mille signes que mes œillades vous ont blessé, c'est a dire que mes intentions ne vous sont pas desplaysantes: Destournes vos yeux de moy, car ilz m'ont fait sortir de moy mesme; que mes cheveux, c'est a dire mes desirs, sont purs et netz: Tes cheveux sont comme un troupeau de chevreaux qui paissent sur le mont de Galaad; que mes sens, ainsy que troupeaux, ont esté fidellement gardés: Tes dens sont comme troupeaux de brebis qui sortent du lavoir, chacune ayant deux petitz, et nulle d'icelles n'est sterile; [32] et que mes forces de la partie concupiscible, desirant le bien et fuyant le mal sans dissimulation, comme deux joües bien colorees, vous sont cheres et aggreables: Tes joües sont comme une grenade entamee, sans ce qui est caché au dedans.

  A026000405 

 Et si les personnes avec qui elle est veulent poursuivre et luy disent: Ou est allé vostre Espoux, o la plus belle entre toutes les femmes? ou s'est il destourné? et nous le chercherons avec vous, elle ne veut plus les entretenir; mays, reconnoissant qu'encores que les travaux luy fissent sembler que son Espoux se fust retiré bien loin, neanmoins il ne s'en estoit pas allé, au contraire, il estoit tous-jours demeuré avec elle comme en son jardin ou comme en un cabinet de parfums; et, tirant de la plus grande occasion de inerite, elle peut dire qu'il en a cueilli des lys tres odoriferans: Mon Bienaymé est venu en son jardin, au parterre des fleurs aromatiques, pour repaistre aux jardins et y cueillir des lys.

  A026000407 

 Mais, outre cela, l'ame adjouste: Ou aves vous esté, mon Seigneur, qu'il m'a semblé que vous m'avies laissee, quand le travail et la fatigue ne me permettoit pas que j'eusse du goust? — J'ay esté, respond il, en toy mesme qui es mon jardin, et y ay esté avec plus de prouffit pour toy que je n'y eusse esté si, du premier coup, je t'eusse donné des goustz, te donnant occasion de meriter, dont j'ay tiré de mon jardin un plus grand fruict de merite: Je suis descendu au jardin des noyers pour voir les pommiers des vallees, et regarder si la vigne estoit fleurie et si les grenades avoyent germé..

  A026000408 

 Que beny soyes vous donques, o Seigneur, respond l'ame, qu'en telle façon, me faisant accroire que vous esties absent, vous m'aves donné occasion de meriter, et m'aves fait faire en peu de tems plus de chemin que les carrosses [33] des princes; et par ce, puisque je n'ay sceu que vous esties avec moy, je peux dire que mon ame m'a troublee a cause des chariotz d'Aminadab..

  A026000419 

 Premierement, on se resveille mieux a l'examen de la conscience: Levons nous du matin pour aller aux vignes; voyons si la vigne est fleurie, si les fleurs porteront du fruict, si les grenades sont fleuries; secondement, on y fait une plus entiere resignation de la faculté concupiscible et de ses desirs: La, je te donneray mes mammelles; tiercement, la devotion croist: Les mandragores ont rendu leur odeur; quatriesmement, on y presente plus humblement a Dieu nos petitz merites passés et presens: J'ay serré pour toy, o mon Bienaymé, au dedans de nos portes, toutes sortes de fruictz, vieux et nouveaux.

  A026000424 

 Mays entre les fruictz de la solitude, cestuy ci est eminent, qu'on y peut considerer plus aysement Dieu comme Dieu: ce qui fait user a l'Espouse de ces deux paroles, seul et hors; c'est a dire, hors de toute creature: Qui te donnera a moy, mon frere, sucçant les mammelles de ma mere, et que je te trouve dehors, tout seul? Consideration qui fait saintement affoler les hommes, les fait danser devant l'Arche; d'ou vient que jusques a ce que l'ame soit arrivee a l'affection du mespris de soy mesme, elle a tous-jours quelque honte: c'est pourquoy elle desire la solitude, affin, dit elle, que je le bayse sans que personne nous voye..

  A026000428 

 Au contraire, elle parle tous-jours avec son Espoux du grand signe d'amour qu'il donna la ou il avoit esté le plus offencé, et qu'il resoulut de mourir pour nous apres qu'Adam et Eve luy eurent desobey: Je t'ay esveillee dessous un pommier; la, ta mere a esté corrompue, la, celle qui t'a engendré a esté violee..

  A026000429 

 L'ame ne trouvera plus aucune difficulté aux travaux, car rien n'est difficile a l'amour qu'elle a gravé profondement en son cœur, et mesme es actions exterieures: Metz moy comme un cachet sur ton cœur et comme un sceau sur ton bras; si bien que l'amour combat la mort: L'amour est fort comme la mort; l'enfer ne la peut espouvanter: La jalousie est dure comme l'enfer.

  A026000432 

 En laquelle derniere protestation et resignation parfaitte de l'ame en Dieu consiste la fin de l'orayson mentale et le plus haut degré de la spiritualité, qui est cette grande union de l'ame avec Dieu par devotion..

  A026000432 

 Non plus, le monde ni ses playsirs, non plus aucune chose mortelle; o Dieu, mon Dieu, vous seul estes mon Bienaymé, vous seul estes tout mon bien, c'est vous seul que je cherche: Fuys, c'est a dire viens, mais accours legerement, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les mons des bonnes senteurs.

  A026000450 

 Et plus loin (p. 58) il dit: « Elle » — la dévotion — « nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee; » évidemment, il entend renvoyer au morceau qui se lit au tome V de notre Edition, p. 486, et qui est de nouveau donné ici, p. 44..

  A026000450 

 Mais aujourd'hui, après nouvel examen, nous croyons devoir publier en entier ce qui nous est parvenu du Manuscrit sur les Vertus, et répéter pour cela les deux fragments que nous venons de signaler, d'autant plus que le Saint y fait plusieurs allusions.

  A026000453 

 Par suite de cette lettre, et le 6 février 1825, arriva à Paris, avec la lettre la plus aimable du prélat, un fragment notable et autographe de saint François de Sales; il étoit composé de quatorze feuillets in-folio, écrits de chaque côté, avec ces ratures fréquentes qui indiquent la première minute ou le brouillon d'un ouvrage sérieux et profondément médité..

  A026000455 

 Le possesseur du fragment ne s'en regardant plus dès lors que comme le dépositaire, ne tarda pas à remplir les vues du donateur..

  A026000457 

 A plus d'un siècle de distance, la plupart des propriétaires des fragments autographes ont changé; nous les signalerons à mesure que nous les rencontrerons dans les pages qui vont suivre.

  A026000466 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.

  A026000471 

 Or, outre cela, Nostre Seigneur voulant favoriser [44] l'homme pieux, affin de rendre le paradis du cœur humain plus aggreable et delicieux, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de nostre ame une fontaine surnaturelle que nous appelions grace, composee de la foy, esperance et charité, qui espanche ses eaux sur toute nostre ame et l'arrouse tout entierement, la rendant gracieuse a merveilles et grandement aymable a sa divine Majesté.

  A026000472 

 La comparayson estant meilleure de l'odeur des roses, sur laquelle les autres odeurs, en l'affinant s'affinent elles mesmes, quoy que plus excellentes qu'elle; [45] dont on employe ou les roses, ou l'eau rose, ou le jus de rose en presque toutes les eaux odorantes: car ainsy les vertus morales, saintes, perfectionnent les vertus naturelles, et en les perfectionnant s'en affinent elles mesmes et agissent plus excellemment avec icelles que sans icelles.

  A026000485 

 Ceux qui servent le monde, qui a tout propos cherchent des recompenses, ilz ont besoin d'user de finesses; mais ceux qui servent Dieu n'ont point de plus grande finesse que la simplicité qui les fait marcher en confiance..

  A026000491 

 Ne t'appuye point sur ta propre prudence, dit le Sage; et les Anciens ont dit que le plus heureux estoit celuy qui de soy est sage; lautre apres, celuy qui escoute et croid le sage..

  A026000492 

 Aussi Nostre Seigneur veut que nous soyons comme petitz enfans: or, les petitz enfans n'ont point de plus grande finesse que de se tenir entre les bras de leur mere, en quoy ilz establissent toute leur richesse..

  A026000498 

 De sorte que la charité n'est autre chose qu'une justice surabondante, car apres que l'amour a fait rendre a chacun ce quil luy doit, il passe plus outre et donne plus quil ne doit selon la rigueur de la justice; et fait comme son Maistre, qui ne se contente pas de donner la bonne mesure des recompenses, mais la donne bien comble, bien pressee et sureffluente..

  A026000498 

 Mays au l. 19 de la Cité, chap. 21, il declare plus amplement que c'est que la justice, disant que c'est une « vertu qui rend a chacun son droit, » c'est a dire ce qui luy appartient et luy est deu: si que, parlant chrestiennement et joignant les deux passages de saint Augustin en une seule intention, nous pouvons dire que la justice n'est autre chose que l'amour de Dieu entant que par iceluy nous avons une constante et perpetuelle volonté de rendre a chascun ce qui luy appartient.

  A026000500 

 Car c'est elle qui fit prendre le soin a saint Abel de prendre le meilleur de ses trouppeaux pour offrir a Dieu, comme la nonchallance contraire fit que Cain choysit le moindre; [56] c'est elle qui fit tumber en terre Daniel et les autres Prophetes a moytié mors devant la majesté de Dieu; c'est elle qui fait qu'emmi les tressaillement et plus grandes consolations nous tremblons et craignons d'estre devant une si grande majesté; c'est elle qui fait que les Seraphins mesme voylent leurs yeux et leurs pieds, comm'indignes de regarder Dieu et de s'arrester pres de luy; c'est elle qui fait dire a David: Te decet hymnus silentium in Syon, car la grand'estime de la perfection divine fait qu'on n'ose pas en parler, crainte d'en parler peu convenablement.

  A026000500 

 La reverence, qui est un des actes procedans de la religion, et n'est autre chose qu'une certaine vive apprehension et juste crainte de ne se pas bien comporter, et manquer d'honneur et de respect envers Dieu et les choses divines; et de cett'apprehension procede un soin particulier de rendre le plus exactement quil se peut toute sorte de tesmoignage de l'estime que nous faysons de la majesté et eminence de Dieu et de nostre vileté et bassesse, et de la disproportion quil y a entre nous et Dieu.

  A026000503 

 Et passant plus avant, par ce qu'entre ceux qui se dedient a l'unique service de Dieu, les uns le font par des simples oblations qui se font par maniere de protestation et declaration d'une volonté absolue et resolue, comme font la pluspart des Oblatz de saint Ambroyse, les Dames de la Tour des Miroüers de la Congregation de sainte Françoise a Romme, les vierges de Sainte Ursule, et comme faysoient les hommes et femmes du Tiers Ordre de Saint François, les Peres de la Congregation de l'Oratoire, et plusieurs tressaintes societés que Dieu a grandement benies et illustrees de plusieurs Saintz et Saintes, comme de sainte Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele de Foligni, de sainte Elizabeth d'Ongrie, saint Elzear, saint Ives, sainte Françoise (et en nostr'aage, du B. P. Philippe Nerius), sainte Geneviefve.

  A026000504 

 Or est il vray que tous les vœux, autant les simples que les solemnelz, ceux qui se font en la profession reguliere et ceux qui se font hors d'icelle, obligent egalement devant Dieu, sans qu'il y ait nulle difference; en sorte que qui viole les vœux simples il est autant perfide et sacrilege, a rayson du vœu, comme celuy qui viole les vœux solemnelz. Mais pourtant, ceux qui violent les vœux solemnelz, ou simples, mais de Religion, pechent plus griefvement que les autres, a rayson du scandale qui s'en ensuit, [qui] est plus grand: outre que, par l'establissement du droit, ilz peuvent estre apprehendés et chastiés, ne pouvans ni contracter legitimement ni rien acquerir entre les hommes, tandis quilz sont dans les liens du vœu; la ou ceux qui ont fait les vœux purement simples ne sont pas rendus inhabiles a contracter et acquerir entre les hommes, quoy que devant Dieu et en conscience ilz soyent autant perfides en ce faysant que les autres..

  A026000512 

 Or, par ce que ses demandes sont fondees en droit et justice, plusieurs grans personnages (Greg. Naz., Orat. 36, 53 et 54) ont dit qu'a proprement parler Nostre Seigneur ne prioit plus maintenant quil est au Ciel, selon que luy mesme l'affirme disant: Je ne dis pas que je prieray mon Pere; mays par ce que neanmoins il demande en qualité d'advocat et que, comme les advocatz, il demande avec un infini respect et une reverence incomparable, plusieurs aussi ont dit quil prioit.

  A026000515 

 Or, l'adoration est la plus eminente espece d'honneur que l'on puisse rendre a qui que ce soit; dont saint Augustin a dit que « les hommes sont appellés dignes de service et venerables, mays que si on veut beaucoup adjouster a cela, on les appelle encor adorables.

  A026000516 

 Nous prononçons telles ou semblables paroles, du plus profond de nostre esprit, ou si nous ne les prononçons pas, nous en avons le sentiment: Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées.

  A026000516 

 O Pere, Filz et Saint Esprit, une seule sainte souveraine Divinité, je vous adore par ce que vous estes souverainement adorable, et encor plus, parce que vous estes si excellemment adorable que vous ne pouves jamais estre suffisamment adoré.

  A026000516 

 O Seigneur, vous estes Celuy qui est; vous estes mon Dieu redoutable, infini, et la grandeur de vostre majesté est trop plus eslevee sur moy, et mon ame le reconnoist.

  A026000516 

 O si je pouvois m'abbaysser jusques dedans l'abisme du neant duquel vous m'aves tiré, pour mieux faire hommage a vostre infinie authorité et reconnoistre de vostre liberalité l'estre que vous m'aves donné! O Anges, desquelz les affections sont plus grandes et fortes que les miennes, hé! secoures mon imbecillité et adores pour moy cette couronne eternelle de la gloire de mon Dieu, de la plus profonde adoration que vous puissies exercer.

  A026000516 

 Or, entre toutes les adorations il y en a une qui est hors de toute comparayson; car l'honneur se donne en contemplation de l'excellente vertu de quelqu'un, et l'adoration se donne non pour la vertu entant qu'elle est excellente, mays pour l'excellence entant qu'elle nous est [incompréhensible] a cause de son infinie grandeur et profondité, et laquelle, comme dit Anastase, Evesque de Theopolis, est l'emphase et sureminence de tout honneur: qui est l'adoration deue a Dieu, et que non seulement les hommes, mays aussi les Anges ont commandement de luy rendre; et ce n'est autre chose que la plus grande, juste et profonde sousmission [65] et reconnoissance spirituelle que nous puissions faire a la supresme et, pour dire ainsy, incomprehensible sursouveraine Majesté et superiorité de Dieu.

  A026000521 

 Et par ce que nos parens sont des appartenances plus proches de nos pere et mere, et que toute la parentee semble estre un seul arbre a diverses branches esquelles toutes un mesme sang, commune mesme seve, joint et sustente, partant la pieté s'estend encor a eux; comm'aussi, par ce que les alliés et amis de nostre patrie sont comme ses appuys et mainteneurs, nous les cherissons aussi par pieté..

  A026000526 

 Aussi ay je dit quil failloit rendre bien fait pour bien fait: or, ce n'est pas un bien fait sii ne procede d'un esprit aymant, doux, aggreable, officieux, et sil ne regarde plus l'affection du bienfacteur que le bien fait.

  A026000526 

 C'est pourquoy il faut rendre, sil se peut, plus que l'on n'a pas receu, comme font les chams fertiles qui produisent plus de graines incomparablement qu'on n'en a jetté dedans leur sein: car si vous ne rendes que le mesme, c'est plustost une restitution de rigueur qu'une gratitude d'affection et d'amour; et en cela vous ne rendes pas bienfait pour bienfait, car si vous ne rendes que ce que vous aves receu, il [70] n'y a point de bienfait de vostre part.

  A026000526 

 Et cette vertu requiert: [1.] que nous estimions et prisions grandement et au plus haut pris le bien fait, et sur tout l'affection avec laquelle le bien facteur le distribue et nous le departit; 2.

  A026000526 

 Et deffait, rendre un bien fait avec cett'inquietude, c'est plus tost le payer que le rendre, ou encor, plus tost le rejetter et vouloir effacer que de le vouloir contrechanger.

  A026000526 

 J'ay dit selon son pouvoir; car, qui ne peut rendre aucun bienfait, quil face tant [plus] de tesmoignages et de reconnoissance en paroles, quil face force souhaitz pour le bonheur du bienfacteur..

  A026000530 

 Si je raconte comme un seigneur ou une dame estoit (sic) vestus en telles occasions, pourveu que je die selon ce quil m'en semble il suffit; mays si je raconte leurs actions, par lesquelles on peut discerner silz ont esté vertueux ou non, je dois estre plus discret et parler avec plus d'asseurance de la verité: car le mensonge n'a jamais aucun juste usage, c'est tous-jours un abus, pour utile qu'en soit la consequence; et n'en est pas de mesme comme de l'hellebore, car bien que nos cors puissent estre gueris par le tourment des medicamens, les espritz le doivent voirement estre par le tourment de la tristesse et repentance, mais non jamais par la coulpe.

  A026000533 

 C'est un vray vilain vice que celuy-la, et qui monstre une grande bassesse de courage: c'est pourquoy la prodigalité et profusion des richesses seroit plus aymable, si elle n'engendroit.

  A026000533 

 On ne sçauroit dire lequel de ces deux vices est plus dangereux.

  A026000533 

 affection des richesses, ne permettant pas qu'on les prise plus quil ne faut, et par consequent nous porte a les despenser et employer volontier et librement quand il est convenable, affin que d'un costé nous ne soyons pas avares, soyt a ramasser et acquerir trop ardemment les biens de ce monde, soit a les retenir trop chichement, et que d'autre part nous ne soyons pas prodigues, donnant a gens indignes, comme sont les flateurs, bouffons, joüeurs, ni pour choses frivoles et vaines.

  A026000534 

 Il faut rendre a chacun ce qui luy appartient: rendes donc a ce furieux son espee, et il en tuera quelqu'un sur le champ! Non, Philothee, cela ne se doit pas faire; car bien quil faille rendre a chacun ce qui est a luy, cela s'entend quand il n'en abuse pas au plus grand dommage du prochain, et l'equité nous enseigne cela.

  A026000538 

 Car, par exemple, consideres d'un costé un homme qui ayme grandement la chasteté, et d'autre costé un homme magnanime et de grand courage: l'un et lautre, au choix de la chasteté, entreprendront la chasteté virginale comme le plus haut et relevé degré qui puisse estre en la vertu de chasteté; mais l'un fait cett'entreprise pour le grand amour quil porte a la chasteté, laquelle plus ell'est grande plus il l'ayme, l'autre fait la mesme entreprise, non pour l'amour de la chasteté qui est en cette grandeur et hauteur de vertu, mays pour l'amour de la grandeur qui est en cette chasteté: si que l'un cherche la perfection de la chasteté en la grandeur de cett'action, et l'autre cherche la grandeur de l'action en la perfection de la chasteté.

  A026000543 

 Deux choses nous lassent en un chemin: la longueur et esgalité, car, comme dit Aristote, on se plait plus en un chemin ou il y a par fois des [inégalités] et varietés, qu'en un chemin tous-jours uni et sans diversité, et les pierres, les ronces, les fossés, les fanges et autres difficultés.

  A026000544 

 Le martir estant le plus foible, fait l'office du plus fort, car il garde la vertu pour laquelle il combat et demeure vainqueur.

  A026000544 

 Or, entre toutes les actions de force, il n'y en a point de comparable a celle de nos Martyrs chrestiens: gens invincibles et invariables entre les plus divers et espouvantables tourmens qu'il est possible d'imaginer, qui ont combattu contre les tyrans pour confirmer les plus excellentes vertus de toutes, entant que Nostre Seigneur les a enseignees, et combattu par la seule volontaire souffrance, qui les rend tant plus vaillans en toute façon.

  A026000547 

 Et lhors, elle ne peut bonnement se relever a l'objet intelligible et s'attacher si fermement par amour a Dieu; car sa force et puissance amoureuse, ou aymante, ou affective, s'escoulant et dissipant par les sens aux choses sensuelles, elle est d'autant plus foible et alangourie pour les choses superieures et spirituelles.

  A026000548 

 Mays parce qu'entre tous les sens il y en a deux qui sont plus grossiers, brutaux et impetueux en leurs actes, et qui par consequent dissipent et divertissent plus furieusement et desbordent la force affective de nostre ame, c'est a sçavoir l'attouchement et le goust (qui, comme dit Aristote, n'est presque qu'un certain attouchement par lequel nous nous appliquons immediatement aux objectz les plus grossiers), partant la temperance modere les playsirs et voluptés de ces deux sens principalement, bien qu'elle regie aussi les autres playsirs, soit interieurs ou exterieurs, entant que par iceux la force affective pourroit estre mise en desordre et dissipee contre la juste rayson.

  A026000550 

 Et Aristote dit que tout animal est triste apres iceluy, hormis le coq; mais l'homme plus que tous les animaux, comme ayant en iceluy perdu la rayson.

  A026000550 

 Mays l'autre, qui s'appelle intemperance, est le grand vice du monde, par lequel on desire les playsirs sensuelz outre mesure et sans discretion; et c'est le vice qui attira le deluge, qui fit perdre les quatre cités et les fit fondre et en somme c'est le vice le plus infame et vilain, comme dit Aristote, qui nous rend pareilz aux bestes brutes, assoupit l'usage de la rayson et, comme dit Hippocrate, le plus vehement de tous ces playsirs sensuelz n'est autre chose qu'une epilepsie passagere.

  A026000550 

 Mays si l'intemperance passe jusques au dela de la nature, ce n'est plus un vice, « c'est un monstre de vice, » dit Tertulien; ce n'est plus un vice humain, dit Aristote, il est brutal et forcenerie..

  A026000552 

 Mays si l'on prætend de chastier, corriger et moderer cet appetit en sorte qu'on puisse avec une grande liberté d'esprit vaquer a Dieu, et en somme ramasser et recueillir toutes les forces de son amour pour les employer en la dilection du souverain Bien, alhors on retranche tout a fait a l'appetit charnel toutes les actions auxquelles il tend, et on le reduit a la parfaite et absolue chasteté, que l'on appelle cælibat parce que, selon saint Hierosme, que (sic) c'est quasi une celeste beatitude d'estre hors du commerce de la chair pour estre plus attentif a celuy de l'esprit; conformement a ce que dit le grand Apostre, I. Cor. 7.

  A026000553 

 Mays, Philothee, cela ne s'entend pas en sorte que les personnes mariees ne puissent pas estre tout entierement a Dieu aussi bien que les continens et vierges: car [combien de mariés] y a-il eu en l'Eglise, d'une tres eminente sainteté, [plus grande même que celle de] beaucoup de vierges et continens?.

  A026000553 

 Notes, Philothee, que le grand saint Augustin a tiré de ce lieu la deffinition de la temperance, quand il a dit que c'estoit « un amour qui se donne tout entier a Dieu; » car l'Apostre monstre clairement que le principal but du cœlibat et la virginité est de se joindre et unir plus entierement [81] a Dieu; qu'en comparayson de la personne qui s'abstient parfaitement, la personne mariee est divisee en ses affections, partageant son soin en deux partz, bien qu'inegales; car tous-jours en faut il quelque partie pour aggreer au mari, et c'est autant de moins en ce qui se pouvoit donner a Dieu, c'est tous-jours une distraction et un retranchement de l'entiere et absolue attention que l'on eut donnee a Dieu.

  A026000554 

 C'est ce que veut dire l'Apostre, selon que saint Augustin mesme l'a remarqué au livre Du bien de la viduité, quand il dit quil exhorte a ce qui est honeste et bienseant; car il ne veut pas dire que le saint mariage ne soit honneste et bienseant, mais il advertit que l'estat de continence et vierginité est plus seant et plus honneste, au moins de l'honnesteté exterieure..

  A026000554 

 C'est pourquoy, quant a la substance et essentielle perfection de l'amour celeste, les mariés en peuvent avoir tout autant, et voire plus que les vierges et parfaitz; mais quant a la bienseance, dignité et honnesteté exterieure, les continens et les vierges les devancent tous-jours.

  A026000555 

 Ah! non, c'est une vertu hardie, genereuse, active, ains qui fait une continuelle guerre contre le plus fascheux ennemi qu'on ayt, duquel elle reprime voirement les actions, mais non pas .......................................................................................

  A026000555 

 Mon Dieu, Philothee, que la chasteté est belle, qui range [82] l'appetit brutal de nostre concupiscence a la pureté des Anges et Espritz caslestes, desquelz comme la pureté est plus pure, aussi la nostre est plus vaillante, car ilz l'ont sans vertu, par nature, et nous la conquerons entre mille hazars, par une continuelle guerre que nous faysons a nos ennemis et, ce qui est plus considerable, a nos amis: aux sens, a l'imagination et a toute cette trouppe de sentimens rebelles et mutins que nostre chair fournit a nostr'ennemi.

  A026000556 

 ains, comme la santé d'un homme gueri est plus forte bien souvent que celle d'un autre qui ne fut onques malade, ainsy la chasteté d'un homme penitent est quelquefois plus estimable que celle d'un vierge.

  A026000560 

 La clemence est proprement es superieurs, pour moderer la punition quilz doivent faire des criminelz, affin que autant que la justice le permet, on n'use pas de toute la rigueur, ains on addoucisse la peyne; car, comme Dieu punit tous-jours moins que nous ne meritons et [84] recompense tous-jours plus que nous ne meritons, aussi la clemence punit non selon la rigueur et severité, mais avec douceur, moderation et temperament: en sorte neanmoins qu'evitans la cruauté, ilz ne tumbent pas en la lascheté et exces de douceur.

  A026000562 

 Et parce que l'exercice des voluptés charnelles est le plus laid, desreglé, messeant, vil, vilain et deshonneste, l'honnesteté nous retient plus fort pour ce regard; et puis encor, comme en suite, ell'a soin de repouser tout ce qui est difforme et desordonné [85] au commerce des playsirs sensuelz, affin que rien ne s'y passe contre la bienseance..

  A026000563 

 La sainte humilité, qui est la plus petite et neanmoins la plus necessaire de toutes les vertus, n'est autre chose qu'une volontaire profession et reconnoissance de nostre vileté et abjection en ce qui, en nous, [est] de nous mesme.

  A026000563 

 Or, cette vertu a esté inconneue a la plus part des philosophes; et je dis a la plus part, parce que Platon a semblé la reconnoistre mesme envers Dieu, L. 4.

  A026000565 

 En fin, l'humilité nous fait glorifier Dieu et vilipender nous mesme; mays l'orgueil nous fait estimer nostre excellence ou comme plus grande qu'elle n'est, ou comme plus nostre qu'elle n'est, et partant est contraire a l'humilité comm'a l'opposite..

  A026000565 

 La charité donne la juste estime a Dieu, et l'humilité a nous mesme: et comme ceux qui ont esté longuement parmi la splendeur ne voyent [86] goutte en l'ombre ou en quelque lumiere un peu obscure, ainsy ceux qui se sont addonnés grandement a l'estime de Dieu ne s'estiment rien eux mesme; comm'au contraire, ceux qui ont demeuré longuement, en tenebres, venans a la clarté du soleil n'en peuvent presque soustenir la grandeur, laquelle leur est dautant plus esclattante, ainsy ceux qui ont demeuré en la connoissance de leur neant admirent bien davantage la majesté de Dieu.

  A026000565 

 [La vertu d'humilité] est d'autant plus chere aux Chrestiens, auxquelz ell'est necessaire affin quilz n'entreprennent rien d'eux mesme comme d'eux mesme, ains quilz veuillent dependre de Dieu.

  A026000566 

 En somme, a mesure que nous descendons par l'abjection et mespris de nous mesme et vraye estime de nostre neant, nous remontons par l'estime de Dieu et de ses dons; et c'est cette sainte vertu qui supprime la fause estime de nous mesme produite par l'amour propre, affin que nous [87] estimions plus les graces de Dieu, tant en luy, qu'au prochain, qu'en nous mesme..

  A026000566 

 La vileté de cœur non seulement nous ravale jusques a nostre neant, mais nous y laisse, sans nous vouloir permettre [de voir] ce qui est de Dieu en nous; l'humilité nous ravale en ce qui est de nous, mais c'est pour nous faire plus estimer ce qui est de Dieu en nous.

  A026000567 

 Car en fin, le mespris que nous faysons de nous mesme en l'humilité tend a nous faire plus hautement estimer Dieu et le prochain en Dieu, et nous aussi en Dieu, mais pour la mesme rayson pour laquelle la charité nous commande d'aymer Dieu et le prochain.

  A026000568 

 Certes, comme il y a une temperance pour le goust corporel, aussi en faut il une pour le goust de l'esprit: dont le grand Apostre a dit, Ro., 12, quil ne failloit pas plus sçavoir quil estoit requis de sçavoir, mais sçavoir a sobrieté on selon sobrieté; comme [88] sil vouloit dire quil [y] a une sobrieté pour l'esprit comm'il y en a une pour le cors..

  A026000568 

 Il y a encor une vertu qui range nostre esprit en l'estude et appetit de connoistre les choses, affin que nous ne desirions sçavoir que ce qui est convenable, comm'il est convenable et autant quil est convenable, et pour la fin convenable, en sorte que nous evitions d'un costé, la curiosité qui nous porte au desir [de] sçavoir ce qui ne nous appartient pas, ou d'autre façon quil n'appartient, ou plus qui' n'appartient, ou pour autre intention quil n'appartient, et d'autre part, la negligence qui, par une contraire extremité, nous destourne d'apprendre ce qui nous est necesre et convenable.

  A026000574 

 Elle a esté, de toute eternité, preveuë, regardee et preclestinee pour estre Mere de Jesus; et, comme telle, ell'a esté plus aymee elle seule que tous les hommes et tous les anges ensemble..

  A026000580 

 Si la femme de l'Evangile crioit dans les places publiques ou Jesus passoit: Beni soit le ventre qui vous a porté et les mammelles qui vous ont allaité, devons nous pas donner des benedictions perpetuelles au sacré cœur de Marie qui a tant aymé Jesus? O Vierge glorieuse, vous aves receu le Verbe en vostre cœur avant que de le recevoir [90] en vostre sein, et vous estes plus heureuse de l'avoir aymé souverainement et sans intermission que de l'avoir porté corporellement en vostre sein et entre vos bras; et c'est ce que Nostre Seigneur nous vouloit signifier quand il a dit: Mays plustost bienheureux sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est aux Cieux, c'est a dire qui n'ont qu'un mesme esprit et qu'un mesme cœur avec Dieu.

  A026000613 

 Je vous asseure qu'il n'y a signe plus asseuré d'une ame vicieuse que l'inclination a mal penser et a mal parler de son prochain..

  A026000614 

 Mais vous, mes amis, repartit il, ou est le vostre? Qu'ay je affaire de produire un defaut en ma peinture, si je le puis couvrir sans offenser personne? Voyes vous, ceux qui jugent mal et qui mesdisent de leur prochain, ce sont des sangsues qui ne savent que tirer le mauvais sang et laisser le plus pur dans le cors.

  A026000614 

 Quelle injustice de [94] demander d'estre absous de toutes les fautes que l'on fait, et vouloir condamner les plus petites des autres! Je n'ay encores veu personne qui se soit mal treuvé de dire du bien de son prochain.

  A026000614 

 Qui ne regardera pas son prochain saintement, charitablement et avec pitié, ou avec le respect qu'il luy doit comme chrestien, par ce commencement il gastera toutes les parties de son ame: de la il deviendra superbe, insolent, envieux, barbare, et ne retiendra plus aucun trait de l'image de Dieu..

  A026000615 

 Combien de voleurs y a-il dans les forestz qui serviroyent mieux Dieu que moy, s'ilz en avoyent receu autant de graces? Combien de miserables seroyent plus spirituelz que je ne suis, si Nostre Seigneur leur avoit donné le loysir d'estudier et le moyen de le connoistre? Regardons les differences qui se sont treuvees entre saint Pierre et Salomon: l'un fut meschant, l'autre le plus sage de son tems; le mauvais se fit sage, et le sage devint insensé.

  A026000615 

 Judas eut des commencemens de sainteté plus accomplis que ceux qu'on se pourroit figurer en la personne qu'aujourd'huy nous estimons la plus parfaitte; saint Paul en eut de pires et fut plus cruel persecuteur de l'Eglise de Jesus Christ que le plus eschauffé tyran de ce siede ne l'est a nos pauvres freres qui sont parmy les infideles: celuy qui estoit Apostre et l'un des plus cheris de Dieu, se rendit le plus malheureux du monde; et celuy qui ne valoit rien devint le meilleur et le plus ardent defenseur de l'Evangile..

  A026000622 

 Et comme en une chambre particuliere l'on panse les malades honteux, l'on met le feu et le fer a des playes, l'on tire le tronçon d'une espee du ventre ou la basle du cors, en cette façon le Superieur, apres avoir reconneu la disposition de ceux avec lesquelz il traitte, doit entrer plus avant, et leur tirer de l'ame des vielles habitudes, et par la representation des horribles conditions du peché, apporter le fer et le feu d'enfer ou les legeres saignees ne servent de rien.

  A026000623 

 On ne se doit point tant embrouiller la teste d'advis ni en multiplicité de conseilz; les livres sont plus croyables et moins interessés que ceux en qui nous avons confiance, et il faut prendre garde que les autres se trompans ne nous abusent aussi, et ne sortent d'avec nous comme la guespe, apres avoir laissé son aiguillon.

  A026000627 

 Il disoit qu'on devoit en Religion remedier aux plus petitz murmures; car, comme les grans orages se forment de vapeurs invisibles, les grans troubles viennent de causes fort legeres..

  A026000629 

 On devroit leur representer plus de rigueur qu'il n'y en a, et ne leur figurer point si avantageusement tant de consolations spirituelles; car tout ainsy que la pierre, encores que vous la jetties en haut, retombera en bas de son propre mouvement, aussi plus une ame que Dieu veut a son service sera repoussee, d'autant plus elle s'inclinera a ce que Nostre Seigneur voudra d'elle..

  A026000630 

 Ceux qui prennent ce parti par un despit d'avoir un courage haut avec une basse fortune, apportent plus de desordre parmi les cloistres que de bon ordre en eux.

  A026000630 

 Et lhors que d'autres s'y rendent par un mouvement de promptitude que leur met en l'esprit quelque tendre et peu judicieuse imagination, ilz font ni plus ni moins que la pierre au partir de la fronde, qui demeure arrestee quand l'effect de la machine commence a manquer; car, a nommer cela par son nom, ce sont des pensees lourdes et grossieres, qui s'efforcent en vain de monter vers le Ciel; ou bien des espritz semblables aux cabanes qui sont sur le rivage d'un fleuve, que la premiere pluye emporte..

  A026000682 

 Adamantis, ainsy nommé (sic) parce qu'elle ne peut estre brisee non plus que le diamant; presentee aux lions, les fait tumber renversés a gueule ouverte.

  A026000725 

 L' abeston, pierre couleur de fer, provenant d'Arabie, une fois allumé ne s'éteint plus.

  A026000736 

 Si l' épervier boit souvent le sang des oiseaux, il devient plus fort et plus audacieux..

  A026000752 

 des Propos de tab., q. 2: Peintre Androcides peint Scilla, mais sur tout les poissons, employant plus d'affection que d'artifice..

  A026000784 

 Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche: tes mamelles sont meilleures que le vin, plus odoriférantes que les parfums les plus fins.

  A026000803 

 Ces deux tableaux [113] furent mis par Auguste au plus apparent lieu de sa place; mais l'Empereur Claudius fit effacer la face d'Alexandre en tous deux, et y supposa celle de l'Empereur Auguste peinte au vif.

  A026000811 

 Pireicus, comme semble a Pline, vouloit assoupir son bruit, et [ne peignait qu'en petit] volume et petites choses, comme boutiques [de barbiers, de cordonniers,] petitz asnes [char]gés d'herbes, et semblables [menus fatras; dont enfin on l'appela] paintre de bass'estoffe; [et néanmoins, à cause de son art, ces choses ] menues se vendoyent plus que plusieurs grandes des autres.

  A026000811 

 — Les moindres besoignes faittes en charité et selon l'art de vraye devotion, comme sont les mortifications des petites passions, les bas services et offices, les petites œuvres, valent plus que les plus grandes faittes laschement et sans devotion. Charitas est mensura hominis, quæ est Angeli, id est hominis et Angeli, Apoc. 21; arundo aurea sunt opera parva et nullius ex se momenti, ut arundo, et tamen, quia aurea sunt, mensura caritatis..

  A026000860 

 Quand il entre en cholere, il bat la terre d'icelle, et passant plus avant, il s'en bat les flanez.

  A026000862 

 Il craint et tremble au bruit d'un charion (sic) sur tout vuide; a la veüe d'un coq et a son chant encor plus, et sur tout a la veüe du feu.

  A026000864 

 Addition [125] au c. 42 du livr'onziesme: aucuns pensent que ce soit Loth ou Abraham, mais la plus part tient que ce fut le premier Roy de Bactriane..

  A026000868 

 Les parons qui le couvent et au nid desquelz il esclost ne tiennent conte de leurs petitz en comparayson du petit coucu qui, estant [126] plus goulu que les autres, mange leur viande et se rend gras et poly; dont le paron se mire en luy, se baignans de voir un si bel oyseau quil pensent (sic) avoir produit, jusques a luy permettre de manger et se paistre de leurs petitz propres devant leurs yeux.

  A026000870 

 Si la rosee est pure, elles sont cleres; si le tems estoit trouble, elles le sont, participans plus de l'air que de la mer; elles s'engrossissent et nourrissent si elles peuvent recevoir a suffisance de la rosee.

  A026000879 

 Le lion tremble a la presence du coq, et beaucoup plus sil l'entend chanter. Dæmon, leo rugiens, timet pastorum præsentiam, longe magis si prædicent.

  A026000879 

 Pierre Messie dit quil craint plus les coqs blancz que les autres..

  A026000897 

 (Mathioli, [Pref., trad. Du Pinet, p. 13].) Plutarque en dit autant du cumin, duquel Mathioli, page 432, dit que les hipocrites, pour paroistre plus macerés, usent du cumin en leurs viandes et s'en parfument souvent.

  A026000897 

 Le persil, plus il est foulé aux piedz, plus il croit.

  A026000898 

 Pouletz tués et pendus a un figuier en deviennent plus tendres et meilleurs.

  A026000904 

 Scorpions approchans l'herbe delphinium ou lychnis sauvage, ou la racine du premier aconit, sont tellement amortis quilz semblent plus mortz que vifz, et touchant a l'helebore blanc sont incontinent remis en force.

  A026000914 

 Les chevaux morduz du loup sont plus vistes; mais silz marchent sur les pas du loup, les jambes s'engourdissent et ammortissent.

  A026000916 

 LIV], croit en la seule Judee, et est la liqueur la plus odorante de toutes.

  A026000918 

 I, c. XVIII]: Mais comme s'est il fait que la Judee est privee du baume, laquelle seule jadis le portoit en plus grande abondance? Il respond que les Rois ægiptiens l'ont transporté; mais Dioscoride et Galien tesmoignent qu'en mesme tems il y avoit du baume en Ægipte et en Judëe.

  A026000920 

 XLII], dit quil croit en Ethiopie parmi les buissons, quoy qu'en la plaine, et n'a nulle odeur estant verd; il est, au plus, de deux coudees.

  A026000941 

 LII]: On tient que les pigeons ont ressentiment de gloire et quilz se pavonnent en l'air et font des esplanades ça et la, se mirans en la varieté de leur pennage; mais cela est cause que les tierceletz et faucons les attrapent, car s'ilz volloyent leur droit vol, il (sic) ne les attraperoyent jamais, car ilz ont l'aysle plus royde que les oyseaux de proye; mais les ennemis les espient quand ilz s'amusent a leur gloire, pour les surprendre et attraper. Heu, superbi!.

  A026000948 

 V-VI]: Mouches a miel enduisent leurs ruches du commosis et y meslent du jus des herbes les plus ameres qu'elles puissent rencontrer, affin de desgouster les menues bestioles qui s'y voudroyent affriander, et bastissent de mesme les entrees.

  A026000973 

 Zeuxis: Il fit une luitte ou il print grand playsir, et mit dessous « qu'elle seroit plus tost enviee que contrefaite.

  A026001024 

 Ilz ne prisent pas le jeune, la virginité, la pauvreté, etc.; ilz ressemblent plus tost au Turc et leurs eglises aux mosquees..

  A026001103 

 A quoy vous servira beaucoup de garder en vostre imagination le point de la meditation que [166] vous aurés le plus gousté, pour le remascher le long de la journee, comme l'on fait les tablettes pour le cors.

  A026001103 

 Et touchant la priere, je vous advertis que, premierement, vous ne devés jamais laisser de dire l'Office ordinaire, qui est commandé de l'Eglise, et plus tost faut laisser toutes autres prieres.

  A026001103 

 Secondement, apres l'Office, il faut preferer la meditation a toutes autres prieres, car elle vous sera plus utile et plus aggreable a Dieu.

  A026001106 

 Le jour de vostre Communion, tenés vous la plus devote que vous pourres, souspirant a Cel[uy] qui sera en vous, et le regardes perpetuellement de l'œil interieur, gisant ou assis dans vostre propre cœur comme dans son trosne, et luy faites venir l'un'apres l'autre vos puissances et sens pour ouïr ses commandemens et luy promettre fidelité.

  A026001107 

 Au contraire, rendes leur le plus que vous pourres de consolation et contentement, affin que cela leur face honnorer et estimer la devotion et la leur face desirer..

  A026001108 

 Procurés en vous l'esprit de douceur, joye et humilité, qui sont [vertus] les plus propres a la devotion; comm'aussi la tranquillité, sans vous empresser ni pour ceci ni pour cela, mais alles vostre chemin de devotion avec un'entiere confiance en la misericorde [de] Dieu q[ui] vous conduira par la main jusques au pais celeste; et partant, gardes [vous] des chagrins [et disputes]..

  A026001111 

 Le moyen de ce faire en ce commencement doit estre doux, gracieux et jo[yeux], sans commencer par reprehensions des choses qui ont esté supportees jusques a present; ains vous deves vous mesme, sans leur dire mot, monstrer tout le contraire en vostre vie et conversations, vous occupant devant elles en saintz exercices: comme seroit, faysant quelquefois des prieres en l'eglise, ou bien mesme la meditation, disant le Chapelet, faisant lire quelque livre spirituel pendant que vous travailles de l'eguille, et les caressant plus doucement et modestement que jamais.

  A026001116 

 Il sera bon que vous employies quelqu'une de vos Religieuses pour vous ayder en la conduite des choses temporelles, affin que vous ayes tant plus de commodité pour vous addonner au spirituel et aux offices de charité.

  A026001117 

 Petit a petit, et lhors que vous les y verres embarquees, il faudra traitter plus entierement du restablissement de la perfection et de la Regie, qui sera le plus grand service que vous puissies faire a nostre Sauveur: mais tout cela doit proceder non tant de vostre authorité, comme de vostre exemple et douce conduitte..

  A026001128 

 Resolves vous, et faites un ferme propos de cy apres vaquer fidellement a ce que Dieu desire de vous, luy disant: Vous seres cy apres mon unique lumiere pour mon entendement; vous seres l'object de ma souvenance, qui ne s'occupera plus qu'a se representer la grandeur de vostre bonté si doucement exercee en mon endroit; vous seres les seules delices de mon cœur et l'unique Bienaymé de mon ame..

  A026001157 

 Et comme ceux qui sortent d'un jardin cueillent quattr'ou cinq fleurs pour les porter en leur main, les sentir et regarder le long de la journee, ainsy nous faut il choisir deux ou trois point (sic), ou au moins un de ceux que nous aurons le plus gousté, pour, le long de la journee, le sentir et ressentir coup sur coup selon la diversité des occasions, et s'en aller en paix et tranquillement vacquer aux affaires ausquelles Dieu nous appelle, quelles qu'elles soyent..

  A026001162 

 J'ay choysi un mistere qui est des plus beaux et fertiles, et sur lequel neanmoins je ne diray que fort peu au prix de ce qui s'en pourrait dire.

  A026001177 

 Il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars de la ville de Hierusalem pour voir crucifier mon Sauveur, je me treuve au mont de Calvaire, en un lieu un petit plus esloigné que les autres, mais aussi plus advantageux et relevé, d'ou je voy plus aysement le triste et cruel spectacle de la crucifixion.

  A026001178 

 Je descouvre l'un' et l'autre main attaché (sic) et les deux pieds aussi, qui, comme quatre ruisseaux d'une mesme source, versent continuellement un sang le plus beau, clair et vermeil qui fut onques au monde..

  A026001179 

 Et enfin, voyla la croix qui tumbe dans le creux auquel elle doit estre fichee et donne une secousse au cors qui y est pendu, au moyen de laquelle les playes s'agrandissent et plusieurs goustes de sang s'espluyent esparsement ça et la sur les plus proches, dont la plus part les ostent avec indignation et ne leur semble jamais asses tost quilz s'en puissent laver..

  A026001184 

 Est ce donques, ce dis-je, ce grand Jesus qui a tant fait de miracles, de sermons et d'actes vertueux tout le tems de sa vie? Est ce pas la le Filz de Dieu æternel, qui est Maistre du Ciel et de la terre? et comment donques est-il pendu en croix? Ne pouvoit-il pas mourir de mille sortes de mortz plus honnestes, plus doulces et supportables, puis qu'il vouloit mourir? O quil faut bien dire que cette mort a quelque secrette beauté, puisqu'elle a esté choysie par le Filz de Dieu mesme! O quelle admiration sera ou peut estre digne de cette merveille?.

  A026001191 

 Et considerant mes fautes passees, o Seigneur, je vous supplie, en vertu de ces peynes, de les effacer entierement; si que, comm'une nüee dissipee n'empesche plus les rayons du soleil de venir esclairer et eschauffer la terre, ainsy jamais plus mes pechés ne puiss'empescher la douceur de vostre regard misericordieux sur ma pauvre et langoreus'ame.

  A026001202 

 Il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars de la ville de Hierusalem pour voir crucifier Nostre Seigneur, je me treuve au mont de Calvaire, en un lieu un petit plus esloigné que les autres, separé et relevé, qui me le rend advantageux pour voir et considerer a part moy ce triste et cruel spectacle.

  A026001212 

 Hé, vois ce cœur affligé de tant de pechés que le peuple commet; et si ton cœur ne s'afflige avec luy, il faut que tu ne l'ayes pas de chair, mais de pierre, et plus [dur] que le diamant mesme..

  A026001215 

 O qui me donnera la grace que je puisse en quelque façon donner allegement a mon Sauveur affligé! Hé, que ne m'est-il loysible de prendre mes habitz plus prætieux pour couvrir vostre nudité! que n'ay je du bausme excellent pour en oindre vos play es! que ne suis je pres de vous sulla croix pour soustenir vostre cors en mes bras, affin que la pesanteur ne dechirast pas si fort les playes de vos pieds et de vos mains! Mais sur tout, que ne puis je empescher les pecheurs de tant offenser vostre cœur, qui ne feroit que se jouer de toutes les peynes de vostre cors, si pour icelles les pecheurs pouvoyent estre amendés! Que ne suis je quelque excellent et fervent predicateur pour leur annoncer la penitence! O comme ne dirois je aux iniques: Ne veuilles plus vivre iniquement; et aux delinquans: Ne relevés plus les cornes de vostre fierté et felonie!.

  A026001216 

 Comme vous respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque je ne respandis jamais un verre d'eau pour vos pauvres? Comme voudrais je vous supporter en croix, puisque je ne fuis jamais rien tant que les croix? Et quel predicateur de penitence, moy [182] qui n'en fais point, et qui contribue tous les jours, plus que nul autre, au desplaysir que les pechés vous donnent?.

  A026001220 

 J'instruiray les desvoyés, et diray a mon cœur et aux autres: Voules vous estre plus cruelz a l'endroit de vostre Sauveur que ne sont les vautours a l'endroit des colombeaux? ilz n'en deschirent ni devorent jamais le cœur.

  A026001220 

 Non, ce ne seront plus desirs, ce seront effectz.

  A026001220 

 O Seigneur, ayes mercy de moy, et je me propose de par ci apres vous estre plus fidelle.

  A026001235 

 Mon iniquité est donques bien grande: o que je suis miserable de m'y estre si souvent abismé! O Seigneur, qui me delivrera de ce labyrinthe, si ce n'est vous? O ja ne vous playse de permettre que j'y retombe plus si lourdement.

  A026001239 

 Non, je ne descendray plus..

  A026001248 

 En quoy une grande quantité de personnes se trompent, qui ne se preparent que contre les grandes afflictions, et demeurent sans armes, sans force et sans aucune resistence es petites; la ou il seroit plus supportable d'estre moins præparé aux grandes, qui ne surviennent que fort peu souvent, et l'estre aux petites, qui sont quotidiennes et se presentent a chasque moment.

  A026001248 

 Mais il faut passer plus avant et bien considerer ceste volonté non seulement es grandes afflictions, mais jusques aux petites traverses et moindres incommodités que nous sceussions recevoir en cette miserable vie.

  A026001249 

 Il y [a] des autres actions ausquelles je ne suis point obligé ni par les commandemens generaux de Dieu, ni par le particulier devoir de ma vocation; et en celles ci il faut [186] estre soigneux de considerer en liberté d'esprit ce qui tend a la plus grande gloire de Dieu, car c'est cela que Dieu veut.

  A026001250 

 Et si par leur defaut la resolution n'est pas la meilleure en soy, elle ne laissera pas d'estre la plus utile et meritoire pour vous, car Dieu la rendra fructueuse.

  A026001261 

 Mais parce que ce troisiesme moyen est si ample, je le reduiray en cette sorte: Les trois vertus des Religieux sont les trois plus signalés instrumens pour acquerir la perfection et les trois plus grans effectz d'icelle.

  A026001271 

 L'exemple en est en Nostre Seigneur qui fit toute sa vie tout ce qui visoit plus a la gloire de son Pere eternel, de la glorieuse Vierge Marie, sa Mere, et de tous les Saintz..

  A026001271 

 degré, c'est d'obeyr aux inspirations et mouvemens interieurs que l'on reconnoist tendre a la plus grande gloire de Dieu, et ce, apres les avoir examinés ou fait examiner.

  A026001303 

 Je m'imagine de plus, que le crucifiement est des-ja fait, c'est a dire, la croix estendüe sur la terre; que Nostre Seigneur, despouillé, tout fin nud, a esté attaché par les bourreaux sur icelle, cloüé et serré pieds et mains.

  A026001303 

 Je m'imagine et il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars pour voir crucifier le Sauveur, je me treuve sur le mont de Calvaire, en un lieu un peu plus esloigné que les autres, separé et relevé, et par consequent plus advantageux pour voir et considerer a part moy ce triste et cruel spectacle.

  A026001313 

 Hé, qui sera ce tigre qui ne fondra en larmes sur ce jeune Roy, le plus doux de tous les hommes, vray Filz de Dieu, et qui est si mal traitté? Helas, nul n'est si denaturé qui voyant un criminel sur la roue, pour criminel qu'il soit, n'en ayt compassion: hé donques, mon ame, mourras tu point de compassion de voir ton Sauveur qui souffre tant? Voy ce cœur tant affligé pour les pechés du monde; et si ton cœur ne s'afflige avec luy, faut il pas qu'il soit plus dur qu'un diamant?.

  A026001314 

 Helas, ses playes sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert les pechés du monde contre l'indignation du Pere æternel! O Dieu, que ne suis je quelque excellent et fructueux praedicateur, pour au moins empescher que ce divin cœur ne fust tant offensé par tant d'iniquités! O comme je dirois: Ne veuilles plus vivre iniquement, et ne releves plus les cornes de vos meschancetés pour les ficher dedans ce cœur des-ja tant affligé!.

  A026001315 

 Je n'en donnay jamais un seul, pour vil et usé qu'il fust; et comment vous donnerois-je les prætieux? Comment respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque j'ay bien de la peyne a respandre un verre d'eau pour vos pauvres? Hé, quel prædicateur de penitence, moy qui n'en ay point encor fait, et qui contribue tous les jours plus qu'aucun autre aux desplaysirs que vous donnent les pechés! O vains et miserables desirs, o offres inutiles, puisqu'elles ne sont qu'en apparence, et qu'en effect ce ne sont que mocqueries..

  A026001319 

 Je me diray a moy mesme, et puis aux autres: Serons-nous plus cruelz au Sauveur que les vautours ne le sont aux colombes? ilz n'en deschirent jamais le cœur.

  A026001319 

 Ne cesseray je pas en fin de vous estre infidelle, mon Sauveur et mon Dieu? O non, ce ne seront plus des-ormais d'inutiles desirs, ce seront des effectz; ce ne seront plus des paroles, ce seront des œuvres.

  A026001336 

 Mon iniquité est donques bien grande: helas, que je suis miserable de m'y estre si souvent abismé! O peché tres abominable, je ne te verray jamais d'un costé que je ne me jette incontinent de l'autre, quand il y auroit tous les tourmens du monde a souffrir; non, je ne veux plus me souiller en tes miserables ordures..

  A026001349 

 C'a esté aussi l'opinion du bienheureux Pierre d'Alcantara et l'experience l'enseigne; ce que je dis, parce que desirant que vous vous servies fort souvent des Prattiques de Bellintani, vous pourries a son imitation vouloir faire autrement, ce qui vous seroit beaucoup plus difficile et moins utile.

  A026001349 

 Il me semble qu'il est meilleur de faire les affections apres chaque consideration que d'attendre apres toutes les considerations, parce qu'on chemine plus simplement.

  A026001352 

 Encor que vous ayes preparé plusieurs considerations, toutesfois si une suffit pour vous entretenir pendant vostre demy heure, ne passes pas plus avant; et si vous ne treuves pas en l'une d'icelles dequoy eschauffer vos affections, faites les suivantes l'une apres l'autre, jusques a ce que vous ayes treuvé la veine des affections..

  A026001355 

 Mais quand il ne le feroit jamais, contentons-nous que ce nous est un honneur trop plus grand d'estre aupres de luy et a sa veue..

  A026001366 

 Ou bien avec saint Paul: La nuit est passee, le jour est arrivé; sus, non plus des œuvres de tenebres, mais endossons le harnais de clairté.

  A026001373 

 En fin on prie Dieu de nous estre propice et de nous fortifier en nos bons desseins; et a mesme intention on invoque la Vierge et les Saintz pour qui nous avons le plus de devotion, avec tous les autres, et particulierement nostre bon Ange.

  A026001391 

 Pendant les affaires de la journee, il faut le plus que l'on peut regarder souvent a Nostre Seigneur Jesus Christ, [207] et se resouvenir du poinct de la meditation que l'on a le plus gousté et ressenti; comme si la douceur de ses yeux nous a esté aggreable, nous nous les representerons en disant: Ja ne vous playse, mon Sauveur, que je fasse chose qui puisse offencer vos yeux; et ainsy des autres. Il est bon aussi d'avoir certaines parolles enflammees qui servent de refrain a nostre ame, comme: Vive mon Dieu! VIVE JESUS! Dieu de mon cœur!.

  A026001401 

 Apres tout cecy, je vous advise de vivre sans scrupule et servir Dieu plus avec amour qu'avec peur.

  A026001402 

 Je ne veux point que vostre meditation soit de plus que d'une grosse demie heure ou trois quartz d'heure, et quand vous ne la pourres faire le matin ou devant le disner, je ne voudrois pas que ce fust sinon pour le moins quattre bonnes heures apres le disner, c'est a dire, un petit avant le souper.

  A026001416 

 C'est la plus entiere communication qu'il pouvoit faire de luy mesme, par laquelle il se joint a nous d'une façon merveilleuse et toute pleine d'amour.

  A026001416 

 C'est le mistere de la plus intime union que nostre Redempteur pouvoit faire avec nous.

  A026001420 

 Il faut, apres cest oubli volontaire, parer la memoire d'une sainte souvenance de tous les bienfaitz dont Dieu nous a gratifiés: la creation, conservation, redemption et plusieurs autres, mais sur tout de sa sainte Passion, en memoyre de laquelle il a voulu nous laisser le propre cors qui souffrit pour nous, en ce divin Sacrement, n'ayant peu nous en laisser une plus vive et expresse representation.

  A026001434 

 Pour la memoire, il est bon de donner ordre le plus qu'il se pourra, que sur tout despuis souper vous ne soyes occupee ni d'esprit ni de cors a aucune affaire esloignee du dessein de la Communion, mais que vous fassies une particuliere retraitte de vostre esprit et de tous vos sens en vostre interieur, pour attendre l'Espoux avec les lampes en main, et que l'huile n'y manque pas; et pour cest effect, que la recreation de l'apres souper soit un peu plus devote et de propos de charité, et le souper plus sobre, sans tristesse neanmoins, ni trop d'austerité..

  A026001435 

 J'appreuverois que pour ayder la compaignie a [217] se resouvenir des bienfaitz de Dieu au jour de la Communion, chaque Religieuse sceut le jour de sa reception et des autres graces plus signalees receues de Dieu; et qu'autant que l'humilité et la simplicité chrestienne le peut permettre, le soir avant la Communion, elle en resouvint les Seurs en l'heure de la recreation, et sur la fin les priast d'en remercier Dieu avec elle.

  A026001441 

 Le jour qu'on a communié il faut autant qu'il se peut caresser le saint Hoste qu'on a receu chez soy, et partant se divertir des autres occupations; car c'est en ce tems-la quil a accoustumé de parler plus souaifvement a nostre cœur et luy departir plus favorablement ses graces par la presence reelle de son Humanité.

  A026001447 

 Combien de goustz et consolations pendant l'enfance de Nostre Seigneur, quand ilz le portoyent en leurs bras et sur leur poitrine, quand ilz le baysoyent et que de ses divins bras il les accoloit souaifvement! et puis, considerer que nous sommes faitz semblables a eux par la Communion, en laquelle Nostre Seigneur s'unit bien plus a nous que sil nous baysoit et accoloit.

  A026001447 

 Or, nous les pouvons faire diverses; les plus [utiles] sont de Nostre Dame et de saint Joseph.

  A026001452 

 Au demeurant, parce que le plus grand moyen de prouffiter en la vie spirituelle c'est la devote Communion, je vous la recommande; et ayés soin que nulle ne la fasse par maniere d'acquit ou de coustume, mais tous-jours pour glorifier Dieu en icelle et s'unir a luy, et prendre force a le [222] servir et supporter toutes afflictions et tentations.

  A026001460 

 Mais, troisiesmement, l'ame cherchant les moyens d'estre delivree du mal qu'elle sent, peut les chercher pour l'amour de Dieu ou pour l'amour propre: si c'est pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, humilité et douceur, attendant le bien non tant de soy mesme et de sa propre diligence, comme de la misericorde de Dieu; mays si elle les cherche pour l'amour propre, elle s'empressera a la queste des moyens de sa delivrance, comme si ce bonheur dependoit d'elle plus que de Dieu.

  A026001465 

 L'inquietude, mere de la mauvaise tristesse, est le plus grand mal qui puisse arriver a l'ame, excepté le peché; car il n'y a aucun defaut qui empesche plus le progres en la vertu et l'expulsion du vice que l'inquietude.

  A026001466 

 Ceux qui sont parmi les halliers et buissons, s'ilz veulent courir et s'empresser a cheminer, ilz se piquent et deschirent; mais s'ilz vont tout bellement, destournant les espines de part et d'autre, ilz passent plus vistement et sans piqueure..

  A026001466 

 Qu'est ce qui fait que les oyseaux ou autres animaux demeurent pris dans les filetz, sinon qu'y estans entrés, ilz se desbattent et remuent dereglément pour en vistement sortir, et ce faysant ilz s'embarrassent et empeschent tant plus.

  A026001481 

 Bref, ceux qui sont occupés de la mauvaise tristesse ont une infinité d'horreurs, d'erreurs et de craintes inutiles, de peynes et de peurs d'estre abandonnés de Dieu, d'estre en sa disgrace, de ne devoir plus se presenter a luy pour luy demander pardon, que tout leur est contraire et a leur salut, et sont comme Caïn, qui pensoit que tous ceux qui le rencontreroyent le voudroyent tuer.

  A026001481 

 Bref, s'ilz y pensent bien, ilz [229] trouveront que ce qu'ilz pensent leur faute plus considerable, c'est parce qu'ilz se pensent eux mesmes plus considerables..

  A026001481 

 Ilz pensent que Dieu soit inequitable en leur endroit, et severe jusqu'a l'eternité, et le tout pour leur particulier seulement, estimant tous les autres asses heureux au pris d'eux: ce qui provient d'une secrette superbe qui leur persuade qu'ilz devroyent estre plus fervens et meilleurs que les autres, plus parfaitz que nul autre.

  A026001483 

 Au contraire, le malin esprit, autheur de la mauvaise tristesse (car je ne parle point de la tristesse naturelle, qui a plus besoin de medecins que de theologiens), c'est un vray desolateur, tenebreux et embarrasseur; et ses fruitz ne peuvent estre que hayne, tristesse, inquietude, chagrin, malice, defaillance.

  A026001487 

 Il faut contrevenir vivement aux inclinations de la tristesse et forcer ses suggestions; et bien qu'il semble que tout ce qui se fait en ce tems-la se face tristement, il ne faut pas laisser de le faire, car l'ennemy, qui pretend de nous allentir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant [230] qu'il ne gaigne rien et qu'au contraire nos œuvres sont meilleures estans faites avec resistance, il cesse de nous plus affliger..

  A026001489 

 Il est bon de s'employer a l'œuvre exterieure et la diversifier le plus que l'on peut, pour divertir la vehemente application de l'esprit de l'objet triste, purifier et eschauffer les espritz; la tristesse estant une passion de [la] complexion froide et humide..

  A026001492 

 Il faut tous-jours s'addresser en ce tems-la a sa divine bonté par des invocations pleines de confiance, ce que l'on ne fait pas quand on est dans le tems de la joye et hors de la tristesse, ou l'on peut croire que l'on a plus de besoin d'exciter en son cœur les sentimens de crainte; par exemple, ceux ci: O Seigneur tres juste et terrible, o que vostre souveraine Majesté me fait trembler! et semblables.

  A026001492 

 Je ne veux pas dire qu'il faille faire en ce tems-la de plus longues meditations, mais je veux dire qu'il faut faire de frequentes [231] demandes et repetitions a Dieu.

  A026001494 

 L'un des plus asseurés remedes est de desployer et ouvrir son cœur, sans y rien cacher, a quelque personne spirituelle et prudente, et luy declairer tous les ressentimens, affections et suggestions qui arrivent de nostre tristesse, et les raysons avec lesquelles nous les nourrissons; et cela il le faut faire humblement et fidellement.

  A026001497 

 Ceux qui ont plus de discernement aux choses spirituelles se pourront guider par d'autres voyes que Nostre Seigneur leur suggerera; ce pendant, si celles cy peuvent servir, employes-les soigneusement, et pries pour celuy qui vous les a marquees..

  A026001503 

 Sur les trois premiers petitz grains vous demanderes l'intercession de la sacree Vierge, la saluant, au premier, comme la plus chere Fille de Dieu le Pere; au second, comme Mere de Dieu le Filz; et au troysiesme, comme Espouse bienaymee de Dieu le Saint Esprit..

  A026001527 

 Aux trois petitz grains vous demanderes l'intercession de la sacree Vierge: au premier, vous la salueres comme la plus chere Fille du Pere eternel; au second, comme Mere tres chere du Filz de Dieu; au troisiesme, comme Espouse bienaymee du Saint Esprit..

  A026001536 

 Au tems des secheresses, humilies vous, et au tems des sentimens et veüe de vostre misere, jettes vous au plus profond des entrailles de la misericorde divine..

  A026001538 

 N'ayes point soin de vous mesme, non plus qu'un voyageur qui s'est embarqué de bonne foy sur un navire, qui ne prend garde qu'a se tenir et vivre dans iceluy, laissant le soin de prendre le vent, tendre les voiles et faire voguer, au pilote sous la conduitte duquel il s'est mis..

  A026001547 

 Supportes genereusement les douleurs du cors et les plus violentes maladies, avec acquiescement a la volonté de Dieu..

  A026001555 

 Et apres avoir moy mesme reiteré le vœu solemnel de perpetuelle chasteté par moy fait en la reception des Ordres, lequel je confirme de tout mon cœur, je proteste et prometz de conduire, ayder, servir et advancer laditte Jeanne Françoise Fremyot, ma Fille, le plus soigneusement, fidellement et saintement que je sçauray, en l'amour de Dieu et perfection de son ame, laquelle des-ormais je reçois et tiens comme mienne, pour en respondre devant nostre Sauveur.

  A026001564 

 Estant a genoux devant vostre confesseur en la contenance la plus humble quil vous sera possible, vous vous representeres que vous faictes ceste action devant Nostre Seigneur crucifié, lequel vous prepare le pardon et l'absoulution [244] avec une douceur de misericorde incomparable.

  A026001569 

 Non seulement on se doit accuser des especes des pechés que l'on a commis, mais aussy du nombre d'iceux, disant combien de foys on a commis tel ou tel peché, au plus pres que l'on peut, selon la souvenance que l'on a; et si l'on n'a pas souvenance de la quantité des pechés, il suffit de dire combien plus ou moins environ; que si mesme on ne peut bonnement se resoudre de l'environ, il suffit de dire [245] combien de temps on a perseveré au peché et si on y est fort addonné..

  A026001570 

 Or, la necessité de dire au plus pres que l'on peut la quantité des pechés mortelz est essentiellement requise pour faire une bonne confession, d'autant que pour absoudre le pecheur de ses pechés, il faut avoir cognoissance de l'estat de sa conscience; mais on ne peut cognoistre l'estat d'une ame si on ne sçait a peu pres la quantité des pechés qu'elle a commis: car, quelle apparence y auroit il d'avoir en esgale consideration une femme, par exemple, qui n'auroit offencé de son corps qu'une seule foys, comme la sainte penitente Aglaë, et celle qui auroit offencé peut estre dix mille fois, comme on peut croire de sainte Pelagienne, de sainte Marie Ægytiaque et de sainte Magdelaine?.

  A026001576 

 De mesme il se peut faire qu'avec un mauvais exemple on scandalisera une seule personne, et qu'avec un autre mauvais exemple de mesme espece on scandalisera trente ou quarante personnes: et qui ne void que la malice de ce second peché est beaucoup plus grande que celle du premier? Ainsy, sy l'un tue une fille et l'autre tue une femme enceinte, ilz n'ont chacun fait qu'un seul coup; mays l'un neammoins, en un seul peché, a fait deux homicides, et par consequent son peché, quoy qu'il ne soit qu'un quant a l'acte, a neammoins double malice.

  A026001579 

 Le desir est un degré du peché, et la resolution d'exequuter en est un autre dont il se faut confesser, bien que par appres on ne vienne point a l'exequution; car qui desire et beaucoup plus qui se resoult de pecher, il a formé le peché dans son cœur, suyvant le dire de Nostre Seigneur: Qui regardera la femme pour la convoiter, il a desja adulteré en son cœur, et s'il n'a pas peché par effet, il a peché par affection.

  A026001582 

 Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et il n'est nullement loisible de prendre a son escient plaisir et contentement au peché ny par les actions du cors, ny par celles du cœur..

  A026001625 

 Et enfin, employant ou les bestes ou le diable, qui sont les deux plus malheureux exces de tous..

  A026001647 

 A la vaine gloire est attachée la jactance, qui consiste a se venter de chose mauvaise, ou de chose bonne, mais plus qu'on ne doit, ou avec mespris du prochain, comme quand on se vente d'estre plus que les autres; ou avec le dommage du prochain, comme quand on se vente de sçavoir guerir de telle et telle maladie, et que les personnes s'y amusent et sont trompées..

  A026001651 

 De tout cela naist la presomption, par laquelle on entreprend de faire, dire, paroistre et estre plus qu'il ne nous appartient: comme quand on veut parler de choses qu'on n'entend pas, ou faire un art que l'on ne sçait pas, ou paroistre plus que l'on n'est pas, ou qu'on veut estre plus que l'on ne peut pas.

  A026001685 

 Or, celuy est estimé ouïr la Messe entiere qui oyt presque toute la Messe, encor qu'il ne l'oye pas exactement toute: ainsy, celuy qui arriveroit quand on dit l'Epistre, oyant tout le reste de la Messe, satisferoit au commandement, l'Esglise n'ayant pas intention d'obliger plus rigoureusement que cela..

  A026001693 

 Premierement: de la part de nostre volonté, lorsque nostre liberté n'est pas parfaite et que, par consequent, [262] nostre volonté n'agist pas avec pleine deliberation ny avec un total usage de son franc-arbitre: comm'il arrive quelque fois que nous dirons un'injure a quelqu'un par une si soudaine surprise de colere, que nous l'avons plus tost dite que pensée; car alors, bien que d'injurier le prochain soit ordinairement un peché mortel, toutesfois, a raison de ce que l'acte de la volonté a esté fort imparfait et indeliberé, ce n'est qu'un peché veniel, parce que la contrarieté a l'amour de Dieu en cet acte de la volonté n'a pas esté une pleine et accomplie contrarieté, ains une contrarieté sortie par surprise et inadvertence et la volonté n'estant pas pleynement a soy mesme..

  A026001695 

 De mesme, joüer plus longuement qu'il ne faut par recreation c'est une chose qui n'est point louable, mais elle n'est pas de soy contraire a l'amour de Dieu et a l'amour du prochain; car, comme il appert, en cela il ny a point de meschanceté, mais seulement de l'inutilité..

  A026001699 

 De plus, tant que la commodité des affaires le peut permettre, ilz doivent avoir avec eux leurs femmes; le mariage estant ordonné, non seulement pour la generation des enfans, mais aussy pour le remede de la concupiscence..

  A026001701 

 Quand on s'est resoulu a bon escient de se retirer de ce vice, il est bon de s'en declairer parmy ceux qui sont le plus pres autour de nous, affin de nous brider par nostre propre parolle et declaration..

  A026001702 

 Bon encores en la priere du mattin et du soir de faire une resolution particuliere contre ce peché et offrir cette resolution a Dieu, tantost a l'honneur de sa Passion, tantost a l'honneur de sa Nativité, tantost a l'honneur de sa sepulture; quelquefois a l'honneur de la glorieuse Vierge Marie, sa Mere; d'autrefois a l'honneur de nostre Ange gardien; et ainsy diversement a l'honneur des Saintz que nous honnorons le plus, protestant que pour l'amour d'eux nous observerons nostre resolution.

  A026001726 

 Je le vous requiers, o la plus aymable de toutes les creatures, vous en conjurant par l'amour virginal que vous portastes a vostre cher espoux saint Joseph, par l'infini merite de la naissance de vostre Filz, par les tressaintes [268] entrailles qui l'ont porté et par les sacrees mammelles qui l'ont allaité..

  A026001731 

 Prosterné, ce me semble, en quelque petit recoin du mont de Calvaire ou Nostre Seigneur me voit, je vous escris ces lignes, ma tres chere Mere, pour vostre soulagement, comme un abbregé des resolutions plus convenables a vostre advancement devant Dieu..

  A026001748 

 En ce saint jour anniversaire auquel nous celebrons la memoire de nostre Redemption, je vous escris ces lignes, ma tres chere Fille, comme un abbregé des resolutions plus convenables a vostre advancement au pur amour de Nostre Seigneur crucifié..

  A026001754 

 Apres que nous aurons dit cela, ma tres chere Mere, que reste-il, sinon d'expirer et mourir de la mort de l'amour, ne vivant plus a nous mesme, mais Jesuschrist vivant en nous?.

  A026001758 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des contenances, [275] des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaitte obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour de nous mesme ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut adjouster la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creé? La distance et la presence n'apportera ni n'ostera jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A026001788 

 Premièrement tu dois demander à ton très cher Seigneur s'il trouvera à propos que tu renouvelles tous les ans, aux reconfirmations, entre ses mains, tes vœux, ton abandonnement general et remise de toi-même entre les mains de Dieu; spécifie particulièrement [279] ce qu'il jugera qui te touche le plus, pour enfin faire cet abandonnement parfait et sans exception, en sorte que je puisse vraiment dire: Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi.

  A026001795 

 Puysque Nostre Seigneur, des il y a si long tems, vous a tiree a cette sorte d'orayson, vous ayant fait gouster les fruitz tant desirables qui en proviennent et connoistre les nuysances de la methode contraire, demeures ferme et, avec la plus grande douceur que vous pourres, ramenes vostre esprit a cette unité et simplicité de presence et abandonnement en Dieu.

  A026001810 

 Il y a tant d'occasions de petites mortifications! cela surprend au milieu d'un compte, de quelque action, on a peine de se déprendre; il ne faut plus faire que trois points [282] pour achever l'ouvrage, une lettre à former, se chauffer un peu, que sais-je moi?.

  A026001811 

 Ouy, il est bon de ne s'attacher a rien tant qu'aux Regles; de sorte que sil ny a quelque signalee occasion, alles ou la Regie vous tire et la rendes plus forte que tous ces menus attraitz..

  A026001841 

 Mais vous sçaves tres bien que les sentimens, non plus que toute autre tentation, ne nous rendent pas moins aggreables a Dieu, pourveu que nous n'y consentions pas..

  A026001842 

 Que s'ilz vous importunent trop, il faut se mocquer de tout cela, comme seroit de leur faire la moue, et cela par un simple regard de la partie superieure; apres quoy il n'y faut plus penser, quoy qu'ilz veuillent dire..

  A026001844 

 Et tout cecy, il ne le faut plus faire, ains vous affermir a cela, de ne point vous laisser troubler pour quoy que ce soit.

  A026001846 

 Regardes Nostre Seigneur, et tasches d'aller au Dieu de toutes choses, multipliant le plus que vous pourres les oraysons jaculatoires, les veuës interieures, les retours, les eslans fervens de vostre esprit en Dieu, et je vous asseure que cecy vous sera fort utile..

  A026001849 

 Et quand vous sentires que la confiance vous manque pour recourir a Nostre Seigneur, a cause de la multitude de vos imperfections, faites alhors joüer la partie superieure de vostre ame, disant des paroles de confiance et d'amour a Nostre Seigneur, avec le plus de ferveur et le plus frequemment qu'il se pourra..

  A026001851 

 Je ne veux plus que vous soyes si tendre, ains que, comme une fille forte, vous servies Dieu avec un grand courage, ne regardant que luy seul; et partant, quand ces pensees, si l'on vous ayme ou non, vous arrivent, ne les regardes pas seulement, vous asseurant que l'on vous aymera tous-jours autant que Dieu le voudra, et que cela vous suffise.

  A026001852 

 Vous feries encores mieux de vous divertir, faysant accroire a vostre esprit qu'il n'en a point, n'en faysant non plus d'estat que si vous ne senties point l'effort de cette passion..

  A026001853 

 Plus vous vous sentes pauvre et destituee de toutes sortes de vertus, ayes de plus grandes pretentions de bien faire.

  A026001856 

 Travailles fidelement pour cela, bandes toutes les forces de vostre esprit pour l'acquerir, et prenes garde que la mortification [289] reluise en vostre exterieur; en sorte que les seculiers treuvent plus de sujet de l'observer, que non pas de bonne mine, ni de bonne façon..

  A026001887 

 Quand vous auries la plus mauvaise Superieure du monde et qu'elle vous auroit craché au nez, il ne faudroit jamais entrer en descouragement ni en desfiance, mais luy ouvrir tout vostre cœur en simplicité; je dis tous-jours selon la partie superieure.

  A026001892 

 Il faut demeurer la ou il y a plus de repugnance: c'est la ou il faut faire de plus grandes prattiques de vertu, obeissant avec respect, sousmission, amour, de bon cœur.

  A026001898 

 C'est le plus haut point de l'humilité de s'humilier pour Nostre Seigneur, parce qu'il s'est humilié pour nostre amour, pour nous donner exemple de faire comme luy..

  A026001912 

 Tasches d'acquerir la sainte tranquillité exterieure et interieure en toutes vos actions et vous formés selon cela; [296] et quand on ne sçait plus que faire a son esprit, qui est piqué et troublé, il se faut divertir.

  A026001914 

 Soyes la plus suave qu'il vous sera possible, et plus que toutes les autres.

  A026001925 

 En effect, nous ne sommes plus a nous mesme, nous sommes consacrés a Dieu pour l'aymer et servir parfaitement.

  A026001925 

 La generosité passe par dessus tout cela, ne s'attachant qu'a Dieu seul, pour l'amour duquel elle fait tout, et mortifie ce qui est d'humain pour ne vivre plus que pour luy.

  A026001932 

 Il se faut rendre gratieuse et affable a chacune, et satisfaire aussi les seculiers le plus doucement et courtement qu'il se peut; si vous ne pouves courtement, escoutes les avec patience et cordialité, les divertissant de leurs propos inutiles le plus doucement qu'il sera possible, et les caressés affablement.

  A026001936 

 Vous aves un esprit comme ces arbres qui ont tant de branches autour qui les empeschent de croistre: tant de menus desirs empeschent de croistre le plus grand, qui est de plaire a Dieu..

  A026001943 

 Quand on tombe en quelques defautz et imperfections, c'est un remede et moyen tres bon, et qui plaist fort a Dieu [301] et confond le diable, que de s'humilier tout aussi tost devant Dieu et eslever son esprit au Ciel, usant de ces paroles ou autres semblables: O Seigneur, vous voyes combien je suis fragile et miserable, et comme je tombe souvent; pardonnes moy, Seigneur, et donnes moy la grace de ne plus tomber.

  A026001943 

 » Et puis, ma chere Fille, ne penses plus a vostre faute.

  A026001945 

 Je me prometz beaucoup de vostre bon cœur, ma chere Fille; ne me trompes pas, car je veux que vous soyes la fille forte de ceans, la plus courageuse, douce et humble [302] de toutes, parce que vous estes nee entre mes bras.

  A026001946 

 Sçachés que vous satisferes asses pour vos pechés quand vous feres tout ce que vous faites purement pour Dieu et pour luy plaire, sans autre intention; et cela est plus parfait..

  A026001947 

 Et s'il faut avoir bon courage avec soy mesme, il le faut encor plus grand a supporter le prochain, avec amour, en ses defautz et retardement a la perfection par ses continuelles cheutes, sans se relever.

  A026001947 

 Il ne se faut pas estonner de se voir tous-jours faillir et tomber en des fautes; et comme il faut avoir un grand courage pour se relever quand on a failli, il le faut encor plus grand pour se supporter se voyant tomber souvent dans les mesmes fautes.

  A026001953 

 Mais il vous semble que vous ne faites rien si vous ne sentes des consolations et satisfactions en ce que vous faites, car nous aymons tant cela! — Oh! je veux que vous soyes plus courageuse, ma chere Fille, et que vous ne soyes attachee a rien, ni aux consolations sensibles de Dieu, ni aux affections des creatures.

  A026001953 

 Nostre Seigneur veut que nous facions quelque chose de plus que les payens qui ayment davantage ceux qui les ayment; il veut que nous exercions nostre vertu a l'endroit de ceux que nous aymons moins, et il le faut faire.

  A026001954 

 Hé, quand sera ce que vous pourrés dire avec l'Apostre: Ce n'est plus moy qui vis, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy. Il faut que ce soit tout a cette heure que vous soyes superieure de vous mesme et que vous soyes la nouvelle fille de Nostre Seigneur.

  A026001958 

 Reunisses vous fortement a Nostre Seigneur par le renouvellement [304] de vos vœux, avec le plus de ferveur qu'il vous sera possible; et vous jettes aux pieds de Nostre Dame et la tires par sa robbe, la priant qu'elle vous reçoive en sa protection comme une fille nouvelle, et qu'il luy playse visiter vostre cœur et le parfumer de sa tressainte humilité.

  A026001959 

 Il ne faut pas plus penser au lendemain pour l'esprit que pour le cors..

  A026001960 

 Une autre n'est point tentee, elle est plus parfaitte, parce que c'est un don de Dieu.

  A026001962 

 Quand nous voyons que nous ne sommes pas si parfaitte que nous voudrions, il se faut humilier devant Dieu et luy dire: Seigneur, vous voyes ce que je suis; je voudrois bien estre plus parfaitte pour mieux vous plaire et aymer..

  A026001963 

 Vous estes en la plus heureuse vocation du monde et en la grace de Dieu; si vous fussies demeuree au monde, vous eussies plus pati en un jour que vous ne feres icy en toute vostre vie.

  A026001981 

 Non seulement on est plus obligé a secourir les proches et voysins, mais il le faut faire..

  A026001985 

 Oh! il faut estre plus courageuse que cela, Il faut autant [309] aymer Nostre Seigneur, et plus, s'il est possible, au mont de Calvaire qu'en celuy de Thabor..

  A026001985 

 Sçaches, ma tres chere Fille, qu'on fait plus de chemin quand le tems est couvert qu'au grand de la chaleur; ainsy, quand on est en grande secheresse on avance plus au pur amour de Dieu, pourveu qu'on soit fidele et sans descouragement.

  A026001988 

 Addresses vous a Nostre Seigneur et luy dittes que vous le voules aymer et que vous estes toute sienne, et pour rien vous ne vous desmentires jamais de le vouloir servir le plus parfaittement qu'il vous sera possible en cette sorte de vie ou il vous a mise luy mesme par sa misericorde..

  A026001989 

 Soyes bien fidelle a faire tous les exercices de Religion avec le plus de ferveur que vous pourres.

  A026001992 

 Neanmoins il faut tascher de se vaincre et parler a cette Sœur le plus gratieusement qu'il est possible, prier Dieu pour elle, rechercher sa conversation, la caresser, estre bien ayse de luy rendre service.

  A026001994 

 Je vous diray, ma tres chere Fille, une chose que vous diries bien a une autre: c'est que ou il y a plus de repugnance, Nostre Seigneur veut que nous prattiquions plus de grandes vertus, car la vertu ne s'acquiert que par son contraire.

  A026001996 

 Il faut beaucoup aymer le prochain avec tendresse, specialement celles [envers] qui vous aves plus de repugnances.

  A026002001 

 En ce tems la, parles a Nostre Seigneur d'autres choses, le plus doucement, gratieusement et humblement que vous pourres..

  A026002001 

 Sainte Gertrude dit que Nostre Seigneur ayme mieux qu'on luy bayse les pieds avec de la repugnance que quand on y a bien du goust, parce qu'on fait plus pour son amour.

  A026002003 

 Et ne sçaves vous pas Jesus Christ crucifié? vous sçaves bien cela, c'est asses; vous sçaves plus que vous ne faites.

  A026002004 

 Nos saintz Peres ont eu des sentimens; vous n'estes pas plus qu'eux..

  A026002004 

 Saint Paul qui dit: Je ne vis plus, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy, se plaint et dit: Je sens une loy en mes membres qui repugne a celle [313] de mon esprit.

  A026002004 

 Vous aves plus de peyne a vaincre vos passions parce qu'elles sont fortes, mais la vertu en sera plus excellente et Nostre Seigneur vous en sçaura plus de gré.

  A026002012 

 Les Seurs perdent leurs ames venant icy, parce qu'elles n'ont plus a faire de la vie qu'elles menoyent au monde; il faut qu'elles vivent selon Nostre Seigneur crucifié, et le suivant, elles gaigneront leurs ames pour le Ciel.

  A026002017 

 Prenes soigneusement un point et vous mettes [315] en la presence de Dieu avec le plus d'humilité qu'il vous sera possible; tasches de faire vos considerations, si vous pouves, et si Nostre Seigneur vous tire et empesche par son attrait et inspiration de faire des considerations pour vostre amendement, ne les faites pas, vous les feres apres l'orayson si vous pouves; mais laisses aller vostre ame aux affections ou Dieu l'attire, sans vous rechercher ni regarder ce qui se passe en vous, mais soyes fidele a suivre l'attrait de Dieu..

  A026002019 

 Il s'y faut bien preparer, puis, si Nostre Seigneur prend nostre cœur, il le faut laisser faire et suivre son attrait, sans nous destourner pour regarder ce que nous faysons ou sentons, car c'est une des plus fines tentations et distractions que celle la; il [s'en] faut bien garder..

  A026002020 

 Ne faites pas cela; gardés vous de le plus faire, car c'est resister au Saint Esprit et luy faire la loy et vouloir se gouverner soy mesme.

  A026002021 

 Que vostre principal exercice soit de vous tenir tous-jours aupres de Nostre Seigneur, mais tranquillement; et ne laisses pas plus dissiper vostre esprit hors de l'orayson qu'en l'orayson, et soyes telle hors d'icelle comme vous voudries estre en la faysant.

  A026002035 

 Premierement, que cela arrive par la volonté de Dieu, ou permission, qui la juge estre a sa plus grande gloire et vostre plus grand bien que cela se fist ainsy..

  A026002038 

 La quatriesme, que la sainte humanité du Filz de Dieu a bien plus enduré, plus innocemment et plus injustement que vous; encourages vous donq par son exemple a patir, et vous res-jouisses d'avoir ce moyen de l'imiter en cela..

  A026002057 

 S'accoustumer a parler, et faire toutes ses actions petites et grandes, en la plus douce façon qu'il est possible..

  A026002065 

 Faire ferme resolution de ne plus tomber en sa faute.

  A026002134 

 Estre bien ayse que l'on ayme plus les autres que nous et que l'on se playse plus a leur conversation qu'a la nostre..

  A026002147 

 Ne faire non plus d'estat de tous nos sentimens, pour grans qu'ilz soyent, que nous ferions des abbayemens des chiens..

  A026002149 

 Pretendre au plus haut point de la perfection parmi la veuë et sentiment de nos miseres, foiblesses et infirmités, appuyees sur la misericorde de Dieu; ne se point estonner, encor que nous nous voyions comme engluees dans nos imperfections, attendant avec une douce et tranquille [325] patience nostre delivrance de Nostre Seigneur, et quand nous l'avons, la tenir bien chere comme un don pretieux de sa bonté..

  A026002187 

 De plus, remarques les illustrations que Dieu donne en l'orayson, nous faisant voir ....

  A026002194 

 Et moins nous sentons de capacité en nous pour ce faire, dautant plus nous nous devons serrés et ataché a Nostre Seigneur, nous confiant et apuyant toutalement en luy seul, en son assistance et en sa grace, laquelle sa Bonté ne manquera de nous donné pour nous acquiter de nostre devoir selon sa sainte volonté, si nous sommes remplie d'humilité et defiance de nous mesme; car il est tout assurer que nous ne pouvons chose quelconque de nous mesme, mais c'est la verité qu'en Dieu toutes choses nous seront possible..

  A026002210 

 Car ainsi ces sacrees parolles, filees, coulees et distilees par la pointe de nostre esprit en la mesme pointe de nostre esprit, la penetreront et detremperont plus intimement et fortement qu'elles ne feroyent pas si elles estoyent dittes par maniere d'eslans, d'orayson jaculatoyre et de saillie d'esprit.

  A026002226 

 Ayes une devotion particuliere a Nostre Dame et vostre bon Ange; puis, ma Fille, souvenes vous qu'il faut avoir plus d'humilité pour commander que non pas pour obeir.

  A026002227 

 De plus, il faut que vous fassies grande attention sur cette parole que j'ay mise dans les Constitutions, sçavoir, que la Superieure n'est pas tant pour les fortes que pour les foibles, bien qu'il faille avoir soin de toutes, affin que les plus avancees ne retournent point en arriere.

  A026002228 

 Remarques que celles qui ont le plus de mauvaises inclinations, sont celles qui peuvent parvenir a une plus grande perfection.

  A026002228 

 Soyes grandement tendre a l'esgard des plus imparfaittes, pour les ayder a faire grand prouffit de leur imperfection.

  A026002260 

 Quand les filles n'ont que 14 ans, il y a peu a dire pour les recevoir, si d'ailleurs elles sont bien conditionnees; et quand les filles ont fait leur essay dans la Maison on ne les fait pas sortir pour leur donner l'habit, ains tout cela se fait a la grille, parce qu'il a esté treuvé plus a propos pour eviter la presse et se conformer aux autres..

  A026002264 

 Il y en a qui tesmoignent la foiblesse du sexe, car si on les veut un peu tenir en devoir au tems de leurs maladies, elles se mettent au descouragement, s'imaginant d'estre abandonnees de Dieu et des creatures; que s'il leur semble que la Superieure n'ayt essayé que c'est d'estre malade, elles prendront plus mal ce qui viendra d'elle: et neanmoins le support ne procede que de la grace de Dieu, quoy que l'experience y serve en quelque façon pour la connoissance de cette infirmité..

  A026002268 

 Il y a plus de perfection a demander ses necessités que de se laisser a la providence des Superieurs, qui ne doivent pas se lasser a observer celle ci et celle la.

  A026002296 

 Serves vous volontier des conseilz, lhors qu'ilz ne seront point contraires au projet que nous avons resolu, de suivre en tout l'esprit d'une suave douceur et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur; car en fin, la beauté des filles du Roy est au dedans, qu'il faut que les Superieures cultivent, si elles n'ont elles mesmes ce soin, crainte qu'elles ne s'endorment dans leur chemin et ne laissent esteindre leurs lampes par negligence; car il leur seroit dit indubitablement comme aux vierges folles se presentant pour entrer au festin nuptial: Je ne vous connois point..

  A026002302 

 C'est es choses difficiles, malaysees et desaggreables que nous devons prattiquer la fidelité envers Dieu, laquelle sera d'autant plus excellente que nous aurons moins de choix a ce qui nous sert d'exercice.

  A026002302 

 L'amour propre se contente aucunement entre les souffrances, quand elles sont de son eslection; l'amour de Dieu s'exerce plus heureusement es sujetz que la Providence divine permet ou ordonne sans nous, mais sur nous et pour nous..

  A026002303 

 Si vostre cœur craint plus la tentation qu'il ne faut, il donne l'ouverture a son ennemy; comme au contraire, si nous avons une confiance filiale en Dieu et que nous nous retournions de son costé prenant asseurance en sa bonté, l'ennemy craindra de nous tenter, voyant que sa tentation nous donne sujet de nous jetter entre les bras de Nostre Seigneur.

  A026002306 

 Tout ainsy comme nous aydons aux malades, quand nous les allons visiter, a supporter leur mal en le regrettant et lamentant, de mesme aussi la devotion nous ayde, quand elle est simple et selon Dieu, a supporter plus patiemment les afflictions et tribulations quand elles nous arrivent..

  A026002318 

 C'est pourquoy, ceux qui sont sujetz a beaucoup d'occupations, je leur conseille de faire leurs exercices spirituelz courtement, affin qu'ilz les puissent faire plus attentivement, s'y adonnant avec l'esgalité de l'esprit, qui est un des plus illustres ornemens de la vie chrestienne et un des plus aymables moyens pour acquerir [354] et conserver la grace de Dieu, et mesme de bien edifier le prochain; n'y ayant rien aussi qui detraque tant le bon estat du cœur, ni qui rende plus malaysee la conversation humaine que la bigearrerie de l'ame..

  A026002318 

 Et en suite de cela, il est a noter que nous ne sommes pas obligés sous peyne de peché mortel ni mesme veniel d'ouyr la Messe, si ce n'est les jours de festes et Dimanche, non plus que d'ouyr les prieres extraordinaires du soir; * nous ne sommes point obligés d'ouyr Vespres ni de dire le Benedicite entrant a table, ni Graces en sortant, sous peyne de peché; et pourtant, quand nous faysons ces actes de religion et de devotion, nous sommes obligés de les faire serieusement et avec reverence.

  A026002319 

 C'est une des plus blasmables conditions des creatures que d'estre immortifiees, c'est a dire d'estre sujettes a estre de differente humeur: tantost chagrine, melancholique, tantost colere, tantost rieux, tantost serieux, tantost censeur; comme au contraire, c'est une inestimable perfection que d'avoir une humeur douce, esgale et qui face bon rencontre a quelqu'heure et a quelque tems que ce soit.

  A026002327 

 Que vostre rire soit moderé, et mesme envers les femmes, avec lesquelles on peut avoir un peu plus d'affabilité et de cordialité.

  A026002332 

 En fin, c'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde, pour nous enseigner ce que nous devons faire: et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modele pour ce sujet, nous devons grandement estre excités a considerer ses œuvres pour les imiter, parce que c'est une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous avons a faire et que nous faysons, que de [357] les faire parce que Nostre Seigneur les a faites, c'est a dire prattiquer les vertus parce que Nostre Seigneur les a prattiquees et comme il les a prattiquees.

  A026002334 

 Il y a tout a craindre en ces manieres d'oraysons relevees; mais l'on peut marcher en asseurance dans la plus commune, qui est de s'appliquer tout a la bonne foy autour de nostre Maistre pour apprendre ce qu'il veut que nous fassions..

  A026002334 

 Mais, generalement parlant, il faut faire que toutes les filles, tant qu'il se peut, se tiennent en l'estat et methode d'orayson qui est la plus seure, qui est celle qui tend a la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disions premierement, qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur.

  A026002335 

 La Superieure peut, en quelque grande et signalee occasion, faire faire deux ou trois jours de jeusne a la Communauté, [358] ou bien seulement aux filles qui sont plus robustes; faire quelque discipline, plus librement que de jeusner, car c'est une mortification qui ne nuit point a la santé, et partant, toutes la peuvent faire en la sorte qu'on la fait ceans.

  A026002337 

 Il me semble que ce devroit estre la prattique principale d'une Superieure que d'aller devant ses filles en cette simplicité, que de ne rien faire ni de plus ni de moins qu'elles font; car cela fait qu'elle est grandement aymee, et qu'elle tient merveilleusement l'esprit de ses filles en paix.

  A026002338 

 Pour communier une fois toutes les semaines de plus que la Communauté, vous le pouves bien faire, et a vostre tour comme les autres; et mesme pour communier plus souvent extraordinairement.

  A026002340 

 Il ne me semble pas que vous devies maintenant faire plus d'attention sur aucune autre prattique que sur celle de la tres sainte charité a l'endroit du prochain, en le supportant doucement et le servant amoureusement; mais en sorte que vous observies tous-jours de conserver l'authorité et gravité de Superieure, accompagnee d'une sainte humilité..

  A026002341 

 Je ne dis pas que vous soyes tous-jours attentive a la presence de Dieu, mais que vous multipliies le plus qu'il se pourra les retours de vostre esprit en Dieu.

  A026002341 

 Quand vous aures jugé que quelque chose se doit faire, marches seurement et sans rien craindre, regardant Dieu le plus souvent que vous pourres.

  A026002350 

 Parmi les pauvres du monde, celuy qui n'a que des haillons a faire paroistre et des playes a monstrer s'estime le plus advantagé, esperant que, par la descouverte de sa pauvreté, il recevra de plus grandes aumosnes.

  A026002353 

 C'est en cette consideration que [362] je vous prie de le tenir le plus joyeux que vous pourres; mesnages le, affin quil fasse de grans progres.

  A026002354 

 Alles librement, ma chere Fille, vous consacrer a nostre divin Sauveur; donnes luy le sacré bayser de la charité, et continues tous-jours a vous humilier profondement, affin que vous l'approchies sans crainte; car je croy que le plus grand moyen pour arriver a la perfection est de recevoir Jesuschrist, pourveu qu'on ayt soin de destruire tout ce qui peut luy desplaire.

  A026002354 

 Croyes moy, ma Fille, rien ne me fortifie plus l'estomac que de ne manger que d'une viande qui soit excellente; nourrisses vous donq de la viande des Anges.

  A026002354 

 Il vous fera faire une bonne digestion de luy mesme, il se communiquera a toutes vos puissances, il agira en vous, il y operera; ce sera luy qui esclairera vostre esprit, qui eschauffera vostre volonté, et ne sera plus vous qui vivres, ce sera Jesuschrist en vous.

  A026002365 

 Croyes moy, que dans la mayson du Seigneur les emplois les plus vilz ne sont pas les moins advantageux; mais le cœur qui est indifferent dit mesme qu'il ne peut pas envisager les advantages qui s'y trouvent.

  A026002365 

 Je sçay que c'est mon Dieu, qui m'ayme, qui m'a choysi cest employ et cette maniere de vie; je ne veux plus envier l'excellence des autres, mais je veux me perfectionner sans empressement et sans inquietude.

  A026002365 

 Ma chere Fille, si vous connoissies le thresor qui est enfermé dans l'abandon total que l'ame fait de tout elle mesme entre les mains de Dieu pour ne plus vouloir que ce qui luy plaist, vous souspireries apres cet estat, et vous ne souhaitteries rien que d'estre ce que Dieu veut que vous soyes.

  A026002380 

 Ne se vanter jamais de ce que l'on a esté au monde, n'en vouloir estre loüé ni estimé; fuir cela tant qu'il se peut, craignant que nostre pauvreté n'en soit plus prisee, c'est imiter la souveraine humilité de Nostre Seigneur.

  A026002393 

 L'indifference consiste a n'incliner pas plus d'un costé que d'autre; de sorte que le parfait obeissant, encor qu'il soit resolu d'accomplir tout ce qui sera de precepte, de Regie, d'ordonnance, il est indifferent a tout le reste, ayant tous-jours au cœur et en la bouche: Seigneur, que voules vous que je face?.

  A026002403 

 Le soir, ne manques point de faire encor une reveüe, pour voir si vous seres plus souvent tombé aux imperfections que vous aves remarqué en vous sur le midy, ou si vous aves esté plus prompt a l'exercice de la vertu.

  A026002410 

 Consideres secondement, qu'encor qu'il ne nous aye point obligé a plus grand service qu'a celuy que nous luy rendons en gardant ses Commandemens, si est ce qu'il nous a invités et conseillés a faire une vie tres parfaite, et observer l'entier renoncement des vanités et convoytises du monde..

  A026002411 

 Consideres troysiesmement, que, soit que nous embrassions les conseilz de Nostre Seigneur nous rangeant a une vie plus estroitte, soit que nous demeurions en la vie commune et en l'observance seule des Commandemens, nous aurons en tout de la difficulté: car si nous nous retirons du monde, nous aurons de la peyne de tenir perpetuellement bridés et sujetz nos appetitz, renoncer a nous mesmes, resigner nostre propre volonté et vivre en une tres absolue [371] sujettion sous les loix de l'obeissance, chasteté et pauvreté; si nous demeurons au chemin commun, nous aurons une peyne perpetuelle a combattre le monde qui nous environnera, a resister aux frequentes occasions de pecher qui nous arrivent, et a tenir nostre barque sauve parmi tant de tempestes..

  A026002412 

 Hors du monde, le seul contentement d'avoir tout quitté pour Dieu vaut mieux que mille mondes; la douceur d'estre conduit par l'obeyssance, d'estre conservé par les loix, et d'estre comme a couvert des plus grandes embusches, sont de grandes suavités: layssant a part la paix et tranquillité qu'on y treuve, le playsir d'estre occupé nuit et jour a l'orayson et choses divines, et mille telles delices.

  A026002426 

 Cela fait, vous dires avec grande foy le Credo, et pour vous preparer a dire plus devotement le Chapelet, vous imploreres le secours divin en disant: Deus, in adjutorium meum intende: Domine, ad adjuvandum me festina; et vous adjousteres: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, et ce, avec un grand desir d'adorer et glorifier la tres sainte [374] Trinité; et en fin adjousteres le devot hymne: Memento, salutis auctor, avec le verset Dignare me laudare te, Virgo sacrata..

  A026002427 

 Et a cette intention, au premier grain des trois petitz, vous salueres Nostre Dame comme la Fille la plus chere du Pere eternel; au second, vous la salueres comme Mere tres chere du Filz de Dieu, nostre Sauveur; et au troysiesme, vous la salueres comme Espouse bienaymee du Saint Esprit..

  A026002428 

 Cela fait, vous commenceres a mediter les misteres du Rosaire, prenant ou les joyeux, ou les douloureux, ou les glorieux, ou mesme quelque autre devot sujet, tel que Dieu vous inspirera, vous entretenant en la meditation d'iceluy pendant que vous dites la premiere dizaine; et me semble encor estre plus utile de s'y entretenir quelque peu avant que de la commencer.

  A026002428 

 Et apres, dires l'Orayson dominicale, par laquelle doivent commencer toutes vos oraysons, comme estant la plus excellente que nous puissions faire; et ensuite vous dires les dix Ave Maria, continuant en cette maniere de dire les cinq dizaines d'une partie du Rosaire..

  A026002589 

 Ensuite, je commenterai le Notre Père plus amplement que ce que je communiquai autrefois de bouche à Votre Excellence..

  A026002589 

 Et afin que la chose soit rendue plus facile à Votre Excellence, je mettrai ici quelques points à méditer sur chaque parole du Notre Père, comme vous me l'avez demandé par vos lettres.

  A026002593 

 Un pauvre berger qui garde ses brebis dans les champs s'estimerait heureux et bien fortuné si Votre Excellence l'adoptait pour fils et pour son héritier; bien plus, etc. Nous pouvons [378] dire à bon droit ce que David répondit au roi Saül quand il lui offrit pour épouse sa fille [Mérob]: Qui suis-je et qu'est-ce que ma vie, qu'est-ce que la famille de mon père en Israël, pour que je devienne le gendre du roi? Et qui suis-je, ô Dieu du Ciel, pour que vous me vouliez pour votre enfant et que vous vouliez que je vous appelle Père?.

  A026002601 

 Que Votre Excellence considère que ce grand Père a voulu communiquer à tous cette très excellente dignité; c'est pourquoi il ne dit pas qu'il est Père des riches et des seigneurs, mais nôtre, c'est-à-dire de tous, même des pauvres: comme le soleil, qui darde ses rayons, sa lumière et sa splendeur sur la plus petite plante, sur la plus petite fleur qui se trouve sur une grande montagne, et sur la montagne même.

  A026002603 

 Ici je m'offrirai tout entier à lui, lui demandant de n'être plus à moi, mais tout à lui, puisqu'il daigne être tout mien..

  A026002607 

 Le ciel est fort, mobile, rempli d'étoiles; je le prierai de me rendre fort dans son saint service, de me donner un mouvement continuel d'amour envers lui, d'orner mon âme d'autant de vertus qu'il y a d'étoiles au ciel et d'y mettre les deux grands luminaires: le plus grand, l'amour fervent de sa Majesté; le plus petit, celui du prochain..

  A026002609 

 Pour que je comprenne bien que mon âme ne doit pas embrasser la terre, mais le Ciel; qu'elle ne doit plus cheminer ayant l'affection aux choses basses et transitoires, mais s'élever aux choses du Ciel, afin que notre conversation soit dans les Cieux, où nous avons pour Père Dieu lui-même.

  A026002658 

 Et si je ne m'amende pas, appesantissez, [389] ô Père, votre sainte main et frappez-moi plus fort avec des tribulations, des maladies, des afflictions et des angoisses.

  A026002660 

 Quelle plus grande joie puis-je avoir que de me ressouvenir que j'ai un Père si bon, qu'il est la bonté même; si saint, qu'il est la sainteté même; si sage, qu'il est la sagesse même, et enfin si puissant, qu'il peut toutes choses au Ciel, sur la terre et dans les abîmes.

  A026002662 

 Donnez-moi, ô Père, le veau gras, c'est-à-dire votre Fils béni dans le Très Saint Sacrement, [392] afin qu'il soit la nourriture de mon âme et par sa grâce la plus abondante..

  A026002662 

 Enfin, ce mot de Père m'encourage, afin que lorsque je tomberai je coure me jeter dans vos bras avec contrition, car je serai reçu bien plus amoureusement que l'enfant prodigue.

  A026002663 

 Il suffisait à l'apôtre Paul de savoir seulement et de comprendre [ Jésus-Christ ] crucifié; et à moi il suffit de savoir et de comprendre cette parole: Père, parce que la comprenant, je saurai que vous m'avez pris pour votre fils adoptif, qui est la plus grande dignité qui existe au Ciel et sur la terre après celle de fils naturel, qui appartient en propre à votre Fils unique et mon Seigneur Jésus-Christ..

  A026002667 

 Il me semble, Seigneur, que vous êtes comme le soleil qui communique sa lumière et envoie ses rayons à la plus petite fleur de la montagne comme à la montagne même; ainsi vous, mon Seigneur, communiquez également votre nom si doux de Père aux grands et aux petits, aux riches et aux pauvres, et vous voulez que pour cela nous vous appelions nôtre..

  A026002667 

 Vous êtes, Seigneur, notre Père: qu'elle est grande votre bonté! Vous ne vous contentez pas de communiquer ce nom de Père à vos Anges et à vos Saints qui sont dans votre maison, mais vous voulez aussi le communiquer à ceux qui sont dans ce monde, et non seulement [393] aux riches et aux puissants, mais aux plus pauvres bergers qui, sur les ponts et dans les forêts, dorment sur la terre nue.

  A026002670 

 Enfin vous êtes notre Père parce que vous vous employez tout entier pour nous, si pauvres, et parce que vous nous avez tout communiqué en ce monde dans le Très Saint Sacrement; et puis, au Ciel, vous vous communiquerez plus manifestement, nous découvrant votre bienheureuse essence, les trésors infinis de votre béatitude et la gloire de votre Majesté.

  A026002676 

 Avec ce grand feu, embrasez mes affections, afin que je n'aille plus mendier les choses viles de la terre, mais qu'entraîné par sa vertu je cherche les choses éternelles du Ciel..

  A026002677 

 Père saint, il est bien juste que puisque vous, mon Dieu, mon Père et mon héritage êtes au Ciel, je ne cherche ni ne m'embarrasse plus de la terre; qu'ai-je à faire de la terre, ô Père, puisque tout mon bien, tout mon trésor est au Ciel? Si vous, mon Père, êtes au Ciel, il suit de là que moi, votre enfant, je suis étranger dans ce monde et que je marche toujours vers ma patrie, qui est le Ciel.

  A026002677 

 Si le pèlerin, quand il marche, a le corps sur la route et l'âme en la douce patrie, chaque heure lui semblant mille ans pour le désir qu'il a de l'atteindre et de voir son cher père et ses très doux frères, pourquoi n'en sera-t-il pas ainsi de moi? Pourquoi, notre Père, mon âme ne converse-t-elle pas dans les Cieux comme l'âme de votre saint Apôtre qui disait: Notre conversation est dans le Ciel, et pourquoi chaque heure de cet exil ne me semble-t-elle pas mille ans? pourquoi ne désiré-je pas voir mes chers frères, qui sont [398] les Anges et les Saints? pourquoi, Père, ne réputé-je pas toutes les choses de cette vie, basses, viles et indignes d'y attacher mon cœur, puisque je suis créé pour posséder les biens du Ciel? Il est hors de doute, ô Père, que ce serait un grand déshonneur pour le fils d'un grand prince ou d'un roi d'étriller de ses mains les chevaux ou, avec les mêmes mains, ramasser les immondices et le fumier dans les rues; mais c'est un bien plus grand déshonneur pour moi de ce que sachant, ô Père céleste, que vous m'avez adopté pour votre fils et que vous me préparez des biens infinis, des richesses inestimables et même le royaume du Ciel, je m'abaisse et me rende méprisable en recherchant les choses viles et basses de ce monde.

  A026002683 

 Faites, ô Père, que mon âme et celles du monde entier aient toujours une plus claire connaissance de votre Majesté.

  A026002683 

 Père, avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur: nous connaissons la largeur de vos bienfaits envers nous, qui est plus vaste que la mer et la terre; la longueur de vos promesses, [400] qui sont infinies; la hauteur de votre Majesté, qui est immense; la profondeur de vos jugements, qui sont un abîme..

  A026002684 

 Les cieux, avec leurs continuels mouvements, les étoiles avec leur brillante lumière, et surtout ces deux plus grands luminaires, le soleil et la lune, par la splendeur de leur clarté, m'excitent à adorer et bénir votre saint Nom.

  A026002694 

 Dans ce royaume vous voulez régner; je vous le rends, ô Père, je vous le donne, qu'il soit bien vôtre, puisqu'en réalité il est vôtre; que je ne l'usurpe pas, que je ne le livre plus au démon, au monde ni à la chair, qui sont de très cruels tyrans, mais à vous qui en êtes le vrai Seigneur.

  A026002700 

 Je vous prie aussi, Père, que de même que les esprits angéliques, signifiés par les cieux, font toujours votre très sainte volonté, de même l'âme des pécheurs, représentés par la terre, fasse aussi ce qui est de votre volonté, car de cette manière ils ne vous offenseront plus..

  A026002702 

 Que l'accomplissement de votre volonté soit le plaisir, le contentement, la joie de mon âme en tout lieu et en tout temps; car je sais, Père, qu'il est plus utile à mon âme de souffrir tous les tourments du monde, si telle est votre volonté, que de jouir de tous les divertissements et plaisirs des enfants d'Adam.

  A026002716 

 Quel est le père qui ne remettrait pas à son fils tombé en grande pauvreté n'importe quelle dette, si humblement il le lui demandait? Et qui donc, ô Père saint, est un fils plus pauvre et plus chargé de dettes que moi? Voici que, comme un autre publicain, humblement je vous prie: remettez-moi tant de dettes de péchés par lesquels je vous ai offensé; « O Dieu, dont le propre est de faire toujours miséricorde et de pardonner, » ayez pitié de ce pauvre enfant et remettez-moi toutes mes dettes.

  A026002717 

 Voilà, ô Père, que votre miséricorde se rencontre avec le plus grand pécheur entre tous les pécheurs, avec celui qui a plus de dettes qu'aucun autre enfant d'Adam: effacez mes péchés, remettez-moi la grande somme de mes dettes et passez toujours plus avant pour chercher les autres débiteurs.

  A026002723 

 Faites, Seigneur, que, comme l'or dans la fournaise devient plus beau, ainsi mon âme jetée dans la fournaise des tribulations, devienne plus pure, lumineuse et resplendissante.

  A026002723 

 Que je sois plutôt comme vos Saints qui, en ce monde, jetés dans les flammes et le feu, restèrent forts et fermes, et ensuite, comme des pierres précieuses, en sortirent avec plus de splendeur et de lumière.

  A026002727 

 Qu'ils sont nombreux, Père, ceux qui ont encouru ce malheur! Ils avaient commis moins de péchés que moi; et combien, parce qu'il ne leur fut pas donné, comme à moi, le loisir de faire pénitence, moururent misérablement dans leurs péchés et se perdirent! Je vous en prie, ô Père, délivrez-moi désormais de toute faute, afin que j'échappe aux peines de l'enfer; faites, Seigneur, que je ne vous offense plus; vous avoir offensé dans le passé est bien suffisant.

  A026002728 

 Que d'aveugles, que de sourds, que de muets, que de paralytiques sont au nombre des enfants d'Adam! et vous, Seigneur, m'avez préservé de tous ces maux, bien que je fusse comme eux enfant d'Adam, et pécheur plus qu'eux tous; cependant, cela me servirait de peu de chose ou même de rien, si vous ne me délivriez du mal du péché.

  A026002730 

 Ne me regardez pas, ô Père, moi qui suis le plus grand de tous les pécheurs, mais regardez votre Fils très saint et béni, le plus grand de tous les Saints, voire le Sanctificateur d'eux tous; et par l'amour que vous lui portez, accordez-moi ce qu'il m'a ordonné de vous demander..

  A026002851 

 Vous estes ma Mere et ma Souveraine; partant je vous supplie de m'accepter pour vostre filz et serviteur, parce que je ne veux plus avoir de Mere et de Maistresse que vous.





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